Dossiers Publics mars 2022

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IMPRESSUM Dossiers Publics - Mars 2022

Rédaction, administration Rêmedia SA Rue des Vollandes 19, 1207 Genève Tél. +41 (0)22 809 94 10 info@re-media.ch www.dossiers-publics.ch Editeur Rêmedia SA Fondateur Roland Ray Directrice de publication Aby Wane Journalistes Charles Peguiron, Kathleen Sylvester, Michelle Yade, Raphaël Klemm Correcteur Ludovic Roulin Ont collaboré à ce numéro Leonidas Perroit, Félix Portaz, Jean Léger, Vincent Luyet, David Alaverdyan, Valérian Cerino, Charline Pasche Remerciements Christian Gorce, Roxane Bellon, Fabien Clément, Pierre-Yves Kohler

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CONSTRUCTION IMPLANTATION RENOVATION AMENAGEMENT & EQUIPEMENT

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GESTION Production Régis Chamberlin - ChamberlinProd Graphisme, infographies et illustrations Lionel Portier

OPERATIONS ADMINISTRATION & FINANCES SERVICE CLIENTS SYSTEMES DE PAIEMENT

Diffusion et abonnements diffusion@re-media.ch Publicité Aby Wane aby.wane@re-media.ch +41 22 809 94 49

Photos : © DR sauf mention contraire La reproduction, même partielle, des articles, photos et illustrations parus dans Dossiers Publics n’est autorisée qu’avec l’accord formel de l’éditeur. L’éditeur n’assume aucune responsabilité pour les textes et les illustrations qui ne sont pas issus de la Rédaction du magazine.

ISSN : 2504-2246 Prix au numéro : CHF 12,50

©2022 Rêmedia SA

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DOSSIERS PUBLICS AUTOMNE 2021

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Édito Le développement industriel fulgurant du début du XIXe siècle en Europe centrale conduit à la nécessité de former des ingénieurs pour répondre aux nouveaux besoins de la société En 1854, la Confédération fonde l'Institut polytechnique qui devient, dès 1911, l'École polytechnique fédérale de Zurich. Un an auparavant était créée l'École spéciale de Lausanne qui allait devenir, dès 1969, la seconde École polytechnique de Suisse. En 1837, la SIA commence ses travaux et publie, dès 1883, les premières normes. À Genève, le Technicum voit le jour en 1901 à l'initiative d'anciens du Collège Calvin qui, après avoir poursuivi leurs études à Zurich, voulaient que leur ville d'origine possède une institution capable de former de bons techniciens. Il deviendra la Haute École du paysage, de l'ingénierie et de l'architecture. À la même époque, des initiatives comparables sont menées dans d'autres cantons. Enfin, la nécessité de disposer d'infrastructures routières adaptées et normalisées conduit à la création en 1913 de la VSS. Depuis plus de 150 ans, la Suisse a su former des bâtisseurs de haut niveau qui ont démontré, sur son territoire comme à l'étranger, leurs compétences et leur capacité d'innovation. Le précieux savoir-faire des ingénieurs civils a permis d'assurer, dès le début du XXe siècle, la construction d'infrastructures publiques modernes essentielles : ponts, tunnels, infrastructures ferroviaires, routières, aéroportuaires ou encore hydrauliques. Elles ont très favorablement contribué à la prospérité de notre pays et permis à sa population de jouir d'une certaine qualité de vie. Les collectivités publiques ont aujourd'hui un rôle majeur à jouer non seulement en assurant la pérennité du patrimoine des infrastructures publiques existantes mais aussi en assurant son adaptation aux évolutions économiques, sociales et environnementales du XXIe siècle. Leurs services techniques, tout comme les bureaux d'ingénieurs qu'elles mandatent, doivent être parfaitement sensibilisés à ces nouveaux enjeux et utiliser leurs compétences, leur expertise et leur créativité pour répondre aux besoins de la société, en particulier ceux de la transition écologique, afin de développer et aménager des infrastructures durables et résilientes. Les ingénieurs restent aujourd'hui encore au cœur de la dynamique de notre pays !

Christian Gorce

Ingénieur cantonal, Genève DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

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Sommaire Instantanés, Nominations

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Grande Interview

Olga Darazs

Présidente du conseil d’administration du Groupe CSD

Ingénieuse, par nature

12 16 38 22 24 Le saviezvous ? 8 inventions suisses qui ont modelé le monde

L'ingénierie à la pointe de l'innovation

en 9 exemples

Patrick Alberti Directeur Alberti Ingénieurs SA

Une expérience familiale au service de l’ingénierie civile

Hommage

Justo,

Le maçon de Dieu 60 ans de sa vie à bâtir seul une cathédrale

ARCHITECTURE ROMANDE D'EXCEPTION

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46 54 DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

Minergie Le label suisse de l’air frais

Mobilité : Les pionnières de la route Les smartshuttles du Mobility Lab Sion-Valais

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Formation : Interview

Nils Soguel

Présentation des 2 vainqueurs

Directeur de l’institut de hautes études en administration publique (IDHEAP)

Cybersécurité : Hackers contre collectivités publiques : un match attaque-défense

CONCOURS : STARTUP BATTLE 2021

60 62 66 88 72 80 9e Forum mondial de l'eau à Dakar

SALONS

ENERGISSIMA Bulle (FR) SIAMS Moutiers (JU)

SECURITY DAYS Fribourg (FR)

HISTOIRE

30 ans après la fin de l'URSS L’Afghanistan au sein des relations internationales : passé et présent

14 Infographies

L'ingénierie suisse en chiffres et graphiques

34 Réalisation : Stellar

Un bâtiment au cœur de la zone Plan-les-Ouates

36 Urbanisme : Végétaliser les toitures en ville Une idée pas tombée de la dernière pluie

40 Matériau : Construire en terre crue Le nouveau phénomène dans la construction

42 Concours : Prix Lignum 2021

Les meilleures réalisations en bois durables et exemplaires

50 Infographies : La construction suisse en 8 graphiques

68 Interview : Career Women's Forum

Certificate of Advanced Studies (CAS) Outils de management public Lier le management des entités administratives avec leurs impacts sur le terrain sociétal

Public Affairs & Lobbying Une formation continue certifiante bilingue (FR-DE) unique en Suisse

Les femmes sur le devant de la scène

70 COVID-19, enfin... la fin 76 Forum : Interview

Renaud de Watteville Président et fondateur d'A2W

Renseignements & inscriptions formationcontinue.gestion@he-arc.ch www.heg-arc.ch

94 Livres : Biblio

5 ouvrages sur l'architecture

95 Trait d’humeur DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

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INSTANTANÉS

SUISSE

> UN ÉCRIVAIN GRISON LAURÉAT DU GRAND PRIX SUISSE DE LITTÉRATURE 2022 Le Grand Prix suisse de littérature 2022 a été attribué à Reto Hänny pour l’ensemble de son œuvre. La remise des prix se tiendra le 25 mai 2022 en préouverture des Journées littéraires de Soleure. Né en 1947 à Tschappina, dans les Grisons, Reto Hänny a été lauréat du Prix Ingeborg-Bachmann en 1994. Ses oeuvres les plus importantes sont Sturz (2020), Blooms Schatten (2014), Helldunkel. Ein Bilderbuch (1994), Flug (1985), Zürich, Anfang September (1980), Ruch. Ein Bericht (1979).

> ÉTUDE SUR LES SDF EN SUISSE Il y a environ 2200 personnes sans abri en Suisse et environ 8000 personnes risquent de perdre leur logement. C'est ce qui ressort d'une étude sur les SDF en Suisse réalisée par la Haute École de travail social de la HES du Nord-Ouest de la Suisse sur mandat de l’Office fédéral du logement. Quelque 22 cantons et 616 communes ont participé à l'étude. Les villes et les agglomérations sont le plus touchées par ce phénomène. La surconsommation, l'endettement et les drogues sont les principales causes du problème.

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DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

> EPFL: ÉTUDIER LES NUAGES POUR COMPRENDRE LE CLIMAT Une campagne de mesures atmosphériques de grande envergure s’est déroulée l'automne passé en Grèce pour recenser, compter et caractériser les particules en suspension dans l’air, à l'origine des formations nuageuses. Une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’EPFL a mené cette campagne de mesures atmosphériques d’une ampleur inédite.

> SUISSE : EFFETS INDÉSIRABLES DU VACCIN Au total, 12 334 déclarations d’effets indésirables de vaccins contre le COVID-19 ont été évaluées en Suisse par Swissmedic à la date du 8 février 2022. Quelque 67,7 % des déclaration portaient sur le vaccin Moderna (63 % des doses administrées en Suisse) et 3'627 (29,7 %) sur le vaccin Pfizer (37 % des doses de vaccin administrées. Dans 199 des cas graves, un décès a été enregistré. Les personnes décédées avaient en moyenne 79,5 ans. > EMPLOI : LES MOINS DE 30 ANS DE MOINS EN MOINS NOMBREUX Selon l’Office fédéral de la statistique, en 2020, les moins de 30 ans représentaient 22,0 % de la population active. Il y a 30 ans, cette tranche d'âge constituait 29,7 % de la population active. Près d’un tiers des jeunes cumulant formation et emploi en 2020 ont un contrat de durée déterminée et près d’un sur sept travaille sur appel. Le taux de chômage chez les moins de 30 ans est de 6,9 %, soit près de la moitié de la moyenne de l’UE.


INSTANTANÉS

CANTONS VS : ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX EXPLIQUÉS AUX ÉLÈVES Le Musée de la nature du Valais et la Haute École pédagogique du Valais présentent l’exposition itinérante Objectif Terre aux établissements du secondaire postobligatoire. Cette expo permet de mieux comprendre les enjeux liés aux choix relatifs à l’avenir de la planète. Conçue et élaborée en collaboration avec des enseignants, elle est destinée à près de 10 000 apprentis et étudiants valaisans. Objectif Terre sera traduite en allemand pour le Haut-Valais. L’exposition, que les différents établissements du secondaire II accueilleront à tour de rôle jusqu’à la fin 2023, devrait ensuite être présentée dans d’autres cantons.

FR : ALICE ET GABRIEL AU TOP DES PRÉNOMS DES NOUVEAU-NÉS Quels sont les prénoms des nouveau-nés les plus tendance du canton de Fribourg ? Selon le Service de la statistique, en 2021, les prénoms Alice et Emma occupent respectivement la première et la deuxième place chez les filles. Mia a supplanté Eva au 3e rang. Chez les garçons, le prénom Gabriel remonte en tête du classement, suivi par les prénoms Liam et Arthur.

VD : PC FAMILLES, UNE BÉQUILLE POUR ÉVITER L'AIDE SOCIALE « Les prestations complémentaires (PC) familles représentent un coup de pouce financier parfois nécessaire afin d’éviter la précarisation et le recours à l’aide sociale », a déclaré la conseillère d'État vaudoise Rebecca Ruiz, à l'occasion des dix ans de cette mesure lancée en 2011. En tout, plus de 14 100 familles ont bénéficié des PC familles et 36 % d'entre elles sont sorties de tout régime d’aide. Cet appui financier est destiné aux familles qui travaillent, mais n’arrivent pas à couvrir leurs besoins essentiels.

VD : 19 MILLIONS DE FRANCS POUR L'ENTRETIEN DES ROUTES Le Gouvernement vaudois présente au Grand Conseil une demande de crédit de 19 millions de francs pour « des travaux d'entretien des routes sur le réseau cantonal hors traversée de localités ». Ce crédit permettra de renouveler le revêtement d’environ 37 kilomètres afin de « maintenir un réseau routier cantonal efficace et sûr pour toutes les catégories d’usagers de la route, du cycliste à l'automobiliste, en passant par les transports publics et les véhicules utilitaires ».

JU : ARCHIVES DE JOURNAUX LOCAUX NUMÉRISÉS La Bibliothèque cantonale jurassienne en collaboration avec la Bibliothèque nationale suisse met à disposition librement en ligne toutes les éditions des journaux L’Ajoie et Le Franc-Montagnard de leur création jusqu’à nos jours. Les archives des deux titres sont disponibles sur la plateforme www.e-newspaperarchives.ch, qui permet d’accéder aux archives de journaux de toute la Suisse, du XVIIIe siècle à nos jours.

GE : PAS DE MENDICITÉ DANS LES LIEUX COMMERCIAUX ET TOURISTIQUES Le Conseil d'État genevois a dressé un périmètre d'interdiction de la mendicité dans les « lieux à vocation commerciale ou touristique prioritaire », soit dans le périmètre de la rade entre la Perle du Lac et Baby-Plage. Entrée en vigueur le 12 février, cette nouvelle disposition constitue une adaptation de l’interdiction pénale de la mendicité après un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 19 janvier 2021.

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L'ingénierie une spécialité suisse 12 14 16 22 24

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Le saviez-vous ? 8 inventions suisses qui ont modelé le monde Infographies : L'ingénierie suisse en chiffres Grande interview : Olga Darazs, ingénieuse par nature L'ingénierie à la pointe de l'innovation Interview : Alberti ingénieurs, une expérience familiale au service de l’ingénierie civile

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Le pont suspendu de Verrazzano-Narrows reliant les arrondissements de Brooklyn et Staten Island est l'un des six ponts de New York conçus par l'ingénieur suisse Othmar Ammann

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LE SAVIEZ-VOUS?

SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS Dans le film Le troisième homme, Orson Welles (probablement un recalé du forfait fiscal mal embouché) déclarait que 500 ans de paix et de démocratie en Suisse n’avaient engendré que l’horloge à coucou. Or, les 140 dernières années ont donné on ne peut plus

1884

1903

tort à tonton Orson. La preuve ci-après, avec quelques inventions qui ont changé la face du monde, et dont les origines helvétiques sont souvent tenues dans l’ombre. Génie et modestie...

1905 1908

Le La celloLa tour goudron, E=mc2, phane, l’invention qui la formule Eiffel, l’invention qui une Suissesse en remettait à Paris

une couche

L

L

e vrai concepteur de la tour Eiffel se nomme Maurice Koechlin, diplômé du Polytechnikum de Zurich, spécialisé dans la construction métallique et employé de la société Eiffel. L’avant-projet établi par Koechlin n’intéresse pas Gustave Eiffel, qui autorise toutefois ses deux ingénieurs (l’ami Maurice et son collègue Émile Nouguier) à poursuivre l'étude. Ils font établir un dessin à grande échelle par un architecte, le soumettent au sculpteur Bartholdi et au commissaire général de l'Exposition des arts décoratifs de 1884, qui décide de l’exposer. Et là, comme une fleur, Gustave Eiffel revient sur sa position et décide de valider le projet… Ben tiens donc ! Pour la petite histoire, Koechlin se serait fortement inspiré de la morphologie de la girafe - son animal fétiche - pour le dessin de la tour…

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es poumons de tous les fumeurs vous le diront, le goudron est une bien belle invention. Nous sommes en 1902. Le prince Albert Ier de Monaco (las des fortunes dépensées en nettoyage à sec ?), cherche à résoudre le problème de la poussière dégagée par les véhicules sur les routes. Le Valaisan Ernest Guglielminetti lui soumet son idée, venue des Indes, où les sols des hôpitaux sont enduits de goudron pour faciliter leur entretien et les rendre plus étanches. Dès 1903, toutes les routes entre Cannes et Menton en sont recouvertes, avant de recouvrir une bonne partie de la planète. À la clé, moins de poussière... et de bruit! Boulevard Albert-Ier, à Monaco, une plaque commémorative est fixée en l'honneur de Guglielminetti, mieux connu sous son petit nom de «Docteur Goudron».

qui avait de l’énergie à revendre

P

robablement l’un des faits les plus connus de cette liste, mais pourquoi se priver du plaisir de le répéter ? Albert Einstein, devenu citoyen zurichois en 1901, découvre cette formule en Suisse en 1905. C’est peu dire que cette équation, qui expose le principe d'inertie de l'énergie, aura marqué l’histoire. En termes profanes, cette équivalence de la masse inerte et de l'énergie implique qu'une particule de masse m isolée et au repos dans un référentiel possède, du fait de cette masse, une énergie E appelée énergie de masse, dont la valeur est donnée par le produit de m par le carré de la vitesse de la lumière dans le vide. Comment personne n’y avait-il pensé plus tôt  ? Ça semble tellement évident, dit comme ça...

emballait grave

C

ontraction de « cellulose » - une matière première végétale - et de « diaphane », qui signifie transparent en grec ancien, la « cellophane » a été inventé en 1908 par Jacques Edwin Brandenberger, l’un de nos dignes compatriotes. Cette pellicule d'emballage connaît rapidement un énorme succès, notamment grâce à sa transparence et à son étanchéité. Jusque dans les années cinquante, elle dispose presque du monopole de l'emballage dans l'industrie. Pour l’anecdote, Apple a pour la première fois supprimé le cellophane de l’emballage de ses iPhones cette année, avec le lancement de la série 13, pour des considérations écologiques. Et les autres marques semblent lui emboîter le pas, notamment Google avec sa toute nouvelle ligne de smartphones Pixel 6 sortie le 19 octobre.


8 INVENTIONS SUISSES qui ont modelé le monde par Raphaël Klemm

1910

1941

La feuille 1925 d'alu- La fer- Le meture Velcro, minium, l’invention qui éclair, la bande qui papillotait le petit doigt sur scratchait tout

C’

est à l'ingénieur suisse Robert Victor Neher que l’on doit la feuille d’aluminium, dont le brevet a été déposé en 1910, succédant à la feuille d’étain. Petite anecdote pour briller en société ou le soir à table après avoir usé tous les sujets de discussion et/ou de dispute : elle fut utilisée pour la première fois pour l’emballage du Toblerone. Il se raconte également que, lorsque Napoléon III recevait des invités de marque, il les faisait servir dans de la vaisselle en aluminium, les autres devant se contenter d’une vulgaire vaisselle... en or. Quel manque de savoir-vivre, le Napo ! L’aluminium était en effet alors considéré comme un métal précieux. C’est décidé, je retourne à une forme de vie dénuée de luxe superflu, et ne mangerai désormais plus que dans de la vaisselle en or massif.

la couture

sur son passage

L

C

e fameux zip dont les Américains sont si prompts à s’attribuer l’invention est en fait dû à un Suisse (encore   !), Martin Winterhalter, en 1925. Se basant effectivement sur une idée venue d’outre-Atlantique, cet industriel Saint-Gallois a remplacé les perles et les mâchoires de serrage, qui constituaient le système initial, par des nervures et des rainures, donnant à son invention le nom de Riri sous lequel elle a été connue à ses débuts. Peu de temps après, les fermetures à glissière Riri ont été fabriquées industriellement en tant que produit de masse, initialement dans la première usine de fermetures à glissière de Wuppertal, pour ensuite déferler sous licence dans le monde entier. Depuis lors, on zippe tous azimuts.

omme bien souvent, cette invention est partie d’une observation de la nature. En 1941, au retour d'une partie de chasse, Georges de Mestral remarque une quantité de fruits de bardane accrochés à ses vêtements et dans les poils de son chien. Observant le fruit au microscope, il constate que les épines du fruit se terminent par des crochets déformables, qui se prennent dans les poils et les tissus à boucle pour revenir à leur forme initiale une fois arrachés du support. Ce qui lui donne l'idée de créer un type de fermeture rapide pour vêtement. Contractant velours et crochet, l'ingénieur électricien suisse dépose son invention sous le nom de Velcro. Un nom devenu antonomase, au même titre que Kleenex ou Frigidaire. Un nom qui accroche, quoi…

1989

Le World Wide Web, le réseau qui nous CERNait

À

la fin des années 80, le Britannique Tim Berners-Lee travaillait dans un laboratoire du CERN à Genève, quand il a imaginé une manière d'accéder facilement à des fichiers sur des ordinateurs reliés entre eux. Il l'a formalisée dans un article le 12 mars 1989, considéré comme l'acte fondateur du «  World Wide Web  ». Mais conformément à l’adage « nul n’est prophète en son pays » (ou dans le pays dont il est titulaire du permis C, pour helvétiser quelque peu la maxime), ce système a bien failli être mort-né, avant d’être adopté in extremis par les instances du CERN. Quelques années plus tard, en 1994, Internet faisait ses débuts auprès du grand public sur la scène mondiale. La suite de l’histoire ? Internet prit peu à peu le contrôle de la planète et les machines régnèrent à tout jamais sur l’humanité asservie. Mais bon, nous anticipons probablement de quelques mois, là...

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

NOM DE TÊTIÈRE Le terme ingénieur vient du latin ingenium désignant un « esprit créatif et innovant ». Les ingénieurs ont un rôle fondamental à jouer dans la société : c’est à eux que nous devons les principales découvertes et innovations des temps modernes – en particulier au cours des XXe et XXIe siècles. La Suisse s’est bâti une belle réputation grâce à l’apport de ses inventeurs et constructeurs, notamment dans l’essor de ses réseaux routier et ferroviaire. Les ingénieurs apportent une contribution substantielle, et généralement sous-estimée, à la création de valeur économique et sont la véritable clé d’un développement durable mû par la diffusion de l’innovation.

Ingénierie : le top 5 des universités suisses

Main-d’œuvre étrangère

La Suisse est réputée pour ses merveilles d'ingénierie et détient par conséquent certaines des plus grandes universités d'ingénierie au monde

1 École polytechnique fédérale de Zurich

En raison de la pénurie de main-d’œuvre qui sévit depuis des années, la proportion d’étrangers est élevée dans les métiers de l'ingénierie. Avec une part de plus d'un tiers, ils se classent au troisième rang, après les métiers des sciences naturelles, la médecine humaine et la pharmacie

4*

2 École Polytechnique fédérale de Lausanne 11* 3 Université de Zurich

218*

4 Université de Genève

351*

5 Université de Bâle

451*

37%

* Classement international Source: topuniversities.com / Engineering & Technology

La Suisse compte

170 000 travailleurs spécialisés dans les domaines MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique). Ils génèrent une part importante de la création de valeur totale

Robert Maillart (1872-1940) :

L'ingénieur en génie civil suisse qui a révolutionné les constructions en béton armé. Il a construit quelques-uns des ponts les plus remarquables du XXe siècle. En 1991, le pont Salginatobel (GR) a été déclaré monument historique international du génie civil par l'American Society of Civil Engineers

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Source: économie suisse - 2017


Grandes réalisations, perles de l'ingénierie helvétique

40 m

Le tunnel de base du Saint-Gothard Le barrage de la Grande Dixence

6 mio

de m3 à 2364 m d'altitude. Ceci en fait le plus haut barrage-poids du monde

Funiculaires, téléphériques et autres ascenseurs extérieurs Funiculaire de Stoos (SZ) Sur un bref parcours d’une durée d’un peu plus de 3 min, le funiculaire de Stoos établit un record mondial avec une pente inclinée à 110% Titlis Rotair (BE, OW) Le premier téléphérique à cabine tournante au monde. Pendant son trajet de 5 mn, il pivote à 360° jusqu’à destination, à 3062 m d’altitude L’ascenseur extérieur du Hammetschwand (LU, NW) Le plus haut d’Europe, il culmine à 1132 m et est visible depuis Lucerne les nuits estivales grâce à sa cage éclairée

57,1 km C'est le plus long tunnel ferroviaire

et le plus enfoui au monde avec une couverture de roche atteignant 2450 m de hauteur

1544 km

Avec ses pour une superficie de 41,290 km2, le réseau d'autoroutes suisse possède l'une des densités autoroutières les plus élevées au monde avec de nombreux tunnels

Les Piccard, une famille, des exploits Auguste (1884-1962) Il est l'inventeur, entre autre, du ballon stratosphérique, avec lequel il monte en 1931 à 16 000 m d'altitude. Inspire à Hergé le personnage du professeur Tournesol.

Jacques (1922-2008) Fils d'Auguste, il descend à 38 ans en bathyscaphe à 10 916 m de profondeur, record battu de quelques mètres seulement en 2019. Son fils Bertrand (à droite), né en 1958, réalise avec l’ingénieur André Borschberg le premier tour du monde à bord de l'aéronef solaire Solar impulse DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

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LA GRANDE INTERVIEW

Ingénieuse par nature

Olga Darazs 16

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Présidente du conseil d'administration du Groupe CSD INGÉNIEURS depuis 2011, l'hydrogéologue Olga Darazs revient, dans cet entretien, sur les moments marquants de ce groupe qui a su évoluer en apportant des solutions aux principaux défis environnementaux. Plus grande représentativité des femmes aux postes décisionnels, gestion d'entreprise par temps de crise sanitaire, répartition de l'eau à travers le monde, Olga Darazs évoque toutes ces thématiques avec la franchise et l'expertise d'une femme convaincue que l'eau demeure la plus importante ressource géopolitique du monde. Une ressource importante mais fragile qui mérite d'être mieux répartie et mieux protégée…

E

Propos recueillis par Charles Peguiron

n un demi-siècle d'existence, le groupe CSD INGÉNIEURS s'est progressivement développé. Ce pionnier de l'ingénierie et de l'environnement a étendu et diversifié ses activités dans toute la Suisse et dans une bonne partie de l'Europe. Il compte aujourd'hui une trentaine de succursales en Suisse, Belgique, Allemagne, Italie, Lituanie et Luxembourg et son siège est aujourd’hui à Givisiez (FR). « Ingénieux par nature » n'est pas qu'un slogan. CSD INGÉNIEURS propose des solutions globales pour tout ce qui a trait à l'environnement, le bâtiment, les infrastructures ou encore l'eau et l'énergie. Présidente du conseil d'administration depuis 2011, l'hydrogéologue Olga Darazs revient dans cet entretien sur les moments marquants de ce groupe qui a su évoluer en apportant des solutions aux principaux défis environnementaux. Plus grande représentativité des femmes aux postes décisionnels, gestion d'entreprise par temps de crise sanitaire, répartition de l'eau à travers le monde, Olga Darazs évoque toutes ces thématiques avec la franchise et l'expertise d'une femme convaincue que l'eau demeure la plus importante ressource géopolitique du monde. Une ressource importante mais fragile qui mérite d'être mieux répartie et mieux protégée… D.P. : CSD INGÉNIEURS connaît un développement impressionnant. Comment cela s'est-il concrétisé ? Olga Darazs : CSD INGÉNIEURS existe depuis 1970 et a connu une progression importante à partir des années 1980 avec la mise en place des lois sur la protection de l'environnement. Contrairement à bien d'autres concurrents, notre bureau vient du domaine de l'environnement, de la géologie, de la protection des eaux souterraines … On a toujours été actifs dans ces domaines en lien avec l'environnement, même en tant que pionniers des études environnementales et de la dépollution avant l’instauration des ordonnances légales. Ce n’est que par la suite que nous avons intégré l'ingénierie classique aux métiers de l’environnement.. Notre importante progression au fil des années est très liée au travail pluridisciplinaire au sein de nos équipes qui comptent aujourd’hui quelque 87 métiers

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LA GRANDE INTERVIEW différents, du chimiste à l'ingénieur en environnement en passant par l'ingénieur en génie civil et le biologiste. Ce savoir combiné est une plus-value qui permet au groupe de poursuivre son évolution avec des solutions intégrées qui apportent un plus à l'environnement et à la qualité de vie. En parlant d'essor, quelles sont les grandes dates marquantes pour CSD ? Tout a commencé le premier août 1970, un jour de travail normal à l’époque, avec les trois pionniers : Carlo Colombi, Bernard Schmutz et Jean-Pierre Dorthe. Ces trois fondateurs ont commencé leurs activités d'abord à Berne, ensuite à Fribourg et à Lausanne, essentiellement dans les aspects liés à la géologie, à l'hydrogéologie et à la géotechnique. Les aspects de protection des eaux et de dépollution ont très vite été des thèmes porteurs. Ensuite, vers les années 1980, comme je l'ai dit plus tôt, la législation sur la protection de l'environnement s'est beaucoup développée. Des études d'impact sur l'environnement, les études en relation avec la protection de l'air, de l'eau et contre le bruit nous ont permis de grandir. Dans les années 1990, nous avons acquis un premier bureau dans le domaine de l'ingénierie classique. Et nous avons développé progressivement des filiales en Europe, notamment en Allemagne, où notre activité s’est beaucoup développée dans le domaine de la construction durable en travaillant sur des écoquartiers et des bâtiments à zéro consommation d'énergie, et en Belgique, où nous avons au début surtout œuvré dans l'éolien. Nous avons poursuivi notre croissance en nous diversifiant en fonction de l'évolution des besoins du marché. Aujourd'hui, nous sommes très actifs dans les concepts et conseils énergétiques. Les énergies renouvelables, l'environnement et l'eau représentent aujourd’hui la part la plus importante du groupe avec quelque 60 % de notre chiffre d'affaires, le reste étant lié au bâtiment et aux infrastructures. La devise de CSD est « Ingénieux par nature ». Quelle est la place de l'ingéniosité dans l'essor de votre groupe ? Elle a été très importante depuis le début. L'ingénieur aime, par nature, inventer et apporter des solutions. La combinaison de nos différentes compétences et de notre savoir-faire apporte les solutions ingénieuses que nous proposons à nos clients. L'environnement dans lequel s'insère un projet, quel qu'il soit, est un élément que nous prenons toujours en considération. Nous accordons également une grande importance à la proximité avec nos clients, avec notamment un réseau de succursales très décentralisé. Nous prenons beaucoup en compte cet aspect dans la réalisation de nos projets. Cette proximité nous permet de bien connaître l'environnement dans lequel on s'inscrit, mais également d'être bien au fait des procédures. Même quand il s'agit de lois fédérales, chaque région et chaque canton peut les décliner un peu différemment. Là aussi, on peut apporter aux clients une plus-value, une connaissance du terrain, une proximité et une facilitation dans les procédures qui ont parfois lieu dans des contextes différents. En tant qu'hydrogéologue, quelle importance accordez-vous à l'hydrogéologie et à l'hydrologie ? Une part très importante. En tant qu’hydrogéologue, j'accorde une grande importance à l'eau. C'est un domaine qui m'a toujours passionnée. D'une part, c'est la ressource dont on ne peut pas se passer car elle est vitale. L'eau est une ressource à laquelle on n'est pas très attentifs dans nos pays : on ouvre le robinet, l’eau coule et on ne se pose pas trop de questions pour savoir d'où elle vient et si ce

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Les énergies renouvelables, l'environnement et l'eau représentent 60 % de notre chiffre d'affaires

sera toujours ainsi. Dans les pays qui connaissent le stress hydrique, avec des problèmes d'approvisionnement, on est plus sensible à ces aspects. On a également vu ces dernières années qu'avec le changement climatique, même en Suisse, certaines régions peuvent connaître des difficultés d'approvisionnement en eau. En parallèle, on a également des problèmes qualitatifs, notamment pour les eaux souterraines, qui représentent 80 % de l'approvisionnement en eau potable en Suisse. On retrouve parfois des pesticides, des traces de substances chimiques, de médicaments… C'est une ressource beaucoup plus fragile que nous ne l’imaginons. Il faut donc prendre davantage de mesures pour mieux la protéger mais aussi mieux la partager, car elle est inégalement répartie sur la planète. Il y a beaucoup de pays qui souffrent énormément de la sécheresse et la tendance est malheureusement croissante. En tant que présidente de conseil d'administration, quel regard portez-vous sur cette fonction où les hommes prédominent ? C'est vrai que, jusqu'à récemment, c'était des boys clubs: les hommes se cooptaient entre eux dans les conseils d'administration. Aujourd'hui, heureusement, les choses changent. Il commence à y avoir beaucoup plus de femmes dans les conseils d'administration. Il y a une plus grande ouverture. On prend aussi conscience que la diversité apporte beaucoup de points positifs, un regard différent. Le milieu de l'ingénierie est très masculin. Par boutade, je dis toujours que, comme jusqu'au bac, j'étais dans une école catholique non mixte, j'ai choisi une profession très masculine par réaction. En réalité, on a de plus en plus d'équipes mixtes. Chez CSD, nous comptons 30 à 40 % de collaboratrices. Si le génie civil reste encore un bastion majoritairement masculin, dans l'environnement, il y a aujourd’hui plus de jeunes femmes que de jeunes hommes qui étudient cette branche. Mais il faut du temps. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. Les mentalités évoluent. Il faut aussi que les femmes se fassent leur place, aient le réflexe de se coopter entre elles et osent dire « moi aussi, je suis compétente pour ce poste ». Dans une société désireuse d'égalité, comment faire pour qu'il y ait un peu plus d'Olga Darazs dans les conseils d'administration ? Un peu plus de femmes dans les conseils d'administration plutôt… Il y a plusieurs voies possibles. On parle souvent


À droite, le conseil en construction durable avec l'utilisation de la technologie BIM Ci-dessous, travaux d'assainissement de l'ancienne décharge de la Pila, dans le canton de Fribourg. Quatre variantes, élaborées par CSD INGÉNIEURS ont été proposées afin de dépolluer à long terme la zone et éliminer les dernières traces de déchets.

DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

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LA GRANDE INTERVIEW

de quotas, mais je ne les favorise pas. Dans certains pays, les quotas sont appliqués pour donner plus de représentativité aux minorités. Mais les femmes ne sont pas une minorité dans notre société. Elles représentent 50 % de la population. Personnellement, je préfère être élue ou choisie pour mes compétences, pour ce que je peux apporter, mais pas qu'on légifère pour me permettre d'accéder à une fonction. Avec les quotas, on s'attaque aux symptômes, mais pas au problème de fond. Il y a un changement sociétal qui doit avoir lieu, mais cela ne se fera peut-être pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Aujourd’hui, ce sont plusieurs siècles d'organisation sociale qui sont en train de changer. Quel est le quotidien d'une présidente du conseil d’administration d'un groupe qui compte plus de 800 collaborateurs ? Mon quotidien, c'est de travailler en tandem avec le CEO du groupe. Nous avons beaucoup d'échanges et de discussions très ouvertes sur le groupe, son évolution, son développement, les options stratégiques et sur les ressources humaines. Le talent et la motivation des collaborateurs, le sens que leur travail a pour eux, la prise en compte d'un environnement professionnel agréable, l'accompagnement dans un projet de vie pour concilier projets professionnels et privés… C'est tout cela qui fait la force de notre groupe. Tous ces sujets ont gagné en importance avec la pandémie. On a été un peu obligés de moins se voir, moins échanger en direct, et on s'est rendu compte à quel point c'est important.

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Vous avez plusieurs casquettes. Vous êtes présidente de la Commission fédérale de géologie et vous avez dirigé jusqu’en septembre passé la Swiss Water Partnership (SWP). Concrètement, en quoi consiste votre travail pour ces institutions ? La commission fédérale de géologie (CFG) est une commission extraparlementaire qui conseille les membres du Conseil fédéral sur les questions liées au sous-sol. De nombreuses ressources du sous-sol sont aujourd’hui exploitées en Suisse, par exemple les matériaux (gravier, roches…), l'eau souterraine, la chaleur (géothermie), l’espace pour le stockage ou les infrastructures de transport (tunnels ou projets novateurs comme Cargo souterrain…).

Si je dois réfléchir à un problème, je sais qu'en me promenant dans la nature, je recharge immédiatement les batteries

Quelle a été l'incidence de la crise sanitaire dans l'évolution du groupe ? La crise sanitaire nous est tombée dessus, comme sur tout le monde, en mars 2020, quand le Conseil fédéral a recommandé le télétravail. Par chance et non par anticipation, car on ne pouvait pas anticiper un tel scénario, on a beaucoup investi ces dernières années dans l'informatique et les bureaux virtuels. Chaque collaborateur a un ordinateur personnel lui permettant d'accéder à distance à ses dossiers. Pour nous, il n'y a pas eu de grands problèmes d'organisation. Mais sur la durée, le télétravail est apprécié de manière différente. Nous avons d'ailleurs mené une enquête interne. Certains ont adoré et aimeraient continuer le télétravail, car ils préfèrent ne pas faire de trajets. Rester à la maison leur permet de gagner du temps et leur offre une certaine qualité de vie. D'autres ont détesté et ont signalé qu'ils n'étaient pas à l'aise chez eux. Pour ceux qui ont des enfants en bas âge, c'est un peu moins évident. La pandémie nous a incités à repenser nos espaces de travail et à les reconcevoir de manière un peu différente. On a fait un premier exercice en Belgique, et les collaborateurs se disent très satisfaits. On conçoit moins l'espace de travail comme un lieu avec des bureaux individuels mais plutôt comme un espace commun où on s'organise différemment pour se retrouver à des moments précis.

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Le sous-sol peu profond est l’objet d’une utilisation intensive et non coordonnée en particulier dans les zones urbaines sur le principe du « first come first serve ». Le sous-sol profond est quant à lui méconnu et devrait faire l’objet d’une exploration systématique. De plus, des conflits d’intérêt apparaissent entre protection et utilisation du sous-sol. Ces raisons plaident pour le développement d’une stratégie du sous-sol qui permette de faire le lien entre la surface et le sous-sol profond.

Le DDPS (Département fédéral de la défense de la population et du sport) a chargé la CFG en septembre 2020 d’élaborer une stratégie du sous-sol suisse. Comment coordonner toutes ces activités et faire en sorte d'utiliser les ressources de manière durable ? Les enjeux sont passionnants et le travail au sein de cette commission, qui réunit différents experts, très motivant. Et le Swiss Water Partnership ? Le Swiss Water Partnership a été créé en 2012 par la Direction du développement et de la coopération (DDC), avec l’objectif de regrouper tous les acteurs suisses actifs dans le domaine de l'eau à l’international. Le constat de départ est que la Suisse, château d'eau de l'Europe, importe, au travers des biens et produits qu'elle consomme, plus de 70 % de son eau. Cela veut dire que l'on utilise l'eau d'autres pays qui se trouvent peut-être en stress hydrique. On peut notamment penser à certains produits chinois fabriqués dans des régions où il y a très peu d'eau. Comment réagir par rapport à ça ? J'ai présidé le SWP jusqu'en septembre, et je viens de passer la main. J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs forums mondiaux de l'eau. La gestion de cette ressource vitale est devenue une préoccupation internationale, surtout à cause du changement climatique qui amène des bouleversements très rapides dans certaines régions sans que les populations ou les activités aient le temps de s'adapter. Ce sont des enjeux mondiaux. La Suisse a un rôle à jouer dans ce domaine. Et elle le fait bien en promouvant le mouvement « Blue Peace », c'est-à-dire en utilisant l'eau comme un instrument de paix et de dialogue entre pays plutôt que comme un élément de conflit ou de guerre.


LA GRANDE INTERVIEW

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Avec autant de responsabilités professionnelles, comment vous ressourcez-vous ? Auprès de ma famille dont je suis très proche. J'aime énormément la lecture et la culture en général. Et si je suis préoccupée et que je dois réfléchir à un problème, je sais qu'en me promenant dans la nature, je recharge immédiatement les batteries. Ce sont des choses très simples. Mais chez moi ça fonctionne.

À l'occasion du 50e anniversaire de CSD INGÉNIEURS SA, les collaborateurs de tous les sites de CSD ont entrepris des actions en faveur de la biodiversité. En voici quelques exemples : 1. Lutte contre des néophytes dans un parc national en Lituanie 2. Les jardiniers de Lancy (GE) sont formés par une biologiste CSD pour reconnaître

les espèces de valeur 3. Création d'un petit écrin vert dans une cour intérieure à Milan. 4. Construction d'un hôtel pour les insectes à Berlin 5. Construction d'un mur de pierres sèches en faveur de la petite faune (ZH). 6. Plantation d'une haie naturelle (AG). 7.Création d'un réseau écologique, plantation de haies à Missy (VD).

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

L'INGÉNIERIE

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à la pointe de l'innovation

en

EXEMPLES

Des véhicules hybrides que l'on porte comme des vêtements, des plantes modifiées pour servir d'éclairage, des systèmes modulaires autonomes et variés pour se balader en ville ou des villages habitables sortis d'imprimantes 3D, voici quelques innovations technologiques sorties récemment des cerveaux bien faits des ingénieurs. Quant aux robots en gestation, tant qu'ils ne nous sont pas plus forts que nous, on se prète à imaginer le meilleur des mondes

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UN VILLAGE ENTIER IMPRIMÉ EN 3D

1

R

comme

RYZR

L

e RYZR est un concept futuriste développé pour la marque tout électrique « R » du chinois SAIC Motors. Le RYZR fusionne d’abord une voiture avec une moto, avant de se brancher sur l’humain. L'équipe derrière le concept le décrit comme « une voiture que vous portez pour de vrai » grâce à un élément vestimentaire intégré au design. Pour démarrer le RYZR, vous échangez la clé conventionnelle contre une veste unique qui se branche sur le véhicule.

THE URBAN COLLËCTIF réinvente la mobilité

3

T

echnologie autrefois futuriste, l'impression 3D devient couramment utilisée dans de nombreux secteurs, y compris le logement. À Nacajuca, au Mexique, on a vu naître un nouveau «village» de petits logements imprimés en 3D afin d'offrir un meilleur cadre de vie à des familles défavorisées. Pour ce faire, New Story, organisation à but non lucratif basée à San Francisco s’est associée à Échale, société de production de logements sociaux basée au Mexique et à Icon, spécialisée dans la technologie de construction du Texas.

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UN NOUVEAU TYPE

DE BÉTON QUI SE RÉPARE

LUI-MÊME

DOSSIERS PUBLICS MARS MARS2022 2022

L

e collectif, un partenariat entre Accor, Citroën et JC Decaux, entend « remettre du plaisir au cœur des déplacements urbains » en se basant sur le The Citroën Skate, une plate-forme de mobilité autonome équipée de toute la technologie nécessaire pour circuler sur les voies dédiées à la mobilité autonome à une vitesse de 25 km/h, sur laquelle pourront venir s’arrimer des pods dédiés à différents services et usages comme par exemple une salle de fitness ou un salon tout confort, et pourquoi pas un pod karaoke ?

U

ne équipe de l'Université polytechnique de Valence et de Milan a conçu de nouveaux matériaux en béton ultrarésistants et autoréparables. Ils ont 30 % de durabilité en plus par rapport

aux bétons à hautes performances conventionnels dans les situations de fissuration. En cas de fissure, il est capable de se réparer automatiquement grâce à l'application de techniques d'autoréparation.


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LE VERRE LE PLUS

INCASSABLE INSPIRÉ DES

COQUILLAGES

S’ÉCLAIRER

AVEC DES PLANTES LUMINESCENTES

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E

n utilisant des nanoparticules spécialisées intégrées dans les feuilles des plantes, des ingénieurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont créé une nouvelle plante électroluminescente qui peut être chargée par une LED. Ces plantes utilisent des nanoparticules contenant l'enzyme luciférase, présente dans les lucioles, pour produire de la lumière. La capacité de mélanger et assortir des nanoparticules fonctionnelles insérées dans une plante vivante pour produire de nouvelles propriétés est un exemple du domaine émergent de la « nanobionique végétale ».

8 XAVIER, LE ROBOT QUI VA VOUS COLLER DES

AMENDES

S

ingapour a testé dans les espaces publics pendant 3 semaines en septembre 2 robots patrouilleurs destinés à la recherche de «comportements sociaux indésirables». Les robots, surnommés «Xavier», sont équipés de caméras à 360 degrés, leur permettant de débusquer

D

es scientifiques de l'Université McGill e Montréal développent un verre plus solide et plus résistant, inspiré de la couche interne des coquilles de mollusques. Au lieu de se briser à l'impact, le nouveau matériau a la résilience du plastique et pourrait être utilisé pour améliorer les écrans de téléphones portables à l'avenir, entre autres applications..

en Hales permanence quiconque ia enfreint la loi. demuro ut Xavier colL. Itam impertempuis les lecte des données tabefatuam alimente et lesconsil traite à l'aide hosus essolus d'un logiciel d'analyse vidéo nonsus virisquam IA et relaye les données quo tretratil vit, ne à des agents qui peuvent répondre en cas de besoin. Rappelons que Singapour a un taux de criminalité remarquablement bas,

ASTRO veille sur vous... ou bien ?

A

stro, le tout nouveau robot domestique d’Amazon, est à l'origine conçu pour suivre le comportement de tout le monde dans la maison et pour effectuer des tâches de surveillance et d'assistance. Des fuites affirment que le robot, qui s'appuie fortement sur la reconnaissance faciale et le comportement de l'utilisateur, est défectueux et pourrait bien devenir ainsi le pire cauchemar de ses propriétaires. À suivre.

2022

7 Optimus

Naissance du fils-robot d’Elon Musk

T

esla se lance en 2022 dans la production de robots humanoïdes conçus pour «  éliminer les tâches dangereuses, répétitives et ennuyeuses» et répondre aux commandes vocales de leurs propriétaires. Le prototype, nommé Optimus, mesure 173 cm et pèse 57 kg. Son corps est alimenté par 40 activateurs électromécaniques,

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sa face est dotée d'un écran d'affichage. La machine, limitée à une vitesse de marche de 8 km/h, est délibérément suffisamment faible pour que la plupart des humains puissent la maîtriser si nécessaire. «  On ne sait jamais…» s’est confié Elon Musk.

DOSSIERS DOSSIERS PUBLICS PUBLICS MARS 2022

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

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NOM DE TÊTIÈRE


SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

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Réalisation : Un bâtiment au cœur de la zone Plan-les-Ouates Urbanisme : Végétaliser les toitures en ville Histoire : Justo, le maçon de Dieu Matériau : Construire en terre crue Concours : Les lauréats du prix Lignum Architecture : Distinctions romandes

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

RÉALISATION

Stellar

©RDR Architectes

Un bâtiment où cohabitent start-ups, multinationales, hôtel, le tout au cœur de la zone de Plan-les-Ouates : voici l’un des plus grands défis réalisés par l'entreprise générale Hestia by Swissroc Group, sous l'égide de m3 Groupe.

A

Par Jean Léger

vec une surface hors œuvre du bâtiment de plus de 36 000 m2, le projet Stellar comprend des proportions et des aspects techniques impressionnants. Le bâtiment se divise en trois allées contigus mais indépendantes, chacune disposant de son entrée respective offrant un accès à quatre niveaux de soussol et sept à l'extérieur. L’hôtel de 118 chambres, ayant sa propre entrée. La conception du plan se base sur l’optimisation des rapports entre les surfaces des noyaux, des zones borgnes et des espaces de qualité bénéficiant d’éclairage naturel. En effet, du bon équilibre quantitatif et distributif entre ses différentes surfaces, dépend l’efficacité du plateau disponible.

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DOSSIERS PUBLICS MARS 2022

Les aspects techniques L’un des enjeux principaux, dès le début du chantier, était le terrassement nécessitant des travaux spéciaux avec des parois moulées de 80 cm d’épaisseur mais aussi 18 puits filtrants de 27 m de hauteur pour le rabattage de la nappe. Imaginez qu’à la fin des terrassements spéciaux, le trou, pour accueillir le bâtiment était de 90 m sur 30 m avec 14 m de hauteur, soit l’équivalent d’un immeuble de 4 niveaux. La mise en œuvre de dalles a été réalisée avec des éléments type « Cobiax ». Cette technologie permet d’alléger la structure en insérant des espaces creux dans les dalles béton dans les zones où la statique le permet. De grands atrium centraux créent des espaces publics et permettent un éclairage naturel des espaces intérieurs. La structure porteuse très rationnelle du bâtiment est le résultat d’un point d’équilibre entre les contraintes du parking, celle des étages types et la portance du sol, la qualité du terrain


et des sols ayant également grandement influencé le système constructif. Les dimensions du bâtiment et sa surface requiéraient des éléments techniques de pointes. Ainsi, la toiture est recouverte, dans sa quasi-totalité, par les éléments dédiés à la ventilation et la sécurité du bâtiment. Un bâtiment durable et modulable qui met en avant sa matérialité Ce bâtiment, résolument tourné vers l’avenir, est labélisé Minergie, démontrant sa qualité en respectant les critères thermiques et l’environnement et assurant un confort de vie et de travail aux occupants. L’aménagement, quant à lui, est facilité par les grands plateaux qui permettent une grande liberté et facilitent la modularité. Le choix des matériaux, leurs mises en œuvre et leurs traitements sont en lien avec la destination du bâtiment. Pour exemple, la structure en béton, les murs, les piliers et les dalles sont laissés bruts ou avec une lasure, les murs de subdivisions ou de fermetures montrent leurs réalisations en structure légère et plâtre. Matérialité qui est soulignée par des éclairages guidant les parcours, mettant aussi en valeur la qualité des matériaux. La rationalité de l’ouvrage est traduite par cet aspect naturel des matériaux qui transmet aussi l’ambiance des espaces d’accueil et de travail. Un hub international mais aussi local Plusieurs grands groupes internationaux et un hôtel, entre autres, ont choisi Stellar comme base pour s’installer en Suisse, voire en Europe. Pour l’international, Proton Technologies AG, SELEXIS by KBI Biopharma Inc sont des labels qui occuperont les lieux, sans compter des acteurs nationaux ou locaux comme Siemens, Let’s go ou Fongit. Stellar attire ainsi des entreprises provenant de différents milieux professionnels.

2022 © m3

Stellar est situé en plein cœur de l’une des plus grandes zones industrielles du canton de Genève

Un positionnement stratégique de 1er choix Stellar est situé en plein cœur de l’une des plus grandes zones industrielles du canton de Genève et comme tout le monde le sait, en immobilier, l’une des règles élémentaires est l’emplacement. Proche de l’autoroute et des grands axes, le bâtiment est au carrefour des moyens de transport permettant un déplacement rapide. L’extension de la ligne 15 du tramway, qui passera au pied du bâtiment permettra aux utilisateurs de rejoindre le centre-ville en quelques minutes. Le bâtiment a une grande souplesse pour loger à la fois des grandes entités et des locataires aux besoins de surfaces plus modeste. La disposition des espaces de travail dans les étages offre des subdivisions de surfaces à la fois bien distinctes et identifiées. Une répartition sur un ou plusieurs étages est aussi possible, la distribution et la localisation des installations techniques permettent plusieurs combinaisons.

La disposition des espaces de travail dans les étages offre des subdivisions de surfaces à la fois bien distinctes et identifiées

Des partenaires haut de gamme pour la construction et l’aménagement Stellar a nécessité la collaboration de nombreux corps de métiers mais aussi l’appui des services de l’Etat et de la commune de Plan-les-Ouates. C’est Hestia qui a été choisie comme entreprise totale pour la construction et le bureau Lausannois de RDR pour l’architecture. Le chauffage et la ventilation ont été confiés au bureau Weinmann, la structure à Ingeni. En ce qui concerne l’électricité, la partie sanitaire et la sécurité incendie, les mandataires sont respectivement DSSA Ingénieurs Conseils, Martin & Doy et SBIS. Un impact modéré de la crise sanitaire Fort heureusement, la crise du Coronavirus est intervenue alors que le développement du projet était terminé et le chantier touchait à sa fin. Le projet n’a donc pas eu à pâtir du confinement mis en place durant le printemps 2020. Néanmoins, pour la partie hôtel, il a fallu mettre en place des procédures strictes pour respecter les mesures sanitaires. Les flux ont été réétudiés pour éviter le croisement des ouvriers, en modifiant notamment la disposition des sanitaires et des vestiaires. Seul problème à signaler : l’approvisionnement, certains éléments de finition n’étant plus disponibles auprès des fournisseurs, multipliant parfois par quatre les délais pour certains éléments.

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

MATÉRIAU

©ricola

construire en

terre

CRUE

De nos jours, construire avec de la terre peut paraître une drôle d’idée, une technique passéiste : est-ce bien solide ? Voici quelques poncifs qu’il est aisé de contredire. Rappelons tout d’abord qu’un tiers de la population mondiale se loge actuellement dans des habitations en terre, puisque ce matériau est disponible sur toute la surface du globe. Petit aperçu des techniques observées qui reviennent à la mode

Le nouveau phénomène dans la construction

Par Jean Léger

L

a terre crue, comme son nom l’indique, n’a pas fait l’objet de cuisson, comme c’est le cas pour la brique de terre cuite. Elle peut être mélangée à divers autres matériaux naturels comme l’argile, le sable ou la paille. En fonction du mélange, les techniques de terre cuite prennent diverses appellations.

Schéma de murs ancestraux, comme on les conçoit depuis des millénaires en terre crue

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Le pisé. Il est constitué d’un mélange de terre, de sable et d’argile crue monté par tassement dans un coffrage. Étant donné sa vulnérabilité à l’eau, il faudra prévoir un soubassement ainsi qu’une belle avancée de toiture.


La maison des plantes de Ricola à Laufon (BL) signée Herzog & de Meuron, 2014 Avec ses 110 mètres de longueur, 29 de largeur et 11 de hauteur, ce bâtiment est un véritable manifeste : il est à ce jour le plus grand bâtiment en pisé d’Europe. Page de gauche : maxi-façade autoportante construite en terre crue. La structure porteuse du bâtiment est en béton armé. La façade en pisé de 45 cm d’épaisseur est auto-porteuse. Une halle située à 5 km du site a permis de préfabriquer des éléments en pisé en hiver pour les assembler sur site en été. Les terres proviennent en partie du site et d’une carrière située à moins de 10 km. Ci-contre : un mur en pisé de 50 m de long est réalisé puis scié en éléments de 1,30 m x 3,36 m.

C’est un matériau sain qui n’a subi aucune transformation

Les briques de terre crue ou briques d’adobe. Depuis la nuit des temps, elles sont moulées à la main, bien que de nouvelles techniques industrielles soient maintenant utilisées pour les produire. La bauge. Technique qui n’est plus que très peu utilisée, elle consiste à empiler des boules d’argile. En plus des murs, la terre crue peut être utile pour la fabrication des sols à l’aide de dalles qui peuvent être compactées, étalées ou coulées. Beaucoup d'avantages Le grand avantage de la terre crue est que c’est un matériau sain qui n’a subi aucune transformation, ce qui en fait une technique de construction entièrement écologique respectueuse de l’environnement. Sa disponibilité locale et l’absence de cuisson pour sa préparation lui confèrent un bilan carbone minimum. En outre, ce matériau est recyclable à 100 %. Pour ce qui est de son inertie thermique, ses performances sont excellentes, la terre cuite permet de réguler naturellement le taux d’humidité. En plus de n’émettre aucune substance toxique, la terre cuite peut jouer le rôle de purificateur d’air en absorbant les composés organiques volatils (cov). Finalement, c’est un excellent matériau contre les incendies, auxquels il résiste très bien.

Pour quelques inconvénients La terre cuite souffre d’un déficit d’isolation en ce qui concerne l’eau et le gel et nécessite donc d’être complétée par un matériau isolant, ce qui implique de prévoir une fondation et une toiture adéquates. Ces contraintes techniques peuvent représenter un frein aux possibles et aux fantaisies. Le coût de production peut s’avérer relativement élevé, même si au départ la matière première est très bon marché. C’est le savoir-faire traditionnel qui fait la différence et qui augmente le coût de la construction finale. Enfin, comme cette technique n’étant que peu utilisée, elle ne fait pas encore l’objet de réglementation.

©JPF SA

Le torchis. On retrouve ce mélange de paille et de terre argileuse généralement dans la construction de maisons à colombages, c’est-àdire dotées d’ossatures de poutres en bois dont les vides sont comblés par le torchis.

La Maison de l'Environnement à Lausanne Inaugurée en septembre 2021, la maison accueille depuis octobre quelque 180 collaborateurs et collaboratrices de la Direction générale de l’environnement. Sa construction s’est appuyée en grande partie sur des matériaux locaux – bois et terre crue. Ce bâtiment est sans précédent, car c'est la première fois en Suisse que la construction d’un complexe administratif de cette ampleur utilise du bois et de la terre crue. Le corps central est composé de briques en terre crue contenant 95 % de terre et 5 % seulement de ciment. Photos: à gauche, atrium en terrapade. À droite, patio en pisé.

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SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

ARCHITECTURE

ROMANDE ©Fabio Chironi

D'EXCEPTION

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Par Jean Léger

a Romandie est un terreau fertile pour l’architecture d’exception. Pour célébrer cette caractéristique et récompenser les professionnels et projets romands, un événement a été créé en 2006 sous l’appellation de la Distinction romande de l’architecture, connue aussi sous son acronyme DRA. Chapeautée par les architectes cantonaux des 6 cantons francophones, elle permet de faire rayonner la culture du bâti régional. Décernée tous les quatre ans, la DRA a donc pour vocation de promouvoir des réalisations architecturales exemplaires, achevées en Suisse romande pendant la période concernée et d'ouvrir le grand

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public au rôle culturel et responsable de l'art de bâtir l'environnement, de valoriser l'engagement primordial dans la qualité architecturale des maîtres d'ouvrage, des maîtres d'œuvre et des acteurs en général de la construction en général. Sa dernière édition en 2018 (DRA IIII) a marqué une évolution par rapport aux précédentes par le choix d’élargir son champ à l’ensemble des disciplines de l’environnement construit. Ont été ajoutés l’architecture du paysage, l’architecture d’intérieur et l’ingénierie. Trois des huit lauréats de cette édition sont ici présentés, accompagnés des commentaires du jury. La prochaine édition, qui devrait avoir lieu entre cette année et l’année prochaine sera assumée conjointement par le canton de Vaud ainsi que celui du Valais.


© Copyright 2022, SIA

Renaturation de l'Aire (GE)

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Le projet est né de la volonté du maître d’ouvrage de revitaliser un canal, construit entre la fin du 19e siècle jusqu’aux années 1940 pour favoriser l’exploitation agricole de la plaine de l’Aire. Il s’agissait, d’une part, de maîtriser les crues de l’Aire, et, d’autre part, de reconstituer la situation naturelle antécédente. En refusant la piste trop simpliste d’une suppression de l’ouvrage ancien, l’intervention veut mettre en évidence les transformations en cours sur le temps long. Ainsi, le projet combine un vaste espace de divagation pour la rivière avec la transformation du canal existant en une suite linéaire de jardins. Il crée de cette manière un équilibre harmonieux entre un écosystème artificiellement reconstitué et les aspirations d’usages récréatifs des habitants de la ville. Un projet intelligent et cultivé, dont la beauté enrichira pour des siècles la ville comme le monde naturel. Maître de l’ouvrage : État de Genève – OCEau – Service du lac, de la renaturation des cours d’eau et de la pêche Architecte : Atelier Descombes Rampini SA (ADR Sàrl) Mandataire : INDUNI-SCRASA

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©Matthieu Gafsou

SPÉCIAL ARCHITECTES & INGÉNIEURS

Salle polyvalente à Le Vaud (VD)

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De l’extérieur, la salle fait penser à un mélange entre un hangar agricole et une montagne: elle a donc une identité bien singulière. À l’intérieur, l’espace paraît à la fois immense et chaleureux grâce à cette peau de bois clair : il en devient familier. Les usages sont clairement définis: un espace public polyvalent surélevé et l’espace de la pratique sportive en partie basse, sans oublier d’autres potentiels comme l’ouverture d’une mini scène dans une des parois de la partie basse. Les architectes font ici acte de générosité, de simplicité et en même temps d’une extrême maîtrise des volumes et des détails. Chaque centimètre carré est dessiné avec pertinence et sensibilité. Des volumes et formes triangulés de différentes échelles se répondent et deviennent un langage qui participe à la lisibilité du lieu, tout en lui donnant du caractère. Un monde serein, contemporain dans un relief montagneux au milieu d’un village. Maître d’ouvrage : commune de Le Vaud Maître d’œuvre : LOCALARCHITECTURE, Lausanne Mandataire : Ratio-Bois Sàrl

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©Luis Diaz

École pri­maire, Or­son­nens (FR)

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Le projet se situe en bordure du village et se caractérise par un volume compact et massif, organisé sur trois niveaux et distribuant neuf salles de classe autour d’un atrium central cruciforme. Par sa morphologie, l’école s’inspire des architectures fermières environnantes et propose un volume à l’allure unitaire et robuste. L’intérieur de l’édifice est par contre d’une grande complexité. La structure porteuse soigneusement conçue est constituée par une charpente en bois, avec planchers mixtes bois/béton et une colonne centrale filigranée en forme d’arbre, qui porte une lucarne éclairant l’espace de rencontre central sur toute sa hauteur. Les façades et les espaces intérieurs font l’objet d’un traitement très ludique. Les espaces communs et les salles de classe, surtout celles du dernier étage, expriment un fort caractère architectural. Maître d’ouvrage : commune de Villorsonnens Architecte mandataire : TERS architectes (TEd’A arquitectes et Rapin Saiz architectes)

DOSSIERS DOSSIERS PUBLICS PUBLICS MARS 2022

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MOBILITÉ

©CarPostal

Les pionnières de la route

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Les SmartShuttles étaient les premières navettes à circuler en conduite autonome sur voie publique au monde. En sillonnant les routes valaisannes depuis 2016 dans le cadre d’un projet développé par le Mobility Lab Sion-Valais, les véhicules automatisés ont permis aux chercheurs d’innover dans une nouvelle forme de mobilité intelligente

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Par Kathleen Sylvester emain, comment nous déplaceronsnous ? Y aura-t-il toujours des chauffeurs dans les bus ? Les questions en matière de transport public sont nombreuses, et les défis y relatifs ne cessent de s’amplifier. Installé à Sion depuis 2014, le Mobility Lab mise sur les technologies intelligentes pour trouver les solutions adaptées aux besoins futurs de la population urbaine. Mobility Lab réunit des partenaires académiques (l’EPFL et la HESSO Valais-Wallis), les autorités publiques, (la Ville de Sion et le Canton du Valais), et la Poste Suisse et sa filiale, CarPostal. Ensemble, ils développent des idées novatrices principalement en matière de mobilité, dont un projet phare, « SmartShuttles », qui leur a valu de remporter le Grand Prix Européen de la mobilité, décerné par le magazine français Ville, Rail & Transports. Dans les faits, il s’agit de deux navettes, baptisées Tourbillon et Valère, 100% électriques et automatisées, dont l’objectif dans un avenir prévisible sera de compléter et d’améliorer le réseau de transport sur le dernier kilomètre, le but n’étant pas de remplacer les bus sur des lignes existantes. En accueillant jusqu’à 15 voyageurs chacun, ils étaient les premiers véhicules de transport public au monde à avoir circulé en conduite autonome. Depuis le début de leur mise en service dans le centre historique de Sion en 2016, Tourbillon et Valère ont attiré des visiteurs et des experts du monde

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MOBILITÉ entier, ayant assuré le transport de 54 000 voyageurs en moyenne, à une vitesse maximale de 20 km/h. Première phase test En 2016 l’Office fédéral des routes (OFROU), et le Service cantonal des routes valaisan ont autorisé le lancement de la première phase test des SmartShuttles dans un périmètre prédéfini au centre-ville de Sion. Lors de la cette période, les autorités locales et cantonales en tirent un bilan positif : 21 500 personnes transportées, et des résidents majoritairement favorables au service à l’essai. Au vu du succès rencontré à cette époque, l’exploitation a été prolongée et étendue en 2017. L’OFROU maintient son soutien pour le projet en autorisant une extension de l’itinéraire pour relier la vielle ville à la gare de Sion.

l’un des 17 arrêts virtuels à l’autre. Grâce à cette large couverture, les habitants de la localité ont bénéficié d’un arrêt à proximité immédiate de leur domicile ainsi que d’une connexion simplifiée au réseau de trains régionaux. Cette réalisation inédite représente une étape importante dans l’évolution du projet. D’après le président de la Ville de Sion, Philippe Varone : « Les navettes ont fait leurs preuves ces dernières années. Nous nous réjouissons de franchir à Uvrier une nouvelle étape dans leur évolution en ayant la possibilité de desservir tout un quartier résidentiel avec une offre à la demande. »

Les SmartShuttles ont véhiculé un message fort en matière de technologie, de mobilité et de durabilité

Conduite autonome et service à la demande Cinq ans après le lancement du projet-pilote en ville de Sion, c’est un nouveau chapitre de l’histoire des SmartShuttles qui s’est écrit en 2021 dans le quartier résidentiel d’Uvrier. L’objectif était d’analyser l’intérêt d’un véhicule autonome dans un quartier à faible densité. Les habitants et les touristes ont eu la possibilité de réserver les deux navettes à l’aide d’une application, par téléphone ou encore via un écran tactile pour effectuer le trajet de leur choix. Les navettes autonomes ne suivaient donc pas un parcours prédéfini dans Uvrier, mais ont conduit les clients, à la demande, de

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Un laboratoire à ciel ouvert Cette expérimentation avait principalement pour vocation d’être un terrain de jeu pour les chercheurs des différentes universités visant à mieux comprendre et à innover dans ces nouvelles formes de mobilité, plus intelligentes et partagées. Cela a été le cas notamment en partageant les résultats dans le cadre du projet « Avenue » (Autonomous Véhicules to Evolve to a New Urban Expérience), une initiative de l’UE intégrée au programme de recherche et d’innovation « Horizon 2020 ». Force est de constater qu’il y a encore beaucoup à apprendre et à innover autour de la conduite autonome, et c’est dans cette optique que de nombreuses entreprises privées, mais aussi plusieurs acteurs du secteur des transports publics, se sont réunis et ont formé la Swiss Association for Autonomous Mobility (SAAM) afin de faire progresser l’utilisation des véhicules autonomes en Suisse.


MOBILITÉ

L'application qui numérise les amendes Abraxas Informatique SA est le premier fournisseur de solutions d'amendes sur l'ensemble du marché policier suisse. Fin 2017, deux produits ont été lancés, EPSI App Amendes et EPSI Portail Amendes, qui, main dans la main, numérisent de manière coordonnée les amendes de stationnement.

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ien de plus simple : scannez le QR code avec votre smartphone, saisissez votre numéro d'immatriculation et payez par carte de crédit. Le processus d'amende de bout en bout est rationalisé grâce à la balise QR qui fait le lien et rend le travail de la police plus efficace (voir infographie). Solution éprouvée du leader du marché Grâce aux fonctions d'assistance, chaque amende d'ordre est enregistrée plus rapidement, et moins d'erreurs se produisent. Au lieu d'appareils spéciaux coûteux, les agents des forces de l'ordre utilisent leurs téléphones portables familiers. Cela signifie qu'ils peuvent toujours accéder aux informations actualisées des principales bases de données. Il y a un QR code sur chaque amende qui amène directement au portail des amendes en ligne, sur lequel les contrevenants peuvent en voir les détails et la payer. Avec le client, pour le client Grâce au package tout-en-un du portail d'amendes EPSI d'Abraxas, les clients disposent d'une solution entièrement intégrée, tournée vers l'avenir et en constante évolution. Un facteur clé de succès est ici que la solution est toujours développée en collaboration avec l’utilisateur. De cette manière, le savoir-faire des corps de police est directement intégré au développement du logiciel. Ce n'est donc pas un hasard si des corps de polices tels que la ville de La Chaux-de-Fonds, la Police Région Morges, la Police Régionale des Villes du Centre (PVRC) ou le service de la Police Municipale de Genève (et bien d'autres encore) utilisent déjà le système d'amendes numériques. Depuis sa mise en route en novembre 2017 à la police cantonale de Bâle-Ville, l'application de gestion des amendes a fait ses preuves. Par l'utilisation de l'application auto explicative, les données sont devenues plus précises, ce qui a permis d'optimiser l'ensemble du processus. Il y a une très bonne acceptation de la part de la police et des agents sur le terrain. Même retour positif des usagers qui peuvent régler leur amende en quelques clics. Pour les récalcitrants du numérique, une contravention papier est transmise au bout de 30 jours.

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FORMATION

Nils Soguel Au cœur de l’action publique Le directeur de l'Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) revient pour Dossiers Publics sur l'historique et le rôle de la haute école située sur le campus de l'Université de Lausanne, à l'occasion de son 40e anniversaire.

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Propos recueillis par Leonidas Perroit D.P. : Cher professeur, à l’occasion du quarantième anniversaire de l’IDHEAP (Institut de hautes études en administration publique) que vous dirigez à l’UNIL, pourriez-vous nous présenter cet institut en nous résumant également son histoire, qui n’a pas toujours été liée à l’UNIL ? Nils Soguel : Être au cœur de l’action publique. C’était la volonté des fondateurs de l’IDHEAP, il y a 40 ans, en 1981. En fait, l’histoire de l’IDHEAP commence plus tôt. En 1956, quand Enrico Bignami, alors administrateur délégué de Nestlé, crée une école pour les cadres de son entreprise, une école qui deviendra l’IMD. Germe alors chez cet homme l’idée de créer le pendant pour l’administration publique. Il concrétise cette vision en finançant une fondation, la Fondation pour un institut de hautes études en administration publique. L’IDHEAP était né. Et avec lui son Master of Public Administration, le MPA – l’équivalent pour le secteur public de ce qu’est le MBA pour le secteur privé. Notre MPA a depuis été accrédité au niveau européen. La filiation avec l’IMD explique que l’IDHEAP soit installé à Lausanne. Et les contacts étroits entretenus avec l’Université de Lausanne. Les recteurs successifs ont soutenu l’IDHEAP. Le prof. Dominique Arlettaz sera, en 2014, l’architecte de notre intégration dans l’Université de Lausanne. Dans la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique, la FDCA. Cette réunion de savoirs et de compétences est unique en Suisse et en Europe, voire au-delà. On compare souvent l’IDHEAP avec sa cousine française l’ENA, l’École nationale d’administration. Mais nous nous en distinguons nettement par le fait que, outre l’enseignement, nous sommes très actifs en matière de recherche, de publications scientifiques et de conseil à la Cité. L’IDHEAP rayonne largement au-delà du canton de Vaud. Pouvez-vous nous parler de ses liens avec d’autres instituts dans d’autres cantons et pays ? L’IDHEAP collabore avec de nombreuses hautes écoles en Suisse et à l’étranger. Pour la formation et pour la recherche. Nous œuvrons avec l’Université de Berne et l’Université de la Suisse italienne pour offrir ensemble le master consécutif en politique et management publics, le Master PMP. En collaboration avec l’Université de Genève, la Haute École fédérale en formation professionnelle et la Haute École pédagogique Vaud, nous formons les cadres d’établissements de formation. Cette formation en direction d’institutions de formation – la FORDIF – est obligatoire pour diriger une école primaire ou secondaire. Présenter le réseau international de l’IDHEAP conduirait à une énumération fastidieuse. On dira simplement qu’il s’étend sur les cinq continents. Comment s’intègrent les cursus et la vocation de l’institut en général dans les tissus multilingues et intercantonaux suisses ? Nos fondateurs ont voulu une vocation nationale pour notre institut. Nos étudiants viennent de toute la Romandie, mais aussi de Suisse alémanique, pour se former à l’IDHEAP. Par ailleurs, les étudiants du master PMP sont amenés à suivre des enseignements également à Berne et à Lugano.

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FORMATION Par ailleurs, l’IDHEAP accueille la seule formation doctorale de Suisse en administration publique. Les doctorants non seulement de l’IDHEAP mais aussi d’autres universités suivent cette formation lorsque leur thèse touche le management public ou les politiques publiques. S’il avait été fondé dans n’importe quel autre pays, l’IDHEAP ne serait jamais devenu ce qu’il est. Le fédéralisme, la démocratie directe, la concordance nous offrent un formidable laboratoire. Nous l’exploitons pleinement dans nos formations, dans nos recherches. L’approche comparative est extrêmement profitable pour comprendre l’action publique et ses effets sur la société. Pour preuve de cette spécificité, nous accueillons régulièrement des délégations étrangères qui cherchent à comprendre le système suisse. Nous sommes régulièrement appelés à l’étranger pour présenter les solutions qu’offre le modèle suisse. Tous les membres du corps professoral de notre institut sont d’ailleurs en train d’élaborer ce que nous avons appelé le Modèle IDHEAP d’administration publique. Notre modèle articule de manière cohérente les principales dimensions et défis de l’administration publique moderne.

Votre école n’a pas pour unique but de former les cadres de l’administration publique à venir mais joue également un rôle pratique. Pouvez-vous nous expliquer comment ? Le lien avec la pratique s’inscrit dans la tradition de l’institut. Notre devise est on ne peut plus explicite : « IDHEAP : au cœur de l’action publique ». Depuis 40 ans, les membres de l’institut observent le secteur public avec un regard et une curiosité de scientifiques. Mais ils ont aussi accompagné l’évolution de l’administration publique. Ils ont façonné diverses collectivités et politiques publiques. Vos lecteurs n’ont qu’à parcourir le site internet de l’IDHEAP pour s’en convaincre : nous offrons une palette incomparable de compétences en lien avec les problématiques publiques. Permettez-moi d’en citer quelques-unes : droit public, stratégie, organisation, institutions, régulation, communication, gestion des ressources humaines, management de l’information, numérique, économie, finances, évaluation, durabilité, social, sport. Il n’est donc pas étonnant que les administrations publiques ou parapubliques nous sollicitent lorsqu’elles ignorent comment aborder un problème, voire ne disposent pas des ressources ou du temps nécessaires pour chercher une solution. Nos experts sont intervenus à moult reprises dans des dossiers de fusion de communes, de péréquation financière, de délégation de la fourniture de prestations à des tiers –privés ou publics, de légistique, d’audit organisationnel, de stratégie de communication, d’analyse de satisfaction, et j’en passe. Pour en revenir à l’anniversaire de l’IDHEAP, vous avez prévu, après la célébration de départ du 5 novembre, une série de manifestations variées tout au long de l’année 2022. Quelles sont-elles ? Trois expositions sont à découvrir dans les magnifiques espaces qu’offre le bâtiment de l’IDHEAP sur le campus de l’Université de Lausanne. Avec sa série Undae, la photographe Catherine Leutenegger offre un travail de vulgarisation en image des recherches réalisées à l’institut. Dans une deuxième exposition, le duo de media designers suisses Tom Zambaz et Caroline Buttet ont augmenté la réalité des fameux portraits de bureaucrates réalisés aux quatre coins du monde par le photographe néerlandais Jan Banning. L’occasion de mettre en scène les anecdotes tirées de l’histoire de ces bu-

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Notre modèle articule de manière cohérente les principales dimensions et défis de l’administration publique moderne


Ci-dessous, le Learning Lab et le bâtiment de l'IDHEAP. À droite une photo exposée de Catherine Leutenegger

reaucrates, mais aussi de la petite histoire de l’IDHEAP. La troisième exposition, celle de l’artiste Mina de Nuccio, brosse le portrait vivant des personnes qui habitent nos lieux en recourant à la technique du morphing. Une manière de rappeler que l’institut n’est rien sans celles et ceux qui y étudient, travaillent et le font vivre. À côté de ces trois expositions, un cycle de conférences se déroulera sur l’ensemble de l’année 2022. Les thématiques seront variées. Mais toujours en prise avec les défis du secteur public, par exemple la corruption, les conflits d’intérêts, l’investissement dans le capital humain ou encore la gouvernance des données ouvertes. Les dates seront disponibles prochainement sur notre site web. Vos qualifications, tant professionnelles qu’académiques, sont exemplaires. Pourriez-vous nous raconter votre parcours en quelques dates ou événements clés ? J’ignore si ces qualifications sont exemplaires. Quoi qu’il en soit, un parcours est toujours façonné par des occasions et des rencontres. Parmi ces rencontres, je dois mentionner mon collègue Claude Jeanrenaud, qui a été mon directeur de thèse. Il m’a mis le pied à l’étrier des finances publiques. À l’époque, il m’a aussi propulsé dans la thématique naissante de l’économie de l’environnement, thématique que j’ai depuis laissée de côté. Mais c’est elle que j’ai enseignée entre 1993 et 1994 au University College de Londres à l’invitation du professeur Anil Markandya. Anil a d’ailleurs été distingué en 2007 par le Prix Nobel de la paix en tant que membre du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. À mon retour en Suisse, l’IDHEAP mettait au concours un poste de professeur en finances publiques. J’ai postulé, et me voici. D’autres occasions sont survenues. Elles m’ont notamment conduit à créer le Comparatif IDHEAP des finances cantonales et communales. C’était en 1999. Nous le publions depuis lors chaque année. On m’a aussi appelé pour diriger dès 2008 le Conseil suisse de présentation des comptes publiques, l’organisme chargé de normaliser la présentation des comptes des administrations publiques. D’autres relations – très personnelles – m’ont rapproché du cœur de l’appareil administratif et m’ont permis de le connaître intimement. J’aimerais encore mentionner mes collègues professeures et professeurs à l’IDHEAP, avec qui nous partageons la même passion pour la chose publique, ainsi que mes collaboratrices et collaborateurs, mes doctorantes et doctorants. Sans elles et sans eux, mes publications, mes expertises, mes enseignements ne seraient pas ce qu’ils sont. En quoi la crise sanitaire a-t-elle influencé votre institut ? Pouvez-vous en tirer des points positifs ? Nous avons évidemment dû mener nos activités à distance. Notre infrastructure s’y prêtait déjà. Et nous l’avons encore améliorée. Il faut cependant voir que la formation continue, qui est centrale pour l’IDHEAP, n’apporte sa pleine plus-value que si elle permet le partage d’expériences, les échanges interculturels et le réseautage. L’enseignement à distance ne le permet guère. C’est pourquoi nous venons d’inaugurer, dans nos locaux, le premier learning lab de l’Université de Lausanne afin de pouvoir conjuguer les exigences du distanciel avec les besoins d’échanges interpersonnels sur site.

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ÉVÉNEMENT

Organisée conjointement par le Conseil mondial de l’eau et le Gouvernement sénégalais, la 9e édition du Forum mondial de l’eau se tient à Dakar du 21 au 26 mars 2022 avec pour thème « la sécurité de l’eau pour la paix et le développement ». En l’absence d’un mécanisme intergouvernemental sur les enjeux de l’eau à l’international, les Forums mondiaux de l’eau (FME) sont actuellement les seuls espaces internationaux d’échanges multiacteurs sur l’eau. Pour la première fois, un FME va se dérouler en Afrique subsaharienne, permettant d’attirer l’attention de la communauté internationale de l’eau sur les enjeux spécifiques à la région Afrique de l’Ouest et Sahel. Le secteur privé et le secteur public suisses seront présents à l’événement

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ÉVÉNEMENT

Le forum Principal événement international concernant les questions liées à l'eau, le Forum mondial de l'eau (FME) est organisé tous les trois ans depuis 1997 par le Conseil mondial de l'eau, basé à Marseille, en partenariat avec le pays d'accueil, cette année le Sénégal. Il s'inscrit dans le processus de collaboration mondiale sur les problématiques liées à l'eau, en offrant aux politiques et aux décideurs concernés le seul espace international de débat et de contributions d'experts

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Au fil des ans, le nombre de personnes participant au forum est passé de quelques centaines à des dizaines de milliers, tant de la communauté internationale que des pays hôtes. Les participants au forum se rejoindront ainsi dans l'effort pour améliorer la qualité de vie des personnes dans le monde entier et sécuriser l’eau partout et pour tous. Les mécanismes de gouvernance du forum s’articulent autour d’un Comité de pilotage international composé par le Sénégal et le Conseil mondial de l’eau qui veille sur la réalisation des actions cruciales de la feuille de route, du processus préparatoire et à l’organisation du Forum. Pour cette édition, ce seront Patrick Lavarde, directeur général du Conseil de l'eau, et Abdoulaye Sene, le secrétaire exécutif du 9e Forum mondial de l’eau, qui coprésideront le comité international de pilotage.

Par Jean Léger

e 9e Forum mondial de l’eau, le premier du genre organisé en Afrique subsaharienne, est un grand défi. Son programme est axé sur l’agenda 2030 pour des actions transformatrices. Cette vision se décline en feuille de route avec quatre priorités : la sécurité de l’eau et l’assainissement, la coopération, l’eau pour le développement rural et les outils et moyens. En réunissant les gouvernements, le secteur privé et les organisations de la société civile pour renforcer la mise en œuvre des actions nécessaires à la réalisation de l’Objectif du développement durable numéro 6 (ODD6), le 9e Forum mondial de l’eau offrira également une plateforme d’expression à d’autres parties prenantes (groupements de femmes, jeunes, agriculteurs, éleveurs et pêcheurs) et contribuera ainsi à la transformation qualitative du quotidien des populations et à l’amélioration des performances des secteurs de production.

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Couverture de la brochure du Forum

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Patrick Lavarde et Abdoulaye Sene, les coprésidents du comité international de pilotage du forum


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1 et 2. Dakar, capitale du Sénégal, sera à l'honneur durant les 6 jours de l'événement. Surplombant la ville, le Monument de la Renaissance africaine de 52 mètres en bronze et cuivre symbolise la « dignité du continent ». C'est la permière fois qu'un Forum mondial de l'eau est organisé en Afrique 3. Réunion de lancement du 9e Forum Mondial de l'Eau rassemblant des participants du monde entier pour travailler sur les grands enjeux de l'eau 4. L'accès à l’eau potable est l'une des priorités du Forum. Ici, à Nguekokh, une ville de l'ouest du Sénégal, c'est une doléance de 30 ans satisfaite.

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« Nous allons donner l'accès à l'eau potable à plus de 80 000 personnes » Présente au Sénégal depuis 2012, la fondation suisse Access To Water (A2W) est active dans des projets d’accès à l’eau potable, à la santé, à l’éducation et à la création d’emploi, dans des zones rurales victimes de stress hydrique. L'action de cette structure basée à Bulle (FR) a permis de distribuer plus de 150 millions de litres d’eau potable dans des régions sénégalaises où l’eau est rare, fluorée, polluée et souvent salée. C'est dans ce cadre que la fondation participe au 9e Forum mondial de l'eau. Président et fondateur d'A2W, Renaud de Watteville donne dans cet entretien sa vision de l'accès à l'eau potable dans le but d'améliorer le cadre de vie des populations rurales. Propos recueillis par Charles Peguiron

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Les projets sont gérés depuis la Suisse ? Renaud de Watteville  : Non, ils sont gérés localement par une équipe absolument formidable. Pour qu'un projet réussisse, il faut qu’il ait un ancrage local extrêmement fort. Nous avons la chance d'avoir un soutien des communautés et des autorités locales. Quelles sont les actions phares menées par votre fondation ? Les premières années, la fondation a mis en place un réseau de kiosques d'eau potable qui a permis de produire plus de 150 millions de litres dans les régions rurales. Depuis 2019, afin de financer son expansion, ce projet a été repris par des privés.

Pourquoi le choix du Sénégal ? Ça, c'est une très bonne question ! En fait, je ne sais pas ! J’imaginais faire un projet-pilote en Asie. Mais, un jour, quelqu'un m'a parlé du Sénégal avec une telle force et une telle autorité que je me suis dit que cela devait se faire ainsi. Et après mon premier voyage, je n'ai pas hésité une seconde. La réalité des besoins et l'engagement des populations m'ont convaincu immédiatement. J'espère que le projet sénégalais sera un exemple pour d'autres régions, pour d'autres pays.

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Nous travaillons actuellement sur le développement de nouvelles machines de traitement d’eau qui seront suivies grâce à un système de nanosatellite développé et géré en Suisse avec Astrocast

Et les principaux projets en cours ? Depuis 2020, la fondation a mis en place un nouveau projet : l’eau est donnée gratuitement aux populations vivant dans des zones sous stress hydrique. Les machines sont installées dans des postes de santé et des écoles. Un système de maintenance est mis en place. Il est financé sous la forme d'un forfait au niveau de la communauté. Nous avons commencé par des petites machines qui traitaient environ 50 à 100 litres par jour. Nous en avons installé 87. Depuis le mois de février de cette année, nous installons des machines plus grandes qui arrivent à produire jusqu'à 1400 litres par jour. Nous nous préparons à porter de l'eau gratuitement à plus de 80 000 personnes à raison de 2 litres par jour et par personne d'ici à la fin de l’année.

Quelques idées révolutionnaires sont également en cours, non ? Oui, c'est vrai. Nous travaillons actuellement sur le développement de nouvelles machines de traitement d’eau qui seront suivies grâce à un système de nanosatellite développé et géré en Suisse avec Astrocast. Cela sera probablement les premières machines livrées en pirogue et suivies par nanosatellites ! La fondation est également active dans la recherche et le développement de solutions de traitement d’eau en partenariat avec l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Quel est le bilan de l'action menée jusqu’ici ? L'impact du projet est immédiat. La santé des communautés rurales s'améliore rapidement. Les maladies liées à l'eau disparaissent. Dans les zones où l'eau et saumâtre, l'hypertension diminue rapidement, particulièrement pour les personnes âgées. Dans les régions souffrant du fluor, l'impact est également immédiat. L'action de la fondation a également des incidences positives sur le plan économique et social. En effet, l'absentéisme diminue, les enfants apprennent mieux à l'école. La clé pour accompagner les populations et améliorer leur qualité de vie, c'est d'abord l'eau potable. Les populations n'ont plus besoin de parcourir de nombreux kilomètres pour aller chercher de l'eau. La production d'eau potable se fait sur place. Et le liquide précieux est utilisé dans des bouteilles recyclées.

Bio express

Renaud de Watteville (63 ans) est un ancien pilote professionnel. Mais après deux ans de formation, il a dû renoncer à sa carrière à cause de problèmes de vue. Passionné de voile et de voyages, il a parcouru le monde avant de travailler, dès 1984, pour le centre sportif de l’Université de Lausanne et, ensuite, de l’EPFL. En 1989, il a lancé une agence événementielle et a eu notamment des mandats de Swiss Tourism, Nestlé, Swatch, Expo.02, Red Bull et la coupe du monde de snowboard à Leysin pendant 23 ans. En 2008, Renaud de Watteville a fondé Swiss Fresh Water (SFW). C’est l’occasion pour lui de mettre son expérience à disposition d’un projet industriel ayant un fort impact humain. En 2012, il crée la Fondation Access To Water. Et en 2018, il quitte SFW pour se consacrer à 100 % à la fondation. Renaud de Watteville est marié et père de deux enfants adultes.

L'avis du représentant local Représentant local d'A2W, Badara Diom ne tarit pas d'éloges sur l'impact de la structure dans la vie des populations rurales. « A2W constitue un plus indéniable pour ceux qui sont au bas de la pyramide sociale. Avant, pour avoir de l'eau de qualité, ces personnes en situation précaire devaient acheter des bouteilles d'eau minérale. Maintenant, elles ont accès à de l'eau de meilleure qualité que celle des personnes nanties résidant en zone urbaine », constate avec satisfaction celui qui est par ailleurs maire de la commune de Djirnda dans les Îles du Saloum, au sud de la PetiteCôte au Sénégal. Selon lui, que ce soit sur le plan environnemental ou socio-économique, l'action d'A2W a des effets multiformes. « Du fait de la contamination des nappes phréatiques, l'eau tirée des forages était impropre. Avec nos machines de traitement, ce problème est résolu tout en permettant l'employabilité des jeunes et des femmes dans nos points d'eau, sans parler des effets positifs sur la santé des populations, notamment les femmes enceintes et les personnes âgées », poursuit Badara Diom. Il souligne la bonne coordination entre A2W et les services étatiques dans les domaines de l'hydraulique, de l'éducation et de la santé. « Grâce à A2W, des jeunes techniciens sénégalais ont été formés et s'occupent de l'entretien et de la maintenance des machines. D'autre part, des personnes qui dégradaient l'environnement avec des coupes sauvages de bois dans les forêts ont été formées et sont devenues des gestionnaires de nos points d'eau », salue Badara Diom.

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