Dossiers Publics printemps 2021

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SPÉCIAL SÉCURITÉ IMPRESSUM 1/2021 - Printemps 2021

Rédaction, administration Rêmedia SA Rue des Vollandes 19, 1207 Genève Tél. +41 (0)22 809 94 94 info@re-media.ch www.dossiers-publics.ch Editeur Rêmedia SA Fondateur Roland Ray Directrice de publication Aby Wane Journalistes Raphaël Klemm, Kathleen Sylvester, Charles Peguiron, Nathalie Brignoli, Amélie Buzzano Correcteur Ludovic Roulin Ont collaboré à ce numéro Leonidas Perroit, Félix Portaz, Jean Léger Production Régis Chamberlin - ChamberlinProd Graphisme, infographies et illustrations Lionel Portier Diffusion et abonnements Hervé Braillard diffusion@re-media.ch

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Publicité Aby Wane aby.wane@re-media.ch +41 22 809 94 49 Remerciements Marie De Coulon, Valentin Clivaz Photos : © DR sauf mention contraire La reproduction, même partielle, des articles, photos et illustrations parus dans Dossiers Publics n’est autorisée qu’avec l’accord formel de l’éditeur. L’éditeur n’assume aucune responsabilité pour les textes et les illustrations qui ne sont pas issus de la Rédaction du magazine.

ISSN : 2504-2246 Prix au numéro : CHF 12,50

©2021 Rêmedia SA

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Edito Sécurité, quand tu nous tiens… Protection des personnes et des biens, de l’intégrité physique et morale, du domaine public, de la vie privée, des libertés, de l’intérêt général, des échanges, des données… Notre cher monde moderne décline à l’infini les angoisses sécuritaires et les moyens d’y remédier. Au-delà d’un besoin naturel, inhérent à la nature humaine (elle est d’ailleurs solidement installée à la 2e place de la célèbre pyramide de Maslow, juste après les besoins physiologiques de base), la sécurité est devenue l’aune à laquelle se mesurent toutes nos interactions, définissant quasiment notre rapport au monde. On pourrait presque dérouler le fil de l’histoire de l’humanité sous le seul angle de la sécurité, de la préhistoire, où elle consistait à se protéger des attaques d’animaux sauvages, jusqu’à nos jours, où elle atteint des niveaux de sophistication inédits, faisant écho aux progrès spectaculaires de la technologie et de la science. À la fois clé de voûte et talon d’Achille d’une société visiblement dépassée par ses propres avancées, elle s’invite désormais dans tous les débats. Obsession collective flirtant parfois avec sa consanguine paranoïa, elle est devenue un business à part entière, un enjeu politique et économique majeur. Autant de raisons pour lesquelles nous avons eu envie de faire un tour du propriétaire en compagnie des acteurs principaux de l’omniprésente et omnipotente sécurité dans leurs domaines respectifs. Nous vous proposons ainsi un état des lieux avec le conseiller d'État genevois Mauro Poggia, en charge de ce secteur, un zoom sur la cybersécurité avec une interview de Lennig Pedron, la directrice de l'innovante Trust Valley. En dehors de cette bulle sécuritaire, le chef du Département fédéral des affaires étrangères Ignazio Cassis nous fait part de son voyage en Afrique de l'Ouest, où de belles perspectives s'ouvrent pour la Suisse. Quoi qu'il en soit, pensez à mettre votre exemplaire de Dossiers Publics et autres biens précieux sous clé en sortant de chez vous, juste par mesure de sécurité... La Rédaction

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Sommaire Instantanés, Nominations

Hôtellerie suisse:

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Tourisme et pandémie

10 12 17 24 26 Le saviez-vous?

La Trust Valley comme facilitateur et boosteur de cybersécurité

8 FAITS insolites sur la sécurité en Suisse

Covid-19

Les cybercriminels lui disent merci !

Interview

Interview exclusive

Sécurité 2.0 L'objectif de Mauro Poggia

Sécurité des données, le nouvel Eldorado suisse ?

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Lennig Pedron Directrice

Les contes de la crypto(monnaie) : Le Hasheur corse, le prodige russe et la reine déchue

Les piliers de la sécurité romande La parole aux commandants

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Solutions d'entreprise intelligentes

Le Côté Privé de la Force Les entreprises de sécurité

RÉALISATIONS Tunnel du LEB Nouveau campus de l'EHL

44 46 60 71 80 88 Nouvelle Comédie de Genève

Pavillon de la Danse à Genève

Salon SUISSE PUBLIC

Retour très smart du rendezvous des collectivités publiques

AFRIQUE Interview exclusive Ignazio Cassis :

POLICIER Tout un (7e) art

“ En Afrique, la Suisse inspire confiance. Nous allons y renforcer notre présence ”

14 Infographies

La sécurité en chiffres et graphiques

34 Sécurité à tous les échelons Vue d'ensemble de la sécurité en Suisse

68 Construction Éclairage de chantier

76 Afrique Et si la relance de notre économie passait par l'Afrique ?

78 Ngozi Okonjo-Iweala

Histoire

L'ONU a 75 ans

Certificate of Advanced Studies (CAS)

Outils de management public Lier le management des entités administratives avec leurs impacts sur le terrain sociétal

Une Africaine à la tête de l'OMC

86 Didier Raoult Reçoit les honneurs au Sénégal

90 Histoire Neutralité d'un passé guerrier au Palais des Nations Garde suisse: un corps d’élite dans les coulisses du Vatican

92 Coups de Cœur Biblio, Site & Pages

Public Affairs & Lobbying Une formation continue certifiante bilingue (FR-DE) unique en Suisse

Prochaines sessions Septembre 2021

Renseignements & inscriptions formationcontinue.gestion@he-arc.ch www.heg-arc.ch

95 Trait d'humeur 96 Répertoire DOSSIERS PUBLICS PRINTEMPS 2021

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INSTANTANÉS

SUISSE

> LA SUISSE CHAMPIONNE DU MONDE DE L’E-COMMERCE Déjà plébiscitée, ces dernières années, pour sa compétitivité, sa capacité à innover, son taux d’industrialisation ou la qualité de son système éducatif, la Suisse vient d’accrocher une nouvelle étoile à son palmarès en devenant pour la première fois championne du monde de l’e-commerce. Devançant les Pays-Bas en tête de ce classement dressé par la Commission des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la Confédération peut en effet s’enorgueillir, avec 97% de sa population usant d’Internet et 98% disposant d’un compte en banque en 2020, d’être le pays le mieux armé de la planète en matière d’échanges électroniques entre entreprises et clients individuels. Une bonne nouvelle face à un pan de l’économie globale estimé à plus de 3900 milliards de francs en 2018.

> LES PME SUISSES PEU SENSIBLES À LA SÉCURITÉ INFORMATIQUE Corollaire de la pandémie de Covid-19, le télétravail ne fait plus figure d’exception au sein des entreprises helvétiques. Pour autant, et bien que cette pratique augmente les risques informatiques, nos PME restent, d’après une récente étude de Digitalswitzerland, peu sensibi-

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lisées aux questions de cybersécurité. Certes, la plupart prennent des mesures pour se protéger, mais celles-ci s’avèrent souvent insuffisantes. Ainsi, seul un tiers des PME offrirait une formation aux employés, tandis que la moitié des dirigeants s’avouent mal informés. Parallèlement, 50% des entreprises ne disposeraient d’aucun plan d’urgence, sans même parler d’une cyberassurance. Quant aux précautions supplémentaires nécessaires à la suite du boom du télétravail en 2020, elles ne seraient qu’une sur dix à y avoir songé.

> L’ANTISÉMITISME GAGNE DU TERRAIN EN SUISSE La Suisse se laisserait-elle glisser sur la pente, ô combien dangereuse, de l’antisémitisme  ? C’est assurément ce qui ressort d’un récent rapport de la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation), avec quelques 147 actes visant la communauté juive enregistrés en 2020, contre 114 l’année précédente. Bien que l’organisation relève que notre pays est moins touché que d’autres par ce fléau, elle n’en souligne pas moins une nette augmentation du phénomène (+41%), tout particulièrement sur Internet et les réseaux sociaux, où se concentrent une majorité de cas. Une progression que la Cicad relie à la pandémie, 36% des actes concernant des théories de complot juif rattachées à la crise sanitaire.

> VERS DES HIVERS SOUMIS AUX PANNES DE COURANT? Se pourrait-il qu’à l’image de la cigale, la fée électricité cesse, dans un avenir proche, de chanter l’hiver venu  ? C’est en tout cas l’un des principaux scénarios prédits par l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) dans sa récente analyse des risques de catastrophes et de situation d’urgence en Suisse. D’après cette étude, qui a porté sur 44 dangers potentiels, les pénuries longue durée de courant en période hivernale constitueraient le plus grand péril auquel la population suisse pourrait devoir faire face dans le futur. Les conséquences de tels black-outs toucheraient notamment à la mobilité et à l’approvisionnement, sans parler des retombées économiques. La Confédération veille au grain toutefois, avec des plans d’urgence adaptés.

> MÉDIAS: BLICK ET WATSON S’INVITENT EN ROMANDIE Alors qu’on s’était plutôt habitués à voir le paysage médiatique romand se réduire, le voilà qui renforce son offre avec l’arrivée de deux nouveaux acteurs 100% numériques débarqués d’outreSarine. Et pas des moindres! D’un côté, Watson, propriété d’AZ Medien, qui déploie déjà, depuis ce 1er mars, la version francophone de son concept d’info-divertissement dynamique intégralement financé par la publicité, et qui ambitionne de captiver la génération des médias sociaux. De l’autre, Blick.ch, organe du groupe Ringier bien connu des Alémaniques pour son ton libre et direct, la qualité de ses enquêtes, et qui entend bien se faire très prochainement une place au soleil auprès des jeunes, notamment. De quoi épicer le monde de l’information en Romandie.


INSTANTANÉS

CANTONS

GE: POUR UNE MEILLEURE GESTION DE L’EAU POTABLE... Face aux défis posés par l’urgence climatique, la pollution et une démographie galopante, l’eau s’impose plus que jamais comme un enjeu majeur en matière de santé publique. Confrontée en 2019 à un rapport de sa Cour des comptes pointant certaines faiblesses dans sa gestion du précieux liquide, Genève s’est doté début 2021 d’une feuille de route centrée sur ces problématiques. Accessible sur le web, cette brochure de 60 pages explore la question de l’eau potable au niveau cantonal, des ressources disponibles à leur distribution, en passant par les menaces potentielles et les moyens de lutte à disposition. ge.ch/document/23459/telecharger

GE & VD : DES LOYERS PARMI LES PLUS CHERS DE SUISSE  ! A Genève comme dans le canton de Vaud, la cherté du logement locatif n’est pas une nouveauté. On ne s’étonnera donc pas de retrouver cette année encore ces deux cantons dans les hauteurs du classement des loyers les plus onéreux de Suisse, présenté fin février dernier par l’Office fédéral de la statistique. Certes, on n’y atteint pas les sommets rencontrés à Zoug, qui se place en tête avec une moyenne mensuelle de CHF 1883. pour un trois à quatre pièces. Mais avec des appartements équivalents loués au prix moyen de CHF 1508. et CHF 1486. par mois, respectivement, Genève et Vaud remportent la palme en Romandie.

VD: MONOPOLY MET LE CANTON À L’HONNEUR A l’instar de Lausanne, qui a vu sa version de 2002 rééditée l’an passé, c’est désormais au tour du canton de Vaud dans son entier de connaître sa propre mouture du Monopoly  ! Des rues de Nyon, Vevey ou Yverdon en passant par les neiges du Glacier 3000, le green du golf de Villars ou les remparts du château d’Aigle, les aficionados du célèbre jeu de société pourront investir sur l’ensemble du territoire vaudois, en évitant si possible les cellules de la prison de Bois-Mermet. Une variante inédite, proposée en édition limitée au prix de CHF 69,90.

combats de Reines. Une diminution du cheptel que connaissent aussi les neuf autres races ovines et bovines locales, et que le canton a décidé de contrer par diverses mesures, priorité étant donnée à la belle belliqueuse. Au total, une vingtaine d’aides contributives seront prises en charge par les instances cantonales, pour un montant annuel de CHF 250 000.

FR: ENSEIGNANTS  : LA PÉNURIE GUETTE... Le canton de Fribourg devra-t-il faire face à une pénurie d’enseignants  ? Tout le laisse à penser dans un contexte tendu en raison de la pandémie, qui a vu l’absentéisme augmenter du fait des contaminations par le Covid-19. Et ce alors même que la réforme des retraites adoptée en novembre 2020 a donné lieu à une flambée de départs anticipés, les conditions de la nouvelle loi s’avérant moins favorables. Conséquence, ce sont 150 postes qu’il faudra pourvoir ces prochaines années, sachant que la situation restera critique jusqu’en 2023 au moins.

VS: DES MESURES POUR PRÉSERVER LA VACHE D’HÉRENS Star emblématique des alpages valaisans, la vache d’Hérens tend à se raréfier, malgré le succès sans cesse renouvelé de ses fameux

VS : DES VAGUES AU CŒUR DES ALPES Les adeptes du surf vont s’en donner à cœur joie ! Non contents de pouvoir pratiquer leur sport de glisse favori sur les pentes enneigées du Valais, ils sont désormais invités à tester leur agilité sur les rouleaux océaniques d’Alaïa Bay. Première piscine à vagues artificielles d’Europe continentale, ce bassin de 8300 m2 capable d’accueillir jusqu’à 40 personnes à la fois sur ses eaux ondoyantes a ouvert ses portes le 1er mai 2021 dans la zone des îles à Sion. Il viendra compléter l’offre en sports extrêmes du complexe associé Alaïa Chalet.

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INSTANTANÉS

COMMUNES l’écologie et l’urgence climatique. Sur la base d’un rapport réalisé par le cabinet d’architectes danois Gehl, spécialiste en urbanisme, le chef lieu vaudois se prépare donc à une mue en profondeur, vers davantage de convivialité et de sécurité. A la clé, une ville plus propice à la flânerie et aux rencontres, aux piétons comme aux cyclistes, entre espaces de verdure et îlots de fraîcheur, revalorisée dans son architecture et ses spécificités.

> GENÈVE (GE) Les rues de la ville se féminisent Qu’il est loin le temps de la Genève de Jean Calvin, où les femmes étaient le plus souvent reléguées au rang de citoyennes inférieures, sous la coupe de leurs pères et maris ! Désormais, la gent féminine y tient sa place à part entière, jusqu’au fronton des rues. Mieux, la cité du bout du lac a décidé de pérenniser progressivement l’hommage rendu au beau sexe en 2019 via la féminisation momentanée de cent de ses rues. L’année 2021 voit ainsi s’inscrire définitivement dans le marbre, ou plutôt dans l’émail, le nom de dix de ces cent personnalités féminines marquantes de l’histoire genevoise déjà temporairement honorées voici deux ans. Un beau projet appelé à se poursuivre...

> LAUSANNE (VD) Vers des espaces publics plus conviviaux Qui dit changement d’époque dit changement d’environnement. La ville de Lausanne l’a bien compris et a décidé de s’adapter aux impératifs d’une société davantage centrée sur le vivre-ensemble, la mobilité douce,

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> LAUSANNE (VD) L’art contemporain au centre d’un nouvel espace Quelle que soit l’époque, l’arrivée d’un nouvel espace consacré à la culture est toujours de bon augure. Ça l’est d’autant plus aujourd’hui, à l’heure où la pandémie tend à mettre de côté ces plaisirs de l’âme. Dans ce contexte, c’est avec bonheur

qu’on accueillera cet été l’inauguration officielle en ville de Lausanne d’une galerie entièrement dédiée à l’art contemporain, sous l’égide du célèbre groupe Bel-Air Fine Art. Son ouverture en face du Lausanne Palace offre un écrin sans pareil à l’imaginaire d’artistes tels que Jeff Koons, Fred Allard, Cédric Bouteiller ou Cécile Plaisance, au travers d’une sélection inédite de sculptures, pièces murales et photographies.

> SIERRE (VS) Un pôle de compétences pour l’économie du futur L’avenir est fait d’incertitudes. Et ce d’autant plus que le progrès technologique s’accélère. Parmi les inconnues, les métiers de demain, fruit de l’émergence d’une société 2.0 vouée à la numérisation et à la robotique, posent question. Pour y répondre, la ville de Sierre compte sur la création du Swiss Digital Center, pôle de compétences en matière de numérisation fondé en partenariat avec l’État du Valais, la HES-SO Valais, Techno Pôle et la fondation The Ark. Sa mission: préparer l’économie du futur via la mise en place de smart grids (réseaux futés) au service de la transition énergétique, de l’éducation, de la santé ou du tourisme, entre autres.

> SAIGNELÉGIER (JU) L'Étang de Gruère au centre d’un concours d’idées Le Jura ne manque pas de sites attrayants. L’étang de Gruère en fait partie. Il constitue un pôle d’attractivité touristique majeur des Franches-Montagnes. Afin de souligner la valeur et le potentiel de ce véritable joyau naturel, le canton a lancé un concours d’idées pour son aménagement, avec pour objectif la mise en scène des activités touristiques au travers d’un projet centré sur l’intégration au paysage environnant des infrastructures paysagères, architecturales et urbanistiques. Les lauréats seront connus courant avril, et leurs propositions présentées par une exposition publique.


NOMINATIONS

MICHAELA

PIERRE MAUDET RECRUTÉ DANS LA CYBERSÉCURITÉ PAR WISEKEY Peu de temps après avoir quitté le Conseil d'État genevois, Pierre Maudet a déjà trouvé un nouvel emploi. La firme genevoise Wisekey, spécialisée dans la cybersécurité, a annoncé le 3 mai son embauche au poste de directeur de la transformation numérique. L'ancien conseiller d'État est un spécialiste en la matière, puisqu'il a notamment officié en qualité de ministre cantonal en charge de la sécurité, de l'énergie, des technologies numériques et de l'économie. L'ancien élu PLR a siégé pendant près de dix ans au Conseil d'État avant d'être poussé vers la sortie par plusieurs affaires retentissantes.

JOSEPH BONNEMAIN REDONNE ESPOIR AU DIOCÈSE DE COIRE (GR) Le diocèse de Coire ne pouvait rêver meilleur homme pour ramener la paix et la sérénité au cœur d’une congrégation malmenée par des décennies de conflits. Nommé par le pape en personne, ce Jurassien d’origine avait d’abord étudié la médecine, avant de se consacrer à la philosophie et à la théologie. Il est notamment connu pour avoir été secrétaire de la CES «  abus sexuels dans le contexte ecclésial  » et avoir significativement contribué à la fondation de la commission d’indemnisation des victimes. Homme de sagesse et de dialogue, il hérite d’une situation certes difficile, mais qu’il semble à même d’apaiser en renouant les liens d’une communauté trop longtemps tiraillée entre conservateurs et progressistes.

SCHÄRER PREND LA DIRECTION DE LA PROTECTION DE LA POPULATION Quel meilleur choix, pour reprendre les rênes de l’OFPP, qu’une personnalité aguerrie, forgée par une longue carrière au service de l’administration, et plus particulièrement au sein même du DDPS ? Première femme nommée à cette fonction, Michaela Schärer est tout cela et plus encore. Forte d’une expérience acquise à la faveur des nombreux postes occupés au fil des ans, notamment en tant que directrice suppléante de l’Administration fédérale des douanes, elle peut aussi se prévaloir d’excellentes compétences en matière de direction, d’organisation et ses compétences sociales. De quoi relever les nombreux défis de sa nouvelle fonction, qu’elle occupe depuis le 1er janvier.

CHRISTINE SCHRANER BURGENER, UNE DIPLOMATE POUR VEILLER AUX MIGRATIONS Une fois encore, la gent féminine démontre qu’elle a toute sa place aux plus hautes responsabilités. Avec la nomination de Christine Schraner Burgener à la tête du dernier Secrétariat d’état encore en mains masculines, cette fonction quasi ministérielle est désormais intégralement féminisée. Actuellement en poste au Myanmar, où elle remplit la mission sensible d’envoyée spéciale de l’ONU, la diplomate zurichoise se voit ainsi confier la responsabilité des questions migratoires. Une fonction qu’elle n’occupera réellement qu’à partir du 1er janvier 2022, en raison de son affectation présente.

DENISE TONELLA FACE AU DÉFI DU LANDESMUSEUM DE ZÜRICH Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Landesmuseum de Zürich tient une place à part. Soutenu par la Confédération, pourvu de multiples filiales, constamment en travaux, à la tête de collections pléthoriques, la vénérable institution inaugurée en 1898 représente un défi de taille. Une responsabilité qui a échu ce 1er avril à Denise Tonella, récemment nommée à la direction de ce musée parmi les plus visités de Suisse. Déjà dans la maison depuis 2010, la Tessinoise possède de nombreuses qualités, en particulier managériales, telles qu’une bonne compréhension des outils numériques et des médias, et d’excellentes capacités organisationnelles. Gageons qu’elle saura relever le challenge  !

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

EN CHIFFRES La Confédération helvétique dispose de l’un des systèmes de sécurité les plus performants au monde. Ce secteur pesait un milliard de francs en 2019. Il implique non seulement l'armée, la police et les gardes-frontières, mais aussi les prévisions météorologiques, le Centre national suisse de superinformatique (CSCS) ou l'Institut de la robotique et des systèmes intelligents (IRIS). La Suisse bat de nombreux records mondiaux dans plusieurs catégories relatives à la sécurité.

Les pays les plus sûrs L’indice ESG (ESGI) ou « Devoir de vigilance » mesure les risques liés à trois domaines majeurs: l’environnement (30 %), les droits humains (50 %) et la santé et sécurité des personnes (20 %). L’indice ESG offre un score de risque sur une échelle allant de 0 à 100, où 0 représente le risque le plus faible et 100 le risque le plus élevé.

1 Suisse

13,62

2 Danemark

14,51

3 Norvège

14,51

4 Suède

14,61

fois plus

que la population

Source: DDPS

14

10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

86 %

en ce qui concerne l’avenir du pays

Degrés de confiance sur 10, par secteur

8

7,4 7,1

7

8 6,7 5,8 5,6

POLICE

Entre 2011 et 2016, les forces de sécurité ont augmenté

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Les Suisses se sentent en sécurité et optimistes à

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Police

Tribunaux Conseil Économie Parlement Armée fédéral suisse fédéral

Médias

Partis politiques

Source : Étude réalisée par l’Académie militaire et Center for Security Studies de l’EPFZ

Les 3 grands piliers de la sécurité sociale

123 Premier pilier

Deuxième pilier

Troisième pilier

Assurance-vieillesse et survivants, assurance-invalidité (obligatoires)

Prévoyance professionnelle (obligatoire)

Prévoyance privée (facultative)

Toutes les personnes domiciliées en Suisse sont tenues de contracter une assurancemaladie de base. Le système de santé suisse est l'un des plus chers au monde.


La championne du monde des abris antiatomiques En 2006, la Suisse comptait quelque 300 000 refuges aménagés dans des habitations, institutions et hôpitaux, de même que 5 100 abris publics pour un total de 8,6 millions de places, soit un degré de couverture égal à 114% de la population. Degré de couverture de la population, en % Suisse

Suède

114

81

Finlande Autriche Allemagne France

70

30

3

La Suisse était le 12e exportateur d'armes en 2019

0

300

Le nouveau COFFRE-FORT international

millions de CHF

sont investis chaque année dans le développement de nouveaux centres de données en Suisse

Source: Deloitte

Au centre de l'Europe, avec un environnement politiquement stable, une sécurité totale de l'alimentation électrique, une forte connectivité et une réputation d'innovation technique, la Suisse est un endroit idéal pour construire des centres

de données. Selon Switzerland Global Enterprise, l'agence suisse de promotion des exportations et des investissements, le pays est classé au troisième rang des sites les plus attractifs sur 37 pays dans l'indice mondial de risque des centres de données.

SÉCURITÉ MÉTÉOROLOGIQUE ET NUCLÉAIRE MétéoSuisse exploite un système d'analyse et de prévision des vents EMER-Met (Emergency-Response Meteorology) en cas d'accidents nucléaires en Suisse et dans les pays limitrophes. Ce système est constitué d'un réseau spécifique de mesures et d'un modèle de prévisions météorologiques. La combinaison des mesures et du modèle fournit des bases importantes pour la protection d'urgence en Suisse. EMER-Met Instruments de télédétection Sites des centrales nucléaires avec stations SwissMetNet et mesures des turbulences Réseau de stations SwissMetNet

Source: Knoema

Top exportateurs

en millions de dollars, en 2019

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

États-Unis 10 752 4718 Russie 3368 France 1423 Chine 1185 Allemagne 1061 Espagne Royaume-Uni 972 Corée du Sud 688 491 Italie 369 Israël 285 Pays-Bas 254 Suisse

Source: MétéoSuisse

La SUISSE est le

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le e pays plus armé au monde

SIG SG 550 Sniper Fusil d'assaut officiel de l'armée suisse que les réservistes sont autorisés à ramener chez eux à l'issue de leur service militaire

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Confiance numérique et cybersécurité


SPÉCIAL SÉCURITÉ

LA GRANDE INTERVIEW

SECURITE

2.0 l'objectif de

Mauro Poggia

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SPÉCIAL LA GRANDE SÉCURITÉ INTERVIEW

SPÉCIAL SÉCURITÉ

Quelles solutions pour notre société en voie de numérisation? Conscient des enjeux posés par cette mutation, le conseiller d’État genevois Mauro Poggia multiplie les actions et les partenariats, avec en ligne de mire la sécurité de demain.

D

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Pouvez-vous nous expliquer quels sont les objectifs de la Trust Valley ? La Trust Valley est née d'une entente visant à valoriser et promouvoir l’écosystème qui s’est créé naturellement, au fil des années, dans la région lémanique autour de la confiance numérique et de la cybersécurité. Il s'agissait de mettre en place des moyens stratégiques pour stimuler la coopération et le pilotage de projets collaboratifs et interdisciplinaires au sein d'équipes hétérogènes, permettant de déboucher sur des actions tangibles, et pour accentuer les liens étroits pouvant exister entre la recherche fondamentale et les applications pratiques, favorisant ainsi le transfert de technologies. Cette entente, qui se traduit désormais par une alliance concrète, a pour but de construire un pôle de compétences, de favoriser le rayonnement de cet écosystème unique et d'encourager l’éclosion de projets novateurs. Portée par de multiples acteurs publics, privés et académiques, la Trust Valley a déjà à son actif la réalisation de plusieurs projets dont un qui connaît déjà un certain succès: le programme d’accélération de start-up Tech4Trust .

Propos recueillis par Félix Portaz

éjà au centre des préoccupations du canton de Genève avant l’émergence de la pandémie de Covid-19, la transition numérique, et les nombreux défis qu’elle sous-tend, est plus que jamais à l’avant-scène pour Mauro Poggia. De la création de la Trust Valley au déploiement du dossier électronique du patient CARA, en passant par la réorganisation d’une police davantage centrée sur la prévention et la proximité, le conseiller d’État en charge du DSES multiplie les actions et les partenariats pour construire la sécurité de demain.

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Monsieur le conseiller d’État, les cantons de Vaud et de Genève, en partenariat avec l’EPFL, l’UNIGE, l’UNIL, les hautes écoles et des entreprises du secteur de l’informatique telles que Microsoft, Sicpa et ELCA, se sont associés pour créer un réseau dédié à la cybersécurité sur le modèle la Silicon Valley, la Trust Valley. Quelle est la genèse de cette initiative ? Dans le contexte de transition numérique caractéristique de notre économie et de notre société en général, nous sommes devenus fortement dépendants des infrastructures et services numériques. Face aux risques inhérents à ce contexte, les cantons de Vaud et de Genève se sont associés de manière inédite pour créer la Trust Valley , un partenariat public-privé visant à exploiter et à promouvoir l’excellence de la région lémanique dans le domaine de la confiance numérique et de la cybersécurité.

Quels sont les atouts de la région lémanique dans les domaines du numérique et de la cybersécurité ? Outre de nombreuses compétences et expertises disponibles, la région lémanique présente plusieurs atouts en matière de confiance numérique et de cybersécurité: premièrement, des collaborations préexistantes entre les hautes écoles s’appuyant non seulement sur leur reconnaissance nationale et internationale mais aussi sur leur forte complémentarité ; deuxièmement, une concentration d’acteurs économiques majeurs, qui jouissent d'un rayonnement national et international (SGS, Wisekey, GCSP, CyberPeace Institute, Kudelski, Elca, SICPA notamment) dans le domaine de la cybersécurité et de la confiance numérique. Sans oublier la présence de plus de 370 entreprises (dont beaucoup de PME, de start-up, de scale-up et d’entreprises individuelles à haute valeur ajoutée), actives dans ce domaine ; troisièmement, une volonté de collaboration entre les acteurs économiques et l’EPFL, avec la création du C4DT, de l’entité de gouvernance numérique de UNIGE et de l’IHEID, laquelle regroupe en tant que membres fondateurs les acteurs précités. Elle exemplifie les investissements entrepris depuis de nombreuses années dans ce domaine, et fournit une base solide de collaboration pour la mise en place de la Trust Valley ; enfin, quatrièmement, une forte densité au sein du réseau lémanique et l'émergence de synergies impliquant les partenaires privés, PME incluses, et les partenaires publics et académiques. La mise en réseau de tous ces acteurs


de discussion. Cette dynamique a contribué à donner une résonance à l'initiative qui dépasse désormais nos frontières lémaniques et nationales.

Cantons, Confédération, institutions académiques et capitaines d’industrie, aussi bien locaux qu’internationaux, se sont réunis à l'EPFL le jeudi 8 octobre 2020 pour le lancement de la Trust Valley

La Trust Valley est née d'une entente visant à valoriser et promouvoir l’écosystème qui s’est créé naturellement, au fil des années, dans la région lémanique autour de la confiance numérique et la cybersécurité.

leur permet aussi de bénéficier des réseaux étendus des uns et des autres, dans le cadre de l’arc lémanique mais aussi sur le plan national. Comment se passe la collaboration avec le canton de Vaud pour cette Trust Valley ? La collaboration avec le canton de Vaud, sur un sujet qui ne connaît pas de frontière cantonale et qui nécessite une réponse urgente et plus globale, est excellente et je m'en réjouis. La mutualisation des efforts, bénéfique à nos deux cantons, constitue une priorité à nos yeux et nous invitons d'ailleurs à ce titre d’autres cantons à rejoindre cette initiative. Depuis le lancement de l'initiative, il y a 8 mois, l'entente est devenue un partenariat public-privé activement soutenu par le milieu entrepreneurial et industriel genevois et vaudois, par des startup ainsi que les grandes institutions académiques de la région lémanique (IHEID, HEIG-VD, HES-SO Genève, EPFL, UNIGE, UNIL). Des partenariats stratégiques sont également en cours

Quelles sont les perspectives de création d’emplois offerts par cette initiative ? Les perspectives de création d’emplois sont particulièrement prometteuses et cela à plus long terme, ce qui est aussi réjouissant pour le canton de Genève. Porté par une culture de l'excellence, notre canton attire de très bons membres du corps académique. Grâce à des initiatives de ce type, à haute valeur ajoutée, nous stimulons l’entrepreneuriat et permettons par ailleurs à nos jeunes de rester travailler dans la région dans de bonnes conditions. L'État est pleinement conscient de son rôle essentiel ici pour soutenir et accompagner cette valorisation essentielle pour l'avenir économique du canton. Il a été évoqué une possible « Convention de Genève numérique ». Pensez-vous qu’une telle convention ait une chance d’aboutir à l’heure actuelle? Et quel serait son domaine d’action? Cette question est à l'étude depuis plusieurs années déjà. Le paysage géopolitique du cyberespace est actuellement très mouvant et rien n’est impossible. Cela étant, pour l'heure, les discussions n’ont pas encore porté tous leurs fruits, ni délimité leur potentiel champ d'action.

Quel impact a eu la pandémie du Covid19 sur ce projet ? Avant la crise sanitaire, la sécurité numérique figurait déjà parmi les thèmes prioritaires du canton de Genève. Avec le confinement, le recours au numérique s’est révélé être un besoin essentiel – presque au même titre que la nourriture ou la santé – pour que notre quotidien puisse continuer de fonctionner. La pandémie a accéléré la transition numérique de notre économie et de notre société. Elle a renforcé notre dépendance aux infrastructures et services numériques. Le recours massif au télétravail a contribué à limiter une crise économique d’ampleur et à maintenir la scolarisation de milliers d’élèves. Or cette dépendance comporte de nombreux risques. Le recours accru au télétravail et aux outils numériques interconnectés durant cette période a rendu la Suisse plus exposée aux cyberattaques, au même titre que nombre d'autres États. Cette vulnérabilité est devenue un sujet de préoccupation majeur sur tous les plans : politique et économique mais aussi sociétal. En matière de protection numérique, beaucoup d'entreprises ne disposent pas encore des niveaux de préparation et de protection les plus élémentaires. Les PME et les start-up figurent parmi les entreprises les plus vulnérables aux attaques. Ayant moins

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investi pour y faire face, elles sont souvent moins bien préparées. Certaines ont aussi moins bien sensibilisé leurs employés qui peuvent utiliser leur propre ordinateur en télétravail, lequel est généralement moins bien protégé qu'un support informatique mis à disposition par l'employeur. De plus, ces entreprises sont nombreuses à lutter actuellement pour leur survie et n’ont pas les ressources nécessaires pour implémenter cette protection numérique pourtant indispensable. Dans un contexte de mondialisation numérique, la cybercriminalité constitue un problème majeur pouvant impacter directement chaque citoyen. De plus en plus attirés par les enjeux politiques et financiers, les pirates se multiplient et redoublent d’ingéniosité. L’évolution technologique favorise aussi les occasions d’attaque, notamment le développement des objets connectés, lesquels constituent les nouvelles cibles des pirates. Branche économique particulièrement lucrative, le crime organisé sur Internet a connu un sensible rebond durant la crise. Comme l’indique le rapport de mars 2020 d’Europol, « l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la cybercriminalité a été le plus visible et le plus frappant par rapport à d’autres activités criminelles ». Le succès de ces arnaques a reposé en partie sur la vulnérabilité des internautes, rendus moins vigilants et plus perméables aux attaques dans un contexte d'anxiété générée par la pandémie et d'isolement lié au semi-confinement. Les cyber-escroqueries se sont ainsi multipliées, à l’image de sites de vente de produits contrefaits (tests, masques, flacons de gel hydroalcoolique ou encore vaccins).

Monsieur le conseiller d’État, en plus des dicastères de l'Emploi et de la Santé, vous avez assumé celui de la Sécurité depuis 2018. Quels sont les défis essentiels à relever pour un département aussi vaste  ? Les défis de mon département qui réunit à la fois la Sécurité, l'Emploi et la Santé (DSES) s'articulent essentiellement autour de trois enjeux : l'avènement du 2.0, la transversalité et la prévention. Prenons d'abord, l'avènement d'une société 2.0. Comme le souligne à juste titre la votation du 7 mars 2021 où les citoyen.ne.s suisses ont été appelé.e.s à s'exprimer sur la loi fédérale sur les services d’identification électronique (LSIE), la mise en œuvre de la plupart des politiques publiques se fonde désormais sur le numérique. Le DSES n'échappe pas à la règle. Cela se vérifie au niveau de l'emploi (avec une multiplication d'outils, de guichets et de plateformes numériques pour la formation des demandeurs d'emploi et pour la recherche d'emploi) mais aussi de la santé avec le déploiement de CARA, une plateforme de santé numérique pilotée par l'association éponyme fondée par les cantons de Genève, Fribourg, Jura, Vaud et Valais. Cette plateforme prendra la relève de MonDossierMedical.ch courant 2021, afin de répondre aux exigences de la Loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP).

La question numérique se pose aussi au niveau de nos capacités à informer les citoyens et à créer des interfaces afin de répondre à leurs besoins.”

Notre canton est désormais l'un des centres régionaux pour la cybercriminalité ”

Notre interdépendance numérique va se poursuivre et s'amplifier. Actuellement, l’économie numérique mondiale atteint les 19 trillions de francs par an – soit 22,5% du PIB. Nos technologies ne doivent pas être un frein mais au contraire un accélérateur pour le développement économique. Et nous devons pouvoir nous appuyer sur elles. Notre région doit donc poursuivre la mutualisation des efforts pour permettre au numérique de se développer tout en intégrant les aspects de cybersécurité. Face à nos vulnérabilités que génère l'accélération de la transition numérique, il s'agit de pouvoir remédier au plus vite à nos lacunes. Une initiative telle que la Trust Valley est aujourd'hui plus que jamais essentielle.

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MonDossierMedical.ch (MDM) est une plateforme informatique sécurisée mise à disposition par l'État de Genève permettant de constituer un dossier médical électronique accessible par Internet. Offerte à la population genevoise depuis plus de 10 ans, cette plateforme gratuite sera prochainement remplacée par CARA qui proposera, dans toute la Suisse occidentale, un dossier électronique du patient (DEP) certifié selon la LDEP. Les exigences de certification garantissent le niveau de sécurité le plus élevé aux utilisatrices et utilisateurs.


LA GRANDE INTERVIEW

SPÉCIAL SÉCURITÉ La question 2.0 concerne également le domaine de la sécurité, avec d'une part, la création d'une nouvelle brigade cantonale contre la criminalité informatique et d'autre part, la prise de relais cantonale par rapport aux campagnes nationales de prévention et de lutte contre la cybercriminalité, à la suite de la dissolution du Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI). Notre canton est désormais l'un des centres régionaux pour la cybercriminalité. Enfin, la question numérique se pose aussi au niveau de nos capacités à informer les citoyen. ne.s et à créer des interfaces afin de répondre à leurs besoins. Ensuite, le besoin de transversalité et de miser sur une approche fondée sur la prévention apparaît en filigrane, à tous les niveaux, que ce soit d'un point de vue des enjeux sécuritaires, sanitaires ou économiques. En matière de sécurité, l'un des défis majeurs pour le DSES au niveau de la gouvernance consistera à faire vivre une nouvelle organisation de la police. Or, sa mise en œuvre, qui est fortement corrélée à la notion de sécurité de proximité, doit s'inscrire dans une démarche de partenariats. Il s'agit de penser l'action publique de manière transversale, en coordonnant politique de cohésion sociale et stratégies de sécurité de proximité. Cette démarche nécessite l'implication et l'adhésion de nombreux acteurs et interlocuteurs, y compris associatifs et communaux engagés dans divers domaines – social, médical, formation etc. Ainsi, en vue de renforcer son pôle d'action préventive, la Police est appelée à devenir un vecteur de transversalité. On peut citer, à titre d'exemple, dans un contexte de vieillissement de la population, le rôle joué par la police dans la protection et la prise en charge de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ou d’une autre forme de démence, en collaboration avec l'association Alzheimer Genève.

Le renforcement d'une approche fondée sur la transversalité et la prévention se retrouve également sur le plan sanitaire, où le DSES est confronté à deux grands défis ”

Le renforcement d'une approche fondée sur la transversalité et la prévention se retrouve également sur le plan sanitaire, où le DSES est confronté à deux grands défis : répondre à la hausse des besoins liés au vieillissement démographique et maîtriser les coûts de la santé. Malgré sa taille et les nombreux moyens dont il dispose pour faire face à de tels enjeux, le DSES ne détient pas toutes les manettes. Avec nos hôpitaux et nos cliniques, nous intervenons essentiellement sur le plan curatif et cela finit par coûter très cher. Pourtant, comme le souligne le Plan cantonal de promotion de la santé et de prévention 2030, nombre de stratégies liées aux défis sanitaires relèvent d'une approche préventive. De plus, nombre de déterminants de santé – par exemple la qualité de l'air et de l'environnement, l'alimentation, l'intégration sociale, etc. – renvoient à d'autres politiques publiques dont le DSES n'a pas la maîtrise. En échappant ainsi à notre contrôle direct, ils nous incitent à envisager ces défis dans une démarche transversale et globale. Enfin, la question de transversalité s'est avérée cruciale tout au long de la crise épidémique que nous traversons et dont nous pouvons espérer aujourd'hui une sortie progressive. En plus de la vague sanitaire, le DSES a dû faire face à une vague économique. Rien que par le biais des indemnités de réduction de l'horaire de travail (RHT), le canton a distribué, plus d'un milliard de francs pour soutenir ses entreprises. Aujourd'hui, alors que l'on espère entrevoir les prémices d'une reprise, il s'agit pour le DSES de travailler au plus près avec le milieu entrepreneurial genevois afin de privilégier avant tout les

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LA GRANDE INTERVIEW

SPÉCIAL SÉCURITÉ

ressources locales et régionales en matière d'emploi. En effet, la crise a mis en évidence l'importance d'avoir un tissu industriel et commercial de proximité, fondé sur la coopération et la solidarité. Il s'agira de ne pas l'oublier, une fois la crise passée, et nos entreprises ne devront pas non plus oublier nos demandeurs d'emploi. L’année 2020 et ce début d’année 2021 sont marqués par la crise sanitaire. Sur le plan sécuritaire, cela a signifié la mobilisation de tous les acteurs de la sécurité (l’armée, la protection civile, la police et les pompiers…). Comment estce que la coordination entre ces différents acteurs se passe dans le canton de Genève ? Dès les premiers cas d'infection et d'hospitalisation déclarés en Suisse, les autorités cantonales genevoises ont mis sur pied, dans l'urgence, une taskforce sanitaire pilotée par le DSES. Celle-ci réunissait des représentants de tous les services concernés par la crise, y compris le dispositif ORCA (Organisation des secours en cas de catastrophe et de situation exceptionnelle) afin de coordonner au mieux le dispositif des « feux bleus », la protection civile, la gestion des douanes. La présidence du Conseil d'État y était représentée par la chancelière d'État. Avec la fin de la première vague, la taskforce sanitaire a été transformée en comité de pilotage, avec les mêmes membres, et la participation directe cette fois de la présidence. Ce comité se réunit depuis lors au minimum selon un rythme hebdomadaire ou en fonction des besoins.

La crise a mis en évidence l'importance d'avoir un tissu industriel et commercial de proximité, fondé sur la coopération et la solidarité. Il s'agira de ne pas l'oublier, une fois la crise passée ” MAURO POGGIA EN QUELQUES DATES 25 avril 1959 Naissance à Moutier (BE) 1983 - 2013 Exerce en tant qu’avocat au barreau, spécialisé dans le domaine des assurances et du droit à la santé 11 octobre 2009 Élu député au Grand Conseil du canton de Genève Avril 2010 – novembre 2013 Vice-président du Mouvement citoyen genevois 5 décembre 2011 – 29 novembre 2013 Conseiller national 10 décembre 2013 Élu conseiller d'État, chargé du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS) 6 mai 2018 Réélu au Conseil d'État genevois, à la tête du département de l'emploi et de la santé (DES), devenu celui de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES) dès février 2019

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

NOM DE TÊTIÈRE INFOGRAPHIE

Sécurité à tous les échelons Communale, cantonale, fédérale : la sécurité du territoire suisse est elle aussi placée sous le signe de la Sainte Trinité confédérale. Passage en revue des forces en présence. Niveau fédéral 1. ARMÉE

Forces aériennes suisses Forces terrestres suisses Service de renseignement de l'armée Fondée en 1848, c'est une armée de milice appuyée par des militaires professionnels ayant pour mission d'assurer la défense du territoire, la sauvegarde des conditions d'existence de la Suisse et de contribuer à la promotion de la paix à l'étranger. Chef: Cdt de corps Thomas Süssli. Conseillère fédérale responsable: Viola Amherd. 2. DOUANES

Corps des gardes-frontières Fondé en 1894, il est affilié au Département fédéral des finances. Il est la formation armée de l'Administration fédérale des douanes (AFD). Comptant 2073 employés, il a fusionné le 01.01.2021 avec les douanes pour devenir le domaine Opérations de l’AFD. Conseiller fédéral responsable: Ueli Maurer 3. SRC

Service de renseignement de la Confédération Né en 2010 de la fusion du Service d'analyse et de prévention (SAP) et du Service de renseignement stratégique (SRS), il compte un effectif d’environ 300 personnes. « Notre service de renseignement est purement analytique et cérébral » déclarait son ancien patron Peter Regli. Conseillère fédérale responsable: Viola Amherd 4. FEDPOL

Office fédéral de la police Office compétent en matière de police en Suisse. Il s'occupe de la grande criminalité, des questions relatives à la police judiciaire fédérale de la coordination intercantonale et internationale. Il dépend du Département fédéral de justice et police. Directrice : Nicoletta della Valle. Conseillère fédérale responsable: Karin Keller-Sutter.

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5. POLICE CFF

Police des transports et des services de sécurité des transports publics Ce corps veille au maintien de l’ordre et de la sécurité dans les gares et dans les transports publics. Pleinement intégré aux CFF depuis le 1er janvier 2011, il est composé de 245 membres et intervient dans tout le pays. Conseillère fédérale responsable: Simonetta Sommaruga.

ou difficilement accessibles de Suisse et des pays voisins, financée par la Rega et le Club Alpin Suisse. En Valais, les secours en montagne sont pris en charge par l'Organisation Cantonale Valaisanne des Secours.

6. SAS | 1414

7. SSS

Organisation de secours en montagne responsable des interventions terrestres dans les régions alpines et préalpines

Crée en 1933, elle a pour mission la prévention des accidents aquatiques, le sauvetage et la formation de nageurs

Secours alpin suisse

Société suisse de sauvetage

sauveteurs. Organisation à but non lucratif reconnue d’utilité publique, la SSS est formée de 27 500 membres répartis en 127 sections dans tout le pays. 8. ASS

Alliance suisse des samaritains Les samaritains sont des secouristes bénévoles non professionnels. Leurs missions incluent l'engagement lors de manifestations publiques et l'organisation des dons du sang en collaboration avec les centres de tranfusion sanguine. Création : 1888.


NOM DE TÊTIÈRE Niveau cantonal

gendarmerie en uniforme, secondée par une police judiciaire ou de sûreté. 2. PCI

1. POLICES CANTONALES Elles s'occupent de la majorité des affaires de police. Chaque canton dispose de sa propre force de police, souvent constituée d'une

Protection civile Organisé en 26 divisions cantonales, la PCi protège la population lors de catastrophes naturelles, de situations d'urgence ou de guerres. Les hommes suisses doivent servir dans la protection civile pour autant qu’ils y soient aptes et qu’ils n’effectuent ni service militaire ni service civil.

SPÉCIAL SÉCURITÉ

3. SAPEURSPOMPIERS | 118

Services cantonaux du feu

L'organisation des pompiers en Suisse relève de la compétence cantonale. Elle est toutefois chapeautée par la Coordination suisse des sapeurs-pompiers (CSSP) qui représente les intérêts des cantons, et par la Fédération suisse des sapeurs-pompiers (FSSP) qui représente les intérêts des sapeurs-pompiers. 4. AMBULANCES | 114

Urgences sanitaires

Le 114 est attribué aux appels sanitaires urgents, pour l'ensemble de la Suisse. En fonction des renseignements obtenus par la centrale (localisation de l'événement, gravité...), les moyens sanitaires (ambulance, SMUR, hélicoptère) sont mobilisés. 5. SAMARITAINS

Associations cantonales des samaritains Membres corporatifs de la Croix-Rouge, elles comprennent plus de 35 000 membres répartis dans plus de 1150 sections, elles-mêmes regroupées en associations cantonales.

Niveau communal 1. POLICES COMMUNALES ET INTERCOMMUNALES La plupart des communes suisses de taille relativement importante disposent d'une police communale ou intercommunale. Les principales tâches de cette police sont la sécurité des personnes et des biens (Police-Secours), la police de proximité, la surveillance du trafic, ou encore le respect de l'ordre et de la tranquillité des habitants. 2. SAPEURSPOMPIERS | 118

Sections communales & intercommunales Les 1468 sections à travers le pays regroupent plus de 93 000 sapeurs-pompiers volontaires. À l'exception des cantons de Zurich, Genève, Vaud et du Tessin, les citoyens ont l'obligation de servir dans un corps de sapeurs-pompiers. Il existe en outre 14 corps professionnels. 3. SISL

Société internationale de sauvetage du Léman Créée en 1885, elle compte 34 sections, dont 26 sur des communes suisses du Léman. La partie historique est représentée par la flotte des canots à rames de l'ensemble des sections. 4. SSS

Sections locales La SSS est formée de 27 500 membres répartis en 127 sections dans tout le pays, organisé en 6 régions. La région romande est la plus grande avec 31 sections. 5. SAMARITAINS

Sections locales

Les samaritains s'occupent d'organiser des dons du sang dans les communes en collaboration avec les centres de transfusion sanguine et sont aussi engagés lors de manifestations publiques comme des concerts, rassemblements, événements sportifs ou autres. 6. ORPC OPC

Branches communales et régionales de la Protection civile ©Dossiers Publics

Les divisions cantonales sont subdivisées en organisations de protection civile « OPC » (communales) et en organisations régionales de protection civile « ORPC ».

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

NOM DE TÊTIÈRE

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

Les piliers de la sécurité romande Police | Pompiers | Protection civile

La parole aux commandants

Damien Rérat

Rémy Décombaz

Police cantonale du Jura Sapeurs-pompiers volontaires « Cœur de Lavaux »

Léonard Biaggi Office cantonal de la Protection civile valaisanne

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

NOM DE TÊTIÈRE

La police jurassienne se met en quatre pour mieux vous servir

Le Colonel Damien Rérat, Commandant de la Police cantonale du Jura

En 2016, le nouveau poste de police de la gare de Delémont a fait l’objet d’une grande première en Suisse, regroupant dans un même local quatre forces de police (cantonale, municipale, la Police des transports et l'Administration fédérale des douanes). L’occasion de dresser un bilan quinquennal des opérations en présence du commandant de la Police cantonale jurassienne, Damien Rérat.

T

Propos recueillis par Félix Portaz

itulaire d’une licence en droit obtenue à l’Université de Neuchâtel et élu juge de 1re instance en charge des affaires pénales et civiles par le Parlement de la République et Canton du Jura en 2001, le colonel Damien Rérat est à la tête de la Police cantonale jurassienne depuis 2014. Interview avec l’homme derrière le premier poste multipolices du pays.

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Monsieur le commandant, comment est née l’idée de regrouper les différentes polices au sein d’un même espace ? Damien Rérat : Ce sont les besoins des uns et des autres qui ont eu pour conséquence que les planètes se sont soudainement alignées. La nouvelle Loi sur la police cantonale, entrée en vigueur au 1er janvier 2016, exigeait la création d’un guichet de police commun entre la police cantonale et la police municipale de Delémont. Nous étions donc à la recherche de nouveaux locaux, si possible aux alentours de la gare de Delémont. Dans le même temps,


POLICE

SPÉCIAL SÉCURITÉ Les quatre forces de sécurité présentes à la gare de Delémont: la police cantonale, la Police des transports, l'Administration fédérale des douanes et la police municipale

l'Administration fédérale des douanes m’a contacté car elle souhaitait disposer d’un point fixe dans la vallée de Delémont, en plus de ses bureaux à Porrentruy et à Saignelégier. Finalement, j’ai également eu des contacts avec le commandant de la Police des transports qui voulait optimiser la présence de son personnel sur l’axe ferroviaire Bienne-DelémontBâle. La création d’un poste commun m’est donc apparue comme une évidence ! Comment se déroule le partage des locaux entre les différents corps présents ? La collaboration entre ces quatre forces sécuritaires se déroule à merveille ! Chaque entité dispose de son propre équipement, en particulier de son propre réseau informatique. Quatre ans et demi plus tard, quel bilan peut-on dresser de ce poste «  multipolice  »? Quel est le bénéfice pour les usagers de la gare ? Le bilan est très positif. Un guichet de police est à la disposition des usagers de la gare durant les heures de bureau, la présence policière a été accrue dans ce secteur un peu « chaud » de la ville de Delémont et le personnel dispose de locaux bien situés pour effectuer divers actes d’enquêtes, comme une audition, la prise d’empreintes digitales ou encore une fouille corporelle.

l’être aussi ! De nombreuses missions particulières, que nous n’aurions jamais imaginé devoir effectuer auparavant, ont été réalisées par mon personnel policier, comme le contrôle du respect des règles sanitaires dans les restaurants et les magasins, le contrôle du nombre de personnes regroupées à un même endroit ou encore la vérification du respect des décisions de mise en quarantaine ou en isolement. La mission la plus étonnante a sans doute été de faire tourner dans le même sens tous les visiteurs autour de l’étang de la Gruère, à Saignelégier, afin de faciliter le respect des distances ! Des missions importantes ont également été supprimées, comme assurer la sécurité du Marché-Concours, à Saignelégier, du Festival du Chant-duGros, au Noirmont, de la Braderie, à Porrentruy ou encore des matches du HC Ajoie, tous ces événements ayant malheureusement été annulés.

De nombreuses missions particulières, que nous n’aurions jamais imaginé devoir effectuer auparavant, ont été réalisées par mon personnel policier ”

Nous savons que ce concept a depuis été copié ailleurs dans le pays. L’expérience de la gare de Delémont est-elle considérée comme une référence ? À ma connaissance, il s’agit du seul poste de police en Suisse qui réunit sous un même toit quatre forces de sécurité. Je sais que des concepts similaires ont ensuite été développés en Suisse romande, mais avec moins de forces sécuritaires réunies à un même endroit. L'année 2020 a été marquée par une forte mobilisation de tous les acteurs de la sécurité ; quelles ont été les principales missions de la Police cantonale jurassienne? Différaient-elles de celles d’une année « normale » ? Assurément, l’année 2020 a été très spéciale pour la police cantonale et l’année 2021 est bien partie pour

Le poste de police de la gare de Delémont est un exemple parlant de collaboration entre différents acteurs de la sécurité. Comment se déroule la coordination avec les autres forces de sécurité (armée, pompiers, Protection civile, Administration fédérale des douanes…) pendant la crise sanitaire ? Sincèrement, la collaboration fonctionne très bien. La Protection civile est également sous mon commandement, ce qui a nous a permis une belle flexibilité dans son engagement. L’armée nous a été d’un appui fondamental, par exemple par la mise à disposition d’une compagnie sanitaire au profit de l’Hôpital du Jura ou, dès la fin de l’année 2020, pour la livraison des premiers vaccins. Lors de la fermeture des frontières, la collaboration avec l'Administration fédérale des douanes a été intense. Je pense notamment à l’ouverture à Boncourt d’un poste de douane spécialement dédié au personnel frontalier travaillant dans le domaine des soins sur territoire suisse. Cette crise nous aura au moins permis d’intensifier les collaborations avec un grand nombre de nos partenaires.

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

SAPEURS-POMPIERS

Pompiers, les gardiens du feu sacré

Avec un cahier des charges des plus diversifiés, les sapeurs-pompiers sont sur tous les fronts, et pourtant on les connaît souvent mal. Nous sommes allés à la rencontre du major Rémy Décombaz, commandant du Corps de sapeurs-pompiers volontaires « Cœur de Lavaux » assisté de son remplaçant le capitaine Cyril Corbaz.

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Propos recueillis par Félix Portaz

qui par exemple n’inclut pas la protection respiratoire. La création de ces différentes sections date des régionalisations initiées dans les années 2000. Auparavant, on comptait 17 000 pompiers dans le canton de Vaud et 200 000 pompiers en Suisse. Avant la création des DPS, lors de chaque incendie, les sapeurs-pompiers du village et du Centre de renfort (CR) étaient simultanément alarmés du fait que dans les petits villages, on ne pouvait pas intervenir en autonomie faute de tenues feu appropriées ou d’appareils respiratoires. À présent (chiffres 2019), il y a 81 295 pompiers dans le pays, et 5132 sapeurs DAP et DPS dans le canton de Vaud, dont 116 sont des professionnels du Service de protection et sauvetage (SPSL).

Monsieur le commandant, dans le canton de Vaud, les SDIS, ou corps de sapeurs-pompiers volontaires, se composent d’un Détachement premier secours (DPS), et d’un Détachement d’appui (DAP). Quelles sont les différences entre les deux entités et leurs rôles respectifs ? Rémy Décombaz : Comme son nom l’indique, le DAP vient en appui du DPS en cas de besoin plus important en ressources et lors d’interventions multiples ou de longue durée. Il y a également une différence au niveau de la formation : les membres du DAP ont une formation de base,

Combien coûte la défense incendie ? Qui finance l’achat du matériel et des véhicules ? R. D. : En moyenne en Suisse, le coût global des pompiers est de 70 francs par habitant et par année. En comparaison, les dépenses consacrées à la santé se sont élevées à 8712 francs par habitant en 2018. Nous sommes un des services les moins coûteux, car nous travaillons avec des miliciens volontaires (défrayés 30 francs de l’heure en intervention, 25 en exercice). Avec environ 100 francs par habitant, Vaud est l’un des cantons qui soutient le plus sa défense incendie. De cela, l’ECA (l’Établissement canto-

Le Major Rémy Décombaz, commandant du SDIS Cœur de Lavaux

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nal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels) subsidie de manière importante les Services de défense incendies et secours (SDIS). Dans le canton de Vaud, 1/3 de la prime d’assurance contre l’incendie et les éléments naturels est consacré à la prévention active des sinistres et à l’organisation optimisée des sapeurs-pompiers pour la sécurité quotidienne. La majorité des véhicules et leur entretien sont financés par l’ECA, de même que les tenues feu et une grande partie du matériel, ce qui nous permet d’avoir des véhicules modernes et fonctionnels renouvelés tous les 15 à 17 ans environ.

du canton ont pu y participer. Nous étions plus inquiets pour le recrutement qui a lieu à l’automne, où nous étions alors en pleine pandémie. Les communes et nous-mêmes avons fait parvenir des flyers à tous les citoyens de 18 à 35 ans des 7 communes de notre SDIS. Une quarantaine de personnes ont répondu présent à l’appel, en temps de pandémie, avec des masques, alors qu’en temps normal on en dénombre 25 à 30. Pour les formations cantonales de mars 2021, nous avons eu environ 540 candidats, ce qui est un succès : habituellement, on en compte 400 à 450.

Quelles sont les principales missions des Pompiers de Lavaux  ? Comment se passe la collaboration avec les « partenaires feux-bleus » ? Cyril Corbaz : Parmi nos multiples missions, on retrouve le sauvetage, l’extinction de feux, les interventions sur inondations. Nous nous occupons aussi du sauvetage de tous les animaux, dont ceux de compagnie, de l’aide au portage (assistance lors d’évacuations, pour aider les ambulanciers par exemple). Pour nos missions, les casernes de Cully et Forel répondent au standard cantonal d’intervention extra-urbain de 18 à 23 minutes. La collaboration avec les autres forces de sécurité se passe très bien. Sur le secteur d’intervention de notre SDIS, on collabore avec 3 corps de police différents : l’APOL sur les communes de Chexbres, Puidoux, Rivaz, Saint-Saphorin et Bourg-en-Lavaux ; la Police Est-Lausannois dans la région de Savigny et la GDM (Gendarmerie vaudoise à Forel Lavaux). Nous collaborons aussi régulièrement avec nos collègues des SDIS voisins.

Cet engouement pour les pompiers s’explique aussi par un certain désœuvrement de la population, qui avait parfois du temps libre à revendre. En fait, nous aurions dû mettre sur nos flyers : « Tout est fermé, mais les pompiers restent actifs. Rejoignez-nous si vous n’avez pas de plan précis pour les deux prochaines années ! »

Ces missions ont-elles été différentes lors de l’année 2020, marquée par la crise du coronavirus ? R. D. : En mars dernier, nous avions pensé que l’utilisation accrue d’appareils électriques due au confinement engendrerait une augmentation des sinistres… Or c’est le contraire qui s’est produit, car tous les incidents liés au départ de la maison en laissant des appareils branchés ont simplement cessé. Les gens n’ont plus fait de sport non plus, évitant les blessures. À un moment, tout s’est arrêté, à tel point que nous n’avons presque plus eu d’intervention à effectuer. Cette période de calme plat a duré du 15 mars jusqu'à la reprise des écoles le 11 mai. Une partie essentielle du processus de recrutement pour tous les SDIS du canton est la formation cantonale qui a lieu en mars. L’année passée, elle a coïncidé avec le début du semi-confinement. Est-ce que cela a impacté négativement le recrutement de votre SDIS pour l’année 2020 ? R. D. : Le 13 mars, premier jour de la formation cantonale (20 de nos recrues y participaient), le Conseil fédéral a annoncé les mesures liées à la crise sanitaire. La formation a donc été interrompue, et la deuxième journée a été reportée au mois de juin. Hormis 3 ou 4, toutes les recrues

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Rejoignez-nous si vous n’avez pas de plan précis pour les deux prochaines années ! ” | Cdt. Décombaz

LE MATÉRIEL ECA DANS LA CASERNE

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1. Tenue feu : casque avec dispositif intégré de radiocommunication, bottes, veste et pantalon de protection contre le feu, radio portable individuelle, 2 paires de gants et petit matériel d'intervention et de sécurisation 2. Tablette de communication pour la gestion des interventions. Programme ProSDIS, en liaison permanente avec la centrale 118 3. Sièges équipés pour véhicules de sapeurs-pompiers avec appareil de protection de respiration intégré qui permet de s'équiper pendant le trajet de la caserne au lieu du sinistre 4. Véhicule tonne-pompe 5 places, avec capacité de 2000 l équipé de tout le matériel nécessaire pour les missions de première intervention

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5. Véhicule tracteur tout-terrain 4x4 Nissan Navara 5 places pour des utilisations polyvalentes sur la majorité des interventions

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SPÉCIAL SÉCURITÉ

NOM DE TÊTIÈRE LA PCi VALAIS EN CHIFFRES 1 Office cantonal de la PCi à Grône (Administration, centre cantonal d’instruction, section des constructions), intégré au Service de la sécurité civile et militaire (SSCM) et rattaché au Département de la sécurité, des institutions et du sport (DSIS) 6 Organisations de protection civile (OPC) à Brigue, Viège, Sierre, Sion, Martigny et Monthey 31 collaborateurs/ trices professionnels 2300 astreints actifs incorporés et engageables

La Protection civile valaisanne à l’heure de la mobilisation générale La situation sanitaire inédite qui prévaut depuis plus d’une année aura notamment eu pour effet collatéral de souligner l’importance de la Protection civile, souvent considérée à tort comme une astreinte un peu accessoire, voire superflue… Nous sommes allés à la rencontre de M. Léonard Biaggi, chef de l’Office cantonal de la Protection civile valaisanne, qui dresse pour nous le bilan de ces mois d’une intensité inédite. 42

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42 semaines de cours de répétition planifiés annuellement ; est comprise la préparation à l’engagement des 6 GIR (Groupe d’intervention rapide) afin d’intervenir en cas de situation particulière et/ou extraordinaire en appui des partenaires de la protection de la population 15 à 20 interventions en faveur de la collectivité : Zermatt Marathon, Gommerlauf, Fugue Chablaisienne, Coupe du monde FIS de Crans Montana, Snowboardcross de Veysonnaz, les actions « Sonnenblume » et « Rayon de Soleil » www.rayon2soleil.org, l’exercice Enduro avec l’Académie de Police, Rallye du Valais, Ski paralympique.


PROTECTION CIVILE

SPÉCIAL SÉCURITÉ

Propos recueillis par Félix Portaz

L’année 2020 a été marquée par la pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires. Ce début d’année 2021 s’annonce dans la même veine. Quel a été le rôle de la PCi Valais dans la gestion de cette crise? Comment a-t-il évolué depuis mars 2020 ? Léonard Biaggi : Depuis le mois de mars 2020, la PCi Valais offre son soutien à des institutions sanitaires, notamment à des hôpitaux, des EMS, des CMS et au 144, mettant en œuvre sa disponibilité, sa rigueur et son professionnalisme. Les personnes astreintes à la Protection civile sont dirigées par le personnel professionnel des 6 organisations de Protection civile valaisannes (OPC) et affectées à des tâches spécifiques dans différents domaines. Les incertitudes liées à la première vague n’ont pas facilité l’organisation de la PCi. Une multitude de demandes de soutien nous parvenaient sans cesse pendant plusieurs semaines. Durant la 2e vague, compte tenu de l’expérience acquise, la PCi a apporté son soutien au sein d’EMS, de centres de dépistage, dans une moindre mesure dans des hôpitaux, et depuis la mi-janvier 2021 dans des centres de vaccination. Je tiens à relever l’excellente synergie, depuis le début de cette pandémie, entre la PCi et les différents partenaires qui en bénéficient.

de crise sanitaire. Afin de combler le retard causé par cette interruption, tous les cours seront reprogrammés dans les meilleurs délais dès la « normalisation » de la situation épidémiologique.

En dehors des réponses lors d’urgences sanitaires, quels sont les principaux défis auxquels la Protection civile doit faire face en Valais? Quelles sont ses missions lors d’une année « normale  » ? La PCi valaisanne s’entraîne sans interruption à intervenir en cas de situations particulières et extraordinaires (avalanches, inondations, tremblements de terre, recherches de personnes, incidents chimiques, sauvetage de biens culturels, soutien psychologique d’urgence, logistique, entretien des abris publics).

La PCi valaisanne s’entraîne sans interruption à intervenir en cas de situations particulières et extraordinaires ”

La réponse à cette crise a mobilisé l’ensemble des acteurs de la sécurité. Comment se répartissent les tâches entre l’armée, les services sanitaires, les pompiers, la police ? Les acteurs de la sécurité ont tous des compétences propres et définies. Il appartient cependant à l’Organe cantonal de conduite (OCC), mobilisé depuis le début de la pandémie, et à son chef de veiller à ce que la répartition des tâches se fasse dans l’harmonie et le respect de ces compétences. Au vu de l’expérience acquise depuis le début mars 2020, l’entente entre tous les acteurs de la sécurité est excellente. J’ai la profonde conviction que cet engagement a resserré des liens entre les corps engagés dans le domaine de la sécurité. Comment la pandémie a-t-elle affecté la formation de base des astreints à la Protection civile en Valais ? Toutes les formations dispensées au centre cantonal d’instruction de la PCi à Grône (cours de base, formations de spécialistes et de cadres) ont été annulées du 16 mars 2020 au 17 août 2020 ainsi que depuis le 25 janvier 2021 et ce jusqu’au 30 mars 2021. La mesure est pour le moins radicale, mais néanmoins nécessaire. L’Office cantonal de la Protection civile (OCPCi) se doit d’être un exemple, tout particulièrement en ces temps

Depuis plusieurs années, les cantons s’inquiètent d’une baisse des effectifs de la protection civile. Dans quelle mesure votre canton est-il concerné et quel a été l’impact sur vos missions au cours de la crise sanitaire ? La baisse des effectifs est une réalité en Valais. L’entrée en vigueur de la révision de la Loi fédérale sur la protection de la population et sur la Protection civile (LPPCi) génère en effet une baisse supplémentaire de l’effectif de la PCi valaisanne. En revanche, ce phénomène n’a aucun impact sur les missions qui lui sont attribuées. Nous comptons plus de 35 000 jours de service effectués jusqu’ici dans le cadre du Covid-19 depuis le début mars 2020, et la PCi est toujours présente et prête à intervenir en cas de besoin.

En 2019, la conseillère fédérale Viola Amherd proposait d’engager davantage de femmes et d’étrangers pour remédier à la baisse d’effectifs à la Protection civile. Cette proposition vous semble-t-elle une solution potentielle pour renforcer les effectifs de la PCi valaisanne  ? Ou avezvous d’autres pistes dans ce domaine ? La situation à moyen terme et à long terme dépendra de l’évolution démographique ainsi que des décisions des autorités politiques. En sus des solutions mentionnées dans votre question, je verrais une possibilité supplémentaire, à savoir l’intégration du Service civil dans la protection civile tant lors du recrutement que pour les militaires souhaitant quitter l’Armée.

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SOLUTIONS INTELLIGENTES

Innovation

GAMAYA

Quand les drones volent au secours de l’agriculture Avec sa caméra hyperspectrale miniature, combinée à l’intelligence artificielle et embarquée sur un drone, la start-up Gamaya permet aux agriculteurs d’estimer les besoins de leurs champs avec une précision inédite : un pas de géant pour l’agriculture durable. Par Kathleen Sylvester

D L'imagerie hyperspectrale (en haut) produite par la caméra miniature embarquée et l'intelligence artificielle fournies par Gamaya offrent des solutions agronomiques inédites pour l'amélioration de l'efficacité et la durabilité de l'agriculture.

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ans le cadre d’un programme d’études pour la préservation des ressources en eau douce, Yosef Akhtman et son équipe ont mis au point une caméra hyperspectrale miniature capable de décomposer des images de plus d’une centaine de bandes spectrales très étroites. Cette innovation a permis de capturer des images de champs cultivés et d’en extraire davantage d’informations agronomiques que les caméras répertoriant les spectres habituels, dont les fréquences du rouge, du bleu et du vert. En effet, les images prises montrent différentes couleurs générées par la réflexion des cultures ou des terres dont la « signature spectrale » dépend de leur état physiologique. À titre indicatif, les feuilles d’une plante souffrant d’un manque d’eau, d’éléments nutritifs, ou attaquée par des parasites réfléchissent une lumière différente. C’est ainsi que Gamaya aborde les défis de l’agriculture commerciale avec un système d’imagerie aérienne permettant de prélever des données sur l’état et la composition des sols au centimètre près. Fondée en 2015 par le docteur en génie électrique Yosef Akhtman et deux de ses confrères Dragos Constantin et Igor Ivanov, actuellement CEO de la société, Gamaya est classée au 7e rang du


TOP 100 des meilleures start-up suisses. Désormais, le spin-off de l’EPFL fournit aux agriculteurs les outils nécessaires pour une compréhension personnelle de leurs cultures et de leurs terres. En résumé, elle analyse les images capturées à l’aide d’un logiciel conçu par ses propres soins. Avec des solutions sur mesure, et en collaboration avec des experts en agronomie, la société adapte ses modèles statistiques en fonction des spécificités de la région ou encore du type de culture de chaque client. La caméra hyperspectrale miniature combinée à l’intelligence artificielle fixée sous un drone permet aux agriculteurs d’estimer les besoins de leurs plantations avec un très haut degré de précision. La technologie facilite la vie des producteurs industriels par le biais d’une application installée sur le téléphone portable qui affiche des images multicolores capturées par des drones et des satellites. Chaque couleur correspond à un problème spécifique : par exemple, les feuilles jaunes démontrent que le chaume commence à dépérir en raison d’un insecte qui aspire la sève et y transmet des toxines. Les informations affichées à l’écran permettent à l’agriculteur d’accéder à une énorme quantité de données afin d’entretenir ses plantations avec méticulosité. Un robot téléguidé Combinaison de toutes les technologies avancées, notamment le GPS, le Wi-Fi et les capteurs, les drones sont l’un des progrès les plus impressionnants du 20e siècle. Initialement invention militaire destinée à effectuer des missions de reconnaissance sans engager la vie des soldats, le drone s’est depuis lors démocratisé. Prisé des amateurs de sports extrêmes, et de geeks qui l’utilisent comme simple accessoire pour caméra de type GoPro, le dispositif mobile et autonome figure, aujourd’hui, parmi les appareils connectés les plus en vogue auprès du grand public. Quant au monde professionnel, il y voit un outil indispensable, qu’il s’agisse de la gestion de soins ou de la livraison de colis, de la logistique ou encore de la sécurité. Depuis que le drone civil est apparu en 2010, son évolution a largement dépassé sa fonction première. On ne compte désormais plus ses multiples applications. Petit robot aux allures de faux bourdon téléguidé par ordinateur survolant la terre, le drone ressemble à un ovni. Pourtant, le phénomène, bien réel, gagne du terrain chez les producteurs industriels. De nombreuses fonctions telles que la prise de vue aérienne et le suivi de la croissance des plantes, l’inspection visuelle des terres et le repérage des dégâts garantissent une qualité optimale des récoltes. Doté de capteurs qui facilitent l’analyse d’une pléthore de données, dont le niveau d’azote ou le taux d’humidité, le drone saisit l’information essentielle aux agriculteurs afin d’économiser sur les coûts et le temps de production, en adaptant précisément le niveau d’engrais ou de pesticides à appliquer à des endroits précis. En outre, régler la quantité de produits phytosanitaires nécessaire à traiter les cultures améliore non seulement les rendements mais aussi conduit à un retour sur investissement plus rapide. Avec pour objectif de soutenir une agriculture durable, la solution intégrée de Gamaya permet d’effectuer un diagnostic à grande échelle des champs, de dépister des maladies, infestations et mauvaises herbes. La technologie de pointe fournit aux agriculteurs des indications avec exactitude. Les drones détectent les déficiences, invisibles à l’œil, de façon précoce et déterminent le moment optimal pour la cueillette. Enfin, localiser les problèmes et répandre les pesticides et les engrais uniquement dans les zones concernées contribue à augmenter la marge de profit par hectare.

L’agriculture de précision vise à produire davantage de manière durable: utiliser moins de pesticides et moins d’eau pour obtenir des récoltes plus riches

Les drones agricoles ont non seulement la particularité de filmer pour réaliser une inspection visuelle des terres afin d'y repérer les adventices ou les dégâts de nuisibles, mais aussi celle d'être dotés de divers capteurs qui facilitent l'analyse de toute une panoplie de données. L’intelligence artificielle L’agriculture de précision vise à produire davantage de manière durable, à savoir, utiliser moins de pesticides et moins d’eau pour obtenir des récoltes plus riches, et dans la mesure du possible, exploiter moins de surface. Néanmoins, force est de constater que 70% des terres arables dans le monde sont déjà cultivées et que la demande en nourriture risque d’augmenter de 70% d’ici 2050. Dans ce contexte, il devient impératif d’anticiper les besoins de l’humanité en matières premières agricoles. D’autre part, l’agriculture recourant à l’intelligence artificielle exige des connaissances spécifiques à chaque plante, ce qui requiert une véritable expertise. Actuellement accessible pour les plantations de canne à sucre, de soja et de tabac, le système de Gamaya a été testé avec succès au Brésil. En visant un marché potentiel de 5 milliards de dollars, la jeune entreprise séduit les investisseurs avec ses solutions intelligentes. À ce jour, elle est parvenue à lever plus de 10 millions de francs notamment auprès de la Fondation Sandoz, Peter Brabeck-Lemanthe, Seed4Equity, VI Partners, ICOS, et plus récemment Mahindra & Mahindra, le constructeur d’automobiles et de machines agricoles. Désormais, Gamaya compte étendre ses activités à l’international et à d’autres cultures telles que le maïs et la vigne, en partenariat avec Mahindra & Mahindra en Inde et la société suisse leader mondial dans l’agroalimentaire, Syngenta.

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NOM DE TÊTIÈRE

Un pressing

àsuccès

S

Par Kathleen Sylvester

erhat Açig est un patron engagé qui a créé en 2016 EGEN, le premier pressing écologique de Suisse. Contrairement aux concurrents utilisant encore du perchloroéthylène (PER), un produit toxique, l’entrepreneur milite pour un nettoyage écologique des textiles sans solvant. La start-up a séduit une clientèle prestigieuse, notamment les grands horlogers, les écoles hôtelières, dont celle de Lausanne, et les blanchisseries industrielles qui sous-traitent des textiles spéciaux. Lors d’une interview par visioconférence, crise sanitaire oblige, Serhat Açig nous dévoile le secret de son succès.

Serhat Açig, comment vous définissez-vous en quelques mots ? Je suis quelqu’un d’extrêmement optimiste, un assoiffé de connaissances, curieux, et prêt à mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Lorsque j’ai quitté la Turquie à pied pour traverser l’Europe et rejoindre mes parents et ma petite sœur dans un camp de réfugiés près d’Yverdon-les-Bains (VD), je n’avais que 9 ans. Je suis un survivant et un combattant. En ce qui concerne le risque entrepreneurial, cela m’a servi de leçon. Si je n’avais pas

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À 21 ans, Serhat Açig a lancé sa première start-up dans un milieu peu prisé des jeunes: le pressing à sec. Pourtant, EGEN, qui signifie « propre à soi » en romanche, emploie la technique de l’aquanettoyage ou le « wet cleaning » à 100%, un traitement numérique et écologique. pris ce risque, je ne serais pas là aujourd’hui. Tout ce que j’ai vécu pendant mon enfance, je ne le prends pas comme un handicap, mais plutôt comme la plus grande chance de ma vie. Expliquez-nous le concept de l’aquanettoyage. Le nettoyage à sec des vêtements se décline en plusieurs systèmes. Il y a les pressings qui utilisent du PER, un solvant cancérogène, et très volatil. La deuxième technique utilise le KWL, un nouveau solvant, moins dangereux que le PER. Il n’est pas volatil, mais il reste toutefois un solvant, donc extrêmement explosif. En ce qui concerne l’aquanettoyage ou wet cleaning, il s’agit d’un procédé très prisé en France, recourant à l’eau et aux agents nettoyants biodégradables. Nous avons apporté des améliorations au système existant qui permet de traiter des tissus délicats, par exemple la soie, le cachemire ou la laine vierge. En addition, nous avons mis au point un logiciel de programmation conçu pour les machines à laver de dernière génération, et nous avons terminé la configuration d’une machine sur laquelle nous allons poser un brevet qui nous permettra de l’utiliser dans les ménages. Dès le départ, le but d’EGEN était de baisser considérablement la consommation en eau. Dorénavant, nous consommons 80% d’eau en moins que les procédures de wet cleaning actuellement disponibles sur le marché.


Aquanettoyage

SOLUTIONS INTELLIGENTES

Je suis quelqu’un d’extrêmement optimiste, un assoiffé de connaissance, curieux, et prêt à mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs que je me suis fixés ”. Comment a germé l’idée de vous lancer dans le pressing écologique ? Un jour, alors que j'étais encore un adolescent, ma mère m’a demandé de ramener la lessive chez un retraité. La satisfaction qu'il a exprimée en retour du service rendu a déclenché un premier déclic chez moi. J’ai alors décidé de créer Washup, à la fois une plateforme web et une application, qui permet d’organiser le retrait et la livraison de vêtements à domicile dans le but de connaître l’éventuel intérêt pour ce genre de service en ligne. À cette époque, j’étais apprenti programmeur en informatique, secteur alors en manque d’employés. Par conséquent, j’ai convaincu les copines de ma mère de traiter les commandes. Plus tard, lors d'un stage dans une start-up, j’ai eu mon deuxième déclic. L’ambiance au sein de l’entreprise était tellement super que j’ai attrapé le virus d’entreprendre. La volonté de construire une entreprise à partir de zéro, de créer une marque et de conquérir le monde est venue de cette expérience. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté ma formation et entamé un deuxième CFC d’employé de commerce en gestion d’entreprise. À trois mois de mes examens finaux, j’ai eu l’occasion d’acquérir un pressing à Yverdon-lesBains. Je n’en avais pas les moyens, mais grâce à mes économies et au soutien de mes parents, j’ai pu faire cet achat et signer le contrat de bail à loyer. Pourquoi cet intérêt pour un univers si peu prisé des jeunes ? Pour attirer de la clientèle jeune, il faut rendre nouveau et attractif ce qui pouvait paraître vieux. C’est logique de faire sans solvant, de consommer moins d’eau, d’être moins énergivore, et plus respectueux de la santé et de l’environnement. Nous, la génération Y, nous sommes capables d’y arriver. Le marché devient intéressant et notre modèle séduit. Les jeunes commencent à s’investir dans les franchises EGEN et cela me fait plaisir puisqu’ils m’appellent de leur propre initiative. À ce propos, mis à part le franchisé de Delémont, un père de famille, tous les autres ont moins de 30 ans. Nous allons ouvrir trois franchises simultanément en mars prochain. Ce qui porte à six le nombre total de nos magasins. Celui qui s’ouvre à Neuchâtel sera exploitée par un jeune de 28 ans. Quant au franchisé de SaintPrex (VD), il a 20 ans, et celui de Bienne (BE) a moins de 30 ans.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur EGEN ? Pour notre part, l’impact a été plutôt positif, même si nous avons subi une baisse de chiffre d’affaires, nous n’avons pas fermé. Une des choses que j’ai apprises grâce à EGEN, c’est la patience. De ce fait, nous avons profité de la période du semi-confinement pour préparer et planifier le lancement des nouvelles franchises et de trouver des locaux. Pendant ce temps, beaucoup de pressings ont souffert et ont dû fermer, surtout ceux qui dépendent uniquement de la clientèle privée. Parlez-nous de vos autres projets. Depuis deux ans maintenant, nous sommes actifs dans des programmes de recyclage de vêtements. L’année passée, nous avons récupéré 25 tonnes au total, dont en grande partie des vêtements presque neufs de l’École hôtelière de Lausanne. Nous avons envoyé 20 tonnes d’habits sur les îles grecques dans des camps de réfugiés en Grèce, avec l’aide de l’UNHCR. Cela nous a permis d’habiller des milliers de personnes. Dans un tout autre registre, en 2018, j’ai créé une deuxième start-up avec deux amis: Willka. Le financement se fait à 100% grâce aux bénéfices d’EGEN. En tant que fan d’espace, un selfie posté sur les réseaux sociaux en 2015 par l’astronaute Scott Kelly avec une laitue spatiale m’a intrigué. Conscient du potentiel de faire pousser les plantes en tous lieux, j’ai fait des recherches pour comprendre ce procédé. Dès lors, Willka conçoit des systèmes qui permettent de cultiver les fruits et légumes en aéroponie, sans terre ni soleil, et de manière verticale. Les avancées technologiques, et techniques, que nous sommes en train d’élaborer nous permettront un jour, peut-être, de collaborer avec l’agence spatiale européenne, ou avec la NASA. Par une heureuse coïncidence, Kimbal Musk, frère d’Elon (le patron de Tesla), dont je suis le plus grand fan, est le cofondateur d’une start-up new-yorkaise active dans le vertical farming. Pour la petite histoire, Kimbal a entendu parler de Willka en 2018 lors de la conférence de Davos. Je vous laisse imaginer ma réaction lorsque j’ai reçu une vidéo avec un message de félicitations de sa part sur mon compte Instagram.

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Et si la relance de notre économie passait par L'AFRIQUE ?

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L'Afrique, ou la relève du continent oublié.

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n connaît tous l'histoire du garçon qui criait au loup. À la fin, plus personne ne le croyait. Il en va un peu ainsi de l'essor de l'Afrique. On a l'impression de l'avoir entendu annoncée mille fois depuis des décennies, sans que la réalité ne soit réellement au rendez-vous. Mais si cette fois, c'était la bonne? On le lit tous les jours, les économies occidentales sont en berne, en particulier après le passage d'un rouleau-compresseur nommé Covid... D'où la nécessité pour les entreprises de repenser leurs stratégies, de réinventer des débouchés, sous peine de péricliter... L'aversion naturelle au risque prêche pour des investissements rassurants, presque garantis. On veut tout, la sécurité des placements et des bénéfices au firmament. Un ratio risque/ récompense imbattable, la pierre philosophale, en somme... Au fil de nos numéros, nous vous exposons, faits à l'appui, les raisons qui laissent à penser qu'aujourd'hui, plus que jamais, tous les feux sont au vert pour les entreprises occidentales, à commencer par celles de notre chère Helvétie, tentées par le pari africain. On l'ignore parfois, on le sous-estime souvent, mais des solutions de financement, de garantie contre les risques (politiques, commerciaux etc...) existent bel et bien, l'aide au développement des pays émergents est une réalité institutionnelle qui fonctionne à plein, et on ne peut que s'étonner que si peu de nos entreprises y fassent encore appel. Nous-mêmes, qui étions un peu sceptiques, comme l'ensemble de nos compatriotes, nous avons découvert ces hommes et ces femmes qui œuvrent sans relâche à sécuriser la reconstruction de l'Afrique, où le savoir-faire suisse conjugué au dynamisme des entreprises locales s'avère une potentielle manne pour tous. Oui, pour tous, car l'ère de l'Afrique simple pourvoyeuse de matières premières ou de chantiers « unilatéraux » pour l'Occident est révolue, et on ne peut que s'en féliciter. Ces hommes et femmes que nous évoquions ont à cœur de faire avancer ce continent, de lui donner les moyens de prendre son destin en main, de le pousser vers un développement qui n'a que trop tardé. Et si au passage, ce développement africain offre de formidables opportunités pour nos entreprises, que demander de plus? DOSSIERS PUBLICS PRINTEMPS 2021

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SOCIÉTÉ

Ngozi Okonjo-Iweala

première femme et première africaine à la tête de l'OMC L'Organisation mondiale du commerce, basée à Genève, a depuis le 1er mars, une nouvelle directrice: Ngozi Okonjo-Iweala. Son élection est une grande première pour l'institution et reflète l'avancée de la parité dans le monde, particulièrement en Afrique. 78

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N

Par Leonidas Perroit

gozi Okonjo-Iweala, l’ancienne ministre nigériane des Finances, a pris ses fonctions de directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce ce 1er mars. Elle est ainsi la première Africaine et la première femme à diriger l'organisme qui régit le gendarme commercial mondial. « C'est un moment très important pour l'OMC », avait déclaré David Walker, son président du Conseil général, réagissant à sa nomination en février durant une conférence online. Pour lui répondre, Okonjo-Iweala a promis de relever les défis économiques et sanitaires mondiaux provoqués par la pandémie de Covid-19, se disant « honorée » d'avoir été choisie pour diriger l'organisation. « Une OMC forte est vitale si nous voulons nous remettre complètement et rapidement de la dévastation provoquée par la pandémie de Covid-19. J'ai hâte de travailler avec les membres pour façonner et mettre en œuvre les réponses poli-


NOM DE TÊTIÈRE tiques dont nous avons besoin pour relancer l'économie mondiale », a-t-elle dit, avant d'ajouter: « Notre organisation est confrontée à de nombreux défis, mais en travaillant ensemble, nous pouvons collectivement rendre l'OMC plus forte, plus agile et mieux adaptée aux réalités d'aujourd'hui ». Qui est Ngozi Okonjo-Iweala? Ngozi Okonjo-Iweala est une économiste nigériane dont la carrière dans le développement et la finance s'étend sur plus de quatre décennies. Ministre des Finances du Nigeria pendant deux mandats consécutifs, d'abord de 2003 à 2006, puis de 2011 à 2015, elle a également été la première femme à occuper ce poste dans son pays. Okonjo-Iweala a été aussi ministre des Affaires étrangères du Nigeria après son premier mandat en tant que ministre des Finances, devenant à nouveau la première femme à occuper ce poste. Si elle ne l'a été que pendant deux mois, ce fut assez pour se tailler une solide réputation de négociatrice acharnée, jouant un rôle déterminant dans la réduction de la dette du Nigeria. Okonjo-Iweala a par ailleurs passé plus de 20 ans à travailler avec la Banque mondiale, où elle est devenue directrice générale de l'organisation, supervisant au total 181 milliards de dollars d'opérations.

Comme le notait Jackie Bischof, éditeur du média Quartz Africa, c’est un motif de satisfaction que de voir les femmes africaines atteindre de tels sommets – signe des nombreux progrès accomplis par le continent en matière de parité entre les sexes. L'Afrique compte un nombre remarquablement élevé de femmes entrepreneurs et la plus forte représentation de femmes dans les conseils d'administration que toute autre région du monde -25%, contre une moyenne mondiale de 17%, selon le rapport de McKinsey 2019 sur l'égalité des sexes pour les femmes africaines.

Nous pouvons collectivement rendre l'OMC plus forte, plus agile et mieux adaptée aux réalités d'aujourd'hui ”

L'arrivée d'Okonjo-Iweala au sommet de l'OMC intervient quelques mois à peine après que l'administration Trump avait décidé de bloquer sa candidature en soutenant à sa place la ministre sud-coréenne du Commerce, Yoo Myunghee, qui s'est finalement retirée de la course début février. Okonjo-Iweala reprend maintenant une organisation qui fait face à une multitude de défis qui l’ont entravée ces dernières années, par exemple l'épineuse gestion des frictions croissantes entre les superpuissances économiques que sont les États-Unis et la Chine.

Ngozi Okonjo-Iweala et la pandémie de Covid-19 La nouvelle directrice de l’OMC a été pendant quatre ans la présidente du conseil d'administration de GAVI, l'Alliance du vaccin. Là, elle a œuvré pour une meilleure diffusion de la vaccination à travers le monde, en particulier pour les populations vulnérables. Elle reconnaît le rôle que l’OMC doit jouer dans ce domaine, en particulier pendant la pandémie de Covid-19. Après sa nomination à l'OMC, Okonjo-Iweala a déclaré que sa priorité serait de se concentrer sur les conséquences de la pandémie, en particulier dans les secteurs de l'économie et de la santé. Selon elle, les tâches urgentes comprennent une meilleure NGOZI OKONJO-IWEALA efficacité dans l'approvisionnement et la commercialisation des vaccins contre le Covid-19 au niveau interna1954 Naissance à Ogwashi Ukwu (État du Delta, tional. Elle est pour la levée Nigeria) des restrictions à l'exporta1976 Diplômée en économie à l'Université de tion sur les fournitures et les Harvard vaccins et l'encouragement 1981 Obtention d'un doctorat en économie à la fabrication de vaccins régionale au Massachusetts Institute of Technology dans plus de pays, comme 1982 Entre à la Banque mondiale l'a rapporté AP. Elle a éga2003-2006 Premier mandat de ministre des lement abordé la question Finances du Nigeria du « manque de confiance » 2006 Ministre des Affaires étrangères du Nigeria entre les membres de l'OMC 2011-2015 Second mandat de ministre des et a exprimé le besoin urgent Finances du Nigeria de bâtir un esprit de coo2021 Directrice générale de l'OMC pération après des années de conflits assaisonnés de sanctions et taxes entre les pays membres.

EN QUELQUES DATES

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NOM DE TÊTIÈRE

Ignazio Cassis :

En Afrique, la Suisse inspire confiance. Nous allons y renforcer notre présence ” En février, un périple en Afrique a mené le patron du Département fédéral des affaires étrangères en Algérie, au Mali, au Sénégal et en Gambie. Ce voyage du conseiller fédéral et vice-président de la Confédération a servi de rampe de lancement à la nouvelle politique extérieure de la Suisse, qui tient davantage compte des opportunités qu'offre le continent africain pour un partenariat gagnant-gagnant.

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Propos recueillis par Aby Wane

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es dernières années, de nombreux pays africains ont connu des taux de croissance élevés. Ce qui reflète que, malgré de nombreux problèmes conjoncturels et structurels, le continent africain regorge de potentialités économiques. Tenant compte de cette nouvelle réalité, la Confédération veut passer de la vieille coopération au développement, qui a fait son temps, à une politique extérieure adaptée aux réalités géographiques et économiques de ses partenaires africains. Avec un accent particulier sur les pays à fort taux de croissance que la Suisse considère comme des Lionnes, par analogie avec les « Dragons » et les « Tigres » d'Asie, comme l'explique Ignazio Cassis à Dossiers Publics.

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INTERVIEW Aby Wane  : Monsieur le conseiller fédéral, Dossiers Publics vous remercie d’avoir accepté de répondre à nos questions, qui vont principalement porter sur les stratégies MENA 2021-2024 et Afrique subsaharienne. Pour commencer, pourriez-vous définir ce que sont les stratégies MENA et Afrique subsaharienne ? Ignazio Cassis : Comme son nom l’indique, la stratégie MENA concerne la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA : Middle-East and North Africa). Elle définit la politique extérieure de la Confédération dans cette région pour la période 2021-2024. Ce document propose une analyse géopolitique, encadre les intérêts de la Suisse et définit les buts à atteindre ainsi que les mesures pour y parvenir. La stratégie « Afrique subsaharienne », elle, est la deuxième stratégie géographique du Conseil fédéral. Elle suit le même modèle que la Stratégie MENA, mais porte sur le continent africain au sud du Sahara. Des stratégies pour d’autres régions du monde vont suivre à l’exemple de la Chine ou encore des Amériques. Ces stratégies géographiques servent à renforcer la qualité et la cohérence de l’action de politique extérieure du Conseil fédéral. La qualité, d’une part, car la Suisse dit ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dit ; la cohérence, d’autre part, car ces stratégies sont coordonnées avec tous les départements fédéraux. Elles sont pour ainsi dire un compromis entre différents accents : de l’économie à l’environnement, de la paix aux flux migratoires, etc. Cette approche – nommée «  Whole-of-Government  » – est une nouveauté que j’ai déjà introduite dans la Stratégie de politique étrangère 2020-2023, autrement dit la stratégie « mère ». La cohérence de l’action politique suisse à l’étranger ainsi que son ancrage à l’intérieur de notre pays sont fondamentaux pour notre crédibilité dans le monde. Dans le cadre de cette stratégie, approuvée par le Conseil fédéral en octobre 2020, vous vous êtes rendu en visite officielle du 7 au 13 février en Algérie, au Mali, au Sénégal et en Gambie. À part l’Algérie, ces pays ne font pas partie de cette stratégie. Pourquoi les visiter maintenant ? Les visites diplomatiques sont un instrument important dans la réalisation de nos stratégies. La stratégie MENA, approuvée par le Conseil fédéral en octobre 2020, a été inaugurée par ma visite en novembre dernier au MoyenOrient (Israël, Territoire palestinien occupé et Émirats arabes unis). La stratégie Afrique subsaharienne, approuvée en janvier de cette année, a été quant à elle présentée lors ma récente visite au Mali, au Sénégal et en Gambie. Lors de ce voyage, je me suis tout d’abord arrêté en Algérie, pays appartenant à la région MENA, pour plusieurs raisons. L’Afrique du Nord et l'Afrique de l’Ouest sont des espaces géographiques interconnectés. Les pays de ces régions font face à des défis communs qui intéressent la Suisse de très près : la paix et la sécurité, les dynamiques migratoires transnationales, la démocratie et l'État de droit, l’aide humanitaire ainsi que le développement durable. Autant de domaines où la Suisse est engagée. L’Algérie est un pays très important du Maghreb et est fortement impliquée dans la question sécuritaire du Sahel. Elle est par ailleurs un acteur important dans le processus de paix au Mali et a un intérêt direct à voir émerger davantage de stabilité et de prospérité dans son voisinage sahélien.

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De plus, l’Algérie et d’autres États d’Afrique du Nord, sont des pays d’accueil pour la migration en provenance d’Afrique subsaharienne. Ils jouent un rôle central dans ce domaine, où nous œuvrons à développer les coopérations existantes. C’est pourquoi l’intensification des échanges entre la Suisse, la région du Sahel et l’Afrique du Nord est l’une des mesures proposées dans nos stratégies. Votre département a mis en exergue, à la suite de votre voyage officiel, le dynamisme et les opportunités existantes dans une partie de l’Afrique subsaharienne, notamment dans la région des «  Lionnes économiques  », dont fait partie le Sénégal. Pouvezvous nous en dire plus ? Le Conseil fédéral a adopté une nouvelle approche pour l’Afrique, après avoir notamment écouté les représentants diplomatiques africains en Suisse et avoir compris leurs besoins. Jusqu’ici, en politique étrangère, l’Afrique était surtout regardée avec les lunettes de la coopération au développement. S’il est vrai que les défis demeurent nombreux, les opportunités s’y développent aussi, et rapidement. L’Afrique n’est pas un continent homogène  : elle est très grande et dispose de multiples facettes. Notre stratégie comporte trois chapitres dédiés principalement aux défis (la région du Sahel, la région des Grands Lacs et la grande Corne de l’Afrique) et deux autres aux opportunités (les Lionnes africaines et le multilatéralisme). Ces dernières années, de nombreux pays ont enregistré des taux de croissance élevés. Par analogie avec les « Tigres asiatiques », nous avons choisi d’appeler ces États africains les « Lionnes ». La Suisse veut renforcer la collaboration avec ces pays et mieux prendre Brochures des stratégies MENA en compte leur potentiel éconoet Afrique subsaharienne 2021- mique. Nous voulons ainsi consolider les 2024. Ces documents peuvent conditions-cadres propices aux invesêtre téléchargés sous www. tissements, renforcer la bonne gouverdfae.admin.ch/publications nance et l’État de droit et promouvoir le développement de services financiers durables. La protection du climat et la transformation numérique sont également des priorités. Je suis convaincu par exemple que la zone de libre-échange africaine (ZLECA), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, permettra de faciliter le commerce et de créer des emplois pour les jeunes. Depuis lors, 41 pays peuvent échanger des marchandises dans le cadre des nouvelles règles touchant notamment les droits de douane et les taxes sur les biens importés. À la suite de ces visites, la Suisse est-elle en discussion sur des projets avec ces pays ? Ces visites servent à réaliser nos stratégies, c’est-à-dire à mettre en place des collaborations et des projets pour atteindre les buts définis. Avec mes différents interlocuteurs, nous avons identifié des pistes pour renforcer notre collaboration tant au niveau bilatéral qu'au niveau multilatéral. Avec chaque pays la Suisse utilise des instruments de coopération spécifiques. Par exemple, au Sahel, nous


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Nous voulons ainsi consolider les conditionscadre propices aux investissements, renforcer la bonne gouvernance et l'État de droit, et promouvoir le développement de services financiers durables. ”

1. Rencontre avec le premier ministre algérien Abdelaziz Djerad. 2. Rencontre avec le président du Sénégal Macky Sall. 3. Visite d’une école de Sikasso, la deuxième ville du Mali, proche de la frontière du Burkina Faso, pour les enfants des déplacés internes.

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INTERVIEW avons mis l’accent sur la paix et sécurité, l’aide humanitaire, l'État de droit et la démocratie. Tandis qu’au Sénégal, j’ai signé un accord sur les services aériens et une déclaration conjointe pour améliorer la coopération en matière de lutte contre le changement climatique. La question des conditionscadres pour la création d’emplois et la réduction de la migration irrégulière a été abordée avec chacun de ces pays, tout comme la question des droits de l’homme, en particulier la liberté d’expression et de rassemblement. Monsieur le conseiller fédéral, vous attachez beaucoup d’importance aux questions de développement durable. Quelle est la place de la durabilité dans la politique étrangère suisse ? La Confédération veut bâtir une société humaine qui lui permette d'assurer sa pérennité. Le maintien d'un environnement vivable ainsi que la promotion d’un développement économique et social équitable en sont les enjeux principaux. Le Conseil fédéral a inscrit la durabilité dans sa stratégie de politique étrangère 2020-2023, où elle figure en tant qu’axe thématique, aux côtés de la paix et de la sécurité, de la prospérité et de la numérisation. Pour ce qui est de la politique intérieure, le Conseil fédéral adopte régulièrement une Stratégie pour le développement durable. Tant la Stratégie de politique étrangère 2020-2023 que la Stratégie pour le développement durable 2030 (actuellement en consultation) se fondent sur l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable. Cet agenda est le cadre de référence qui guide tous les États du monde vers la réalisation des objectifs du développement durable.

Visite de la MINUSMA dans le cadre des engagements multilatéraux de la Suisse. Ci-dessous. Rencontre avec la ministre des Affaires étrangères du Sénégal Aïssata Tall Sall.

D’après vous, quels sont les principaux atouts de la Suisse à l’étranger ? La Suisse bénéficie d’une image positive dans le monde. Notre démocratie directe, notre stabilité politique et notre prospérité sont souvent regardées avec admiration. La neutralité et la tradition humanitaire jouent un rôle important dans l’imaginaire collectif. Avec des frontières stables depuis plus de 500 ans, la Suisse ne fait pas peur ! L’absence d’un passé colonial a été particulièrement rappelée par nos interlocuteurs africains, alors que sa neutralité lors des deux guerres mondiales est souvent thématisée par nos amis européens. La tradition humanitaire est mondialement connue et nos interlocuteurs les plus lointains assimilent parfois le drapeau suisse à celui de la Croix-Rouge, ce qui me réjouit au vu du lien étroit entre la Confédération et cette organisation. En Afrique, grâce à sa présence depuis plusieurs décennies dans l’aide au développement, la Suisse inspire confiance et l’intérêt pour une coopération avec notre pays est important. Le continent africain a également beaucoup à offrir et nous allons progressivement y renforcer notre présence. De manière plus générale, nous vivons en paix dans un pays sûr, économiquement performant et doté d’un excellent système éducatif et scientifique. Nous bénéficions également de l’ensemble des droits fondamentaux constitutifs d’une démocratie. Je suis convaincu que ce sont de précieux atouts qui permettent à la Suisse de s’affirmer sur le plan international.

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Mon voyage s’est achevé hier. 6 jours, 4 pays et une chose dont je suis sûr : les relations entre la Suisse et l’Afrique vont gagner en importance ! Ignazio Cassis 10:54 AM · 13 févr. 2021 - Twitter


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NOM DE TÊTIÈRE DISTINCTION

Le professeur Raoult reçoit les honneurs au Sénégal L'éminent microbiologiste français, fortement critiqué en Europe pour sa prise de position en faveur de l'hydroxychloroquine dans le cadre du traitement du Covid-19, a été décoré le 30 mars au Sénégal de la plus haute distinction nationale par le président Macki Sall. 86

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Par Leonidas Perroit

n visite à Dakar à la fin du mois de mars, le professeur Didier Raoult a été reçu par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, et par le chef de l'État du Sénégal, Macky Sall. Ce dernier l’a élevé à la dignité de commandeur dans l’ordre national du Lion pour son travail remarquable sur la pandémie. La visite s’inscrit logiquement dans le cadre des recherches du professeur sur l’émergence des variants du Covid-19. Le professeur officie comme directeur de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille, qui collabore avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD), un organisme français représenté au Sénégal. Le centre de Marseille est également un partenaire de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (IRESSEF) sénégalais, dirigé par le professeur Souleymane Mboup, avec lequel le professeur Raoult entretient d'étroits rapports professionnels. Ces travaux portent notamment sur l'étude d'un certain variant du SARS-CoV-2 identifié à Marseille et qui aurait le Sénégal pour origine, après que la souche originelle avait été importée du sud de la France. L'hypothèse actuellement développée, comme l'a expliqué le professeur à son retour en France dans la vidéo hebdomadaire d'information produite par l'IHU, est que la souche du virus importée


NOM DE TÊTIÈRE d'Europe a trouvé un hôte animal au Sénégal, possiblement le singe vert pour y produire ce variant qui se serait retransmis à l'homme et aurait voyagé à Marseille, ce qui est confirmé par sa découverte chez des marins et passagers de bateaux en venant du Maghreb. L'hydroxychloroquine au Sénégal Pour rappel, Didier Raoult enseigne à la Faculté des sciences médicales et paramédicales de Marseille et est devenu rapidement une référence médiatique mondiale lorsque son équipe a proposé dès le début de la pandémie un traitement contre le virus à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Son protocole est alors devenu un sujet de controverse en France, puis à l'étranger, culminant dans la publication en ligne le 22 mai 2020 d'une étude dévastatrice à l'encontre de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 par la revue médicale de référence britannique The Lancet. Submergée par les critiques de scientifiques du monde entier, l'étude a finalement sombré quelques semaines plus tard après la rétractation de trois de ses quatre auteurs. La publication de l'étude avait immédiatement entraîné la cessation des essais sur l'hydroxychloroquine par l'OMS, qui ne les a pas repris malgré le retrait de la publication par The Lancet. Absolument pas découragé par les décisions de l'OMS, le Sénégal avait de son côté poursuivi ses recherches sur un traitement utilisant l’hydroxychloroquine associé à l’azithromycine, selon les déclarations du responsable de la prise en charge médicale des malades au Sénégal, le docteur Moussa Seydi, relayé par les médias internationaux.

européennes, faisant allusion aux attaques dont il a été victime de la part de nombreuses personnalités du monde médical et médiatique français dans la défense de son protocole de traitement du Covid19 à base d'hydroxychloroquine : « Cela me paraît être plus proche que ce que je crois être la raison, en comparaison à ce qu'il s’est passé dans de nombreux endroits. Je pense que la stratégie décisionnelle a été raisonnable et cela ne m’étonne pas parce que j’ai vu des conseillers scientifiques qui sont dans leur rôle, qui ne se substituent pas à la politique », a-t-il ajouté. S'exprimant également lors de la conférence de presse, le Ministère de la santé et de l’action sociale a ajouté que les échanges du professeur avec les autorités sénégalaises portent « également sur le transfert de technologies en matière de recherche ».

Je pense que la stratégie décisionnelle a été raisonnable et cela ne m’étonne pas parce que j’ai vu des conseillers scientifiques qui sont dans leur rôle, qui ne se substituent pas à la politique. ”

Pour valider leur stratégie, les autorités sénégalaises ont fait paraître fin mars 2020 une analyse qui montrait clairement une réduction de la durée d'hospitalisation, alors que le pays faisait face à une augmentation constante de cas. Le professeur Seydi invoquait une réduction plus rapide de la charge virale chez le malade traité avec l'hydroxychloroquine et une bonne tolérance au médicament. Le médecin avait souligné qu'elle n'était administrée qu'en milieu hospitalier avec l'accord du patient et accompagnée d'un électrocardiogramme. Les résultats de l'analyse préliminaire avaient validé sa stratégie en montrant que, sur 181 patients, la durée médiane d'hospitalisation était de 13 jours pour les malades n'ayant reçu aucun traitement, 11 pour ceux ayant reçu de l'hydroxychloroquine seule, 9 pour ceux ayant reçu de l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine (antibiotique), et même 8 pour ceux ayant consulté tôt et commencé le traitement dans les 24 heures.

Didier Raoult, le Sénégalais Au Sénégal, le professeur Didier Raoult est chez lui, puisqu’il est né à Dakar et y a passé les neuf premières années de sa vie. Il a gardé avec son pays de naissance un fort lien affectif. Il a vécu dans le bâtiment qu’avait fait construire son père, professeur de médecine tropicale dans le service de santé. Pendant cinquante ans, ce dernier s’est occupé de la nutrition tropicale juste en face de l’Institut Pasteur de Dakar. Le destin du futur professeur de microbiologie était ainsi tout tracé... Son audience avec le chef de l'État a permis au célèbre scientifique et médecin d’apprécier positivement la riposte anti Covid-19 dans ce pays de l'Afrique de l'Ouest. S'exprimant au cours d'une conférence de presse, le professeur a vanté la qualité de l’expertise locale : « Je trouve que la stratégie de décision qui nous a été expliquée par le directeur et le ministre de la santé a été excellente, et que ceci a amené à ce que les choses se passent bien ». Le professeur en a profité pour lancer quelques piques à destination des autorités sanitaires

DIDIER RAOULT EN QUELQUES DATES 13 mars 1952 Naissance à Dakar (Sénégal) 1961 S'installe à Marseille 1981 Docteur en médecine 1985 Docteur en biologie humaine 1994-1999 Président de l'Université de la Méditerranée Aix-Marseille II 2003 Prix de la Fondation française pour la recherche 2010 Grand prix de l’Inserm pour l’ensemble de sa carrière 2015 Prix de la Fondation Louis D, Institut de France 2018 Inaugure l'IHU Méditerranée Infection qu'il a fait construire

Les professeurs Souleymane Mboup et Didier Raoult, à L'IRESSEF de Dakar, lors de la conférence de presse du 31 mars

L'ordre national du Lion est la plus haute distinction sénégalaise. Il fut fondé le 22 octobre 1960, année où le Sénégal a obtenu son indépendance

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BIBLIO

Ce printemps, on s’instruit grâce à la richesse du langage romand, ou par le sens philosophique de la rencontre. On réfléchit au monde de demain, et on s’évade en suivant le parcours hors du commun d’une icône du pop art ou en découvrant les dessous de l’art contemporain.

Par Nathalie Brignoli

Didactique

Créateur du projet et diplômé de l’ÉCAL, Mathieu Daudelin s’est plongé dans la richesse de la langue welche pour nous permettre de retrouver des termes désuets ou encore d’actualité. L’ÉCAL/ Ecole cantonale d’art de Lausanne a cherché à redonner une forme contemporaine à des mots qu’on connaît bien en Suisse romande. Cet ouvrage instructif regroupe ainsi des idiomes régionaux et leurs définitions, grâce au remarquable travail d’archivage d’Henry Suter. LE DICO ROMAND par Henry Suter, Mathieu Daudelin, ÉCAL préfacé par l’humoriste romand Yann Marguet. Éditions Favre | CHF 33.

À travers ce livre on découvre le destin hors du commun d’Andy Warhol. Pendant plus de trente ans, Jean-Noël Liaut a mené l’enquête. Il a recueilli les confidences de nombreux proches de l’artiste pour dresser un portrait du pape du pop art loin des clichés habituels. On suit ainsi le parcours du « renard blanc » : fils d’immigrés slovaques, né dans un milieu ouvrier, génial, opportuniste, angoissé, mais surtout comprenant son époque mieux que quiconque. ANDY WARHOL, LE RENARD BLANC par Jean-Noël Liaut Allary Éditions | CHF 35.

Et après le Covid-19 ?

Comment sera le « monde de demain » ? Quel rôle joueront les villes dans les grands défis sociaux et environnementaux à travers le XXIe siècle ? Grégoire Junod propose quelques pistes pour sortir de l’angoisse, dans cette phase de crise sanitaire qui a ébranlé nos projets, nos libertés et notre situation matérielle. Réflexion sur l’avenir du socialisme et sur le sens de l’action politique, le livre aborde les moyens de conjuguer l’urgence climatique et les nouveaux impératifs sociaux. ÉTAT D’URGENCE par Grégoire Junod Éditions Favre | CHF 18.

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Toute rencontre peut changer notre vie. Certaines rencontres modifient même durablement notre destinée et nous ouvrent à une autre vision. Le philosophe Charles Pépin met l’accent sur la nécessité de sortir de chez soi et de laisser place aux bienfaits du hasard; il illustre son propos par de nombreux exemples de rencontres célèbres (Picasso et Eluard, David Bowie et Lou Reed…). Son livre apporte beaucoup d’espoir et d’optimisme, en ces temps de repli sur soi. LA RENCONTRE UNE PHILOSOPHIE par Charles Pépin Allary Éditions | CHF 32.

La face cachée de l’art contemporain

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Ouverture

Le XXIe siècle a fait de l'art contemporain un acteur incontournable des relations internationales. Véhicule privilégié du soft power, il constitue un moyen d'influence au service du rayonnement des grandes puissances. Aude de Kerros, spécialiste de l’art contemporain, analyse les liens entre création artistique et géopolitique, de 1945 à nos jours. Elle décrit notamment avec précision les événements marquants de la dernière décennie et leurs conséquences. ART CONTEMPORAIN MANIPULATION ET GÉOPOLITIQUE par Aude de Kerros Éditions Eyrolles | CHF 40.


Sites

& Pages

COUPS DE CŒUR Plugin Créer un blog ou un site web de commerce, c’est bien. Encore faut-il penser à le sécuriser. Par défaut, même si WordPress met en place des mesures de sécurité, il faut penser à ajouter des plugin de sécurité ( surveillance, scan de fichiers, recherche de logiciels malveillants, actions post-hack etc.). Ce site répond à tous les besoins de votre site web, offrant assistance et sécurité.

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Insta-sécurité Comment sécuriser son compte Instagram ? En 2019, 49 millions d’utilisateurs Instagram, dont beaucoup d’influenceurs et célébrités, ont vu leurs données personnelles étalées sur la place publique. En avril de la même année, 540 millions de comptes ont été piratés. Personne n’est à l’abri. Les conseils pour sécuriser son compte Insta sont donc bienvenus : mot de passe fort, authentification à deux facteurs, sécurisation de la boîte mail, etc.

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