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La dématerialisation des données des particuliers et des entreprises au service de la lutte contre la fraude

La modernisation des services publics et particulièrement de l’administration fiscale s’est déployée avec force ces dernières années, faisant de la collecte massive des données et de leur exploitation un objectif central de performance.

Les conséquences en termes de mobilisation des données, de traitements par des algorithmes, de craintes pour le respect de la confidentialité ont donné lieu à des débats qui ont surtout alimenté la sphère privée. (I)

Pourtant, les implications dans le monde des entreprises, qu’il s’agisse de la question de la facture électronique, du rôle des professionnels de la comptabilité ou des nouvelles orientations de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) en matière de contrôle fiscal apparaissent toute aussi décisives et porteuses pour cette dernière de nouvelles capacités d’action (II).

I. DÉMATÉRIALISATION DES DONNÉES DES PARTICULIERS

Une coopération obligée

L’obligation de télé-déclaration des revenus a constitué la nouveauté la plus emblématique. En 2016, la déclaration par internet est devenue obligatoire pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence de 2015 était supérieur à 40 000 €, puis ce seuil a été abaissé à 28000€, puis 15000€, enfin, à partir de 2020, tous les foyers devaient télédéclarer leurs revenus.

Le but, selon la DGFIP, n’étant pas de sanctionner les réfractaires mais d’inciter à l’adoption de ces nouvelles modalités, des obligations périphériques du même type ont accompagné ce mouvement vers

Une collecte massive des données autorisée par la CNIL mais sous surveillance la dématérialisation, tels que :

- la limitation de l’accueil physique et l’encouragement à l’utilisation des services en ligne

- la limitation à 300€ du paiement en espèces des impôts depuis le 01/01/2014

- l’exclusion du chèque comme moyen de paiement des impôts locaux dont le montant est supérieur à 300€.

Ce sont ainsi 25 millions de contribuables français qui se sont dirigés vers ce nouveau mode de relation avec l’administration fiscale, cette dernière revendiquant le titre de « e-administration de référence » et le site impots.gouv.fr s’affichant, par sa fréquentation, comme le 2e site internet gouvernemental le plus visité.

Une collecte massive

Désormais possible et organisée par la loi (art.154 de la loi de finances pour 2020), la collecte de données publiques vise à améliorer la détection de la fraude et le ciblage des contrôles fiscaux sans devoir réaliser d’investigations humaines coûteuses et sans mettre à la charge des opérateurs de nouvelles obligations déclaratives :

« A titre expérimental et pour une durée de trois ans, […] l’administration fiscale et l’administration des douanes et droits indirects peuvent […] collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plate-forme en ligne, […] manifestement rendus publics par leurs utilisateurs. »

Au chapitre des garanties, les résultats d’exploitation de cette collecte devront être communiqués à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) afin qu’elle établisse si ce système de détection des fraudes fiscales entraîne des atteintes disproportionnées au respect de la vie privée. Concrètement, la CNIL s’emploiera à vérifier que « seules les données réellement nécessaires à la détection des fraudes » ont bien été exploitées par l’administration.

Ainsi, l’affichage sur les réseaux sociaux de vacances luxueuses et répétées à Dubaï, Las Vegas ou Monaco n’est plus une bonne idée, ces éléments de train de vie étant susceptibles d’éveiller l’attention du fisc.

Dans le même objectif de lutte contre la fraude fiscale et sociale, la loi du 23 octobre 2018 impose désormais aux plates-formes de mise en ligne une obligation d’information des internautes et de déclaration fiscale des transactions effectuées par leur entremise.

Cette disposition est entrée en vigueur pour une première application au 1er janvier 2019. Ainsi, les opérateurs de plateforme étaient-ils tenus d’émettre leur premier état récapitulatif avant le 31 janvier 2020 pour l’exercice 2019, et de le communiquer à chacun de leurs utilisateurs et à l’administration fiscale.

Un levier important pour la réduction des coûts de fonctionnement

Dernier élément, mais non le moindre, plaidant pour un développement de la dématérialisation, les économies de fonctionnement à grande échelle résultant : - des suppressions d’emploi de personnels affectés à la saisie des informations, mais également à l’accueil et au renseignement oral des administrés. - de la mutualisation/coopération entre administrations pour faire en sorte que les progrès réalisés dans une administration profitent à d’autres entités de la sphère publique. La loi autorise en effet les échanges de données entre administrations.

On peut citer à ce titre la normalisation et la fiabilisation de l’identité des personnes physiques au travers d’un système coopératif « France connect » impliquant la DGFIP, La Poste et la Sécurité sociale qui évite au particulier d’avoir à décliner à nouveau ses coordonnées dès lors qu’une première démarche a abouti dans l’une de ces administrations.

La dématérialisation peut également profiter directement à l’administré dans un souci de transparence lorsque la complexité d’une législation ou d’une procédure nécessite une égalité de niveau d’information entre déclarant et contrôleur. C’est le cas du fichier des cessions immobilières « PATRIM » mis à la disposition des particuliers et de leurs conseils pour aboutir à une évaluation partagée des patrimoines transmis ou éligibles à l’impôt sur la fortune immobilière.

Ces derniers exemples d’effets positifs au regard des procédures administratives ne doivent cependant pas cacher l’essentiel. La dématérialisation aboutit en effet, non seulement à un transfert de la collecte et des coûts mais également à une coopération au contrôle en ce qu’elle incite au civisme du fait des possibilités de recoupement et de la crainte d’une sanction en cas de défaillance.

Enfin, pour sécuriser leurs rapports avec l’administration, les particuliers auront tendance à recourir à un prestataire, conseil ou tiers de confiance, à l’instar du fonctionnement des entreprises.