lecture de la médina de fès : essai d’anthropologie urbaine
meure des notables se singularise généralement par une porte décorée. C’est le seul signe extérieur de richesse, et pourtant il fait pâle figure à côté du confort intérieur. Les portes de ces maisons se distinguent des autres par leur ornementation qui encadre l’ouverture ou qui s’inscrit sur le vantail. Souvent un auvent en bois ou en maçonnerie, couvert d’un toit incliné de tuiles semi-cylindriques vertes, couronne l’ensemble de l’ouverture. Mais, dans la plupart des cas, la porte ordinaire est une ouverture rectangulaire simple de 2 m à 2,50 m en moyenne de hauteur pour 1 m à 1,50 m de largeur. Elle se ferme par un ou deux vantaux en bois bardés de gros clous qui s’ouvrent toujours vers l’intérieur. À l’exception de l’entrée, il n’est pas difficile de constater que l’extérieur de la maison n’offre presque jamais d’autres ouvertures importantes, visibles au visiteur. Les anciennes maisons de Fès ne présentent que des murs aveugles, animés parfois par les avant-corps qu’on construisait sur le finâ’. Des fenêtres donnent rarement sur la ruelle secondaire ou l’impasse. Mais, lorsque celles-ci existent, elles sont grillagées et constamment fermées. Façades nues et monotones, marquées seulement par quelques embrasures, presque des meurtrières, situées haut, parfois à la limite de la terrasse, et faites pour remplacer le moucharabieh de l’Orient, pour donner à l’intérieur de l’espace domestique un peu de lumière et pour pouvoir surveiller discrètement la rue. L’entrée de la maison est marquée par un seuil de hauteur variable (environ 20 cm). Appelé ‘atba7, qui veut dire « franchir », ce seuil a des fonctions pratiques ; il est nécessaire d’empêcher l’intrusion des insectes, des petits animaux, et les courants d’air froid, mais il a également un sens symbolique. Plusieurs rites de passage et plusieurs pratiques magiques ou prophylactiques confirment l’importance sociale du seuil. Limite factuelle entre l’espace intérieur et extérieur, il est doublé par une autre limite culturelle : l’espace masculin et l’espace féminin. Le seuil est considéré [...] comme le lieu de rencontre et de contact avec l’espace domestique. Il est volontiers chargé d’un pouvoir bénéfique que toute intrusion peut amoindrir, ou faire disparaître (Boughali, 1974, p.19).
De plus, on constate souvent que la porte est chargée de symboles, un fer à cheval, une main peinte, pour préserver la maison et ses habitants contre « le mauvais œil ». L’aspect extérieur dénote en somme, à travers l’étanchéité et l’hermétisme de l’espace domestique et tous les signes qui marquent son entrée, une certaine méfiance, une certaine réserve à l’égard de tout ce qui est extérieur à la maison.
‘Atba est l’équivalent courant de maison. Une personne qui a plusieurs ‘atba est un propriétaire qui possède plusieurs maisons. 7
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