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Les compétences 4.0, ces oubliées du virage numérique

Les chefs d’entreprises suisses et les RH ne sont pas préparés aux changements liés à la transition digitale, selon une étude. Le séisme provoqué par la pandémie pourrait servir de catalyseur pour entamer ce tournant indispensable.

«Compétences 4.0: l’état d’impréparation préoccupant des entreprises suisses!» Cet avertissement, c’est Von Rohr & Associates, cabinet actif dans le développement et la transition de carrière, qui le lance à travers une étude réalisée au début de cette année. Le phénomène s’observe surtout dans les pharmas et les PME, mais il est généralisé selon Anouk Heyraud, Lead Talent Assessment & Development Practice. «On ne peut pas dire qu’ils n’anticipent pas, explique cette dernière. Ils anticipent très bien, mais ils ne traduisent pas ces informations en actes. Cela se matérialise par une certaine inertie au niveau de la gestion des RH, du développement des compétences et des changements organisationnels. » Son hypothèse? Les dirigeants se rendent compte du changement, mais ils ne se sentent pas très concernés personnellement, ni pour leur entreprise.

Quelques chiffres donnent la mesure des soucis que rencontrent les entrepreneurs. Ainsi, près d’un quart des sociétés sondées – 600 ont répondu à l’enquête – expriment qu’au moins 40% de leurs collaborateurs auront besoin d’une remise à niveau majeure d’ici à 2023. L’étude relève également que 44% des répondants estiment que les changements liés à la transformation numérique comportent une menace pour le bien-être des collaborateurs. Et 68%, soit une large majorité, constatent un impact négatif sur la perception du stress.

La transition numérique, le sondage en fait état, verra disparaître un certain nombre de métiers, comme les fonctions administratives, les tâches de comptables, de personnel de vente ou encore d’employés de production non qualifiés. Dans le même temps, d’autres vont émerger comme les data scientists, les managers digitaux, les développeurs en machine learning ou encore les spécialistes de l’expérience client. Les compétences techniques ne suffiront cependant pas: «Avant, l’expertise était suffisante pour être embauché. Aujourd’hui, les soft skills – qui représentent la personnalité et le savoir-être d’une personne – gagnent en importance, elles font la différence.» Ces compétences-là sont-elles innées ou acquises? Pour la spécialiste, certaines personnes ont davantage de prédispositions que d’autres, mais cela peut se développer, on peut changer ses comportements.

UN RÔLE À JOUER POUR LES SENIORS

Et l’entreprise, a-t-elle la responsabilité d’accompagner ses collaborateurs vers cette transition numérique? Anouk Heyraud répond par l’affirmative, notant que «ce sera surtout une nécessité. Certains postes sont déjà difficiles à repourvoir. Nous avons des demandes de sociétés pour que les employés prennent en main leur carrière, se repositionnent sur d’autres postes car ce sont de bons collaborateurs, qui connaissent bien l’entreprise mais qui occupent des fonctions qui vont devenir obsolètes. » Les seniors, eux aussi, ont un rôle à jouer dans cette mutation: leur expérience leur permet de gérer des projets tout en transmettant leur savoir aux plus jeunes.

Dans ce contexte de transformation, un instrument doit intervenir: la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), comme la nomment nos voisins français. Il s’agit d’une démarche globale qui aide l’entreprise à se préparer aux évolutions et à adapter les compétences de ses salariés en vue d’anticiper les changements à venir. «Chaque société devrait le faire! assure l’experte en développement des compétences et potentiels. Le faire seul à l’interne, c’est compliqué; au besoin, il faudrait pouvoir externaliser cette activité. Cela dit, anticiper les besoins en termes de compétences en fonction de la stratégie et des objectifs devrait être une tâche permanente. » Les mêmes recettes ne sont toutefois pas applicables à toutes les entreprises: même s’il existe de grandes tendances génériques, cela va dépendre du secteur d’activité, du type de personnel et de son niveau de qualification.

Réalisée peu de temps avant la pandémie, cette étude a permis, selon leurs auteurs, de valider toute une série de recommandations relatives au changement. «Nous étions vraiment à grande échelle dans un laps de temps très court où il a fallu gérer beaucoup de transformations en même temps», explique Anouk Heyraud. L’enquête recense un certain nombre de compétences attendues des managers et des collaborateurs. Parmi elles, centrale, la capacité à décider! «Il s’agit de l’une des compétences un peu oubliées, mais en temps de crise, il faut choisir, décider! Agilité, flexibilité, capacité d’adaptation, créativité et aptitude à trouver des solutions sont indispensables en temps de crise, à la vitesse grand V», conclut la spécialiste.

Rapport complet sur demande, en français et en anglais, à l’adresse anouk.heyraud@vonrohr.net

Anouk Heyraud