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Ces start-up vaudoises qui surfent sur le sport

Terre sportive par excellence, le canton de Vaud abrite une pépinière de jeunes sociétés actives dans ce secteur. Coup de projecteur sur deux d’entre elles qui tirent leur épingle du jeu en dépit de la pandémie actuelle.

TEXTE JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH PHOTOS ASI & ALOGO

Un système de tracking très innovant bienvenu dans le milieu équestre. Elle compte parmi ses clients des clubs de football comme les Young Boys, Neuchâtel Xamax, le FC Zurich, quelques formations françaises et japonaises, la Haute École fédérale de sport de Macolin ou encore SwissSki. Elle, c’est la start-up Advanced Sport Instruments SA (ASI), basée à Lausanne, qui occupe neuf collaborateurs. La jeune entreprise développe, produit et commercialise des capteurs, des interfaces logicielles et des algorithmes de traitement de données permettant à l’utilisateur d’évaluer avec précision ses performances.

Lionel Yersin, ingénieur en microélectronique et CTO de la société, est un passionné de parapente. Il s’est lancé en 2011 avec ASI dans l’idée de développer des appareils pour jauger les performances de ces voiles volantes, comme la mesure des courants thermiques qui permettent de prolonger le vol.

Mais le parapente reste un sport confidentiel. «Nous nous sommes dès lors intéressés à d’autres marchés plus importants, comme le football et les sports collectifs d’extérieur en partant de la technologie développée pour le parapente. »

DONNÉES PROTÉGÉES

ASI développe alors des capteurs GPS précis pour mesurer les performances des footballeurs comme les déplacements sur le terrain, les accélérations, etc. Le système Field Wiz collecte des données fiables pendant les matches ou les entraînements permettant aux coaches de prendre des décisions éclairées et d’améliorer la stratégie. Le marché du football est 1000 fois plus grand que celui du parapente, ce qui a permis de booster la croissance de la startup, qui s’apprête à sortir un nouveau produit, Admos Live. «Ce capteur GPS, connecté à la 4G, permet d’envoyer des positions en direct à nos serveurs. On voit les joueurs évoluer en direct, ce qui fournit à l’entraîneur des statistiques extrêmement précises sur l’état de ses joueurs avec quelques secondes de délai et le rythme cardiaque en temps réel.» Il sera commercialisé en septembre. La concurrence existe dans ce secteur, mais ASI dispose d’un coup d’avance au niveau de la protection des données, qui est quasi inexistante dans ce domaine aujourd’hui. «Un coach peut avoir accès à des data sans que le sportif ne soit au courant. Aussi nous mettons l’accent sur cet aspect. Ce marché est prometteur», assure le CTO.

La pandémie de Covid-19 a évidemment impacté le chiffre d’affaires de la jeune pousse, contrainte à un arrêt total de plusieurs semaines au plan commercial. «Il a fallu serrer les dents», explique Lionel Yersin. Le recours aux RHT, l’appui de la FIT et l’aide aux startup du canton, dont la demande est en cours, sont bienvenus. «On sort la tête de l’eau, poursuit-il. L’un des avantages de cette crise est que l’on a pu se concentrer sur la R&D et avancer dans le développement. La reprise est là.» La société en a profité pour réorienter sa stratégie. D’un modèle B2C, elle s’oriente aujourd’hui vers le B2B: elle va vendre ses capteurs à des partenaires qui disposent des interfaces de visualisation et ce sont ces clients qui vont aller démarcher les sportifs.

SWISS-SKI UTILISE ÉGALEMENT FIELD WIZ POUR ÉVALUER LES PERFORMANCES DE SES ATHLÈTES.

ASI voit grand: elle va procéder prochainement à une levée de fonds. Pour ce faire, elle prépare un dossier, avec business plan, messages-clés et pitch bien rôdé. Ne lui reste qu’à aller frapper aux bonnes portes. «Nous avons travaillé avec des business angels, des prêts, qui nous ont aidés à bien nous positionner. Notre ambition est d’aller un étage plus haut. Notre croissance est bonne, l’optimisme est de mise», conclut-il.

Des terrains de foot, passons à ceux d’équitation avec Alogo Analysis SA, start-up sise à Renens. Cette jeune société fournit notamment des statistiques en temps réel sur les compétitions équestres. David Deillon, son fondateur et CEO, a pratiqué l’équitation à un haut niveau pendant huit ans. Cavalier professionnel en équipe de Suisse, depuis les juniors jusqu’en élite, il a disputé trois fois le CHI à Genève, ainsi que plusieurs prix des nations avec l’équipe nationale. En 2014, un projet de tracking des chevaux est initié d’abord par l’intermédiaire de la société d’une connaissance. Après un bachelor en marketing digital, en 2016, David crée Alogo et reprend son projet pour le développer. auprès du grand public en fournissant des statistiques en temps réel à la TV, comme c’est le cas dans le tennis, pour le rendre plus attractif». Temps intermédiaires, superposition des images des cavaliers en lice pour comparer les trajectoires, pourcentage de fautes par obstacle: ces données sont basiques pour beaucoup de sports, mais pas en hippisme où rien n’existait. Puis David Deillon a eu envie d’aller plus loin dans les données: «Nous sommes partis assez vite sur le développement d’un capteur qui permet d’analyser les mouvements du cheval en 3D, note le directeur général. C’est notre spécificité par rapport à d’autres: on sait où il se situe, on a une vision complète de son déplacement dans l’espace. L’objectif est de détecter des paramètres optimaux pour aider le cavalier à améliorer les performances de sa monture. »

BLESSURES DÉTECTABLES

Ce capteur dispose d’une spécificité bien utile, car il contribue à la détection de blessures. «Lorsqu’un cheval boite, c’est déjà trop tard, explique David Deillon. Les chevaux ne sont pas comme les humains, ils n’expriment pas leurs douleurs. Notre capteur sensible et précis devra permettre de détecter des irrégularités, le début d’une blessure. C’est de la prévention, en fait.» Ce dispositif permet par ailleurs de voir la technique du mouvement du cheval et d’expliquer des schémas de mouvement propices. Selon son concepteur, il est ainsi possible de prédire le potentiel de l’animal, en identifiant les qualités d’un cheval de haut niveau. Le marché peut paraître petit pour un non-initié, mais il n’en est rien. La France compte 600000 licenciés – c’est le sport le plus pratiqué après le football et le tennis dans l’Hexagone –, l’Allemagne 700000 et la Grand-Bretagne 1,3 million.

La jeune entreprise a connu un coup d’arrêt dans son développement ce printemps en raison de la pandémie. Les aides fédérales et cantonales l’ont aidée à passer le cap. Le lancement de son nouveau capteur a ainsi été retardé de plusieurs mois. Alogo Analysis SA a toutefois pu mettre à profit cette pause forcée en organisant, avec ses distributeurs, des présentations Zoom aux clients, qui, en temps normal, sont souvent en voyage en cette période de l’année. «Nous avons obtenu de nombreux feedbacks, se réjouit David Deillon. L’intérêt est grand pour notre produit, qui devrait être livrable dans le courant des prochaines semaines. Nous sommes confiants pour ces six prochains mois. La demande est forte. »