Columbia Janvier 2013

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Après 40 ans d’anxiété et de douleur au nom du droit au choix, la décision « Roe c. Wade » de la Cour suprême des États-Unis ne relève toujours pas du droit établi

Y

vonne Florczak-Seeman est femme mariée et mère élevant quatre enfants dans la foi catholique. Elle fait du bénévolat dans sa paroisse et au sein de la communauté et, selon ce qu’on en entend dire, tout comme beaucoup de femmes veillant à pourvoir de son mieux à sa famille. « Je suis une femme normale, note Yvonne Florczak-Seeman. Je n’ai plus l’air de cette femme, vous savez, celle qui a eu cinq avortements ». Cette page à vous fendre le cœur tirée du passé de Florczak-Seeman scandalise certaines gens avec qui elle partage son histoire. D’autres, note-t-elle, la jugent sur-le-champ et sévèrement. Néanmoins, elle continue de partager son cheminement personnel pour que le monde comprenne à quel point l’avortement a vraiment perturbé les femmes au cours de 40 dernières années. « L’avortement détruit la femme du tout au tout, affirme Florczak-Seeman. Elle en est affectée sur le plan affectif, physique, psychologique et spirituel. » Elle avoue qu’au secondaire elle arrivait bonne première de classe et que tout allait pour elle dans le meilleur des mondes ― c’est-àdire jusqu’à ce que son premier avortement bouleverse sa vie entière, à l’âge de 16 ans. S’en est suivie une suite de comportements ravageurs et de relations dysfonctionnelles au cours des quatre années suivantes. À 20 ans, elle était passée par quatre autres avortements, et devait recourir à l’alcool et aux stupéfiants pour engourdir sa douleur. « J’étais suicidaire. Tout ce que j’aimais faire n’avait plus de sens, avoue-t-elle. Je ne comprenais pas le vide qui habitait ma vie ». Florczak-Seeman avoue que c’est seulement grâce à l’intervention divine qu’elle ne s’est pas donné la mort. Au lieu de se suicider, elle a demandé au Seigneur de lui accorder son pardon et a promis de se porter à la défense des cinq enfants qu’elle avait avortés. « Le Seigneur m’a prise au pied de la lettre, assure-t-elle. Et tout aussi foutue que j’aie été, il m’a guérie et m’a ramenée au bon sens. » LA DÉCISION Le mois de janvier de cette année, nous marquons le 40e anniver22 ♦ C O L U M B I A ♦

JANVIER 2013

saire de la décision historique Roe c. Wade, de la Cour suprême des États-Unis, qui rendait légal l’avortement dans chacun des 50 états. Avant 1973, l’avortement était interdit dans beaucoup d’états et limité dans d’autres. Roe c. Wade est fondée sur la loi de la « protection de la vie privée », que les juges ont estimée présente implicitement dans la Constitution américaine. « Du point de vue juridique et logique, la décision Roe n’aurait jamais dû être rendue. En effet, ce fut le résultat d’un fonctionnement erroné de la Cour suprême en ce qui concerne la manière de définir les droits constitutionnels », soutient Helen Alvaré, professeure agrégée de droit à l’Université George- Mason, en Virginie. Maître Alvaré a passé sa carrière à promouvoir le caractère sacré de la vie et du mariage. Elle a été employée par la Conférence des évêques catholiques des États-Unis en tant qu’avocate générale de la défense et dans les bureaux de la défense de la vie, et elle fut consultée par le Saint-Siège sur les questions de respect de la vie et de la condition féminine. Elle croit que le programme en faveur de l’avortement a nui au mouvement pour la promotion de la condition féminine. Quatre décennies plus tard, l’avortement demeure un problème fortement controversé sur le plan politique. « La question : « Où vous situez-vous par rapport à Roe c. Wade? » est devenue cruciale, note Alvaré. Non seulement détermine-t-elle si quelqu’un est nommé au tribunal fédéral, mais elle est devenue un facteur important dans le choix d’un candidat. » Le jour même où le tribunal rendait sa décision dans le cas de Roe c. Wade, les juges ont également donné leur avis par rapport à un cas pendant : Doe c. Bolton. Cette deuxième décision de compromis a annulé de nombreuses restrictions imposées à l’avortement et établi qu’une femme peut obtenir un avortement après la viabilité de l’enfant si sa « santé » en était compromise. La décision élargissait la façon de définir la santé des femmes, puisqu’y était ajoutée une gamme importante d’aspects, légalisant ainsi l’avortement pendant toute la durée de la grossesse. « Ils se tournaient vers l’avortement pour toute réponse, a conclu

Thinkstock

par Carolee McGrath


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