Le Monde des Artisans n°86

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Des mentalités qui évoluent « Pendant longtemps les femmes n’ont pas été prises au sérieux en tant que chefs d’entreprises, encore moins dans les milieux masculins », relate Renée Fernandez, présidente de la commission « Femmes dans l’artisanat » de la CMA des Bouches-du-Rhône, vice-présidente de la Fédération nationale de la coiffure des Bouches-du-Rhône et artisan coiffeur. « Maintenant les messieurs se sont rendu compte qu’elles avaient leur place et ça va mieux. » Elle voit les mentalités évoluer et notamment dans les milieux traditionnellement masculins : « j’ai des collègues qui prennent maintenant des jeunes filles en apprentissage mécanique, je leur demande com-

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« Pendant longtemps les femmes n’ont pas été prises au sérieux en tant que chefs d’entreprises, encore moins dans les milieux masculins », Renée Fernandez, présidente de la commission « Femmes dans l’artisanat » de la CMA des Bouches-du-Rhône.

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Le monde des artisans ● mois 2011

« Bonjour Messieurs les plombiers, Mesdames les esthéticiennes » Laurent Giordanengo, responsable du service Développement de l’Apprentissage et de l’Emploi à la CMA des Bouches-du-Rhône « La CMA des Bouches-du-Rhône a créé une commission « Femmes dans l’Artisanat » en 2006. Elle participe notamment à la remise du prix MetFem qui récompense les femmes qui créent une entreprise et l’intégration par l’apprentissage de femmes dans un métier ou il y a moins de 25 % de femmes. Nous éditons également des dépliants spécifiques. Dans mon service, nous travaillons sur cette thématique puisque nous sensibilisons les jeunes. Lorsque l’on présente les métiers de l’artisanat dans les collèges ou les lycées, on précise qu’il n’y en a pas réservés aux femmes ou aux hommes. On met en avant les artisans ayant un profil atypique. Souvent, j’accueille les jeunes en disant « Bonjour Messieurs les plombiers, Mesdames les esthéticiennes ». C’est une bonne introduction, on met à plat les stéréotypes. On est là pour faciliter les choses. Je me souviens d’une jeune fille qui voulait faire de la carrosserie, sa mère était coiffeuse. C’était le drame. Il a fallu discuter avec les parents et les rassurer. » « Dans le bâtiment, les filles commencent à trouver leur place, notamment dans le second œuvre », MarieChristine Gaultier, viceprésidente de la CMA des Côtes d’Armor et artisan crêpière. © DR

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hommes ont horreur des femmes castratrices, ils aiment les femmes maternelles. Quant aux séductrices, elles jouent un jeu dangereux car elles risquent d’être rejetées et de renforcer les préjugés des hommes ». Il faut donc savoir être dans l’autorité sans être castratrice ni séductrice. « Pouvoir jouer la complicité, c’est important », ajoute-telle. C’est d’ailleurs ce que confirme Gwendoline Bonnet de « Verre l’Essentiel ». « Le métier de souffleur de verre est très hiérarchisé, très codé car ancestral. J’ai travaillé dans des cristalleries, en bleu de travail. On s’attache les cheveux et on se fond dans la masse. C’est le meilleur moyen de s’intégrer. Lorsque les ouvriers vous voient travailler, ils vous respectent. Mais bien sûr, il y a des moments où il faut être plus ferme, s’imposer.» Pour l’artisane, c’est « aux femmes d’aller explorer ces mondes qui leur semblent fermés ».

ment ça se passe, ils me répondent : « Si vous m’en trouvez six autres comme ça, je les prends » ». Dans d’autres secteurs, le ressenti est tout aussi positif, comme l’observe Domitille Flichy, 33 ans, gérante de Farinez-vous, une boulangerie artisanale : « Je suis une femme, de surcroît jeune, et lorsque j’ai présenté mon projet au président du Syndicat de la boulangerie, il a été très enthousiaste. De la même manière, le meunier que j’ai contacté m’a tout de suite prise au sérieux. » Pour Philipa Martin, de « Verre l’Essentiel », l’évolution des mentalités est visible : « on travaille avec des ferronniers, ils nous voient d’abord comme des chefs d’entreprise et ensuite comme des femmes ». Laure Ligneau, du haut de ses 26 ans, tire également un bilan optimiste : « il y a de vieilles mentalités et des nouvelles. Certains de mes collègues ont des jeunes filles en apprentissage et les deux ouvriers que j’ai n’ont aucune difficulté face à ma nature féminine ».

La tendance à la mixité de certains métiers « Dès que l’on montre la compétence, il n’y a aucun problème : de

plus en plus de femmes sont dans la production. Tous les artisans parlent bien de ces salariées qui féminisent le métier. Il y a des chances que ça continue dans ce sens », remarque Catherine Foucher de la Capeb. Cette évolution, Marie-Christine Gaultier, vice-présidente de la CMA des Côtes d’Armor et artisan crêpière, l’observe également : « dans le bâtiment, les filles commencent à trouver leur place, notamment dans le second œuvre ». Les choses évoluent et de nombreux métiers deviennent mixtes. Tendance que confirme Gwendoline Bonnet : « Ceux qui nous ont appris sont des hommes, nos collègues sont des hommes. Mais cela se féminise beaucoup. Dès les années 60-70, avec le développement de la verrerie d’art, des couples de verriers se sont installés : la femme dessinait et l’homme soufflait. Petit à petit, des centres de formation se sont ouverts et cela a attiré les femmes. » Dans les secteurs plus féminins comme la coiffure, la mixité est également en train de se mettre en place : « Avant il y avait peu de coiffeurs. Plus ça va, plus je reçois des CV d’hommes. Cela est dû au fait que le métier est plus valorisé. Avant, la coiffure était la voie de garage pour les femmes et le garage celle des hommes », confie Audrey Jadot, artisan coiffeur à Montpellier « Je ne considère pas que ce soit un secteur féminin. Chacun y a sa place. La mixité est une bonne chose, l’amour du métier est plus important que le genre ».


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