do the write thing read between the lines #4
de texts by

In memoriam nico van der endt (1941-2025)
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In memoriam nico van der endt (1941-2025)
christian berst avant-propos
henri guette guette
jean-marie gallais comme on se tâte le pouls
éric dussert la pulsion babelienne
œuvres works
michel thévoz écriture et folie : correspondance de stoffers biographies texts in english
Que se trame-t-il donc « dans l’intervalle du lisible et du visible » - comme le désigne Michel Thévoz – ou dans ce que Dubuffet appelait les « langages implicites » ?
Que se passe-t-il quand le sens se dérobe sous la profusion des signes ? Quand, écrivant du dessin ou dessinant de l'écrit, il n'est plus question que de dire, par tous les moyens à sa disposition. Au risque que ce métalangage ne traverse le ciel sans toucher aucune cible. À moins, à moins que l'un de nous ne passe par là, prêt à s'émouvoir de ce soliloque, prêt à comprendre - littéralement à prendre en soi - ce déferlement sémantique qui s'apparente à la « pulsion babélienne ». Et celui-là deviendrait de facto le destinataire providentiel de ce sibyllin déferlement, non pas comme un cryptographe hors pair, mais comme quelqu'un qui retrouverait en lui toutes les potentialités de l'expression. Capable aussi bien de ressentir le pouvoir évocateur de l'idéogramme - image et texte indissociés - comme aux temps immémoriaux, ou de se délecter des divagations où la science et la poésie vont l'amble. Voire d'éprouver la petite musique des graphorrhées qui se déploient comme des mantras. Le rythme et la composition, dans une tension constante, semblent vouloir y
révéler un sens nouveau, primal, comme un cri. D'ailleurs, comme l’on parle d’éclats de voix, ne devrait-on pas parler d’éclats de signes ? Ainsi, toute glossographie ne nous apparaîtrait plus comme l’incapacité à maîtriser les codes du langage, mais comme une manière de les dépasser, de les reformuler. Ce qui frappe alors dans ces palimpsestes, ces chiffrements magiques, ces mots sédimentés, ces itérations hypnotiques, ces vocables secrets, ces écritures asémiques, c'est la formidable plasticité d'une langue primordiale qui contiendrait toutes les autres. Comme l’écrit Jean-Marie Gallais, « les signifiants finissent par se détacher du signifié, et deviennent une musique pour les yeux ».
Ce quatrième volet de Do The Write Thing conclut ainsi ce premier cycle consacré au graphein. Ce mot grec signifiant « faire des entailles » et évoquant ce moment où l’humanité inventait le monde en gravant des signes à la surface des choses.
Henri Guette, critique d’art et commissaire d’exposition, explore l’art contemporain à travers la poésie, notamment l’approche hors livre de Charles Pennequin. Membre de l’AICA et de c-e-a, il accorde une attention particulière aux langages et récits. Collaborateur pour Critique d’art, Possible ou Gazette Drouot, il participe aussi à des podcasts. Ancien chargé de projets culturels à l’Université de Lille, il met en avant sa connaissance des politiques culturelles dans l’exposition Aller voir et laisser passer. Il poursuit son activité curatoriale avec l’association Fernrohr et développe des projets d’édition après une résidence à la Cité des Arts.
Il y a un vertige dans l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. On comprend à un moment que ce que l’on dessine mis bout à bout, attaché, prend un autre sens.
Les traits deviennent des lettres dans l’alphabet latin et ces lettres signifient autrement. Elles sont comme les échos des sons, elles transcrivent des syllabes, puis permettent l’assemblage de mots. Une fois que l’on a appris à les reconnaître, à les lire, quelque chose se perd. Il n’est plus possible de revenir à l’état antérieur. Le monde semble devenu lisible alors que l’on se concentre sur la dernière couche des signes qui nous apparaît. On est d’une certaine façon initié avec cette possible impression de maîtrise sur les choses qui nous entourent. Les progrès constants de l’alphabétisation n’ont fait qu'étendre le domaine de l’écrit, réservé d’abord à une élite. Vecteur d’histoire et véhicule sensible, l’écriture se pratique avec peu de moyen, d'aucuns diraient même qu’elle est démocratique.
Ce sont des gestes qui permettent de témoigner d’un passage, d’une pensée, d’une position, au-delà même des manuscrits d’écrivains. Elle permet, dès lors qu’on en regarde les marges, murs communs et portes de cellules, dès lors qu’on examine toutes les traces d’écrivants, cahier d’écoliers, registres comptables, agendas ou feuilles volantes, de s’ouvrir à d’autres récits, dont ceux de l’art brut.
Si l’écriture a quelque chose d’une révélation permettant de formuler l’environnement qui nous entoure, cela a des conséquences très concrètes pour les artistes que représente la galerie Berst. Janco Domsic, exilé croate arrivé à Paris dans les années 1930, pratique une écriture codée. Est-il influencé par le paysage textuel de la grande ville que déploie Aragon dans son Paysan de
Paris avec la reproduction des enseignes, slogans publicitaires et autres affiches ? Il développe au travers de ses dessins un système très élaboré qui semble comme un contrepoint mystique à la modernité. Ses figures raides, qu’il dessine avec un compas, sont hiératiques et couvertes de symboles. Son joueur de balalaïka présente des affinités avec les danseurs d'Oskar Schlemmer par son aspect mécanique. Janco Domsic en mêlant les symboles religieux, politiques et maçonniques cherche à retrouver ce qui meut les individus, la société et aller au-delà des apparences. Il cherche du côté du ciel, comme l’indique l’expression “avec tout ces étoiles” qui se distingue presque comme un titre. Dessin après dessin, il développe lui aussi une mythologie qui lui est propre. Son œuvre se présente presque comme un traité d’astrologie où l’orientation du texte elle-même n’est pas sans conséquence, organisée tout entière autour de figures presque alchimiques.
Dans le grand format (100 x70 cm) qu’il consacre à la Tour de Babel, Josvedy Jove Junco, dit aussi El Sirio, donne sa version du mythe. Encouragé à la lecture dès son plus jeune âge par sa mère, l’artiste cubain se rappelle avoir parcouru des livres de toute sorte mais, intrigué toujours par la question des origines, il se passionne tout particulièrement pour les ouvrages d’Histoire. Grand conteur, il invente des aventures qui peuvent durer des heures avec un tel aplomb et un tel sens du détail qu’il captive son auditoire. On ne sait précisément depuis quand il dessine et écrit
même si l’accumulation de cahiers laisse entrevoir le goût des histoires fleuves. Il mêle des événements réels et d’autres fantastiques, invente et représente des personnages, leurs blasons… L’écriture et le dessin sont indissociables ; comme un calligraphe médiéval, il prend soin pour les titres d’élaborer des lettrines. Il organise son texte autour de miniatures où peuvent se percevoir différentes sources d’inspirations, plus ou moins populaires. Ses gestes appuyés mettent le support à l’épreuve. Le dessin, l’écriture, lui permettent une sortie du quotidien par le récit, la transmission débordante d’une cosmogonie personnelle qui lui permettent de dépasser les crises de paranoïa et hallucinations qu’il a connu enfant.
La notion de mythologie individuelle qu’a développée le commissaire d’exposition Harald Szeemann permet de saisir les œuvres de nombre d'artistes brut. Le besoin d’expression de ces artistes qui composent à partir de leurs visions, de leurs vies structurent leur quotidien. Le dessin, l'écriture, se pare d’une fonction presque magique : il s’agit de parer à ce qui entoure, de mettre à distance et peut-être de sacraliser. Dans les dessins de Joseph Hofer, les nus, qu’ils soient masculins ou féminins, occupent un centre. Le corps définit un point de gravité qui met le ventre avant même la tête et les encadrements dessinés qui bornent le regard peuvent d’ailleurs passer sur le visage. L’artiste nous renseigne sur ce qu’il y a d’important. Le cadre qui définit la couleur, a la même fonction que le texte en cartouche. On peut penser à des
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do the write thing : read between the lines
emblèmes ou des blasons. La répétition des mêmes syllabes “Pepe” en miroir, agit comme une signature, introduit l’écriture comme une possibilité de dédoublement de soi, et d’exploration d’une altérité très concrète, physique.
L’art brut ne se laisse pas saisir si facilement. Les traits ronds ou cassés, les caractères attachés ou bâtons servent d’abord à faire la rencontre d’une singularité. Le dessin, l’écriture se prêtent à une grande diversité d'exécution sur des supports variés qui brouillent les pistes. Il y a bien quelque chose d’une obsession, d’une manière qui s’impose et signe toutes les œuvres mais qui se prête à bien des variations. Dans les papiers de Carlo Zinelli, arrivé au dessin sur le tard, l’encre de chine compose des figures, celles du cheval par exemple, mais ménage aussi des blancs, des interstices. Un rythme se met en place avec le crayon qui porte des lettres souvent très ornées, avec des boucles démonstratives et autres effets qui traduisent une écriture consciente de ses effets. Il évoque ainsi avec ces deux régimes, de noir et de gris, de creux et de pleins, des aventures inspirées d’élèments biographiques précédant son internement. Face au travail de Dwight Mackintosh, à ses personnages qui ont la même consistance que la ligne d’écriture, on sent chez Zinelli une façon de penser le contraste. Mackintosh développe une écriture au-delà de l’intelligibilité où tout est de l’ordre de la vibration. Les hauts et bas de caractères définissent un rythme que la main redouble ou contrarie dans le dessin. L’artiste double souvent les traits, produi-
sant un tremblement qui peut être le plaisir du geste, ou la peur de voir les choses s’échapper. L’artiste parle ainsi du “besoin obsessionnel de remplir la page blanche d’une trace personnelle”. L’écriture brute ne se veut pas nécessairement lisible. Elle peut être une adresse qui va à des absents, une mère éloignée pour Harald Stoffers ou même Dieu pour Jill Gallieni. Elle est une prière dont on garde les termes pour soi tout en partageant par le signe et la forme l’intentionnalité. Le modèle de la lettre, du missel ou livre de prière devient ainsi opérant à lui seul, comme l’artiste Vera Molnar avait pu le montrer en simulant les lettres de sa mère dans une écriture devenue avec le temps illisible. Pour bien des artistes, la ressemblance avec une écriture suffit. Elle évoque un état d’avant la lecture, celui d’une enfance possible.
On peut choisir entre les mots de trouver des mondes, et certains d’ailleurs y voient des “amibes”. Pepe Gaitan passe ses journées dans des bibliothèques à choisir des textes et les photocopier, intervient dessus par la rature, le collage et l’ajout de quantités de signes colorés. Il propose une façon de décoder et par l’ajout d’images fait parfois penser à une encyclopédie qui chercherait à mettre en valeur ce que l’on ne sait pas, ce qui est trop petit pour être observé. En quête d'une autre écriture, il cherche à donner forme à ce qui est invisible. Pour Ramón Losa ou Dan Miller, l’enjeu autour de la lisibilité n’est pas celui d’un décodage mais bien d’un mode d’action. Il s’agit d’influer directement sur la percep-
tion et l’organisation d’un monde régi par le langage.
L’écriture pour Losa sur une feuille proche du A4, joue du cadre même de la page avec ses marges et son organisation quadrillée. Il expérimente à partir des conventions, évoquant tour à tour des carrés magiques, que l’on peut rapprocher de ceux du moine Raban Maur, des lignes d’écriture occidentales ou des lignes d’idéogrammes. Certaines lettres se distinguent, d’autres se fondent dans une écriture qui est avant tout tension, événements comme celle que fait advenir Henri Michaux dans ses calligraphies. Ramón Losa provoque des rapprochements ou des écartements, il joue avec des contradictions qui lui permettent, peutêtre de retrouver un certain contrôle. Dans les compositions chaotiques de Dan Miller, où l’on sent l’horor vacui, la peur du vide, le dessin s’enchevêtre, les sens et l’écriture se mélangent. La page noire répond à la page blanche et le verbe n’est plus un commencement mais un achèvement, une fin en soi avec la satisfaction qui va avec.
L’écriture a partie liée depuis ses inventions dans différentes cultures aussi bien avec la magie qu’avec la comptabilité. Les premières traces d’écritures qui nous parviennent en Mésopotamie sont de l’ordre des registres, des archives quand les mythes qui ont perduré en Chine par exemple évoquent au travers de l’écriture des possibilités presque médiumniques qui érigent celles et ceux qui la maîtrise au rang de dépositaires de secrets cosmiques. Un artiste comme George Widener qui reprend dans ses dessins nombre
de dates et de données chiffrées voit précisément dans la tenue d’une comptabilité la possibilité d’accéder à des vérités jusqu’alors inaccessibles. Technicien de formation, il multiplie les diagrammes, inventaires, calendriers et tables de calculs pour appuyer ses recherches. Son intense activité mentale, son excellente mémoire et ses aptitudes en calcul font de ses dessins de véritables démonstrations.
L’écriture organise le monde. Elle permet d’en dérouler un récit et de l’art de l’affiche à celui de la bande dessinée, elle a fini par imprégner toute la culture populaire. Pour les deux artistes cubains Rigoberto Casola Marcos ou Misleidys Castillo Pedroso, elle intervient de façon colorée, et permet dans un cas d’exprimer des scènes du quotidien et de l’autre de manifester une interjection. Presque comme des onomatopées, “Imeofac”, “Imeotc” nous interpellent à défaut de nous être lisibles. Ces deux gouaches sur papier nous place dans la situation de cette femme analphabète qui interrogée par Marguerite Duras, trouvait beau le mot de lilas, “presque haut comme il est large”. Nous nous déplaçons dans ce que nous croyons savoir lire et percevons d’autres réalités.
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préface du catalogue do the write thing ; read between the lines #3, christian berst art brut, 2022
Diplômé de l’E.H.E.S.S., de l’École du Louvre et de l’Université de Lille 3, Jean-Marie Gallais, était responsable du pôle programmation du Centre Pompidou-Metz de 2016 à 2022. Il y a notamment assuré le commissariat de l’exposition Écrire c’est dessiner (6.11.2021 au 21.02.2022). Depuis 2022, il est conservateur de la Bourse de Commerce collection François Pinault.
Ce qui vient à nous d’abord dans l’exposition do the write thing, troisième de la série initiée par Christian Berst, c’est un flux. Il apparaît comme une évidence à peine nous entrons dans l’espace de la galerie, il nous saisit, nous enveloppe et nous envahit.
Sa source se fraie des chemins à partir de petits copeaux de papier et finit par se dérouler magistralement sous nos yeux, dans la dentelle des p. et des signes, avec puissance. Aussi personnelles et individuelles que soient les œuvres présentées, elles partagent ce flux ou s’y insèrent, comme le flow des rappeurs se transmet de participant à participant dans les battles. Le flow, soit le rapport entre la vitesse à laquelle s’écoulent les mots de la bouche et la rythmique musicale. La cadence est ici non celle de la beat box mais celle du poignet, et la rythmique est avant tout visuelle. Avec le mystère insoluble de déterminer ce qui guide le poignet. À quoi est-il relié ? Quel corps, quel esprit, quelle entité alimente ce flux ?
Les lettres sont tantôt débitées à la hache, tantôt finement ciselées. Mais en disant lettres, je me trompe. Il faut lire entre les lignes (read between the lines). Considérer les tracés, schémas, dessins, effacements et griffonnages rapides, les vides aussi. Le sens à force s’est échappé. Je pense à Annie Cohen, qui m’a montré ses rouleaux d’écriture il y a quelques temps :
« Écrire encore et encore une suite ininterrompue de mots à l’encre noire et chercher à tricoter le sens pour se perdre et pour perdre pour ne pas perdre le goût du geste de la main
L’amour fou du geste d’écrire, même sans utiliser de lettres ni de glyphes connus.
Brion Gysin nommait ses signes des Calligraffitis de feu. Écrire, c’est aussi dessiner.
la main qui sait qui connaît le chemin la main du rouleau qui veut encore et encore dessiner des mots fabriquer du sens occuper l’espace de la feuille à force de vouloir écrire à force de vouloir consigner le sens fabriquer du texte par-delà la lisibilité au-delà de la lisibilité et pour ne jamais cesser de dire l’amour fou du geste d’écrire […] »
(La Langue blanche des rouleaux d’écriture, 2002)
L’amour fou du geste d’écrire, même sans utiliser de lettres ni de glyphes connus. Brion Gysin nommait ses signes des Calligraffitis de feu. Écrire, c’est aussi dessiner.
Celui qui l’a dit le premier sans nul doute le redisait déjà. La proximité entre écriture et dessin est encore plus intéressante lorsque nous quittons les zones d’intelligibilité du texte. Ce degré d’abstraction dépasse les frontières linguistiques pour nous amener du côté de la trace, geste majeur de l’art (brut ou pas), la trace laissée par cette « main qui connait le chemin ».
Certaines écritures ne demandent pas à être lues, elles sont de l’ordre du griffonnage ou du gribouillage. Kenneth Goldsmith a donné au Centre Pompidou-Metz en janvier dernier une conférence sur l’actualité
du scribble (griffonnage à partir d’un trait continu) et du doodle (gribouillage épars), deux activités que nous faisons tous ou presque à certains moments de notre existence, avec divers degrés d’implication, gestes a priori « éphémères, sans engagement et sans gravité. » Or, si cette description convient aux errements graphiques du dilettante, de l’enfant ou de l’amateur, elle n’est pas recevable avec les auteurs des œuvres exposées ici, dont beaucoup sont graves, exigeantes et signifiantes. C’est pourquoi il nous est impossible de nous contenter d’une lecture formelle. Certes, le rythme, la composition, ici l’épaisseur du trait ou là l’interruption de celui-ci par un collage d’image, procurent des qualités qui nous émerveillent et que nous devons considérer à égal avec d’autres champs de la création. Mais il se passe autre chose, et c’est le sens perdu qui intrigue d’abord.
Le désir du déchiffrement, forcément partiel, frappe à la porte, sans insistance toutefois. Pièce centrale de l’exposition, le grand rouleau d’Harald Stoffers concentre toute l’attention. On peut passer beaucoup de temps à le contempler, à essayer de le déchiffrer : « Liebe Mutti,… » Une lettre ? D’autres noms apparaissent, plusieurs apostrophes, des adresses, des itinéraires et des horaires scandent ces portées lignées très musicales, dont certaines prennent des allures de plaques vissées avec quatre points – cela me fait penser à cette formule de Mallarmé, qui disait qu’il plantait les lettres comme des clous et que le poème résidait non dans les clous mais dans les blancs qui restaient autour. Dans cette lettre-soliloque jamais adressée, aux blancs et aux lignes aussi importantes que
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do the write thing : read between the lines
les mots, le quotidien est devenu monumental, à l’image de ce débordement du flux qui nous a saisis dès l’entrée.
Les vides cependant s’amenuisent. Les lignes chez Stoffers et d’autres se resserrent parfois jusqu’à approcher la saturation. C’est le cas des tamponnages de chiffres de la jeune autiste japonaise Momoko Nakagawa, qui envahissent les petites p. aux fonds encrés, répétant une suite immuable, ou encore de certaines des enveloppes de Kunizo Matsumoto qui se couvrent d’idéogrammes de son invention et de trouvailles diverses. Plus saturées encore sont les épaisses et liquides écritures répétées de Michel Nedjar. On retrouve dans l’exposition la distinction que Roland Barthes faisait entre les deux sources de l’écriture : le trait et la nappe (comme en cuisine, précisait-il).
Plus loin, les p. inscrites sur leurs deux faces par Ramón Losa m’interpellent. La densité et la régularité avec laquelle les lettres envahissent la feuille appellent le déchiffrement, mais il est complexifié par le mélange des langues, l’inversion de lettres, leur répétition et l’invention de mots. Sur l’une, le dessin domine largement l’espace, les hachures et stries se prolongent en bas de la page par un dernier trait en arc de cercle qui vient former la boucle d’une lettre : le e de « etc. », suivi d’une ribambelle de points :
Dessin / texte sont ainsi totalement imbriqués. Les lettres se poursuivent en lignes, les lignes se terminent en écriture et le tout s’équilibre et s’équivaut. Un bloc de lettres en bas à gauche, sans ponctuation et aux espacements réguliers, commence par se référer à R I M B A U (sic) P U I S S A N T. Il y est question de T O M B E A U, de T E M P
S M O R T, de D U R E T E M A C A B R E. On peut lire au dos en espagnol : « Regarde les corps comme images. Le corps se compose d’images. » Or les lignes dont nous venons de parler emplissent une page qui a commencé par une image, celle d’un corps : un portrait au photomaton, tronqué, collé sur le mot barré Fotografia. On virevolte entre les deux faces du dessin, régulièrement interchangées pendant la durée de l'exposition. Au dos, après avoir dessiné sur un tiers de la page, Losa écrit : « j’en ai marre, c’est ennuyeux » et inscrit des lettres formant une pluie d’insultes méticuleusement rythmées.
Ces impulsions fascinantes semblent plus contrôlées non loin de là, chez Jorge Alberto Cadi, dit « El buzo » (le plongeur) à Cuba. Suivez les lignes de ce collage virtuose, l’enchevêtrement à l’apparence élégante n’en sera que plus dense et complexe. A côté, deux gouaches de Carlo Zinelli nous plongent dans des mondes parallèles, aussi primitifs que futuristes. Figures de mangeuses de lunes, fauves stylisés, combats d’oiseaux, équidés à roues, mondes à l’envers, silhouettes volantes, croix et cornes : les dessins étalent sur
leurs deux faces des océans de signes, de mots sinueux, de chiffres, d’onomatopées et de rugissements bouclés en tous sens au milieu des grandes figures contrastées. La parcimonie des teintes ajoutée à la maîtrise des techniques et de l’occupation de l’espace font de ces messages d’un autre monde de puissantes représentations, audelà de toute considération temporelle ou contextuelle. On les exposera assurément dans plusieurs siècles encore.
Avec chaque feuille exposée, on se laisse porter par les rythmes, par les effets de l’écriture sur le papier (qu’elle transperce comme des graffitis à l’envers chez José Manuel Egea, qu’elle s'orne d’aplats noirs dans les boucles chez John Patrick MacKenzie), puis l’on s’accroche à quelques bribes de sens, ou bien l’on sombre avec délectation dans la matière qui couvre les p., ondulations colorées de Joseph Lambert ou pâte noire sur les toiles de Ken Grimes, qui ne laisse émerger que des silhouettes cosmiques et des mots formant des interrogations sur ces signes apparus :
Des ressacs de signes, des mots noyés nous parviennent. Jetons un coup d’œil à ces enveloppes de Matsumoto, boîtes mémoires envoyées. À QUI ? Nous sontelles destinées ? Christian Berst donne une réponse à cette question centrale de l’art brut dans l’introduction à l’exposition. Les écritures et les dessins exposés ont quelque chose des appels anonymes lancés dans la nuit de Navire Night de Marguerite Duras :
Dès que nous appelons, nous devenons, nous sommes, déjà pareils. À qui ? À quoi ? À ce dont nous ne savons rien. Et c'est en devenant personne pareille que nous quittons le désert, la société. Écrire c'est n'être personne. « Mort », disait Thomas Mann. Lorsque nous écrivons, lorsque nous appelons, déjà nous sommes pareils. Essayez. Essayez alors que vous êtes seul dans votre chambre, libre, d'appeler ou de répondre au-dessus du gouffre. De vous mélanger au vertige, à l'immense marée des appels. Ce premier mot, ce premier cri on ne sait pas le crier. Autant appeler Dieu. C'est impossible. Et cela se fait.
M.D.
À ce moment précis dans l’exposition, intervient un événement inattendu. Mon téléphone, qui me sert de bloc-notes pendant ma visite, s’enraye. Les lettres ne s’affichent plus. Le correcteur transforme le texte que je veux lui donner à inscrire en une autre langue.
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Chaissac devient Chaos Sache
Devant un flow intraduisible, l’intelligence artificielle invente sa propre manière d’écrire.
Mon téléphone griffonne à ma place, il a perdu le fil, les lettres s’emmêlent.
La machine réécrit au même endroit, ne répond plus à la ponctuation. Finalement, sans que le poignet s’en mêle, se rejoue ici l’expérience d’un flux qui n’est plus dans la maîtrise habituelle, et l’incident mineur me semble en parfaite adéquation avec les œuvres qui m’entourent. Toutes ne sont d’ailleurs pas anti-technologiques, au contraire, nombre d’entre elles jouent de systèmes : probabilité, martingale et musique contemporaine chez Jean-Daniel Allanche, glyphes védiques chez John Urho Kemp, ou tableaux savants d’esperanto dessiné de l’inventeur Jean Perdrizet. La
différence, c’est qu’habituellement la machine maîtrise et régule le flux. Je repense alors à cet ordinateur que met au point depuis plus de dix ans Charles Arsène-Henry au sein de « La Bibliothèque est en feu », projet abrité dans un discret étage de la tour de la fondation LUMA à Arles. L’ordinateur qu’il a mis au point afin de créer dans une méta-fiction d’autres manières de lire et de sonder la lecture, s’appelle
A C K S E T R O N K U S A N A G I. Un détail qui n’en est pas un lorsque l’on repense à cette notion de flux / flow : si un contributeur veut envoyer du texte à l’ordinateur, il devra le faire en deux temps, le saisir une première fois tandis que le texte est encodé par l’ordinateur en une suite de chiffres, et lorsqu'il souhaite l’envoyer sur l’écran de retransmission afin qu’il apparaisse de manière intelligible, l'auteur-chercheur doit ensuite l’écrire en appuyant cette fois sur n’importe quelle touche du clavier. Libre à lui donc de choisir le rythme de son flow en ne sélectionnant qu’une seule touche ou en tapant partout sur le clavier, c’est bien le premier texte encodé qui s’affiche, libéré des erreurs et hésitations dactylographiques. L’écriture est différenciée de la saisie pour libérer ce flux, pour atteindre la spontanéité des œuvres de do the write thing.
Mon téléphone marche à nouveau, sans que je ne touche à rien. Je m’arrête devant un dessin de Dwight Macintosh et deux p. d’écritures stratifiées de John Ricardo Cunningham. Le sentiment de lecture est bien celui qui émane de l’exposition tout entière,
nonobstant toutes les interférences qui voudraient corrompre cette impression. Pourtant nous sommes désarmés en tant que déchiffreurs de ces cris et chuchotements dans l’inconnu. Il n’y a peut-être que des frémissements sur le papier qui percent le silence de ces artistes ? Quel est le bruit de ces langues écrites ? Celui d’une main qui respire, qui se détend ou qui s’exaspère ? Une main qui laboure (toujours Barthes) ? Des gestes qui jubilent et libèrent un corps et un esprit, ou qui mesurent le désespoir parfois ? Questions insolubles qui nourrissent la passion de l’art brut. Nous sommes témoins de messages ; l’énergie du trait, la fluctuation des rythmes, la dissémination des signes et le mystère de l’acte d’écrire agissent ensuite. Assurément, ces feuilles – nous empruntons ces mots à Henri Michaux –, permettent à leurs auteurs de « dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps : comme on se tâte le pouls. » (Passages, 1950)
préface du catalogue do the write thing ; read between the lines #2, christian berst art brut, 2018
Critique littéraire et éditeur, Eric Dussert est un spécialiste des oeuvres littéraires oubliées. Directeur de la collection « L’Alambic » où il rend visible certains des écrits réhabilités (Marc Stéphane, Régis Messac, René Dalize, Louis-Timagène Houat), il produit des essais (Une forêt cachée, ed. La Table ronde, 2013 ...) et suit l’actualité éditoriale pour la Quinzaine littéraire, le Monde diplomatique, le Matricule des Anges, ou via son blog personnel, l’Alamblog (www.alamblog.com).
« Il me semblait que ce qu’on pouvait écrire dépendait de tout, sauf de soi. » Roger Caillois
Le Verbe est à nous. C’est, au pied de la lettre, la leçon des Anciens. Satisfaits de ce que l’être humain a élaboré un système astucieux pour porter les messages, compter les biens, marquer les bêtes et inscrire pour la postérité le nom des rois, des reines et des héros, ils se sont justement réjouis, témoignant en l’occurrence d’un grand discernement : qu’elle soit gravée dans l’argile ou la cire, qu’elle soit d’encre répandue sur le papyrus, la toile, la peau ou le papier, la parole ne nous abandonne jamais, non plus que son auxiliaire la lettre. Si l’on veut bien considérer qu’écrire est le propre de l’Homme, contrairement au rire que nous partageons avec l’hyène et le chimpanzé, nous ne nous trouverons d’éventuelle concurrence que chez l’eu-
molpe et l’escargot. Ces deux-là ont eux aussi l’habitude de produire des lignes d’écriture ou des lettres isolées, celui-ci en bavant son chemin d’argent, celui-là en grignotant les feuilles de la vigne. La question du sens de leur propos, si l’on ose dire, vient d’emblée régler la rivalité qu’ils pourraient éprouver avec le genre humain, l’escargot n’ayant rien à dire, non plus que l’eumolpe ignorant toute ivresse du Verbe durant sa mandibulographie. Ecrire est bien une activité humaine exclusive. Depuis des siècles, femmes et hommes s’y adonnent avec une énergie phénoménale dont musées, bibliothèques et librairies conservent les traces, inégalement impressionnantes, parfois terriblement vaines ou simplement décevantes.
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do the write thing : read between the lines
Dans le cadre de son usage par les tenants de la gloire, du pouvoir ou de la comptabilité, l’existence graphique de la lettre s’est nimbée d’un formidable enjeu. Sa réalité visible, sa densité, sa couleur sont naturellement passées sous la responsabilité de professionnels de la lettre nommés graphistes et typographes - on se permet d’excepter pour l’instant les linguistes.
Au quotidien, l’acte manuel d’écrire, ce geste primordial pratiqué tôt en grotte et en désert avant que les scribes, autres professionnels du milieu, ne l’accaparent, est celui qui nous occupe, au moment où la civilisation pétrochimique, partant plastique, a fait d’Azertyop notre familier. Le geste de la main portant signes et messages effectué par un être à l’usage d’autres êtres est le véritable héros de cette exposition. Figurant message ou symbolisant seulement cette figuration, c’est la nuance avec laquelle ont joué les représentants de l’art brut et les esprits qui les habitent.
Triomphateur subtil, le geste d’écrire est changeant, caressant, tout à coup brutal, sec puis tout en rondeur, arrangeant ses angles, mordant la matière parfois. Il sait varier son intensité, sa souplesse, se jeter dans le martelage inopiné puis dans l’écrasement du support qu’il vient à peine de lécher. Partant, les codes permettant de reconnaître un mot qui depuis deux siècles ont été longuement analysés par tous, à commencer par les écoliers qui n’ont guère le choix, ne sont pas toujours valides. Les artistes ont remarqué qu’écrire une lettre, un mot conférait à une image un statut à part. Ils n’ont donc eu de cesse de les circonvenir, de les amadouer, de les pervertir. Bien avant les publicitaires, le clergé avait lui aussi compris la charge singulière de la lettre. Par imprégnation et avec les outils
dont ils disposent, les plus grands représentants de l’art brut se sont emparés du stylo à bille et du feutre, du crayon et du dactylogramme pour augmenter la densité de leurs mots ainsi qu’on donne à un slogan un poids de charge plus important pour qu’il estampe plus profondément l’esprit. C’est ainsi qu’un artiste comme José Manuel Egea rejoint les meilleurs designers graphiques des cent dernières années.
Si l’on se réfère à la taxinomie proposée par Michel Thévoz dans « Ecriture et folie », à propos des écrits d’Harald Stoffers, il y aurait lieu de distinguer méthodiquement les cas. On ne rangerait pas dans la même catégorie les prières du « libra-prophet » Royal Robertson, authentiques produits de son tonitruant « Roberston Sign Services », et « The Treegan », le poème de John Urho Kemp – dont « The Word » dit quelque chose d’autrement plus puissant et abouti –, tel manuscrit illustré de MacKesson ou les troublants mots d’origine spirite, que le possédé Fernand Desmoulin appose comme un sismographe sur ses missives d’outre-limbes.
Selon M. Thévoz, il y d’abord les « écrits insensés », qui sont les « fruits d’une pulsion graphique élémentaire » qu’on ne peut pas nier pour toutes les raisons qui précèdent. Pulsion de l’Homme : l’être humain aime écrire pour prendre sa place dans le monde en commettant des sons et des signes. Quant au caractère « insensé » de ses écrits, ma foi, il est notoire qu’on en vient parfois à parler autrement, à utiliser des voies parallèles, dont certaines rejoignent l’ineptitude. Comme Joyce a atteint Finnegans Wake par exemple. Cependant, nous préfèrerions nommer « métagraphie », soit « graphie des graphies », « l’écriture du néant sans alphabet connu » évoquée par M. Thévoz, pour désigner les
enchaînements de lettres aux codes ésotériques dont le sens est tout enfermé dans l’esprit de son créateur, l’artiste, qui acceptera ou non d’en partager les sucs. L’artiste ne relevant d’aucun sens obligatoire, il ne se doit à quiconque qu’à lui-même — même si un classicisme respectueux des usages nimbe le billet d’Han-Yi, même si la floraison des œuvres de Fischer et les franches couleurs d’un quotidien lumineux comme jour de fête illuminent celles de Carlo Stella. « con mi familia ».
Avec Zdeněk Košek, admettons que les mots « en liberté futuriste » ont opté pour une anarchie assumée depuis un siècle - dans les milieux artistes, car en milieu asilaire cette autonomie était depuis longtemps acquise : les lettres tracées ou cousues avaient atteint avant Pinel leur âge libre et connaissaient la folle audace d’appartenir à des alphabets sans existence. Elles n’ont du reste pas attendu Charles Nodier. Avec les spirites par exemple, ou ces artistes sans autorisation ni gloire, autonomes qui ont jeté sur le papier des lettres pour leur beauté intrinsèque et qui leur ont affecté une portée qu’elles pourraient atteindre. Et qu’elles vont atteindre, c’est la magie performative de la parole des gourous et des sorciers.
Avec leur sans-gêne coutumier, les artistes investissent naturellement les impossibles en les laissant proliférer partout où l’esprit du signe décèle une aire blanche. Monocolore et tellurique chez John Ricardo Cunningham, la lettre dessinée souffle l’évanescence souple du cheveu caressé par le vent (Saito) mais elle peut aussi bien allumer le fanal rouge d’un œil prédateur à travers la jungle d’une hargne (Baker), elle se pose sur l’aplat somptueux d’un noir maître d’une éclipse obstinée à gaufrer le papier par la récurrence de ses
traits. Le jeune Anton Hirsfeld pratique lui aussi ce palimpseste, avec plus de douceur néanmoins ; il protège sous le pastel le noms des proches qu’il y a préservé, comme on forge l’abri de ceux que l’on aime en leur cousant un gri-gri.
La lettre a aussi ses papillons. Naviguant à travers l’espace parce que la parole tend vers son but, les lettres ne craignent pas de parcourir ou même de provoquer les embrouillaminis du discours. Dan Miller semble avoir capté dans un pub l’écheveau des conversations. Ses mots sont à damner un typographe, lequel comprendra bien le goût proliférant de la lettre invasive. Comme la lentille d’eau, les caractères entrelacés de la géographe Jill Gallieni tissent un paysage et l’occupent en jetant à sa surface un chandail topographique que Joseph Lambert, ce géologue, enlumine encore de strates, réclamant notre attention sur le phénomène de sédimentation qu’il met en évidence.
Que nous disent ces « symbioses de la langue, de l’écriture et de l’image » (Maria A. Azzola) ?
L’écriture an-alphabétique dont le mystère reste entier, comme le langage zaoum de Russie (Iliazd) dont la poésie est d'une galopante beauté. Ces œuvres dressées tiennent un discours au-delà de nos compétences. Il faut admettre ici que nous mal-comprenons sans doute les cosmogonies très peuplées qui nous assaillent, offre des figures de dessins de presse, de Josef Hofer ou de Dominique Theate qui fournissent en lettres, selon des méthodes particulières, des portraits, portraits de doubles ou autoportraits… Des caractères s’échappent des cartouches de Hofer qui épellent son sobriquet puis éclatent, laissant les caractères trouver leurs places autour du miroir. Des êtres communiquent par le truchement de leur langue
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[...]
Le geste de la main portant signes et messages effectué par un être à l’usage d’autres êtres est le véritable héros de cette exposition.
adamique, de leur sabir personnel, et dans l’espace d’une utopie parfois aussi chaotique que celle de Patricia Salen, ce sont l’énergie, l’urgence, l’excitation, l’hystérie qui incarnent les stridulations d’un désir fou. Comme il en est de rages, certains artistes ont des désirs pointilleux, des accès de méticulosité. Ils sont les greffiers d’un réel au grain ultra-fin caché à nos yeux. Leurs micrographies tendent à la cryptographie – cette science terrible des alchimistes et des guerriers qui expose le paradoxe linguistique d’individus inquiets tout à la fois d’être compris et de ne pas tout comprendre... Comme les adorateurs de la langue – qui l’épinglent élytre par élytre -, les artistes ont parfois des intuitions d’encyclopédistes. En reprenant la formule forgée par Etiemble dans son cours intitulé Question de poétique comparée (1959-1960), leur « babélien généralisé » s’impose. Tous les graphes alphabétiques, musicaux, symboliques, rituels traduisent le jaillissement du monde dans sa variété qui peut être angoissante. On devine une source émotionnelle primale que l’on ne peut dévier ni refuser. Il est clair que le « déficit sémantique » décelé par Michel Thévoz compte peu dès lors qu’il faut décrire tout, par le menu, exactement. Sans palinodie le geste graphique prime, flottant flux de signes formant paroles peut-être, continuum figé, dès lors supportable et rayonnant. Comme serait une partition musicale à déchiffrer pour saisir toutes les beautés. Cet entrain encyclopédique de Serge Delaunay, d’Oscar Morales ou d’Ozaki Shogo, leur art d’ingénieurs utopistes, qui évoque à s’y méprendre l’encyclopédisme vibrant du Turc Yüksel Arslan, se décline parfois. Il est si riche. Jean Perdrizet, le représentant abouti, pour ne pas dire suprême, d’un certain Génie Civil brille
assurément à ce mécano coloré où le monde exulte comme si chaque jour un printemps le nimbait. Quel ardeur au crayon ! Certains se spécialisent et ne retiennent que le plus frappant. Melvin Way s’arrête aux composés chimiques, Talpazan aux soucoupes volantes. Leur soin pédagogique les pousse à se faire les reporters précis des phénomènes qu’ils observent, ces explorateurs de leur propre environnement. C’est que, comme chez John Devlin préposé aux cadastres imaginaires (avec figures présentes), « Este mundo « nuestro » que se nos va… » (Hilda Dupont Theurel).
Ce souci de transmettre, on le trouve nettement chez les « affichistes » que sont, Giovanni Bosco, Carlo Zinelli, Josef Hofer, Milton Schwartz. Tous maîtrisent parfaitement les codes de l’agit-prop, la scansion des formes essentielles, les couleurs radicales. Certains poussent même la musicalité des formes jusqu’à se glisser dans un psychédélisme enveloppant (Mehrdad Rashidi). Il est frappant par ailleurs que les mots retirés de Pascal Tassini et la puissante façon d’August Walla sont de véritables odes à l’imprimerie, cette déesse qui protège la lettre et ceux qui s’en servent.
Plus qu’en bien des livres, l’art de la lettre est honoré par Dan Miller et Walla qui ont choisi la dactylographie, ou par Anibal Brizuela qui a choisi, lui, d’interpréter manuellement celle-ci dans un jeu-retour, ou par Émile Josome Hodinos dont la république de fantaisie propose ses actes et documents officiels avec toute la majesté requise. Kunizo Matsumoto a posé, lui, ses mots comme des insectes délicats sur une feuille d’agenda frappésc de stupeur. Stoffers pose ses lignes de mots au feutre, contrecollés, comme des unités de cavale-
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rie légère à emporter, déplacer, moduler toujours dans la mobile expression des vocables. On rejoint la perspective des « topographes » qui se voient adjoindre avec Hararld Stoffers les plans de la cité, ou une « song line » évolutive comme celles que chantent les aborigènes décrits par Bruce Chatwin. Comme le mystère des chants-boussole, il reste une question sans réponse : l’écriture rationnelle trouve-t-elle sa place dans l’art brut ? A-t-elle encore un sens du reste… Interrogée depuis notre entrée en postmodernité, la rationalité du discours connaissait déjà au XVIe siècle les inepties d’un Bernard de Bluet d’Arbères, fou littéraire notoire installé déjà dans les environs de Saint-Germain-des-Près et du Pont-Neuf. Analphabète, usant d’un secrétaire, il manifestait déjà par ses « pronostications » insolentes et sans fondement le fait que l’acte d’écrire n’implique aucune cohérence globale du message qui pourrait tout autant être de « points, de lignes horizontales, verticales, obliques, en zig-zag, curvilignes, ondulées et entrecroisées » (M. A. Azzola). De même que les graphomanes sont jugés négativement par la communauté lectrice, l’écriture semble parfois portée par sa seule fonction, non par la nature de ce qu’elle énonce avec sa propre spécificité. Un dérangement des lignes étant nécessaire pour construire un style, une forme qui seraient littéraires ou savants, il apparaît qu’à maintes reprises des phrases miment le discours et s’en contentent. Dès lors les mots qui s’arrangent formellement pour faire « publicité », « roman », « essai », « discours » »
rejoignent la langue vaine de ces « éléments de discours » qui sont langue de bois creux. Les œuvres rassemblées montrent comment on distinguera l’atone et l’amorphe des énergiques « lignes de foudre » (Florent Chopin). Ici lettres, mots, phrases ou graphes colportés par l’obsession d’artistes dévoués à leurs messages. Tout l’art brut est traversé par cette grapholalie. Du facteur Cheval ornant son château d’adages et de prises à témoin, ou des signes cabalistiques émaillant le texte de telles cartes postales cryptées. Do the Write Thing en est l’exubérante expression. Les exégètes de Victor Hugo avaient été contraints d’évoquer sa « verbolalie » (Gustave Rudler) et ses écritures spirites. Ces énigmes des limbes glaciaux rappellent eux-mêmes les textes tracés par les « pieux marmotteurs » copieurs de bibles avant l’invention de la mise en page. Ivan Illitch a évoqué dans Du lisible au visible (1991) ce que l’organisation d’un texte optiquement organisé avait permis de dresser peu à peu des penseurs logiques. Cédant à la grapholalie, les artistes apportent cependant leur propre organisation graphique du discours, on l’a vu avec les « affichistes ». Preuve s’il en fallait que l’organisation comme la répétition sont de leur point de vue une nécessité au moment d’être compris dans leur message essentiel. Rompant le temps de leur geste répété, avec une fulgurance et une intensité parfois névrotique, ils enregistrent les encéphalogrammes du verbe. Voilà finalement ce qui habite l’acte d’écrire, et pour tout le monde : de l’intensité et
du délire. La formulation rejoint l’amphigouri, le discours direct combine le slogan et la glossolalie, le concert nous joue tout à la fois son imbrication d’idiomes, l’irruption de phonèmes, le glissement des concepts, la permutation des périodes, la jonglerie des moments. Babel est ressuscitée sans cesse, et du haut de sa ziggurat de briques graphiques et sonores diffuse le souffle long de l’Humanité. On y entend la perplexité des hommes et leur agacement, leur vie percluse de douleurs et colorée de joies. Entre deux refrains, on entend claironner que le réflexe d’écrire est garantie d’humanité. Une symphonie de lettre et de signes portant mots et maux dont Michel Nedjar a reconnu un cycle essentiel. Le charme du verbe est pour lui si puissant qu’il a recueilli en digne médium les mots essentiels de notre peuple parleur sur un carbone premier : « existence », « sommeil », « mort ». Les lettres nomment là leurs Parques. Le magicien Pepe Gaitan les connaît sans doute lui aussi. En observant les lézardes blanches qui traversent comme rigoles les p. de texte, il est parvenu à rejoindre l’envers des textes, là où se trouve, peut-être, le miroir des âmes.
À moins que ne s’y terre l’ange qui annonça à Zebedee Armstrong la date d’Armageddon, provoquant chez lui la construction de cinq cents boîtes destinées à déterminer le calendrier vrai d’Apocalypse. Lettres et chiffres cachent des chausse-trapes, que les manipulateurs de foules conçoivent sans fin et toujours de la même manière, nous prévient Orwell dans 1984, comme si l’humanité ne percevait jamais les intentions des dieux, non plus que les avertissements des devins, des inspirés et des artistes. Lorsque le Japonais Yukio Miyashita, grand artiste indubitablement, compose des unes de journaux ins-
pirées de la presse étrangère qu’il interprète, de quelles prémonitions à rebours se fait-il le passeur ? Qu’entrevoit-il que nous aurions dû voir ?
À bien entendre les lettres, les mots et les phrases qui bruissent ou hurlent au cœur de cette assemblée vibrante d’aèdes aux langues inconnues ou trop éthérées pour nos sens, on se laisse aborder par le commentaire d’ibn Ezra sur la babélique époque d’après la Genèse : « À cette époque, disait le sage, les paroles d’un savant et celles d’un sot étaient semblables. Tous usaient des mêmes mots mais nul n’en connaissait la signification. » L’aréopage des artistes réunis pour célébrer l’écriture y parvient si merveilleusement qu’il serait bien maladroit de notre part de ne pas profiter de l’occasion pour tenter de nous comprendre. Mais rien ne presse, nous avons tout le temps. Babel ne s’est pas démolie en un jour.
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george widener sans titre untitled, 2025 encre et gouache sur papier ink and gouache on paper, 33.5 x 73.5 cm
george widener sans titre untitled, 2025 encre et gouache sur papier ink and gouache on paper, 33.5 x 73.5 cm
ken grimes sans titre untitled, 2007
acrylique sur panneau de bois acrylic on Masonite, 121 x 182 cm
sans titre untitled, 2008
marqueur sur papier marker on paper, 50.6 x 76 cm
technique mixte sur papier mixed media on paper, 22 x 28 cm
way sans titre untitled, c. 2005
à bille sur papier ballpoint on paper, 7.5 x 11.5 cm
jean perdrizet
sans titre untitled, 1975
encre et crayon de couleur sur papier ink and coloured pencil on paper, 36.5 x 76 cm
óscar morales
sans titre untitled, circa 2012
marqueur sur papier felt tip on paper, 53 x 37 cm
Once we have learned to recognize and read words, something is lost. It is no longer possible to return to the previous state. [...]
henri guette
[...]
Une fois que l’on a appris à reconnaître les mots, à les lire, quelque chose se perd. Il n’est plus possible de revenir à l’état antérieur.
josvedy jove junco sans titre untitled, c. 2015
stylo à bille, encre et crayon de couleur sur papier ballpoint, ink and coloured pencil on paper, 100 x 70 cm
michał walczyk sans titre untitled, c. 2024
crayon de couleur, graphite et stylo à bille sur papier coloured pencil, graphite and ballpoint on paper, 29.7 x 21 cm
misleidys castillo pedroso sans titre untitled, c. 2018
gouache sur papier gouache on paper, 19 x 24 cm
guillermo rigoberto casola marcos sans titre untitled, c. 2012 gouache sur papier gouache on paper, 28 x 43 cm 20 x 58 cm
mary t. smith sans titre untitled, 1980
peinture acrylique sur panneau de bois acrylic paint on wood panel, 60 x 122 cm
zebedee armstrong sans titre untitled, 1980
marqueur sur structure en bois marker on wooden structure, 32 x 23 x 12 cm.
graphite, feutre et collage sur papier graphite, felt tip and collage on paper, 21 x 45 cm.
prophet royal robertson
sans titre untitled, c. 1990
marqueur et stylo à bille sur papier cartonné marker and ballpoint on cardboard paper, 71 x 56 cm
do the write thing : read
janko domsic sans titre untitled, c. 1975 stylo à bille sur papier cartonbné ballpoint on cardboard, 45 x 34 cm
harald stoffers
sans titre untitled, 2015
feutre acrylique sur papier waterproofed feltpen on paper, 70 x 50 cm
harald stoffers
sans titre untitled, 2011
feutre acrylique sur papier waterproofed feltpen on paper, 70 x 50 cm
écriture et folie : correspondance
préface du catalogue harald stoffers : liebe mutti, christian berst art brut, 2009
Allons-nous devoir lire, c’est-à-dire déchiffrer les écrits de Harald Stoffers, nous fixer sur leur signification ? Le fait est qu’ils se réfèrent explicitement au code alphabétique, et qu’ils ressortissent par conséquent au domaine verbal. Si l’on adopte le critère du sens, on pourra ranger les écrits issus de la folie selon une hiérarchie relativement simple. Dans la catégorie « inférieure », on rangera les écrits in-sensés, précisément, procédant d’une pulsion graphique élémentaire, imputables à ceux qui n’ont jamais pu accéder à la maîtrise de l’alphabet et qui ne font qu’en imiter les apparences — l’écriture du néant, pour ainsi dire. Puis les messages plus ou moins orthographiés, mais qui ne traduisent qu’une pensée sommaire, confuse, ou hermétique. Enfin, les cas plus rares de verrouillage visant à éconduire les lecteurs potentiels, au point même de s’épuiser dans une cryptographie proliférante sans résidu sémantique, à l’instar d’une « forteresse vide ».
Au fait, pourquoi devrions-nous savoir si celui qui transgresse la norme d’expression a les moyens intellectuels de la respecter ? Il fut un temps où l’on devait rassurer ceux que la peinture de Picasso déconcertait en
leur montrant que, par ailleurs, ce peintre était capable de représenter un visage ou une anatomie dans la plus pure tradition académique. De la même manière, dans les écrits irréguliers en général, et dans ceux de Harald Stoffers tout particulièrement, devrions-nous déterminer la part de l’incapacité et celle de l’hermétisme délibéré ?
Décider entre l’idiotie et l’idiotisme alphabétique ? Les fauteurs de telles singularités d’expression en sont-ils les instigateurs ou les prisonniers ? Mais ne sommes-nous pas nous-mêmes prisonniers d’une grille départit pas originairement entre l’écriture proprement dite et la figure mimétique.
Dans la culture occidentale, quand l’enfant commence à percevoir la distinction des registres sans encore la maîtriser, il simule des scriptions qui restent enchevêtrées aux motifs figuratifs. Récursivement, dans les premiers temps de la scolarisation, l’enfant prend un malin plaisir à jouer avec la configuration graphique ou phonique des mots et à détourner ceux-ci de leur usage sémantique. Cet esprit d’impertinence peut persister à l’adolescence et à l’âge adulte par exemple avec les alphabets fous, les gribouillages au téléphone, les vermicelles en formes de lettres, les mots croisés, les
tatouages, les tags, la bande dessinée, etc. Et, dans certains cas de rupture de ban social, le refoulé culturel peut faire retour sous une forme particulièrement insolite et particulièrement inventive – c’est bien le cas des rares écrits qui méritent vraiment le qualificatif de manuscrits, tels ceux de Harald Stoffers.
« Ecrire et dessiner sont identiques dans leur fond », rappelait Paul Klee, tellement épris des origines, et avec l’accent de la nostalgie, précisément. Le fait est que les lettres et les figures procèdent d’une même pulsion, qu’elles empruntent le même instrument, et qu’elles restent indissociées dans les cultures dites primitives. On ne s’étonnera donc pas que les individus réfractaires aux conditionnements éducatifs, perturbés par des conflits psychiques, désocialisés par l’internement, éconduits de toute relation et de toute responsabilité communicative, réintègrent (s’ils l’avaient jamais quitté) cette sorte d’« espace transitionnel » de la signification où il leur est loisible de jouer avec les signes comme avec des choses. L’enfance, cette sauvagerie toujours recommencée, que nous colonisons très vite, trop vite, et même brutalement, par la scolarisation et le conditionnement éducatif, ils s’y attardent, c’est vrai, ils refusent même d’en sortir, mais ils la cultivent, ils en exploitent des ressources insoupçonnées, que notre culture systématiquement dévalorise. S’il existe encore un ailleurs réellement exotique sur une pla-
nète complètement occidentalisée, il ne faut plus le chercher dans l’espace mais dans le temps, dans cet archaïsme psychique dont nous commençons seulement à apprécier les potentialités.
Ainsi s’explique à notre sens la fascination que peuvent exercer les écrits de Harald Stoffers – abstraction faite des difficultés de lecture d’une langue étrangère et des tournures idiolectales. Peut-être ces messages restreignent-il leur adresse à la Mère, celle qui monopolise encore l’univers. épistémologique qui oppose notamment la pathologie à l’esthétique ou à la poétique, et qui nous enjoint de distinguer ce qui procéderait d’une déficience intellectuelle rédhibitoire et ce qui relèverait d’une simulation délibérée ? Ne devrait-on pas commencer par nous demander si ce critère de maîtrise du système d’expression est bien pertinent ?
Le cas de Harald Stoffers vient encore compliquer le problème. Le message se réduit à des propos puérils, si ce n’est inintelligibles, et strictement privés, ad matrem pour ainsi dire, et ressortissant grosso modo à notre deuxième catégorie pathologique. Cependant, le déficit sémantique a pour contrepartie un retour en force de l’énergie graphique, une opacification de l’expression, une activation de la substance des signes, une distorsion de la configuration manuscrite. Allons-nous alors considérer et plus précisément disqualifier
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ces graphismes en situation irrégulière comme les ruines d’un langage déserté par le sens ? Ou leur reconnaître une qualité d’invention scripturaire qui nous obligerait à reconsidérer nos critères ?
L’idéologie de la représentation, dont nous ne finissons pas de nous dégager, se fonde sur une stricte dichotomie entre l’image analogique et l’écriture alphabétique, respectivement visible et lisible, c’est-à-dire transparentes au sens, chacune selon leur code. Pour ce qui concerne l’écriture manuscrite notamment, qui pourrait détourner l’attention visuelle, elle s’est vue depuis longtemps condamnée au purgatoire par la typographie; a fortiori, elle n’est pas prise en compte artistiquement, sinon dans le genre marginal et un peu compassé de la calligraphie. Tout au plus certains peintres comme Klee, Michaux ou Alechinsky y ont-ils incidemment recouru, mais pour la détourner et finalement l’enrôler dans une voie beaucoup plus picturale que proprement graphique. Il s’agit de leur part d’un acte de contrebande qui fait bien ressortir la frontière que notre culture a tracée entre ces deux langages originellement confondus: celui des figures, et celui des mots.
Les psychiatres qui, les premiers, se sont intéressés aux productions dites psychotiques, ont été enclins à mettre ce genre d’indécision entre l’écriture et la figuration au compte des caractères régressifs, c’est-à-dire infantiles — ce qui, il y a plus d’un siècle, ne saurait surprendre. D’autant que, en symétrie inverse, une esthétique fondée sur le « vouloir-dire », la maîtrise du sens et la norme formelle venait confirmer
ce diagnostic de régression psychique. L’analogie de telles productions avec l’expression enfantine est indéniable, certes, mais, aujourd’hui, on ne saurait interpréter cette résurgence spécifique en termes de déficit. Paraphrasant Freud, les socio psychanalystes parlent des « dispositions anthropologiques polymorphes » de l’enfant, c’est-à-dire de la gamme des potentialités dont joue chaque culture en sélectionnant ce qui doit être valorisé et en refoulant ou en médicalisant le reste. Parmi ces dispositions en instance, condamnées à rester en friches, pour ainsi dire, il y a une pulsion scripturaire très générale, qui ne se départit pas originairement entre l’écriture proprement dite et la figure mimétique. Dans la culture occidentale, quand l’enfant commence à percevoir la distinction des registres sans encore la maîtriser, il simule des scriptions qui restent enchevêtrées aux motifs figuratifs. Récursivement, dans les premiers temps de la scolarisation, l’enfant prend un malin plaisir à jouer avec la configuration graphique ou phonique des mots et à détourner ceux-ci de leur usage sémantique. Cet esprit d’impertinence peut persister à l’adolescence et à l’âge adulte par exemple avec les alphabets fous, les gribouillages au téléphone, les vermicelles en formes de lettres, les mots croisés, les tatouages, les tags, la bande dessinée, etc. Et, dans certains cas de rupture de ban social, le refoulé culturel peut faire retour sous une forme particulièrement insolite et particulièrement inventive – c’est bien le cas des rares écrits qui méritent vraiment le qualificatif de manuscrits, tels ceux de Harald Stoffers.
« Ecrire et dessiner sont identiques dans leur fond », rappelait Paul Klee, tellement épris des origines, et avec l’accent de la nostalgie, précisément. Le fait est que les lettres et les figures procèdent d’une même pulsion, qu’elles empruntent le même instrument, et qu’elles restent indissociées dans les cultures dites primitives. On ne s’étonnera donc pas que les individus réfractaires aux conditionnements éducatifs, perturbés par des conflits psychiques, désocialisés par l’internement, éconduits de toute relation et de toute responsabilité communicative, réintègrent (s’ils l’avaient jamais quitté) cette sorte d’« espace transitionnel » de la signification où il leur est loisible de jouer avec les signes comme avec des choses. L’enfance, cette sauvagerie toujours recommencée, que nous colonisons très vite, trop vite, et même brutalement, par la scolarisation et le conditionnement éducatif, ils s’y attardent, c’est vrai, ils refusent même d’en sortir, mais ils la cultivent, ils en exploitent des ressources insoupçonnées, que notre culture systématiquement dévalorise. S’il existe encore un ailleurs réellement exotique sur une planète complètement occidentalisée, il ne faut plus le chercher dans l’espace mais dans le temps, dans cet archaïsme psychique dont nous commençons seulement à apprécier les potentialités.
Ainsi s’explique à notre sens la fascination que peuvent exercer les écrits de Harald Stoffers – abstraction faite des difficultés de lecture d’une langue étrangère et des tournures idiolectales. Peut-être ces messages restreignent-il leur adresse à la Mère, celle qui monopolise encore l’univers.
Michel Thévoz est licencié en lettres et diplômé de l'École du Louvre à Paris. Historien de l'art, il est conservateur au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne de 1955 à 1975. En 1976, Jean Dubuffet lui confie sa collection et Michel Thévoz crée la Collection de l'Art Brut à Lausanne, qu'il dirige jusqu'à sa retraite en 2001. Il dirige les Fascicules de la Collection de l'art brut du nº 10 à 22, et est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Les écrits bruts. Le langage de la rupture préface de Jean Dubuffet, Paris, Éditions du Canoë, 2021 ou La photo brute, Strasbourg, Éditions L'Atelier contemporain, 2023.
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préface of the catalog harald stoffers : liebe mutti, christian berst art brut, 2009
Should we attempt to read – in other words, decipher – Harald Stoffers’ writings and stabilise their meaning? They explicitly refer to the alphabetic system and consequently belong to the verbal domain. Applying the criterion of meaning enables us to categorise writings by the insane according to a relatively simple hierarchy. The “lowest” category contains nonsensical writings that result from an elementary scribal urge, produced by individuals who have never mastered the alphabet and who simply imitate its appearance – who write nothingness, one might say. The second category includes messages that more or less attempt to engage with the rules of writing, but which reflect a limited, confused, or hermetic range of thought. Then there are rare cases of deliberately inaccessible texts which aim to discourage potential readers, to the point of pouring all their textual energy into a cryptography which proliferates but leaves no semantic residue, like an empty fortress.
But why should we be able to tell if the person transgressing the norms of expression has the intellectual ability to follow them if he so chooses ? At one time, people were disconcerted by Picasso’s paintings and had to be reassured by demonstrations that he was perfectly capable of representing a face or the human anatomy in the purest academic tradition. In the same
vein, should we attempt to establish the respective roles of inability and voluntary hermeticism in transgressive writing in general, and that of Harald Stoffers in particular ? Should we decide between idiocy and alphabetic idiotism ? Do those who produce such singular forms of expression instigate them, or are they imprisoned by them ? Or are we not ourselves prisoners of an epistemological model that pits pathology against aesthetics and poetics, and which enjoins us to distinguish between the fruits of unacceptable intellectual deficiency and the deliberate simulation thereof ? Should we not begin by asking ourselves whether this criterion of mastery of the system of expression is indeed relevant ?
The case of Harald Stoffers adds a further complication to the problem. The message consists of nothing more than puerile, even unintelligible, ramblings, that are strictly private in nature, ad matrem, as it were, and more or less typical of the second category of athology outlined above. However, the deficit of semantic meaning is counterbalanced by a powerful surge of scribal energy, opacifying the form of expression, re-activating the substance of the signs, and distorting the configuration of the script. Should we then think of, and in fact disqualify, these transgressive scribal signs as the ruins of language,
deserted by meaning ? Or should we acknowledge their scribal inventiveness, thereby conceding the need to reconsider our own criteria ?
The ideology of representation, from which we are taking forever to extricate ourselves, is founded on a strict dichotomy between the analogical image and alphabetical writing – the visible and the lisible, transparent in meaning, each according to their own code. Hand-written script in particular, which risks diverting our visual attention, has long been condemned to purgatory by typography; nor, a fortiori, is it taken into account in art, except in the marginal and somewhat prim genre of calligraphy. At best, artists such as Klee, Michaux, and Alechinsky have made it a marginal element in their works, but with the aim of turning it to their own ends and enlisting it in a manner that is much more pictorial than purely scribal. They use it as a form of contraband, in a manner that highlights the frontier our culture has drawn between these two forms of language that were initially one –the language of images and the language of words.
Psychiatrists, who were the first to take an interest in so-called “psychotic” art, tended to see this kind of wavering between writing and drawing as characteristic of regressive, infantile personalities – hardly surprising for the time, over a century ago. This tendency was reinforced by the inverse symmetry of an aesthetics based on “what the artist is trying to say”, the mastery of meaning, and a normalisation of form, which all confirmed the diagnosis of psychic re-
gression. There is indeed an undeniable analogy between such works and the forms of expression used by children, but this specific resurgence cannot today be analysed in terms of a deficit. To paraphrase Freud, socio-psychoanalysts discuss children’s “polymorphous anthropological dispositions” – in other words, the range of potentialities that every culture plays on by selecting what is to be valued and repressing or pathologising the rest. Among the dispositions doomed to remain uncultivated, as it were, is a very general scribal urge that originally makes no distinction between writing as such and mimetic figures. When children in Western cultures begin to be aware of the distinction between these registers, without yet mastering it, they simulate forms of scription that remain entangled with figurative motifs. Recursively, when children first attend school, they take great delight in playing with the scribal or phonic configuration of words and diverting them from their semantic usage.
This irreverent approach can continue into adolescence and even adulthood, for example in crazy alphabets, doodling while on the telephone, alphabetti spaghetti, crosswords, tattoos, graffiti, comic strips, and so on. In some cases where social boundaries are transgressed, forms of cultural repression can rebound in particularly unusual and inventive ways. This is true of those rare writings that truly deserve to be called manuscripts, like those of Harald Stoffers.
Paul Klee, who was so fascinated by the question of origins, reminded us nostalgically that writing and drawing are iden-
tical at heart. The fact is that letters and images both result from the same urge, use the same instrument, and remain bound up together in so-called “primitive” cultures. Thus it is hardly surprising that those individuals who are resistant to educational conditioning, disturbed by psychic conflict, de-socialised by psychiatric internment, and deprived of all responsibility and opportunity for communication, return to this sort of “transitional space” of meaning (if they ever left it), where they are free to play with signs as if they were objects. They dawdle in and refuse to move on from childhood, a constantly renewed state of savagery that is colonised (too) soon, even brutally, by schooling and educational conditioning. They cultivate it, exploiting unsuspected resources that are systematically held to be without value in our society. If there is indeed still a truly exotic Other in a world that is now thoroughly Westernised, it is not in space that we will find it, but in time, in the psychic archaism whose potential we are only just now beginning to gauge.
I believe this explains the fascinating power of Harald Stoffers’ writings, despite the difficulty of reading in a foreign language filled with idiolectal turns of phrase. These messages may be addressed solely to the Mother, the figure who monopolises the child’s world; they may remain limited by the elementary questions or list of words mastered by an individual learning about the world. Yet this low level of semantic achievement, however involuntary or pathological, still reveals the rich savagery of our anthropological beginnings – the exuberance of
uncultivated expanses of culture, where images, words, and even music and dance are still entangled.
In “Madness, the absence of an oeuvre”, the afterword to Michel Foucault’s History of Madness, he outlines the hypothesis that the truth of a society, especially ours, is to be found not in the principles it claims to espouse, but in the way it relates to that which it proscribes. The language of the excluded, whether verbal or figurative, and in this instance the wavering, amphibious writing of those we label mentally ill, may well come to characterise us one day, and be seen as our most significant form of expression. As Baudelaire wrote, “Genius is childhood recaptured at will”. Yet what Harald Stoffers’ missives draw in the gap between the lisible and the visible is the object of our twenty-first century – a lost object. Or at least, should we lose hope of recapturing it “at will” ?
do the write thing : read between the lines #3
Michel Thévoz holds a degree in literature and is a graduate of the École du Louvre in Paris.
In 1976, Jean Dubuffet entrusted him with his collection, leading Thévoz to establish the Collection de l'Art Brut in Lausanne, which he directed until his retirement in 2001.
He oversaw the Fascicules de la Collection de l'Art Brut from issues 10 to 22 and is the author of numerous works, including Les écrits bruts. Le langage de la rupture, with a preface by Jean Dubuffet (Paris, Éditions du Canoë, 2021), and La photo brute (Strasbourg, Éditions L'Atelier contemporain, 2023).
do the write thing : read
ramón losa
sans titre, recto verso untitled, both sides, c. 2015 encre sur papier ink on paper, 31 x 21 cm verso
the write thing : read
the write thing : read
jean-daniel allanche
sans titre untitled, 1989-1995
stylo à bille et correcteur blanc sur papier ballpoint and correction pen on paper, 14.7 x 20.7 cm
michel nedjar
sans titre untitled, 2003
craie et brou de noix sur papier chalk and walnut stain on paper, 17 x 21 cm.
susan te kahurangi king
sans titre untitled, c. 2020
graphite sur papier graphite on paper, 12.5 x 16.5 cm
graphite, stylo et collage sur papier graphite, pencil and collage on paper, 27 x 21 cm
do the write thing : read
[...] Subtle and triumphant victor, the act of writing is variable, caressing, suddenly brutal, abrupt and then curvy, arranging its angles, sometimes biting the material.
éric dussert
[...] Triomphateur subtil, le geste d’écrire est changeant, caressant, tout à coup brutal, sec puis tout en rondeur, arrangeant ses angles, mordant la matière parfois.
éric dussert
sans titre untitled, c. 2015
marqueur sur papier marker on paper, 39 x 54.5 cm
beverly baker sans titre untitled, 2014
à bille sur papier ballpoint on paper, 30.5 x 46 cm
sans titre untitled, c. 2010
marqueur sur papier marker on paper, 56 x 76 cm
joseph lambert
sans titre untitled, 2006
technique mixte sur papier mixed technique on paper, 50 x 65 cm
the write thing : read between
sorrowful mysteries of the Rosary, 2013
encre et couture sur cahier d'écolier, 96 p. ink and stitching on school notebook, 96 p., 32 x 24 cm
anton
sans titre untitled, 2015 graphite sur papier graphite on paper, 65 x 50 cm
jesuys crystiano sans titre untitled, 2014
graphite, crayon de couleur et collage sur papier graphite, coloured pencil and collage on paper, 24 x 32 cm
sans titre untitled, c. 2012
encre et collage sur papier ink and collage on paper, 36 x 18 cm
masatoshi kiyohara
sans titre untitled, c. 2018
marqueur sur papier marker on paper, 38 x 54 cm
sans titre untitled, c. 2018
graphite et crayon de couleur sur papier graphite and coloured pencil on paper, 19 x 27 cm
dwight mackintosh
sans titre untitled, c. 1980
encre et marqueur sur papier ink and marker on paper, cm
sans titre untitled, c. 1950
encre sur papier ink on paper, 27.5 x 20.5 cm
fernand desmoulin
sans titre untitled, c. 1900
crayon de couleur sur papier coloured pencil on paper, 26.5 x 20.5 cm
[...] The feeling of reading is indeed that which emanates from the whole exhibition, notwithstanding the interferen- ces aimed at corrupting this impression. Yet we are disarmed as decipherers of these cries and whispers in the unknown.
[...]
Le sentiment de lecture est bien celui qui émane de l’exposition tout entière, nonobstant toutes les interférences qui voudraient corrompre cette impression.
Pourtant nous sommes désarmés en tant que déchiffreurs de ces cris et chuchotements dans l’inconnu.
dan miller sans titre untitled, 2009 marqueur et acrylique sur papier marker and acrylic on paper, 56.5 x 76 cm
giovanni bosco sans titre untitled, c. 2008
marqueur sur papier marker on paper, 33 x 24 cm
josé manuel egea
sans titre untitled, 2023
marqueur sur impression photographique marker on photographic printing, 27.5 x 19.3 cm
pepe gaitán
sans titre untitled, c. 2020
stylo à bille, collage, photocopie sur papier ballpoint pen, collage, photocopy on paper, 28 x 21 cm
the write thing : read
sans titre untitled, 2013 2014
crayons de couleur et graphite sur papier coloured pencil and graphite on paper, 42 x 29 cm
johann fischer sans titre untitled, c. 1980
gouache et marqueur sur papier gouache and marker on paper, 14 x 10 cm
zdenek košek sans titre untitled, c. 1990 encre et marqueur sur papier ink and marker on paper, 14 x 19 cm
pascal tassini
sans titre, untitled, c. 2014
marqueur et stylo à bille sur papier marker and ballpoint on paper, 24 x 22 cm
What is striking in these palimpsests, these magical ciphers, these sedimented words, these hypnotic iterations, these secret terms, these asemic writings, is the formidable plasticity of a primordial language that would contain all the others.
[...] Ce qui frappe alors dans ces palimpsestes, ces chiffrements magiques, ces mots sédimentés, ces itérations hypnotiques, ces vocables secrets, ces écritures asémiques, c'est la formidable plasticité d'une langue primordiale qui contiendrait toutes les autres.
christian berst
sans titre, recto verso untitled, both sides, 1967 gouache et graphite sur papier gouache and graphite on paper, 70 x 49.5 cm
sans titre, recto verso untitled, both sides, 1967 gouache et graphite sur papier gouache and graphite on paper, 70 x 49.5 cm
the write thing : read
august walla sans titre untitled, c. 1970 encre de machine à écrire sur papier typed ink on paper, 30 x 21 cm
sans titre untitled, c. 1970
photographie (tirage original) 1/3 photograph (original print) 1/3, 30 x 40 cm
do the write thing : read between the lines #3
Jean-Daniel Allanche
Tunisie-France 1940-2015
Cherchant à montrer un "ordre" là où l'on pense qu'il n'y a que du hasard, ce Maître de conférences en physique nucléaire aura fréquenté assidûment les casinos, remplissant carnets et feuilles par centaines, en quête d’une martingale. La combinatoire est convoquée, mais aussi l’observation attentive de l’attitude des croupiers qui, pensait-il, pouvait influer le « hasard ». Des calculs nouveaux viennent s’imprimer sur des calculs anciens après l’intervention du correcteur. Ces manuscrits chiffrés, avec leurs tracés en couleurs, leurs biffures, la variété des signes utilisés sont empreints de la fièvre des chercheurs d’or.
Son œuvre fait partie de collections telles que celles du Musée national d'Art moderne, de l’American Folk Art Museum, Antoine de Galbert…
This professor of physical sciences, who was passionated about casino games, filled in hundreds of notebooks and sheets in search of a martingale. Combinatorics was called upon, but also the careful observation of the attitude of the players and croupiers which, he thought, could influence "chance". New calculations are printed on old calculations after the intervention of the corrector. These cipher manuscripts, with their coloured tracings, strikethroughs, and the variety of signs used, are imbued with the fever of the gold diggers.
His work can be found in collections such as those of the Musée national d'Art moderne, the American Folk Art Museum, Antoine de Galbert...
Armstrong est né à Thomson, dans l’état de Georgie. Il quitta l’école à l’âge de 14 ans, se maria en 1929 et fut père de deux filles. Il passa le plus clair de sa vie à cueillir le coton de la ferme locale. Après la mort de sa femme en 1969, il travailla comme ouvrier pour la Thomson Box Factory, jusqu’en 1982.
En 1972, Armstrong déclara avoir reçu la visite d’un ange qui lui annonça que la fin du monde était pour bientôt. Armstrong entama alors la construction de près de 1 500 boîtes calendriers dans le but de déterminer la date prochaine du Jugement Dernier. Beaucoup de ses calendriers sont réalisés sur des morceaux de bois sur lesquels il peint des horloges et des cadrans recouverts de quadrillages ou de textes précisant la raison d’être de la boîte.
Armstrong was born in Thomson, Georgia. He went to school until eighth grade. He married in 1929 and had two daughters. For much of his life, he worked picking cotton on the local Mack McCormick farm. After his wife died in 1969, he began to work at the Thomson Box Factory, staying there until 1982.
In 1972, he claimed to be visited by an angel who warned him that the end of world was coming soon. Armstrong went on to construct almost 1,500 box calendars with the aim of trying to determine the exact date of the approaching doomsday. Many of the calendars are made of wood with clocks and dials, painted white and over-layered with grids or with text denoting the box’s purpose.
Beverly Baker
Êtats-Unis 1961
Beverly Baker, atteinte du syndrome de Down, crée ses dessins en superposant de manière obsessionnelle des textes trouvés dans une petite sélection de livres et de magazines qu’elle utilise comme matériel de référence.
Il est difficile de retrouver trace du langage à la genèse de ses compositions, au final abstraites, car Beverly Baker dessine continuellement sur la même feuille. Elle efface ainsi les mots ou les lettres avec des mots supplémentaires, des lignes et des couleurs. La plupart de ses dessins sont créés au stylo à bille, au crayon de couleur et au marqueur indélébile.
Beverly Baker a été présentée à deux reprises à la Maison rouge (Paris) dans les expositions : Le Mur, oeuvres de la collection Antoine de Galbert et art brut, collection abcd/Bruno Decharme et a remporté en 2017 le Wynn Newhouse Award.
Beverly Baker, who has Down Syndrome, creates drawings through the obsessive layering of text found in a small selection of books and magazines that she uses as reference material.
The final abstract compositions generally contain only trace hints (indices indications) of their genesis in language as Baker draws continuously on the same sheet, obliterating her original words or letters with additional words, lines and color. Most of her drawings are created with ballpoint pens, colored pencils and permanent marker.
Beverly Baker was featured twice at La Maison Rouge (Paris) in the exhibitions Le Mur, œuvres de la collection Antoine de Galbert and Art Brut, collection abcd/Bruno Decharme. In 2017, she was awarded the Wynn Newhouse Award.
Giovanni Bosco
Italie 1948 - 2009
Ce berger sicilien sombra dans la psychose suite à l’assassinat de deux de ses frères. L’institution psychiatrique et la prison à laquelle il fut condamné à la suite d’un vol de bétail, ne lui ôtèrent ni son sourire désarmant, ni la propension à transformer son existence démunie en un acte de poésie pure.
Ses journées furent alors rythmées par les chansons populaires et les peintures d’une inventivité rare qu’il exécutait sur les murs de sa ville ou sur des matériaux de fortune. Corps démembrés ou "surmembrés", serpenteaux, cœurs céphaliques, mots scandés dans l’intervalle du dessin, tel est l’alphabet pictural de Bosco. Inventeur d’un langage plastique sans pareil, l’artiste fait aujourd’hui partie de prestigieuses collections dont celles d’Antoine de Galbert ou d'abcd/Bruno Decharme (France).
This Sicilian shepherd fell into psychosis following the murder of two of his brothers. Neither the psychiatric institution nor the prison, where he was sentenced after a cattle theft, managed to take away his disarming smile or his ability to transform his destitute existence into an act of pure poetry. His days were then punctuated by folk songs and paintings of rare inventiveness, which he created on the walls of his town or on makeshift materials. Dismembered or "over-membered" bodies, serpentine creatures, cephalic hearts, and words punctuated between drawings—this was Bosco’s pictorial alphabet.
As the creator of a unique visual language, the artist is now part of prestigious collections, including those of Antoine de Galbert and abcd/Bruno Decharme (France).
Anibal Brizuela
Argentine 1937-2019
Repéré dans l’institution psychiatrique de Rosario, en Argentine, son travail est présenté pour la première fois en 2005 au salon d’art contemporain ArteBA à Buenos Aires. Si sa démarche relevait initialement du dazibao, les motifs géométriques subtilement décentrés, comme la typographie acérée, relèvent manifestement d’une grammaire formelle plus privée. Homme énigmatique et obsédé par le complot, ses compositions semblent vouloir alerter l’humanité.
Présent dans d’importantes collections, son oeuvre a été montré notamment dans les expositions art brut : a story of individual mythologies (Oliva Creative Factory, Portugal) et le Museum of Everything au MoNa (Brierdale).
Spotted in Rosario’s psychiatric institution, his work was exhibited for the first time in 2005 at the ArteBA contemporary art fair in Buenos Aires. Although his approach was initially dazibao, subtly off-center geometric patterns and a sharp typography clearly illustrate a more private formal grammar. The compositions of the enigmatic man, fascinated by conspiracy, appear like an attempt to alert humanity.
Present in important collections, his works have been shown notably in the art brut exhibitions: a story of individual mythologies (Oliva Creative Factory, Portugal) and in the Museum of Everything by James Brett in MoNa (Australia).
Dans les rues de La Havane, Jorge Alberto Cadi n’est connu que comme « El Buzo » - le plongeur-, constamment à la recherche de matériel pour ses œuvres, dans les objets délaissés de la ville. Boltanskien dans son usage mémoriel de la photographie, warholien lorsqu’il coud des greffons d’images entre eux, Cadi cherche avant tout à révéler ce que les images cachent. Exposé pour la toute première fois en 2019 par la galerie, puis en 2022 à Paris Photo, il a été présenté la même année dans le 2e volet de Photo brut qui, après les Rencontres de la photographie d’Arles, a été accueilli à la Centrale et au Botanique, à Bruxelles.
Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou). En 2023, il a été exposé par Sophie Calle au Musée Picasso.
In the streets of Havana, everyone knows Jorge Alberto Cadi as « El Buzo » - the diver - because he’s constantly searching material for his works in the city’s abandoned objects. Boltanskian by his memorial use of photography, Warholian by his taste for stitching images together, Cadi always seeks to reveal what these photographs are hiding.
Exhibited for the very first time in 2019 by the gallery, then in 2022 at Paris Photo, he was presented the same year in the 2nd part of Photo brut which, after the Rencontres de la photographie d’Arles, was hosted at the Centrale and the Botanique, in Brussels. His work is included in the collections of the Musée national d’Art moderne (Pompidou). In 2023, he was exhibited by Sophie Calle at the Musée Picasso.
Cuba 1961
Cet artiste né à la Havane est plus connu sous le nom de Rigo. Ses parents et sa fratrie souffrent comme lui de troubles mentaux.
Rigo dessine depuis l’enfance, et lorsqu’il n’offre pas ses dessins, il les jette. Ses gouaches tentent d’exprimer son quotidien, le ressenti d’un cubain pauvre, mi artiste, mi fou, et qui n’est pas dénué d’humour. À mi-chemin entre la peinture pop et l’illustration, ces saynètes progressent dans leur narration comme un story-board horizontal fait de petites feuilles de papier de récupération assemblées. Son langage graphique très sûr doit beaucoup à ses talents de coloriste.
Bien qu’il ait été interné à deux reprises en hôpital psychiatrique, Rigoberto travaille désormais comme gardien dans un service de l’État.
This artist, born in Havana, is best known as Rigo. Like him, his parents and siblings suffer from mental disorders.
Rigo has been drawing since childhood, and when he doesn’t give his drawings away, he throws them away. His gouaches attempt to express his daily life—the experience of a poor Cuban, half-artist, half-madman, yet not without humor. Somewhere between pop painting and illustration, his scenes unfold like a horizontal storyboard, composed of small scraps of recycled paper pieced together. His strong graphic language owes much to his talent as a colorist.
Although he has been hospitalized twice in psychiatric institutions, Rigoberto now works as a guard in a state service.
Misleidys Castillo Pedroso
Cuba 1985
Cette artiste cubaine n’a d’autre moyen d’expression que sa création : des personnages aux corps bodybuildés, auréolés de scotch brun. Véritable communauté constituée d’hommes, de femmes, d’hermaphrodites et de faunes à travers laquelle Misleidys construit sa socialité. Découverte par la galerie en 2014, elle a été présentée dans plus de 10 expositions internationales depuis 2018 dont New Images of Man à Los Angeles, Flying High à Vienne, Independent à New York... Plébiscitée par Matthew Higgs et Karen Wong (New Museum, NYC), elle a fait l’objet de récentes recensions dans le New York Times et Art in America
Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou).
This Cuban artist has no other means of expression than that of her creation. The walls of her home, where she lives with her mother, are covered with drawings of bodybuilders, brown tape scattered along the outlines. A true community of men, women, hermaphrodites and wildlife, Misleidys has built her sociality through her work.
Discovered by the gallery in 2014, she has been featured in more than 10 international exhibitions since 2018, including New Images of Man in Los Angeles, Flying High in Vienna, and Independent in New York. Acclaimed by Matthew Higgs and Karen Wong (New Museum, NYC), the artist has been the subject of recent reviews in the New York Times and Art in America.
A significant number of his works was donated to the Centre Pompidou collection in 2021.
de gauche à droite from left to right beverly baker, giovanni bosco, misleidys castillo pedroso
Gaston Chaissac
France 1910-1964
Gaston Chaissac, cordonnier, est encouragé à dessiner par le peintre Otto Freundlich, son voisin d’immeuble. Il invente très rapidement un alphabet pictural qu’il va faire évoluer tout au long de sa vie. Conjointement à la peinture, il développe une œuvre épistolaire : des milliers de lettres envoyées pendant plus de vingt ans, qui lui permettent de tisser des liens avec nombre de ses contemporains : artistes, écrivains, journalistes et critiques d’art. Jean Dubuffet l’expose dès 1948 avec les autres créateurs du Foyer de l’art brut, qui deviendra la Collection de l’art brut. Tandis que Chaissac deviendra une figure majeure de l’art contemporain, Dubuffet, après moult hésitations, finira par le classer dans sa « collection annexe » en 1982. Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d'Art moderne (Pompidou).
Gaston Chaissac, a shoemaker, is encouraged to draw by the painter Otto Freundlich, his neighbour. He quickly invented a pictorial alphabet that he would develop throughout his life. In addition to painting, he developed a body of work based on letters: thousands of letters sent over more than twenty years, which enabled him to forge links with many of his contemporaries: artists, writers, journalists and art critics. Jean Dubuffet exhibited his work in 1948 with the other creators of the Foyer de l'art brut, which was to become the Collection de l'art brut. While Chaissac became a major figure in contemporary art, Dubuffet, after much hesitation, finally classified him in his "annex collection" in 1982. His work is notably part of the collections of the Musée national d'Art moderne (Pompidou).
Brésil 1950-2015
Jesuys Crystiano a passé sa vie d’adulte à vagabonder dans les rues d’Ilheus (Bahia) jusqu’en 2010, quand un hôtelier allemand - qui avait remarqué ses dessins muraux – l’héberge et lui fournit du matériel pour coucher sur le papier ses univers surréalistes, le sauvant ainsi d’une hospitalisation en institution psychiatrique pour schizophrénie. Les 4 dernières années de sa vie, Jesuys a ainsi pu produire des centaines de dessins, peuplés de vautours, de chaises et tables renversées, de personnages aux visages imbriqués, tracés au crayon de couleur et au charbon, souvent rehaussés de collages et d’annotations.
Cet artiste a fait partie d’une importante exposition au musée de Gugging en Autriche présentant la collection d’art brut Treger Saint-Silvestre (Portugal).
Jesuys Crystiano spent his adult life wandering the streets of Ilheus (Bahia) until 2010, when a German hotelier - who had noticed his wall drawings - took him in and provided him with material to put his surrealist worlds on paper, thus saving him from being hospitalised in a psychiatric institution for schizophrenia. During the last four years of his life, Jesuys was able to produce hundreds of drawings, populated with vultures, overturned chairs and tables, characters with interlocking faces, drawn in coloured pencil and charcoal, often enhanced with collages and annotations.
This artist has been part of an important exhibition at the Gugging Museum in Austria presenting the Treger Saint-Silvestre (Portugal) collection of art brut.
John Ricardo Cunningham
Pérou 1918-1991
John Ricardo Cunningham est l’un des derniers patients à avoir été collectionné par le célèbre psychiatre Honorio Delgado à Lima. Interné pendant 32 ans, il a entrepris une sorte de cartographie géopolitique du monde où les instances de pouvoir deviennent, par métaphore, des hommes coiffés et austères, des oiseaux aux ailes battantes ou des rats tenant des cannes… Ici de rares œuvres uniquement calligraphiées, comme une urgence de dire…
Présenté pour la première fois en 2018, par la galerie, son œuvre est déjà présente dans de nombreuses collections internationales comme la Pinacothèque d’Hervé Lancelin au Luxembourg.
John Ricardo Cunningham is one of the last patients to be collected by the famous psychiatrist Honorio Delgado in Lima. Interned for 32 years, he undertook a kind of geopolitical cartography of the world where the authorities become, by metaphor, austere, coiffed men, birds with flapping wings or rats holding canes... Here rare works only calligraphed, like an urgency to say...
Presented for the first time in 2018 by the gallery, his work is already present in many international collections such as the Pinacothèque d'Hervé Lancelin in Luxembourg.
Fernand Desmoulin
France 1953-2014
Dessinateur et graveur académique très prisé à son époque, ami des célébrités politiques et littéraires, Fernand Desmoulin s’initie, à l’aube de ses cinquante ans, au spiritisme. Entre 1900 et 1902, il produit une œuvre médiumnique personnelle, radicalement différente de son travail antérieur – une œuvre libre et inventive obéissant à des processus créatifs automatiques.
Par le truchement de sa main,, « l’esprit » signa successivement de trois noms différents : « L’Instituteur », « Ton Vieux Maître » et « Astarté ». Après ces deux années passées au service des esprits, il reprend le chemin de la raison et retourne à sa production académique.
A very popular draghtsman and engraver in his time, a friend of political and literary celebrities, Fernand Desmoulins was introduced to spiritualism at the dawn of his fiftieth year. Between 19001902 he produced mediumistic work that radically differed from his previous creations – free and inventive drawings obeying automatic creative processes.
The “spirit” signed these drawings under three different names: “The Teacher”, “Your Old Master” and “Astarte”.
After two years in the service of spirits, he took the path of reason and returned to his academic production.
John Devlin
Lorsque John Devlin quitte le Canada pour étudier la théologie à Cambridge il n’a que 25 ans et se destine à la prêtrise. En adoration devant Cambridge il doit cependant rentrer et abandonner ses rêves ecclésiastiques en raison de troubles psychotiques. Il consacre alors sa vie à concevoir des plans de sa propre Nova Cantabrigiensis, soit une Cambridge idéalisée qui devient à la fois une projection symbolique et un protocole curatif. Après que son grand oeuvre - élaboré dans le secret - fut découvert à la fin des années 1980, il a fait l’objet de nombreuses expositions et publications dont, en 2019, les Rencontres de la Photographie d’Arles pour l’exposition iconique Photo Brut
John Devlin was only 25 years old when he left Canada to study theology at Cambridge and set himself on the path to priesthood. Although he adored Cambridge, he had to return and abandon his ecclesiastical dreams because of a psychotic disorder. He thus devoted his life to drawing his own Nova Cantabrigiensis, an idealized Cambridge that became both a symbolic projection and a healing protocol. Once his great work - developed in secret - was discovered in the late 1980s, he was the subject of numerous exhibitions and publications including the Rencontres de la Photographie d’Arles for the iconic exhibition Photo Brut
Démiurge, constructeur, ordonnateur. C’est dans son dortoir de fortune non loin du cimetière de Montmartre, à Paris, que cet exilé croate réalisait ses compositions célestes emplies de symboles religieux, politiques et maçonniques. « Mes écrits sont codés. » Ses dessins, comme les textes qui les accompagnent, répondent à un système très élaboré.
Magnifié dans l’exposition art brut, collection abcd / Bruno Decharme, en 2015, à la maison rouge (Paris), ses œuvres figurent dans toutes les grandes collections d’art brut, publiques et privées, du monde.
Janko Domsic was, among many other things, a demiurge, a builder, an organizer, and an artist. It was in his makeshift dormitory not far from the Montmartre cemetery, in Paris, that this Croatian exile made his celestial compositions, filled with religious political and Masonic symbols. “My writings are coded.” His drawings, like the texts that accompany them, respond to a very elaborate system.
Magnified in the exhibition Art brut, works of the Antoine de Galbert collection, in 2015, at the maison rouge (Paris), his pieces appear in all the major world collections, both public and private, of art brut.
José Manuel Egea
Espagne 1988
Ce jeune artiste madrilène, convaincu de sa lycanthropie, se plaît à faire surgir la part d’animalité qui réside en chaque être en affublant au crayon d’attributs monstrueux les personnes des p. de magazines, parfois annotées de mots ou de phrases. Ici, une œuvre rare tant par son format que par l’omniprésence du texte. José Manuel Egea s’adonne à un jeu libérateur puisque, tout en malmenant notre humanité, en s’émancipant de la norme, il nous révèle les grandeurs de l’altérité dans un geste artistique pur et sans retenue. Défendu par la galerie depuis 2016 il a fait l’objet, la même année, d’une vaste présentation lors de la Biennale de l’Image possible, à Liège. Il est désormais présent dans de grandes collections européennes comme celles d’Antoine de Galbert ou de Laurent Dumas (France).
Convinced of his magical ability to become a wolf, this young artist from Madrid is fascinated by the Kafkaesque metamorphosis found in the world of comics and mythology. As polymorphic as he is, his work consists of drawings, sculptures and performances, and urges us to accept our own repressed gifts for shape-shifting. Promoted by the gallery since 2016, he had a major show that same year by the Biennale de l’image possible in Liège, Belgium. His work is now part of several major European collections of contemporary art such as those of Antoine de Galbert, or Laurent Dumas.
Johann Fischer
Autriche 1919 - 2008
Johann est apprenti boulanger avant d’être mobilisé et fait prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale. À sa libération, il prend la tête du domaine agricole familial mais souffrant dès 1957 de troubles hallucinatoires, il est interné en clinique psychiatrique. En 1981, il intègre la Maison des Artistes de Gugging et commence son impressionnante production.
Fischer n’utilisait que le crayon et les crayons de couleur. Les sujets plutôt simples des débuts se sont complexifiés progressivement pour aboutir à des histoires illustrées dans lesquelles le réel et l’imaginaire se côtoient constamment. Méthodique, Johann dessinait tous les matins et faisait suivre sa signature de sa qualité : Künstler ! (Artiste !).
Ses créations figurent dans les plus grandes collections d’art brut dont celle de David Bowie.
Johann was a trainee baker before being drafted and taken prisoner during World War II. Upon his release, he took over the family farm, but in 1957, suffering from hallucinatory disorders, he was institutionalized in a psychiatric clinic. In 1981, he joined the Haus der Künstler in Gugging and began his remarkable artistic production.
Fischer worked exclusively with pencil and colored pencils. His initially simple subjects gradually became more complex, evolving into illustrated stories where reality and imagination constantly intertwine. Methodical, Johann drew every morning, always signing his work with his title: Artist!.
His creations are now part of the world's most prestigious collections of outsider art, including that of David Bowie.
Pepe Gaitán
Colombie 1959-2022
Issu de la bourgeoisie colombienne, Pepe Gaitán a choisi de vivre une vie d’ascèse, dont le seul plaisir découle des lectures journalières qu’il fait à la bibliothèque nationale de Bogota. De ces livres, il sélectionne des p. qu’il photocopie et dont il oblitère les contreformes. C’est autour de ces graphèmes fantômes qu’il compose ses collages sibyllins. En 2020, le Centre d’Art Contemporain de Genève le met à l’honneur dans scrivere designando, exposition curatoriée par Andrea Bellini et Sarah Lombardi.
Pepe disparaît début 2022 sans avoir totalement élucidé le mystère des amibes courant dans les lignes de ses livres.
Born into the Colombian bourgeoisie, Pepe Gaitan has chosen to live a life of asceticism, the only pleasure of which comes directly from the daily reading he does in the national library in Bogotá. From these books, he selects p. that he photocopies and obliterates the counterforms. It is around these phantom graphemes that he composes his sibylline collages. In 2020, the Centre d'Art Contemporain de Genève honoured him in scrivere designando, an exhibition curated by Andrea Bellini and Sarah Lombardi.
Pepe disappeared at the beginning of 2022 without having completely solved the mystery of the amoebas running through the lines of his books.
jill gallieni
Jill Gallieni
France 1948
Jill Gallieni est aussi discrète et mystérieuse que le sont les prières qu’elle couche sur le papier et dont l’adresse ne peut se manifester qu’aux saintes qui y sont invoquées. En effet, celles-ci nous sont rendues intentionnellement illisibles. Ecriture cryptique par excellence, absence rendue visible, son oeuvre nous plonge alors dans un anachorétisme profond. Représentée depuis plus de 10 ans par la galerie, cette artiste française fait partie des grandes collections d’art brut européennes comme celles du Musée national d’Art moderne (Pompidou), du musée du LaM (France), de l’art brut de Lausanne (Suisse) ou encore la collection d’Hannah Rieger (Autriche).
Jill Gallieni is as discreet and mysterious as the prayers she lays down on paper, whose intended recipients can only be the saints invoked within them. Indeed, these writings are deliberately rendered illegible. As the ultimate form of cryptic script, her work immerses us in a deep sense of asceticism.
Represented by the gallery for over 15 years, this artist is featured in major European collections of outsider art, including those of the Musée National d’Art Moderne (Pompidou), the LaM Museum (France), and the Collection de l’Art Brut in Lausanne (Switzerland).
Ken Grimes, à qui l’on a diagnostiqué une schizophrénie paranoïde, recherche inlassablement des signes prouvant un contact du troisième type avec notre planète, qu’il serait le seul à pouvoir interpréter. Il transcrit sur des toiles ou du bois le résultat de ses découvertes et théories, en utilisant exclusivement de l’acrylique noire et blanche, ce qui confère à ses œuvres un aspect dramatique et aussi mystérieux que le message qu’elles sont supposées délivrer.
Ken Grimes fait notamment partie des collections permanentes de plusieurs musées américains : Milwaukee Art Museum, Philadelphia Museum of Art, Museum of Contemporary Art in Chicago, American Folk Art Museum.
Ken Grimes, who has been diagnosed with paranoid schizophrenia, is tirelessly searching for signs of third world contact that only he can interpret. He transcribes the results of his discoveries and theories onto canvas or wood, using only black and white acrylics, which gives his works a dramatic aspect that is as mysterious as the message they are supposed to deliver.
Ken Grimes' work is included in the permanent collections of several American museums: Milwaukee Art Museum, Philadelphia Museum of Art, Museum of Contemporary Art in Chicago, American Folk Art Museum.
Yoshiyasu Hirano
Japon 1980
Yoshiyasu Hirano fréquente l’atelier Yellow (Izumisano, Osaka) depuis son ouverture en 2008.
Il a longtemps oscillé entre deux type de dessins ; l’un caractérisé par des compositions dynamiques aux éléments soulignés par d’épaisses lignes noires ; l’autre remarquable par ses lignes uniformes tirées à la règle et au stylo de couleur. Mais sa série la plus récente consiste en des lignes de mots soigneusement recopiés de journaux et de magazines. Affranchis de tout stéréotype, les dessins de Yoshiyasu Hirano ont trouvé leur espace de liberté.
Yoshiyasu Hirano (born 1980) has been making artworks at Yellow (Izumisano, Osaka) since it was founded in 2008.
He has two series of animal drawings; one series characterized by dynamic compositions and thick black lines accenting the drawings, and another series characterized by uniform lines created with a ruler and color gel pens. His most recent series is word drawings, where he carefully draws words taken from newspapers and magazines. Hirano’s flat drawings of words have a great sense of liberation, being free from existing stereotypes.
Anton Hirschfeld
France 1992
Découvert grâce à l’entremise de l’écrivaine Nancy Huston, il est l’un des plus jeunes artistes représentés par la galerie. De son écriture cursive, Anton Hirschfeld maille des listes de noms, de playlists ou d’invités en colonnes processionnelles, pour former la trame inattendue de ses œuvres. Comme si le pastel, l’acrylique et l’encre qui les recouvrent, s’ordonnançaient selon ces liens secrets.
Présenté pour la première fois au public en 2017 à la galerie, il a fait l’objet, en mars 2023 d’un documentaire intitulé Le Voyage d’Anton réalisé par Mariana Loupan avec Schuch production.
Discovered thanks to the writer Nancy Huston, he is one of the youngest artists represented by the gallery. With his cursive writing, Anton Hirschfeld meshes lists of names, playlists or guests in processional columns, to form the unexpected frame of his works. As if the pastel, acrylic and ink that cover them were ordered according to secret links
First presented to the public in 2017 at the gallery, in march 2023, it was the subject of a documentary entitled “Le Voyage d’Anton” directed by Mariana Loupan with Schuch production.
Émile Josome Hodinos
France 1853-1905
Fils de boulanger, Joseph Ernest Ménétrier débute à l'adolescence un apprentissage à l’atelier Tasset, graveur officiel des médailles de la Troisième République. Mais sept ans plus tard il est interné pour « excitation maniaque » à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard jusque la fin de sa vie.
Il se fait alors appeler Emile Josome Hodinos, du grec hodinos fils de personne et commence à dessiner de minutieuses médailles au crayon sur des papiers d’emballage de biscuits en utilisant des lanières de papier en guise de compas. Il encadre ses médailles de contes personnels, relatant son enfance, les conditions de vie à l’asile en passant par ses opinions artistiques et politiques.
Découvert par Jean Dubuffet, il est aujourd’hui considéré comme un classique de l’art brut et fait partie de grandes collections.
The son of a baker, Joseph Ernest Ménétrier began an apprenticeship as a teenager at the Tasset workshop, the official engraver of medals for the Third Republic. However, seven years later, he was institutionalized for "manic excitement" at the VilleEvrard psychiatric hospital, where he remained for the rest of his life.
He then adopted the name Émile Josome Hodinos, derived from the Greek hodinos, meaning "son of no one," and began drawing intricate medal designs in pencil on biscuit packaging paper, using strips of paper as a makeshift compass. He framed his medals with personal narratives, recounting his childhood, life in the asylum, and his artistic and political views. Discovered by Jean Dubuffet, he is now regarded as a classic of art brut and is featured in major collections.
Josef Hofer
Autriche 1945
Pensionnaire depuis 1992 d’une institution autrichienne, Josef Hofer ne parle pas, il dessine. Inlassablement. Dans le miroir qu’il se tend et qu’il nous tend, les personnages tentent de prendre leur essor dans le carcan du cadre avec une grâce érotisée, indomptée. Ses productions - auxquelles Michel Thévoz a consacré plusieurs essais - mettent en images une dualité fondatrice entre le corps et la psyché.
Il est notamment présent dans le Musée national d’Art moderne (France), et dans des collections privées dont celles d'Antoine de Galbert et d’Arnulf Rainer (Autriche) qui le considère comme « l’un des plus grands artistes d’art brut contemporains ».
A resident of an Austrian institution since 1992, Josef Hofer does not speak—he draws. Tirelessly.
In the mirror he holds up to himself and to us, his figures strive to break free from the confines of the frame with a raw, erotic grace. His works—on which Michel Thévoz has written extensively—visually express a fundamental duality between the body and the psyche.
Hofer's art is featured in the Musée National d’Art Moderne (France) and in private collections, including those of Antoine de Galbert and Arnulf Rainer (Austria), who considers him “one of the greatest contemporary outsider artists.”
Josvedy Jove Junco (El Sirio)
Cuba 1977
Josvedy Jove Junco souffre depuis son enfance de crises paranoïaques et d’hallucinations. Surnommé El Sirio, il remplit des cahiers de textes et de dessins, fusionnant images et écriture dans un ensemble visuel indissociable. Il excelle dans la création de personnages imaginaires pittoresques issus d’histoires inventées où se mêlent réalité et fantastique. Sa calligraphie, unique, évoque les manuscrits médiévaux et les gestes appuyés de son crayon marquent souvent le support. L'accumulation de cahiers et la densité de son œuvre témoignent d’un besoin urgent et irrépressible d’expression.
À la suite d’une carrière militaire, il acquiert un petit terrain agricole en banlieue de La Havane, aujourd’hui principal source de revenu pour sa famille.
Josvedy Jove Junco has suffered from paranoid crises and hallucinations since childhood. Nicknamed El Sirio, he fills notebooks with texts and drawings, merging images and writing into an inseparable visual whole.
He excels in creating vivid imaginary characters drawn from invented stories where reality and fantasy intertwine. His unique calligraphy evokes medieval manuscripts, and his forceful pencil strokes often leave deep impressions on the paper. The sheer volume of his notebooks and the density of his work reflect an urgent and irrepressible need for expression.
After a military career, he acquired a small farm on the outskirts of Havana, which today serves as his family's primary source of income.
Cet artiste californien, disparu en 2010, était diplômé en génie chimique. Fasciné par la méditation et la métaphysique, il tentait d’élucider les mystères de l’existence par le biais de formules et de nombres tirés de sa propre histoire. Ce « brut conceptuel » photocopiait parfois ses travaux pour les distribuer au plus grand nombre. En 2014, Daniel Baumann le fait découvrir en l’exposant au 548 Center à New York. L’année suivante, nous confions à Gaël Charbau la rédaction d’un essai et le commissariat de l’exposition monographique qui se tient à la galerie. La même année, Alfred Pacquement – ancien directeur de Pompidou - en présente une installation au musée des Beaux-arts de Paris. En 2021, il intègre les collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou).
This Californian artist, who died in 2010, had a degree in chemical engineering. Fascinated by meditation and metaphysics, he sought to unravel the mysteries of existence through formulas and numbers drawn from his own history. This “conceptual brut” artist sometimes photocopied his work to distribute it to as many people as possible. In 2014, Daniel Baumann introduced him to the 548 Center in New York. The following year, we entrusted Gael Charbau with writing an essay and curing the monographic exhibition held at the gallery. In the same year, Alfred Pacquement, former director of Pompidou, presented a John Urho Kemp installation at the Musée des Beaux-arts in Paris. A significant number of his works was donated to the Centre Pompidou collection in 2021.
Masatoshi Kiyohara
Japon 1997
Né en 1997, Kiyohara a commencé à dessiner à l’âge de 19 ans dans l’atelier Corners qui l’accueille à Kyoto. Son travail est varié, incluant des travaux au stylo, en papier maché et en matière plastique. Du bout des doigts, il produit des lignes aussi précises que si elles étaient tracées à la règle, des formes tridimensionnelles rigoureuses, comme si elles étaient réalisées à l'aide d'un moule, et des caractères inimitables ressemblant à des lettres.
Born in 1997, Kiyohara began drawing at the age of 19 at the Corners studio in Kyoto. His work is varied, including works in pen, paper maché and plastic. With his fingertips, he produces lines as precise as if drawn with a ruler, rigorous three-dimensional shapes as if made with a mould, and inimitable letter-like characters.
Zdeněk Košek
Tchéquie 1949 - 2015
Typographe de formation, Košek devient tout d’abord un artiste assez conventionnel. Lorsqu’il sombre dans la psychose, il se met à produire des œuvres aussi radicales que poétiques. Persuadé qu’il joue un rôle déterminant dans l’ordonnancement du monde, il passe son temps à sa fenêtre, à consigner ses observations – météorologie, vols des oiseaux, faits insignifiants – et à les agréger en diagrammes censés conjurer le chaos.
Depuis plus de quinze ans, du Palais de Tokyo à la Maison Rouge, au MONA (Australie) en passant par le DOX de Prague et Les Rencontres d’Arles, ses cartographies sibyllines ne cessent d’interroger à travers le monde.
Il est notamment présent dans les collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou)
A trained typographer, Košek initially pursued a fairly conventional artistic path. However, when he fell into psychosis, he began creating works as radical as they were poetic.
Convinced that he plays a crucial role in structuring the world, he spends his time at his window, meticulously recording his observations—weather patterns, bird flights, seemingly trivial events—and compiling them into diagrams meant to ward off chaos.
For over fifteen years, from the Palais de Tokyo to La Maison Rouge, MONA (Australia), DOX (Prague), and Les Rencontres d’Arles, his enigmatic cartographies have continued to provoke thought worldwide. His works are also part of the collections of the Musée National d’Art Moderne (Pompidou).
Joseph Lambert
Belgique 1950
Joseph Lambert, avec la patience d’un moine copiste, écrit, d’une langue connue de lui seul, un Texte ininterrompu. Magie du trait s’entortillant bleu, jaune, violet… Autant de longueurs d’onde par quoi il éclaire le monde, tel d’un astre dont le lecteurspectateur ressent d’emblée la force d’attraction. Le résultat peut évoquer des couches géologiques aussi bien qu’une superposition d’arcs-en-ciel. Ainsi l’œuvre écrite-dessinée de garder son apparence de grimoire coloré, dont nul ne pourra jamais dérober les secrets.
Présent dans les collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou), il a notamment été exposé à la maison rouge, en 2015 et au LAM (Villeneuve-d’Ascq), en 2018, dans l’exposition Les refuges du récit
Joseph Lambert, with the patience of a copyist monk, writes, in a language known only to him, an uninterrupted text. Magic of the line twisting blue, yellow, violet... So many wavelengths with which it illuminates the world, like a star whose force of attraction the reader-spectator immediately feels. The result can evoke geological layers as well as a superposition of rainbows. Thus the written-drawn work retains its appearance as a colourful grimoire, whose secrets no one can ever steal.
Present in the collections of the Musée national d'Art moderne (Pompidou), it was notably exhibited at the Maison Rouge in 2015 and at the LAM (Villeneuve-d'Ascq) in 2018, in the exhibition Les refuges du récit.
Ballotté entre l’Espagne et la France, où il passe son enfance, Ramón Losa, revenu à l’adolescence dans son pays natal, échoue à l'examen d'entrée aux Beaux-Arts de Madrid.
La période du service militaire voit ses troubles psychiques s’intensifier et il est hospitalisé par intermittence. Ce que Losa montre, quel que soit le médium utilisé (dessin, collage, etc.), c’est une façon presque électrique d’assembler et de disjoindre les motifs, vus comme autant de morceaux aimantés du monde. Impression qu’ici unir et séparer, coller et couper, tracer et effacer se fondent dans un seul geste – un seul espace.
Son œuvre découverte récemment fait déjà partie de collections importantes.
Moving between Spain and France, where he spent his childhood, Ramón Losa returned to his native country as a teenager and failed to attend the University of Madrid's School of Fine Arts. During the period of military service, his psychological problems intensified and he was intermittently hospitalised.
What Losa shows, regardless of the medium used (drawing, collage, etc.), is an almost electric way of assembling and disassembling motifs, seen as so many magnetised pieces of the world. The impression here is that uniting and separating, gluing and cutting, tracing and erasing merge into a single gesture - a single space.
His recently discovered work is already part of important collections.
Mackintosh commence à créer à 72 ans, après avoir passé 56 années en institutions psychiatriques. Il produit alors une multitude de dessins caractérisés par l’omniprésence d’écritures inintelligibles qui semblent couler sur la page.
Ses sujets de prédilection oscillent entre personnages masculins, bus, trains, anges et animaux fantastiques. Les lignes des contours sont souvent redoublées – peut-être juste pour le plaisir du geste, ou manière de s’affirmer, en tant qu’artiste.
Son œuvre fait partie des collections permanentes de la collection de l’art brut à Lausanne - qui lui a déjà consacré une retrospective-, du centre Pompidou, de l’American Folk Art Museum à New York ou du Madmusée de Liège.
Mackintosh began to create at the end of his life, after spending 56 years in psychiatric institutions. At the age of 72 he produced a multitude of drawings, paintings, prints and ceramics. His work is characterised by the omnipresence of unintelligible writing that seems to flow across the page.
His favourite subjects oscillate between male characters, buses, trains, angels and fantastic animals. The lines of the contours are often redoubled - perhaps just for the pleasure of the gesture, or as a way of asserting himself as an artist.
His work is part of the permanent collections of the Collection de l'Art Brut in Lausanne - which has devoted a retrospective to him -, of the Centre Pompidou, of the American Folk Art Museum in New York and of the Madmusée in Liège.
dwight mackintosh
John Patrick McKenzie, atteint de troubles du spectre autistique, compose des œuvres de poésie visuelle basées sur l’actualité des icônes de la culture populaire ou de la politique, comme pour nous aider à décoder notre monde saturé d’informations. Son processus de création est basé sur un séquençage répétitif complexe et mystérieux. Ici, il rédige une sorte de comptine avec les noms de patients fréquentant le même atelier que lui à San Francisco.
Son œuvre fait notamment partie de collections comme celles de Tracy Chapman, Michael Stipe et de l’UC Berkeley Art Museum.
John Patrick McKenzie, who has an autism spectrum disorder, creates visual poetry based on the topicality of icons from popular culture or politics, as if to help us decode our information-saturated world. His creative process is based on a complex and mysterious repetitive sequencing.
His work is included in collections such as Tracy Chapman, Michael Stipe and the UC Berkeley Art Museum.
Kunizo Matsumoto
Japon 1962
Analphabète, Kunizo Matsumoto est pourtant fasciné par l’écriture. Aussi, invente-t-il des idéogrammes dont il recouvre inlassablement des pages de calendrier, des brochures, questionnaires ou bulletins, qu’il collectionne par centaines, en s’inspirant de textes littéraires ou de programmes TV. Il glisse ensuite dans des enveloppes scellées nombre de ses précieux écrits, qu’il adresse à une amie avec qui il entretient une relation épistolaire fictive.
Présenté pour la première fois, en 2003, à la Collection de l’art brut (Lausanne), il a été exposé en 2015 à la Maison rouge (Paris) et en 2020 dans Scrivere designando : quand la langue cherche son autre, par les commissaires Andréa Bellini et Sarah Lombardi, au Centre d’Art Contemporain Genève. Un ensemble important de son oeuvre a fait l'objet d'une donation au Centre Pompidou en 2021.
Illiterate, Kunizo Matsumoto is fascinated by writing. On calendar pages, brochures, questionnaires or forms, which he collects by the hundreds, he tirelessly copies literary texts, TV programs or notes of his own. Gathered and packaged in sealed envelopes, some of these writings are part of a fictitious epistolary collection.
Presented for the first time in 2003, at the Collection of Art Brut (Lausanne), he was exhibited in 2015 at the maison rouge (Paris) and in 2020 in Scrivere Designando : quand la langue cherche son autre, by curators Andréa Bellini and Sarah Lombardi, at the Centre d’Art Contemporain Genève. A significant number of his works was donated to the Centre Pompidou in 2021.
Devenu, en une décennie, l’un des artistes bruts contemporains les plus reconnus, cet autiste originaire de Californie est parfois comparé à Cy Twombly, qui déconstruisait le langage tandis que, par effet de miroir, Dan Miller le construit. La galerie a participé, depuis 2010, à sa reconnaissance internationale en organisant plusieurs expositions et en publiant la seule monographie existant à ce jour, enrichie d’un essai de Richard Leemann.
Présent dans d’innombrables collections publiques et privées – dont celles du MoMA et de Pompidou - il faisait également partie de la sélection officielle de la Biennale de Venise 2017.
Having become, in a decade, one of the most recognized contemporary brut artists, this autistic native of California is sometimes compared to Cy Twombly: while the latter deconstructs language, the former builds it. Since 2010, the gallery has contributed to its international recognition by organizing several exhibitions and publishing the only monograph available to date, enriched with an essay by Richard Leemann.
Part of countless public and private collections - including those of the MoMA and Pompidou –, Dan Miller’s work was also part of the official selection of the 2017 Venice Biennale.,
Yukio Miyashita
Japon 1973
Yukio Miyashita aime la gestion des données. Le type de données qui l’intéresse varie énormément - les scores des équipes professionnelles de baseball, les fiches de présence des soignants, les horaires des bus, etc. Il chérit sa calculatrice et son agenda. Son caractère sérieux se reflète dans ses œuvres d’art.
L’un des traits distinctifs du style des dessins de Yukio Miyashita est un motif récurrent de minuscules carrés qu’il colorie méticuleusement. Il peut prendre une année entière pour terminer une oeuvre. Un autre trait caractéristique de son travail est la copie d’articles de journaux anglais, bien que cela semble être plus une tâche qu’une création artistique pour lui.
Yukio Miyashita has a deep fascination with data management. The type of data that interests him varies widely—professional baseball team scores, caregiver attendance sheets, bus schedules, and more. He treasures his calculator and organizer, and his serious nature is reflected in his artwork.
One of the distinctive features of Miyashita’s drawings style is a pattern of tiny squares, which he meticulously colors in. Completing a single piece can take him an entire year. Another characteristic of his work is copying English newspaper articles, though for him, this seems more like a task than a creative endeavor.
Óscar Morales
Chili 1951
En 1999, Óscar met au point sa célèbre « Formule de Valence alphabétique et numérique » à partir de laquelle il crée des machines et dessine de manière compulsive des cellules, des noyaux, des atomes et des radios. « Je pensais créer quelque chose de noble qui servirait à tout le monde. Cette formule mathématique est d’un haut niveau. Je l’ai inventée pour améliorer et accroître la capacité de l’ordinateur », explique-t-il.
Représenté par la galerie depuis 2014, il a fait l’objet en 2018 d’une importante exposition au MAVI (Museo de Arte Visuale) de Santiago du Chili. En 2020, un ensemble de ses dessins a été exposé à la Biennale de Berlin. Présent dans les collections abcd/Bruno Decharme et Treger Saint Silvestre, son œuvre est reproduite dans plusieurs publications.
In 1999, Óscar developed his famous "Alphabetical and Numerical Formula of Valencia", from which he created machines and compulsively drew cells, nuclei, atoms and radios. "I thought I was creating something noble that would be useful to everyone. This mathematical formula is of a high standard. I invented it to improve and increase the capacity of the computer," he explains.
Represented by the gallery since 2014, in 2018 he was the subject of a major exhibition at the MAVI (Museo de Arte Visuale) in Santiago, Chile. In 2020, a set of his drawings was exhibited at the Berlin Biennale. Present in the abcd/Bruno Decharme and Treger Saint Silvestre collections, his work is reproduced in several publications.
momoko nakagawa
Momoko Nakagawa
Japon 1996
Membre de l’atelier Yamanami (Japon), depuis 2015, Momoko Nakagawa effectue, d’un geste ample et régulier, un travail sériel et calibré sur l’écriture, passant de l’ondoiement de fréquen-ces colorées au tamponnage de chiffres dans des halos de café. Évoquant l’abstraction lyrique, le travail de cette jeune artiste « combine spontanéité gestuelle, élégance calligraphique, répétition sérielle et inventivité formelle », comme l’écrit Raphaël Koenig, dans le dossier qui lui est consacré par Artpress (2020).
Elle a été exposée pour la première fois en 2019, à l’Université de Harvard, puis la même année à la galerie dans le cadre de l’exposition japon brut : la lune, le soleil, yamanami.
A member of the Yamanami workshop (Shiga, Japan) since 2015, Momoko Nakagawa has been doing, in a broad and regular gesture, a serial and calibrated work on writing, moving from the undulating of colored frequencies to stamping numbers in coffee halos. Evoking lyrical abstraction, the young artist’s work “combines gestural spontaneity, calligraphic elegance, serialized repetition, and formal inventiveness,” as Raphael Koenig writes in the dossier devoted to her by Artpress (2020).
Her work was exhibited for the first time in 2019 at Harvard University, and then, that same year, at the gallery as part of the choral exhibition japon brut: la lune, le soleil, yamanami.
Michel Nedjar
France 1947
Il est l’artiste brut vivant le plus exposé et publié et pourtant la trajectoire extraordinaire de ce Français pose une question rarement abordée : celle de l’impermanence de l’art brut. Découvert par Jean Dubuffet, au moment où il travaille sur la résurgence du corps symbolique, il s’autorise alors à devenir l’artiste protéiforme que l’on connaît et qui, dans la création, incarne une absolue liberté.
Présent dans d’innombrables collections, il est le premier « brut » à être entré dans les collections du Musée national d’art moderne (France). Depuis 2008 il s’est vu consacrer six expositions monographiques par Le Mahj (Paris), le LaM (Lille), le musée Gugging (Vienne) et la galerie.
Though Frenchman Michel Nedjar is the most widely exhibited and published living representative of art brut, his extraordinary trajectory poses a rarely-adressed question – namely, the impermanence of art brut. Discovered by Jean Dubuffet when the latter was working on the resurgence of the symbolic body, Nedjar became the protean artist whom we know today and who embodies absolute freedom in creation.
Present in countless collections, he is the first brut artist whose works were included in the collections of Beaubourg (France). Since 2008, he has had no fewer than six solo shows at such venues as Le Mahj (Paris), LaM (Lille), the Gugging Museum (Vienna), and the gallery.
Shogo Ozaki
Japon 1988
Nous ne savons que peu de choses de Shogo Ozaki, excepté qu’il est atteint de trisomie et que son obsession pour les instruments de musique et autres appareillages acoustiques se manifeste invariablement à travers tous ses dessins. Ses œuvres méticuleuses semblent mettre en place une scène destinée à ses propres représentations virtuelles. Son travail, découvert récemment, a été montré successivement à Tokyo puis New-York lors de l’exposition Counterpoint : Outsider Art From Japan.
La galerie christian berst a présenté pour la première fois cette œuvre en Europe en 2011.
We know little about Shogo Ozaki, except that he has Down syndrome and that his obsession with musical instruments and other acoustic devices is consistently reflected in all his drawings. His meticulous works seem to set the stage for his own virtual representations.
His art, recently discovered, was shown first in Tokyo and then in New York during the exhibition Counterpoint: Outsider Art From Japan.
The Christian Berst Gallery presented his work for the first time in Europe in 2011.
France 1907-1975
Cet ancien adjoint des Ponts-et-Chaussées, devenu « inventeur », a fasciné tous les scientifiques qu’il a rencontrés. Sans relâche, il a voulu éveiller les consciences en outrepassant les limites de la raison. Les plans de ses inventions, qu’il adressait aux plus hautes instances scientifiques, comme la NASA, le CNRS ou le comité Nobel, sont autant d’invitations à reconsidérer les possibilités de la physique, en nous donnant les codes d’un ailleurs. Perdrizet s’est également attaché à inventer une langue universelle, la « langue T » ou « espéranto sidéral » qu’il disait « parler couramment ». Ici un original rare sur papier calque.
Celui à qui nous avons consacré une importante monographie est aujourd’hui présent dans d’éminentes collections parmi lesquelles le Mnam (Pompidou), le LaM (France), la Pinacothèque Hervé Lancelin (Luxembourg), Antoine de Galbert (France)...
This former bridge and pavement engineer, who became an “inventor,” fascinated all the scientists he met. He relentlessly sought to awaken consciences by overstepping the bounds of reason. The plans of his inventions, which he addressed to the highest scientific bodies, such as NASA, the CNRS or the Nobel Committee, are all invitations to reconsider the possibilities of physics, giving us the codes of an elsewhere. Perdrizet also set out to invent a universal language, the "T language" or "Esperanto sidereal", which he said he "spoke fluently". Here is a rare original on tracing paper. The one to whom we have dedicated an important monograph is present today in eminent collections : LaM (France), Pinacothèque Hervé Lancelin (Luxembourg), Antoine de Galbert (France)...
Royal Robertson
États-Unis 1930 - 1997
“Prophet” Royal Robertson a passé la majeure partie de sa vie en Louisiane, avec sa femme et leurs onze enfants. Peintre d’enseignes de formation, sa schizophrénie paranoïde déclenche en lui une prodigieuse fièvre créatrice. Ascensions éthérées, portraits de divinités, architectures futuristes pareilles à des “maisons témoins” d’un monde à venir, c’est comme s’il était descendu de sa planète, chargé de ses propres Tables de la Loi. Figurant dans d’innombrables collections comme celles du Smithsonian Museum of American Art (ÉtatsUnis) ou du Musée national d’Art moderne (Pompidou), son œuvre a été présenté, en 2018-19, dans l’exposition itinérante Into The Unknown, produite par le Barbican (Londres) et curatoriée par Patrick Gyger.
"Prophet" Royal Robertson spent most of his life in Louisiana with his wife and their eleven children. A sign painter by training, his paranoid schizophrenia triggered a remarkable creative fever in him. Ethereal ascensions, portraits of deities, and futuristic architectures resembling "show homes" of a coming world—it was as if he had descended from his planet, carrying his own Tablets of the Law
Featured in countless collections such as the Smithsonian Museum of American Art (USA) and the Musée National d’Art Moderne (Pompidou), his work was showcased in the 2018-19 traveling exhibition Into The Unknown, produced by the Barbican (London) and curated by Patrick Gyger.
Yuichi Saito
Japon 1983
Yuichi Saito fréquente l’atelier de création pour adultes déficients mentaux de Kobo Shu, dans la préfecture de Saitama. Depuis 2002, Saito a montré un intérêt unique pour la calligraphie et la production d’oeuvres écrites.
Saito transcrit les titres de ses émissions de télévision préférées : Pocket Monster, Doraemon, Stray Cops (une version japonaise de Miami Vice), TV Champion, etc., créant méthodiquement chaque oeuvre le jour même où l’émission télévisée est diffusée. Bien que les dessins soient fidèles aux centres d’intérêts de l’artiste, ils ont depuis peu atteint un point d’abstraction visuelle d’une grande intensité. Plus récemment, il trace avec obsession un alphabet unique de « mo », dont les répétitions révèlent ses états émotionnels.
Yuichi Saito attends the Kobo Shu creative workshop for adults with mental disabilities in Saitama Prefecture. Since 2002, Saito has shown a unique interest in calligraphy and the creation of written works.
Saito writes the titles of his favorite television shows—Pocket Monster, Doraemon, Stray Cops (a Japanese version of Miami Vice), TV Champion, and others—meticulously creating each piece on the same day the program airs. While his drawings remain closely tied to his personal interests, they have recently reached a striking level of visual abstraction. More recently, he has obsessively drawn a unique alphabet of "mo," whose repetitions reflect his emotional states.
Milton Schwartz
États-Unis 1925 - 2007
Milton Schwartz a passé le plus clair de son temps à prier et à faire des collages annotés sur des chemises en carton. Dans un premier temps, il a divulgué “la parole de Dieu” par différents messages. Ses textes sont pétris de références religieuses et ses points de vue sur des questions telles que les droits de l’enfant contiennent toutes sortes de symboles contemporains : le drapeau des États-Unis, des images de personnalités comme Nelson Mandela, ou des logos de sociétés et de restaurants. Il a vécu au cœur du quartier South Beach de Miami (Floride), mais a toujours mené une vie solitaire.
Milton Schwartz spent most of his time praying and creating annotated collages on cardboard folders. Initially, he spread “the word of God” through various messages.
His texts are filled with religious references, and his views on issues such as children's rights incorporate all kinds of contemporary symbols: the United States flag, images of figures like Nelson Mandela, or logos of companies and restaurants. He lived in the heart of the South Beach neighborhood in Miami, Florida, but always led a solitary life.
États-Unis
Enfant pauvre du Mississippi contrainte aux labeurs les plus durs, cette Afro-Américaine a entamé, au soir de sa vie, un œuvre qui s’apparente à un véritable blues graphique. Mary T. Smith donnait corps à sa cosmologie personnelle en peignant sur des panneaux de tôle et de bois disposés autour de sa maison. Son “esthétique solaire” — dixit Daniel Soutif — et ses modes de représentation puissamment élémentaires ont fait forte impression sur Jean-Michel Basquiat. Aujourd’hui considérée comme une figure emblématique de l’art brut américain, ses œuvres sont entrées au Metropolitan Museum of Art (New York), au Smithsonian Museum of American Art (Washington) ou encore au High Museum of Art (Atlanta).
A poor child of Mississippi condemned to the hardest work, this African-American woman began, at the dawn of her life, a work that resembles a real graphic blues. Mary T. Smith gave shape to her personal cosmology by painting on sheets of corrugated iron and wooden panels arranged around her house. Her “solar aesthetic”—says Daniel Soutif—and her powerfully elementary modes of representation made a strong impression on Jean-Michel Basquiat. Now considered an emblematic figure of American art brut, her works have been added to the Metropolitan Museum of Art (New York), the Smithsonian Museum of American Art (Washington) and the High Museum of Art (Atlanta) collections.
Harald Stoffers
Allemagne 1961
Il y a plus de vingt ans, Harald Stoffers commence un échange épistolaire fictif avec sa mère dans lequel toutes ses lettres commencent par « Liebe Mutti ». Interné très jeune, c’est à l’hôpital qu’il s’initie à cet exercice, et distribue d’abord de courts billets déchirés aux autres patients. Plus tard, les lettres de Stoffers se densifient, tandis qu’elles atteignent parfois plusieurs mètres de long.
Présenté dans un film de Youssef Tabti au Grand Palais en 2009, son œuvre a été montrée dans des institutions aussi prestigieuses que le Mona (Australie), la Hamburger Kunsthalle (Berlin), l’Oliva Creative Factory (Portugal), le Dox Art Center (Prague) ou la Maison rouge (Paris). En 2021, il intègre les collections du Musée national d’Art moderne (France).
More than twenty years ago, Harald Stoffers began a fictional correspondence with his mother, in which all the letters started with « Liebe Mutti ». He began this exercise at a workshop for people with disabilities at which he worked. He started by distributing them amongst his fellow workers in the form of small torn notes. Stoffers’ letters later thickened, some even reaching ten meters long.
Presented in a film by Youssef Tabti at the Grand Palais in 2009, his work was included in such prestigious institutions as the Mona (Australia), the Hamburger Kunsthalle (Berlin), the Oliva Creative Factory (Portugal), the Dox Art Center (Prague) and the Maison rouge (Paris). A significant number of his works was donated to the Centre Pompidou collection in 2021.
Susan Te Kahurangi King
Nouvelle Zélande 1951
Atteinte d'une forme sévère d'autisme, Susan Te Kahurangi King déploie très tôt une pratique intense du dessin. Pendant plusieurs heures, elle crée des figures complexes, très détaillés et inspirées de personnages de cartoons ou de mascottes publicitaires qu'elle insère dans des univers grotesques et fantastiques.
Susan expose pour la première fois en 2009, à l'âge de 58 ans, d'abord à la Callan Park Gallery de l'Université de Sidney, et depuis au niveau international, à l'Institute of contemporary art à Miami, à la galerie Marlborough à Londres ou encore à l'American folk art Museum de New York.
Suffering from a severe form of autism, Susan Te Kahurangi King began an intense drawing practice at an early age. For hours, she creates complex, highly detailed figures inspired by cartoon characters or advertising mascots, which she places within grotesque and fantastical worlds.
Susan exhibited for the first time in 2009, at the age of 58, initially at the Callan Park Gallery of the University of Sydney, and has since showcased her work internationally at institutions such as the Institute of Contemporary Art in Miami, the Marlborough Gallery in London, and the American Folk Art Museum in New York.
États-Unis 1955 - 2015
Ionel Talpazan est né en Roumanie mais a vécu sa vie d’adulte à New York. Il est convaincu que ses dessins et sculptures de soucoupes volantes contiennent des informations secrètes sur les systèmes de propulsion des OVNI susceptibles d’intéresser la NASA.
Ce qui est sûr, c’est que ses admirables créations multicolores, dont l’ensemble constitue une véritable station inter-galactique, nous projettent dans un univers unique, celui de cet homme, qui, enfant, a vu une lumière bleue « extra-terrestre », source de son œuvre.
Ses dessins font déjà partie de collections telles que celles du Musée national d’Art moderne (Pompidou), du Gregg Museum of Art & Design, de l’American Folk Art Museum, de l’American Visionary Art Museum, ou du LAM.
Ionel Talpazan was born in Romania but spent his adult life in New York. He was convinced that his drawings and sculptures of flying saucers contained secret information about UFO propulsion systems that could interest NASA.
What is certain is that his remarkable, multicolored creations—forming a true intergalactic station— transport us into a unique universe, that of a man who, as a child, witnessed a mysterious extraterrestrial blue light, the very source of his work.
His drawings are already part of prestigious collections, including those of the Musée National d’Art Moderne (Pompidou), the Gregg Museum of Art & Design, the American Folk Art Museum, the American Visionary Art Museum, and the LAM.
Pascal Tassini Belgique 1955
Au sein de l’atelier du Créahm (Belgique) qu'il fréquente depuis plus de trente ans, Pascal Tassini s’y est fabriqué sa propre maison, faite d’objets liés les uns aux autres par des chapelets de nœuds en tissu. Comme chez Schwitters, le Merzbau de Tassini est protéiforme et évolutif. Ce « mari caché d’Annette Messager » (Léa Chauvel-Lévy) produit, avec un processus similaire, les différents éléments nécessaires à la noce somptueuse dont il rêve, de la robe de mariée aux boutonnières en passant bien sûr par la déclaration de demande en mariage ici reproduite.
Présenté, en 2019, dans l’exposition extravaganza de la collection Treger Saint Silvestre, Pascal Tassini fait notamment partie des collections du Madmusée (Belgique) et de la Pinacothèque Hervé Lancelin (Luxembourg).
For more than thirty years, Pascal Tassini has been frequenting the Workshop of Créahm (Belgium), where he created his own house of objects attached to each other by rosaries of cloth knots. As with Schwitters, Tassini’s Merzbau is protean and evolutionary. This “hidden husband of Annette Messenger” (says Léa Chauvel-Lévy) produces, with a similar process, the various elements necessary for the sumptuous wedding he dreams of, from the wedding dress to the buttonholes.
Presented in 2019 in the exhibition “Extravaganza” of the Treger Saint Silvestre collection, Pascal Tassini is also part of the collections of the Madmusée (Belgium) and the Hervé Lancelin Pinacotheque (Luxembourg).
Michał Walczyk
Pologne 1993 -
Michał Walczyk, de son nom d’artiste « Pan Mis » (Teddy Bear), ne comprend pas les notions de "temps", de "mathématiques" ou "d’argent". Dans son atelier, il sculpte des figurines de bois brûlé oscillant entre super-héros de « comics » et mythologie slave. À quoi s’ajoutent des centaines de dessins faits au stylo à bille et crayon de couleur de démons, zombis, cannibales, loups-garous…. Tous légendés au verso de notices biographiques mêlant humour (involontaire ?) et précisions hallucinées, ces dessins disent une vaste épopée, mythologie personnelle d’un enfant né aux confins d’un pays parmi les plus tragiquement marqués du sceau de l’Histoire… Ses œuvres, bien que souvent étranges ou inquiétantes, sont remplies de couleurs et d’intensité dramatique, reflétant son monde intérieur riche et dichotomique, qu’il appelle « la planète de M. Teddy Bear. »
Michał Walczyk, known by his artist name “Pan Mis” (Teddy Bear), does not comprehend concepts such as "time," "mathematics," or "money." In his studio, he sculpts his burnt wood figurines oscillating between comic book superheroes and Slavic mythology. In addition, he creates hundreds of ballpoint pen and colored pencil drawings of demons, zombies, cannibals, werewolves… Each is annotated with biographical notes blending (perhaps involuntary) humor and hallucinatory precision. These drawings narrate a vast epic, the personal mythology of a child born on the fringes of a country among the most tragically marked by the weight of History. Though often strange or unsettling, his works are filled with color and dramatic intensity, reflecting his rich and dichotomous inner world— one he calls “the planet of Mr. Teddy Bear.”
August Walla
Autriche 1936 - 2001
Après une enfance tourmentée, August Walla est diagnostiqué schizophrène et est admis à l’hôpital de Gugging en 1970 puis à la Maison des artistes, où il restera jusqu’à la fin de ses jours.
Walla a rempli des pages d’écriture et lorsque la feuille de papier s’est révélée trop étroite, il a recouvert les murs de sa chambre. Ecriture et dessin sont indissociables dans son œuvre, pétrie de symboles obsessionnels et qui se déroule comme un continuum, dont chaque partie serait inséparable de l’ensemble.
Collectionné par David Bowie, Walla est présent dans nombre de collections à travers le monde, dont celles du MoMa, du Milwaukee Art Museum, de la collection de l’art brut de Lausanne) et du Musée national d’Art moderne (Pompidou).
After a troubled childhood, August Walla was diagnosed with schizophrenia and admitted to the Gugging hospital in 1970, later moving to the House of Artists, where he remained until the end of his life.
Walla filled p. with writing, and when paper became too limiting, he covered the walls of his room. In his work, writing and drawing are inseparable, infused with obsessive symbols and unfolding as a continuum, where each part is inseparable from the whole.
Collected by David Bowie, Walla is featured in numerous collections worldwide, including those of MoMA, the Milwaukee Art Museum, the Collection de l'Art Brut in Lausanne, and the Musée National d'Art Moderne (Pompidou).
États-Unis 1954 - 2024
Découvert aux débuts des années 80 dans un centre pour sans-abris, à New York, Melvin Way est aujourd’hui une figure incontournable de l’art brut contemporain. Ayant interrompu ses études scientifiques en raison de sa schizophrénie, il n'a eu cesse de recouvrir des fragments de papiers de formules mathématiques, chimiques, de croquis sibyllins… Ces denses billets talismaniques, qu’il gardait précieusement dans ses poches, exhalent un magnétisme rare. Le prix Pulitzer 2018 de la critique, Jerry Saltz, le considère comme « un génie mystique visionnaire, l’un des plus grands artistes américains vivants », il fait partie des collections du MoMA (New York) et du Smithsonian (Washington).
Discovered in the early 1980s at a homeless center in New York City, Melvin Way is now a key figure in contemporary art brut. Having interrupted his scientific studies because of his schizophrenia, he relentlessly covered fragments of papers of mathematical and chemical formulas, sibylline sketches… These dense talismanic notes, which he treasured in his pockets, exhale a rare magnetism. The 2018 Pulitzer Prize for Critics, Jerry Saltz, considers him “a mystic visionary genius, one of the greatest living American artists.” The artist’s works are now in the collections of the MoMA (New York) and the Smithsonian (Washington).
George Widener États-Unis 1962
Ancien technicien de l’US Air Force, c’est vers la trentaine qu’on lui décèle le syndrome d’Asperger. Celui-ci se caractérise, chez lui, par une mémoire eidétique qui lui permet de faire resurgir dans ses œuvres quantité de données, notamment chiffrées, relatives à ses sujets de prédilection. Le temps, les carrés magiques, le Titanic, les mégalopoles fictives figurent parmi les thèmes récurrents de ses dessins. Présent, entre autres, dans les collections du Smithsonian et de Pompidou, il a notamment été montré au Palais de Tokyo, à Paris, dans l’exposition culte Le Bord des mondes ou dans An Alternative Guide to the Universe à la Hayward Gallery, à Londres.
A former U.S. Air Force, it is only when he reached his thirties that he was diagnosed with Asperger’s syndrome. His syndrome is characterized by an eidetic memory that allows him to insert in his works a lot of data, especially encrypted, relating to his favorite subjects. Time, magic squares, the Titanic, and fictional megalopolises are among the recurring themes of his drawings. Present, among others, in the collections of the Smithsonian (Washington), his art has been shown at the Palais de Tokyo, in Paris, in the cult exhibition Le Bord des Mondes or in Alternative Guide to the Universe at the Hayward Gallery in London. In 2024, he was exhibited at Lafayette Anticipations (Paris).
Carlo Zinelli
Italie 1919-1974
Interné définitivement à l’âge de 31 ans après avoir participé à la guerre d’Espagne avec le contingent italien, Carlo Zinelli est aujourd’hui considéré comme une figure phare de l’art brut. Sortes de contes illustrant des épisodes ayant précédé son internement, ses dessins itératifs et disloqués dans lesquels la perspective est abolie au profit d’écritures interstitielles, semblent annoncer le concept de « modernité ». Mis à l’honneur dans nombre d’expositions internationales, Carlo Zinelli a été exposé au Giardini lors de la Biennale de Venise de 2013 et nous avons le plaisir de présenter ses œuvres à l’occasion d’Art Basel Paris 2024. Un ensemble important de ses œuvres a rejoint en 2021 les collections du Centre Pompidou.
Committed at 31 years old after participating in the Spanish Civil War, Carlo Zinelli is now seen as a major figure of art brut. Like tales illustrating episodes of his life before his internment, his iterative and dislocated drawings in which perspective is abandoned and replaced by interstitial writings aligned with the concept of “modernity”. Honored in many international exhibitions, Carlo Zinelli was exhibited in the Giardini at the 2013 Venice Biennale and we are pleased to present his work at Art Basel Paris 2024. Many of his works were donated to the Centre Pompidou in 2021.
What goes on “in the space between the readable and the visible” – as Michel Thévoz calls it – or in what Dubuffet referred to as “implicit languages” ?
What happens when meaning slips away under the profusion of signs? When, writing through drawing or drawing through writing, it is no longer a question of anything other than expressing oneself, by all means available.
At the risk that this metalanguage might cross the sky without hitting any target. Unless, unless one of us happens to pass by, ready to be moved by this soliloquy, ready to understand – literally to take in –this semantic deluge that resembles the "Babelian drive." And that person would then become the providential recipient of this cryptic outpouring, not as an exceptional cryptographer, but as someone who would find within themselves all the potentialities of expression. Capable of feeling the evocative power of the ideogram – image and text inseparable – as in ancient times, or of delighting in the ramblings where science and poetry walk together. Or even experiencing the little music of graphorrhages that unfold like mantras.
Rhythm and composition, in constant tension, seem to want to reveal a new, primal meaning, like a cry. After all, just as we speak of bursts of voices, shouldn’t we also speak of bursts of signs? Thus, every glossography would no longer appear to us as the inability to master the codes of language, but as a way of surpassing them, of reformulating them.
What strikes us in these palimpsests, these magical codings, these sedimented words, these hypnotic iterations, these secret vocables, these asemic writings, is the formidable plasticity of a primordial language that would contain all others. As
Jean-Marie Gallais writes, "The signifiers end up detaching themselves from the signified and become a music for the eyes."
This fourth installment of Do The Write Thing thus concludes this first cycle dedicated to graphein. This Greek word meaning "to make cuts" evokes that moment when humanity invented the world by engraving signs onto the surface of things.
do the write thing : read between the lines #3
do the write thing : read between the lines
There is a sense of vertigo in the process of learning to write and read. At a certain point, one realizes that what is drawn, when placed end to end and connected, takes on another meaning.
The strokes become letters in the Latin alphabet, and these letters signify differently. They echo sounds, transcribe syllables, and eventually enable the construction of words. Once we have learned to recognize and read them, something is lost. It is no longer possible to return to the prior state. The world seems to have become readable, as we focus on the uppermost layer of signs that appear before us. In a way, we are initiated into literacy with a possible sense of mastery over the things around us. The steady progress of literacy has only expanded the realm of the written word, once reserved for an elite. As a vehicle of history and a sensitive medium, writing requires few means; some might even call it democratic.
It is through gestures that one testifies to a passage, a thought, a position—beyond even the manuscripts of writers. When one looks at the margins, communal walls, and cell doors, when one examines all the traces left by writers—schoolchildren’s notebooks, accounting ledgers, diaries, or loose sheets—one opens oneself to other narratives, including those of Art Brut.
If writing has something of a revelation, allowing us to formulate the environment that surrounds us, this has very concrete consequences for the artists represented by the Berst Gallery. Janco Domsic, a Croatian exile who arrived in Paris in the 1930s, practiced coded writing. Was he influenced by the textual landscape of the great city as depicted by Aragon in Le Paysan de Paris, with its signs, advertising slo-
do the write thing : read between the lines #3 gans, and posters? Through his drawings, he developed a highly elaborate system that seems to be a mystical counterpoint to modernity. His rigid figures, drawn with a compass, are hieratic and covered in symbols. His balalaika player evokes affinities with Oskar Schlemmer’s dancers through its mechanical aspect. By intertwining religious, political, and Masonic symbols, Domsic seeks to uncover what moves individuals and society, striving to go beyond appearances. He looks toward the heavens, as suggested by the phrase "avec toutes ces étoiles" ("with all these stars"), which stands out almost as a title. Drawing after drawing, he develops his own mythology. His work resembles an astrology treatise, where even the orientation of the text carries significance, structured entirely around near-alchemical figures.
In the large-format work (100 x 70 cm) dedicated to the Tower of Babel, Josvedy Jove Junco, also known as El Sirio, presents his version of the myth. Encouraged to read from an early age by his mother, the Cuban artist recalls browsing all kinds of books, yet, always intrigued by the question of origins, he became particularly passionate about history books. A great storyteller, he invents adventures that can last for hours, captivating his audience with his poise and eye for detail. It is unclear when exactly he began drawing and writing, but the accumulation of notebooks suggests a penchant for expansive narratives. He intertwines real and fantastical events, inventing and depicting characters and their coats of arms. Writing and drawing are inseparable; like a medieval calligrapher, he carefully
crafts illuminated initials for his titles. His text is organized around miniatures that reveal various sources of inspiration, some more popular than others. His forceful gestures put the medium to the test. Drawing and writing allow him to escape the everyday through storytelling, the overflowing transmission of a personal cosmogony that enables him to transcend childhood episodes of paranoia and hallucinations.
The concept of individual mythology, developed by curator Harald Szeemann, helps us grasp the works of many Art Brut artists. The need for expression structures their daily lives, as they compose from their visions and experiences. Drawing and writing take on an almost magical function: a means of warding off what surrounds them, creating distance, and perhaps even sanctifying. In Joseph Hofer’s drawings, nudes—whether male or female—occupy the center. The body defines a gravitational point, emphasizing the belly even before the head, and the drawn frames that delineate the gaze may even obscure the face. The artist highlights what he deems important. The frame that defines color serves the same function as text in a cartouche. One might think of emblems or coats of arms. The repeated syllables "Pepe" in mirror form act as a signature, introducing writing as a means of self-duplication and exploration of a concrete, physical alterity.
Art Brut does not lend itself to easy interpretation. Rounded or angular strokes, connected or block letters—these serve primarily to encounter a singularity. Drawing and writing allow for a wide va-
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do the write thing : read between the lines
riety of execution across diverse media, blurring distinctions. There is indeed an element of obsession, a manner that asserts itself and marks all works while allowing for numerous variations. In Carlo Zinelli’s works, who turned to drawing later in life, India ink forms figures—such as horses— while also preserving white spaces and interstices. A rhythm emerges with his pencil, inscribing letters that are often highly ornamented, with demonstrative loops and other effects that reveal a conscious engagement with writing’s visual impact. Through these dual registers—black and gray, voids and solids—he evokes adventures inspired by biographical elements preceding his institutionalization. In contrast to Dwight Mackintosh’s figures, which share the same consistency as his lines of writing, Zinelli’s work demonstrates a strong engagement with contrast. Mackintosh develops writing beyond intelligibility, where everything exists as vibration. The highs and lows of characters establish a rhythm, echoed or countered by the hand in the drawing. He frequently doubles his strokes, producing a trembling effect that may stem from the pleasure of the gesture or the fear of losing control. The artist speaks of the "obsessive need to fill the blank page with a personal mark."
Brut writing is not necessarily meant to be legible. It can be an address to the absent—a distant mother for Harald Stoffers, or even God for Jill Gallieni. It is a prayer whose words are kept private, yet its in-
tention is shared through signs and form. The model of the letter, the missal, or the prayer book becomes operative on its own, much like Vera Molnar’s simulated letters from her mother, which over time became illegible. For many artists, resemblance to writing suffices. It evokes a state before reading—a possible childhood.
One can choose to find worlds within words; some even see "amoebas" in them. Pepe Gaitan spends his days in libraries selecting and photocopying texts, then alters them with erasures, collages, and colorful markings. His work suggests a decoding method, sometimes resembling an encyclopedia that highlights what we do not know—what is too small to observe. Seeking another form of writing, he attempts to give shape to the invisible. For Ramon Losa and Dan Miller, legibility is not about decoding but about action. It is a means of influencing perception and restructuring a world governed by language.
Writing has, since its invention in various cultures, been linked as much to magic as to accounting. The earliest known writings from Mesopotamia consist of ledgers and records, whereas Chinese myths suggest a nearly mediumistic power in writing, elevating its practitioners to custodians of cosmic secrets. George Widener, whose works incorporate numerous dates and numerical data, sees accounting as a means of accessing previously unreachable truths. A trained technician,
he produces diagrams, inventories, calendars, and tables to support his inquiries. His intense mental activity, exceptional memory, and mathematical abilities make his drawings true demonstrations.
Writing structures the world. It unfolds a narrative, and from posters to comic books, it has permeated popular culture. For the Cuban artists Guillermo Rigoberto Casola Marcos and Misleidys Castillo Pedroso, writing appears in vibrant colors—expressing daily scenes in one case and manifesting interjections in another. Like onomatopoeias, "Imeofac" and "Imeotc" call out to us, though their meaning remains elusive. These two gouaches on paper place us in the position of the illiterate woman interviewed by Marguerite Duras, who found the word "lilac" beautiful, "almost as tall as it is wide." We navigate what we believe we can read and perceive other realities.
Art critic and exhibition curator, Henri Guette came to contemporary art through his interest in contemporary poetry, particularly in the way Charles Pennequin extends his texts beyond the book format. A member of AICA and c-e-a, he approaches art through the lens of literature, paying particular attention to language and narrative.
He collaborates with various journals and magazines such as Critique d’art, Possible, and Gazette Drouot, and also participates in podcasts with the Jeunes Critiques d’Art collective and the radio show En Pleines Formes. Having held different positions, including cultural project manager at the University of Lille—where he coordinated artist residencies and part of the programming—he has developed a strong knowledge of cultural policies. This expertise was highlighted in the exhibition Aller voir et laisser passer, celebrating the 40th anniversary of the municipal gallery of Vitry.
He continues his curatorial work today, notably within the association Fernrohr, with which he developed a series of exhibitions and events around Rayon Vert. His practice often integrates fiction as a space for encounters, as seen in his adaptation of Rachilde’s short story Le Château hermétique in collaboration with Parc Saint-Léger, a contemporary art center.
do the write thing : read between the lines #3
do the write thing : read between the lines #3
préface du catalogue do the write thing ; read between the lines #3, christian berst art brut, 2022
What strikes you directly in the exhibition do the write thing, the third in the series initiated by Christian Berst, is a flow. It appears as a given upon entering the gallery space, it grabs you, envelops you and pervades you.
Different ways are traced from its source, from little shavings of paper to a lacework of p. and signs, masterfully unfolding before our eyes, with force. However personal and individual the works presented, they share this flow or are inserted into it, just as the flow of rappers is transmitted from participant to participant in battles. Flow is the relationship between musical rhythm and the speed at which words flow from the mouth. The cadence here is not that of the beat box but that of the wrist, and the rhythm is above all visual. With the unsolvable mystery of determining what guides the wrist. What is it connected to? What body, what spirit, what entity feeds this flow?
Letters are sometimes roughly chopped, sometimes delicately chiseled. But I am wrong to say letters. You have to read between the lines. To take into account
the tracings, diagrams, drawings, erasures and rapid scribblings, as well as the spaces. Meaning escapes this way. Throughout the visit I was reminded of Annie Cohen, who showed me her scrolls of writing some time ago:
“To write again and again an uninterruptedsuccession of words in black ink and try to knit the meaning to get lost and to lose so as not to lose the taste the gesture of the hand the hand that knows that knows the way the hand of the scroll that wants again and again to draw words to make meaning
do the write thing : read between the lines #3 to occupy the space of the paper by dint of of wanting to write by dint of wanting to record the meaning making text over legibility beyond legibility and to never stop to say the unbridled love of the gesture of writing [...]” (La Langue blanche des rouleaux d’écriture, 2002)
[The White Language of Writing Scrolls, 2002]
The crazed passion for the act of writing, even without using known letters or glyphs. Brion Gysin called his signs “fire calligraffiti”. Writing is also drawing. The person who said so first was undoubtedly already repeating it. The proximity between writing and drawing is even more interesting when we depart from the intelligible zones of the text. This degree of abstraction goes beyond linguistic borders to bring us closer to the trace, the major gesture of art brut (and art in general), the trace left by this “hand that knows the way”.
Some forms of writing do not need to be read, they are the scribble or doodle. Kenneth Goldsmith gave a lecture at the Centre Pompidou-Metz last January on the current state of affairs of scribbling (scribbling with a continuous line) and doodling (scattered doodling), two activities that we all or almost all do at certain times in our lives, with varying degrees of involvement, gestures that are a priori “ephemeral, without
commitment and without gravity.” Now, if this description suits the graphic wanderings of the dilettante, the child or the amateur, it is not acceptable for the authors of the works exhibited here, many of which are serious, demanding and significant. This is why it is impossible for us to be satisfied with a formal reading. Certainly, the rhythm, the composition, here the thickness of the line or there the interruption of it by a collage of images, provide qualities that fill us with wonder and that we must consider on an equal footing with other fields of creation. But something else is taking place, and it is the lost meaning that intrigues us first.
The desire to decipher, necessarily only partially, comes knocking, but without insistence. The central piece of the exhibition, a large scroll by Harald Stoffers, focuses all attention. One can spend a lot of time contemplating it, trying to decipher it: “Liebe Mutti,...”. A letter? Other names appear, several apostrophes, addresses, itineraries, and timetables punctuate these very musical stave lines, some of which look like plates screwed together at four points – reminiscent of Mallarmé’s saying that he drove letters in like nails and that the poem lay not in the nails but in the blanks that remained around them. In this unaddressed letter-soliloquy, with blanks and lines as important as words, the everyday has become monumental, like the overflowing flux that took hold of us as soon as we entered.
The gaps, however, diminish. The lines in Stoffers’ work, and in that of others, are sometimes tightened to the point of satu-
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ration. This is the case with the numerical stamps of the young Japanese autistic Momoko Nakagawa, which invade the small p. with their inked backgrounds, repeating an unchanging sequence, or with some of Kunizo Matsumoto’s envelopes, which are covered with ideograms of her own invention and various finds. Even more saturated are Michel Nedjar’s thick, liquid repeated writings. In the exhibition we find the distinction that Roland Barthes made between the two sources of writing: the line and the tablecloth (as in the kitchen, he said).
Further on, the p. inscribed on both sides by Ramón Losa attract my attention. The density and regularity with which the letters invade the page call for deciphering, but this is complicated by the mixing of languages, the inversion of letters, their repetition and the invention of words. On one page, drawing largely dominates the space, the cross-hatching and striations are extended at the bottom of the page by a final arched line that forms the loop of a letter: the e in “etc.”, followed by a string of dots:
Drawing and text are thus totally intertwined. The letters continue in lines, the lines end in writing and the whole is balanced and equalised. A block of letters at the bottom left, with no punctuation and regular spacing, begins by referring to R I M B A U (sic) P U I S S A N T. T O M B E A U, T
E M P S M O R T, D U R E T E M A C A B R E. [RIMBAU (sic) POWERFUL, TOMB, DEAD TIME, HARD AND MACABRE] On the back it says in Spanish: “Look at bodies
as pictures. The body is made up of pictures”. The lines we have just mentioned fill a page that began with an image, that of a body: a photo-booth portrait, truncated, stuck on the crossed-out word Fotografia. One moves between the two sides of the drawing, regularly interchanged during the exhibition. On the back, after drawing on a third of the page, Losa has written: “I’m fed up, it’s boring” and inscribed letters forming a meticulously rhythmic shower of insults.
These fascinating impulses seem more controlled nearby, in the work of Jorge Alberto Cadi, known as “El Buzzo” (the diver) in Cuba. Follow the lines of this virtuoso collage, and the elegant-looking tangle will be all the more dense and complex. Next to it, two gouaches by Carlo Zinelli plunge us into parallel worlds, both primitive and futuristic. Moon-eating figures, stylised fauns, bird fights, wheeled equines, upsidedown worlds, flying silhouettes, crosses and horns: the drawings spread oceans of signs, sinuous words, numbers, onomatopoeia and roars looped in all directions amidst the large contrasting figures on both sides. The parsimony of the colours added to the mastery of the techniques and the occupation of space make these messages from another world powerful representations, beyond any temporal or contextual consideration. They will no doubt be exhibited for many centuries to come.
With each sheet, we let ourselves be carried away by the rhythms, by the effects of the writing on the paper (whether it transpires like the upside-down graffiti in
José Manuel Egea’s work, or whether it is adorned with black flat tints in the loops of John Patrick MacKenzie’s work), and then we cling to a few snatches of meaning, or one sinks with delight into the material that covers the p., coloured undulations by Joseph Lambert or black paste on the canvases of Ken Grimes, which only allows cosmic silhouettes to emerge and words to form questions about these signs that have appeared:
same person that we leave the desert, society.
To write is to be nobody. “Dead”, said Thomas Mann. When we write, when we call, we are already the same. Try. Try while you are alone in your room, free, to call or answer above the abyss. To mix with the dizziness, with the immense tide of calls.
That first word, that first cry, you don’t know how to shout it. You might as well call God. It is impossible. And it is done.
M.D.
At this precise moment in the exhibition, something unexpected happens. My phone, which I use as a notepad during my visits, goes haywire. Letters are no longer displayed. The automatic spelling corrector transforms the text I want it to write into another language.
Chaissac becomes Chaos Sache.
A flurry of signs, drowned words reach us. Take these envelopes by Matsumoto, memory boxes sent to WHO? Are they intended for us? Christian Berst provides us with an answer to this central question of art brut in the introduction to the exhibition. The writings and drawings on display have something of the anonymous calls made in the night of Marguerite Duras’ Navire Night:
As soon as we call out, we become, we are, already the same. To whom? To what? To what we know nothing about. And it is by becoming the
Confronted with an untranslatable flow, the artificial intelligence invents its own way of writing. My phone scribbles instead of me,
do the write thing : read between the lines #3
vue de l’exposition view of the exhibition do the write thing : read between the lines #3, christian berst art brut, 2022.
it has lost the thread, the letters get tangled up. The machine rewrites, no longer responding to punctuation. Finally, without the wrist interfering, the experience of a flow that is no longer under the usual control is replayed here, and the minor incident seems to me to be perfectly in keeping with the works that surround me. Not all of them are anti-technological, on the contrary, many of them play with systems: probability, hammering and contemporary music in the work of Jean-Daniel Allanche, Vedic glyphs in the work of John Urho Kemp, or the erudite Esperanto tables drawn by the inventor Jean Perdrizet. The difference is that the machine usually controls and regulates the flow. I then think of the computer that Charles Arsène-Henry has been developing for more than ten years within “La Bibliothèque est en feu” [“The Library is on Fire”], a project housed in a discreet floor of the tower of the LUMA foundation in Arles. The computer he has developed to create other ways of reading and probing reading in a meta-fiction is called A C K S E T R O N K U S A N A G I. A detail of some importance when we think about this notion of flow: if a contributor wants to send text to the computer, they have to do so in two stages, typing it in once while the text is encoded by the computer in a sequence of numbers, and when they want to send it to the retransmission screen so that it appears intelligibly, the author-researcher must then write it in by pressing any key on the keyboard. The author-researcher is then free to choose the rhythm of their flow by choosing only one key or by typing all over the keyboard, but it is the first encoded text that is displayed, free of typing errors and hesitations. The writing
is differentiated from the typing in order to free this flow, to reach the spontaneity of the works of do the Write Thing.
My phone starts working again, without me touching anything. I pause in front of a drawing by Dwight Macintosh and two p. of layered writing by John Ricardo Cunningham. The feeling of reading is indeed that which emanates from the whole exhibition, notwithstanding the interferen- ces aimed at corrupting this impression. Yet we are disarmed as decipherers of these cries and whispers in the unknown. Perhaps there are only tremors on paper that pierce the silence of these artists? What is the sound of these written languages? Is it the sound of a hand breathing, relaxing or becoming exasperated? A hand ploughing (Barthes again)? Gestures that exult and liberate a body and a mind, or that measure their despair? Unsolvable questions that feed the passion of art brut. We witness messages; the energy of the line, the fluctuation of rhythms, the dissemination of signs and the mystery of the act of writing then act. Certainly, these sheets of paper – to borrow these words from Henri Michaux – allow their authors to, “draw the consciousness of existence and the flow of time: as one feels one’s pulse.” (Passages, 1950)
Jean-Marie Gallais graduated from the E.H.E.S.S, the Ecole du Louvre and the University of Lille 3. Between 2016 and 2022, he was the head of the programming department at the Centre Pompidou Metz, where he curated the exhibition Ecrire c'est dessiner (5 Nov. 2021-Feb. 2022). Since 2022, he has been a curator at the Bourse de Commerce – Pinault Collection.
do the write thing : read between the lines #3
preface of the catalog do the write thing ; read between the lines #2, christian berst art brut, 2018
« It seemed to me that what we could write depended on everything, except itself. »
Roger Caillois
The Verb is ours. It is, literally, what the Ancients taught us. Satisfied that mankind had created a clever system to carry messages, count goods, mark livestock and record the names of kings, queens and heroes for posterity, they rightly rejoiced, demonstrating as it happens a great amount of discernment: whether it is inscribed in clay or wax, whether it is made of ink dispersed across papyrus, fabric, skin or paper, the word never abandons us, no more than its auxiliary, the letter.
If we are happy to consider that writing is what distinguishes man, unlike laughter, which we share with the hyena and the chimpanzee, we will only find a possible rivalry with the eumolpus and the snail. These two are also in the habit of producing lines of writing or isolated letters, the latter by leaving a shiny path of slime, the former by nibbling on the leaves of grapevines. The question of the meaning of their words, if we dare say, immediately settle the rivalry they could have with mankind, the snail having nothing to say, no more than the eumolpus, unaware in its mandibulography of the Verb’s exultation. Writing is indeed an exclu-
sively human activity. For centuries, women and men have dedicated themselves to it with a phenomenal energy, the traces of which, unequally impressive, sometimes incredibly vain or simply deceptive, have been maintained by museums, libraries and bookshops. With respect to its use by the disciples of glory, power or accountability, the graphic existence of the letter has taken on formidable stakes. Its visible reality, its density, and its color have naturally become the responsibility of professionals of the letter, called graphic designers and typographers – we’ll take the liberty of leaving linguists out for the moment.
In the everyday sense, the manual act of writing, this primordial gesture that was practiced early on in caves and in the desert before scribes, other professionals in the field, took over, is what interests us, at the moment when this petro-chemical and thus plastic society has made Azertyop common. The gesture of a hand carrying signs and messages, enacted by one being for the use of other beings, is the real hero of this exhibit. Representing the message or simply symbolizing this figuration – that is
the nuance with which the representatives of Art Brut, and the spirits that inhabit them, have played.
Subtle and triumphant victor, the act of writing is variable, caressing, suddenly brutal, abrupt and then curvy, arranging its angles, sometimes biting the material. It knows how to vary its intensity, its suppleness, how to throw itself into the unexpected hammering and then the squashing of the material that it just grazed. As a consequence, the codes, which allow us to recognize a word that for two centuries has been analyzed at length by everyone beginning with schoolchildren who don’t have a choice, are not always valid. Artists have commented that writing a letter, a word, gives an image a distinct status. They have therefore ceaselessly circumscribed them, coaxed them, perverted them. Well before publicists, the clergy had also understood the unique function of the letter. Through impregnation and with the tools they have at hand, the greatest representatives of Art Brut have taken over the ball-point pen and the marker, the pencil and the dactylogram, in order increase the density of their words, just as one gives greater weight to a slogan so that it marks the mind more deeply. This is how an artist like José Manuel Egea joins the ranks of the best graphic designers of the last hundred years.
If we refer to the taxonomy proposed by Michel Thévoz in “Writing and Folly,” on the writings of Harald Stoffers, there would be cause to distinguish the cases methodically. We wouldn’t put the prayers of the “libra-prophet” Royal Robertson, the
authentic products of his resounding “Robertson Sign Services,” in the same category as “The Treegan,” the poem by John Urho Kemp – whose “The Word” says something that is otherwise stronger and more consummate –, the illustrated manuscript by MacKesson or the troubling words of spiritualist origin that the possessed Fernand Desmoulin added like a seismograph to his otherworldly missives.
According to M. Thévoz, first there are the “sense-less writings,” which are the “fruit of an elementary graphic drive” that we cannot deny for all the aforementioned reasons. The Drive of Man: the human being likes to write in order to take his place in the world by creating sounds and signs. With respect to the “senseless” character of his writings, well, it is well-known that we sometimes end up talking differently, using parallel paths, some of which lead to ineptitude. In the way Joyce arrived at Finnegans Wake for example. Nevertheless, we would prefer to call “metagraphy” either “writing about written forms,” “the writing about nothingness without a known alphabet” evoked by M. Thévoz to designate the ligatures of letters with esoteric codes whose meaning is entirely enclosed in the mind of its creator, the artist, who either is or isn’t willing to share the essence. With the artist not under any sense of obligation, he owes nothing to anyone but himself –even if a certain amount of classicism, respectful of formalities, permeates Han-Yi’s letters, even if the blossoming of Fischer’s works and the frank colors of an everyday life as luminous as a holiday brighten those of Carlo Stella. “con mi familia”
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do the write thing : read between the lines
With Zdenec Kosec, let’s suppose that words “in Futurist freedom” have, for a century, adopted an assumed anarchy–in artistic circles, since in the institutional context, this autonomy had been a given for a long time: letters, traced or sewn, had, before Pinel, reached the age of freedom and had the mad audacity of belonging to non-existent alphabets. Besides, they didn’t wait for Charles Nodier. With the spiritualists for example, or those artists without authorization or glory, autonomists who threw letters onto paper for their intrinsic beauty and who assigned them a significance that they could reach. And what they are going to reach is the performative magic of the words spoken by gurus and witches.
With their customary shamelessness, artists naturally invest in the impossible by letting it proliferate wherever the spirit of the sign detects a white area. Monochrome and telluric in John Ricardo Cunningham’s work, the drawn letter evokes the supple evanescence of a hair caressed by the wind (Saito) but it can just as well ignite the red beacon of a predator’s eye through a jungle of hostility (Baker), it settles down on the sumptuous uniformity of a blackness that is the master of an eclipse determined to emboss the paper with the recurrence of its strokes. The young Anton Hirsfeld also rehearses this palimpsest, with more softness nevertheless, he protects the names of those close to him under the pastel where he preserved them, just as we forge a shelter made of the people we love by making them a small charm.
The letter also has its butterflies. Naviga-
ting through space because a word tends towards its object, the letters don’t fear crossing or even provoking the chaos of discourse. Dan Miller seems to have captured the labyrinth of conversations in an advertisement. His words are damning to typographers, who will understand well the proliferating taste for invasive letters. Like duckweed, the intertwined characters of the geographer Jill Gallieni weave a landscape and occupy it by leaving a topographical weave on the surface that Joseph Lambert, the geologist, highlights even more with strata, calling our attention to the phenomenon of sedimentation that he puts on display.
What do these “symbioses of language, of writing and of image” (Maria A. Azzola) tell us? Non-alphabetic writing, whose mystery remains whole like the Zaum language of Russia (Iliazd), whose poetry is a galloping beauty. These composed works speak in a manner beyond our abilities. Here we must admit that we surely misunderstand Josef Hofer’s or Dominique Theate’s densely populated cosmogonies, which assail us, offer figures for press drawings, provide portraits made of letters following particular methods, portraits of doppelgangers or self-portraits… Characters spring forward in Josef Hofer’s cartouche; they spell out his nickname and then splinter, leaving the characters to find their place around the mirror. Beings communicate through their Adamic language, their personal Sabir, and in a utopic space that is sometimes as chaotic as Patircia Salen’s; energy, urgency, excitement, and hysteria are what embody the stridulations of an intense desire. As it
This concern for transmission is evident in the work of Giovanni Bosco, Carlo Zinelli, Josef Hofer, and Milton Schwartz, “poster designers” that they are. They all master the codes of agitprop, the scansion of essential forms, and radical colors perfectly. Some of them push even the musicality of forms to the point of slipping into an enveloping psychedelia (Mehrdad Rashidi).
Incidentally, it is striking that Pascal Tassini’s withdrawn words and Auguste Walla’s powerful style are veritable odes to printing, this goddess who protects the letter and those who use it.
More than in many books, the art of the letter is honored by Dan Miller and Walla, who chose dactylography, or by Anibal Brizuela, who on his end chose to manually interpret it in a turn-game, or by Josome Hodinos whose republic of fantasy puts his official acts and documents on display with all the required grandeur. As for Kunizo Matsumoto, he placed his words like delicate insects on a page from an arrested planner. Stoffers sets down his lines of words written in marker, pushed up against each other, like lines of cavalry ready to take
goes with rages, certain artists have fussy desires, bouts of meticulousness. They are the clerks of a reality whose ultra-fine grain is hidden from our eyes. Their microscopy tends towards cryptography – that formidable science of alchemists and soldiers that exposes the linguistic paradox of individuals who are simultaneously worried about being understood and about not understanding everything… Like the worshippers of language – who pin it down elytron by elytron –, artists sometimes have the intuition of encyclopedists. To use the formula forged by Etiemble in his course on “The Question of Comparative Poetics” (19591960), their “generalized Babelian” is essential. All alphabetical, musical, symbolic, and ritual graphemes translate the eruption of the world in all its variety, which can be nerve-racking. We make out a primal emotional source that cannot be diverted or refused. It is clear that the “semantic deficit” uncovered by Michel Thévoz counts for little when it is a matter of describing everything exactly, in detail. Without a palinode, the graphic gesture takes precedence, a floating flux of signs forming words perhaps, a fixed continuum, subsequently tolerable and brilliant. As would be a musical score, needing to be deciphered in order to capture all the beauty. The encyclopedic drive of Serge Delaunay, Oscar Morales or Ozaki Shogo, their art, that of a utopic engineer, evoking to the point of mistaking itself for the Turkish artist Yüksel Arslan’s vibrant encyclopedism, varies at times. It is that rich. Jean Perdrizet, the very accomplished, if not supreme, representative of a certain Civil Genius that is surely radiated by this colorful mechanic whose world exults as if he was wrapped in Spring every day. What fervor with a pencil! Some specialize and only remember what is most striking. Melvin Way stops at chemical compounds, Talpazan with flying saucers. Their pedagogic care pushes them to become precise reporters of phenomena that they observe, these explorers of their own environment. It’s that, as with John Delvin, appointed to imaginary land registers (with figures), “Este mundo “nuestro” que se nos va…” (Hilda Dupont Theurel).
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off, move, modulate, always in the mobile expression of terms. We espouse the perspective of “topographers” who, with Harald Stoffers, can be seen putting city plans together, or an evolving “song line” like those that the aborigines described by Bruce Chatwin sing.
Like the mystery of compass songs, one question remains without a response: does rational writing have a place in Art Brut? Besides, does it still have a meaning… Questioned since we entered postmodernity, the rationality of discourse was in the 16th century already susceptible to the ineptness of one Bernard de Bluet d’Arbères, a notorious literary madman already established in the environs of Saint-Germain-des-Près and the Pont-Neuf. Illiterate, making use of a secretary, he already manifested through his insolent and baseless “prognostications” the fact that the act of writing didn’t imply a general coherence of the message, which could just as much be “dots and horizontal, vertical, oblique, zigzagged, curved, undulating, and crisscrossed lines” (M.A. Azzola). Just as graphomaniacs are judged negatively by the reading community, writing sometimes seems carried by its one function, not by the nature of what it says with its own specificity. A disturbance of lines being necessary to construct a style and a form that would be literary or erudite; it seems that over and over again, sentences mimic discourse and are happy with that. From that point on, words arranged formally to make an “advertisement,” “novel,” “essay,” “speech” become a pointless language made of these “elements of discourse” that are hollow doublespeak.
The works gathered here show how we can distinguish the atonic and the amorphous from energetic “streaks of lightning” (Florent Chopin). Here, letters, words, sentences or graphemes, disseminated through the obsession of artists devoted to their message. This grapholalia cuts across all Art Brut. From the horse postman decorating his castle with mottos and oaths, or cabalistic signs enameling the text like encrypted post cards. Do the Write Thing is an exuberant expression of this. Victor Hugo’s exegetes had been obliged to evoke his “verbolalia” (Gustave Rudler) and his spiritualist writings. These enigmas of glacial other worlds themselves recall the textes drawn by the “pious mumblers,” copiers of bibles before the invention of typesetting. Ivan Illich’s In the Vineyard of the Text (1993) evoked how the organization of a text arranged optically created the conditions to slowly train logical thinkers. Giving way to grapholalia, artists on the other hand bring their own graphic organization of discourse, as we saw with the “poster designers.” Proof, if ever it was needed, that organization, like repetition, are from their point of view a necessity for understanding their essential message.
Breaking the tempo of their repeated gesture, with an occasionally neurotic fury and intensity, they record encephalograms of the verb. Finally we see what inhabits the act of writing, for everyone: intensity and intoxication. Formulation resembles amphigory, direct discourse combines slogan with glossolalia, the concert plays us its interwoven idioms, the irruption of phonemes, the slippage of concepts, the permutation of periods, the juggling of moments,
all at the same time. Babel is ceaselessly revived, and from the top of its ziggurat of graphic and sonorous bricks it diffuses the long breath of Humanity. In it, we can hear the perplexity of men along with their irritation, their life crippled with pains and colored by joys. Between two refrains, we hear the blaring message that the reflex to write guarantees humanity. A symphony of letters and signs carrying words and ills whose essential cycle was recognized by Michel Nedjar. The charm of the verb is for him so powerful that he gathered as a worthy medium the essential words of our speaking people in an early sketch: “existence,” “sleep,” “death.” With that, the letters name their Fates. The magician Pepe Gaitán also surely knows them. By observing the white cracks that cross the p. of text like furrows, he has reached the underside of texts, in that place where, perhaps, the mirror of souls is found. Unless the angel who announced the date of Armageddon to Zebedee Armstrong, provoking his construction of five hundred boxes meant to determine the real apocalyptic calendar, is hidden there. Letters and numbers hide pitfalls that the manipulators of crowds imagine endlessly and always in the same way, as Orwell warns us in 1984, as if humanity never perceived the intentions of the gods, no more than the warnings of soothsayers, the inspired and artists. When Yukio Miyashita, an irrefutably great Japanese artist, composes newspaper front p. inspired by the foreign press that he interprets, of what backwards premonitions is he making himself the messenger? What does he see in it that we should have seen?
In listening carefully to the letters, words and sentences that rustle or cry out at the heart of this vibrant gathering of lyric poets with languages that are unknown or too ethereal for our senses, we are reminded by Ibn Ezra’s comment on the Babelian period according to Genesis: “At this time, said the wise man, the words of a learned man and those of a fool were similar. Everyone used the same words but no one knew their meaning.” The Areopagus of artists gathered to celebrate writing managed it so marvelously that we would be rude if we didn’t take advantage of the opportunity to try to understand each other. But there is no rush, we have all the time in the world. Babel wasn’t demolished in one day.
Literary critic and editor, Eric Dussert is a specialist of forgotten literary works. Director of the “Alambic” collection, where he promotes certain restored texts (Marc Stéphane, Régis Messag, René Dalize, Louis-Timagène Houat), produces essays (A Hidden Forest, ed. La Table ronde, 2013…) and follows editorial news for the Quinzaine littéraire, the Monde diplomatique, the Matricule des Anges, or through his personal blog, the Alamblog (www.alamblog.com).
do the write thing : read between the lines #3
catalogues bilingues publiés depuis 2007 published catalogues since 2007
josé manuel egea luna llena entretien entre adriana bustamante, lola barrera et luis sáez, 100 p., 2025
john kayser texte de bruno dubreuil, 164 p., 2025
josé gabriel mendoza la palabra del mudo textes de luz ascarate & m. anceau, 114 p., 2024.
little venice aloïse corbaz, madge gill, leopold strobl, anna zemánková, 78 p., 2024.
tomasz machcinski american dream textes de zofia płoska-czartoryska & katarzyna karwanska, will heinrich et marc donadieu, 154 p., 2024.
les mots pour le dire #1 texte de laurianne melierre, 86 p., 2024.
ken grimes space oddity
texte de alejandra russi, 72 p., 2023
luboš plný body language texte de ph. comar, claire margat et lucie
žabokrtská, 88 p., 2023
sebastiàn ferreira megalopolis texte de christophe le gac, 100 p., 2023
joaquim vicens gironella paradis perdu texte de guillaume oranger, 130 p., 2023
in abstracto #3
texte de raphaël koenig, 130 p., 2023
hans georgi noah’s plane
texte de françois salmeron, 200 p., 2022
alexandro garcía architectura sagrada cosmica textes de pablo thiago rocca, charles mayence layet, 198 p., 2022
james edward deeds the electric pencil #2
texte de philippe piguet, 154 p.,2022
jesuys crystiano a contrario
textes de thilo scheuermann & m. anceau, 180 p., 2022
do the write thing read between the lines #3
texte de jean-marie gallais, 160 p., 2022
josef karl rädler la clé des champs
textes de céline delavaux & ferdinand altnöder, 150 p., 2022
les révélateurs débordement #1
textes de anaël pigeat et Yvannoé krüger, 200 p., 2020 - 2021
mary t. smith mississippi shouting #2
textes de daniel soutif et william arnett, 172 p., 2013 - 2021
julius bockelt ostinato
textes de ch. cuticchio et sven fritz, 300 p., 2021
anna zemánková hortus deliciarum #2
textes de terezie zemánková et manuel anceau, 300 p., 2021
franco bellucci beau comme... #2
texte de gustavo giacosa, 188 p., 2021
carlos augusto giraldo codex
textes de jaime cerón et manuel anceau, 200 p., 2021
le fétichiste anatomie d'une mythologie
textes de marc donnadieu et magali nachtergael, 250 p., 2020
zdeněk košek dominus mundi
textes de barbara safarova, jaromír typlt, manuel anceau, 250 p., 2020
in abstracto #2
texte de raphaël koenig, 264 p., 2020
albert moser scansions
textes de bruce burris et philipp march jones, 200 p., 2020
jacqueline b. l’indomptée
texte de philippe dagen, 280 p., 2019
jorge alberto cadi el buzo
texte de christian berst, 274 p., 2019
japon brut la lune, le soleil, yamanami textes de yukiko koide et raphaël koenig, 264 p., 2019
anibal brizuela ordo ab chao textes de anne-laure peressin, karina busto, fabiana imola, claudia del rio, 240 p., 2019
josé manuel egea lycanthropos II
textes de graciela garcia et bruno dubreuil, 320 p., 2019
au-delà aux confins du visible et de l’invisible texte de philippe baudouin, 220 p., 2019
éric benetto in excelsis
texte de christian berst, 212 p., 2019
anton hirschfeld soul weaving
texte de nancy huston et jonathan hirschfeld, 300 p., 2018
lindsay caldicott x ray memories
texte de marc lenot, 300 p., 2018
misleidys castillo pedroso fuerza cubana #2
texte de karen wong, 300 p., 2018
jean perdrizet deus ex machina textes de j.-g. barbara, m. anceau, j. argémi, m. décimo, 300 p., 2018
do the write thing read between the lines #2 texte de éric dussert, 220 p., 2018
giovanni bosco dottore di tutto #2
textes de eva di sefano et j-llanoux, 270 p., 2018
john ricardo cunningham otro mundo
180 p., 2017
hétérotopies architectures habitées
texte de matali crasset, 200 p., 2017
pascal tassini nexus
texte de léa chauvel-lévy, 200 p., 2017
gugging the crazed in the hot zone
204 p., 2017
in abstracto #1 texte de raphaël koenig, 204 p., 2017
dominique théate in the mood for love texte de barnabé mons, 200 p., 2017
michel nedjar monographie
texte de philippe godin édition, 300 p., 2017
marilena pelosi catharsis
texte laurent quénehen, entretien laurent danchin, 230 p., 2017
alexandro garcía no estamos solos II texte de pablo thiago rocca, 220 p., 2016
prophet royal robertson space gospel
texte de pierre muylle, 200 p., 2016
josé manuel egea lycanthropos
textes de graciela garcia et bruno dubreuil, 232 p., 2016
melvin way a vortex symphony textes de laurent derobert, jay gorney et andrew castrucci, 268 p. 2016
sur le fil par jean-hubert martin
texte de jean-hubert martin, 196 p., 2016
josef hofer transmutations textes de elisabeth telsnig et ph. dagen, 192 p., 2016
franco bellucci beau comme...
texte de gustavo giacosa, 150 p., 2016
soit 10 ans états intérieurs
texte de stéphane corréard, 231 p., 2015
john urho kemp un triangle des bermudes
textes de gaël charbau et daniel baumann, 234 p., 2015
august walla ecce walla texte de johann feilacher, 190 p., 2015
sauvées du désastre œuvres de deux collections de psychiatres espagnols (1916-1965) textes de graciela garcia et béatrice chemama steiner, 296 p, 2015
beverly baker palimpseste texte de philippe godin, 148 p., 2015
peter kapeller l’œuvre au noir
texte de claire margat, 108 p., 2015
art brut masterpieces et découvertes carte blanche à bruno decharme entretien entre bruno decharme et christian berst, 174 p., 2014
pepe gaitan epiphany
textes de johanna calle gregg & julio perez navarrete, bilingue (FR/EN), 209 p., 2014
do the write thing read between the lines textes de phillip march jones et lilly lampe, 2014
dan miller graphein I & II textes de tom di maria et richard leeman, 2014
le lointain on the horizon
122 p., 2014
james deeds the electric pencil texte de philippe piguet, 114 p., 2013
eugene von bruenchenhein american beauty texte de adrian dannatt, 170 p., 2013
anna zemánková hortus deliciarum textes de terezie zemánková et manuel anceau, 146 p., 2013
john devlin nova cantabrigiensis texte de sandra adam-couralet, 300 p., 2013
davood koochaki un conte persan texte de jacques bral, 121 p., 2013
albert moser life as a panoramic textes de phillip march jones, andré rouille et christian caujolle, 208 p., 2012
josef hofer alter ego textes de elisabeth telsnig et philippe dagen, 2012
rentrée hors les normes 2012 découvertes et nouvelles acquisitions
pietro ghizzardi charbons ardents texte de dino menozzi, 2011
guo fengyi une rhapsodie chinoise texte rong zheng, 115 p., 2011
carlo zinelli une beauté convulsive
texte par daniela rosi, 72 p., 2011
joseph barbiero au-dessus du volcan texte de jean-louis lanoux, 158 p., 2011
henriette zéphir une femme sous influence texte de alain bouillet, 2011
alexandro garcia no estamos solos texte de thiago rocca, 2010
back in the U.S.S.R figures de l’art brut russe texte de vladimir gavrilov, 2010
harald stoffers liebe mutti texte de michel thévoz, 132 p., 2009
made in holland l’art brut néerlandais texte de nico van der endt, 2009
american outsiders the black south texte de phillip march jones, 2009
manuel anceau, camille aubry, élisa berst, adriana bustamante, éric dussert, juliette daveau, antoine frérot, jean-marie gallais, henri guette, carmen et daniel klein, alejandro labrador, juliette lefebvre, jeanne rouxhet, michel thévoz.
Ce catalogue a été publié à l’occcasion de l’exposition do the write thing : read between the lines #4 à christian berst art brut, du 15 mars au 26 avril 2025.
This catalog has been published to mark the exhibition do the write thing : read between the lines #4 at christian berst art brut from March 15 to April 26, 2025.
design graphique et réalisation graphic design and production élisa berst
traduction translation chloé baker (EN)
3-5 passage des gravilliers 75003 paris contact@ christianberst.com