AMC n°266 - Dossier Hôpitaux Modulables - CHwapi - archipelago | baev

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hopitaux

L’architecture hospitalière évolue au rythme des progrès de la médecine, des techniques de soins et des grands enjeux sociétaux. L’hôpital s’agrandit et se reconstruit sans cesse. En France, où la fonctionnalité est garante d’efficience, ces programmes offrent moins de liberté aux architectes que d’autres équipements. Dans les grands vaisseaux d’échelle territoriale comme dans les petits pôles très spécialisés, le développement de la médecine et de la chirurgie ambulatoires ainsi que la transformation numérique s’avèrent cruciaux. Les surfaces d’hébergement se réduisent au profit de plateaux techniques toujours plus pointus et de zones d’accueil conviviales. Des parcours diversifiés et des espaces flexibles favorisent l’adaptation des lieux à l’offre de soins, la gestion des flux et de l’attente. Quant à l’hôpital numérique, il dépasse la simple dimension d’un outil : l’ambition est d’organiser le big data, la formation du personnel et la gestion, à l’intérieur comme à l’extérieur, des innombrables données de suivi d’un patient.

DOSSIER

Dossier réalisé par Christine Desmoulins


Dossier Hôpitaux

L’HÔPITAL DU XXIe SIèCLE, fonctionnel, connecté, flexible et ambulatoire

Monospace versus fragmentation « Avec son organisation en pôles d’activité, l’hôpital s’est horizontalisé pour regrouper des sous-ensembles dans de vastes établissements dotés d’un plateau pluridisciplinaire », note ­Olivier Contré, directeur de Kardham Architecture Paris, qui a toujours travaillé sur des programmes hospitaliers. « Lorsque j’étais associé chez Brunet-Saunier, nous avons développé l’idée que l’hôpital devait changer de peau et se "désarchitecturer". En simplifiant la forme, nous sommes arrivés au "monospace", principe que je fais évoluer aujourd’hui au sein d’un groupe ­pluridisciplinaire. » Selon lui, l’imbrication d’espaces physiques et virtuels dans un bâtiment autorise de nouvelles façons ­d’associer les fonctions et de ­nouveaux parcours ambulatoires. « Mais si, en ville, le macro­pavillonnaire diffus permet de ­redéployer l’hôpital en îlots morcelés, l’architecture ne doit pas se refragmenter au motif que le numérique dessine un espace commun. L’espace unique demeure essentiel pour configurer sans limites les disciplines médicales au sein d’établissements polymorphes et flexibles où, comme au jeu de mikado, on peut déplacer un élément sans perturber les autres. » 50

Reconstruire des bâtiments obsolètes dans le patchwork d’un site urbain au foncier contraint suppose de rétablir des logiques fonctionnelles et spatiales. En témoigne le site de Necker, dans le XIVe arrondissement de Paris, avec la réhabilitation du carré Necker par Patrick Rubin, l’institut Imagine par Jean Nouvel et Valero Gadan et le pôle mère-enfant par ­Philippe Gazeau (lire p. 55). Dans le cadre du rééquilibrage des investissements et de l’accès aux soins dans le nord parisien, c’est aussi l’enjeu du futur campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord, de la restructuration de l’hôpital Avicenne à Bobigny et du projet Nouveau Lariboisière, dans le Xe arrondissement. ­L’AP-HP a confié la restructuration de cet établissement édifié au XIXe siècle aux architectes Brunet-­ Saunier et Bernard ­Desmoulin. La livraison, prévue en 2024, aura un fort impact sur l’image de l’hôpital et du quartier. Selon un programme établi sous l’autorité du professeur Rémi Nizard et d’Eve La vitalité de l’architecture Parlier, directrice de l’hôpital, l’opéhospitalière ration concerne 51 500 m2, dont n’exclut pas 43  200 construits, pour un montant de s’interroger, en France, de 315 M€. La réhabilitation du bâtisur l’aspect ment Morax, figure de proue d’une ­pléthorique nouvelle image au sud, sera suivie des ­programmes et ­consultants. par celle des peignes historiques à l’est et la construction du bâtiment « Nouveau Lariboisière », au nord-est, pour la maternité, l’hospitalisation, le bloc, les urgences et l’imagerie. Si en France, la prédominance des aspects fonctionnels peut réduire la surface des espaces communs, en Belgique, c’est avec une architecture faisant référence à celle du logement que Michel Rémon et VK Architects & Engineers ont remporté la restructuration-extension des cliniques universitaires SaintLuc, à Bruxelles. « L’importance vouée à la qualité de vie se traduit par une image résidentielle, des couloirs accueillants, de vastes baies vitrées dans les chambres… illustre Michel Rémon. Partant d’un monobloc des années 1970 avec sa galette et sa barre, nous transformons l’image du site en feuilletant le socle. Les volumes fragmentés de notre extension façonnent un "extrait de ville" inspiré de la silhouette de Manhattan et du tissu bruxellois hétéroclite ; une place en gradins redonne une échelle urbaine en lien avec l’architecture stimulante de la Mémé [maison médicale] de Lucien Kroll et des logements plus pittoresques. » A Rennaz, en Suisse, le site de l’hôpital Riviera-Chablais autorise d’emblée une réserve foncière pour 30 % d’extension, un supplément de liberté pour les architectes de l’agence Groupe-6 qui édifient un équipement compact sur trois niveaux, posé sans sous-sol, à l’horizontale dans la vallée. ­Proposant une ­nouvelle typologie d’hôpital intercantonal de campagne, il ­remplace plusieurs établissements n° 266 - février 2019 - amc

Groupe-6 arch.

Composer avec un site urbain ou un paysage

Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, Michel Rémon et VK Architects & Engineers, livraison 2025.

Michel Rémon et VK Architects & Engineers

Dans l’hospitalier, les typologies se succèdent : après le pavillonnaire du XIXe siècle, l’hôpital-bloc des années 1930-1950 et les plans types des années 1950-1980, les architectes Pierre Riboulet et Aymeric Zublena innovaient en construisant, à l’aube des années 2000 pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), deux grands hôpitaux ouverts sur la ville, Robert-Debré (XIXe arr.) et Georges-­Pompidou (XVe arr.). Aujourd’hui, ce sont les ­principes de modularité et d’adaptabilité qui, pour répondre aux évolutions rapides des techniques médicales, mobilisent les architectes rompus à ces programmes, à l’instar de Groupe-6, Brunet-Saunier, Michel Rémon, Michel Beauvais, AIA, Valode et Pistre, Kardham, Jean-Paul Viguier, Emmanuelle Colboc, Catherine Dormoy, ou l’Atelier du Prado. Des concepteurs dont la compétence est désormais reconnue au-delà des frontières hexagonales et qui s’exportent, comme Michel Rémon à Bruxelles ; Jean-Paul Viguier à Moscou ; Valode et Pistre à Shenzen (Chine) ; Groupe-6 à Agadir ; ou Brunet-­Saunier à Helsinski et Zurich. En France, d’importants programmes verront le jour dans la prochaine décennie, à l’horizon 2025-2026 : le CHU sur l’île de Nantes (230 000 m2, 528 M€), conçu par les architectes Art & Build associés à Pargade, et le campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord à Saint-Ouen (200 000 m2, 650 M€), dont la maîtrise d’œuvre n’est pas encore attribuée, figureront parmi les plus grands sites hospitaliers d’Europe (lire p. 56-57). Remplaçant des établissements devenus obsolètes, ils optimisent le regroupement avec l’université et la recherche et relèvent d’une nouvelle génération d’hôpitaux, connectés, fonctionnels et aimables. La notion de flux y est centrale et ils s’inscrivent dans des trames urbaines ou paysagères.

Hôpital Riviera-Chablais, à Rennaz, en Suisse, Groupe-6 arch., livraison 2019.

et compose avec le paysage et l’échelle villageoise. Ses strates horizontales et trois trames (médicale dans l’axe ; technique en toiture ; sécuritaire sur toute la nappe) favorisent l’évolutivité dans la lumière naturelle. « Les façades minérales du couronnement abritent l’hébergement et ses chambres ouvertes sur des cours d’où émerge le panorama des montagnes, décrit l’architecte Denis ­Bouvier. Unifiés par la transparence de leur enveloppe vitrée, les deux premiers niveaux accueillent les urgences, l’imagerie, les soins critiques, les blocs et l’ambulatoire. A l’ouest, une grande ouverture marque l’entrée principale et un volume indépendant signale celle des urgences en avantplan, près des axes routiers. A l’est, un volume jumeau assure les connexions logistiques. A Toulouse, sur l’ancien site AZF, l’oncopôle modelé par un plan directeur de Jean-Paul Viguier offre une diversification économique à la capitale aéronautique française. En son cœur, l’architecture en U de l’institut universitaire du cancer mêle à l’efficacité fonctionnelle le désir d’adoucir le poids des traitements. La courbe de deux anneaux de chambres laisse entrer la végétation et un plan orthogonal percé de patios structure les soins et les consultations. La longue nef axiale est rythmée par les salles de réunion, les consultations et les laboratoires. A proximité, l’architecte a construit une petite tour hôtelière de sept étages, avec une vue à 360° sur le site. Pour le médipôle de Nouméa, Michel Beauvais ­a opté pour un polybloc qui conjugue fonctionnalité et référence à l’archiamc - n° 266 - février 2018

tecture locale. A grande échelle, cette typologie apporte une qualité spatiale et des continuités afin de relier des bâtiments très spécialisés. L’agence réalise aussi le nouvel hôpital de Lens, équipement de référence du Nord–Pas-de-Calais. Le 100 % numérique, le développement durable, l’économie circulaire, la transition énergétique et l’automatisation de la logistique sont autant d’enjeux pour cet édifice compact d’échelle humaine.

Au-delà des prescriptions techniques La vitalité du secteur hospitalier n’exclut pas de s’interroger, en France, sur l’aspect pléthorique des programmes et des consultants, lorsque les maîtres d’ouvrage multiplient les co­traitants comme autant de garanties. Sans anticiper parfaitement la fonctionnalité d’un équipement qui n’ouvrira que des années plus tard, solliciter trop de consultants en amont peut se révéler pernicieux et faire perdre l’essence même de l’architecture. Concourir sur esquisse, définir le programme après l’APS, puis l’APD avec les ingénieurs et les techniciens indispensables, tout en s’appuyant sur le projet d’établissement et le projet médical s’avère parfois plus pertinent. Limiter les prescriptions techniques laisse aussi une plus grande part aux compétences des maîtres d’œuvre. A Alba Bra, en Italie, un cahier des charges de quatre pages et une esquisse ont suffi à Aymeric Zublena, à ses associés italiens, aux ingénieurs et aux usagers de l’hôpital pour élaborer, ensemble, le plan et le programme. Christine Desmoulins 51


Dossier Hôpitaux

Emmanuelle Colboc Pôle d’ophtalmologie, hôpital Cochin paris xiVe

Photos T. Jantscher

L’hôpital universitaire de Genève s’est constitué sur un plan en peigne, le long d’une épine dorsale nord-sud aboutissant aux plateaux techniques du bâtiment opératoire et au pôle logistique. Pour cette nouvelle construction qui compte 420 lits, l’option d’un IGH en R+9 est retenue et pleinement assumée par la maîtrise d’ouvrage. Alors que des candidats du concours proposaient un bâtiment-pont qui franchissait l’existant et mobilisait tout le foncier disponible, l’édifice compact de l’équipe lauréate libère une réserve pour une éventuelle ultime extension. Face au boulevard de la Cluze, son esplanade fait office de sas de sécurité vers ce qui devient, au sud, la nouvelle entrée du site hospitalier. Le socle vitré est occupé par les activités d’enseignement, para- et non médicales (pharmacie, fitness, amphithéâtre, lieu de culte). De là, tout l’hôpital se traverse à pied au fil d’un parcours continu valorisant la terrasse du bâtiment ­opératoire. Quatre niveaux de blocs libres de tout poteau sont implantés dans les étages bas en prolongement du plateau technique du bâtiment opératoire existant. Plus haut, les étages dévolus à l’hébergement profitent de grandes loggias en double hauteur qui apportent la lumière aux galeries de circulations, au noyau central servant et aux postes de soins. Tournée vers l’extérieur, la couronne des chambres ­profite de la lumière naturelle.

Maîtrise d’ouvrage : canton de Genève

Maîtrise d’ouvrage : hôpitaux universitaires Paris-

maîtrise d’ŒUVRE : Brunet-Saunier Architecture, Odile

Centre (Cochin, Broca, hôtel-Dieu), AP-HP

Seyler et Jacques Lucan, Gerold Zimmerli, architectes ; Burckhardt+Partner, architectes associés et économiste de la construction ; Thomas Jundt Ingénieurs civils, BET structure ; Emmer-Pfenninger, BET façades

Maîtrise d’œuvre : Emmanuelle Colboc et Associés,

architecte ; Egis bâtiment, BET, TCE

de l’espace public, 6 blocs opératoires, 420 lits, 12 chambres de soins intensifs, 40 lits de soins continus

Programme : urgences, plateau technique et consultations, centre de recherches, bloc opératoire, salle de surveillance post-interventionnelle, hôpital de jour, zone tertiaire et locaux annexes

Surface : 41 300 m²

Surface : 6 827 m2 (3 895, réhab. ; 2 932 m2, neuf)

Programme : extension de l’hôpital et requalification

Coût : 140 M€ HT Calendrier : concours, 2005 ; livraison, 2016 52

La réhabilitation et l’extension du pôle ­d’ophtalmologie de l’hôpital Cochin visent 100 000 consultations et urgences annuelles et 10 000 interventions, pour répondre à la forte demande et rivaliser avec les cliniques privées. « La programmation a été centrée sur le patient et nous avons défini une dizaine de parcours ambulatoires, du plus simple au plus complexe, selon les pathologies et les actes, indique le professeur Antoine ­Brézin, chef de service au sein du nouvel ­OphtalmoPôle de Paris. Les patients restant souvent plusieurs heures dans le service, la qualité des lieux ­d’attente est essentielle ; en outre, la lumière naturelle est fondamentale en ophtalmologie. Les blocs sont éclairés naturellement et nous bénéficions d’un "hall opératoire", un open space avec trois tables dotées de cascades d’air autonomes. » ­Centrée sur l’ambulatoire, l’extension se greffe à un pavillon historique en cours de réhabilitation par un hall d’accueil en double hauteur ; son échelle est adaptée à la densité du site. Soulevée au-dessus d’une bande vitrée, elle s’affirme par l’appareillage soigné d’une façade pleine en brique, empreinte d’aménité face aux masses ­imposantes de bâtiments récents. Au rez-dechaussée, où les urgences et les consultations profitent d’espaces fluides, un lobby en double hauteur sert de centre névralgique pour l’attente et l’orientation des patients. Les blocs opératoires sont au niveau 1. Au niveau 2, la salle de réunion des médecins et des étudiants jouxte une terrasse.

Photos Michel Denancé

Brunet-Saunier, Seyler-Lucan, Zimmerli Extension de l’hôpital universitaire Genève

coüt : 9,13 M€ HT Plan d’étage courant

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n° 266 - février 2019 - amc

Calendrier : livraison, 2017 (extension) amc - n° 266 - février 2018

Plan du rez-de-chaussée

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Dossier Hôpitaux

Philippe Gazeau Pôle mère-enfant, hôpital Necker Paris XVe Né d’une démolition-reconstruction liée à la reconfiguration plus ample du campus Necker, le pôle mère-enfant ouvre largement sur la ville ce site hospitalier historique. En rétablissant des lignes de force et des échelles, il substitue à des bâtiments démolis en cœur d’îlot un hectare de jardin et laisse le végétal s’immiscer dans l’architecture. La procédure de l’étude de définition a favorisé un dialogue fertile entre maître d’ouvrage et architecte. Libérés d’une programmation rigide, ils ont inventé un projet permettant d’édifier en une phase au lieu des deux pressenties, un pôle multidisciplinaire de 65 000  m2. Au carrefour du boulevard Montparnasse et de la rue de Sèvres, un édifice compact regroupe des activités jadis dispersées. Côté boulevard, la serre verticale d’une façade plissée abritant les bureaux des médecins crée un signal prolongé, sur rue, par l’écran de la serre horizontale longeant la rue intérieure. Dans la traversée de l’îlot, la simplicité du plan-masse cerne le jardin en deux bandes construites et trois allées piétonnes. Sur l’une d’elles, la tour de l’escalier de secours d’un bâtiment démoli ornée d’une fresque monumentale de Keith Haring est un autre emblème. Conservant une grande part des bâtiments existants, l’architecte a inscrit dans la pente du terrain un plateau technique de 13 000 m2 lumineux et de plain-pied qui facilite les proximités et rassemble les circulations et les liaisons médicales autour du noyau central. A l’abri des façades en verre imprimé, les chambres bénéficient de cadrages et d’une luminosité contrôlée.

Horoma

L’ampleur de l’hôpital (150 000 m2 au total) et son implantation dans un quartier résidentiel, à proximité du boulevard périphérique, rendent cruciale sa relation au contexte. Un cheminement piéton et un parc le traversent. L’esplanade, réservée aux piétons et à la mobilité douce, jouxte le centre historique. Une galerie publique réunit dans un atrium, sur trois étages, l’accueil ainsi que des commerces en structurant l’accès vers des services. Dans le socle, les salles d’attente et les circulations s’organisent autour de jardins et de patios. Les unités de soins bénéficient de vues et d’un éclairage naturel ; les étages d’hébergement libèrent des perspectives paysagères. En phase 1, une chambre double, pivotant de 45° par rapport au couloir, a dicté la configuration en gradins des unités de soins. Elle offre aux deux patients accueillis une position identique par rapport aux fenêtres, aux sanitaires et à la visibilité depuis le couloir, tout en agrandissant l’espace visiteurs. En phase 2, les unités de soins sont associées à des chambres évolutives, en plateaux poly­valents de 60 lits facilitant les gardes nocturnes et la mutualisation des locaux. Le triangle des plateaux d’unités de soins résulte du raccourcissement des longueurs de couloir et de l’intégration des chambres doubles en angle. Un patio inonde de lumière le centre des ­plateaux et les fenêtres des chambres varient selon l’orientation et l’apport de lumière.

Maîtrise d’ouvrage : AP-HP Maîtrise d’œuvre : Philippe Gazeau, architecte mandataire ; Aedificio, architecte du patrimoine ; Pascal Cribier, paysagiste

Maîtrise d’ouvrage : centre hospitalier de Wallonie

Picarde asbl

Programme : restructuration du site et construction du pôle médicochirurgical mère-enfant (404 lits, plateau technique et 20 salles d’opération)

Surface : 40 000 m2 (phase 1) ; 110 000 m2 (phase 2) Coût : 268 M€ HT Calendrier : 2009-2023 54

Photos Architecture BAEV SA

maîtrise d’ŒUVRE : Archipelago /  BAEV, architecte Programme : 925 lits et places de jour et 11 pôles hospitaliers ; entrée, consultations, hôpitaux de jour, hébergement, réadaptation, très long séjour, hôtel, bureaux, médecine technique, soins aigus et logistique

Photos Philippe Ruault

archipelago / BAEV Centre hospitalier de Wallonie picarde Tournai

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Surface : 58 660 m2 Shon et 15 460 m2 d’espaces

extérieurs

coüt : 141 M€ HT Calendrier : études de définition, 2003-2004 ; livraison bâtiment, 2013 ; restructuration site et jardin, 2017 amc - n° 266 - février 2018

Plan-masse

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Laetitia Micaelli-Flender, directrice générale adjointe du CHU de Nantes

François Crémieux, Directeur des Hôpitaux universitaires Paris Nord Val de Seine

Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)

« Le CHU obéira à une double ­organisation, concentrique et linéaire en trois bandes parallèles à la Loire »

« La créativité des architectes consiste à livrer un hôpital adaptable à des attentes que nous ignorons »

« L’architecture doit s’adapter ­davantage aux patients qui circulent, qu’aux trajets des professionnels »

« Sur 11 ha, le campus de l’île de Nantes réunira un CHU de 230 000  m2 – remplaçant l’hôtel-Dieu de Nantes et Nord-Laënnec à Saint Herblain –, l’université et la recherche. Le programme traduit une réflexion à laquelle 200 personnes ont participé : médecins, infirmières, ingénieurs, etc. Les architectes, Art & Built associé à Pargade, inscrivent un hôpital fragmenté, ouvert sur la ville et traversant dans le cahier des prescriptions urbaines de l’aménagement de l’île. Ses entités interdépendantes de trois à cinq niveaux sont autant de satellites en lien avec la ville. Autour du plateau technique, le CHU, concentrique et linéaire en trois bandes parallèles à la Loire, sera rythmé par une allée jardin et des "parcs de poche". A l’heure de la concentration et de la mutualisation des ressources, notre principale contrainte est d’imaginer la capacité de cet établissement d’échelle départementale et régionale en anticipant l’évolution des séjours courts et en regroupant médecine, chirurgie et obstétrique. A l’avenir, 65 % des patients seront en ambulatoire, contre 50 % aujourd’hui. Il faut répondre aux spécificités de leur prise en charge, notamment par une réflexion sur l’attente et les flux les plus importants. Le CHU disposera d’un plateau technique lourd adapté aux soins intensifs et à la cardiologie, et de 250 lits en soins critiques. Un dossier numérique sera constitué pour chaque patient, intégré et partagé, que ce soit en médecine ou en chirurgie. Ces domaines étant traditionnellement séparés, les réunir favorise la sécurité et une garantie de prise en charge. Mais si concevoir un hôpital "zéro papier" doté de la fibre optique réduit les besoins en surfaces de stockage et en locaux informatiques, des ordinateurs et le réseau wifi deviennent indispensables dans toutes les unités, les chambres et les chariots mobiles, avec une incidence sur la largeur des couloirs. »

Pourquoi construire un nouvel hôpital dans le nord de Paris ? Les hôpitaux existants, Beaujon [Clichy] et Bichat [XVIIIe arr.], sont des sortes de grands hôtels coiffant un petit plateau technique. Ils sont à l’opposé des besoins actuels. Face au vieillissement démographique notamment, le développement de l’ambulatoire est crucial pour répondre à un surcroît d’activité par une meilleure organisation. L’hôpital Grand Paris-Nord, à Saint-Ouen, comptera 30 % de lits en moins, mais davantage de scanners, d’IRM, de blocs opératoires et de matériel d’endoscopie. Un grand plateau technique à forte valeur ajoutée réduira l’attente des patients et équilibrera l’offre de soins. La flexibilité et la souplesse spatiale favoriseront la mise en adéquation avec les besoins.

« L’architecture hospitalière est un sujet complexe qui impose au maître d’ouvrage et à l’architecte d’innombrables contradictions. Si la structure d’un hôpital est censée s’inscrire dans le temps, les fonctions qu’il abrite évoluent sans cesse. L’hôpital doit à la fois être ouvert sur l’espace urbain et la médecine de ville, et obéir à de nouveaux impératifs de sécurité. Toutes les architectures – physiques ou numériques – doivent être sécurisées. Le raisonnement propre au virtuel et à l’hôpital numérique rejoint celui de l’architecture réelle avec ses murs, ses soubassements, ses toitures. Et si tous les médecins doivent partager des données en tous lieux, celles-ci doivent être protégées aussi bien que dans un coffre-fort ! Avant, il fallait protéger la ville de l’hôpital en luttant par exemple contre la transmission des maladies. Aujourd’hui, il faut protéger l’hôpital des risques pesant sur la société, mais aussi faire en sorte que ce lieu consommateur d’énergie et producteur de déchets contribue au développement durable. Après avoir accueilli des malades et des patients pour de longs séjours, l’hôpital s’éloigne de sa racine étymologique d’"hospitalité" et d’"hôtel". Son centre de gravité se déplace pour répondre aux besoins de patients qui ne font que passer.

Dès lors, qu’attendez-vous des architectes ? Cela peut être frustrant pour eux, mais la créativité des architectes consiste à livrer un hôpital adaptable à des attentes que nous ignorons en optimisant la polyvalence. A l’intérieur, nous ­utiliserons les outils du design hospitalier et social : mobilier, signalétique, lumière, etc. Les dispositifs qui facilitent l’évolution sans modifier l’architecture constituent un champ à investir. Si un département souhaite une typologie d’étage spécifique, nous ne satisferons pas cette demande. Tout arbitrage doit ­rentrer dans une enveloppe conceptuelle avec des contraintes à réguler. L’homogénéité architecturale prévaut et le design ­hospitalier repersonnalise les espaces selon les usages. n° 266 - février 2019 - amc

Le traditionnel déplacement des médecins et des professionnels vers les malades en salle de consultation, puis dans leur chambre est remplacé par celui des patients qui se rendent dans des centres de soins névralgiques équipés d’appareils facilitant les traitements. Les architectes doivent réfléchir au parcours d’un patient qui entre à l’hôpital, se douche, subit une intervention et ressort sans croiser un malade entrant. L’architecture doit s’adapter davantage à un patient qui circule, ou à des dispositifs mobiles autour de lui, qu’au trajet des professionnels. Le principal défi consiste à projeter l’hôpital de demain en faisant abstraction des réflexes d’aujourd’hui. Pour construire un hôpital adaptable et pouvoir le transformer en permanence, l’idéal est de disposer du plus grand terrain possible. En général, l’AP-HP doit faire face à des contraintes d’espace sur ses sites, les opportunités foncières étant réduites, excepté à la Pitié-Salpêtrière. Notre expérience nous incite également à renoncer à construire en hauteur au profit de bâtiments plus bas et plus compacts. L’AP-HP s’appuie sur ses 39 hôpitaux pour rénover, faire évoluer ou reconstruire des établissements en synergie avec d’autres. C’est l’un des enjeux du projet du ­campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord. »

Brunet Saunier et Bernard Desmoulin architectes

Quels en sont les enjeux programmatiques ? L’anticipation des besoins et la numérisation ont un impact opérationnel sur tous les circuits [médicaux, médicaments, patients]. Les anciens hôpitaux, où l’on accueillait un patient pour quinze jours au 10e étage, se prêtent mal au parcours ambulatoire de 24 heures dans divers services. Les progrès de l’anesthésie réduisent le temps passé au bloc et les salles de réveil doivent elles aussi s’adapter. L ­ ’adéquation des surfaces et techniques avec la réalité des flux conditionne nos attentes architecturales, d’ailleurs contradictoires et assumées. Nous devons construire pour un siècle un hôpital qui traversera des mutations technologiques majeures et imprévisibles. Il doit donc être souple et transformable. Plusieurs générations de patients et professionnels doivent pouvoir se ­l’approprier. L’hôpital de 2025 devra correspondre à leurs attentes et à la réalité de la médecine en 2025, comme en 2050.

Art & Build et Pargade, arch.

CHU de Nantes, Art & Build et Pargade, arch., livraison 2026. 56

François Marin AP-HP

François Crémieux

Christine Blanchard

Dossier Hôpitaux

Nouveau Lariboisière, Paris Xe, Brunet-Saunier et Bernard Desmoulin, arch., livraison 2024. amc - n° 266 - février 2018

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