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Le Magazine de la nouvelle élite économique africaine - N°170 - 01/02/2022 - africabusinessmag.com

ASSURANCE ASCOMA confiant dans ses perspectives de développement

FINANCE La Titrisation selon Massou Yasmine BOUA PDG de Joseph Titrisation SA

CAPITAL HUMAIN Interview de Fabrice COMLAN Managing Partner | Deloitte Bénin Human Capital Advisory Services Leader -Deloitte Francophone Africa

EXPERTISE COMPTABLE

“ Le regroupement des cabinets

est une nécessité urgente ” PAPA ALBOURY NDAO EXPERT-COMPTABLE - CABINET RMA NEXIA



EDITORIAL

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Embargo au MALI : Quand la CEDEAO botte en touche

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epuis le 9 janvier 2022, la République du Mali est soumise à un embargo économique qui limite les échanges commerciaux avec ses partenaires de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) aux seuls biens de première nécessité. Une situation qui affecte lourdement l’économie du pays, mais également celle de ses plus proches partenaires. Engagée dans un bras de fer avec la junte malienne depuis son accession au pouvoir lors du coup d’État d'août 2020, la CEDEAO a franchi une nouvelle étape dans son régime des sanctions à l’égard du Mali. Reprochant aux autorités de transition de ne pas avoir tenu leurs engagements quant à l’organisation d’élections, la CEDEAO a décrété la fermeture des frontières du Mali avec ses États membres ainsi qu’un embargo économique et financier. Par ailleurs, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a

Abba TOURE Directeur de Publication

également suspendu ses aides financières au Mali et gelé ses avoirs, réduisant drastiquement les capacités d’investissement de l’État.

Mais les sanctions infligées ont, comme on s’en doute des effets collatéraux. Les deux partenaires économiques du Mali que sont le Sénégal et la Côte d’Ivoire souffrent autant, sinon plus de ces sanctions . Pour cause, plus de 20 % des importations maliennes proviennent du Sénégal et 80 % de son fret passe par Dakar. C’est son premier fournisseur international, devant la Chine, puis la Côte d’Ivoire (environ 10 %). Mais, au délà de ces sanctions, au demeurant incompréhensibles et totalement condamnables, c’est véritablement le rôle et les missions de l’organisation régionale d’intégration qu’il convient aujourd’hui de questionner. La CEDEAO est-elle encore en mesure de remplir ses objectifs ? Comment faire pour restaurer sa crédibilité largement entamée ? Comment la soustraire des influences extérieures ? Autant de questions auxquelles il va bien falloir trouver des réponses si nous tenons encore à cette organisation.

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NOMINATION Le burkinabe Loïse Tamalgo nommé Délégué général d’Eramet Afrique En complément de ses fonctions au Gabon, Loïse Tamalgo est nommé Délégué général d’Eramet en Afrique à compter du 1er février 2022. Basé à Libreville, il rapporte au Directeur Général adjoint en charge de la Division Mines et Métaux, et à la Directrice Développement Durable et Engagement d’Entreprise.

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ette nomination est un véritable challenge pour le nouveau Délégué général d’Eramet en charge du continent africain qui aura désormais pour mission de soutenir le développement des activités de trois filiales stratégiques: celle du Gabon, du Sénégal et du Cameroun. En plus de ces charges, Loïse TAMALGO conserve ses fonctions actuelles au Gabon auprès de Comilog et de Setrag, dans le cadre du partenariat entre Eramet et l’Etat gabonais, renforcé en 2020 par la création de deux fonds RSE destinés à financer de nouveaux programmes au profit des populations du pays. Loïse TAMALGO assurera également la représentation du groupe Eramet dans les pays d’exploration en Afrique aux côtés du Département Exploration et Nouveaux Projets.


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Des Télécoms aux Mines Originaire du Burkina Faso, Loïse TAMALGO est titulaire d’une maîtrise en Langues Appliquées au Tourisme et aux Affaires et d’un Master in Business Administration (MBA) en stratégie d’entreprise. Il a effectué la plus grande partie de sa carrière au sein de Huawei Northern Africa. Il a notamment occupé des postes de Directeur Grands Comptes opérateurs de téléphonie mobile et gouvernements et de Directeur Pays pour Huawei Burkina Faso pendant huit ans puis de VicePrésident des ventes pour la représentation de Huawei Côte d’Ivoire qui regroupe cinq pays (Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Burkina et Guinée Conakry). Il était depuis 2020 Vice-Président en charge des relations publiques pour l’Afrique subsaharienne, couvrant 22 pays dont le Gabon. A ce titre, il était responsable du développement de la visibilité et du rayonnement de Huawei dans la région, de la définition et de la mise en oeuvre de la stratégie en matière de relations publiques, de communication et de RSE, ainsi que du développement des partenariats clés. Eramet, une multinationale de référence L’entreprse Eramet a comme activité la transformation des ressources minérales de la Terre pour apporter des solutions durables et responsables à la croissance de l’industrie et aux défis de la transition énergétique.

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Employant 13 000 collaborateurs dans l’ensemble des pays où il est implanté, le groupe minier et métallurgique est présent dans les matières aussi diverses que le manganèse, le nickel, le sables minéralisés, le lithium et le cobalt. Pleinement engagé dans l’ère des métaux, Eramet ambitionne de devenir une référence de la transformation responsable des ressources minérales. La production de mineraux en forte croissance Selon un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale, la production de minéraux tels que le graphite, le lithium et le cobalt pourrait augmenter de près de 500 % d'ici à 2050, pour répondre à l'augmentation de la demande de technologies énergétiques propres. Intitulé Minerals for Climate Action: The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition, le rapport prévoit que plus de trois milliards de tonnes de minéraux et de métaux seront nécessaires pour déployer l'énergie éolienne, solaire et géothermique ainsi que le stockage de l'énergie, afin que la hausse de la température du globe reste inférieure à 2°C. Le contexte actuel de pandémie de COVID-19 entraîne des perturbations majeures dans l'industrie minière du monde entier. En outre, les pays en développement qui dépendent des minéraux sont privés de recettes budgétaires essentielles et, au fil de la reprise de leurs activités économiques, ils devront renforcer leur engagement en faveur d’une exploitation minière soucieuse de limiter son impact sur le climat et qui atténue les impacts

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négatifs. « La pandémie de COVID-19 pourrait exposer à un risque supplémentaire les efforts de promotion d’une exploitation minière durable. C’est pourquoi l'engagement des gouvernements et des entreprises en faveur de pratiques climato-intelligentes sera plus important que jamais, explique Riccardo Puliti, directeur principal du pôle Énergie et industries extractives et directeur régional Infrastructures pour l'Afrique à la Banque mondiale. Ce nouveau rapport s'appuie sur l'expérience de longue date de la Banque mondiale en matière de soutien à la transition vers une énergie propre et propose un outil fondé sur des données pour comprendre comment ce changement affectera la demande future en minéraux. » Toujours selon cette étude, certains minéraux, tels que le cuivre et le molybdène, seront utilisés dans différentes technologies. D'autres en revanche, comme le graphite et le lithium, n'auront qu'une seule application : les batteries de stockage de l'énergie. Cela signifie que tout changement dans le déploiement des énergies propres pourrait avoir des conséquences importantes sur la demande de certains minéraux, notamment ceux des pays riches, Autant d’informations qui donne une idée des enjeux qui existent autour de ces matières premières minières. Le nouveau délégué d’Eramet pour le continent africain a certainement déjà pris la mesure de ces enjeux ainsi que l’importance de ses nouvelles fonctions dans le contexte géopolitique qui prévaut. Alassane CISSE


ECONOMIE

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Habiba BEN BARKA Cheffe de la Section Afrique à la CNUCED « L’intégration et la coopération régionale peuvent être, pour l’Afrique, des leviers de croissance inclusive et de développement durable » Habiba BEN BARKA nous livre ses analyses sur les moyens dont disposent les pays africains pour relever les défis du développement économique, dans un contexte marqué par la crise sanitaire. Cheffe de la Section Afrique à la CNUCED, Mme BEN BARKA débute sa carrière professionnelle au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en tant que responsable de la gestion du projet de renforcement des capacités commerciales pour les pays d’Afrique subsaharienne. Elle rejoint ensuite la Banque africaine de développement (BAD) puis la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) où elle s’occupera de la recherche et des analyses économiques, commerciales, politiques, financières et de développement en Afrique. Elle y supervise, en outre, la conception et la mise en œuvre des politiques et réglementations visant à promouvoir le développement du secteur privé et la mobilisation des investissements privés pour le financement du développement en Afrique. Aujourd’hui, en plus de ses fonctions de Cheffe de la Section Afrique à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Habiba BEN BARKA est également responsable des travaux de recherche de l’organisation sur le commerce et le développement économique en Afrique. Dans son dernier rapport sur le commerce et le développement, la CNUCED a déclaré que le monde avait un besoin urgent d’une action publique coordonnée pour une reprise économique plus rapide face à une profonde récession mondiale. Ce constat est-il également valable s’agissant du continent africain ? Oui, ce constat est effectivement valable pour le continent africain. Comme nous le savons tous, l’épidémie de la Covid-19 a déclenché une perturbation économique d’une ampleur significative avec un rythme croissant dans de nombreux pays du monde. La crise sanitaire, la forte baisse de l’ac-

tivité économique et la détresse des marchés financiers mondiaux ont pris les économies émergentes et en développement au mauvais moment. L’impact dévastateur de la crise sur les économies et les sociétés africaines a également mis à l’épreuve le commerce, les chaînes d’approvisionnement et l’accès au financement de l’Afrique. Les perturbations du commerce, par des retards ou des pénuries dans l’approvisionnement en biens, ont eu un impact direct sur la compétitivité des économies africaines, entraînant des réductions d’emplois orientés vers l’exportation et une contraction économique de l’Afrique à hauteur de 3,4 % en 2021, selon le Rapport CNUCED 2021 sur le Com-

merce et le Développement. Et avec les différents variants de la Covid-19 qui émergent et continuent d’impacter les économies, on s’attend à ce que les pressions sur le secteur de la santé, le commerce et les entreprises augmentent. Par exemple, certains actifs infrastructurels (hôpitaux, ports), qui ont réorienté leurs opérations pour soutenir les programmes de riposte à la COVID-19 des gouvernements, ou certains secteurs tels que le tourisme ou l’industrie du transport aérien ont été particulièrement touchés par la crise, entraînant de fortes baisses de leurs volumes d’affaires et de leurs revenus. La pandémie a entraîné des contraintes


Habiba BEN BARKA


ECONOMIE

budgétaires très importantes qui limitent la capacité des gouvernements africains à répondre plus efficacement à cette crise socio-économique. En dépit du développement récent du vaccin contre la Covid-19 et de la campagne de vaccination menée par les gouvernements, le taux de vaccination en Afrique demeure très faible avec seulement 10% de la population qui soit vaccinée. Donc tous ces défis liés à la crise créent une incertitude inquiétante pour la reprise économique dans les pays africains. Pour aider à atténuer le risque de pressions continues sur les économies, les gouvernements africains, avec l’appui des partenaires au développement, ont mis en place des mesures d’ajustement budgétaire et de mobilisation des ressources afin de pouvoir financer les programmes de lutte contre la Covid-19 et injecter plus de liquidités dans les secteurs et industries affectés par la crise. Mais cela ne suffit pas. Plus d’efforts, coordonnés et a tous les niveaux – national, régional et global, doivent être faits par les pays africains, les pays donateurs, les partenaires au développement, et les entreprises privées pour améliorer les conditions financières des plus vulnérables et renforcer la capacité de production afin de relancer les activités économiques et le commerce. Quelles sont les préconisations de la CNUCED pour une relance économique en Afrique au regard du contexte actuel ? Au regard du contexte actuel, la CNUCED préconise une action commune des pays africains et partenaires pour une relance économique, surtout durable. Pour une relance soutenue des économies africaines, la CNUCED appelle à des efforts concertés pour relever les principaux défis du développement durable, à savoir la dépendance aux ma-

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tières premières, l’augmentation de la dette, la lenteur de la croissance économique, les vulnérabilités économiques, la faiblesse des infrastructures, le changement climatique et les défis liés au commerce. Pour jeter les bases d’une transformation économique plus résiliente, inclusive et durable, des politiques publiques bien définies, des institutions solides et des environnements commerciaux propices seront essentiels. La CNUCED préconise également la mise en place de politiques efficaces et durables du commerce, de l’investissement et des technologies. La relance économique post-Covid ainsi que la transformation durable des économies africaines ne seront efficaces sans une volonté politique forte et des actions coordonnées à tous les niveaux. La CNUCED met particulièrement l’accent sur l’amélioration de l’accès des pays africains au financement et l’alignement des efforts de développement sur les priorités nationales afin d’atteindre les objectives de développement durable (ODD) qui seront nécessaires pour toute stratégie ou politique de relance des économies africaines. Les pays africains qui connaissent une croissance positive sont souvent ceux qui ont un niveau d’endettement considéré comme peu soutenable. Comment trouver le bon équilibre ? Pour avoir le bon équilibre entre la croissance économique et la soutenabilité de l’endettement, les pays africains doivent aller vers la croissance inclusive et le développement durable. Ils doivent exploiter pleinement leur potentiel économique, en se focalisant sur la transformation des ressources. De nombreux pays africains dépendent des ressources naturelles, avec peu de valeur ajoutée et des opportunités d’emploi limitées. Il est clair que les recettes fiscales sont très faibles en Afrique pour tirer la croissance économique, alors les

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pays africains sont obligés de s’endetter pour retrouver la croissance. Le bon équilibre entre la croissance économique et la soutenabilité de l’endettement passe aussi par le développement du capital humain, et une bonne politique économique et planifiée. Dans notre récent rapport (Le développement économique en Afrique-Rapport 2021), nous constatons que moins de la moitié des pays africains ont connu une croissance qui réduisait également la pauvreté et les inégalités. Certaines des trajectoires de croissance ont été tirées par l’augmentation des prix des produits de base et l’afflux d’investissements, mais la croissance n’a pas été répartie équitablement entre tous les groupes de la population. Notre rapport met l’accent sur la nécessité de lutter activement contre les inégalités et de permettre un accès égal aux ressources productives et aux finances. Les inégalités entre les sexes nuisent à une répartition équitable des avantages, et les femmes sont confrontées à des obstacles plus élevés pour créer une entreprise et la faire prospérer. En résumé, les instruments importants pour permettre une croissance plus égale sont : des institutions de qualité et des lois anti-discrimination solides, une redistribution fiscale, des politiques d’investissement qui ciblent les secteurs pertinents pour les ODD et des politiques de concurrence pour protéger les petites entreprises, les commerçants et les consommateurs contre un pouvoir de marché abusif. Les politiques industrielles devraient, quant à elles, cibler la diversification économique et soutenir les secteurs qui promettent des liens solides avec l’économie et une diversification supplémentaire. L’entrée en vigueur de la Zlecaf a été unanimement saluée, certains économistes présentent cette initiative comme une panacée. Êtes-vous du même avis ?


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Comme vous le savez, l’objectif majeur de la ZLECAf, c’est la libéralisation des biens et services au sein du continent et l’accord d’une politique commerciale commune. En reliant plus de 1,2 milliards de personnes dans 54 pays avec un produit intérieur brut (PIB) total supérieur à 2,5 milliards de dollars d’ici 2030, la ZLECAf créera un marché continental des plus larges dans le monde, avec des économies d’échelle et un potentiel industriel qui aiderait les pays africains à relever plusieurs de leurs défis au développement et sera une source de compétitivité et de productivité pour les entreprises africaines. Le rapport récent de la CNUCED sur le développement économique en Afrique a trouvé que la ZLECAf, avec la libéralisation tarifaire partielle prévue d’ici 2025, permet au continent d’obtenir un gain additionnel de 9,2 milliards de dollars des exportations. Par ailleurs, en réduisant les coûts du commerce, la ZLECAf peut promouvoir la diversification grâce à l’accès aux intrants et à un marché plus large pour les exportations. Actuellement, la part des produits manufacturés est plus élevée dans le commerce intra-régional que dans le commerce extra-régional, ce qui promet des avantages pour une diversification et une transformation structurelle plus poussées. Evidemment, des politiques sectorielles, industrielles, d’investissement et commerciales harmonisées sont nécessaires pour faciliter l’effectivité et l’efficacité de la ZLECAf, en un mot le bon fonctionnement de la ZLECAf. En tant qu’économiste, quelles sont, selon vous, les mesures prioritaires de politique économique que les pays africains devraient appliquer afin de parvenir à une croissance plus forte et surtout plus inclusive ? Pour promouvoir une croissance plus

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forte et inclusive en Afrique, les ingrédients sont bien connus : stimuler la productivité sectorielle et industrielle, assurer l’accès à la sante et une éducation de meilleure qualité et pertinente, encourager le développement et financement du secteur privé, améliorer le climat d’investissement, lutter contre les disparités sociales et démographiques régionales, et garantir la stabilité politique. Cependant, un défi récurrent pour les pays africains est la mobilisation de financement pour leurs programmes de croissance inclusive et développement durable. D’après les Nations Unies, le besoin de financement annuel pour la réalisation des Objectives de Développement Durable (ODD) d’ici à 2030 en Afrique est estimé à entre 500 et 1,200 milliard de dollars américains.

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En plus de cela, les contraintes budgétaires sont assez importantes en raison des déficits élevés et des niveaux d’endettement élevés, surtout face aux défis additionnels de financement des mesures de lutte contre la COVID-19 et de relance économique. Les gouvernements africains, le secteur privé et les partenaires au développement doivent donc doubler d’effort pour mobiliser plus de ressources (tant intérieures qu’extérieures) pour répondre efficacement à la crise et libérer le potentiel de croissance inclusive des pays africains. Pour l’Afrique, je pense que l’intégration et la coopération régionale peuvent être des leviers de croissance inclusive et de développement durable. Propos recueillis par A.S. TOURE


FINANCES

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Le Gouvernement malien dénonce le gel de ses avoirs par la BCEAO Le gouvernement malien, par le voix de son ministre de l’Economie et des Finances du Mali, Alousséni Sanou, a dénoncé vigoureusement le gel des avoirs de l’Etat et des entreprises publiques et parapubliques décidé par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ainsi que le blocage de tous les transferts de l’Etat malien passant par les systèmes de paiement de la Banque centrale, suite aux sanctions imposées le 09 janvier 2022, à Accra (Ghana) par la CEDEAO et l’UEMOA.

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’est dans un communiqué émanant du Ministère de l’Economie et des Finances que les autoriités maliennes ont manifesté leur désaccord suite à la décision prise par la BCEAO. « Le ministre de l’Economie et des Finances du Mali a le profond regret d’informer les investisseurs que, suite aux conclusions des sommets extraordinaires de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, NDLR) et de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR), tenus le 09 janvier 2022 à Accra (Ghana), la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a pris les mesures suivantes à l’encontre de l’Etat du Mali, le gel des avoirs de l’Etat malien et

des entreprises publiques et parapubliques à la BCEAO, le blocage de tous les transferts de l’Etat malien passant par les systèmes de paiement de la Banque centrale » pouvait-on lire dans un communiqué. Une décision violant les dispositions du Traité de l’UMOA et les statuts de la BCEAO Alousséni Sanou, ministre de l'Economie rappelle par ailleurs que « ces mesures constituent une violation grave des dispositions pertinentes de l’article 4 des statuts de la BCEAO » ajoutant que « dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférés par le Traité de

l’UMOA et par les statuts, la Banque centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne ». En d’autres termes l’Institution monétaire sous-régionale aurait gravement outrepassé ses prérogatives et s’est ainsi inscrite hors de la légalité. Instrumentalisation politique de la Banque Centrale Pour le Ministre malien de l’Economie et des Finances: « à cause de ces restrictions et malgré des avoirs


FINANCES

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Alousséni Sanou Ministre de l’Economie et des Finances du Mali

suffisants du Trésor public du Mali dans ses livres, la Banque centrale n’a pas procédé au règlement de l’échéance du 28 janvier 2022 au titre du paiement du coupon sur les Obligations assimilables du Trésor pour un montant total de 2 699 664 000 FCFA environ (4 millions 640 mille dollars). Et d'ajouter que « cette pratique de la BCEAO constitue une violation de l’article 11 du Règlement N°06/2013-CM-UEMOA sur les

Bons et Obligations du Trésor émis par voie d’adjudication ou de syndication avec le concours de l’Agence UMOA-Titres ». L’Etat du Mali a en outre déploré que ces pratiques « sont contraires aux règles de fonctionnement du marché monétaire et financier régional ». « Au-delà, cette pratique fragilise le développement de notre marché financier régional et le décrédibilise

auprès des investisseurs régionaux et internationaux. En tout état de cause, l’Etat du Mali, qui a toujours honoré ses engagements sur le marché financier, tient à rassurer les investisseurs de sa volonté et de sa capacité à faire face à ses engagements. Aussi, les échéances non réglées seront immédiatement payées dès la levée des restrictions », conclut le ministre de l'Economie et des Finances du Mali. B. KONE


ASSURANCE

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ASCOMA confiant sur ses perspectives de développement L’année 2022 commence sous les meilleurs auspices pour ASCOMA, le leader du courtage d’assurance en Afrique sub-saharienne francophone. Le courtier compte bien profiter de son récent rachat par le Groupe Chedid Capital pour étendre son expertise et renforcer sa position sur le marché. Le Magazine BUSINESS AFRICA s’est entretenu avec son directeur général Alain BOUZAID, qui se veut confiant sur les perspectives du développement de courtier-gestionnaire. ENTRETIEN. Quelle appréciation globale portezvous sur le marché de l’assurance en Afrique francophone ? Il faut avoir conscience que la zone CIMA, dans laquelle nous exerçons notre activité, reste quand même un marché assez fragmenté, avec un taux de pénétration de l’assurance beaucoup plus faible que dans d’autres marchés. Ce qui est en soi positif, si l’on tient compte de l’évolution démographique de l’Afrique et du développement économique de certains pays. Le potentiel de croissance est important notamment si l’on regarde le continent sur le long terme. Un marché très dynamique donc… Quelle approche adopte ASCOMA pour faire la différence, quelle est sa spécificité sur ce marché très concurrentiel ?

Alain BOUZAID Directeur Général d’ASCOMA

D’abord la concurrence est saine et cela est une bonne chose. Elle est dans l’intérêt du client. L’autre avantage de la concurrence est que rien n’est acquis, il faut donc se remettre en cause en permanence. ASCOMA se dédie au segment du risque d’entreprise. Nous faisons de l’assurance de particuliers mais les entreprises constituent


ASSURANCE

l’essentiel de notre portefeuille. Si le futur de l’assurance de particuliers se passera par la distribution numérique, pour l’assurance des entreprises la distribution ne subit pas de révolution, elle se fait au cas par cas, avec des couvertures de risques adaptées aux besoins. Et là, le courtage traditionnel qui est la force D’ASCOMA, garde toute sa raison d’être. Pour revenir aux atouts D’ASCOMA, ils sont nombreux, mais je me limiterai à en citer cinq : Le premier, ce sont nos équipes. Elles sont africaines, extrêmement qualifiées et connaissent parfaitement leurs marchés. Le deuxième atout, c’est l’histoire qui nous lie au continent africain. ASCOMA est à Madagascar depuis 70 ans, au Cameroun depuis 68 ans, en Côte d’Ivoire depuis 60 ans. Il y a donc une forte appartenance au marché. ASCOMA fait partie de l’écosystème de l’assurance dans chacun des marchés où il est implanté. Le troisième avantage, c’est le réseau ASCOMA. Nous sommes présents dans 21 pays africains. Cela permet de structurer des programmes spécifiques et mieux répondre aux attentes de la clientèle. Le quatrième atout, c’est la taille. Nous sommes le principal courtier d’assurance en Afrique Centrale et de l’Ouest. ASCOMA représente un volume important de primes auprès des assureurs partenaires. Enfin dernier atout, et non le moindre, est que nous ne sommes pas simple-

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ment un courtier mais un courtier-gestionnaire, on détient des délégations de souscription de la part des assureurs. Cela veut dire que, dans certaines branches, on a l’autorisation pour souscrire et donc gérer directement les sinistres. Historiquement, nous avons également mis en place le tiers payant qui permet à l’assuré qui possède une carte ASCOMA, de ne rien payer lorsqu’il fait une consultation médicale par exemple. Le contexte sanitaire dû à la Covid-19 a-t-il eu des impacts significatifs sur vos activités ? Pas vraiment. Il n’y a pas eu en Afrique, de mesures très strictes d’arrêt d’activité comme ce fut le cas en Europe par exemple. Notre activité n’a pas réellement été perturbée. On le voit d’ailleurs dans nos chiffres, 2020 et 2021 ont été de bonnes années sur le plan du développement commercial. ASCOMA a récemment procédé à une réorganisation stratégique, notamment en Afrique de l’Ouest. De quoi s’agit-il ? Nous sommes présents dans 23 pays. L’idée est de donner du poids et des moyens aux régions. Nous avons créé la Direction régionale Zone Afrique Sahélienne Ouest et Guinée (ZASOG) basée à Dakar.

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Ceci allège la zone Côte d’Ivoire et créé une cohérence économique et culturelle. La ZASOG couvre le Sénégal, Le Mali, le Niger et la Guinée. Dernière question, quel jugement portez-vous sur les perspectives du marché de l’assurance en Afrique ? Je vais vous répondre de la manière la plus pragmatique. Chez ASCOMA, nous sommes extrêmement positifs et enthousiastes. Nous croyons en l’Afrique. Avec le développement économique du continent et les flux d’investissements qui y sont en croissance, on peut être optimiste car l’assurance est nécessaire pour accompagner les investissements et le développement économique. Par ailleurs, si l’on regarde le continent africain, il y a le marché de l’Afrique du Sud qui représente l’essentiel des primes d’assurance ensuite le Maroc. Tout le reste pèse moins de 20% des primes de l’ensemble du continent. Si l’on prend l’Afrique à l’échelle mondiale, elle ne représente qu’1% des primes. Dans ce contexte, les grandes multinationales du courtage d’assurance ont plutôt tendance à se désengager de l’Afrique. Pour nous qui sommes un acteur local, cela représente une opportunité et nous encourage à y investir davantage. Nous sommes en Afrique depuis 70 ans et comptons y rester encore longtemps. Propos recueillis par A.S. TOURE


FINANCE

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« La titrisation est une opportunité

pour l’Afrique »

Massou Yasmine BOUA PDG de Joseph Titrisation SA Massou Yasmine BOUA, est la fondatrice et Présidente Directrice Générale de Joseph Titrisation SA, Société de gestion de Fonds Commun de Titrisation de Créances (FCTC), agréée par le CREPMF, Autorité de régulation des marchés financiers de la zone UEMOA. Mme BOUA dispose d’une solide expertise en structuration et gestion de fonds de titrisation acquise tout au long de son parcours professionnel qui a débuté en 2008 à Paris chez Eurotitrisation, Société de Gestion française, pionnière en matière de titrisation avec un actif sous gestion d’environ 70 milliards d’euros. Au sein de cette entreprise, elle est intervenue sur une variété de fonds dans le cadre de transactions classiques et synthétiques adossées sur des créances bancaires (prêts immobiliers et crédits à la consommation) et des créances commerciales dans les secteurs du leasing, des télécoms, des services, de l’industrie pharmaceutique et du financement d’équipements. Vous avez fondé JOSEPH TITRISATION, une société de gestion de Fonds Commun de Titrisation de Créances, pourquoi avez-vous pris le pari de vous lancer dans ce secteur et quelles sont les activités que mène votre entreprise ? Nous sommes partis du constat selon lequel bon nombre de pays et d’acteurs économiques de la zone UEMOA ont placé depuis les années 2000, le recours au marché financier au cœur de leurs stratégies de développement.

Nous avons ainsi pu relever le rôle primordial que joue le marché financier dans le financement des économies ouest africaines depuis ces décades et en particulier le financement du secteur privé régional. Les opportunités offertes par ce marché représentent un réel relais de croissance pour nos acteurs économiques. Toutefois, les défis demeurent nombreux à relever et la titrisation apparaît comme un instrument particulièrement intéressant à exploiter à cet effet. Ces dernières années ont été proli-

fiques pour la titrisation sur notre marché local avec la réalisation de plusieurs opérations à destination d’Etats et d’entités privées. Ces levées de fonds sur le marché financier via ce canal témoignent de la nécessité de diversifier l’offre des produits financiers ainsi que de la valeur ajoutée par cette technique pour les entreprises, les souscripteurs et autres acteurs du marché. Consciente des opportunités qu’offre ce segment pour notre économie, nous avons décidé de mettre notre expertise d’une dizaine d’année en la


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de nos équipes en matière d’origination, de structuration, de gestion et de conseil en titrisation. Notre mission consiste à concevoir des opérations sur mesure avec le double objectif de répondre aux besoins de nos clients (refinancement, levée de fonds, transfert des risques) tout en tenant compte des contraintes de nos investisseurs. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la titrisation ? En quoi consiste son mécanisme ?

Massou Yasmine BOUA

matière au service du financement des entités publiques et privées de la zone, en créant Joseph Titrisation SA, agréée courant 2020 par le CREPMF en plein contexte de pandémie. Cette expérience a été acquise en Europe et sur le marché régional depuis mon retour en Côte d’Ivoire il y a quelques années. Notre entité est indépendante, ce qui nous donne l’autonomie nécessaire

pour adopter une vision long terme, nous investir aux cotés de nos clients et créer des solutions financières innovantes à destination des établissements financiers (banques, microfinance et sociétés de crédits), des entreprises commerciales de toute taille ainsi que des Etats de la zone UEMOA. Nous disposons de l’expertise métier nécessaire grâce aux compétences

La titrisation est une technique financière qui permet à une entité publique ou privée de se financer grâce aux créances dont elle dispose sur ses contreparties. Comme nous le revendiquons au sein de notre société à titre de devise, si vous avez des créances, nous avons certainement votre financement. L’entité peut ainsi financer sa trésorerie, ses investissements, se restructurer… grâce à ses créances et son portefeuille de clients. Dans le cadre de l’opération de titrisation, l’entité publique ou privée appelée communément cédant ou originateur procède à la cession à un Fonds Commun de Titrisation de Créances (FCTC), d’un portefeuille de créances dont elle dispose ainsi que les droits/obligations qui s’y rattachent en échange d’un paiement comptant du montant du prix de cession. Pour financer la transaction d’acquisition de créances, des titres sont émis sur le marché financier par le FCTC puisque celui-ci, créé dans le seul but


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de réaliser cette opération de titrisation, ne dispose pas de ressources propres. Les titres sont ainsi acquis par les investisseurs qui se faisant, bénéficieront alors d’un rendement gagé sur les flux financiers de la créance, avec un rapport risque-rendement optimisé. Le cédant dispose quant à lui d’un financement de marché, sans avoir eu recours à une émission obligataire. Ce financement présente pour avantage de ne pas peser sur le niveau d’endettement. En théorie, tout actif qui génère des flux de trésorerie peut faire l’objet d’une titrisation : prêts, loyers, créance commerciale, règlement, stocks une vente… jusqu’aux créances futures qui offrent la garantie, à terme, d’un flux de trésorerie. Quels avantages, une entreprise peut-elle avoir en ayant recours à la titrisation de ses créances ? La titrisation est une technique financière innovante qui constitue une alternative aux canaux traditionnels de financement proposés aux entités privés et publiques. Plusieurs avantages sont liés à la technique notamment : l’amélioration des ratios de liquidité (relatifs aux normes prudentielles de BaleII/III), un financement sur le marché financier sans impact sur l’endettement mais aussi la diversification des sources de financement adossé à un portefeuille de créances. La titrisation se révèle être également un outil de financement régulier et compétitif et permet le transfert du risque de crédit …

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Comment ce mécanisme est-il encadré ? Existe-t-il un organisme de régulation ou de surveillance de ces activités ? Le pivot d’une opération de titrisation est une société de gestion de FCTC. Dans la zone UEMOA, exercer en tant que société de gestion est une activité règlementée qui nécessite un agrément de l’autorité de marché de la zone UEMOA, le CREPMF. De plus, chaque opération est analysée par le régulateur et doit obtenir un visa avant sa mise en place sur le marché. Tout cet encadrement permet entre autres, de protéger les investisseurs dans le cadre d’un Appel Public à l’Epargne (APE). On a accusé la titrisation d’être à l’origine de la crise financière mondiale de 2008, ne faut-il pas utiliser cet instrument avec précaution surtout en Afrique ? En effet, la titrisation a été étroitement liée à la crise financière de 2008 dite crise des « subprimes ». Cependant, il est important de préciser que cette crise est une combinaison de plusieurs facteurs qui sont aujourd’hui identifiées (des crédits octroyés à des populations vulnérables combinés à une crise immobilière). Vous remarquerez que le niveau des opérations de titrisation est reparti à la hausse, ces dernières années, en Europe et aux Etats Unis. En tirant les leçons de cette crise, nous pourrions aisément préserver notre jeune écosystème en la matière

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de toute défaillance. Chez Joseph Titrisation, nous avons pris le parti de nous inspirer du label européen STS qui désigne des opérations de titrisation Simples, Transparentes et Standardisées (STS). Selon vous, comment peut-on assurer à la titrisation un meilleur essor en Afrique, notamment dans sa partie sub-saharienne francophone ? La titrisation est une opportunité pour l’Afrique subsaharienne et précisément pour la zone UEMOA qui dispose d’un cadre règlementaire depuis 2010. En effet, elle permet d’une part aux investisseurs institutionnels disposant de moyens considérables de financer l’économie réelle et d’autre part à toute entité privée ou publique disposant d’un portefeuille de créances de qualité de diversifier ses sources de financement. Pour notre part, assurer un meilleur essor à cette technique reviendrait d’une part à faire évoluer la règlementation (des travaux sont en cours chez le régulateur à cet effet) et de l’autre à promouvoir la technique afin de susciter l’intérêt des entités privées et publiques en vue de réaliser des opérations d’envergure. Joseph Titrisation a décidé d’initier l’information et la formation de notre écosystème par le lancement du premier forum dédié à la technique qui s’est déroulé le 02 décembre dernier à Abidjan et qui a rencontré un franc succès. Propos recueillis par A.C. DIALLO



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Papa Alboury NDAO Expert - comptable Associé - Cabinet RMA Nexia

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Papa Alboury NDAO Expert - comptable

Associé - Cabinet RMA Nexia “ Le regroupement des cabinets est une nécessité urgente ” Papa Alboury NDAO est associé, responsable du Cabinet RMA Nexia. Titulaire du diplôme d’expertise comptable de l’Etat français et d’un Mastère spécialisé en audit juridique comptable et financier de l’Ecole Supérieure de Commerce (ESC) de TOURS. Il a été pendant cinq années, directeur du département audit du cabinet RMA France. De retour au Sénégal, il a été associé du cabinet BDO pendant deux ans. Fin 2006, il décide de se mettre à son propre compte et crée le cabinet RMA Sénégal, devenu quelques années plus tard RMA Nexia, après avoir intégré le Réseau « Nexia International », septième plus grand réseau de Cabinets d’audit au monde. M. NDAO capitalise plus d’une vingtaine d’années d’expérience dans le domaine du conseil, de l’audit, de l’expertise comptable, de l’expertise judiciaire et de l’expertise assurance. En tant qu’expert-comptable pour quels types de missions êtes-vous, en général, sollicité ? Nous sommes généralement sollicités pour des missions d’audit légal (commissariat aux comptes), d’assistance comptable, fiscale et sociale, d’audit de projets financés par des bailleurs de fonds (nationaux ou internationaux), des missions de conseil fiscal et de conseil organisationnel (audit organisationnel, mise en place de manuel des procédures et de système d’information et de

gestion, gestion dynamique des immobilisations…). Nous accompagnons également les opérateurs de téléphonie mobile ainsi que les autorités de régulation du secteur de la téléphonie à la sécurisation de leur revenu par la mise en place notamment de la fonction ‘’revenu assurance’’. Nous sommes régulièrement sollicités par ailleurs par les sociétés étrangères pour les assister dans le cadre de leur installation dans notre pays et/ou la sous-région ouest africaine. En outre, en notre qualité d’expert et mandataire judiciaire nous interve-

nons au prés tribunaux dans le cadre des procédures collectives mais également dans les litiges ayant une incidence comptable ou financière, nécessitant l’intervention d’un expert. Nous sommes enfin mandatés par les compagnies d’assurances pour les accompagner dans le processus d’indemnisation pour fraude ou détournement couvert par des contrats type « Global de banque » mais également pour les Pertes d’Exploitation (PE) suite à des sinistres ayant entraîné une baisse ou un arrêt d’activité.


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Quelles évolutions pertinentes avezvous perçu dans l’exercice du métier d’expert-comptable en Afrique et plus spécifiquement au Sénégal ? L’Afrique en général et le Sénégal en particulier connaissent des taux de croissance qui aiguisent les appétits et font des envieux. D’ailleurs, les prévisions du FMI projettent une croissance de 10,8% en 2023, faisant du Sénégal l’économie la plus dynamique de la sous-région. Ces perspectives de développement, couplées aux perspectives d’exploitations pétrolière et gazière, auront pour conséquence un accroissement fulgurant d’installation de sociétés étrangères en Afrique et au Sénégal en particulier. Ces filiales des grands groupes, faut-il le rappeler, ont des obligations vis à vis de leurs sociétés-mères notamment de reporting qui doivent répondre aux systèmes et normes comptables du Groupe. Ainsi l’expert-comptable, au-delà de la barrière de la langue qui devra être levée, doit mettre à niveau ou à jour ses compétences notamment dans les systèmes et normes les plus utilisés au niveau international (les normes IFRS notamment ) pour prendre en charge les préoccupations des clients. Il se doit également de développer son expertise dans le volet conseil juridique et fiscal, pour ainsi accompagner ces structures qui, a priori, ne connaissent pas le contexte et l’environnement africains et ainsi ont besoin d’accompagnement et de conseils en vue d’optimiser leur projet d’installation et d’exploitation. Par ailleurs dans un contexte de digitalisation et de virtualisation lié aux évolutions technologiques, nous experts comptables devons-nous mettre à niveau avec ces nouvelles technologies et mettre en place au sein de nos cabinets

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des outils et des process en phase avec ce nouvel environnement. Nous devons également mener une réflexion approfondie sur l’impact de ces évolutions technologiques sur notre métier en vue d’anticiper les besoins et être prêts à les satisfaire. Enfin avec la nouvelle orientation de l’administration fiscale qui s’est dotée de moyens pour élargir l’assiette fiscale, l’expert-comptable au-delà de l’établissement des comptes, devra davantage s’orienter vers le conseil fiscal en vue d’optimiser la situation fiscale de ses clients voire assister ces derniers dans la planification et la gestion de leur patrimoine. Le contexte du Covid-19 a-t-il, dans votre métier, fondamentalement changé la donne ? La covid 19 a de manière générale modifié les habitudes de travail. Ceci est indéniable. En ce qui nous concerne, elle nous a surtout permis ou contraint d’expérimenter une autre manière de travailler et de communiquer avec le client. C’est ainsi que le télétravail a été mis en place avec tout ce que cela implique. Dans la relation avec la clientèle, une nouvelle approche a été également mise en place pour privilégier la transmission par voies électroniques des documents mais également de réduire au maximum le contact physique. Par ailleurs le respect des mesures barrières nous a contraint en outre à mettre en place au sein des cabinets un dispositif adéquat et conforme aux exigences sanitaires. Mais ces mesures et dispositifs trouvent leurs limites en ce sens que le métier de l’expert-comptable dont la finalité est notamment de formuler une opinion sur des états financiers requiert un contact

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avec le client pour la collecte et l’appréciation d’éléments probants. Par ailleurs nous pensons que ce contexte nouveau nous a permis de faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions alternatives afin de contourner et/ou faire face à des contraintes imposées par cette pandémie et ceci, dans le respect des lois et règlements qui s’imposent à nos clients. Pour cela il a fallu manœuvrer entre le légal (pour rester dans la conformité avec les lois et règlements) mais également et surtout le licite (pour explorer les opportunités le silence ou le défaut d’interdiction par lesdits textes). Enfin notre devoir de conseil et d’accompagnement nous a conduits à trouver, proposer et mettre en œuvre pour nos clients les dispositifs de résilience mis en place par le gouvernement pour accompagner les entreprises touchées par cette pandémie. Ne pensez-vous pas que les missions complexes, notamment les restructurations du capital ou les opérations de croissance externe, devraient demain susciter des fusions ou des regroupements de cabinets d’expertise comptable ? En effet, ces opérations dont vous faites allusions sont les conséquences notamment, de l’implantation pour certains et l’expansion pour d’autres, de sociétés étrangères sur le marché africain. Le président Macron ne disait-il pas d’ailleurs que c’est en ‘’Afrique que se joue largement l’avenir du monde’’ ? Cet accroissement de l’implantation des sociétés étrangères avec tout ce que cela comporte comme besoin d’accompagnement requiert de l’expert-comptable des compétences pluridisciplinaires pointues. Ainsi il nous paraît évident et urgent que


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les experts comptables doivent se regrouper dans le cadre d’un projet d’association mûrement réfléchi. Projet qui devra être bâti autour d’une préoccupation majeure qui est la complémentarité des compétences ou des spécialisations devant permettre ainsi de garantir la qualité des services et ainsi satisfaire les attentes des clients. Par ailleurs, d’un point de vue purement stratégique et eu égard au contexte de globalisation, le regroupement des cabinets devient une nécessité urgente. En effet il constitue un avantage concurrentiel en ce sens qu’il permet d’accéder à certaines missions et certains marchés mais également, et surtout, à rassurer la clientèle étrangère.

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Beaucoup de cabinets internationaux d’expertise comptable ouvrent des bureaux ou nouent des partenariats en Afrique. Pensez-vous que cette tendance va s’accentuer ? Et quel peut être, selon vous, l’impact sur les cabinets locaux ? Vous savez, l’expert-comptable est le conseiller privilégié de son client. Il le rassure et le sécurise. Cette relation de confiance a pour conséquence que ce sont les clients eux-mêmes qui sollicitent que leur e pert-comptable les accompagne à l’étranger. Les cabinets internationaux, au même titre que leurs clients, ils ont un besoin d’expansion de leurs activités, et ont tendance à s’orienter vers des marchés à fort potentiel de croissance que sont les pays du continent Africain et le Sénégal en particulier. Cette tendance va sans doute s’accentuer dans l’avenir et les cabinets locaux, qui ne sont pas dans une logique de regroupement pour constituer un contrepoids à cette déferlante, sont condamnés, au mieux à se contenter

des missions de tenue de compte pour une clientèle locale de petite envergure et, au pire, à disparaître. Si vous devez me conseiller un bon expert-comptable, quelles sont les qualités que vous privilégierez ? Les deux qualités privilégiées pour un expert-comptable sont : la compétence diligente et l’intégrité. En effet nous sommes sollicités sur des matières techniques pour lesquelles nous sommes supposés être Experts

mais il ne suffit pas d’être uniquement compétent dans l’environnement actuel des affaires qui est caractérisé par une slogan « la célérité dans la sécurité ». Il faut par conséquent que cette compétence soit couplée à la diligence. Enfin l’éthique étant l’une des qualités essentielles de notre métier, elle vient accompagner la compétence diligente afin garantir notre objectivité et notre indépendance, gage de la qualité de nos prestations. Propos recueillis par A.C. DIALLO


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Quelle place pour les femmes dans le Digital en Afrique ? Les femmes entrepreneurs africaines représentent la moitié des participants au commerce électronique en Afrique, mais ont tendance à diriger des entreprises plus petites et opèrent principalement dans des segments très compétitifs et à faible valeur. Un rapport de la Société financière internationale (SFI) évalue le potentiel de croissance du marché africain du commerce électronique à plus de 14,5 milliards de dollars entre 2025 et 2030, à condition d'augmenter le nombre de femmes entrepreneures opérant sur des plateformes électroniques.

J

uliet Anammah, présidente de Jumia Nigeria et chef du groupe des affaires institutionnelles, avait déclaré lors d’une conférence : « Compte tenu de l'avenir du commerce électronique, il est absolument vital que les femmes soient incluses dans le mouvement. L'Afrique commence tout juste sa trajectoire de croissance dans ce secteur. Il faut désormais donner aux femmes entrepreneures les moyens d'être à la pointe de cette aventure numérique. " Sur la plateforme Jumia, un peu plus d'un tiers des entreprises en Côte d'Ivoire et plus de la moitié des entreprises au Kenya et au Nigeria sont

détenues par des femmes. Une évolution qu’il convient certes de saluer mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Un marché du Digital à forte croissance Un rapport de la Société financière internationale (SFI) évalue le potentiel de croissance du marché africain du commerce électronique à plus de 14,5 milliards de dollars entre 2025 et 2030, à condition d'augmenter le nombre de femmes entrepreneures opérant sur des plateformes électroniques. Le rapport, intitulé Les femmes et le

commerce électronique en Afrique, conclut que la pandémie de COVID19 a alimenté l'essor du commerce électronique et des affaires numériques en Afrique et que davantage de femmes ont choisi de changer. Le même document souligne également la nécessité de redoubler d'efforts pour promouvoir les entreprises féminines et les aider à surmonter les écueils du commerce électronique. Mieux soutenir les femmes dans le Digital Ainsi, les plateformes de commerce électronique sont bien positionnées pour offrir une formation ciblée aux


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Rebecca Enonchong

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femmes entrepreneures et les inciter à entrer dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée comme l'électronique. Les femmes peuvent également consolider leur activité en profitant de nouvelles offres de technologies financières (fintech en acronyme anglais), comme les prêts, auxquelles elles peuvent accéder actuellement à des taux bien plus avantageux que les hommes. Les auteurs se sont appuyés sur les données de Jumia, leader du e-commerce en Afrique, mais aussi sur des enquêtes auprès de commerçants en Côte d'Ivoire, au Kenya et au Nigeria. Soutenir les femmes entrepreneurs prend une nouvelle urgence : en 2020, les entreprises féminines des trois pays étudiés ont vu leurs ventes baisser de 39 %, contre seulement 28 % pour les entreprises détenues par des hommes. Moins de bureaucratie et plus de confiance Pour Rebecca Enonchong, fondatrice de l’entreprise AppsTech, moins de bureaucratie et plus de confiance des dirigeants politiques sont les conditions d’accélération de la révolution digitale en Afrique. “Il faut que la transition numérique en Afrique soit portée par une vraie volonté des dirigeants politiques. Le principal frein à la révolution digitale en Afrique aujourd’hui vient de leur frilosité. Il faut qu’ils cessent de craindre le numérique. Aujourd’hui, ce secteur les intéresse, mais ils y voient toujours un potentiel facteur

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de contestation, un accélérateur des révolutions comme cela fut le cas lors des Printemps Arabes. Il faut de la pédagogie pour convaincre les dirigeants que cela peut surtout apporter du développement et aider leurs peuples. Il n’y a rien de craindre de WhatsApp, Facebook et autres ! De plus, la technologie et le numérique ne se limitent pas aux réseaux sociaux : il y a une vraie méconnaissance et une incompréhension de cette industrie par les dirigeants. Prenez l’Ouganda : l’écosystème du pays est évolué, prêt à décoller, Mais les nouvelles lois envisagent de taxer les blogs. Idem en Tanzanie. En 2018, on taxe le seul fait de s’exprimer ! On ne penserait pas que ce sont les pays les plus répressifs et pourtant… Donc si j’avais une priorité, ce serait celle-ci : que les dirigeants ne soient pas une entrave à l’expansion de l’économie numérique” a t-elle déclaré. Les femmes sont-elles les oubliées du digital en Afrique ? Peut être pas encore mais elles sont le plus lourdement touchées par la pauvreté, les aléas climatiques, le manque de soins, les violences et les crises économiques. Ce sont elles qui travaillent dans les conditions les plus précaires. Ce sont les principales discriminées dans l’accès à l’éducation, à la formation et à internet. Alors que l’Afrique, portée par la révolution du mobile, voit éclore un nombre record de start-up dans le domaine de la téléphonie mobile ou de la fintech, il y a un risque important qu’un écart désastreux se creuse entre femmes et hommes si

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l’on ne prend pas sans attendre des actions pour sensibiliser et former les jeunes filles aux filières technologiques. À une époque où, dans un avenir très proche, 90 % des emplois nécessiteront des compétences liées aux nouvelles technologies, il n’est pas pensable qu’en Afrique, la révolution numérique se fasse sans les femmes. Former les nouvelles générations au digital est un enjeu clé ; permettre aux femmes de contribuer à l’industrialisation et à la croissance de l’Afrique apparaît comme une priorité absolue, tout en les sensibilisant au développement durable, car la technologie sans conscience est un fléau pour la planète. Des initiatives existent déjà pour combler le fossé technologique, comme l’African Girls Can Code Initiative, un programme proposé par la Commission d'Union africaine (AUC), ONU Femmes Éthiopie et l'ITU. Lors de son premier camp de codage à Addis Abeba en août 2018, il a ainsi rassemblé et formé près de 80 filles, de 34 pays africains. D’ici à 2022, le programme ambitionne de toucher plus de 2000 filles à travers 18 camps. Donner accès aux femmes et aux filles à la technologie, c’est leur ouvrir la voie vers l’autonomisation. L’essor du continent africain représente un enjeu mondial. Il n’y a pas de temps à perdre pour s’assurer que les Africaines seront actrices de cette révolution en marche. Le continent du « mobile first » doit aussi être celui du « women first ». Valérie DOSSO



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“Si les DRH n’avaient pas fait preuve d’aglité, beaucoup d’entreprises n’auraient pas survécu à la crise que nous traversons”

Fabrice COMLAN

Managing Partner de Deloitte Bénin Leader mondial des services professionnels dans le monde avec une forte implantation au Bénin depuis 2006, Deloitte Bénin contribue, à travers ses conseils, directement ou indirectement, à l’amélioration des performances économiques du Bénin. Dans son rôle de Conseil couplé à celui de « diffuseur » d’outils directement opérationnels pour ses clients, Deloitte Bénin accompagne les acteurs de l’économie béninoise à savoir le secteur public, le secteur privé, les partenaires au développement, les start-ups et PME. Managing Partner de Deloitte Bénin, Fabrice COMLAN a rejoint la firme en 2019 et cumule aujourd’hui trois fonctions. Il est Associé-Gérant de Deloitte Bénin en charge de diriger et de gérer les opérations du bureau ainsi que son orientation stratégique globale et sa croissance dans le pays. Il est également l’Associé en charge des métiers du conseil, responsable de leur croissance sur les marchés du Togo, Bénin et Niger. Et enfin, c’est lui qui porte l’offre de service conseil en Capital Humain sur le périmètre Afrique Francophone. INTERVIEW Quelle est votre appréciation globale de la fonction RH en Afrique ? A-t-elle évolué ? Existe-t-il des spécificités africaines dans ce métier ? D’une manière générale, la fonction RH a connu de fortes évolutions au cours des dernières années, et celles-ci se sont bien évidemment accrues dans le contexte de la pandémie que nous vivons. Elle a beaucoup évolué, elle assure désormais un rôle plus stratégique et d’interface entre la Direction et les au-

tres fonctions de l’entreprise. Elle s’est principalement structurée autour de thématiques touchant à la culture d’entreprise, la GPEC, la transformation organisationnelle, la gestion du changement et l’expérience collaborateur, mais aussi s’est professionnalisée avec le temps ; elle s’est surtout renforcée avec des outils RH digitaux performants garantissant une information fiable, sécurisée, en temps réel et favorisant une meilleure prise de décision liée à la gestion du Ca-

pital humain. Bien entendu, l’évolution et la maturité de la fonction RH demeurent encore très hétérogènes selon qu’on s’adresse à un groupe international présent en Afrique, à un champion africain, une PME locale ou encore à une institution publique. Quelques spécificités subsistent également et sont notamment inhérentes au continent et à la population que cette fonction RH coordonne. Elles impliquent ainsi une adaptation


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face au déficit rencontré de compétences sur certains métiers et/ou secteurs en Afrique, mais aussi face aux habitudes culturelles et attentes managériales locales qui peuvent influer sur l’exercice de la fonction. Malgré les disparités et inégalités dans son rythme de déploiement au sein des organisations en Afrique, elle représente le socle de soutien aux objectifs de l’entreprise, à mesure que les défis et les enjeux se précisent sur le continent. Selon vous, la fonction RH est-elle stratégique ou opérationnelle ? A mon avis, elle revêt ces deux dimensions qui sont en définitive indissociables : Stratégique car elle se doit d’être alignée avec la vision et l’ambition plus globale de l’entreprise. Opérationnelle car elle définit, coordonne et fait vivre la politique RH au travers d’actions très concrètes. Elle sert de catalyseur pour définir un modèle organisationnel performant, créateur de valeur, essentiellement dédié au développement du capital humain, principale ressource de toute organisation. En ce sens, elle est clairement un maillon essentiel d’une stratégie plus globale. D’un autre côté, elle est l’instrument privilégié pour assurer une déclinaison des orientations stratégiques en décisions quotidiennes garantissant à la fois la performance économique (productivité) et sociale (épanouissement, bien-être des travailleurs) au sein de l’entreprise. En ce sens, elle est un maillon-clé du dispositif opérationnel de l’entreprise. Toutefois, il faut aussi souligner que cette fonction en entreprise prendra l’orientation que lui donnera l’équipe de Management. Par conséquent, elle pourrait être plus stratégique qu’opérationnelle si cette dernière accorde une plus grande im-

Fabrice COMLAN

portance aux aspects Talents/RH dans la réussite de l’atteinte des objectifs de l’entreprise et vice versa. Parmi les champs de mission des DRH, laquelle vous parait cruciale ? Les missions des DRH doivent à la fois avoir de l’impact sur le business, mais aussi garantir la rétention et la consolidation des talents dans l’entreprise. Veiller à l’engagement des collaborateurs, à leur adhésion aux valeurs, à la culture et aux métiers de l’entreprise me

semble crucial. Toutefois, je pense fortement que les DRH doivent devenir de vrais « Business Partner/ HRBP » ; comprendre leur secteur d’activité, ses défis, opportunités et tendances d’avenir. Ils doivent pouvoir parler le langage des affaires, être capables de faire, démontrer le lien entre le Capital humain et la performance organisationnelle ; dans certains cas le lien avec les profits / le « Bottom line » ; pour ce faire, ils doivent pouvoir prouver, démontrer par des arguments quantitatifs et qualitatifs aux di-


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rigeants qu’investir dans le capital humain est profitable. Je pense que c’est la seule façon pour eux de gagner leur légitimité et par la même occasion, obtenir les moyens et le soutien nécessaires pour la mise en œuvre de la stratégie RH en entreprise. En Afrique francophone et particulièrement au Bénin, pensez-vous que les entreprises ont pris conscience de l’importance du rôle de la GRH ? Oui, un virage très important s’est opéré. Pour illustrer mes propos, il y a une étude très intéressante que notre firme mène chaque année en collaboration avec l’Africa CEO Forum ; cette dernière est faite auprès de plus de 200 CEO africains, elle permet d’analyser et de restituer la situation actuelle du secteur économique africain ainsi que la vision de ses dirigeants. L’étude interroge les dirigeants africains sur 6 thématiques – stratégie, gouvernance, finance, innovation, impact et talents/capital humain. Dans la dernière édition (2020), sur le volet capital humain, les principales problématiques RH rencontrées par les CEOs africains demeuraient le manque et/ou l’inadéquation des compétences des candidats pour les postes proposés (selon 44% des répondants). Le recrutement de profils expérimentés apparaissait comme particulièrement critique pour les dirigeants interrogés. Plus spécifiquement, leurs principales problématiques en termes de recrutement de talents se situaient aux échelons du middle (35% des répondants) et top management (24% des répondants), ainsi que des fonctions techniques (19% des répondants). Tout ceci pour dire que le sujet talents est dorénavant à l’agenda des dirigeants africains et par conséquent le rôle de la GRH s’est vu transformé. Au Bénin en particulier, les considérations de gestion administrative du personnel laissent de plus en plus place à

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la gestion des compétences, la planification des effectifs et la gestion des performances. L’un des premiers acteurs de cette dynamique évolutive est l’Etat béninois qui, dès les années 2000 a introduit dans la stratégie de gestion du personnel de l’Etat, la GPEC. En effet, déjà en 1994, les recommandations issues des états généraux de la fonction publique et de la modernisation de l’Administration tenus à Cotonou ont insisté sur la rationalisation, la stabilisation des structures et la promotion du développement des Ressources Humaines. Ces états généraux ont montré la nécessité pour tous les ministères et institutions de l’Etat de recentrer leurs actions sur la planification stratégique des ressources humaines en se dotant d’outils modernes de gestion. C’est l’introduction de la GPEC dans l’administration publique. Dans le secteur privé, la situation n’est pas univoque mais elle est largement plus professionnalisée et plus stable. De nombreuses entreprises investissent massivement dans la professionnalisation de leurs experts en ressources humaines et mettent en place des structures organisationnelles qui valorisent le positionnement de la fonction RH et permet au top management d’implémenter les lignes directrices des sousfonctions critiques telles que l’acquisition des talents, le développement des compétences, la rémunération et la stratégie d’engagement et de motivation. Dans le même temps, il y a encore de nombreuses PME qui essaient de faire leurs premiers pas avec une remise en question des règles traditionnelles de GRH et une recherche constante d’adaptation et d’agilité pour répondre aux exigences du moment (défis économiques, Covid, travail à distance, etc.). Ces problématiques sont d’autant bien comprises qu’il a été mis en place depuis 2008 au Bénin une Association Na-

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tionale des Professionnels en GRH du Bénin. Cette dynamique est présente dans la plupart des autres pays d’Afrique francophone avec pour mission de professionnaliser la fonction et de créer un cadre de concertation et de codéveloppement entre professionnels RH. C’est aussi un creuset pour assurer la promotion de la fonction RH à travers une communauté d’apprentissage et un réseau d’entraide. Ces facteurs cumulés ont pour impact à moyen terme, de mieux faire connaître la fonction RH mais également de bâtir une fondation solide pour les années à venir en Afrique francophone. Quelles sont les problématiques auxquelles les DRH africains font face ? Et comment y remédier ? Au cours de plusieurs échanges avec des DRH en Afrique francophone, j’ai remarqué que la problématique principale qui revenait très souvent était celle des compétences : où les trouver, comment les recruter, les fidéliser et les développer en continu pour assurer une transmission intergénérationnelle. Autant de questions qui constituent le quotidien des DRH dans leur appréhension de la GPEC. Les entreprises doivent régulièrement actualiser leur cartographie, ou référentiel de compétences de sorte à toujours avoir en tête les compétences à la fois critiques et rares. Cette première information est capitale pour savoir ensuite anticiper sur leur gestion au travers de parcours personnalisés et bien entendu accompagner durablement l’entreprise dans sa performance business. Une des autres problématiques est évidemment celle de la transformation digitale des RH, inéluctable et très avantageuse. Bénéficier d’informations fiables, en temps réel pour eux et pour l’ensemble


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des collaborateurs est un élément différenciant sur le marché dont peu d’entreprises peuvent faire l’économie si elles veulent atteindre la performance de nos jours. Ces problématiques sont réelles, mais leur prise en main relève aussi et surtout de la capacité des DRH à être de réels acteurs du changement au sein de l’organisation. Quels impacts la pandémie de la Covid19 a-t-elle eu sur la fonction RH, spécifiquement en Afrique ? En Afrique, comme finalement ailleurs dans le monde, la fonction RH aura vécu un momentum unique. A la fois garant de l’engagement des collaborateurs, de leur qualité de vie au travail, mais également au domicile puisque le lieu de travail a lui aussi muté, la fonction RH s’est retrouvée très exposée. Nombreux DRH ont fait preuve d’une grande agilité pour répondre aux premières inquiétudes des collaborateurs, pour rapidement mettre en place le télétravail, ou la sécurité sur site dans les sociétés industrielles où le travail à distance n’était pas une réalité. Le Middle Management a aussi eu besoin de beaucoup d’accompagnement pour faire face à ces changements. Il fallait repenser les modèles de gestion des équipes, des modes de suivi et d’évaluation de la performance, outiller les Managers dans la gestion du stress et des nombreux cas de dépression enregistrés chez les collaborateurs. Clairement, si ce n’était pas déjà fait, la fonction RH est sortie de l’ombre dans cette période de pandémie. Si elle avait déjà sa place bien entendu dans l’organisation, elle s’est vue consacrée comme un levier incontournable de performance et de maintien du business au cours de cette pandémie. Le digital est devenu aujourd’hui in-

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contournable, quel peut être son apport dans la GRH en Afrique ? Je le redis, la GRH est un vrai levier de performance pour l’entreprise. Cependant, cela exige d’être aussi très attentif à l’environnement qui l’entoure, et qui est en perpétuelle mutation, notamment du point de vue de la digitalisation. L’apport du digital est majeur pour permettre à la GRH de créer et incarner le lieu où s’exerce « l’expérience collaborateur ». Cette digitalisation lui permet tout particulièrement de : Rationnaliser son temps en gagnant en rapidité sur l’exécution des tâches à moindre valeur ajoutée ; Bénéficier d’outils innovants avec l’intelligence artificielle pour mener à bien leurs campagnes et missions de recrutement, de formation ou encore de gestion de carrières… ; S’assurer que les collaborateurs, quelques soient leurs fonctions, restent accessibles, impliqués et motivés par les changements à venir tout en étant suffisamment formés à leurs nouvelles fonctions. Offrir la même expérience à tous les collaborateurs quel que soit leur lieu ou pays d’affectation (dans le cas de multinationales ou entreprises régionales) ; Garantir la sécurité et la confidentialité des données personnelles. Enfin la digitalisation dans la fonction RH touche aussi les aspects de marque employeur, elle se reflète dans la communication interne mais aussi externe. C’est un outil potentiellement différenciant qui permet aussi d’atteindre et d’attirer les talents exigeants à ce niveau-ci. On constate que les DRH deviennent de plus en plus des HRBP, quelle signification faut-il donner à cette mutation ? J’ai abordé ce point, un peu plus haut, toutefois, un HR « Business Partner »

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c’est d’abord quelqu’un qui comprend le business et maîtrise les défis auxquels fait face l’entreprise aujourd’hui et demain. C’est quelqu’un qui est capable de traduire en objectifs humains et en langage RH, des préoccupations financières, commerciales, techniques et mêmes technologiques des dirigeants de l’entreprise. Le gestionnaire des ressources humaines est appelé à migrer vers un rôle de HRBP pour la sauvegarde de sa profession parce que de toute façon, une bonne partie de ses attributions finiront digitalisées ou externalisées. Par ailleurs, les derniers mois nous ont montré que si les DRH n’avaient pas fait preuve d’agilité, de flexibilité pour maintenir un niveau de travail suffisant beaucoup d’entreprises n’auraient pas survécu à la crise que nous traversons. Comment percevez-vous le rôle des DRH africains à l’horizon d’une dizaine d’années ? Dans les 10 prochaines années, le DRH sera bien entendu toujours un acteur majeur de la transformation de l’entreprise, que ce soit pour l’autonomisation accrue des tâches, que pour gérer les évolutions des métiers et des compétences, mais aussi les nouvelles façons de travailler. Il sera un acteur clé du changement dans les organisations qui ne cesseront pas de se réinventer. Enfin, dans 10 ans, ce rôle du DRH sera parfaitement inscrit dans la stratégie globale de l’entreprise. Sa position se sera affirmée dans les instances décisionnelles. Plus que des partenaires, ils seront devenus de véritables leaders capables de susciter l’engagement à tous les niveaux de l’organisation. Propos recueillis par A.C DIALLO


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