BOUDU 46 - Février 2020

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Où l’on nous rappelle que Zemmour a décomplexé pas mal de monde, qu’il y a un dauphin à Bordeaux et un élan à Toulouse, et que Macron sera toujours président de la République en mars 2020.

N°46

BOUDU MAGAZINE TOULOUSAIN ACTUEL

MUNICI PA

LES

2020

Biasotto, Lamotte, Maurice

Portraits des trouble-fêtes du scrutin

MOUDENC

l i t u Pe ? u t t a b e r êt

Fabriqué à Toulouse

BOUDULEMAG.COM _ 1

FÉVRIER 2020


L'HOMME DU FUTUR

EN OCCITANIE

cette année, au lieu d’acheter en ligne, j’achète

« Consommez régional, car nos emplettes sont nos emplois ! »

Carole Delga

Présidente de la Région Occitanie

#ProduitEnOccitanie 2 _ BOUDULEMAG.COM

laregion.fr/ProduitEnOccitanie


BOUDU N° 46 – FÉVRIER 2020

SOMMAIRE BOUDU le magazine toulousain actuel, est édité par TRENTE&UN, société coopérative à capital variable, au capital de 48 150 €.

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EN COUV’ MOUDENC PEUT-IL ÊTRE BATTU ?

RCS Toulouse n° 802388017. Siège social : 24, rue de la Sainte-famille, 31200 Toulouse redaction@editions31.com

Notre sondage Boudu – Ifop confirme largement le statut de favori de Jean-Luc Moudenc à six semaines du premier tour des Municipales. 56% des Toulousains interrogés déclarent souhaiter sa réélection. Pas forcément une bonne nouvelle pour le maire sortant, qui se souvient du mauvais tour qu’il a joué au favori Pierre Cohen en 2014, et sait que les électeurs n’aiment rien tant que faire mentir les sondages.

Gérant et directeur de la publication  : Jean Couderc

Rédaction Rédacteur en chef  : Jean Couderc Chef d’édition : Sébastien Vaissière Direction artistique et graphisme : Clara Doineau Photographe : Rémi Benoit

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Oïkos Développement Jean Couderc jean.couderc@editions31.com 06 16 23 64 52

Retrouvez nos offres abonnés p. 9 Service abonnement : abonnement@editions31.com

Imprimé par SA Escourbiac (Graulhet). Tous droits de reproduction réservés. ISSN 2431 - 482X CPPAP : 1123 D 92920

PORTRAITS LES TROUBLE-FÊTES DU SCRUTIN

Qui sont Lamotte (RN), Maurice (Archipel), et Biasotto (LREM) ? Mon premier double à droite et rêve de deuxième tour. Mon second mélange le rouge et le vert pour s’installer au salon rouge. Mon troisième a quitté l’écurie municipale pour faire cavalier seul. Mon tout veut donner du fil à retordre à Jean-Luc Moudenc.

DIAPORAMA AVANT LES URNES

Depuis que les principaux candidats se sont révélés, l’œil de Boudu bat la campagne et traîne en coulisses en quête de ces gestes, regards, hasards et postures qui sont le sel des grands rendez-vous électoraux.

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ÉTAT DES LIEUX SAINT-SIMON, DU CLASH À LA DÉTENTE

«

LES MÉCONTENTS QUI RESTENT SONT CEUX QUI ENVISAGEAIENT DE VENDRE LEUR MAISON À PRIX D’OR AUX PROMOTEURS POUR S’ACHETER UNE BELLE VILLA À ARCACHON.

»

Serge Escartin, représentant du Collectif de défense du quartier Saint-Simon.


BOUDU N° 46 – FÉVRIER 2020

SOMMAIRE

Actuel LE FAIT p.7 PAROLES, PAROLES p.8 MICRO-ONDES p.10 FALLAIT L'INVENTER p.16 BOUDUFIL p.18

Réel ANALYSE p.29 TOUT SAUF UN LONG FLEUVE TRANQUILLE

Présentée dans les médias comme une formalité, la réélection de Jean-Luc Moudenc pourrait s’avérer plus corsée que prévu.

INTERVIEW p.38 « J’APPELLE LES TOULOUSAINS À NE PAS SE LAISSER ENFUMER » Attaqué sur son bilan, exposé au courroux et sujet aux coups fourrés, Jean-Luc Moudenc dit sa vérité et met les Toulousains en garde.

BILAN p.50 APRÈS LA CURE

La baisse des dotations de l’État et l’état des caisses de la Ville ont contraint certaines assos toulousaines à partir à la pêche au financement privé. Ça mord, mais pas assez.

Relax L’AFFICHE p.63 AGENDA CULTURE p.64 L’ART ET LAMAZÈRES

Dans la jungle touffue de l’offre culturelle toulousaine, Greg Lamazères débroussaille pour nous un chemin subjectif.

L’ADDITION p.70 RESTOS p.71 BOUDUMONDE p.72


ÉDITO

La grande bagarre

© Laurent Gonzalez, California studio de création

Est-ce parce qu'une partie de notre équipe a été biberonnée à la glorieuse incertitude du sport ? Toujours est-il qu’à Boudu, et contrairement à la majorité de nos confrères, on refuse de considérer la réélection de Jean-Luc Moudenc comme acquise. À cela plusieurs raisons : d’abord parce que jamais le paysage politique n’a été autant bouleversé. Même si le scrutin municipal échappe généralement aux querelles partisanes et aux jeux d’appareils, le mécontentement est tel à l’égard du gouvernement que la tentation est grande de transformer cette élection en référendum pro ou anti Emmanuel Macron. L’incertitude réside également dans la typologie de la population toulousaine qui, en accueillant chaque année des milliers de nouveaux habitants, ne cesse de changer. Le doute vient enfin de ce statut que les Français (et les Toulousains n’échappent pas à la règle) abhorrent : celui de favori, qui colle à la peau de l’actuel locataire du Capitole, à son corps défendant. Et puis soyons honnête, une campagne sans suspense mérite-t-elle d’être suivie ?

PAR

Jean COUDERC BOUDULEMAG.COM _ 5


STARRING PAR ORDRE D’APPARITION

Nicolas Marquis - fondateur de la marque Wakeupserenity Jean-Luc Moudenc - maire de Toulouse Serge Escartin - créateur du collectif citoyen de Saint-Simon Thierry Barbero - président de Saint-Simon Environnement Franck Biasotto - adjointe au logement à la mairie de Toulouse Marthe Marti - présidente du MoDEM 31 Jean-Luc Lagleize - député MoDEM de Haute-Garonne Jérôme Fourquet - directeur de l’Ifop Martine Rocquigny - élue à la mairie de l’Isle-Jourdain Antoine Maurice - conseiller municipal d’opposition à Toulouse François Piquemal - membre du DAL 31 Hélène Magdo - porte-parole de La France Insoumise Pierre Cohen - ancien maire de Toulouse François Briançon - conseiller municipal d’opposition à Toulouse Cécile Duflot - directrice d’Oxfam France Romain Cujives - directeur de campagne d’Archipel Citoyen Sacha Briand - adjoint à Toulouse en charge des finances Laurence Arribagé - adjointe en charge du sport Vincent Gardeau - président des Dauphins du TOEC Daniel Rougé - adjointe à Toulouse en charge des affaires sociales Laurent Girard - président de Média Pitchounes Francis Grass - adjoint à la culture à la mairie de Toulouse Marc Van Mael - directeur du cinéma ABC Christophe Jubé - directeur des Musicophages Ahmed Chouki - président de l’UJS Quentin Lamotte - conseiller régional RN Hamid Miss - chef cuisinier à la Pente Douce Jean-Marc - infirmier en bloc opératoire

Ont collaboré à ce numéro : Mathieu BELLISARIO, Elodie et Julien BOMPA, Perrine DEBACKER, Greg LAMAZERES, Lydie LECARPENTIER, Halim MAHMOUDI, Matthieu SARTRE, Stéphane THÉPOT


PAROLES,  PAROLES

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MICRO-ONDES

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FALLAIT  L'INVENTER

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BOUDUFIL

Actuel p. 8

p. 10

p. 16

p. 18

© Rémi Benoit

adj. QUI A LIEU DANS LE MOMENT PRÉSENT

PARENTHÈSE REFERMÉE Après plusieurs mois de tensions et d’incertitudes, l'aéroport ToulouseBlagnac a changé de main le 30 décembre dernier avec le rachat par le groupe français Eiffage, pour presque 500 millions d'euros, des parts du groupe chinois Casil.

P

rès de deux ans après avoir manifesté son désir de céder ses parts, Casil Europe a (enfin) trouvé preneur. Et le moins que l'on puisse dire est que les Chinois ont bien fait de se montrer patients. En revendant leur participation (49,99 %) dans l'aéroport de Toulouse Blagnac au groupe Eiffage pour 507 millions d'euros (moins les 8 millions de dividendes versés au titre des résultats de l'année dernière). Ils ont engrangé une plus-value de près de 200 millions d'euros. Pour mémoire, l'État français avait cédé ses actions contre 308 millions d’euros en 2015. Cet épilogue vient conclure une période de fortes tensions entre les actionnaires locaux de l’aéroport (la

CCI, Toulouse Métropole, le Conseil départemental et la Région Occitanie), qui possèdent 40 % des parts, et le consortium chinois à qui ils reprochaient, à l'automne, « une gestion strictement mercantile et à court terme » de l’aéroport. En cause, notamment, les dividendes, que les actionnaires historiques avaient l'habitude de mettre en réserve, tandis que Casil a fait le choix de distribuer, en quatre ans, près de 29 millions d'euros. Quant au nouvel actionnaire, ce n'est pas un novice en la matière puisqu’Eiffage a déjà investi dans l'aéroport de Lille-Lesquin, en remportant en juillet la concession de l'établissement, en partenariat avec Aéroport Marseille Provence BOUDULEMAG.COM _ 7


MICRO-ONDES L'actualité réchauffée

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FLÈCHES Un jeune homme vole pour 670 euros de chaussures dans un magasin du centre-ville de Toulouse, mais ne prend que des pieds gauches. Au même moment, un habitué des golfs de La Ramée et de Téoula, est placé en garde à vue pour y avoir dérobé 40 000 euros d'équipement. Peu méfiant, l'homme était revenu golfer avec le matos volé.

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STOP En visite à Pau, Emmanuel Macron annonce qu'il n'y aura pas de réintroduction d'ours dans les Pyrénées d'ici la fin de son mandat.

DISTINCTIONS Un hêtre de Sorèze est désigné plus bel arbre de France par le public au concours de l’Arbre de l'année 2019. Le lendemain, Rodez arrive en tête d'un palmarès des communes de 20 000 à 50 000 habitants où il fait bon vivre.


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VARIÉS Une opération escargot bloque le périphérique sur plusieurs kilomètres le matin tandis qu'une retraite aux flambeaux dans les rues de Toulouse est organisée le soir, toujours pour protester contre la réforme des retraites. Le soir, c'est un dépôt de bus Tisséo qui est bloqué dans le cadre de l'opération « Bloque ta ville ». © photo Rémi

HISTORIQUE En s'inclinant 3-0 contre Lyon, le TFC concède sa 11e défaite consécutive en Ligue 1. La pire série en première division depuis la saison 1933-1934 où le CA Paris avait concédé 12 revers d'affilée. En faisant tomber le leader bordelais 22-14, le Stade Toulousain réintègre pour sa part le top 6 du classement.

27 MIAM-MIAM Pierre Lambinon de Py-R décroche une deuxièmpe étoile au Michelin 2020 tandis que Balthazar Gonzalez obtient la première à la tête de l'Hedone.

BENOIT

COMPILÉ PAR

Jean COUDERC


- Mutuelle soumise aux dispositions du livre II du Code de la Mutualité, immatriculée sous le n° SIREN 776950537 et affiliée à la Fédération Nationale Indépendante des Mutuelles (FNIM). Photo : D.Warcollier

MIEUX PROTÉGÉS TOUT SEMBLE PLUS LÉGER

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www.mutuelledu

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EN COUV' - ANALYSE - SONDAGE - INTERVIEW - PORTRAIT - ENQUÊTE - PORTRAIT - DIAPORAMA

p. 22

p. 29

p. 34

p. 38

p. 46

p. 50

Réel

p. 54

n.m. CE QUI EST, CE QUI EXISTE, CE QUI ARRIVE EN FAIT

p. 58


EN COUV'

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MOUDENC

l i t u Pe ? u t t a b e r êt s de sable

in ourtant les gra p le u m u c c a t maire sortan Grand favori, le e bien huilée. iqu NOIT raphie Rémi BE dans sa mécan DERC photog an COU ÉPOT avec Je

TH - par Stéphane

J

ean-Luc Moudenc a de la chance : le Satiricon n'est plus là pour camper le maire sortant en « Super Menteur », comme le firent jadis les Guignols avec Jacques Chirac. Il n'empêche que les Toulousains ont de la mémoire. Lorsqu'on leur demande pour quelle(s) raison(s) le maire de la ville, bien que favori, pourrait ne pas être reconduit au Capitole, ils citent d'abord la forte augmentation des impôts locaux en début de mandat (lire notre sondage p. 34). Cette décision n'était pas seulement en contradiction avec la promesse du candidat de garantir la stabilité fiscale. Elle constitue une rupture avec la gestion des années Baudis, qui fit de la dette zéro et de la baisse des impôts l'une de ses marques de fabrique. Moudenc, qui ne manque jamais une occasion de se présenter en héritier du maire emblématique de la fin du xxe siècle, dramatise un choix présenté comme cornélien. « J'ai fait le choix du développement de Toulouse au mépris de mon confort politique », confie-t-il (lire notre entretien p. 38). Il a bien sûr des arguments à faire valoir. En gros, c'est de la faute aux socialistes toulousains qui ont vidé les caisses, et aux gouvernements socialistes qui pressuraient les comptes des collectivités locales.

Les gratuités en question

En dépit - ou à cause - de la présence à ses côtés de Pierre Trautmann, qui fut le véritable instigateur du dogme de la dette zéro, Jean-Luc Moudenc

a commis une autre infidélité à la tradition baudisienne : il a osé remettre en cause la gratuité dans les transports accordés par Pierre Baudis aux seniors. On n'a certes pas vu des cohortes de retraités descendre dans la rue pour réclamer la démission du maire. Mais qui pourra dire quel impact cette mesure, présentée comme plus juste en tenant compte des revenus et non plus de l'âge, aura dans l'opinion ? Franck Biasotto, qui conteste l’héritage centriste de Jean-Luc Moudenc, s'est engouffré dans la brèche en promettant un retour à la gratuité pour les seniors au bord des minimas sociaux (entre 800 et 1 200 € par mois). À gauche, c'est la surenchère. Antoine Maurice (Archipel Citoyen) ajoute la gratuité aux étudiants les plus précaires. Nadia Pellefigue (PS) promet la gratuité le samedi. Tous se rejoignent pour réclamer la gratuité les jours de pollution. Jean-Michel Lattes tient bon. Le bras droit du maire, président de Tisséo, refuse, au nom de l'orthodoxie financière, cette mesure toute symbolique (la préfecture n'a jamais mis en branle le plan prévoyant des restrictions de circulation après trois jours de pollution atmosphérique). Mais la municipalité, assaillie par des revendications récurrentes de gratuités (dans les transports, mais aussi les cantines scolaires), commence à lâcher du lest. Tisséo a distribué 500 000 tickets gratuits pour faire oublier les déboires de la mise en service de la ligne A « au format XXL », plusieurs fois reportée à cause de BOUDULEMAG.COM _ 13



INTERVIEW

« J’appelle les Toulousains à ne pas se laisser enfumer. » En 2014, Jean-Luc Moudenc retrouvait son fauteuil de maire chipé par son rival socialiste Pierre Cohen en 2008. Boudu est allé voir celui qui, il y a six ans, promettait de donner un nouvel élan à Toulouse, pour faire le bilan de ses réalisations... et de ses frustrations. propos recueillis par Jean COUDERC et Stéphane THÉPOT photographie Rémi BENOIT TEMPS DE LECTURE

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MIN

Tout le monde annonce que l’écologie sera la grande cause du scrutin. Qu’en pense le maire de Toulouse ? Il y a eu coup sur coup, lors des étés 2018 et 2019, des épisodes caniculaires qui ont alerté les Français, plus encore dans les grandes villes qu'en milieu rural. Ces événements ont créé une sensibilité beaucoup plus exacerbée sur ce sujet, ce qui explique que, lors de ces élections municipales, quasiment toutes les listes présenteront des projets d'écologie urbaine beaucoup plus ambitieux que lors des précédents scrutins. Même si le problème est mondial, on doit tous, là où nous sommes, changer nos habitudes et contribuer à la mise en place de nouvelles et bonnes pratiques. L'écologie n'a pourtant pas toujours été le cheval de bataille de la droite ni le vôtre. En 2014, vous reprochiez même

à Pierre Cohen de vouloir chasser la voiture du centre-ville. Du coup vos opposants vous reprochent une tardive conversion écologique. Je mentirais si je disais que j'ai toujours eu cette préoccupation à l’esprit. Je pense que j'ai fait le même chemin que beaucoup de citoyens, c'est-à-dire celui d’une sensibilisation progressive. Par contre, je récuse l'accusation de conversion tardive. Si nous affichons en fin de mandat un bilan record en matière de développement durable, c'est bien parce que nous avons engagé des projets dès le début du mandat. Sur la transition énergétique, la grande fierté de ce mandat est que notre municipalité a fait en six ans autant que toutes les municipalités toulousaines en un siècle. On a planté 18 000 arbres, et c'est bien évidemment sur tout un mandat. Je rappelle qu'entre 2008 et 2014, on ne parlait BOUDULEMAG.COM _ 15


ENQUÊTE

Associations

APRÈS LA CURE

Alors que des militants d’associations ont mené, mi-décembre, une action contre la permanence de campagne du maire sortant pour dénoncer la baisse des subventions accordées aux associations depuis le début du mandat, Boudu s’est demandé comment cette cure d’amincissement forcée avait été vécue. Pas une mince affaire à quelques semaines des élections... par Jean COUDERC avec Perrine DEBACKER photographie Rémi BENOIT TEMPS DE LECTURE

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MIN

C'était le début du mandat et l'annonce avait eu le don de glacer le sang du monde associatif. Le grand argentier du Capitole, Sacha Briand rappelle le contexte : « La situation était la suivante : on se retrouvait avec une épargne quasi nulle et une baisse substantielle des dotations annoncée par le gouvernement. Nous avons alors défini une stratégie qui était de partager les efforts entre le contribuable, la collectivité, sous la forme d’une maîtrise des dépenses de fonctionnement, et les satellites sous la forme d’une baisse (lissée) des subventions allouées aux associations de 25 % sur l’ensemble du mandat. Vu qu’elles avaient augmenté de 40 % sous le mandat précédent, on a considéré que c’était un effort soutenable ». Reste que cette décision, moins d'un an après son retour au Capitole, ne réjouit pas 16 _ BOUDULEMAG.COM

Jean-Luc Moudenc, conscient de l'impopularité d’une telle mesure et du risque électoral qui en résulte. Pour la faire accepter, diplomatie et pédagogie sont exigées : « L'idée était que chaque élu prenne en compte les situations objectives en essayant, autant que faire se peut, de faire du cas par cas », détaille l’adjoint aux finances du Capitole tout en précisant que tous les secteurs n'ont pas été logés à la même enseigne : « Dans le secteur de l'éducation ou de la petite enfance, par exemple, où les effectifs sont en constante progression, les subventions ont même augmenté ». D'autres domaines, comme le sport, en revanche, n'ont pas été épargnés. Entre 2014 et 2019, les subventions (dont 70 % concernent les clubs professionnels) accordées aux associations sont passées de 7,1 millions à 5,5. Il a donc fallu se creuser les méninges pour faire des économies sans mettre en péril les plus fragiles. L'élue en charge du secteur, Laurence Arribagé, ne cache pas que cela a été un travail de longue haleine : « On a reçu tous les clubs, pros et amateurs et on a étudié leurs besoins. Avec l’objectif de tendre vers plus d’équité. Ce qui n’était pas forcément le cas auparavant ». La collectivité décide donc de réexaminer le cas de chaque association à l'aune de critères précis (nombre de licenciés, existence d'une école de jeunes, participation aux activités municipales, mixité...). Une nouvelle moulinette pas totalement satisfaisante pour la présidente des Républicains 31, pour qui le changement de logiciel de pensée ne se fera pas du jour au lendemain : « On voit bien que ce sont des gens qui ont l'habitude de fonctionner uniquement avec les subventions. Il a donc fallu les former, les encourager à se tourner vers des partenaires privés, comme par exemple le supermarché du coin. Notre démarche a consisté à les rendre moins dépendants de la subvention. Et donc de la collectivité ». Grand pourvoyeur de nageurs au niveau national, les Dauphins du TOEC (1700 adhérents/nageurs) ont dû, par exemple, trouver des partenaires privés, via du sponsoring ou du mécénat, pour compenser la baisse de 15 % des subventions. « Nos besoins étant grandissants, on n’a pas eu le choix, explique Vincent Gardeau, le président. On a également ouvert de nouveaux créneaux pour accueillir davantage de nageurs, tiré des revenus de la taxe d’apprentissage par le biais du centre de formation. Mais on a aussi augmenté le prix de l’adhésion au club... » Si au final, la baisse de subventions n'a pas mis en péril les 25 salariés (en CDI) du club, le responsable des Dauphins du TOEC a cependant du mal à cacher son inquiétude pour l'avenir : « En fin d’année, il ne nous reste plus rien. Ce qui veut dire que l'on ne peut pas envisager


de nouveaux projets. On est d’accord pour devenir plus indépendants mais il faut nous aider à trouver des moyens de devenir plus autonomes, surtout si les subventions continuent de baisser. Par exemple, en nous aidant à construire un clubhouse qui constituerait une source de revenus pérenne. Le rôle de la mairie n’est peut-être pas de subventionner les clubs mais elle a vocation à construire des infrastructures pour les habitants. Pour l’instant, aucune ligne budgétaire n’a été trouvée pour le faire ».

RARES SONT LES ASSOS QUI OSENT CRITIQUER OUVERTEMENT LA BAISSE DES SUBVENTIONS, PAR PEUR DE SE VOIR SANCTIONNÉES LORS DU PROCHAIN BUDGET. À quelques semaines de la fin de la mandature, aucun club n'a déposé le bilan, et c'est bien là l'essentiel pour Laurence Arribagé qui y voit la démonstration que l'on peut faire autant avec moins. « Certaines associations ayant été mises en difficulté par la baisse, on a opéré un réajustement. Globalement, tous les clubs ont vraiment joué le jeu et ont été assez solidaires de notre décision. C'est sûr qu'on les a forcément contraints à remettre en question leur manière de fonctionner. Mais en faisant preuve de

pédagogie, on y est arrivé. » De pédagogie, son collègue en charge des politiques de solidarités et des affaires sociales Daniel Rougé a dû également en faire preuve même s'il jure ne pas avoir été préoccupé plus que de raison par la décision prise en début de mandat de réduire la voilure : « Je ne crois pas qu’il y ait une causalité stricte entre la baisse des financements et la qualité du travail ». Car pour le professeur Rougé, tout peut se résoudre par le dialogue : « Je déteste la rhétorique, j’aime la dialectique. J’ai donc vu toutes les associations et essayé, pour chacune, d’analyser la nature des actions en cours ». Là aussi, le cas par cas a été la règle : « Si dans certains situations, on ne pouvait pas donner de financement, on aidait en nature, en fournissant, par exemple, un hébergement. Il y a d’autres moyens d’aider qu’en accordant des subventions ». Et là aussi, le bilan, du point de vue de l'élu, est positif : « Personne ne m’a fait le moindre reproche. J’ai même augmenté les subventions à une association qui m’avait adressé un plaidoyer recevable. Quant aux associations qui ont disparu, c’est parce qu’elles rencontraient, la plupart du temps, des problèmes de gouvernance ». Du côté des associations, rares sont celles à oser critiquer ouvertement la baisse des subventions, par peur de se voir sanctionnées lors du prochain budget. Interrogées, nombreuses sont celles à avoir refusé de parler. Au Planning familial 31, qui fonctionne à 90% grâce aux subventions, on déplore néanmoins le temps passé à aller à la pêche aux financements : « Certes nos subventions n'ont pas baissé. Mais le temps que l'on perd à réclamer 2 000 BOUDULEMAG.COM _ 17


RAJEUNISSEMENT

NATIONAL - par Mathieu BELLISARIO photographie Rémi BENOIT -

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PORTRAIT

Comme Jordan Bardella sur la scène européenne, Quentin Lamotte, 32 ans, incarne le nouveau visage du Rassemblement National à Toulouse, celui d’un parti qui joue la carte jeune pour faire oublier les caciques d’antan. Inspiré par la pensée d’Éric Zemmour et le mandat de Robert Ménard, ce fils d’éleveurs de chèvres de Touraine arrivé à Toulouse en 2008 sera le candidat RN au Capitole en mars prochain. Inconnu mais ambitieux, il entend profiter de la multiplication des listes et des candidats pour s’inviter au deuxième tour. TEMPS DE LECTURE 6 MIN « Quentin Lamotte ? Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise sur lui ? Il suscite chez moi plus l’indifférence que la crainte. » Dans les travées du conseil régional, les coups sont bas et le verbe haut quand il s'agit d'aborder la candidature aux municipales du benjamin de l'Assemblée. Certains à gauche évoquent, sous couvert d'anonymat, un homme « de façade », « sans réelle vision pour Toulouse », quand d'autres élus de l'opposition parlent d'un « opportuniste » qui n'a « que sa jeunesse à faire valoir ». Voilà le natif de Nanterre habillé pour l'hiver et la campagne. Écharpe nouée autour du cou, Quentin Lamotte rigole dans sa barbe finement taillée à l'idée d'évoquer son année de naissance. « 1987. Un des plus jeunes candidats des municipales en France ». Un atout ou une faiblesse ? « Je n'ai pas encore de passé politique ancré à Toulouse, pour ainsi dire, je suis assez lisse. De là à susciter l'indifférence, je ne suis plus sûr. Je pense même que certains ont peur. » Les mots sont choisis, le ton plus affirmé dès que le candidat étiqueté « Rassemblement toulousain » vient à parler de ses ambitions : faire mieux, voire doubler le score de son prédécesseur Serge Laroze et ses 8,15 % aux municipales de 2014. En clair, s'assurer une place au second tour. « J'y serai. Dans un duel face à Jean-Luc Moudenc ou dans une triangulaire, peu importe », estime Quentin Lamotte qui voit la multiplication des listes jouer en sa faveur. La tâche parait pourtant compliquée. Historiquement, Toulouse n'a jamais voté massivement pour les candidats

de l'ex-Front National. Ses conseillers municipaux ont d'ailleurs déserté le Capitole depuis 2001. L'intéressé peut aussi en témoigner après son revers cuisant lors des législatives de 2017 où il a recueilli seulement 7,7 % des voix dans la 1ère circonscription de Haute-Garonne. Chemise blanche près du corps et tasse de café noir à la main, Quentin Lamotte reste sûr de son fait : « C’est une stratégie. Il faut travailler cette terre, semer les graines pour ensuite viser plus haut et aider Marine Le Pen à gagner les présidentielles ».

Zemmour, le détonateur

Travailler la terre, une expression qui ne doit rien au hasard. « J'ai grandi en Indre-et-Loire à côté de Tours, dans la ruralité » explique Quentin Lamotte. « Mes parents étaient éleveurs de

chèvres, ils faisaient du fromage AOC Sainte-Maure-de-Touraine. » Une jeunesse à la campagne, et un long silence qui l'accompagne. « J'ai connu les enjeux liés à l'emploi, à la perte des services publics » se rappelle celui qui est aujourd'hui courtier en assurances et crédits immobiliers. Dans la maison familiale, jamais de politique. « On ne votait pas. » Aucun débat lors des soirées électorales et pour cause : pas de télévision sur le meuble du salon : « ma mère était contre ». C'est pourtant à l'intérieur de cette boîte cathodique que le déclic viendra quelques années plus tard. En regardant Eric Zemmour sur France 2 dans l’émission « On n'est pas couché ». Chroniqueur et détonateur. « Il mettait des mots sur les maux et exprimait clairement ce que je n'arrivais pas encore à structurer ». L'insécurité,

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Relax

AGENDA

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L'ADDITION

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RESTOS

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BOUDUMONDE

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© DR

adj. REPOSANT, CALME, DÉTENDU, À L’AISE

PÉDALE OIE-OIE

L'AFFICHE

Les membres de ce génial duo montois coiffés de bérets landais et vêtus de chemise à carreaux du Midwest font lever les foules et gavent les oies. The Inspector Cluzo Tournée Brother In Deals Le 14 février à 20h30 au théâtre des Mazades

L

es Landais ont deux exceptions culturelles à faire valoir aux yeux du monde : les vachettes et The Inspector Cluzo. Pour les premières, ça sent le sapin : Nagui, l'animateur et producteur végétarien vient de les bannir du remake d'Intervilles, l'émission de télé créée par Guy Lux qui avait popularisé ces bovins bondissants dans la France entière. Tout le monde, en revanche, s'arrache les seconds, même si ce groupe rock partage son temps entre les tournées mondiales et une activité qui ne plaît pas non plus au grand manitou de Taratata : le gavage des oies. Car les membres de ce génial duo montois à béret basque et chemise à carreaux du Midwest sont à la fois rockeurs et paysans. Ils pratiquent les deux activités avec la même philosophie, mélange de do it yourself, d'enracinement, d'autoproduction, de refus de l'industrie et de souci des savoir-faire. Et ça

marche : Inspector Cluzo a joué l'an passé à guichets fermés aussi bien à La Cigale à Paris, à Buffalo, qu'au Brésil ou à la légendaire Carling Brixton Académy de Londres. Leur dernier album We People Of The Soil sorti en 2018 s'est écoulé à 15 000 exemplaires en France et à 25 000 à l'étranger, chiffres extravagants pour un groupe français autoproduit. Quant à la production fermière vendue sur les marchés et sur le site internet du groupe, elle est quasiment épuisée : ne restent que quelques confits et pots de rillettes. Le 14 février, le duo se produira au théâtre des Mazades pour une interprétation unplugged de We Peolple Of The Soil. Certainement les conditions rêvées pour profiter de leur pur blues-rock des origines, délivré directement du musicien au consommateur, sans électronique, sans basse, sans bandes préenregistrées et sans arrière-pensées BOUDULEMAG.COM _ 21


L'ADDITION

Hamid Miss Votre premier émoi gustatif ? Des petits pois avec de la sauce tomate dans une boite de conserve. Le plat que vous détestiez enfant ? Le riz. On en mangeait tout le temps mais on ne savait pas le cuire. Votre madeleine de Proust ? Purée de févettes. Le plat le plus difficile à réaliser ? Blanquette de veau. Votre plat « signature » ? Cassolette de tête et pieds de veau. L’aliment que vous préférez ? Le navet pour sa légère amertume. Celui que vous détestez ? Le soja en grain. Les pires associations ? Utiliser le miel. Votre pêché mignon ? Les anchois. Vos sources d’inspiration ? Tiffaine, ma femme. Le piège en cuisine ? Faire une cuisine d’assemblage, un plat pour qu’il soit joli en oubliant le goût. Le pire souvenir en cuisine ? A l’ouverture de la Pence Douce, il y avait trop de monde. C’était vraiment de l’abattage. Ce que vous inspire Trip Advisor ? Les heures sombres de notre Histoire, la délation. Heureusement que l’on n’est pas en guerre… Votre penchant alimentaire honteux ? Les sodas. Le plat ou le produit pour lequel vous êtes prêt à faire 100 km ? Des sardines grillées au feu de bois sur le port de Kenitra. L’homme ou la femme avec qui vous aimeriez dîner en tête-à-tête ? Pierre Gagnaire. Votre mentor ? Olivier Roellinger. Le chef que vous admirez le plus ? Anne-Sophie Pic pour son parcours. L’aliment le plus bizarre que vous ayez mangé ? Des maniocs, des racines en Afrique. J’irai un jour en Papouasie pour comprendre l’intérêt ! Si vous étiez un ustensile de cuisine ? Une lame de cutter.

La Pente Douce, 6 rue de la Concorde

© Rémi Benoit

Né à Kenitra au Maroc, il grandit au milieu de femmes qui lui apprennent les joies de la cuisine. Débarqué dans le Lot-et-Garonne à l’âge de 14 ans, il y apprend la mécanique de précision, travaille pour un sous-traitant d’Airbus, avant de se rendre à l’évidence : c’est derrière un fourneau qu’il est le plus doué. Après avoir ouvert en 2008 La Pente Douce sous forme de table d’hôtes à la Patte-d’Oie, il déménage, six ans plus tard, rue de la Concorde où sa cuisine à émotions fait merveille.


RESTOS

Ça vient d'ouvrir

La Vue

La Vue, 26 boulevard du Maréchal Juin

Une table à manger de tradition, Mlle Coccinelle, vient d’ouvrir dans le quartier Saint-Aubin. À la carte de ce petit restaurant où l’on n’a pas oublié d’être aimable, une cuisine sincère et généreuse où la soupe est servie dans la soupière et les entrées/desserts sur un buffet. Mlle Coccinelle, 16 rue de l’Étoile

© La Vue

Est-ce l’emplacement, au début du pont Saint-Michel, où l’on n’a pas vraiment l'habitude de s’aventurer pour faire bombance, ou bien le nom du restaurant, La Vue, qui donne plus envie d’enfiler une paire de lunettes que de savourer un risotto ? Bref, vous l’aurez compris, il y avait comme un léger à priori à l’heure de découvrir ce nouvel établissement perché au 6e étage de l’hôtel Le Pier. Sinon que la promesse nominale n’est pas exagérée. Situé face à la Garonne, le restaurant offre une vue panoramique, que ce soit de la salle ou de la terrasse, à couper le souffle. Sans aucun doute l’une des meilleures perspectives de la ville ! Et dans l’assiette, c’est pas mal non plus. À la manœuvre, Olivier Godechoul, déjà vu à Toulouse au Fouquet’s ou au Sixty-Two, propose une cuisine bistronomique conviviale réalisée à base de produits locaux que le chef fait l’effort d’aller débusquer en dehors des circuits classiques. Suffisamment rare pour être signalé... et apprécié ! À noter que le restaurant se met en mode tapas le soir et qu’il propose des petits-déjeuners de chef pour des rendez-vous d’affaires.

ET AUSSI...

C’est à un alliage argentino-breton que l’on doit le Bistro Breizh Latino, qui vient d’ouvrir ses portes sur les allées Jean-Jaurès. Comme on pouvait s’y attendre, crêpes et empanadas se taillent la part du lion dans ce sympathique petit resto qui propose également une formule à emporter et en livraison. Bistro Breizh Latino, 66 allées Jean-Jaurès Les bons restaurants proposant une touche africaine n’étant pas si nombreux à Toulouse, signalons l’ouverture récente des Délices de Léna au bout de l'allée de Brienne. Au menu de ce petit troquet de quartier, des plats traditionnels auxquels la cheffe, rajoute sa touche perso. À découvrir. Les délices de Léna, 10 avenue Octave-Lery


OÙ L'ON NOUS RAPPELLE

Que les Chinois sont patients · qu'il ne vaut mieux pas être favori en politique · qu'il y

a un dauphin à Bordeaux et un élan à Toulouse que Macron sera toujours président de la République en mars 2020 que les pesticides tuent que Toulouse n'est pas Bordeaux que les pauvres ne

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vivent pas tous en banlieue que

le rock est une voie de gavage · que

Zemmour

monde

a

décomplexé

pas

mal

de

· que les Verts sèment tout, même la division · que la mairie ·

·

fait du cousu main au Fil à plomb qu'Hamid Miss admire Pic que la police ne garantit pas la sécurité · qu'Antoine Maurice n’est pas un perdreau de l’année · que Moudenc ne veut pas de vagues · que les contraintes économiques seront durables · que les Landais ont le sens de l’humour · qu’un plat, ça doit avant tout être bon · et que Lamotte a envie de Béziers

Qu'apprendrez-vous dans le prochain numéro ? Réponse le 4 mars.


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