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Un carrefour de chansons entre Paris et Tokyo
from Nota03_Cahier
by genevebm
de la valeur, un moyen d'expression créatif et pour finir même un métier. »
À quel moment le Lego a-t-il cessé d'être juste une passion personnelle pour s'inscrire dans quelque chose de plus large ?
« Un jour ma maman buvait un café dans un restaurant du village avec une amie et s'est retrouvée à dire que son frère avait ramené à son fils deux trains Lego. Le tenancier du restaurant l'a entendue et a commencé à lui poser des questions : “Comment ça, du Lego, il a quoi, est-ce qu'il en vend ? ” Il s'est avéré qu'il était collectionneur et qu'il avait chez lui une pièce complètement dédiée, avec des trains et une petite ville… De fil en aiguille, nous avons commencé à en parler, lui-même avait un voisin, âgé dans la quarantaine comme lui, qui collectionnait également les Lego. Assez vite, tout le monde dans le village a su qu'il y avait ces trois fadas fans de Lego, et pour rigoler, entre la poire et le fromage, les gens ont commencé à nous dire : “Vous pourriez faire une expo ! ” C'est ainsi, il y a 15 ans, qu'est née l'exposition annuelle qui existe toujours sous le nom de SwissBriques : assurément la première de Suisse romande, et peut-être de Suisse, exclusivement dédiée au Lego. »
Rencontre Sa 3.12 / 16h
« Lego Masters 2021 »
Rencontre avec les vainqueurs Eric Bedelek et Alex Favre On dirait à vous entendre que, dès qu'on parle de cette passion dans un lieu public, quelqu'un sort du bois en disant : “ Moi aussi ! ”…
« C'était exactement ça ! Maintenant c'est devenu populaire, mais à une époque, si on disait qu'on collectionnait ou même simplement qu'on avait encore des Lego à 15 ans, vous n'imaginez pas à quel point on était catalogués comme bizarres par rapport aux gens qui étaient — entre gros guillemets — “cool”. Donc moi, c'était le truc que je faisais dans mon coin, je n'en causais absolument pas avec les gens de mon âge parce que je savais qu'ils m'auraient regardé comme un tagazou qui mange du papier toilette…
Depuis les années 2010, ça a complètement tourné : on voit des youtubeurs qui montrent leurs Lego, et des stars aussi, il y a eu Terry Crews, Hugh Jackman… Quand Aquaman est sorti, en 2018, et que Lego a présenté des sets inspirés du film, l'acteur Jason Momoa tenait dans ses mains une “minifig” de son personnage en disant : “Ça, c'est moi en Lego, c'est la plus belle œuvre que j'ai faite et mon plus grand exploit”. Pareil avec les films de la trilogie Le Hobbit (2012-2014), tous les acteurs se tenaient eux-mêmes dans les mains en “minifigs” et ils trouvaient ça fabuleux… Ce basculement a commencé à l'époque où le monde du geek a tourné “cool”, il y a une dizaine d'années. » S'agit-il d'un univers essentiellement masculin ?


« Non, il y a énormément de femmes, de filles… C'était masculin, je dirais, jusque dans les années 2000. Il y a eu ensuite quelques tentatives de la part de Lego de modifier l'aspect des figurines pour les rendre un peu plus “féminines” et faire du “Lego pour filles”. Mais aujourd'hui, dans les sets labellisés “pour filles” on trouve des choses comme un magasin de mécanique, un théâtre, un bateau… et vous avez des figurines de femmes dans des séries comme celle des cascadeurs à moto, qui peuvent parler à une petite fille comme à un petit garçon. Les gens que je connais et qui sont dans le Lego sont de tout âge et de tout sexe. Dans “Lego Masters” il y avait 4 concurrentes sur 16 personnes, dont une qui est arrivée en finale et qui a été recrutée par la société d'un des juges de l'émission pour y travailler comme maître constructrice. »
Qu'est-ce qui vous a surpris le plus dans ce parcours télévisuel ? Au moment où vous répondez à cette interview, fin juin 2022, vous êtes constructeur de Lego à plein temps depuis un mois, après avoir quitté votre travail d'ingénieur et créé la société Brickmasters avec votre coéquipier Alex Favre. Que fabriquez-vous ?
« C'est tellement diversifié… En ce moment, nous travaillons sur une maquette de ville pour la commune d'Aubonne. Ensuite, il y a un professeur du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) qui nous a demandé un objet animé pour montrer à ses patients, de manière compréhensible et rassurante, les interventions chirurgicales qu'il leur propose. Après, j'ai un rendez-vous avec un gérant d'une banque qui veut une maquette pour son lobby, on a des amis qui nous ont appelés pour qu'on fasse des objets pour leur mariage, une entreprise qui nous a contactés pour une maquette de leurs objets à présenter dans une exposition industrielle… Pour l'instant, nous n'avons pas encore fait de pub, et nous sommes bookés jusqu'à la fin de l'année. » Les autres rendez-vous de la semaine Lego à la BM Servette
Atelier Me 7.12 / 10h
Atelier numérique « Robotique / WeDo Lego — Le lanceur de toupie »
→ BM Servette ○ Jeune public 5-8 ans △ Inscription : servette.bmu@ville-ge.ch
Atelier Me 7.12 / 14h
→ BM Servette ○ Jeune public 8-12 ans △ Inscription : servette.bmu@ville-ge.ch
Film Sa 10.12 / 17h15
Projection du film La Grande Aventure Lego (The Lego Movie, 2014)
→ BM Servette ○ Tout public △ Inscription : servette.bmu@ville-ge.ch
« La plus grande surprise, c'était l'après, lorsque nous sommes rentrés, que le résultat a été dévoilé et que des milliers de personnes se sont manifestées pour nous dire : “Vous nous avez apporté des moments de bonheur chaque semaine dans cette période difficile” : c'était en effet l'époque des confinements Covid… Ensuite, nous avons été invités à des conventions Lego où nous avons passé des jours entiers à faire des dédicaces. Plus jeune, j'avais été avec ma chérie à beaucoup d'événements du genre Polymanga pour voir des youtubeurs et des artistes célèbres. Là, tout à coup, ça s'inversait, c'est nous qui étions les stars… Vous m'auriez dit ça il y a une année, j'aurais trouvé inimaginable. »

Les bébés lisent aussi
Photos : Lisa Frisco
Les enfants en bas âge ont une très forte curiosité spontanée pour les livres et pour l’écrit. Ce phénomène, toujours étonnant mais désormais bien étudié, ouvre Zéro : aussi surprenant que cela un univers de possibilités que les BM explorent puisse paraître, c'est l'âge à partir duquel on peut plonger dans la lecture. « La première fois que j'ai dans leurs rendez-vous pu le constater de mes yeux, je venais d'arriver aux Bibliothèques « Lire avec bébé » municipales et on m'avait dit : il faut aller voir à la bibliothèque de SaintJean, il y a des séances “Lire avec bébé”. J'ai été émerveillée de voir des parents qui étaient là avec un nouveau-né, couché, en train de babiller… Je sais aujourd'hui à quel point il s'agit d'une nourriture essentielle, de quelque chose de fondamental qu'on fait germer pour la suite : ce sont les prémisses d'un lien durable entre les enfants et les bouquins », note Olivia Cupelin, coordinatrice de la médiation culturelle pour le jeune public aux BM. Les bébés qui faisaient alors leur immersion dans le monde des livres ont aujourd'hui 13 ans, et d'autres ont pris le relais dans des rendez-vous « Lire avec bébé » qui se sont démultipliés entre-temps dans différentes bibliothèques du réseau. Chaque bibliothécaire a sa façon particulière de mener ces séances, articulées généralement en des séries de trois rendez-vous, pour que les liens au sein du groupe puissent se nouer et les échanges se développer. À la BM Cité, c'est la médiatrice culturelle Elena Gilardoni qui embarque enfants et parents dans l'univers du livre.
Pourquoi les BM invitent-elles à « lire avec bébé » ?
« L'idée, c'est que si on vit ce rituel de plaisir en lien avec la lecture, si on connaît dès le plus jeune âge cette sorte de câlin avec le livre, on gardera probablement toujours cette relation avec le bouquin en tant qu'objet qui fait du bien. On aura beau ensuite décrocher par moments, en cessant par exemple de lire pendant l'adolescence, on finira par y revenir plus tard. Il s'agit donc de promouvoir la lecture comme plaisir avant qu'elle ne devienne une obligation dans le cadre de l'apprentissage scolaire.
Ce qu'on remarque, c'est en effet que les enfants d'âge préscolaire ont tous et toutes la même curiosité, la même envie d'écouter et de découvrir un livre et une histoire [lire l'encadré]. Après, si on ne leur met pas des livres dans les mains entre 0 et 4 ans, un écart peut apparaître et se creuser, et au moment où l'apprentissage de la lecture commence à l'école, on verra probablement des enfants qui lisent et des enfants qui ne lisent pas… L'encouragement précoce à la lecture peut donc faciliter l'apprentissage et être un bon investissement pour lutter contre l'échec scolaire. En m'adressant aux parents, j'essaie de leur dire : ce que vous faites là n'a peut-être l'air de rien, mais c'est un grand cadeau à votre enfant pour la suite. »
Quels livres lit-on avec des bébés ?
« On peut lire ce qu'on veut aux bébés et en faire des moments de plaisir, mais lors des séances “Lire avec bébé”, je présente les documents les plus appropriés qu'on peut trouver et emprunter à la bibliothèque. Des livres en noir et blanc conçus pour les enfants de moins de six mois, qui perçoivent les contrastes mais ne voient pas encore les couleurs. Des livres qui brillent la nuit, à raconter dans l'obscurité avec juste une petite veilleuse. Des livres accordéons, à regarder à quatre pattes. Des comptines. Des récits qui accompagnent les enfants dans leur développement, qui parlent « Né pour lire », un projet fédéral en 30 langues


Les rendez-vous « Lire avec bébé » s'inscrivent dans le cadre du projet national Né pour lire, lancé en 2008 par la fondation Bibliomedia Suisse (vouée au développement des bibliothèques et la promotion de la lecture) et par l'Institut suisse Jeunesse et Médias (ISJM), centre de recherche, de documentation et de consultation dans le domaine de la littérature et des médias pour les jeunes.
Soutenu par la Confédération (Office fédéral de la culture), mis en œuvre à travers un partenariat entre les bibliothèques, les professionnel-le-s de la santé et de la petite enfance et les librairies de Suisse, Né pour lire a créé un coffret distribué gratuitement dans les bibliothèques, crèches et associations participant au projet, comprenant deux albums pour enfants (avec traduction en 30 langues disponible en ligne sur nepourlire.ch) ainsi qu'un livret en 16 langues (également disponible en ligne) qui suggère aux parents la manière d'accompagner leurs enfants dans le monde du livre et de la lecture, en fonction de leur âge.

d'elles et d'eux, de leurs vies, de leur quotidien. Mais surtout des histoires qui provoquent des émotions, des histoires drôles par exemple. J'aime raconter une histoire qui fait rire les parents et observer les réactions des bébés. Je me dis que si les enfants partent avec quelque part dans leur tête l'idée que les livres font du bien, c'est gagné !
Je présente toujours aussi les Livres des saisons de Rotraut Suzanne Berner, des albums sans texte très riches en détails, qu'on peut raconter comme on veut, selon l'âge et les intérêts des enfants, et surtout dans la langue qu'on parle à la maison. J'insiste, à ce propos, sur le fait que plus un-e enfant maîtrise sa langue maternelle, plus l'apprentissage du français lui sera facile. Il n'est donc pas forcément nécessaire de lire en français à la maison, et si les parents ne trouvent pas de livres dans leur langue maternelle, on peut toujours éveiller les enfants au récit par d'autres biais, en leur racontant des histoires oralement, ou en leur montrant des photos de familles et en les commentant… » Si on résume : peu importe la langue, l'important, c'est la lecture… Et en fait, peu importe la lecture au sens strict : même s'il n'y a que des images sans texte, l'important, c'est l'objet livre et la parole qui l'accompagne…
«L'accès, très tôt, à des livres diversifiés tant par leurs textes que par leurs images permet aussi aux enfants de développer leur sens esthétique, de forger leur goût, d'amplifier leur vocabulaire. En leur racontant des histoires, on aide les enfants à avoir les mots pour se dire et pour dire le monde. »
En ligne
genevebm.com/lire-avec-bebe genevebm.com/livres-petite-enfance-familles genevebm.com/prix-ptits-momes


Une étonnante curiosité spontanée
Les enfants en bas âge, quel que soit leur milieu social et familial, ont un fort élan de curiosité spontanée pour les livres et pour l'écrit. Ce phénomène surprenant est exploré une première fois par Emilia Ferreiro, chercheuse argentine qui réalise en 1970 sa thèse de doctorat à l'Université de Genève sous la direction de Jean Piaget (et qui revient s'exiler en Suisse en 1977, suite au coup d'État qui réinstaure la dictature militaire dans son pays).
Dans les années 1980, cette découverte est développée et diffusée largement en francophonie par la psychiatre Marie Bonnafé, co-fondatrice en 1982 de l'association ACCES (Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations) et auteure de l'ouvrage de référence Les livres, c'est bon pour les bébés (CalmannLevy, 1994). Voici ce qu'elle écrit dans un de ses premiers textes sur le sujet, publié en 1987 dans La Revue des livres pour enfants : « Nous constatons que la curiosité des enfants est très vive à cet âge [de 0 à 3 ans], ce qui surprend souvent les adultes. Ils feuillettent les pages, s'arrêtent sur le graphisme, attentifs au dessin, aux lettres, aux couleurs, en même temps qu'ils associent dans leur esprit tous ces signes avec l'histoire entendue »
Marie Bonnafé et l'association ACCES sont parmi les forces inspiratrices du projet suisse Né pour lire (voir page précédente), dans le cadre duquel les BM ont développé «Lire avec bébé». . Une constellation de rendez-vous variés

Aux Bibliothèques municipales, l'offre de livres pour la petite enfance est accompagnée de rendez-vous variés. Parmi ceux-ci, on trouve les séances « Lire avec bébé », qui au cours du second semestre 2022 ont lieu aux bibliothèques de la Cité, de Saint-Jean et des Pâquis, mais également hors murs, pour aller à la rencontre des familles qui ne fréquentent pas les bibliothèques.
La palette de rendez-vous inclut également les accueils de crèches, la semaine Livres, petite enfance et familles, les séances « Lire et relire » (dès 3 ans, les premiers samedis du mois à 11h à la BM Cité) et le Prix P'tits Mômes. Ce dernier est l'une des très rares récompenses littéraires à être décernées par des enfants de 2 à 4 ans, qui délibèrent et votent au sein des structures d'accueil de la petite enfance, de l'Hôpital des enfants et des Bibliothèques municipales… Nous en parlerons dans un des prochains numéros de Nota.
