Bat'Carré N°9

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CARRÉ

BAT’ numéro 9 // avril-mai 2013

leu tempo E

15 ÉDITION RencontRe avec éRic languet

hampi

LE ROYAUME OUBLIÉ

Pierrefonds LE PASSÉ EN DEVENIR



4 8 20 24 30 32 38 46 48 60 64 68 72 74 76 78

CARRÉ

BAT’

ÉVASION CULTURELLE ÉVASION ROMAN, ÉVASION JEUNESSE, ÉVASION POLAR AU CŒUR DE L’ÎLE PIERREFONDS, LE PASSÉ EN DEVENIR ESCAPADE CAPE TOWN, LES CHEMINS DE LA TABLE SAVOIR-FAIRE MARION LACRONIQUE, CRÉATRICE DE COULEURS NATURELLES COULISSE ANNE QUEFFÉLEC, L’ÂME FLAMBOYANTE DES COMPOSITEURS ! BEAUX-ARTS LA COMPLÉMENTARITÉ ARTISTIQUE RENCONTRE ÉRIC LANGUET, UNE LUMINEUSE ENVIE DE PARTAGE HORIZON SAUVAGE BEFANDRIANA, MADAGASCAR VOYAGE-VOYAGE HAMPI, LE ROYAUME OUBLIÉ BATAYE KOK CLAUDY, D’ÎLET À CORDES AU FIL DES FESTIVALS DANS LEU TEMPO COUP DE CŒUR MAJORETTES PAPILLES EN FÊTE RECETTE DE L’ATELIER DE BEN À L’ÉCOUTE SÉLECTION MUSICALE À LA LIGNE SUPPLÉMENT D’ART RENDEZ-VOUS BD DES BULLES AU CHOIX

Erratum Dans le précédent numéro, la photographie de Bataye Kok a été injustement attribuée à Hippolyte, or elle était de Nicolas Anglade. Toutes nos excuses à l’auteur.

Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

Couverture Photographie de Arnaud Späni Éditeur BAT’CARRÉ SARL bimestriel gratuit

Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 29 47 50

Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463

Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs Jean-Paul Tapie Géraldine Blandin Flore Baudry Anne-Line Siegler Sylvain Gérard Francine George

Secrétaire de rédaction Aline Barre

Illustrateurs Hippolyte

Développement web Anli Daroueche et New Lions Sarl

Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org

Création & exécution graphique Crayon noir

Publicité Francine George : 0262 28 01 86

Vifs remerciements à Benoît Vantaux, Bernard Leveneur, David Lorion, les habitants de Pierrefonds, le CRR, Michel Bussi, l’équipe du Séchoir, Robert Labor, Patrice, Samuel et Clément pour leur précieuse collaboration à ce numéro.

Distribution TDL

Photographes Arnaud Späni Stéfan Grippon Matthew Ragen Géraldine Blandin Vincent Garnier Hippolyte Jean-Noël Énilorac René Carayol Éric Sam-Vah Nicolas Anglade Sébastien Marchal

Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André DL No. 5565 - Avril 2013


www.batcarre.com

Temps perturbé, temps de la discorde, attentats, zones d’ombre… le mensonge à la clé. Il est temps de passer outre et de s’émerveiller d’un autre monde. À La Réunion, les nombreux artistes et ceux qui les convoquent nous ouvrent cette voie, douce et colorée, vers laquelle nos sens peuvent s’éveiller à autre chose que du sordide. Le Séchoir, par exemple, fête la quinzième édition du Leu Tempo en rendant un hommage à Baguett’, son créateur, un rendez-vous à ne pas manquer. Le TEAT nous a présenté en concert une des plus grandes pianistes au monde, qui plus est, d’une modestie presqu’irréelle. Éric Languet nous donne en partage sa vision lumineuse de l’équilibre. Cristof Dénmont & Frédéric Cadet s’amusent à croiser leurs démarches artistiques dans l’idée d’être, eux aussi, le plus accessible possible à tous les publics. Le Grand Marché, quant à lui, nous a offert la dernière création de Lolita Monga, Majorettes, fantaisiste et pourtant si réaliste qu’elle pourrait avoir Pierrefonds comme lieu d’inspiration. Un quartier dont le futur se prépare sur les traces de son histoire, forgée à des époques différentes par la détermination de deux hommes, Théodore Deshayes et Léonus Bénard. Sur le thème « tradition et innovation », le salon de la maison fête ses 25 ans de succès avec le public au Parc des Expositions de Saint-Denis. Plein de nouveautés sont au rendez-vous et vous nous y trouverez sur le stand du JIR, notre distributeur. Et, à tout moment, venez découvrir notre nouveau site www.batcarre.com où l’univers de BAT’CARRÉ se décline, pour vous, en musique, vidéos, galeries de photos et blog à votre intention.

Francine George

www.

Retouvez sur notre site batcarre.com des compléments photos, vidéos, blog... et prolongez vos plaisirs de lecture.



É VASION ROM AN · 4

LE PRIX MÉTIS DES LYCÉENS

À l’instar du Prix Goncourt des lycéens, la ville de Saint-Denis, l’association « La Réunion des Livres », le Rectorat et leurs partenaires ont organisé le Prix Métis des lycéens en parallèle du Grand Prix du Roman Métis décerné à Tierno Monénembo en 2012 pour son roman Le Terroriste Noir publié au Seuil. Cette année, Carole Zalberg reçoit le Prix Métis des lycéens pour son roman À défaut d’Amérique publié aux éditions Actes sud. Elle succède à Delphine Coulin, première lauréate de ce prix pour Samba pour la France aux éditions du Seuil. Lancé le 6 décembre 2011, ce prix littéraire offre à 240 élèves âgés de 16 à 17 ans (issus de huit classes de seconde et de première de l’Académie de La Réunion) l’opportunité de lire et d’étudier en deux mois des nouveautés littéraires composant la sélection du Grand Prix du Roman Métis. Une belle invitation à lire, à participer à un jury et à dialoguer avec l’auteure, présente à La Réunion pour recevoir son prix.

Rencontre à la librairie L’échapée Belle

Carole Zalberg, avec un sourire éclatant, exprime sa joie d’être ici, accueillie par un jeune public exigeant. Les questions ont fusé, les échanges ont eu lieu, même avec ceux qui n’avaient pas forcément voté pour elle. Il faut dire que la romancière est habituée au cadre scolaire où elle anime des ateliers d’écriture. À défaut d’Amérique est un superbe roman, un mille-feuille tissé de plusieurs voix autour d’Adèle que l’on enterre dès les premières pages. Deux femmes racontent, chacune avec son époque et sa vision, la vie de cette femme qui, fuyant la Pologne, débarque, gamine, à Paris, le jour de l’Amnistie. Suzanne, la fille de Stanley, un soldat américain qu’Adèle a rencontré à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, déroule son récit, avec une certaine aigreur envers Adèle. Elle n’aime pas celle qui s’est interposée entre son père et elle. Et puis, Suzanne évolue, entraînée dans sa recherche du passé vers d’autres horizons, qui la rapproche de sa célèbre et combative tante, installée au Cap. Fleur, plus distante, est l’arrière-petite-fille d’Adèle. Elle remonte le temps et raconte le périple d’Adèle, l’exilée, l’art d’aménager le quotidien dans la débâcle, de lutter contre la maladie, la force d’adaptation dans l’adversité, toujours accrochée à ce bien précieux qu’est la vie. Adèle prend de l’âge sans pourtant trouver du répit. À chaque chapitre, plutôt court, Fleur et Suzanne prennent la parole alternativement, laissant le lecteur au milieu du gué, mais le récit se poursuit, captivant, fluide, les dialogues se mêlant à la narration, le fil conducteur, perceptible ou caché, rendant compte de la douleur d’être ou de ne pas être mère. L’Histoire, s’appuyant sur la mémoire collective, est convoquée au détour d’une seule phrase. Une belle écriture, un grand moment de lecture. Si vous aimez ce roman, deux autres vous attendent. En effet, l’histoire d’Adèle est le dernier volet de la Trilogie des tombeaux consacrée aux femmes d’une même famille dans une chronologie inversée, dictée par le décès de chaque héroïne. L’histoire d’Emma, sa fille, constitue le deuxième volet tandis que Sabine, sa petite-fille ouvre le bal. Nous les retrouvons toutes les deux dans À défaut d’Amérique, mais cette trilogie familiale peut se lire dans le désordre.


5 · É VASI O N JEU NE SS E

LIVRES MUSICAUX À PUCE

Séga et Maloya, deux livres cartonnés colorés pour les tout-petits, illustrés par Moniri M’Baé, permettent de découvrir, à chaque page, un instrument de musique en écoutant un extrait. Très ludique, il suffit d’appuyer sur la puce posée sur l’instrument et le son s’échappe allègrement ♫ ♫ ♫ ♫ ♫. Les instruments du Séga : guitare, accordéon, basse, batterie, voix, sur l’extrait de Mon mari pêcheur de Georges Fourcade. Les instruments du Maloya : roulèr, kayamb, pikèr, bob, voix, sur l’extrait de Dodo Sya, berceuse réunionnaise. Séga - Maloya Moniri M’Baé ÉDITEUR Zébulo Éditions TITRES

ILLUSTRATEUR

QUE LA NATURE EST BELLE

!

Pour les plus grands, l’histoire de la jolie métisse N’Gaya se passe à Mayotte. Les journées passent dans un quotidien exotique. Et un jour, la terre est brûlée, les fleurs sont fanées, les ordures répandues partout attirent les rats, et surtout l’eau ne coule plus au robinet ! N’Gaya invoque alors son ami Boina Wassi qui lui indiquera comment préserver la nature et remettre en état son île enchanteresse. Cette belle histoire est accompagnée d’un CD où les bruitages naturels se mêlent aux musiques classiques et aux musiques traditionnelles mahoraises. N’Gaya - Petite fille à Mayotte Estelle Degioanni ÉDITEUR Coccinelle Édition TITRE

ILLUSTRATRICE

L’HISTOIRE ET LE GUIDE NATURE

Pour les plus grands encore, une autre histoire écologique documentée d’un guide sur les animaux et sur les plantes dans la forêt de Bois Couleurs. Beaucoup d’illustrations, de textes ludo-éducatifs, un classement des espèces, des conseils de prudence émaillent cet album riche en données biologiques et informations sur la biodiversité apportées par l’auteur, inconditionnelle de la nature réunionnaise. Dans la forêt de Bois Couleurs - L’on m’a rat conté & ILLUSTRATEUR Stéphanie Dalleau-Couder ÉDITEUR Austral Éditions TITRE

AUTEUR

En collaboration avec la librairie Gérard


É VASION POLAR · 6

UN THRILLER À LA RÉUNION

Dans son dernier opus, Ne lâche pas ma main, Michel Bussi, écrivain, professeur de géographie à l’université de Rouen et politologue, met en scène La Réunion en un week-end de course-poursuite. Sous le regard hypnotisé du lecteur ! Un thriller qui déroute le malin qui croit tout deviner. Les paysages réunionnais sont au premier plan et surtout, les personnages, hauts en couleur, sont orchestrés avec une acuité déroutante et une bonne dose d’humour. Insomnie garantie si vous entamez ce polar le soir ! Mais laissons la parole à l’auteur… Vous aviez déclaré pour les Nymphéas noirs qu'après avoir construit votre histoire vous cherchiez un décor et Giverny s'est imposé naturellement. Qu'en est-il pour La Réunion ? Michel Bussi - Non, c’est l’inverse… Pour Ne lâche pas ma main, j’ai vraiment inventé l’histoire à La Réunion, et elle était indissociable de l’île… Mon roman n’aurait pas pu se passer ailleurs. Quelle est donc votre histoire avec notre île ? Je suis venu trois fois. La première fois, il y a 10 ans en vacances, et l’idée de l’histoire m’est venue. Puis il y a 5 ans (pour une soutenance de thèse), et j’ai réglé un certain nombre d’éléments plus précis, notamment les lieux de l’action. Puis une autre fois en 2012, encore pour une soutenance de thèse, et j’ai alors vérifié dans le détail mon histoire, qui était quasiment rédigée. Je reviendrai une quatrième fois, plus longuement, cet été… Quelques questions à l’auteur

Comment vous êtes-vous documenté ? Vous avez de la famille ou des amis ici ? Qui vous a mis sur la voie des personnages créoles ? J’ai beaucoup lu surtout… J’ai beaucoup observé de cartes, de films, de photos. Il y a aussi dans mon roman plusieurs anecdotes tirées de récits réels. Je n’ai fait lire mon roman à des amis réunionnais qu’une fois le livre entièrement rédigé. Il y a encore eu à ce stade plusieurs ajustements… C’était en fin de compte très agréable d’écrire, sous le ciel gris de Normandie, un roman qui se déroulait sous les Tropiques. C’est un peu comme si je m’y promenais réellement pendant des jours entiers. On sent bien l'expérience du géographe dans le dédale de l'île ou des rues de l'Ermitage, votre travail de repérage s'est fait comment ? Michel Bussi - Des cartes, des plans, et des notes prises lors de mes différents séjours à La Réunion. J’ai vraiment mis en scène beaucoup de lieux que j’avais fréquentés. Ce n’était pas très difficile ensuite d’imaginer mon histoire, ces lieux sont très inspirants… Et ma grande fierté serait que Ne lâche pas ma main devienne un livre utile pour un touriste qui découvrirait la Réunion. Le plaisir de la lecture se mêlerait à la découverte ou la reconnaissance des sites. Je crois qu’au fond, il est plus facile d’écrire sur un lieu quand il existe une certaine distance avec lui, plutôt que d’être trop immergé et de ne plus avoir de recul.


Et le travail du politologue ? Vos interlocuteurs ici ? Je ne vais pas dénoncer mes indics !!! Je les ai fait parler sous Zamal (à l’origine, ce devait être le titre du livre). Plus sérieusement, ce qui m’a fasciné à La Réunion est ce mélange unique de métissage, mais également ces inégalités sociales et, que ce soit lié ou non, cette violence… Pour le résumer, je fais dire à mon héros cette phrase, « Une île, un monde »… proclame le slogan touristique de La Réunion. Pas faux, au fond. Sur quarante kilomètres carrés sont rassemblées un petit échantillon représentatif des inégalités entre les peuples des cinq continents. Un laboratoire de l’humanité. Cette île est une terrasse posée sur le rebord du monde pour observer l’avenir du genre humain... À l’ombre, en tongs, un verre de punch à la main ». Vous écrivez comme dans un film, y a t-il un projet cinématographique autour de votre livre ? Oui, j’étais le seul maître à bord devant mon clavier et mon ordinateur, alors je ne me suis pas privé. J’ai fait décoller les hélicoptères, les tireurs d’élite, j’ai déclenché le plan Papangue et des bouchons plus interminables que jamais sur tout le littoral… J’avais la Plaine des Sables, le Piton de la Fournaise, l’Anse des Cascades pour moi tout seul ! Visiblement, mon cadrage a séduit, puisque les droits d’adaptation ont été vendus à une société de production (connue !) avant même que le livre ne sorte en librairie… A priori pour une mini-série télé…


AU CŒU R DE L’ Î LE · 8

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI, STEFAN GRIPPON

Pierrefonds le passé en devenir

& COLLECTION

PRIVÉE


l’histoiRe de pieRRefonds est peu commune et son aRchitectuRe unique suR l’île. aujouRd’hui à l’abandon, pieRRefonds fait l’objet d’un vaste pRogRamme de développement uRbain qui pRend en compte son histoiRe et les populations qui se sont installées là depuis l’oRigine. ce site de cinq hectaRes est classé au patRimoine des bâtiments de fRance et va se RetRouveR dans les pRochaines années au cœuR d’un quaRtieR qui devRait accueilliR quelque huit mille

PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

peRsonnes.


AU CŒU R DE L’ ÎLE · 10

la belle endormie

PHOTOGRAPHIE STEFAN GRIPPON

le passé encore présent

Le quartier est calme en cette fin d’après-midi.

Quelques enfants rassemblés autour du toboggan

Les deux grues servent d’aire de repos aux oiseaux.

en forme de lutin s’amusent. Chacun, dans sa case,

La lumière chaude, et particulièrement belle,

vaque à ses occupations, ou regarde, impassible,

inonde de reflets orangés les bâtiments de l’usine,

la TV. À l’arrière, dans les petites rues, les musiques

les cuves à mélasse, tandis que la belle cheminée

s’interpellent, rap, pop, electro, maloya… les déci-

en basalte se détache, bien droite, dans le ciel.

bels s’entrechoquent, sans que personne n’y voie d’inconvénient. Une mobylette déchire l’espace

La vue au loin d’une série de remparts, magnifi-

de son vrombissement. Le bruit retombe très vite,

quement ciselés, donne à Pierrefonds le senti-

il y a de la vie à Pierrefonds, mais le quartier res-

ment d’être à l’abri. Les maisons du lotissement et

pire la tranquillité. Sauf aux alentours du six du

les petites cases ont toutes un jardin aménagé.

mois où la bière coule alors à flots, les disputes

De temps à autre, un chiffon rouge accroché à

éclatent sous l’emprise de l’alcool, le quartier est

l’arbre, un temple sous le hangar, des cageots de

jonché de déchets, jetés par terre…Et puis, dou-

légumes disposés à la vue du passant, des clapiers

cement, au fil des jours, tout rentre dans l’ordre.

à coqs… laissent entrevoir ce que chacun a apporté ici, sa croyance, son vécu, sa personnalité, son

Au bout d’une impasse, l’épicerie du quartier

petit-quelque-chose qui fait que le quartier, tel un

laisse l’ombre et la fraîcheur s’installer à l’intérieur.

tapis mendiant, devient un espace unique.

Elle sert de débit de boissons et de dépannage à tout va. Haut lieu de discussions, dès qu’un client entre, deux autres le suivent pour agrémenter la conversation. Le propriétaire qui s’occupe aussi de chambres d’hôte, de l’autre côté de la rue, a bien connu le temps où l’usine tournait, le dur labeur d’ouvrier de la canne, la course quand il fallait aller irriguer les champs aux premières lueurs du jour… Aujourd’hui, sportif émérite et passionné de pêche au gros, il est fier de montrer la photo de son exploit, la capture d’un marlin de 360 kg.


PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI


AU CŒU R DE L’ ÎLE · 12

PHOTOGRAPHIE COLLECTION PRIVÉE

De l’autre côté, au coin de la rue Julius Bénard,

Sur le terrain de foot, une équipe junior se démène

Tintin, la figure du quartier, tient aussi son débit

à tirer au but. Plus loin, quelques jeunes occupent

de boissons, tables et chaises installées sous la

leur désoeuvrement en groupe, assis sur une

varangue en tôle. Ancien ouvrier de l’usine, il en

souche, à l’ombre d’un manguier. Ils s’ennuient

parle avec son aréopage de copains, ouvriers,

et, quelque peu désabusés, se découragent de ne

gardiens ou journaliers. L’année fatidique de 1970

pas trouver de travail : « le système est foireux.

est dans tous les esprits. Certains sont partis chercher

on est comme des marionnettes. l’année pro-

du travail ailleurs, d’autres font déjà partie d’un

chaine, c’est les élections et la chasse Tang a déjà

autre monde, et eux, sont bien là. Nés à Pierre-

commencé, des promesses, du baratin, comme

fonds, ils n’ont pas voulu en partir : « C’est comme

toujours. »

un patrimoine, on aime là où on est né. » Ils

La Kaz Fée Mazine, à l’angle d’une rue, propose

égrènent le temps, bien installés dans leur chaise

aux petits des ateliers ludiques, des promenades,

longue, leur famille grouillant autour. Ils se sou-

des cours de danse, musique et activités parents-

viennent de l’époque où il y avait du petit bois

enfants. Les différentes générations d’habitants

cabris, du jus de canne fabriqué sur place, de

du quartier se croisent là. Avant, il y avait le théâtre

savoureux champignons de bagasse… Les en-

Talipot, qui a créé un grand vide depuis son

fants mangeaient tous ensemble et les hommes

départ.

avaient leur petit coin pour boire le café, à part.

L’eau coule encore à la fontaine, mais l’herbe est

Le travail était dur, la coupe de la canne, le

en friche. La faute aux contrats aidés ! Les habi-

transport jusqu’à l’usine en charrette à bœufs.

tants se sentent quelque peu délaissés. Personne

Le dimanche, c’était repos et le temps « de boire

ne s’occupe plus d’eux, disent-ils, sauf devant,

des p’tits coups de sec ». La vie s’organisait autour

près de l’usine où la pelouse est bien entretenue.

du travail dès le plus jeune âge : « mon école, c’était

Et pourtant, Pierrefonds fait l’objet d’un grand

au champ. » L’ombre de Léonus Bénard plane,

projet de développement qui prend en compte

simplement comme celui qui donnait du travail.

l’histoire hydraulique et sucrière du quartier.

Sa femme rendait visite à l’occasion : « la patronne la donné la première layette pour ma fille. »

1

Source : Bernard Leveneur dans Petites histoires de l’architecture réunionnaise aux éditions Quatre épices


l’histoire d’eau

Pierrefonds, nous explique l’historien Bernard

Ils arrivent à convaincre le gouverneur de l’époque

Leveneur, est d’abord une zone de pâturages, où

qui s’enthousiasme pour cet ouvrage hydrau-

1

e

lique exceptionnel. Le canal, construit entre 1821

siècle, l’eau de la rivière, toute proche, n’arrive

et 1825, change complètement la physionomie

les cabris broutent cet espace aride . Au XVIII

pas jusque-là. Le premier nom de la propriété de

des lieux, et fait la fortune des planteurs. Vue en

Pierrefonds est d’ailleurs « Savane ». Dans cette

avion, on aperçoit toujours la trace des andins,

partie sud de l’île, les plantations de café, d’épices

ces petites haies minérales naturelles destinées

et les cultures vivrières sont abondantes, mais

à protéger la végétation des vents et à retenir

les plaines entre la rivière Saint-Étienne et la

l’eau.

rivière d’Abord restent en friche, l’eau y manque cruellement. Trois propriétaires de Saint-Pierre, Frappier de Montbenoît, Motais et Hoareau Desruisseaux conçoivent l’audacieux projet d’établir un canal à partir de la rivière SaintÉtienne.


AU CŒUR DE L’Î L E · 1 4

l’histoire industrielle

En suivant le cours de la succession des proprié-

En 1851, Théodore Deshayes, avocat dionysien

taires racontée par Bernard Leveneur, c’est toute

devient le nouveau propriétaire des lieux et,

l’histoire du sud de l’île qui est mise en relief.

pour prendre ses marques, baptise son domaine

Pendant une dizaine d’années, de 1820 à 1830,

Pierrefonds. Il va opérer de nombreuses trans-

La Savane appartient à Richard Le Bidan qui

formations, agrandir le domaine par l’acquisi-

vend ensuite le domaine à la famille Simon. Une

tion de terrains situés à proximité. C’est à lui que

distillerie et des contrats avec les planteurs alentour

l’on doit cette magnifique composition paysa-

sont enregistrés, montrant ainsi les débuts d’une

gère qui fait la particularité de Pierrefonds.

organisation centralisée. Le domaine s’agrandit

Contrairement aux autres domaines sucriers où

avec les parcelles acquises par la famille Simon.

l’allée principale mène à la maison du proprié-

En 1845, l’habitation est vendue aux frères Giot,

taire, l’allée principale de Pierrefonds, plantée

puis en 1947 à Isaac Renaudière de Vaux et Félix

de benjoins, mène à l’usine, une magnifique

Vergoz, sans qu’aucune modification n’ait eu

bâtisse, modèle de l’architecture industrielle du

lieu. En 1848, la proclamation de l’abolition de

Second Empire. Pour faire face aux investisse-

l’esclavage provoque la ruine de nombreux pro-

ments nécessaires pour moderniser l’usine,

priétaires terriens. Renaudière de Vaux et Vergoz

Deshayes emprunte 700 000 francs au Crédit

sont obligés de se séparer de ce qui est toujours

foncier Colonial en 1861. Le bâtiment de l’usine

La Savane. Le domaine est vendu au quart de sa

de 59 mètres de long est reconstruit en pierre,

valeur estimée.

les moulins et une écurie pour les mules et une autre pour les chevaux se situent juste à côté. Sous les arbres centenaires, se cache la maison du propriétaire. Aux alentours, des logements pour les engagés et un hôpital sont également édifiés à cette période. Mais la conjoncture économique est de moins en moins florissante. L’insecte, le borer, ravage les plantations, les cyclones aussi et le cours mondial du sucre chute brutalement. Deshayes emprunte une nouvelle fois, offrant le domaine en garantie.


l’histoire d’une scission

En janvier 1867, Deshayes décède. Sa veuve et

Léonus et Jules. Pierrefonds va peu à peu renouer

ses trois filles ne peuvent pas faire face aux

avec la prospérité. Léonus Bénard, devenu l’unique

créanciers et Pierrefonds est vendu par adjudi-

propriétaire de Pierrefonds, notamment grâce

cation à Louis Laurent Lefèvre. Après la période

aux donations de son beau-père Fernand Inard,

florissante de Deshayes, Pierrefonds va vivre des

va peu à peu racheter les propriétés de Kerveguen

temps maudits de 1867 à 1895. Les propriétaires

dont le Gol et les Casernes. À cela s’ajoute Maison

se succèdent et meurent rapidement après.

Rouge, propriété de sa femme. Il devient à son

Lefèvre en 1971, Reverce en 1879. Surendettés,

tour le puissant propriétaire d’un vaste territoire

les successeurs ne peuvent plus assumer et le

compris entre la commune de l’Étang-Salé et la

Crédit Foncier Colonial rachète Pierrefonds en

Rivière d’Abord. La Seconde Guerre Mondiale va

1883. Les administrateurs ferment l’usine. Dix ans

porter atteinte à cet empire de l’agro-alimentaire.

plus tard, en 1894, le Crédit foncier consent à

Puis, peu à peu, les impératifs de rentabilité

louer les terres du domaine à Germain Pradel,

condamnent deux usines au profit de celle du

un ingénieur lyonnais installé au Port qui fait

Gol, comme un retournement du destin :

l’acquisition de l’usine en 1895.

Casernes dont les cheminées ont été détruites et

De 1907 à 1970, l’usine de Pierrefonds connaît un

Pierrefonds qui ferme définitivement ses portes

nouvel essor. Le puissant propriétaire de l’usine

en 1970. La municipalité de Saint-Pierre rachète

du Gol et des Casernes, Robert Kerguelen, me-

Pierrefonds en 1990.

nace les planteurs de faire baisser encore le prix de la canne. Puis, suite à un incident technique, il refuse de recevoir les cannes des planteurs du sud lors de la campagne sucrière de 1907/1908. Entretemps, sous l’initiative de Léonus Bénard, un groupe de planteurs de la région met en commun leurs capitaux pour faire l’acquisition de Pierrefonds. Étienne Cadet en est nommé Directeur. La sucrerie de Pierrefonds est remise en activité pour contrer le diktat de Kerguelen. Ensuite, le domaine de Pierrefonds change de

PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

main avec toujours à sa tête les frères Bénard,


AU CŒU R DE L’ Î LE · 16

pierrefonds en devenir

le lien temporel

David Lorion 2 quant à lui dessine les contours,

L’usine et ses différents bâtiments auront pour

c’est sa mission, du futur Pierrefonds. Ce site

principale destination la valorisation du patrimoine.

exceptionnel de cinq hectares est resté en l’état.

Le bâtiment principal serait destiné à montrer des

En dehors du programme de rénovation des ha-

œuvres d’art en mettant l’accent sur des collec-

bitats insalubres, et de l’installation de nouveaux

tions qui restent cachées par manque d’espaces

réseaux, Pierrefonds fait aujourd’hui l’objet d’un

disponibles et sur l’art contemporain qui n’a pas

grand projet de programmation au centre duquel

encore trouvé toute sa place à La Réunion. En

l’usine doit trouver sa nouvelle fonction. Le concept

complément, cette Cité du Patrimoine ouvrirait

est de travailler sur un ensemble industriel plutôt

la porte à des centres de documentations, des

que de s’attacher à réhabiliter des bâtiments.

cycles de conférences, des séminaires, sur le

Pierrefonds, porte d’entrée du grand sud, doit

principe d’exposer les savoir-faire réunionnais

retrouver cette position phare que l’usine occupait

dans le domaine du bâti. Il serait le lieu centrali-

à la grande époque de l’économie sucrière. De

sateur des nouvelles technologies mises en œuvre

façon plus intime, l’évolution de l’usine de Pier-

ou imaginées aujourd’hui à La Réunion. En se

refonds doit rester dans la lignée de ce qu’elle a

raccrochant au passé, toute l’histoire hydraulique

été, un ensemble architecturé, avant-gardiste dans

pourrait être mise en scène, d’hier - le canal d’ir-

la conception de son espace.

rigation - à aujourd’hui - le basculement des eaux, d’Est en Ouest. Lieu de mémoire, lieu de spectacle, lieu d’archives et de recherche, le cœur de Pierrefonds serait

2

Universitaire spécialisé dans le bioclimatique, vice-président de Région en charge du développement économique, adjoint au maire de Saint-Pierre en charge de l’aménagement du territoire.

aussi un lieu convivial de restauration, où les personnes de l’extérieur, Réunionnais et touristes, viendraient expressément se divertir.

SÉRIE DE TABLEAUX

« PIERREFONDS » DE

ROBERT LABOR


le lien spatial

À Pierrefonds village, il est prévu d’accueillir

Ce projet a forcément un coût et les financements

environ huit mille personnes. Dans cette pers-

communaux, régionaux ou nationaux, voire eu-

pective, de nombreux services de proximité et

ropéens, ne suffiront pas à le faire avancer à la

lieux d’accueil sont prévus au programme, avec

bonne vitesse. Il est donc envisagé d’engranger

la volonté, bien évidemment, de créer de l’emploi

des recettes avec la location de bureaux et avec le

sur place. Le concept est aussi de ne pas rajouter

pôle hébergement et restauration. L’important est

de construction au cœur du site, mais plutôt de

que l’âme de Pierrefonds reste intacte et que le

développer la périphérie en perpetuant l’esprit du

quartier retrouve toute sa splendeur.

domaine. Le fil directeur - relier le passé au futur prend aussi forme dans le lien à créer entre les deux zones, Pierrefonds village et la ZAC Pierrefonds aérodrome en pleine expansion aussi. Il a donc été imaginé une passerelle entre les deux où l’on pourrait à pied, à bicyclette ou en voiture électrique, rejoindre la partie travail (ZAC Pierrefonds aérodrome) à la partie restauration, loisir, hébergement (Pierrefonds village).


UB LI-RBEAT’ POCAR RTAGE RÉ B · 22 AT’C AR RÉ · 18 PU B LI- R E POPRTAGE


nouveau nom, nouveau logo, nouvelle charte, nouvelle dynamique, qualité tourisme ile de la Réunion prend son envol ! l’iRt - île de la Réunion tourisme - souhaite renforcer l’attractivité de l’île dans un contexte où la concurrence est de plus en plus exacerbée. attirer plus de touristes, savoir les fidéliser passent par l’amélioration de la qualité des produits et des services qui leur sont proposés. le label redynamisé, un nouveau logo plus moderne avec sa grande lettre q - symbole de qualité reconnu dans le monde - emportée haut dans le ciel par un paille-en-queue répondent à cette démarche. les professionnels du tourisme à la Réunion se regroupent autour de ce nouveau label pour lequel ils signent « l’engagement satisfaction. »

UNE CHARTE D’ENGAGEMENT AU STANDING INTERNATIONAL

À La Réunion, 113 professionnels s’engagent et

Chacune de ces branches professionnelles a établi

garantissent le respect des dix promesses de la

la liste des dix engagements prioritaires visant

charte de qualité dans tous les secteurs : héberge-

à améliorer la qualité des prestations offertes.

ments classés, restaurants, accueil information,

Ces professionnels mettent un point d'honneur

loisirs culturels, activités sportives de pleine nature,

à accueillir les clients avec le sourire et à répondre

boutiques artisanales, transports.

à leurs attentes. Audits mystère, suivi personnalisé garantissent le niveau de service au standing international et la satisfaction des nouvelles exigences des touristes et des résidents.

Retrouvez les adhérents de « qualité tourisme - ile de la Réunion » sur www. reunion.fr


E SC A PA DE · 20

TEXTE JEAN-PAUL TAPIE PHOTOGRAPHIE MATTHEW RAGEN

CAPE TOWN LES CHEMINS DE LA TABLE

la table mountain est un compagnon indispensable ; une hauteur qui donne de la profondeur et du relief à la ville qui s’étale platement à ses pieds ; un écrin somptueux qui confère à un colifichet l’apparence chatoyante d’un joyau hors de prix. c’est un dossier contre lequel la ville s’appuie pour prendre ses aises, puiser de l’assurance et conforter la bonne image qu’elle a d’elle-même. cape town est un peu comme ces femmes au visage insignifiant que leur silhouette élégante désigne aux regards félins situés à bonne distance. en réalité, ce qui fait d’elle la ville du cap, c’est tout ce qui l’entoure, tout ce que la nature a engendré en ce bout d’afrique, et non ce que l’homme y a construit. cape town n’est pas une ville, c’est un lieu.


Marcel Proust recommandait de laisser les jolies

Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas en train

femmes aux hommes sans imagination. Plus

de suggérer, assez hypocritement, que Cape Town

modestement, j’aimerais suggérer de laisser les

n’est pas une jolie ville.

villes splendides aux touristes sans curiosité. Paris, Istanbul, Rome, New York, Londres ou Vienne sont des villes faciles à aimer. Il suffit de s’y promener une heure pour avoir envie d’y passer sa vie.


E SC APA DE · 2 2

Mais je l’aime trop pour m’interdire d’en dire un

Lion’s Head est un piton rocheux de 669 mètres

peu de mal et de regarder la réalité en face : Cape

censé ressembler à la tête d’un lion. Personnelle-

Town n’est pas à proprement parler une jolie ville.

ment, je lui trouve plutôt un air de famille avec un

Ce n’est pas non plus une ville laide, surtout en

grand singe, genre gorille, ou encore, plus trivia-

été, sous un dôme de ciel bleu, noyée d’une lumière

lement, avec un cornet de glace que surmonte

particulière qui adoucit les contours et rapproche

une crème glacée italienne. Un long sentier en

les confins. Mais il faut bien admettre qu’observée

fait le tour, gagnant peu à peu de l’altitude, jusqu’à

au ras du sol, la ville n’offre rien de franchement

rencontrer la partie rocheuse qui constitue le

admirable, à l’exception du quartier malais – encore

sommet de l’éminence. Là, la marche devient

qu’il doive tout aux couleurs rutilantes dont on a

plus sportive. Un peu plus loin, on grimpe une

repeint ses maisons – et de la corniche qui, au-delà

petite échelle métallique, et encore un peu plus

de Sea Point, conduit aux plages de Clifton et de

loin, on vous propose le choix entre le chemin

Camps Bay – et qui, elle, doit beaucoup à l’argent

classique, sans difficultés, et une variante alpine,

dépensé par les propriétaires pour y faire bâtir

équipée de chaînes et d’échelons scellés dans la

d’audacieuses et voyantes résidences.

pierre, où il faut mettre fréquemment la main.

En fait, Cape Town est une ville que, si elle était

Cette attaque directe vous conduit en direction

une femme, l’on qualifierait d’ordinaire. De banale.

de trois pins parasols, les seuls arbres du piton. Là,

Ou plutôt, une ville qui serait banale si elle n’était

au sommet après un dernier effort. La vue de Cape

pas née dans un cadre aussi valorisant.

Town en contrebas vous en récompensera. Vous

vous rejoignez le chemin classique, qui vous mène

pourrez admirer, à vos pieds, les quartiers de Elle n’est pas la seule dans ce cas : Rio de Janeiro

Greenpoint et de Seepoint, le Waterfront et une

ou Sydney sont en cela ses jumelles. Que serait Rio

partie du port. Signal Hill, devant vous, se charge

sans le Pain de Sucre ? Sydney sans l’Elisabeth

de vous dissimuler le centre-ville, DownTown.

Bay ? Hong Kong sans le Mont Victoria ? Ou

Pour le voir, il vous faudra choisir un autre point

Barcelone sans la colline de Montjuich ?

de vue. À l’évidence, celui que l’on découvre du haut de

Que serait Cape Town sans la Table Mountain ?

la Table Mountain s’impose. Bien entendu, comme la plupart des touristes, vous pouvez en faire l’as-

Mais la question ne se pose pas, puisque la Table

cension par le téléférique. Mais pourrez-vous vous

Mountain est là, et bien là, matrone tutélaire au-

regarder dans la glace le soir même, en regagnant

dessus de la ville dont elle semble avoir accouché

votre chambre d’hôtel ? Pas sûr. Alors faites un

un matin d’été austral.

effort, oubliez la gare du téléférique et ses hordes

Alors ce que je vous suggère, pour en tomber raide

de bus, de taxis et voitures particulières garés sur

amoureux à votre tour, c’est de vous en éloigner.

des centaines de mètres alentour, et roulez jusqu’au

De prendre du recul. Et surtout de la hauteur.

petit parking de Platteklip Gorge.

Progressivement.

Platteklip Gorge n’est pas de ces sentiers qui vous prennent en traître, qui commencent en montant

Si, jusqu’ici, vous m’avez fait confiance, alors

à peine, enchaînent d’un air bonasse quelques

suivez mon conseil : commencez par Lion’s Head.

virages serrés avant de vous mener au pied d’un raidillon qui vous fait flageoler les guiboles, sauf qu’il est trop tard pour revenir en arrière. Non, Platteklip Gorge est un sentier franc, honnête,


radical – un peu comme ces individus à l’aspect

pour elle seule. La montée est moins raide que

revêche, voire hostile, qui semblent vous dire :

Platteklip – en tout cas sur l’ensemble – mais la vue

« Acceptez-moi comme je suis, sinon passez votre

que l’on a de là-haut est, à mon sens, plus spec-

chemin ! »

taculaire encore que celle du haut de la Table

Platteklip Gorge aussi vous encourage à passer

Mountain. Vous découvrirez toute la plaine sep-

votre chemin, si je puis dire. Levez les yeux : tout

tentrionale qui s’étend au-delà des banlieues nord

ce que vous devez grimper se dévoile à vous d’un

de Cape Town. Vous distinguerez au loin les Monts

seul regard. Tout là-haut, au fond de l’étroite gorge,

Hottentot, les vignes de Stellenbosch, les plages

vous distinguez la faille par laquelle vous atteindrez

de Somerset. En regardant sur votre gauche, vous

dans une, deux ou trois heures (pour les vraiment

verrez toute la baie de Cape Town au centre de

lents et vraiment courageux et vraiment tenaces)

laquelle s’étend, plate, anodine, et pourtant char-

la sortie sur le plateau sommital. Alors mon conseil :

gée d’histoire contemporaine, Robben Island.

attaquez-le un jour où les nuages enveloppent de

En vous retournant, vous ferez face à la Table

bonne heure la Table Mountain. Double avantage :

Mountain, vous admirerez son plateau sommital

vous ne verrez pas trop tôt ce qui vous attend et

dans toute sa largeur, vous apercevrez même

vous ne souffrirez pas de la violence du soleil sur

Beacon’s Peak, son point culminant. Si ça se trouve,

ce sentier sans un pouce carré d’ombre. Autre

vous aurez peut-être même une pensée recon-

conseil : attaquez Platteklip un jour de nuages mais

naissante pour moi.

aussi de vent léger qui viendra les balayer de temps à autre, et notamment quand vous serez

Reconnaissance qui risque de vous faire défaut

là-haut.

si vous vous engagez sur d’autres chemins plus

Il existe un autre chemin pour les randonneurs

périlleux, plus âpres, plus exigeants, tels que celui

raisonnables, c’est celui qui, partant juste avant la

qui monte sous la ligne du téléférique, ou encore

station du téléférique, monte jusqu’au pied d’une

celui de Diagonal, dans la Porcupine Ravine. Je

barre rocheuse qu’il longe ensuite pendant

ne les conseille qu’aux randonneurs aguerris qui

plusieurs kilomètres, parcourant toute la face

n’hésitent pas à mettre la main à la pâte – pardon,

montagneuse jusqu’au pied de Devil’sPeak, à

à la roche – et que de courts passages vertigineux

une hauteur de deux cents mètres environ. Vous

n’effraient pas. Vous oublierez la difficulté en

croiserez le chemin de Platteklip et quelques

imaginant – pour ceux qui suivront le sentier

autres. La vue est moins spectaculaire que de

sous le téléférique – les réflexions admiratives,

Lion’s Head ou de Table Mountain, ou encore de

nuancées de fiel, des paresseux qui montent à

Devil’sPeak (nous y viendrons dans un instant),

bord du cable car et qui vous apercevront en

mais plus panoramique. Il s’agit en fait d’un tra-

contrebas en train de triompher de la verticalité :

veling à pied. Durant les trois ou quatre heures de

« Mon Dieu, regarde ceux-là, juste en-dessous de

la randonnée, vous découvrirez lentement Cape

nous ! Il faut un sacré courage pour oser passer

Town à vos pieds comme si vous tourniez autour,

par là !... Oh, tu sais, il faut surtout de l’incons-

tel un prédateur patient ou un amoureux timide.

cience, si tu veux mon avis… » Bon, trêve d’imagination. Vous l’aurez compris :

J’ai envie de vous dire : « Puisque le chemin aboutit

tous les chemins de la Table Mountain vous

au pied de Devil’sPeak, pourquoi ne pas en tenter

mèneront à Cape Town. De là-haut, vous en

l’ascension ? » Mais je ne suis pas un de ces guides

tomberez amoureux, et cet élan instantané des

sadiques dont le but inavoué est de faire cracher

yeux et du cœur changera à jamais votre regard

leurs poumons à leurs clients, si tant est qu’il leur

sur la ville, même en bas, au plus près, la magie

reste encore des jambes. Réservez cette ascension

des lieux gardera son empreinte, tel un parfum

pour un autre jour, elle mérite bien une journée

de fleurs sauvages. Et vous ne le regretterez pas !



25 · SAVOI R-FAIR E

TEXTE

&

PHOTOGRAPHIE

GÉRALDINE BLANDIN

Marion Lacronique CRÉATRICE DE COULEURS NATURELLES

transformer la flore réunionnaise en une palette de couleurs pour textiles… c'est le pari, un peu fou, de marion lacronique, une jeune styliste parisienne tombée amoureuse de la réunion. après trois ans de recherche, elle propose aujourd’hui des vêtements et des accessoires aux couleurs uniques, obtenues grâce à des teintures végétales péï.

Du rêve à la réaliTé Quand Marion Lacronique vient voir sa sœur

Diplômée de l’école d’ESMOD Paris, Marion colla-

installée à La Réunion depuis quelques mois, elle

bore avec de grandes marques comme Sergent

a un véritable coup de cœur pour l’île… Au point

Major, Ange et Naf Naf. Pendant huit ans, elle

de tout quitter à Paris pour venir vivre dans les

apprend à travailler les tissus, les imprimés et sur-

Hauts de Saint-Denis. C’était en 2009. Depuis,

tout les couleurs. « même si c’était intéressant,

elle travaille sans relâche pour créer sa marque de

j’en avais marre des odeurs de teintures chi-

vêtements et d’accessoires 100 % naturel, nommée

miques et des matières synthétiques… J’étais

L'Île Marion. « l'Île marion, c'est ma petite île à

frustrée à la longue de ne pas faire un travail

moi, là où il y a mes inventions, sourit la jeune

créatif. Je voulais quelque chose qui me corres-

femme. Ce sont des créations saines, qui ne sont

ponde… et la réunion m’a poussée à agir ! ici,

pas nuisibles à l’environnement et qui procurent

je ressens une belle énergie positive ».

du bien-être à ceux qui les portent ».


SAVOIR -FA IR E · 26

Des plages de sable noir qu’elle affectionne par-

le tressage est vraiment propre à chaque élément

ticulièrement aux villages de l’est « tout verts, tout

de la collection. » Lignes pures, matières nobles,

colorés », la styliste se balade aux quatre coins de

tuniques vaporeuses, la première collection 2013

l’île. Son idée : puiser dans la flore réunionnaise

de l’Île Marion se décline en version fillette et

pour fabriquer des teintures textiles végétales.

s’agrémente d’accessoires, textiles, bijoux, sacs,

« les plantes réunionnaises sont connues pour

pochettes…

leurs vertus médicinales, mais pas pour leur

Marion réalise seule ses pièces, du début à la fin.

pouvoir tinctorial. Je savais qu’elles avaient du

Elle prélève les plantes, les broie, réalise des bains

potentiel et que l’on pouvait les transformer en

de teinture, dessine et coud. « Je fais un peu deux

couleur ! mais seule, le projet était difficile à

métiers à la fois, sourit la trentenaire. il y a d’abord

monter… » Elle convainc alors les scientifiques

le côté chercheur du scientifique, ensuite le côté

de la Technopole et rejoint le cercle restreint des

créatif de la styliste. » Deux jours par semaine,

six entreprises accompagnées par l’incubateur

elle est également vendeuse dans sa boutique en

régional. Ce dernier l’aide à collaborer avec le

centre-ville de Saint-Denis, ouverte depuis fin

laboratoire métropolitain Arrdhor Critt Horticole,

novembre. « Je travaille seule donc je dois m'or-

spécialiste des colorants végétaux. Ensemble, ils

ganiser pour avoir le temps de tout faire… Cinq

testent pendant plusieurs mois les plantes de l’île.

jours sur sept, je suis dans la nature à ramasser

« Cette étude technique a confirmé les propriétés

des plantes ou alors chez moi à préparer les

tinctoriales de la flore réunionnaise. au final,

couleurs ou créer les modèles. les deux autres

nous avons choisi une quinzaine d'espèces,

jours, je suis à la boutique. le planning n'est

souvent envahissantes. D'autres végétaux n'ont

pas toujours facile à gérer ! »

pas été retenus car ils ne sont pas facilement Mais la jeune chef d'entreprise est motivée et

disponibles. »

obtient il y a quelques mois une première récoml’innovaTion

pense : le label Afnor Envol. Cette certification

au serviCe De la CréaTion

prouve qu'elle s’engage à respecter certaines règles

Pour sa première collection, Marion propose des

comme travailler avec des fibres textiles 100 %

créations en soie et en lin, deux fibres 100 % éco-

naturelles, réaliser des teintures dans le respect de

logiques, colorées notamment au bois de cryp-

l’environnement, réduire ses déchets notamment

tomeria, au goyavier, aux fleurs d’ajonc ou encore

en réutilisant ses chutes de tissus, ou encore privi-

au bois d’acacia. « Ce sont des couleurs exclusives

légier le prélèvement d’espèces envahissantes.

créées à partir du procédé d'extraction des colorants validé en laboratoire. Chaque modèle est

Dans les prochains mois, Marion va construire son

unique : la teinture, la coupe, le nouage ou encore

propre atelier de couleur dans un ancien bâtiment agricole à La Montagne. Elle va également collaborer à nouveau avec un ACI (atelier chantier d'insertion) pour les activités de récolte, de broyage, de teinture et de couture. « Je travaille déjà avec

Boutique L'Île Marion 8 rue Laferrière à Saint-Denis. Ouverture le mercredi et le samedi de 10h à 18h. Vente par internet sur www.lilemarion.com Boutique Maalkita 49, passage des Panoramas 75002 Paris

un aCi de Trois-Bassins. Douze femmes en CaP couture m'aident à réaliser les prototypes ». Marion veut aussi exporter ses créations et par ce biais, faire davantage connaître la flore si particulière de La Réunion. Sa première collection est déjà présente dans une boutique à Paris. Mais ce que la jeune femme souhaite surtout, c'est continuer à aller dans la nature et chercher de nouvelles couleurs dans la flore locale.



P UB LI-R E PORTAGE B AT’ CA RRÉ · 28

SFS le spécialiste de l’assurance construction

Partout dans le monde, SFS est proche de ses clients


y

Présent sur le salon de la maison Stand C55

LE POIDS DU GROUPE SFS

Le groupe SFS (Securities & Financial Solutions)

la recherche permanente de nouveaux

a été créé en 2002 par Patrice Gilles fondateur

• produits performants en mettant notre

de la SARL Securities & Financial Solutions. Cette

• expertise en oeuvre pour offrir

société de courtage était initialement spécialisée

• des solutions d'assurance construction

dans la souscription de contrats d’assurances

• respectant les exigences règlementaires

RC décennale et protection juridique sur le département de La Réunion. Désormais, avec son

• et légales les plus complexes. •

le rapprochement de nos clients pour

statut de mandataire de compagnies d’assu-

• mieux satisfaire leurs besoins.

rances, le groupe SFS est le spécialiste de l’assu-

• C’est le cas avec notre présence à Mayotte.

rance construction sur le territoire français, mais

des processus surveillés, mesurés, analysés,

aussi dans les DOM et en Nouvelle-Calédonie.

• visant à toujours améliorer la qualité

Après dix années d’existence, le Groupe SFS re-

• de notre organisation et de nos services. »

présente un capital social de 3.88 millions d’euros, près de 100 millions de primes d’assurance gérées,

L’ÉVOLUTION DE L’AGENCE DE MAYOTTE

plus de 240 salariés dans le monde au travers de

Depuis 2009, le Groupe SFS est présent à Mayotte

49 représentations dans dix pays sur les quatre

avec le rachat de la société de courtage en assu-

continents.

rances Espace Conseil de Mamoudzou. Kevin Moutien, le nouveau représentant du Groupe SFS

L’EFFICIENCE AU SERVICE DU CLIENT

à Mayotte, en souligne les particularités : « Par

SFS a réussi à développer des programmes

Skype, Intranet et Internet, je suis relié à tous les

adaptés et souples, permettant à sa clientèle de

collaborateurs, administrateurs et experts du

bénéficier de couvertures optimales avec un

groupe SFS. Cette facilité de communication,

tarif parmi les plus performants du marché.

cette proximité font de nos agences des modèles

Son PDG, Patrice Gilles, le confirme :

de réactivité. Nous collaborons à de nombreux

« L'accompagnement de nos assurés dans le res-

projets, et nous devons donner à nos clients les

pect de notre dénomination « Sécurité et Solutions

réponses dans les meilleurs délais tout en étant

Financières » guide le développement de nos pro-

précis et pointus. SFS, c’est un accompagnement

duits tout en orientant nos choix d’organisation

au niveau juridique et technique (service gratuit

et d’expansion territoriale. Dans cet esprit, nous

offert aux adhérents). Les collaborateurs de SFS

poursuivons notre progression sur trois axes

sont également sensibles à la prévention : nous

prioritaires :

n’attendons pas qu’un problème survienne pour nous déplacer sur un chantier. En cas de sinistre, c’est également SFS qui est l’interlocuteur des assurés. SFS est à l’écoute permanente des constructeurs et artisans mahorais qui sont de plus en plus conscients de l’utilité et la sécurité que leur apporte la garantie décennale. » Son expertise avérée, sa présence locale et l’obligation d’appliquer la loi Spinetta à Mayotte donnent à l’agence Patrice Gilles, fondateur du groupe Securities & Financial Solutions

mahoraise de SFS toutes les raisons de progresser rapidement.


CO UL ISSE · 3 0

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE VINCENT GARNIER

Anne Queffélec, l’âme flamboyante des compositeurs ! une des plus grandes pianistes internationales est venue à la réunion le mois dernier pour interpréter son récital Satie & Compagnie au Théâtre de Champ Fleuri et participer à une master class au Conservatoire de saint-Denis. un moment d’exception. Anne Queffélec vit sur une autre planète, mais

Il lui faudrait vivre deux siècles de plus pour inter-

sait, avec force et délicatesse, nous faire partager

préter les musiques qui l’attirent ! Et lorsque Virgin

sa passion du piano et des auteurs qu’elle choisit

lui propose d’enregistrer Satie, elle n’est pas très en-

d’interpréter.

thousiaste. Son agent la pousse, difficile de refuser une telle proposition, et elle se prend finalement au jeu.

Fille du romancier Henri Queffélec, et sœur aînée

La grande interprète de Mozart, son favori, Schubert,

du prix Goncourt, Yann Queffélec, elle grandit dans

Chopin, Bach, Haydn, Beethoven, Litz ou Scarlatti...

l’amour des livres et de la musique, la recherche

est au pied du mur. En échange, elle obtient d’enre-

exigeante d’esthétique. Brillante élève du conser-

gistrer l’intégrale de Ravel !

vatoire de Paris, puis de Vienne, elle décroche, à 20 ans, le premier prix du concours international

« La personnalité de l’auteur imprime à son œuvre

de Munich et celui de Leeds, l’année suivante.

quelque chose de particulier ». Cette relation avec

S’ouvre alors pour elle une carrière internationale.

l’œuvre est irremplaçable. Anne Queffélec raconte

Elle se produit dans les plus prestigieuses salles

comment elle s’est attachée à l’originalité de l’homme

du monde en tant que soliste ou sous la direction

au parapluie. « Satie a sa propre voie, trois notes et

des plus grands chefs d’orchestre. À cela s’ajoute

l’on sait que c’est lui ». Elle aime bien sa musique

une impressionnante discographie d’une tren-

parce qu’elle a « quelque chose de malléable, comme

taine d’enregistrements de ses compositeurs

de la pâte à modeler ». Quelque chose d’intime. Elle

préférés.

se prend d’affection pour ce personnage maudit et excentrique, mais qui a néanmoins influencé bon nombre de compositeurs de son époque.


Les ventes de son disque ont dépassé les 100 000 exemplaires, à l’égal des plus grandes stars de variété. Puis, elle récidive avec Satie & compagnie en prenant le populaire Satie comme fil conducteur pour faire découvrir des pièces oubliées de la musique française du début du XX e siècle où elle a repéré « une unité, une inspiration élégante maîtrisée et subtile » qui la touche vraiment. Grâce à internet, elle retrouve des partitions et déroule la pelote, tel un fil d’Ariane, en s’appuyant sur les écrits du philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch. Anne Queffélec lève alors le voile sur le délicat travail de programmation, l’art d’agencer un morceau en fonction d’un autre : « le choix de l’ordre est crucial, il faut choisir les justes contrastes pour éviter la monotonie, ne pas rompre le charme … » Intarissable, elle raconte aux élèves et aux enseignants le cheminement qu’emprunte un interprète pour découvrir une œuvre et « nourrir son jeu de son théâtre intérieur » dans cette relation à trois, compositeur, instrument et interprète. À la fin du master class, la salle, subjuguée, n’ose même pas lui poser de questions. Et pour elle, c’est comme une offense, car cette immense artiste aime son public, aime se trouver proche des gens, dans le confort acoustique d’une salle de concert autant que dans des lieux difficiles comme une prison, un hôpital, voire même, le salon étroit d’un appartement en HLM. Anne Queffélec offre tout ce qu’elle peut transmettre parce qu’elle estime qu’elle a été très privilégiée dans une famille où la culture est le pain quotidien. De la même manière sur scène, elle présente son récital en donnant des repères pour les noninitiés, sans pour autant heurter les mélomanes. Anecdotes, portrait du compositeur et du contexte de l’époque, toutes les clés sont là pour donner au public l’envie d’être en osmose avec ce moment de magie où elle fait chanter son piano. Nous n’écoutons plus l’auteur, mais nous suivons l’interprète. La musique a une âme et une virtuose comme Anne Queffélec nous la fait toucher du doigt.


B EAUX-A RTS · 3 2

TEXTE FLORE BAUDRY PHOTOGRAPHIE HIPPOLYTE

La complémentarité artistique

CRISTOF DÈNMONT DES COULEURS ET DES MOTS. la première rencontre visuelle avec son œuvre est brute, colorée, d’une apparente légèreté. il y a une double, voire une triple lecture du travail de cristof dènmont. formes, mots, chiffres, fonds hyper colorés, la signification se perd pour ne laisser place qu’au simple ressenti, on est capté dès le premier coup d’œil.


deux aRtistes locaux à la notoRiété gRandissante, deux plasticiens amis et complices nous décRyptent leuR démaRche et nous livRent leuRs envies de bousculeR le paysage aRtistique Réunionnais, pas individuellement, mais collectivement. tous deux sont à la RecheRche d’un espace commun de cRéation, de lieux d’échanges et d’expéRimentation de façon à ce que l’aRt contempoRain tRouve sa vRaie place à la Réunion.

LABUSE N’EST PLUS, VIVE JIMMy FRéDéRIC CADET ! le style est plus affirmé, plus mature, plus personnel. les formats sont plus grands, le dessin plus défini et les nuances de gris plus présentes. labuse laisse donc place à Jimmy frédéric cadet, plus libre que jamais.


B EAUX-A RTS · 3 4

QUESTIONS À CRISTOF DÈNMONT tu exposes en ce moment avec Jimmy cadet

ton actualité est foisonnante depuis quelque

à saint-pierre, raconte-nous comment s’est

temps…

façonnée cette exposition « mars session » ?

En effet, j’ai beaucoup d’expositions depuis fin

Nous nous sommes rencontrés avec Jimmy il y a

décembre, c’est plaisant, et globalement depuis

deux ans au « carrefour des arts contemporains ».

3 ans, j’expose beaucoup à l’étranger également.

On connaissait déjà nos travaux respectifs sans

L’Allemagne, la Malaisie, l’Indonésie, la Chine et

s’être vus, ça nous a permis de mettre un visage

l’Afrique du sud, où l’exposition s’est déroulée

sur des peintures. Nous avons dans la foulée fait

sans ma présence à la Sunlight Gallery (à Gras-

une exposition personnelle chez Jimmy avant

kop), qui, ayant repéré mon travail, m’a demandé

qu’il ne change de lieu de vie.

de leur faire parvenir des toiles…

Nous sommes restés proches ensuite, chacun admire le travail de l’autre, nous avons beaucoup

En décembre, dans le cadre de « Liberté Métisse »

de points communs de création et de divergences

j’ai réalisé une œuvre de 40m : « Wall Fonnker ».

enrichissantes sur la construction du travail de

L’office du tourisme de l’Etang-Salé proposait à

chacun. Nous aimons nous retrouver, visiter

des artistes d’habiller un mur, j’ai été retenu.

l’atelier de l’autre, donner notre avis sur son tra-

Cela faisait un moment que j’avais cette idée de

vail en cours, rigoler de choses et d’autres. C’est

tableaux-textes, d’où le titre de l’œuvre « wall

une belle entente personnelle et professionnelle.

fonnker », les murs parlent et ont des oreilles, les mots sortent donc des trous du mur, comme

Cela faisait un moment qu’on souhaitait à nou-

dans le Maloya, on garde les mots pour mieux

veau présenter notre travail ensemble. Le choix

les exprimer d’un coup.

des Sales Gosses a été simple, c’est un lieu que

Ma prochaine exposition est au Tampon, salle

connaît bien Jimmy pour notamment avoir ré-

Beaudemoulin, suite à une proposition de la mai-

gulièrement participé aux événements « ART

rie. Elle se nomme « Alles Klar ! » ce qui serait

EXPO » (expositions collectives d’artistes) d’une

l’équivalent de « correc » en créole ou « tout va

part, et d’autre part il dispose d’une véritable salle

bien » en français. C’est une présentation exclu-

d’exposition à l’étage. Il y a de l’espace, c’est un

sive des expérimentations effectuées lors de ma

beau lieu d’affichage.

résidence de 4 mois à Leipzig (Allemagne), en grands formats (2m50/2m). En mai, je pars en résidence d’un mois à Madagascar avec deux autres plasticiens : Stéphane Kenkle et JeanMarc Lacaze.


on a parfois le sentiment que certaines de tes

Quel est ton regard sur les arts plastiques à

œuvres se créent toutes seules, pourrais-tu nous

la réunion ?

définir ton art ?

Une grosse évolution dans le paysage plastique

« Une peinture doit faire rire et peur en même

depuis la fin des années 90.

temps », cette phrase de Dubuffet est mon crédo.

Il y a beaucoup plus d’artistes, beaucoup moins orientés sur l’art artisanal mais sur des proposi-

Mes peintures sont spontanées et humoris-

tions plus modernes.

tiques. Je suis une sorte de peintre-DJ, mixeur

Il manque cependant de véritables lieux d’expo-

des évènements qui nous entourent. Traiter de

sitions sur l’île, mais paradoxalement, tous les

l’actualité avec du recul et jouer sur les doubles

week-ends un vernissage se tient quelque part !

sens.

Les plasticiens sont aujourd’hui beaucoup plus

Je démarre souvent à partir des taches que je

sollicités pour exposer dans des festivals ou dans

reforme ensuite, parfois à peine. Je contraste les

les restaurants.

formes, les mots et les lettres. Je suis passionné

C’est beaucoup de débrouille, il faut créer le lieu,

d’histoire de l’art, travailler des fonds dorés est

le mouvement. C’est la même situation que l’on

un appel à la peinture Byzantine, l’éloge du

trouve à Bali ou en Allemagne par exemple,

sacré, pour mieux le déconstruire ensuite, à

cette même impression de système D.

l’image de notre société actuelle qui désacralise

Les artistes collaborent de plus en plus ensem-

tout.

ble, échangent, voyagent, partent en résidence,

Je note beaucoup de mots, de phrases captées

exposent en commun. De tout cela résulte une

ici et là. Le mot est véritablement utilisé comme

belle dynamique artistique locale.

matériau dans mon travail, il devient un élément visuel à part entière. Je peux autant partir de lui pour amener au dessin ou l’inverse. J’aime le côté parasitaire du mot, on ne peut l’éviter, son sens est évident, tu ne peux fuir le mot mais jouer avec oui. C’est l’élément hyperréaliste de mon œuvre figurative. J’aime beaucoup expérimenter, je produis beaucoup. Je démarre toujours plusieurs toiles en même temps, j’entame, je laisse reposer, j’y reviens ensuite, j’aime cette idée de travail en chantier. L’expérimentation est pour moi la nature de la peinture, il faut toujours aller plus loin, ne pas stagner, se redéfinir. Mes peintures sont figuratives et non réalistes, mon travail n’est abstrait qu’au début de la construction du tableau.


B EAUX-A RTS · 36

QUESTIONS À JIMMY FRÉDÉRIC CADET raconte-nous ton parcours… J’ai débuté la peinture par hasard, de façon un

Une fois la toile posée et présentée, j’ai envie de

peu chaotique. Un accident physique m’a forcé

passer à autre chose, de suivre d’autres voies.

à rester statique durant des mois, c’est ainsi que

J’amorce un virage, plus onirique, mais je ne

j’ai commencé à dessiner.

suis arrivé à rien encore, j’évolue toujours. Mon

C’était très difficile au départ mais j’ai persévéré,

travail sera toujours différent, être plasticien

j’y ai pris goût, je suis passé par toutes les phases :

c’est donner l’impression d’un déjà-vu que l’on

du jeu à la curiosité pour enfin atteindre une

remodèle.

certaine satisfaction de ce que je réalisais. La peinture étant un univers qui tend vers l’in-

basquiat a été très présent au départ mais

fini, j’ai décidé de continuer sur cette voie. Le

quelles sont tes influences aujourd’hui ?

chaos est pour moi très intéressant en peinture,

J’ai commencé par Basquiat car je voulais tenter

à l’image de mon parcours, il apporte de la ma-

des choses réalisables. Il se dégage de ses œuvres

tière, des éléments disparates, de la profondeur.

une facilité incroyable, mais sa technique est en

Devenir artiste est pour moi une respiration avec

fait hyper maîtrisée et très compliquée. Basquiat

le travail des autres, avec l’histoire de l’art, c’est très

dégage une forte énergie dans son travail.

complexe.

Je me suis éloigné de lui, je ne garde que la tech-

Créer une œuvre c’est se transporter vers des

nique de superposition de peinture, palimp-

sources que l’on n’imagine guère au départ. Je

seste. J’étais un peu comme une éponge au

suis un jeune peintre, j’ai commencé tard, à 33

commencement, je m’imprégnais de tout, j’ab-

ans, comme une révélation. J’apprends beau-

sorbais énormément : du pop art à l’impression-

coup, je me cherche encore mais on m’encou-

nisme allemand.

rage beaucoup et notamment les professionnels.

Des chocs visuels qui m’impressionnaient beaucoup et m’envahissaient, me parasitaient presque.

pourquoi ce changement de nom en cours de

Je suis encore sous le coup de certaines influences

route ?

mais je tends vers moi de plus en plus.

L’évolution de mon travail n’est pas liée à ce changement, je me réapproprie simplement

Je fais aussi beaucoup évoluer mon travail des

mon identité propre. Labuse était un nom d’em-

discussions avec d’autres plasticiens comme

prunt me rappelant La Réunion quand je vivais

Cristof Denmont ou Eric Raban.

en Egypte et en Syrie. Aujourd’hui je m’assume

Je suis très sensible à l’avis de Cristof sur mon

plus, je suis plus en phase avec mon prénom

travail, son regard m’importe.

dont la connotation trop américaine me gênait

Il y a souvent un manque d’objectivité chez cer-

un peu. Mais en effet, ce changement de signa-

tains plasticiens sur le travail des autres. Lui

ture arrive à un moment où on me dit que mon

dépasse le « j’aime/j’aime pas » et amène une vé-

style a changé. Je n’ai pas l’impression de ce

ritable critique pertinente. C’est rare dans notre

changement, je suis d’ailleurs un éternel insa-

milieu. Avec Eric on ne partage pas le même

tisfait.

univers, mais à force de créer côte à côte depuis un an dans le même espace, j’intègre plus de son influence dans mon travail et je pense que lui aussi.


J’arrive à plus de simplicité et d’épuration dans

C’est à la fois un fardeau et une dynamique, tout

mes toiles, plus de dessins aussi et lui récupère

est noyé dans la masse, entre les peintres du

un peu de chaos dans les siennes. Inconsciem-

dimanche et les autres. Quelques artistes arri-

ment, beaucoup de choses passent entre nous.

vent à exposer hors de l’île, j’ai moi-même exposé avec trois autres Réunionnais à la Galerie

la symbolique des couteaux revient souvent

Oberkampf, à Paris, en fin d’année. Mais il y a un

dans ton travail… ?

manque d’effort, d’une part des services publics

Le sabre à canne et plus généralement la culture

pour mettre en place des lieux, et d’autre part des

de la canne.

plasticiens peu enclins à réaliser du travail d’ex-

Nous sommes pleins de faits divers à La Réunion

ception.

où les armes blanches sont très présentes et en-

Il faut créer une dynamique de développement

tièrement validées dans la société. Ça m’intrigue

de ce parent pauvre de la culture à La Réunion

beaucoup. Cette puissance et cette omniprésence

qu’est l’art plastique. Nous avons besoin d’être

des objets. Pourquoi chaque société se réfère à

soutenus.

ces objets-là ?

Ce qui prédomine aujourd’hui dans l’art contem-

La thématique du festin, de l’autel, me travaille

porain c’est la vidéo, l’approche minimaliste, le

beaucoup également. Quelle nourriture terrestre

graphisme conceptuel… La peinture est toujours

avons-nous, qu’est-ce qui alimente notre quoti-

regardée différemment, on l’utilise pour la re-

dien, quels objets utilisons-nous pour les ingur-

présenter elle-même.

giter, tout cela me pose question.

Comparée au Street Art qui de fait a un impact

On tente avec l’art d’éveiller sur des éléments

direct sur le public, la peinture sur chevalet ne

tellement ancrés dans nos quotidiens qu’on ne

reste encore accessible qu’à une certaine élite. Il

les voit plus. On essaye de les reconnecter au

faut faire l’effort d’entrer dans la galerie.

sens de la vie.

Mais le public est en attente, prêt à s’ouvrir. Il

En tout cas j’aime l’idée que l’on cherche un

faut marier les concepts et réinjecter l’art contem-

sens en regardant mes toiles, qu’elles soient

porain dans la vie de tous les jours.

énigmatiques. Une toile que je ne comprends pas est pour moi réussie, quand c’est trop évident ça

Quelle suite pour monsieur cadet ?

me parle moins.

Une exposition à « La Ligne » à partir du 4 avril à St-Denis. Puis l’Artocarpe, toujours à St-Denis.

Quel est ton regard sur les arts plastiques à la

Comme Cristof, je pars en résidence d’un mois

réunion ?

à Madagascar pour créer et partager avec des

Je trouve qu’il y a peu de visibilité dans l’évène-

artistes locaux.

mentiel autour des arts plastiques à La Réunion.

J’ai ensuite en projet de produire avec d’autres

Les lieux d’expositions sont rares d’autant plus

artistes dont notamment le photographe Laurent

que les artistes locaux sont très peu exposés.

de Gebhardt, travailler avec lui de nouvelles formes

Il y a beaucoup de plasticiens et de photo-

visuelles.

graphes à La Réunion, mais peu de productions vraiment exceptionnelles.


R ENCO N TR E · 38

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

Éric Languet Une lumineuse envie de partage



R EN CO NT RE · 4 0

mon boulot, mettre une autre lumière sur les choses Son pays est ici, mais il va puiser à travers le monde ses sources d’inspiration et se confronter aux autres. Danseur, chorégraphe, fondateur de la Compagnie Danse en l’R et du centre chorégraphique le Hangar situé sur les hauteurs de Saint-Gilles, Éric Languet surfe sur la création, comme il aime surfer sur les vagues. Il compte aujourd’hui une quarantaine de pièces à son actif. Un parcours atypique le conduit de danseur de l’Opéra de Paris au Ballet Royal de Nouvelle-Zélande où il sera danseur étoile, puis chorégraphe. Il quitte la Nouvelle-Zélande pour enseigner à l’Université d’Adélaïde. Sa rencontre avec le DV8 influence fortement son approche artistique, qui désormais va suivre le chemin de la danse contemporaine avec une volonté de partage, d’échanges entre professionnels et amateurs, et l’audace d’intégrer valides et handicapés, jeunes et moins jeunes, comme la création d’un monde nouveau. À la recherche d’excellence, il fuit les conventions et l’élitisme et c’est avec une grande modestie qu’il met en lumière le ballet des corps. Son actualité est riche en représentations pour le bonheur des Réunionnais et, en point d’orgue, Robyn Orlin vient de créer, pour lui, un solo !


Vous êtes arrivé à La Réunion à quel âge ?

Qu’est-ce qui vous a fait quitter le pays

Je suis né à Compiègne. J’avais huit ans lorsque

de vos rêves ?

je suis arrivé à La Réunion. Salazie au départ,

Une jeune fille que j’ai suivie en Australie, elle m’a

Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Denis, Le Port…

lâché ensuite ! C’est là où j’ai quitté le classique

j’ai habité un peu partout dans l’île.

pour me consacrer à la danse contemporaine qui avait plus de sens pour moi.

La danse, c’est arrivé comment ?

Au tout début, Béjart m’a beaucoup touché par son

J’ai découvert la danse avec Marie-Christine Dabadie

esthétique. Il a remis les hommes dans la danse.

et Marielle Roque, des profs de jazz. Je me souvien-

C’était une fête énorme sur scène, il y avait beau-

drai toujours, je chialais la première fois, quand

coup de monde. Béjart a vraiment élargi mon

mon père m’a conduit au premier cours. J’ai eu la

champ esthétique. Et puis, avec le temps, il y a eu

chance d’avoir des parents qui avaient une grande

une certaine lassitude, je trouvais qu’il faisait tou-

curiosité, l’esprit ouvert et ils me faisaient tout

jours la même chose…

découvrir, le classique, les spectacles, le hockey…

Et j’ai découvert Jiri Kylian qui m’a fasciné et c’est

Et j’ai choisi tout seul le surf et ça ne m’a jamais

là aussi que j’ai rencontré le DV8, et tout a basculé,

lâché depuis ! La danse, c’est devenu quelque chose

un sacré challenge !

d’important pour moi à l’âge de 16 ans. On m’a proposé le rôle du Petit Prince et ça a flatté mon

Si on revenait sur ces dix années passées

égo, j’étais le seul mec au milieu de nanas. Et puis,

en Nouvelle-Zélande…

c’est l’époque où j’étais subjugué par Béjart. J’avais

C’est un pays incroyable, il y a un rapport tellurique

vu le film de Lelouch Les uns les autres, choré-

à la terre. Chacun, là-bas, est écolo dans l’âme ! À

graphié par Béjart, et ça m’a beaucoup touché.

Wellington, il y a quatre tremblements de terre par

Et ensuite ?

fait décoller, l’herbe verte fluo, le ciel bleu cobalt…

an ! Le pays des extrêmes, force du vent qui vous Ma vie est un peu comme un conte de fées. Je

La Nouvelle-Zélande est politiquement néo-libérale,

rencontre le directeur du conservatoire au Club

il n’y a pas du tout d’esprit de classe. Par exemple,

Med à l’Hermitage. À l’époque, je faisais l’École

la plus puissante avocate du pays vit avec un maçon.

Normale et j’étais barman pendant les vacances.

Autres exemples, juste après le Rainbow Warrior,

Nous avons passé trois jours à boire des coups, à

la France n’avait pas une belle image et jamais un

discuter et c’est lui qui m’a proposé d’entrer au

Néo-Zélandais ne m’en a tenu rigueur, bien au

conservatoire de Reuil-Malmaison. Et ça a été le

contraire : « T’es pas responsable des conneries de

début de ma carrière classique à l’opéra de Paris.

ton gouvernement. » Quand je disais que j’étais

Deux ans plus tard, je reçois un télex me proposant

danseur, on me répondait : « D’accord, mais tu joues

un contrat en Nouvelle-Zélande. J’étais en France,

au billard ? » !!!

le pied cassé. Je pensais que c’était une blague.

C’est le premier pays au monde à avoir donné le

Et, non c’était du solide, un contrat d’un an. En

droit de vote aux femmes, le premier pays au monde

fait, j’y suis resté dix ans. Je suis tombé amoureux

à avoir fait des excuses officielles sur la colonisa-

du pays, j’ai même pris la nationalité zélandaise.

tion et à avoir rendu leurs terres aux Maori… je

Ensuite, je me suis lancé dans la chorégraphie,

serais intarissable sur la Nouvelle-Zélande, un

toujours pour le ballet Royal de Nouvelle-Zélande.

beau pays, plein de contrastes encore une fois, le

Puis, j’ai créé ma propre compagnie avec danseurs

nord de l’île nord est tropical, le sud de l’île sud

et musiciens. J’ai joué à Singapour, je suis parti en

ressemble aux Alpes suisses !

Australie où j’ai enseigné à l’université d’Adélaïde.


R ENCO N TR E · 42

Racontez-nous votre rencontre avec

Votre retour à La Réunion en 1998

David Toole et le DV8….

Oui, mon père est toujours à La Réunion, j’avais

J’ai travaillé trois ans avec le DV8 à Sydney, une

envie de revoir la famille. Une époque où je me

création dans le cadre des Jeux Olympiques.

posais plein de questions : Est-ce que je suis

Puis, plus tard à Londres, on a retravaillé la pièce

encore Français ? Est-ce que j’ai toujours envie

The cost of living qui a fait une tournée euro-

de danser ? Est-ce que je continue à chorégra-

péenne.

phier ? Et Catherine Louis me suggère de monter

Je venais de la danse classique, port de tête,

ma propre compagnie. Ça me semblait très com-

longues jambes, longs bras…et je vois sur scène

pliqué, en démarches, paperasseries…, par rap-

David Toole, un danseur handicapé, sans jambes,

port à ce que j’avais vécu avant.

j’ai pleuré en le voyant danser et je me suis de-

En 1999, ma première création Trace d’amour est

mandé pourquoi ça me touchait autant !

produite par les Bambous, d’ailleurs Robin Frédéric

Ensuite, j’ai eu envie de faire ça aussi avec les

joue dans la pièce. Et puis, je fais des allers-retours

gens de ma compagnie. Un positionnement émo-

entre La Réunion, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

tionnel, artistique. On intègre les particularités de

Je pars en tournée avec le DV8 Physical Theatre

chacun dans le groupe. Il y a une dimension po-

pour la pièce The cost of living.

litique aussi, si c’est possible dans un studio de

Et en 2003, je décide de m’installer complète-

danse, c’est possible ailleurs. Et ça a nourri mon

ment à La Réunion. Je retrouve mes racines,

travail chorégraphique, ne pas oublier d’où l’on

mon enfance, mon adolescence… J’avais envie

vient et se nourrir de solutions créatives.

d’autres expériences à partager. Je quittais une

Les handicapés sont obligés d’être créatifs dans

compagnie de 40 à 50 personnes pour en former

leurs gestes de tous les jours et ils arrivent à ré-

une autre avec peu de personnes, mais l’envie de

soudre leurs problèmes. Ça procure des moments

travailler avec des gens d’ici, de les sensibiliser, de

de danse qu’on ne peut pas trouver ailleurs…

les former.

C’est-à-dire…

teurs, de mélanger amateurs et professionnels et

C’est une notion d’équilibre dans l’espace. Il y a la

même d’aller plus loin, d’intégrer des gens sur le

photo de départ, la photo d’arrivée et au milieu un

bord, mis de côté, SDF, personnes âgées, handi-

L’envie aussi de confronter la danse à des ama-

voyage. La seule chose qui ne va pas bouger c’est

capées… Cette puissante envie, je la tiens de mon

le sol et le fauteuil. Ensuite, on cherche des points

expérience avec le DV8 qui m’a beaucoup mar-

d’appui, une main, la hanche… les plus mobiles

qué. On est vraiment sorti du cercle parfait des

s’assoient dans le fauteuil des handicapés, les han-

petits rats de l’Opéra !

dicapés cherchent des appuis ailleurs. Tout le monde est en position humble, en équilibre instable et au final, on improvise.

Je trouve mes béquilles dans la danse


D’où ça vient, la création ?

Que vous apporte la signature de cette

C’est marrant, j’en parlais justement avec mon

convention avec la ville de Saint-Paul ?

père dimanche après-midi. Ça vient de ce que je

Une stabilité. Ça permet de voir venir sur trois

vis, de ce que je vois, de ce que j’entends, de mes

ans. Ça permet de développer une nouvelle écriture,

angoisses, des gens ancrés dans le quotidien… La

une nouvelle formation en danse intégrée. Ça

prochaine création est venue d’une émission que

permet de revoir la structure des cours et de me

j’écoutais sur France Inter « la démocratie des

réinventer en tant que prof. Il y a des profs de danse

abeilles », j’imaginais, en écoutant l’émission, la

dans le groupe qui développent une spécificité à

danse frétillante des abeilles, un essaim en cercle…

enseigner avec des personnes handicapées. 8 à

l’esprit de la ruche ! En fait, il s’est écoulé deux ans

9 profs sont formés en trois semaines. Dans la

entre la première étincelle et la réalisation. Elle

compagnie, nous sommes 15 intermittents. Wilson,

sera représentée dans plusieurs festivals au mois

en fauteuil, fait partie de la compagnie. Mais je

de mai, Leu Tempo, Danse Pei …

tiens à souligner que la danse intégrée, pour moi, ce mélange de personnes handicapées et de per-

Votre plus grande satisfaction ?

sonnes mobiles, n’a pas de but thérapeutique, mais

C’est la création de spectacles. Ensuite, il y a la

seulement un but artistique.

production sur scène, après la générale, c’est toujours un grand moment pour les danseurs. Je suis

Et les échanges avec l’extérieur,

sensible aux réactions des gens après le spectacle.

vos collaborations avec des compagnies

Ce qui me touche beaucoup ce sont les réactions

étrangères ?

du genre « On m’a traîné à ce spectacle, ça ne me

Ce sont des claques dans la figure ! Des expé-

disait rien et j’ai pris une belle claque, je ne sais

riences fortes. Je vais voir où travaillent les gens,

pas dire pourquoi ! »

dans quel contexte ils vivent. Je ne reste pas en-

Mon vrai boulot, c’est dans le studio. J’ai créé près

fermé, je vais voir dehors ce qu’il se passe. C’est

de quarante pièces dans ma vie. Mon pilier c’est

toujours une expérience charnelle, ma rencontre

l’accessibilité. Les gens qui viennent au spectacle

avec un nouveau pays. En résidence, on s’immerge

n’ont pas besoin d’études, ni de culture artistique.

dans le pays, ça permet de découvrir son histoire, son quotidien… en mettant de côté ses a priori. Ça bouscule. Voyager est une nécessité. On a un métier qui nous permet de quitter La Réunion pour y revenir.

la trace la plus forte que j’ai envie de laisser, c’est de l’ordre du poétique

Au Mozambique, par exemple, j’ai vécu une expérience extraordinaire avec les Fuzulu. Des iconoclastes complets dans le processus de création. Ils s’appuient sur la tradition tout en faisant éclater tout cadre conventionnel. Tout se fait avec le système D, il n’y a pas d’outils structurés, ni d’obligation de temps et ça donne une vraie liberté, un souffle nouveau. C’était un bel échange où, d’un côté, les danseurs ont appris à jouer des instruments Fuzulu et, de l’autre, les musiciens ont acquis des notions techniques de danse.


R ENCO N TR E · 44

Pourquoi l’Afrique ?

La création dont vous êtes le plus fier ?

Depuis six/sept ans, je voulais travailler avec

Somewhere ! C’est pour moi la pièce la plus abou-

les danseurs de la zone. J’en ai un peu marre de

tie. C’est aussi le processus de création le plus

cet axe Nord-Sud et de l’aval du Nord pour faire

douloureux de ma vie. J’ai passé deux mois à

quelque chose alors qu’ici, dans notre environne-

Joburg pour rencontrer le chorégraphe PJ

ment proche, il se passe plein de choses. Pendant

Sabbagha, une forte personnalité militante.

deux années consécutives, je suis allé à Mada et

J’avais réuni les danseurs de sa compagnie et les

deux autres années en Afrique du Sud et au Mozam-

danseurs de la mienne. Il y avait aussi le plasticien

bique. C’était rafraîchissant. Nous avons beau-

Eddy Blanchard. C’est dur de bosser avec lui. Il y

coup de leçons à prendre de gens qui n’ont pas

a donc eu des frictions, des problèmes de per-

les mêmes facilités que nous. Nous sommes dans

sonnalités.

une économie de subventions, d’aides. Eux, ils n’ont rien, il faut qu’ils se débrouillent et ils sont

Votre signature artistique ?

très créatifs. Ils ont quelque chose à dire en termes

La Mélancolie ! Mes spectacles sont drôles et tristes.

d’échanges. L’idée d’échange est à prendre dans

Je trouve mes béquilles dans la danse !

les deux sens, chacun apporte à l’autre. Les rési-

Il y a un rapport au corps charnel, organique. Un

dences croisées mènent à une création fondée

rapport au sol aussi. J’aime bien les gens hors-

sur cet échange.

norme. Le côté chaos aussi, mais très organisé… Une de mes questions d’artiste, la trace la plus

La Belgique compte aussi pour vous…

forte que j’ai envie de laisser, c’est de l’ordre du

Oui, effectivement. La danse contemporaine

poétique. Alors que l’on s’évertue à laisser des

flamande me correspond totalement. Je me sens

choses concrètes.

très proche de quelqu’un comme Alain Platel qui mélange différents arts dans ses créations,

Mélancolie, gravité. Les choses me touchent,

qui travaille aussi dans sa compagnie avec des

les gens autour de moi, la nature…. Mon boulot,

professionnels et des amateurs. La danse là-bas

mettre une autre lumière sur les choses. Déplacer

est ancrée sur une réalité sociale, politique même.

les choses pour les rendre visibles.

Une danse qui parle de danse, d’espace, d’énergie, de rapport au corps. Les Belges sont dans l’auto-

La création de votre centre chorégraphique Le

dérision tout le temps. En France, on passe son

Hangar…

temps à se regarder le nombril.

Le Hangar est conçu pour partager. J’essaye de

La danse anglo-saxonne ou belge met sur scène

fédérer au sein de la Compagnie. J’accueille des

des gens avec leur fragilité, leur grande gueule et

compagnies en résidence. Il y a un vrai côté géné-

leur énorme poésie. Ça me touche plus qu’une

reux. Le Hangar est un lieu ouvert sur les quartiers.

danse très formelle, aseptisée !

Il y a des cours de danse pour tous les publics, des stages, des rencontres, des soirées carte blanche avec des invités… Je cherche à en faire un vivier de talents.

Le Hangar, centre chorégraphique Eric Languet. 20, rue des Navigateurs Les Ateliers du Trapèze 97434 Saint-Gilles les Bains. Inscriptions/renseignements : 0692 88 82 77 contact@hangar.re

Et à l’avenir, vous avez envie de quoi ? J’ai envie de passer à autre chose. Il y a de p lu s en plus de danseurs professionnels, ici à La Réunion, que j’ai formés ou pas, et j’ai envie de travailler avec eux. Je ressens le besoin de revisiter aussi mon histoire anglo-saxonne.



HO R IZO N SAUVAG E · 46

TEXTE

&

PHOTOGRAPHIE RENÉ CARAYOL

befandriana, région sofia, madagascar. Comme dans toute l’ile, la frontière est floue entre le monde des morts et celui des vivants. A la saison sèche, quand on a un peu d’argent tiré de la vente du riz et que les travaux des champs sont réduits au minimum, de grandes cérémonies sont organisées. Leur vocation première est d’honorer les ancêtres, afin qu’ils continuent de veiller sur leur descendance et de leur assurer réussite et protection. Mais c’est aussi l’occasion de s’afficher comme une famille respectueuse des coutumes et des traditions, et de resserrer les liens communautaires lors d’une fête rassemblant tant la famille que le village autour de danses, de chants et du sacrifice d’un zébu.



TEXTE ANNE-LINE SIEGLER

VOYAGE VOYAGE · 4 8

PHOTOGRAPHIE ERIC SAM-VAH

VUE D’ENSEMBLE DU SITE, AU FOND COULE LA RIVIÈRE

LE ROYAUME OUBLIÉ

« il faut trois vies pour connaître l'inde » dit

fondée au xive siècle par des princes télou-

un proverbe indien, et, sûrement trois voyages

gous extrêmement riches, soucieux de contrer

à hampi pour commencer à en percer ses

les invasions musulmanes du nord, hampi

secrets. ce village de l’état du Karnataka se

émerveilla les voyageurs étrangers par la

situe dans le sud de l’inde, à 350 km de ban-

splendeur de ses temples et de ses palais. outre

galore. inscrit au patrimoine mondial de

son passé glorieux dont les magnifiques ruines

l’unesco en 1986, hampi, jadis capitale du

en témoignent, hampi est aussi renommée

vijayanagar, fut l’une des plus belles cités

pour ses nombreux liens avec la mythologie

médiévales au monde. à l’instar, toutes pro-

hindoue et le Ramayana, qui font de ce royaume

portions gardées, d’angkor, la capitale cam-

oublié une terre sacrée.

bodgienne de l’empire Khmer.


Pakistan

Inde

Hampi

Hampi Sri Lanka

PREMIÈRES IMPRESSIONS

Dès son arrivée à Hampi, le voyageur est enve-

La Tungabhadra est le point de confluence de

loppé par la magie immuable des lieux qui invite

deux rivières, la Tunga et la Bhadra, d’où son nom.

au repos. La contemplation des Yamini hills, ces

Elle joua un rôle important dans l’histoire reli-

collines granitiques dorées, rosées ou rougeâtres

gieuse mais aussi politique d’Hampi. Bordée de

bordées d’une végétation luxuriante où sinue la

rochers éparpillés, elle constituait au nord un

rivière Tungabhadra, brouille peu à peu les repères

rempart naturel contre les invasions.

du temps. Les dates, les heures s’estompent pour

À l’époque de Vijayanagar, beaucoup d’aqueducs

laisser place à des instants d’éternité, comme si

et de canaux d’irrigation furent construits pour

Hampi avait toujours existé. Et c’est sûrement vrai,

alimenter en eau les nombreux palais. Aujourd’hui

car ces massifs de granit sont extraordinaire-

encore, un grand nombre de ces anciens canaux

ment vieux. Selon les géologues, ils existeraient

est toujours utilisé pour irriguer les champs.

depuis la formation des premiers continents sur terre, il y a trois milliards d’années ! Des archéologues ont aussi découvert des objets datant du néolithique.


VOYAGE VOYAGE · 50

HANUMAN, LA LÉGENDE FONDATRICE

L’histoire d’Hampi pourrait commencer par il

Sur son chemin vers Lanka, l’armée de singes

était une fois. Oui, il était une fois, perdue dans la

parsema quelques rochers utilisés pour la construc-

nuit des temps, une terre mythique nommée

tion d’un pont destiné à rejoindre Sita, maintenue

Kishkindha, le royaume des Singes, fut gouvernée

prisonnière sur l’île de Lanka. C’est ainsi que serait

par le roi-singe Sugriva et son frère Vali.

né le paysage fantastique et fascinant d’Hampi !

C’est là, dit la légende, que naquit le célèbre dieusinge Hanuman, à Anjayaneya Hill, de l’autre côté de

Hanuman, le dieu-singe aux 108 noms, mériterait

la rivière Tungabhadra, au sommet d’une colline

une histoire à lui tout seul ! Fils du Vent Vayu et d’une

auquel on accède au bout de quelques six cents

apsara ou nymphe céleste Anjana, il est connu

marches de chaux blanche visibles d’un lointain

pour sa force prodigieuse, son intelligence et sa

horizon.

bravoure. Immortel, il est capable de voler, sou-

C’est aussi à Kishkindha qu’Hanuman rencontra

s'agrandir ou rapetisser. Il connaît aussi le secret

lever des montagnes, tuer des démons et même Rama, l’une des dix incarnations de Vishnu, et

des herbes qui soignent, comme la précieuse

son frère Lakshmana, tous deux à la recherche de

herbe de Sanjivani, qui ramena le frère de Rama,

Sita, enlevée par Ravana, le roi-démon de Lanka

Lakshmana, à la vie.

(Sri Lanka). Hanuman devint l’ami et le fidèle ser-

Incarnation de Shiva, Hanuman est associé à la

viteur de Rama, ce célèbre épisode figure dans le

noblesse d’âme, aujourd'hui encore illustrée par

Ramayana, poème épique datant du IV e siècle,

ce proverbe hindou : « Les singes pleurent sur les

qui raconte en détail la légende de Rama. Ce texte

autres, jamais sur eux-mêmes. »

constitue, avec le Mahabharata, l'un des écrits fondamentaux de l'hindouisme.

Avec ses nombreuses représentations dans les temples, sur les stèles, les pierres abandonnées,

Au sommet de la plus haute colline d’Hampi, la

Hanuman est incontestablement le héros de

Matanga Hill, Rama et le roi-singe Sugriva firent

Hampi. Après le tournage du film Hanuman en

alliance, sous l’œil protecteur du sage Matanga :

1998, une kyrielle de singes-figurants furent re-

Rama aiderait Sugriva à retrouver son trône au

lâchés sur les lieux, s’ajoutant au grand nombre

Royaume de Kishkindha, usurpé par son frère

de macaques chapardeurs régnant sur Hampi.

rebelle Vali, et Sugriva, en retour, lancerait son

Les singes sont respectés et protégés par les hin-

armée de singes, gouvernée par Hanuman, à la

dous, malgré les bêtises, voire les saccages qu'ils

recherche de Sita.

peuvent commettre. C’est qu’ils sont, après la vache et le serpent, les animaux les plus sacrés de l’hindouisme.


L'ALLÉE DE

« L'ÉCURIE »

AUX ÉLÉPHANTS

AU SOMMET DU MATANGA HILL


VOYAGE VOYAGE · 52

LA VILLE DE LA VICTOIRE

Hampi aurait hérité du nom de la rivière Pampa,

Les règnes de Krishnadevaraya et d’Achyutade-

aujourd’hui appelée Tungabhadra. À l’origine,

varaya marquèrent cette apogée qui fut une pé-

Pampa, la fille du dieu Brahma, fit pénitence pour

riode de grande créativité et d’activité architecturale

plaire au dieu Shiva. Impressionné par sa dévo-

où plusieurs grands édifices furent construits dans

tion, Shiva l’épousa. L’endroit fut appelé Pampaks-

la capitale et le reste du royaume.

hetra (la terre de Pampa) et Shiva, Pampapathi (le

L’art architectural d’Hampi, inspiré de plusieurs

mari de Pampa). En kannada (langue du Karna-

grandes tendances, est unique, notamment le

taka), Pampa devint Hampe, puis Hampi. Des cultes

style hindo-musulman, que l’on retrouve dans

de Pampa et Shiva sont attestés à Hampi dès le

l’imposant bâtiment rectangulaire qui servait

VIII e siècle.

d’étables aux éléphants favoris de la Cour et dans le pavillon du Lotus Mahal. Bâti sur deux étages

Plusieurs sources ont permis de retracer l’histoire

selon un agencement cruciforme et surmonté de

d’Hampi ou Vijayanagar : les deux textes épiques

tours de style hindou, ce pavillon est décoré

de l’hindouisme, le Ramayana et le Mahabarata,

d’arches musulmanes sophistiquées qui abri-

les récits de voyageurs étrangers en Inde du Sud,

taient les conversations des femmes de la Cour.

les écrits en kannada, sanskrit, tamoul, télégou, et

Le temple Vithala, dédié à Vishnu sous la forme

bien sûr les recherches archéologiques sur ce site

de Vithala, est quant à lui un bijou de raffinement

de 25 km 2 qui compte plus de 500 édifices.

sculptural, emblématique du style vijayanagar. Dédié au dieu du même nom, une forme de

L’histoire d’Hampi, anciennement nommée du

Vishnu, le temple abrite des colonnes musicales

nom du royaume de Vijayanagar, la « ville de la

qui chantent au gré du vent et répondent aux

victoire », commence au XIV e siècle, en 1336, sur

échos. Chaque pilier, monolithique, est un ensem-

la rive méridionale de la Tungabhadra lorsque

ble composite de sculptures massives mesurant

des chefs télougous décident de contrer les inva-

jusqu'à 1,5 mètres de diamètre. Vithala est aussi

sions musulmanes venant du nord. Rayonnant

célèbre pour son char de granit massif, dédié au

sur l’actuel Karnataka, Kerala, Tamil Nadu et Andra

dieu Garuda et tiré par de petits éléphants, dont

Pradesh, et même selon les inscriptions, sur cer-

les roues, dit-on, tournaient à l’époque.

taines parties de Sri Lanka, Vijayanagar fut, entre le XIV e et le XVI e siècle, l’empire le plus vaste, le plus puissant et le plus florissant d’Inde du Sud.

Fiche pratique Aéroport local le plus proche d’Hampi : Hubli (150 km) Aéroport international : Bangalore (350 km) Avec Air France depuis La Réunion : 0820 820 820 – www.airfrance.re Meilleure saison : de septembre à mars. Éviter la mousson de juin à août. En chemin, faire un stop à Mysore, visiter son palais et assister à la baignade des éléphants, par exemple… Organisation personnalisée de voyage : www.voyageurs du monde.fr


TEMPLE SOUTERRAIN DE SHIVA

LE CHARRIOT DE PIERRE


VOYAGE VOYAGE · 5 4

GRANDEUR ET DÉCADENCE

La splendeur de Vijayanagar frappa, à l’époque,

Mais en 1565, l’empire s’effondra sous la domina-

les étrangers : l’italien Nicolo Conto (vers 1420), le

tion musulmane qui détruisit et brûla complète-

portugais Domingo Paes qui séjourna deux ans

ment la cité à l’exception du temple principal

à la cour de Krishnadevaraya, de 1520 à 1522. Ce

Virupaksha. Les envahisseurs occupèrent, pillèrent

dernier affectionnait les Portugais qui lui fournis-

la cité durant six mois. Puis Vijayanagar fut déser-

saient des chevaux. Domingo Paes fut ébahi par

tée et oubliée.

la grandeur et la richesse de Vijayanagar, com-

Pendant plus de 400 ans, le temps fit son oeuvre,

para même Vijayanagar à Rome ! Il décrit des

enfouissant peu à peu la cité sous la végétation.

marchés débordant de soie et de pierres précieuses

Au XIX e siècle, les Anglais, dont l’historien Robert

importées de Chine et de Birmanie, des courti-

Sewell, redécouvrirent le site et l’étudièrent.

sanes exquisément parées, des palaces magnifiquement décorés et de somptueuses festivités. L’empire comptait alors jusqu’à 300 ports.

LE TEMPLE AUX COLONNES MUSICALES


BALADE À LA RENCONTRE DU TEMPS PASSÉ

Aujourd’hui, Hampi ne compte plus que 2000

La colline Hematuka, juste en amont du temple

âmes, rassemblées autour de Hampi Bazar et du

Virupaksha, offre une alternative à l’ascension de

temple Virupaksha, centre névralgique du village.

la Matanga Hill et un coucher de soleil tout aussi

Pour s’en faire une idée, rien ne vaut une petite

agréable ; on y accède en cinq minutes par un

excursion au sommet de Matanga Hill, la plus

chemin pentu qui bifurque sur la gauche du

haute colline de Hampi, qui surplombe à 360°

temple. Vers 18h, retentit en contrebas le tinte-

une grande partie du site. Un petit sanctuaire en

ment d’une clochette qui annonce le début de la

ruine y est niché, le Veerabhadra, d’où l’on peut

puja quotidienne (cérémonie), relayée par les haut-

jouir d’une vue à couper le souffle, en particulier

parleurs de l’édifice religieux : « Om namah Shi-

au soleil couchant, lorsque les roches s’embrasent

vaya » (« Je rends hommage au Seigneur Shiva »).

et se confondent, et que la Tungabhadra scintille

C’est d’ailleurs à Hemakuta Hill que Shiva observa

une dernière fois avant de s’effacer dans son vaste

une retraite avant son mariage avec Pampa. Pour

lit de verdure.

leur mariage, les Dieux y firent pleuvoir de l’or,

De là-haut, on aperçoit en contrebas les vestiges

d’où le nom d’Hemakuta, littéralement « mon-

du temple Achyutaraya encore appelé Tiruven-

tagne d’or » en sanskrit.

galanatha, du nom d’un avatar de Vishnu. Typique de l’architecture de Vijayanagar, cet édi-

Un peu plus loin, un chemin ombragé de man-

fice construit de 1513 à 1538 par le roi Achyuta-

guiers sur la droite conduit à l’impressionnante

raya, est accessible à pied en contournant la

statue de Narayasimha (le dieu lion, avatar de

Matanga Hill, après avoir dépassé le monolithe

Vishnu) d’une hauteur de 6,7 m, sculptée dans un

Nandi, hommage au taureau véhicule de Shiva.

seul bloc de pierre. La visite se poursuit avec le

Un magnifique gopura – ou porte d’accès – marque

reste de la cité dédié à la ville royale et au temple

l’entrée du temple. Des rangées de piliers, somp-

Vithala. S’y trouvent dispersés le palais et les bains

tueusement gravés d’images de Yali, créature

de la reine, non loin du Lotus Mahal et des étables

mythique, ceignent plusieurs enceintes imbri-

des éléphants.

quées les unes dans les autres. Un peu plus loin,

Dans le même quartier se trouve le temple de

au sud, les ruines de l’ancienne cité royale se pro-

Rama, autrefois chapelle royale de Vijayanagar.

filent sur une large plaine dégagée, notamment

Peu visité, on peut pourtant y admirer de très

l’imposante étable des éléphants.

beaux panneaux où sont contés des épisodes du

De l’autre côté, au nord, un long chemin de terre

Ramayana.

battue mène du bas de Matanga Hill au temple Virupaksha en passant par Hampi Bazar bordé de diverses échoppes et de ruines reconverties en habitations. Ainsi, une série de pavillons jadis occupés par de riches marchands et les nobles de l’Empire abritent aujourd’hui les populations les plus pauvres.


VOYAGE VOYAGE · 56

LE TEMPS DES LOISIRS

Pour le promeneur fourbu de ces découvertes

Dans ce tableau idyllique, une ombre pourtant :

fascinantes, il est l’heure de faire une pause, prendre

de grands bouleversements menacent en effet la

un verre, la plupart du temps non-alcoolisé (le

vie de village d’Hampi où de luxueuses chaînes

site étant sacré). Confortablement assis dans des

hôtelières attendent une autorisation de construire.

coussins aménagés sur les toits de guest houses,

Pour l’instant, entre les dédales de ruelles reliant

il est possible de venir manger, grignoter et se

le Hampi Bazar et les berges de la rivière, le voya-

rafraîchir d’un « nimbu pani » (limonade) tout au

geur ne peut trouver à se loger que dans les nom-

long de la journée, en admirant un décor envoû-

breuses auberges familiales. D’autre part, pour

tant. Les coupures d’électricité étant fréquentes,

empêcher la détérioration des sites, menacés par

le dîner se pratique aux chandelles. Le matin, un

la pollution et les activités touristiques, une partie

détour au Mango Tree, situé à un quart d’heure à

d’Hampi Bazar a déjà été détruite ; toutes les

pied de Hampi Bazar est une étape incontourna-

échoppes et petits commerces flanqués le long

ble. Au bout d’un chemin de terre bordé de ba-

de la rue principale, sympathiquement animée,

naneraies, ce havre de paix émerge de la verdure.

ont été rasés et les habitants plus ou moins relogés

Après s’être déchaussé, on peut y déguster jus de

à l’extérieur du site de l’Unesco. Le projet est de

fruits frais, lassis, petit déjeuner du sud de l’Inde

recréer les alentours du temple Virupaksha tels

ou bien continental, à l’ombre bienfaisante d’un

qu’ils étaient au XV e siècle, mais du coup, à Hampi

manguier où viennent parfois se chamailler des

Bazar, là où battait le cœur du village il y a encore

familles de singes. Là aussi, point de chaises, on

moins de deux ans, l’animation s’est éteinte.

y mange assis, sur des nattes, avec le spectacle infini de la rivière millénaire où s’affairent lavandières et pèlerins. Moyennant une dizaine de roupies, il est d’ailleurs possible de rejoindre en barque l’autre côté de la rive et de loger dans l’une des quelques guest houses plantées au milieu de rizières.

L'HAMPI BAZAR, LE CŒUR DU SITE

Bibliographie • Hampi, capitale de l’empire de Vijayanagar • d’Olivier Bossé et Patrice Pierrot, 2004, • éditions Kailash • Hampi Vijayanagar – histoire et légendes, • de Vasundhara Filliozat, 2004, • éditions Âgamât • Le Ramayana conté selon la tradition orale, • • de Serge Demetrian, 2006, • éditions Albin Michel • Inde – Bibliothèque du voyageur, • éditions Gallimard



VOYAGE VOYAGE · 5 8

Balade littéraire la littérature indienne, foisonnante, riche de cultures multiples est tellement diversifiée que nous n’en connaissons qu’une infime partie, d’autant qu’elle n’est pas toujours traduite en français. nous connaissons, certes, le grand v.s. naipaul, prix nobel 2001, salman Rushdie et la fatwa lancée contre lui à la publication de ses Versets Sataniques et, plus récemment, tarun tejpal grâce à son best-seller Loin de Chandigarh. mais que savons-nous de tous ces auteurs de langues anglaise, hindi, bengali, tamoule… dont l’imaginaire a été bercé par des épopées les plus anciennes du monde ? qu’ils vivent en inde ou en occident, ils ont tous à cœur d’ancrer leurs récits dans leur pays en pleine mutation, tiraillé entre les impératifs de la modernité et l’organisation sociale traditionnelle divisée en castes. ouvrons les portes avec, pour commencer, quatre auteurs qui nous embarquent au loin dans la magie de leur récit.

Sélection Francine George


L’ANNÉE DES SECRETS

Née au sud de l’Inde, dans l’état du Karnataka, Anjana Appachana partage aujourd’hui sa vie entre les Etats-Unis et l’Inde. Son roman est l’histoire intimiste de femmes en rupture avec le système des castes et le poids des conventions, soumises mais en quête d’audace et de passions dévorantes, leurs récits autour de la jeune Mallika se complètent et s’emboîtent au fil des pages. Une épopée moderne dans l’Inde d’aujourd’hui qui conte de manière éblouissante une aspiration universelle à vivre libre. L’année des secrets Anjana Appachana ÉDITEUR Zulma TITRE

AUTEUR

LE MAGICIEN DE LA FINANCE

Première traduction de ce roman paru en 1952, l’histoire raconte avec beaucoup de finesse et d’humour les tourments de Margayya à Maguldi, ville fictive qui prend modèle sur Mysore dans l’état du Karnataka, comme Hampi. Après maints déboires, Margayya devient, par le truchement de la déesse de la prospérité, très riche grâce à un manuscrit sulfureux qu’il édite. Mais son destin lui réserve d’autres surprises, en la personne de son fils chéri qui va procéder à sa ruine… Affaire à suivre ! Le magicien de la finance R.K. Narayan ÉDITEUR Zulma TITRE

AUTEUR

UN OCÉAN DE PAVOTS

Né à Calcutta, Amitav Ghosh vit à New york. Conteur talentueux, il nous plonge dans les noirceurs de son pays, sous le joug des Anglais. Le commerce de l’opium représente au XIX e siècle une ressource importante de l’empire britannique. Autour de cette donne, gravitent plusieurs personnages qui vont tenter de survivre sur l'Ibis, un navire marchand. Pendant cette longue traversée, de Calcutta à l’île Maurice, l’océan tout autant que les passions et les révoltes se déchaînent à bord. Il faut rester bien accroché tant la puissance narrative bouscule le lecteur, scotché au flot tumultueux de chaque destinée. Un océan de pavots Amitav Ghosh ÉDITEUR 10/18 TITRE

AUTEUR

LE DIEU DES PETITS RIENS

Arundhati Roy est une militante engagée et dénonce toutes les formes d'oppressions en Inde. Le récit se situe dans un bourg du Kerala dans les années soixante. Deux jumeaux de huit ans, Rahel et Estha sont contraints de choisir entre la vérité et le mensonge pour sauver leur mère. Cet événement va les séparer. Ils vont quitter l'Inde puis y revenir et retrouver l'ombre du grand-père entomologiste, la grand-mère « aux confitures trop sucrées », l'oncle coureur de femmes, la grand-tante amoureuse mystique d'un prêtre irlandais, et surtout leur mère et leur ami Velutha, l'intouchable. Tragédie, humour et émotion sont au rendez-vous de ce récit envoûtant aux accents poétiques. Le Dieu des petits riens Arundhati Roy ÉDITEUR Folio TITRE

AUTEUR


B ATAYE KOK · 6 0

TEXTE

&

PHOTOGRAPHIE NICOLAS ANGLADE

ILLUSTRATION HIPPOLYTE TEXTE EN CRÉOLE SYLVAIN GÉRARD

Retrouvez le webdoc de Bataye Kok sur pils.re

Claudy d’Îlet à Cordes


ilet à cordes, hameau du bout du monde qui doit son nom aux premiers esclaves marrons qui y accédèrent avec des cordes, pour laisser le moins de traces possibles à leurs poursuivants. claudy est né ici. agriculteur, il fait du maraîchage et cultive des lentilles aussi réputées que celles du puy. il faut regarder ses mains pour comprendre qu'il n'existe pas de petit paradis sans une part d'enfer. la terre est parsemée de cailloux et le relief interdit la machine. parfois c'est dur (il nous le confesse sourire aux lèvres), mais pour rien au monde il ne quitterait sa modeste case en tôle lui offrant chaque jour une des vues les plus pures sur le cirque de cilaos. « je partirai quand je serais mort ! » C'est à la barre de fer et à coup de masses qu'il a fallu aplanir le petit « rond marron » devant chez lui. Tous les dimanches matins, une bonne partie du village s'y réunit pour voir quels seront les coqs des hauts dignes d'aller affronter ceux des bas. Rien que des petits « gallo » et jamais de paris qui dépassent les quatre-vingts euros. Ca reste bon enfant, mais comme le dit Claudy : « Si tu n'aimes pas blaguer, vaut mieux pas trop aller dans les ronds », car l'après-midi c'est sur le terrain de foot qu'on continue de « moucater » celui dont le coq a fini en carry le midi… Parmi ceux qui échappent à la marmite, certains vont tenter le coup au rond « Deux Canons » à St-Denis, ou plus loin. Dans ce cas, chacun donne un peu pour constituer une cagnotte. Claudy, seul, n'aurait pas les moyens d'affronter les grands cageots des bas. Un jour, il est descendu avec quatre coqs puis il est revenu avec la coupe. Ce soir-là, la roche a résonné des rires et de la joie des dalons et cousins de l'ami Claudy. Le prestige de la victoire, plus que l'argent gagné, a illuminé la nuit d'Ilet à Cordes, sans doute jusqu'au petit matin...


B ATAYE KOK · 6 2

SU LA TRAS ZAMATËRDKOK LILÈT A KORD

Premié journé...

Lilèt a Kord la kord mouélon la kord zèrgo

Lilèt a Kord la kord ranpar lardër solèye.

la kord le zo la kord bouton

Anlèr laba na in piton i rosanm inn tèt kok.

la kord kolé Royal Bourbon

Papang Payankë i zib dann vid.

par lot koté piton néna Silaoza.

Lilèt a Kord in ronn nuaj antour le sièl

Lilèt a kord la kord maron i bouye dann san

gran féklèr blë pèt dann milyë

le san la tèt le san le kër doulër karlon

ti kaskad blan glis su le vèr.

karlon zamatër zamatërdkok... tèrba Lilèt a Kord.

Lilèt a Kord la kord èk la pat bann kok bataye

Dëzièm journé...

kajo parsi kajo parla i koz avèk

Gran féklèr i arpèt su lilèt

kozman bann monn dann lantouraj.

Lilèt a Kord dann rin Gran-Bénar le Sirk Silaos lé gran rouvèr.

Lilèt a Kord in ronn galé dann la tèr sèk

Tèt le Shien Troi-Salaz Tayebit

tèr sèk an rosh gravié touvnan

Koto Kèrvégèn... tèrla na la rasine Piton dé Nèj.

grinn mayi fane fané dann la pousièr la briz vien pa abou fé vane le fonnlèr

Le sièl lé sitantèlman blë... lé pa posib

volkan.

lé inposib modékrir son koulër. Tèrla ranpar i koup lorizon

Lilèt a Kord la kord travaye la mizèr

tout lé antouré isi an o

bann piton i shap par bout atèr la

tout lé anbaré ginye pa shapé.

shemin la i arèt la minm apré sa

Romans bann kok lèspès lé an misouk

nal fonnravine anba anba dann fon laba.

in jëne kok i shant parba inn poul i ponn èl i roukoul kakayeman dann park volaye


romans griyon dann karodboi

Nou koz èk lu in ninstan nou kas la blag

toudinkou in gran dézord lélikoptèr

lu rakont anou inn ti pe son vi tèrla Lilèt a kord

i kas i briz le silans.

na lèr lé pa toultan katogan soman Fabien i bouj i débrouye i démèrd lu na lèr trankil.

Komsik atèr la na in nafèr an labondans

Komsik lé mor pou jordu... pou le bann kok somanké

dawoir le ronm dawoir zèrbaj

lé kom inn shans

dawoir zalantour sinksan monn

jordu zot i repoz zot i boir zot i manj zot i kok

dann se Lilèt a Kord...

zot i shant zot i viv trankil... parèye Fabien.

zistoirdfami an touk

« Poinn Bataye Kok jordu » Fabien i lèv desu le rosh

lamour la ène la jalouzi

lu té asiz lu sava akoz se midi lu lé invité.

la për la joi la pène lèspoir...

Astër anou osi nou dékal nou sa rod Ti Kok la Zèl

tousa la bout a bout.

in lamatër nou lavé kroiz iyèr. Nou trouv alu « Le Reposoir » inn ti boutik

Riskab dann ninstan nora Bataye Kok...

dann kërdlilèt.

la pasians... la pasians...

Solèye i tonm droit an lardër su la tol

la pasians zamatërdkok konbatan.

la shalër i lèv an brouyar jus la minm

Alon ! Alon ! Alon woir sak néna Lilèt Sours

ousa féklèr lërdmidi i poik shemin blaké.

lot koté le pti ron karé soul piédbibas

Lanbians lé étranj lé bizar

mayemayé èk in piédmang !

komsik na in nafèr i koz an silans

Alon ! Alon woir sak i akord

dann vène bann zabitan...

èk linvizib Lilèt a Kord. ... Nou atann nou atann nou atann minm bann zamatër bann batayërdkok. Nou kroiz la rout Fabien in ga i rès jus an o la.


AU FIL DE S FESTIVA L S · 64

TEXTE FRANCINE GEORGES PHOTOGRAPHIE LES CIES

Dans leu

tempo

avec leur équipe, ils ont concocté pas moins

de 120 représentations, plus étonnantes les

unes que les autres, agrémentées de concerts

gratuits et de scènes conviviales sur cinq jours, du 7 au 11 mai.

le rhinocéros cosmique à l’affiche du leu tempo symbolise la puissance et la légèreté

de cette programmation 2013. des poids lourds, compagnies locales ou venues de finlande, de belgique, de france ou d’afrique du sud. de la légèreté, de l’humour, des facéties, et point d’orgue, des spectacles aériens qui ne peuvent que faire rêver. l’hommage à baguett’ dans l’esprit de baguett’ auquel cette 15 e

Une mort presque sur scène. Baguett’, l’immense

édition du séchoir rend hommage, leu

artiste, au sens propre comme au sens figuré - il

tempo mêle de nombreuses disciplines, ma-

mesurait 2,10 mètres - est victime d’un accident

rionnette, conte, parodie, danse, musique,

cardio-vasculaire en pleine Fèt dann somin, la

cirque contemporain avec ses clowns, ses

traditionnelle parade du Tempo qu’il a lui-même

acrobates…pour émerveiller tous les publics.

conçue pour clôturer le festival. Il décèdera quelques

le directeur claude lermené et son respon-

mois plus tard, en octobre 2000. Il n’avait que 44 ans.

sable de la programmation, jean cabaret,

Tout a commencé au Tampon où Patrick Gérard

communiquent leur enthousiasme à pour-

Huguet – il ne s’appellait pas encore Baguett’ –

suivre l’aventure de ce grand festival des arts

a fait ses armes au théâtre de marionnettes.

de la rue.


CIE LES PHILE フ。ULISTES

CIE IETO


AU FIL DE S FESTIVA L S · 66

Puis, Baguett’ s’est installé à Saint-Leu et a créé,

son don à émerveiller tous les publics… Baguett’

avec sa compagne Chandra Pellé, le festival Tempo,

est à jamais inscrit dans la mémoire collective !

en 1986. La commune leur confie une ancienne

Pour lui rendre hommage, l’édition 2013 du Leu

école qu’ils vont transformer en atelier de ma-

Tempo commence par un Gran Kabar Baguett’

rionnettes, lieu de répétition et salle de spectacle.

piloté par Danyèl Waro et Sergio Grondin, artiste

La légende est née. Le « K » - du nom de leur Cie

associé du Séchoir qui va, par ailleurs, présenter

« Koméla » - s’impose comme le cénacle des arts

sa dernière création, Kok Batay, récit épique et in-

vivants. Le Séchoir, créé en 1998, prend en charge

time. Beaucoup d’artistes réunionnais ont débuté

le festival pour qu’il devienne un rendez-vous

aux côtés de Baguett’ ou se sont produits grâce à

annuel en confiant à Koméla la direction artis-

lui. Ils feront la fête, conviant le public à se joindre

tique.

à eux pour célébrer l’âme d’un grand artiste. Un

Ardent défenseur de la langue et de la culture

festival dans Leu Festival !

créole, Baguett’ ne crée pas en vase clos. Dès le départ, il fait venir des troupes de renom, va à la

l’esprit du leu tempo aujourd’hui

rencontre des publics dans la rue, dans les quar-

Claude Lermené et Jean Cabaret cherchent à

tiers, et met en scène artistes locaux et musiciens.

abolir les barrières, et vont au-devant du public

Libre, inventif, généreux, il associe les marion-

en proposant, dans les hauts, quelques représen-

nettes géantes ou de poche, au théâtre d’objets,

tations et ateliers d’approche. Dans cet esprit de

au conte, à la musique, et aux arts de la rue où il

partage, insufflé par Baguett’, Les Parcours du

invente des machines extraordinaires qui crachent

spectateur s’adressent à un millier de jeunes de

du feu, passe un diplôme d’artificier pour parfaire

toute l’île avec leurs familles pour leur ouvrir les

COLLECTIF AOC


portes du monde du spectacle. Pendant le festival, la scène Amatèranlèr offre un espace aux nouveaux talents qui osent se produire seuls ou accompagnés d’artistes en parrainage. Pour les tout-petits, à l’école maternelle du Centre, l’Arrosoir accueille les jeunes pousses en V.I.P. Au Leu Tempo, c’est avant tout la fête ! Toute la ville est investie pour offrir aux spectateurs la liberté de circuler d’un espace à l’autre. Le village du festival est d’abord un lieu sympathique où le public croise les artistes, un lieu de restauration, de concerts, et là où se situent les points info et billetterie. Et pour la traditionnelle Fèt dann Somin, méduses, sardines volantes, tortue géante, immenses dragons aux couleurs changeantes sillonneront les airs tandis que la foule dansera, toute de bleu vêtue, comme autant de vagues dans l’océan. Joyeux festival à tous !

CIE THÉÂTRE D’UN JOUR


CO UP DE CŒUR · 6 8

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

Majorettes Texte et mise en scène Lolita Monga Assistée de Nicolas Derieux Avec Olivier Corista, Gaston Dubois, Cécile Fontaine, Laurence Fontaine, Sylvain Gérard, Jako Maron, Lolita Monga, Manuela Zéziquel et Rachel Lovelas, Nina Manerouck, Ophélie Sévingué, Jessica Moutoussamy de l’association Sun Twirl Club Costumes Juliette Adam Assistée de Dania Déliron Lumières Valérie Foury Musique Jako Maron Son Anou Anoaraly Régie plateau Patrick Kam-Mone et Patrick Namtamecou Avec la participation du Conservatoire à Rayonnement Régional et du groupe ZiKdonf Avec le regard amical de Véronique Asencio Production Centre dramatique de l’océan Indien


les créations de lolita monga sont comme des champs de coquelicots sous le soleil des tropiques. invraisemblables, troublants et vifs. elle invente une langue imagée, fédératrice, qui pioche dans la poésie des mots mêlés du créole au français. et ce nouveau souffle donne à tous les spectateurs le sentiment de faire partie de ce même bout d’île posée au milieu de l’océan. les uns parce qu’ils sont Réunionnais depuis des générations, et les autres parce qu’ils se plaisent à vivre ici. le théâtre est un genre littéraire, mais aussi un spectacle, et les nombreux éclats de rire des élèves - en particulier - présents au grand marché le soir de la première de Majorettes montrent bien que lolita monga voit juste et touche au cœur. Il y avait donc du rire ce soir-là, de la joie, mais aussi du tragique, car au centre des péripéties du quotidien, un drame se noue autour de Jennifer, une belle jeune fille qui n’est pas d’ici, ici même. Une énigme aussi, car on ne sait pas très bien ce qui lui est arrivé, meurtre, suicide, accident ??? Une botte blanche, effrayante, est évoquée plusieurs fois pour témoigner de son décès… Avec Majorettes, la vie de quartier s’expose dans un quotidien réaliste, drôle, revanchard, éprouvant, parfois sinistre, fait de petits riens qui soudent un groupe. D’un côté le clan des garçons et de l’autre, celui des filles. Gasq et Loan, les deux dalons, racontent l’histoire de ce qui s’est passé, avant l’événement qui fera que plus rien ne sera jamais comme avant. Ils présentent « les tantines » qui entrent en scène, de majorette vêtues. Buzz, l’intrépide, joue au gendarme et se défend avant même d’être attaquée. Pause Pipi tient ce colifichet depuis une excursion où elle demandait trop souvent au bus de s’arrêter ; elle incarne la jovialité, tandis que la pétulante Cora ne renonce jamais à son optimisme candide. Ce qui touche de prime abord, c’est la volonté de ces femmes d’animer le quartier, l’énergie que chacune y met pour ne pas sombrer dans le néant, seule.


COU P DE CŒ U R · 70 Elles choisissent de créer un groupe de majorettes,

Buzz ne veut pas lui laisser la place d’autant que

comme elles auraient pu monter une chorale ou

son homme lorgne un peu trop sur elle « pas le

organiser des tournois de cartes. Sauf que, qui dit

regard sale »…il était simplement « émotionné ! ».

majorette, dit uniforme ! Et là, une nouvelle dimen-

Pause Pipi est moins vindicative que Buzz, mais

sion s’installe. Elles se plaisent à prendre leur envol,

sous son influence. Pourtant, au final, tout le

à sortir du carcan des conventions pour se faire

quartier sera marqué à vie par la disparition de

admirer, ce qui était loin d’être acquis au départ !

Jenny et si l’intégration ne s’est pas faite unani-

Évidemment, majorette n’est pas une fin en soi,

mement, tous, maintenant, portent le deuil de

mais c’est le début de la célébrité, des regards posés

l’étrangère.

sur soi. Et là, quelques tirades savoureuses nous

Le décor est nu, avec seulement un marquage au

dévoilent l’intimité de chacune – notamment Pause

sol, des lignes comme autant de rues, des carrés

Pipi chez elle, face à ses filles. Les générations s’af-

comme autant de cours, un cercle comme un

frontent de Sheila à Shakira, mais toutes entre-

point de rencontre…Tout se joue donc dans les

tiennent les mêmes rêveries de compensation.

effets de lumière et la prestation des acteurs.

Jennifer – Jenny – entre en scène. Dans le noir

Le passage d’une scène à l’autre est rythmé par

total, son visage isolé flotte sur la scène comme

un épisode musical, une sorte de radio Freedom

un masque mortuaire. Elle nous raconte sa vision

animé par Jako Marron : Tension la société, tension !

de ce quartier depuis qu’elle y est arrivée, mais

Musique à fond, et une envolée de broutilles qui

surtout sa fascination pour son idole préférée,

claquent avec un humour potache.

Shakira, à laquelle elle essaye de s’identifier. Cette belle jeune fille venue d’ailleurs, un ailleurs

On parle beaucoup dans cette pièce ! Et on bouge

plus aisé, plus urbain, atterrit dans ce quartier, et

beaucoup aussi ! Le spectateur ne peut être qu’ad-

le vit avec ses parents comme une rétrogradation

miratif du punch déployé par ces majorettes de

sociale. Physique de Barbie, un peu prétentieuse,

tout âge. Mention spéciale à une vraie troupe de

un peu « sachante », elle essaye d’intégrer le groupe

« twirling bâton » - l’expression appropriée à l’heure

des majorettes pour s’entraîner à devenir une star.

actuelle – venue rejoindre la scène pour le tableau

Elle est à la fois admirée et rejetée, mais Cora la

final, tout en explosion de vitalité.

prend sous son aile, ce qui n’est pas sans créer des heurts avec ses copines.

Auteur, metteur en scène, et comédienne, Lolita Monga, aidée par son équipe artistique, réalise ici une superbe performance, d’autant que la pièce a été montée en moins d’un mois.



PA P ILL ES E N FÊTE · 72

RECETTE BENOÎT VANTAUX PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

pièce de boeuf façon nipponne

Recette de l’Atelier de Ben


Ingrédients pour quatre personnes un filet de bœuf de 800 gr 200g de shiitakés quatre pommes de terre quatre carottes une gousse d’ail un bouquet de persil 30 grammes de beurre 25 cl de crème liquide glace wasabi Recette par étapes • Cuire à l’anglaise (dans de l’eau • bouillante salée) les carottes. • Mettre les carottes chaudes • au blender avec la crème et le beurre. • Mixer jusqu’à ce que le velouté • s’émulsionne. • Couper en quatre les shiitakés, • les poêler légèrement en ajoutant • ail et persil hachés à la fin. Réserver. • Cuire les pommes de terre en robe • des champs (avec la peau) • dans de l’eau bouillante salée. • Une fois cuites, peler les pommes • de terre et les passer au moulin, • ajouter une noisette de beurre • ou de l’huile d’olive selon les goûts. • Poêler la viande sur feu vif. • Assaisonner, sel, poivre au moulin. • Dresser la viande, champignons • dessus avec une quenelle de glace • wasabi à faire fondre sur la viande. Glace wasabi de chez Yannick T 0692 65 54 57 Pour accompagner cette délicieuse pièce du boucher et continuer à enchanter vos papilles, la Cave de la Victoire vous propose un Crozes-Hermitage 2010 de la Maison Delas Frères.

www.batcarre.com Retrouvez cette recette filmée dans l’univers de Bat’carré sur le site www.batcarre.com


À L’É CO UT E · 74 Sélection de Patrice, Samuel, Clément…

SéLECTION MUSICALE

LA CHEVAUCHÉE PSYCHÉDÉLIQUE

35 ème opus d’un neil Young inspiré, de retour avec The Crazy Horse. Psychedelic Pill est un marathon de folk rock électrique au cours duquel on ne s’ennuie pas une seconde. Des chansons courtes mais efficaces (Born In Ontario, Twisted Road) gravitent autour de morceaux démesurés mais tranquilles (Driftin’Back et ses 27 minutes, Ramada Inn, Walk Like a Giant) qui sont les véritables perles de ce double album. la sobriété, le jeu de guitare et la voix de Young associés à la rythmique efficace du Crazy Horse amènent un son ample, riche et profond. Neil Young & Crazy Horse Psychedelic Pill LABEL Reprise Records AUTEUR TITRE

LA BOMBE FUNK DE L’ANNÉE

Premier album de Rock Candy Funk Party, le nouveau groupe du virtuose Joe Bonamassa, déchire dès les premières notes. neuf titres enregistrés en studio dans l’esprit jazz-funk des années 70/80 avec 100% de création dans la spontanéité. Trois o pour encore plus de grooooooooove ! Rock Candy Funk Party We want Grooove LABEL Mascot Records AUTEUR TITRE

ENJOUÉ ET EFFICACE

le cinquième album du groupe de rock new-Yorkais The Strokes sorti en mars 2013 était téléchargeable gratuitement en avant-première. assez exceptionnel pour le souligner. ils font oublier leurs déboires passés en changeant de registre, et ça leur réussit bien. mention spéciale à Welcome to Japan. The Strokes Comedown Machine LABEL RCA/Sony AUTEUR TITRE

FORCE LANCINANTE

Finaliste du concours inrocks lab en 2011, robi est repérée par Jean-louis murat, dont elle ouvre les concerts. Depuis, elle a fait son chemin et sort son premier album L’hiver et la joie où elle rassemble avec bonheur détermination, mélancolie et recherche esthétique. Dialogue étonnant entre force et fragilité, le timbre de voix est chahuté sans se perdre, ce qui augure d’un bel avenir ! Robi L’hiver et la joie LABEL OH chéri prod/disques de joie AUTEUR TITRE


RÉSULTATS DES JEUX DU NUMÉRO PRÉCÉDENT

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DIFFICILE


À L A L IGNE · 76

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

L’AFTER-WORK SOUS LES ÉTOILES

LIGNE D’HORIZON

: UN SUPPLÉMENT D’ART

En prolongement du restaurant l’Étale qui ouvre

Lorsque vous passez le portillon du 115, rue Roland

grand ses volets sur la rue, La Ligne propose son

Garros, vous avez l’impression d’être ailleurs. La

After-work à partir de 18h30, tous les mardis. En

terrasse vous accueille avec quelques tables éparses

toile de fond, à l’heure de l’apéro, une découverte

qui prolongent l’espace restauration de l’Étale. À

hebdomadaire de ce qui se trame en images.

l’intérieur de la galerie, les couleurs explosent et

Projection de photos, de vidéos ou présentation

Clément vous aide précieusement à dénicher

d’un artiste qui répond aux questions de ceux qui

quelques pièces originales, sacs indiens, boubous

se sont invités à partager un bon moment sous

sobres et tuniques fleuries, capsules revisitées en

les étoiles.

bijoux, séries limitées ou exclusivités comme ces bottes excentriques recouvertes de perles brodées. Livres d’art, CD, objets iconoclastes s’affichent sur des petits guéridons, des étagères, comme à la maison. Un fil tendu met en scène quelques oeuvres accrochées avec des pinces. Et, derrière une grille, le showroom de La Ligne ouvre un nouveau regard sur l’univers des possibles avec des créations principalement basées sur le recyclage, la récupération, ou avec des artistes visionnaires comme Jimmy Cadet.


EN PREMIÈRE LIGNE

: CHRISTOPHE LAGASSE

Christophe Lagasse, jeune homme svelte de 34

Sa première création, une table pour sa coloca-

ans, fabrique des meubles depuis l’âge de 20 ans.

taire de 3 mètres sur 1 mètre, en bois de palette et

Il a toujours bricolé, après avoir passé des heures

souches de bois noirs récupérés sur des chantiers

à jouer aux Légos lorsqu’il était petit. Responsable

d’élagage. Ensuite, il fabrique une lampe de

atelier dans un magasin de vélos, menuisier poseur

1,80m sur 1,20m exposée au Baz’art à Saint-Paul

dans le bâtiment, il cumule les petits boulots tout

et tout le monde le pousse alors à se lancer. Puis,

en laissant libre cours à son imagination : « J’ai

il fait la connaissance de Clément aux Rencontre

plein d’idées et j’ai toujours envie de voir ce que ça

Alternatives et c’est le grand saut ! Inventif, il en-

donne. » Sur sa petite varangue, Christophe ponce,

treprend de fabriquer du mobilier pour la maison

scie, rabote ses pièces sans relâche, l’idée fixe, la

avec uniquement du matériel de récupération.

sueur au front, jusqu’à ce que le résultat soit à la

Original, une belle ligne avec des finitions tout en

hauteur de ce qu’il veut obtenir.

couleurs, tambour de machine à laver transformé en table basse, vase soliflore, étagère, fauteuil, bureau… revisités à la grâce des matériaux récupérés de-ci de-là. Quel talent !


R EN DEZ-VO US B D · 78 Sélection de Patrice

DES BULLES AU CHOIX

JIM HENSON’S TALE OF SAND

Le dernier script de Jim Henson (The Muppet Show) non exploité de son vivant, l’est désormais dans une bande dessinée magistrale. L’histoire nous mène dans un désert onirique et surréaliste. Mac se réveille dans une ville inconnue de l’ouest américain et a pour mission de rejoindre « la montagne de l’aigle » à l’aide de quelques objets qui lui sont fournis, ainsi que 10 minutes d’avance… Tale of Sand, illustré avec brio par le canadien Ramon K. Perez, a reçu de nombreux prix, notamment trois Eisner Awards, la récompense la plus prestigieuse du 9e art. Jim Henson et Jerry Juhl Ramon K. Perez ÉDITEUR Paquet SCÉNARISTES

DESSINATEUR

CASTAN TOME

1 : POUR L’HONNEUR DU MACCHAWARI

Des dessins efficaces, un contexte riche, un décor exotique, des protagonistes aux origines variées, des rebondissements et une furieuse envie de lire la suite, Castan est une vraie bonne BD d’aventure. Les frères Morellon maîtrisent leur sujet et fournissent un récit agréable au sein duquel les combats se mêlent aux intrigues politiques. Un Tome 1 plein de promesses… Raphaël Morellon Alexandre Morellon ÉDITEUR Des Bulles Dans l’Océan SCÉNARISTE

DESSINATEUR

LES VOLEURS DE CARTHAGE TOME

1 : LE SERMENT DU TOPHET

Carthage, bientôt la fin des guerres puniques, une équipe de bras cassés menée par une pulpeuse intrigante se lance dans le plus grand cambriolage qu’ait jamais connu le monde. Du grand Appollo (La Grippe Coloniale) qui nous fait ici découvrir sa ville natale version antique par l’entremise des dessins expressifs et précis de Tanquerelle. Appollo Tanquerelle ÉDITEUR Dargaud SCÉNARISTE

DESSINATEUR

POISSONS VIOLENTS TOME

1 : OBJECTIF RÉUNION

Lorsque des anciens du Cri du Margouillat se remettent à la BD, on obtient Poissons Violents ou l’épopée d’un gang de poissons revanchards et belliqueux. Entre potache, non-sens et clins d’œil à la vie locale, cette bande dessinée décomplexée ravira les fans du Margouillat… & DESSINATEUR Stéphane Bertaud Des Bulles Dans l’Océan

SCÉNARISTE ÉDITEUR



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NUMÉRO 1 // JUILLET - AOUT 2011

NUMÉRO 2 // OCTOBRE - NOVEMBRE 2011

NUMÉRO 3 // DÉCEMBRE 2011 - JANVIER 2012

NUMÉRO 4 // FÉVRIER - MARS 2012

LISBONNE

NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012

NUMÉRO 6 // SEPTEMBRE - OCTOBRE 2012

NUMÉRO 7 // NOVEMBRE - DECEMBRE 2012 // JANVIER 2013

BAT’ NUMÉRO 8 // FÉVRIER-MARS 2013

Luc Schuiten

À L’OMBRE DES CONQUISTADORS

RENÉ ROBERT LE FEU SACRÉ DE LA TRANSMISSION

LE PAYS DU MATIN CALME

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE TERRE DE PASSION

À LA RÉUNION

des jouets & DES HOMMES

UN PARADIS TOUT PRÈS D’ICI

PATAGONIE FIN ET COMMENCEMENT D’UN MONDE

Langevi

MAFATE

LA VIE AU-DESSUS DES NUAGES RENCONTRE AVEC TIERNO MONÉNEMBO

BATAYE KOK

JIM, UNE PURE LÉGENDE

CARRÉ

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