Bat'Carré N°13

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CARRÉ

BAT’ numéro 13 // décembre 2014 - février 2015

JACE l’artiste tout-terrain

MADAGASCAR

Patrimoine de l’océan Indien



CARRÉ

BAT’ le mag www.batcarre.com

4 5 6 8 18 24 28 34 40 48 50 60 66 72 78

ÉVASION CULTURELLE ÉVASION JEUNESSE ÉVASION CULTURELLE ÉVASION COLLECTION RÉUNION ÉVASION CULTURELLE ÉVASION ROMAN AU CŒUR DE L’ÎLE LES ENTRETIENS DU PATRIMOINE ESCAPADE FOU EN LONG, EN LARGE ET EN DIAGONALE ! PATRIMOINE PÊCHE NOCTURNE AUX REQUINS À LA POINTE DES GALETS BEAUX-ARTS MARY SIBANDÉ OCÉAN INDIEN VOYAGE D’ÉTUDES À CHANDIGARH RENCONTRE JACE, L’ARTISTE TOUT-TERRAIN HORIZON GOUZOU DE PAR LE MONDE VOYAGE-VOYAGE À L’EST DE MADAGASCAR AKOUT JÉRÔME PACMAN, DJ DANS L’AIR DU TEMPS CINÉMA REGARDS CROISÉS SUR LE PREMIER FESTIVAL DU FILM RÉUNIONNAIS TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES D’ESCALE EN ESCALE PAPILLES EN FÊTE MAKIS AU FROMAGE FRAIS, VELOUTÉ D’AVOCAT, TOMATES SÉCHÉES ET SHISO

ERRATUM Nous souhaitons présenter toutes nos excuses pour les erreurs qui se sont glissées dans le N°12, à savoir : • Dans le texte de Pierre-Henri Aho, il fallait lire : « Picasso affirmait que la plus belle femme de Paris n’aura pas eu autant son portrait exécuté par des peintres que Vollard. » • Dans le texte de Paola Bassani page 44, une répétition malencontreuse de paragraphe. Toutes nos excuses également à notre relectrice Aline Barre à qui nous n’avons pas donné le temps nécessaire de relecture.

Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

Couverture Illustration Jace Éditeur BAT’CARRÉ SARL trimestriel gratuit

Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 24 98 76

Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463

Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs Jean-Paul Tapie Pierre-Henri Aho Dominique Louis Stéphanie Légeron Benoît Vantaux Akout Francine George

Secrétaire de rédaction Aline Barre

Création & exécution graphique Crayon noir

Développement web Anli Daroueche et New Lions Sarl

Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org

Vifs remerciements à à Jace Gilles Pignon Marc Heller Béatrice Binoche Sandra Rabaritsialonina et l’équipe d’Air Madagascar

Publicité Francine George : 0262 28 01 86

Photographes et illustrateurs Marc Heller Sébastien Marchal Jace Christian Vaisse Marinette Delanné Jean-Noël Énilorac Richard Bouhet pour l’AFP Collections privées de Pierre-Henri Aho Étudiants de l’ENSAM Bruno Marie

Distribution TDL Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André DL No. 5565 - Décembre 2014


CARRÉ

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L’enfant-roi ! Quel plaisir d’offrir des cadeaux aux petites frimousses pendant cette grande fête de Noël qui est avant tout la leur ! Jace à l’affiche… En ce temps de Noël, il fallait bien donner la parole à un grand enfant qui n’a pas envie de se prendre au sérieux. Madagascar est son univers préféré, notamment la peinture sur les voiles des pêcheurs Vezo. Madagascar, c’est aussi la côte Est à découvrir, l’île des Forbans, la douceur de vivre sur le long canal des Pangalanes, l’effervescence du port de Tamatave… L’océan Indien ? Un patrimoine à découvrir, à préserver dans cet univers aux valeurs partagées qu’est l’océan Indien. La Réunion vue par le prisme de son patrimoine, les jardins de l’océan Indien, Culture, Beaux-Arts, Histoire… une fête des sens qui a traversé le temps, un mirage pour certains, un espoir pour d’autres. Que l’enthousiasme règne pour tous en cette période de trêve ! Joyeuses fêtes de fin d’année et à l’année prochaine !

Francine George

Bonne balade sur

www.batcarre.com



SÉLECTION FRANCINE GEORGE

TUTTI FRUTTI AUTEUR Modeste Madoré ÉDITIONS Océan Éditions

ZISTOIRES DE PIQUE-NIQUE AUTEUR Modeste Madoré ÉDITIONS Océan Éditions

Modeste Madoré, après les légumes, s’amuse à croquer les fruits avec toujours autant d’humour. les illustrations, joyeuses et fantaisistes, ont de quoi régaler les petits et leurs parents. impossible de se lasser de ce bel album cartonné qui met en scène se fendre la poire, partir en cacahuètes, mi-figue, mi-raisin d’une manière aussi drôle.

Dans l’univers de Modeste Madoré, tout est magnifiquement dessiné et coloré. son ami Pok-Pok, l’endormi, part un dimanche en pique-nique où il rencontre la famille tang, la famille fourmis… et les moustiques qui viennent sonner l’heure du départ. un album irrésistible pour les tout-petits.

le troisième volet des contes de la réunion et de l’inde vient de paraître avec son CD d’accompagnement mis en ambiance par Maya Kamaty. les deux contes Djalnagri et Grand-Mère tortue et les deux papangues sont illustrés par tolliam. une belle initiative où se mélangent le français, le créole, l’anglais et l’hindi.

« Cette année, je rentre en sixième 11, j’ai onze ans, et nous sommes en 2011. alors il va forcément se passer un truc. Je me demande bien quoi, parce que, globalement, je n’ai pas beaucoup de bol. » tout est dit, le petit enzo s’adresse à tous les gamins qui vont franchir l’année prochaine la porte du collège. un beau moment de lecture.

DANS MON SOUBIK

ENZO,

11 ANS, SIXIÈME 11

CONTE DE LA RÉUNION ET D’INDE

AUTEUR

Joëlle Écormier Nathan

ÉDITIONS

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É VA S I O N J E U N E S S E

Epsilon Jeunesse

ÉDITIONS


SÈVES PHOTOGRAPHIES

François-Louis Athénas TEXTES Joëlle Écormier ÉDITIONS Ter’la

L’ART DU PAYSAGE À LA RÉUNION AUTEUR Yves-Michel Bernard ÉDITIONS Ter’la

une rêverie sous les arbres à la réunion, à Maurice, à Mayotte, mais aussi en France, en Belgique, en espagne… le rêve n‘a pas de frontières, et la sensibilité du regard non plus. sèves nous raconte plein d’histoires imaginées par le photographe François-louis athénas et prenant vie sous la plume poétique de la romancière Joëlle Écormier. Comme des instants qui durent une éternité.

Yves-Michel Bernard, historien et enseignant, propose un voyage dans l’art du paysage à la réunion au travers d’un recueil d’œuvres cultes du patrimoine réunionnais visité et revisité par différents artistes depuis les peintures paysages d’adolphe leroy au XiX e siècle, en passant par les photographies d’auteurs, jusqu’à l’interprétation proposée aujourd’hui par la plasticienne Gabrielle Manglou.

Dans son premier roman, Jacques Dumora raconte l’histoire d’un jeune Dyonisien enrôlé dans le 96 e régiment d’infanterie qui, du fond de sa tranchée, attend l’assaut final au pied du Mort-Homme situé sur la rive gauche de la Meuse. une épopée historique où l’espace réunionnais est évoqué pour échapper aux horreurs de la guerre.

De commune en commune, Jacques Dumora recense les réunionnais morts pour la France dans un tableau où figurent, par ordre alphabétique, leur nom, leur prénom, leur régiment, leur grade, le lieu, les circonstances et la date de leur décès. Puis, dans un autre tableau, leur sépulture, pour qu’on n’oublie jamais.

OCTAVE OU LE MORT- HOMME AUTEUR Jacques Dumora ÉDITIONS Orphie

MÉMOIRE RÉUNIONNAISE, LA GRANDE GUERRE AUTEUR Jacques Dumora ÉDITIONS du Mahot

É VA S I O N C O L L E C T I O N R É U N I O N

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Grand prix du Roman Métis Après une saison littéraire foisonnante de

Après Maryse Condé en 2010, Lyonel Trouillot

nouveaux talents, un prix Nobel attribué au

en 2011, Tierno Monénembo en 2012 et Léonora

grand écrivain français, Patrick Modiano, c’est

Miano en 2013, In Koli Jean Bofane est venu

au tour de la ville de Saint-Denis et de La

sur notre île début décembre pour recevoir

Réunion des Livres de décerner ses prix pour

son prix. Il a dû vite repartir à Bruxelles, car

un roman « qui met en lumière les valeurs du

son roman Congo Inc. figurait dans la liste

métissage, de la diversité et de l’humanisme ».

des cinq finalistes pour le prix Russel,

Parmi les trente livres reçus des différents

l’équivalent du Goncourt en Belgique. Son

éditeurs nationaux, qui maintenant appré-

séjour, pourtant bref, a marqué tous ceux

cient la teneur de ce prix, quatre finalistes

qui l’ont rencontré, un grand homme, pétri

ont été retenus par le jury composé de

d’humanisme et qui sait à quoi tient la joie

personnalités littéraires réunionnaises et

de vivre !

d’écrivains francophones :

Son roman est une perle rare, de celui qui marque une époque. Écrit d’une main alerte,

• Jean Hatzfeld pour Englebert des collines

il raconte l’histoire d’un Pygmée qui veut

• chez Gallimard.

devenir mondialisateur, et qui, chemin fai-

• Fabienne Kanor pour Faire l'aventure

sant, rencontre une multitude de personnages,

• chez JC Lattes.

à commencer par les Shégués, ces enfants

• In Koli Jean Bofane pour Congo INC.

des rues, qui le recueillent à son arrivée dans

• Le testament de Bismarck chez Actes Sud.

la grande ville. À lire absolument parce que

• Victor Gary pour L'escalier de mes illusions

c'est drôle, malgré les horreurs, parce que

• chez Philippe Rey.

c'est humain, parce que l’on entend avec la musique des mots battre le cœur de Kinshasa,

Et le lauréat est

laboratoire de notre futur ?

Congo INC. Le testament de Bismarck

En 2015, une belle rencontre avec In Koli Jean

d’In Koli Jean Bofane !

Bofane vous est réservée dans Bat’Carré.

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É VA S I O N R O M A N


Prix Métis des lycéens Le 9 décembre 2014, le jury des lycéens qui

Après des débats houleux où il fallait tran-

se densifie de plus en plus - 22 jeunes de dix

cher « entre Englebert et Apache », leur choix

lycées réunionnais, cette année – s’est réuni

s’est porté sur Itinéraire d’un poète Apache

pour choisir leur lauréat. En très peu de temps,

qui, basé sur la vie de Rimbaud, leur parle à

ils ont accepté de s’impliquer dans la lecture

la première personne. Un bel enthousiasme

des romans sélectionnés « pour défendre notre

les anime lorsqu’ils justifient leur choix. Ils

métissage à nous », dit l’un d’entre eux, et

s’identifient au héros, qui d’emblée leur parle

globalement, pour venir défendre le choix

de leurs préoccupations d’adolescents. De ce

de leur classe, car souvent ils n’ont pas pu

fait, ils cheminent avec lui tout au long de son

tout lire, lors d’une délibération où ils sont

périple de l’Amérique du nord à l’Amérique

seuls maîtres et juges.

latine. « Il a choisi de voyager, de défier la

Parmi les quatre romans sélectionnés, deux

société américaine, il lui arrive plein d’aven-

étaient dans la liste du Grand Prix Métis.

tures, il tombe amoureux, il se drogue… Ses goûts ne sont pas forcément les nôtres, ce

• Englebert des collines de Jean Hatzfeld

qui nous a plu c’est qu’il découvre la vie

• chez Gallimard.

aussi, à chaque endroit nouveau, il élargit sa

• Itinéraire d’un poète apache de

vision. Il apprend de ses échecs, il n’est pas

• Guillaume Staelens chez Viviane Hamy.

figé. Il aime la musique, c’est un artiste, il

• Faire l’aventure de Fabienne Kanor

dessine, c’est un personnage qui nous a

• chez JC Lattès.

beaucoup touchés. »

• Chems Palace d’ Ali Bécheur chez Elyzad.

Début 2015, Guillaume Staelens - après Delphine Coulin, Carole Zalberg et Cécile

Et le lauréat est

Ladjali - viendra à la rencontre des lycéens

Itinéraire d’un poète apache

réunionnais, une occasion de le retrouver

de Guillaume Staelens chez Viviane Hamy.

dans Bat’Carré.

É VA S I O N R O M A N

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TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE MARC HELLER DR RÉGION RÉUNION SERVICE RÉGIONAL DE L’INVENTAIRE

Les entretiens du Patrimoine Les EPOI ont réuni pour leur seconde édition une cinquantaine de spécialistes de cet espace au riche patrimoine à identifier et à préserver. La Réunion, organisatrice via L’ENSAM et la DAC OI de ce colloque aux résonances internationales, se trouve donc au centre d’une démarche innovante destinée à créer un pont culturel et stratégique de l’Inde à l’Afrique en passant par les îles de l’océan Indien sur la question du patrimoine.

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AU CO E U R D E L’ Î L E



Les premiers EPOI

marquant a été que pour la première fois

Villes, Patrimoines et Développement

« l'intelligence collective » s’est mise au ser-

En novembre 2011, les premiers Entretiens

vice d’un espace géographique qui coupe le

du Patrimoine de l’Océan Indien, se sont

cordon aux ancestraux échanges Nord-Sud.

déroulés au théâtre du Grand Marché de St-

Des chercheurs africains et indiens l’ont d’ail-

Denis sous la direction d’Attila Cheyssial,

leurs souligné, jamais jusqu’ici ils n’avaient

architecte DPLG, Docteur en sciences de

eu l’occasion de débattre les uns avec les

l’Éducation. Initiés par la DAC OI et l’ENSAM

autres, chacun étant cantonné dans son

en partenariat avec les collectivités lo-

univers respectif. L’île de La Réunion était

cales, ces trois jours denses de conférences,

donc là pour « créer un pont » entre ces deux

d’échanges et de débats organisés par Pierre

pôles de l’espace indien-océanique.

Rosier, directeur de l’ENSAM-Réunion assisté de Béatrice Binoche, chargée de mission, ont

Les seconds EPOI

réuni pour la première fois une trentaine de

Jardins-Paysages et Sociétés

chercheurs, de scientifiques et d’enseignants

Fin septembre 2014, la seconde édition des

venant d’Inde, d’Afrique en passant par les

EPOI - organisée par Pierre Rosier et l’Insti-

îles de l’océan Indien et par l’Europe.

tut National du Patrimoine sous l’égide de

Le Président d’honneur était l’éminent pro-

Marc Nouschi, Directeur de la DAC OI et du

fesseur Kirti Chaudhuri. Cette première étape

président d’honneur Gaëtan Siew, l’architecte

avait pour thème la ville patrimoniale. L’ob-

mondialiste, membre du conseil d’adminis-

jectif du colloque était de créer un réseau

tration de Futur Cities - s’est déroulée éga-

dynamique apte à identifier et préserver un

lement sur trois jours au théâtre du Grand

patrimoine situé sur un espace géographique

Marché, avec une cinquantaine de spécia-

construit sur des valeurs culturelles en pro-

listes internationaux invités à débattre

fondes résonances. Les fondations des villes

cette fois-ci des Jardins, Paysages et Socié-

côtières l’illustrent bien, car elles puisent

tés dans l’Océan Indien. Ils sont venus du

leur richesse dans l’histoire des flux de po-

Kenya, d’Afrique du Sud, de Madagascar, de

pulation, des échanges commerciaux et des

Maurice, des Comores, d’Inde, d’Australie, de

apports croisés de différentes cultures « en

Métropole, du Portugal, d’Allemagne… tous,

interface avec l’océan et ses connexions ma-

des scientifiques préoccupés par l’avenir du

ritimes. Leur destin se distanciera de leurs

patrimoine naturel sous la menace de col-

origines coloniales et elles constituent au-

lapse bioclimatique. Les fauteuils étaient

jourd’hui un maillage économique et por-

pleins et les habitués plus à l’aise pour

tuaire à l’échelle mondiale ». Trois jours donc

échanger et lancer plus loin la réflexion.

d’interventions de très haut niveau, chacun

La première journée consacrée au Paysage

découvrant les expériences de l’autre. Un

à La Réunion et dans l’Océan Indien était

processus s’est mis en marche, et le plus

placée sous la présidence de Francis Hallé, célèbre botaniste et biologiste, auteur d’articles et d’ ouvrages sur la forêt tropicale. L’île de La Réunion, classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses cirques, pitons,

remparts et la richesse de sa biodiversité, fut l’objet de nombreuses interventions montrant tour à tour à quel point le patrimoine y est riche, diversifié, historiquement changeant. 10

AU CŒ U R D E L’ Î L E



Première journée

surpris la salle dans son exposé sur l’ar-

Le Paysage à La Réunion et dans l’océan

chéologie préventive et les paysages sacrés,

Indien

montrant ainsi que les cultes, les mythes et

Gaëtan Siew, qui a ouvert les débats sur

les traditions sont parties intégrantes du pay-

l’ambiguïté de l’espace, pose déjà la ques-

sage. De même que Chantal Blanc-Pamard,

tion de savoir si tous ces paysages seront là

directrice de recherche au CNRS, a fait une

dans 500 ans. Puis, il décline les maux des

démonstration étonnante entre deux façons de

temps modernes entre utilité et futilité pour,

gérer un patrimoine naturel à Madagascar.

au final, apporter la tonalité générale de ce

D’une part, l’allée de Baobabs à Morondava,

colloque : « La beauté peut sauver la planète,

« une patrimonialisation par le haut » sur 320

car au final seul ce qui est beau est durable. »

hectares, six espèces en danger ou menacées,

Marc Heller, mandaté par la Région pour ef-

une journée nationale de reboisement, et,

fectuer l’inventaire des Jardins de La Réunion

d’autre part, « une patrimonialisation par le

vus du ciel, expose son travail, les belles

bas », en toute discrétion, sur les terres hautes

photos ci-jointes en témoignent. Bernard

de l’Est où les pratiques agricoles tradition-

Leveneur, historien et directeur du musée

nelles tirent partie des cycles de culture et

Léon Dierx, a présenté le paysage en mé-

des pestes végétales pour en faire du charbon

moire avec ses repères historiques, montrant

de bois.

à travers des récits de voyage et un certain

Yves-Michel Bernard, docteur en histoire de

nombre d’images peintes ou dessinées, la

l’art contemporain, s’est, quant à lui, penché

mutation de l’île qui est passée d’un paysage

sur les paysages culturels de La Réunion de-

riche en cultures variées (indigo, tabac,

puis les premiers peintres recensés tel Albert

épices, poivre, thé, café, coton, girofle, riz,

Le Roy jusqu’aux photographes contemporains

blé, maïs…) à un paysage monolithique de

en mettant en exergue : « le dialogue entre-

culture de la canne à partir de la moitié du

tenu depuis deux siècles entre les artistes et

XIX e siècle par la conjonction d’opportunités

le paysage réunionnais est ininterrompu avec

économiques et de dégradations climatiques.

cette promesse toujours renouvelée de bous-

Puis, cette île à sucre, en crise depuis les

culer le dogme… ».

années 1980, ouvre les vannes à une « nouvelle spéculation », immobilière cette fois-ci,

Seconde journée

grâce à la défiscalisation, changeant irré-

Le Paysage et les Jardins : un outil pour

versiblement le paysage. Un exposé qui a

penser ensemble l’écologie

marqué les esprits et servi d’étalon sur les

Jean-Michel Jauzé, géographe à l’Université

trois jours, chacun s’y référant de temps à

de La Réunion, a ouvert la matinée à l’hôtel

autre. Bako Raosoarifetra, maître de confé-

de Ville de St-Denis sur le thème des paysages

rences à l’université d’Antananarivo, a lui

ruraux rodriguais et de leur mise en valeur éco-touristique, puis se sont succédées plusieurs descriptions de jardins remarquables aux Seychelles, à Moroni, tandis que se tenait au Grand Marché les conférences anglosaxonnes où l’on débattait de la biodiversité au Kerala, dans le sud-ouest de l’Inde et des paysages transformés de Goa. L’après-midi était consacrée notamment à l’école du Jardin planétaire du paysagiste Sébastien

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AU CŒ U R D E L’ Î L E



Clément et au Jardin de Zanzibar, premier

aussi important. C’est là que les échanges se

exportateur aujourd’hui encore de clous de

font et que les réseaux se créent. La Réunion

girofle. L’intervention d’Anthony Wain, archi-

lui a réservé quelques belles surprises,

tecte paysagiste de Cape Town a laissé des

notamment la forêt de Bélouve et le Jardin

traces. L’après-midi s’est achevé par une

des Mascareignes. Par contre, il ne cache

autre surprise, l’intervention de Gilles Pignon,

pas sa déception quant au laisser-aller qu’il

conservateur régional de l’inventaire du pa-

a constaté au Jardin de l’État, parsemé « de

trimoine culturel, qui revenait sur Le mythe

fausses étiquettes, ce n’est pas sérieux, il

du paradis terrestre chez les premiers colons

vaut mieux ne rien mettre dans ce cas ».

de Salazie en relatant l’histoire des Francs-

Le président d’honneur Gaëtan Siew, habi-

Créoles. En difficulté du fait de la crise de la

tué aux colloques internationaux, était lui

canne et en rébellion contre l’autocratie du

aussi satisfait de cette mise en commun des

gouverneur, ils se sont installés dans le cirque

savoir-faire. Pour la troisième édition des

de Salazie à partir de 1830 sous l’impulsion

EPOI, il suggère d’apporter une nécessaire

de Nicole Robinet de la Serve, créateur d’une

dimension économique en intégrant au pla-

société secrète affiliée aux Francs-Maçons.

teau des chercheurs et des scientifiques une « réalité terrain » avec des chefs d’entreprise.

Troisième journée

Toute cette énergie dépensée, selon lui, ne

Comment conjuguer Protection

mènera nulle part si le Patrimoine ne de-

et évolution

vient pas un moteur de développement : « le

La valorisation du patrimoine naturel et cul-

patrimoine peut être innovateur, évolutif,

turel constituait le point d’orgue de cette

sinon le sens de l’appropriation se perd et il

journée avant les premières conclusions des

n’est plus qu’un lieu nostalgique ». « Le patri-

présidents de séance. Madagascar et les

moine peut vivre de sa propre vie, les bâti-

paysages culturels de l’Indianocéanie étaient

ments peuvent être transformés en paysages

au centre des préoccupations avec un zoom

à embellir, on doit redécouvrir l’économie

particulier sur les plantes médicinales et la

des bio-fertilisants, la vraie identité de l’es-

richesse de leurs traditions, tant sur le plan

pace passe par le vécu, l’appropriation… ».

personnel que dans les rites religieux. Et pour

Une première réponse est apportée avec le

clore les échanges, les perspectives touris-

projet de création d’une charte du Patrimoine

tiques des sites naturels ont été évoquées.

de l’océan Indien et le projet de création

Francis Hallé, qui a montré à plus d’une re-

d’une route des jardins de l’Océan Indien….

prise, son franc-parler, un brin moqueur dans le style « j’hésite entre l’Eden ou le Paradis »,

Les actes du colloque permettront à chacun

est sorti enthousiaste par la teneur du col-

de se replonger dans le matériau livré à la

loque, en soulignant que, pour lui, le « off »,

réflexion collective. Il est évident que les élus,

l’informel que l’on ne maîtrise pas, est tout

pas suffisamment nombreux dans la salle, ont matière à puiser dans leur conception de futurs aménagements du territoire. Nous sommes en plein dans l’ère écologique et l’aménagement du territoire se construit, plus que jamais, vu la densité des populations, pour les besoins du futur en respectant l’héritage du passé.

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AU CŒ U R D E L’ Î L E



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AU CO E U R D E L’ Î L E


TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE GAËTAN HOARAU

Novembre 2014 Poésie du cosmos et aventure extraordinaire de la sonde Rosetta prête à larguer le robot Philae sur la comète Tchouri ? Ou Poésie de notre magnifique jardin sous-marin, « une neige à l’envers » photographiée par Gaëtan Hoarau lors de la ponte des coraux dans le lagon de Saint-Pierre ?


FOU EN LONG, EN LARGE ET EN DIAGONALE !

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E S C A PA D E


TEXTE JEAN-PAUL TAPIE PHOTOGRAPHIE RICHARD BOUHET POUR L’AFP

La course qui consiste à traverser la Réunion d’un bout à l’autre a porté bien des noms et connu bien des avatars. La toute première, en 1989, s’est déroulée dans le sens nord-sud et a été baptisée « La marche des cimes ». L’année suivante, en changeant de sens, elle a changé de nom : elle est devenue « La grande traversée». Qui a disparu avant de ressusciter doublement, avec « La passe-montagne » en automne et « La course de la pleine lune » au printemps. Une seule a survécu, la seconde, mais elle a encore changé de nom : « Le grand raid ». Sauf qu’à la suite d’un article dans une revue spécialisée, elle est devenue, dans la bouche de nombreux compétiteurs, notamment métropolitains, « La diagonale des fous ». L’auteur de l’article s’était inspiré du titre d’un film de Richard Dembo, « La diagonale du fou», titre puisé dans le vocabulaire du jeu d’échecs.

Fin de l’historique. Si vous souhaitez en savoir plus sur le

Observez le prol de la course : on croirait

sujet, il existe un excellent livre d’Olivier Bessy, plus quelques

une courbe des températures chez un

autres ouvrages sur la question.

malade sujet à de brusques accès de èvre.

Ce n’est pas le propos de cet article. Ce dont j’entends vous

Ce n’est pas une comparaison anodine :

parler, c’est du Grand Raid vu de l’intérieur. En direct du

chaque concurrent pourrait, en suivant le

cerveau d’un fou.

prol du bout du doigt, vous renseigner

J’y ai participé une demi-douzaine de fois (sans compter

sur ce qu’il ressentait à ce moment précis

une Grande Traversée et quelques Passe-Montagne). Je

de la course. Pas besoin d’être lunatique,

n’ai pas toujours terminé. Mais j’ai ni une fois dans les cent premiers (96

ème

exactement, en 1995). Avant que votre

admiration ne s’exprime, je précise que c’était à une époque où le nombre de participants était bien moins important qu’aujourd’hui : moins de 600 nisseurs. Et le prol de la course était encore à taille humaine : 123 kilomètres et 6 350 mètres de dénivelé positif.

ou cyclothymique : même le concurrent le plus équilibré au départ subit lui aussi ces hauts et ces bas.


Cool, Raoul ! La course commence par une tension qui s’accentue jusqu’au coup de sifflet donnant le départ. Depuis des heures, vous vous demandez si vous allez être à la hauteur, si vous n’allez pas piteusement vous effondrer dès que la pente va s’accentuer et renoncer avant le cinquième kilomètre. Vous avez envie de vomir, de pisser, votre ventre se tord, vous souffrez mille douleurs, votre corps n’est que souffrance. Autant regarder la vérité en face : vous n’êtes pas prêt, vous ne l’avez jamais été. Vous envisagez de vous carapater en douce. Mais le départ vous libère. Vous vous laissez emporter par l’ambiance, brusquement vous avez des ailes, vous devez vous contrôler pour ne pas piquer un sprint dès la ligne franchie. Vous avez envie de rire, de plaisanter, de parler ; vous aimez les inconnus qui vous entourent ; vous avez l’impression, si vous êtes zoreil, que vous pourriez parler créole avec l’accent de Saint-André ou de Saint-Joseph, au choix. Puis vous vous raisonnez, vous vous répétez qu’il reste plus de 120 kilomètres à parcourir, vous vous exhortez au sérieux et à l’impavidité. De toute façon, l’accentuation de la pente vous aide à remettre vos idées en place. C’est parti, vous venez de quitter la chaussée bitumée, vous êtes sur le sentier et vous vous souvenez à quel point les sentiers réunionnais sont exigeants et piégeurs. Très vite, vous avez dans la tête un ordinateur de course qui enregistre toutes les données : vos muscles sont bien huilés, les articulations sont souples, le souffle est profond et rythmé, vous n’avez pas faim, vous buvez régulièrement, taux de sucre stable dans le sang, pas de risque d’hypoglycémie. Tous les voyants sont au vert. Vous avez l’impression que vous n’avez jamais été aussi en forme et vous ne pouvez vous empêcher de commencer à revoir à la baisse les temps de passage que vous vous étiez xés.

en voie ferrée

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E S C A PA D E

Sauf que vous commencez à trouver cette portion un peu fastidieuse, plus longue que dans votre souvenir. Elle n’en nira donc jamais ! Où est donc ce chu poste de contrôle ? Il devrait être là ! Et si vous l’aviez dépassé sans vous en apercevoir ? Impossible ! Il a dû être repoussé de quelques kilomètres, ce n’est pas possible. Vous avez l’impression de ne plus avancer. Vous forcez légèrement l’allure. Oh l’erreur ! Oh la boulette ! Votre souffle vous rappelle que vous êtes en train d’essayer de courir à plus de 1 500 mètres d’altitude. Votre corps fait parvenir au cerveau quelques données inquiétantes. Vous vous apercevez qu’ils parlent tous les deux de vous à la troisième personne, comme deux médecins au pied du lit d’un malade : ils sont des observateurs neutres de votre effort et ne se gênent pas pour critiquer votre comportement. Vous ne comprenez pas leur attitude. Ils devraient vous encourager et au lieu de cela, ils vous jugent, désapprouvent votre envie d’accélérer, se demandent pour qui vous vous prenez.

TEXTE JEAN-PAUL TAPIE PHOTOGRAPHIE DR


Fonce, Alphonse !

Ça repart, Gaspard !

Mais voici le fameux contrôle, il est là – en plus, il précède un long faux-plat prolongé d’une longue descente que vous aimez bien – et dans l’euphorie de l’objectif atteint, tout le monde se réconcilie. Les deux médecins vous sourient, rassurants. Votre corps se remet à envoyer des données encourageantes, votre cerveau en prend connaissance en hochant aimablement la tête : vous êtes entre les mains d’une équipe compétente et formidable. L’union faisant la force, vous recommencez vos calculs : si j’arrive à Cilaos avant cette heure-là, je m’arrête une demi-heure, ce sera largement suffisant pour me restaurer et me faire masser, je repars et… Comme Perrette faisant des plans sur la comète, vous venez de manquer de vous étaler de tout votre long dans les scories. Vous vous reprenez, en colère contre votre légèreté. Vivement que cette descente se termine… Normalement, vous auriez dû en voir déjà le bout, ce n’est pas possible, ils ont rallongé le parcours… La mi-course, enfin. Dans votre tête, la voix de RadioRâleur s’éteint, remplacée par celle d’un journaliste sportif qui commente votre performance avec des adjectifs dithyrambiques. Arrêt au stand. Votre corps se met à tourner au ralenti. Vous récupérez. Tout irait mieux si vous aviez un peu plus d’appétit. Vous savez qu’il faut s’alimenter, mais bon, ça ne passe pas, ces pâtes doivent être mal cuites, ou pas assez de beurre, ou trop sèches… Vous vous rendez compte que, sans en avoir eu conscience, RadioRâleur vient de reprendre son programme d’émissions.

Pour l’oublier, vous repartez. Désormais, à chaque mètre parcouru, vous vous dites que l’arrivée se rapproche. D’y penser vous rend presque hilare. Si vous vous écoutiez, vous vous mettriez à courir sur cette portion de route. Surtout ne vous écoutez pas ! Dès la montée suivante, vous comprenez que vous venez d’entrer dans une autre course. Désormais, la voix doléante dans votre tête ne cessera plus d’émettre et votre corps va multiplier comme à plaisir les messages d’alerte : une petite douleur dans le genou droit… une autre au bas des reins… l’horreur de cette descente dans mes mollets… les ravages de cette montée dans mes quadriceps… l’ennui de cette portion plate dans ma tête… Peu à peu, le monde extérieur se ferme à vous ; vous devenez un monde à vous tout seul, un monde en perdition ; comme un naufragé quelques heures après le naufrage, vous prenez conscience que vous êtes tout seul dans votre chaloupe, qu’elle prend l’eau de partout, que vous n’avez de provisions que pour deux ou trois jours et que l’océan, autour de vous, est immense, interminable, inni. D’ailleurs, si ça se trouve, il n’y a plus aucune terre immergée, il n’y a que vous sur ce vaste océan, ou plutôt ce sentier qui n’en nit pas, qui n’en nira plus, qui vous conduira jusqu’au bout, mais pas le bout que vous imaginiez en prenant le départ.


Radio-Râleur s’est tue : des terroristes en ont pris le contrôle et balancent sur les ondes des messages plus terriants. Ils déversent dans votre esprit des tombereaux de plaintes, de gémissements, de prophéties de mauvais augure, de menaces, d’insultes. Votre corps se bouche les oreilles, il essaie de ne rien entendre. Réfugié au n fond de votre cerveau comme De Gaulle à Londres en 1940. Un ultime îlot de résistance continue de vous encourager à mettre un pied devant l’autre, à venir à bout de cette côte, à proter de la douce pente de l’autre versant. De temps à autre, une question jaillit au milieu de ces voix contradictoires : où est la joie de tout à l’heure ?

Tu t’affoles, Jean-Paul ! Brusquement, vous réalisez que cette voix, ce n’est plus la vôtre. Vous ne connaissez pas la personne qui est en train de se plaindre, de se lamenter, de dire que ce n’est pas juste, que ça ne devrait pas être aussi dur, on ne vous avait pas dit que ce serait aussi difficile. Vous vous mettez en colère en constatant que dans cette portion où vous êtes censé monter, le sentier descend, vous fait perdre un dénivelé qu’il va falloir reprendre. Ce n’est pas du jeu. La colère vous gagne, bientôt il n’y en a plus que pour elle. Elle a pris le contrôle. Elle a consqué le mégaphone et on n’entend plus qu’elle. Elle exhorte le corps à la rébellion. Elle balance des arguments qui vous auraient paru stupides il y a encore quelques heures, mais qui à présent vous semblent raisonnables. Les organisateurs de cette course sont des salauds, tout simplement, appelons les choses par leur nom. De quel droit vous imposent-ils cette montée hallucinante au centième kilomètre ? Et ce détour, est-il vraiment indis-

pensable ? Comment est-il possible que l’on laisse agir des types pareils en toute impunité ? Il faudrait les arrêter, les emprisonner, les mettre hors d’état de nuire ! Que fait la police ? Vous n’avez plus qu’une envie, les dénoncer aux journaux, mettre à jour devant les yeux de tous leurs méfaits et leur cruauté. Si vous abandonniez, quelle claque ce serait pour eux ! Ils ne feraient plus leurs fanfarons en lisant ce que vous déclareriez à la presse ! Les journaux locaux feraient leurs gros titres de vos récriminations : « Un concurrent dénonce l’inconscience des organisateurs et se porte partie civile ! Trois arrestations et deux mises en examen ! Le directeur de la course tente de mettre n à ses jours après avoir demandé pardon au concurrent dans une dernière lettre ! » Voilà, ça y est, vous êtes devenu fou ! Complètement fou ! Vous êtes totalement à votre place dans cette course réservée aux individus dans votre genre ! Vous atteignez le dernier sommet, vous entamez l’ultime descente ! Ah ah ! Un rire sarcastique vous déchire la poitrine. Ils croyaient venir à bout de vous ! Ah les fous ! Il n’y a plus que des fous dans cette course et vous vous sentez remarquablement bien, vous n’avez jamais été mieux, vous êtes fou, irrémédiablement fou et c’est tellement bon ! Fin

Je ne saurais trop vous recommander la nouvelle « Putain de Roche Ecrite ! », récompensée par le Prix de la nouvelle de l’océan Indien et parue chez Orphie. Son auteur est le même que celui de cet article : c’est une garantie qui vaut de l’or.

22

E S C A PA D E



AUTEUR PIERRE-HENRI AHO ILLUSTRATION DROITS RÉSERVÉS PIERRE-HENRI AHO

Pêche nocturne aux requins à la Pointe des Galets

Avec l’esprit des lumières et des moyens modernes pour contribuer aux avancées de son époque, le naturaliste néerlandais Pollen a laissé à la postérité des dizaines et dizaines d’illustrations sur la magnifique biodiversité de Madagascar et des Mascareignes, ainsi que de précieux écrits nous enseignant grandement sur le rapport de l’homme à la nature. Ses souvenirs du XIX e siècle offrent l’occasion de se déconnecter de la « crise requins » et rappellent la pertinence du rôle de l'histoire dans notre compréhension de ce que nous sommes aujourd’hui. Un clair de lune sur notre passé mettant en lumière la vie d’un de ces nombreux aventuriers qui ont laissé des traces tangibles de leurs parcours au sein de l’Indianocéanie. Une image ancienne pour décrire une réalité actuelle sous l’angle toujours variable, mais vivant, de la tradition.

24

PAT R I M O I N E


Genèse d’un voyage

Premières impressions sur La Réunion

Les Pays-Bas ont marqué la trépidante histoire

Pollen livre une agréable et douce description

des conquêtes de la mer des Indes et le com-

de Saint-Denis, en commençant par observer

merce international. Les Hollandais seront les

la spécificité de ses habitants, préfigurant

premiers à s'établir aux Mascareignes en 1598

les analyses anthropologiques bien connues

et à imprimer des récits de leurs découvertes

de son temps. Intéressé par la vie sociale, il

e

tout au long du XVII siècle. Près de 300 ans e

va jusqu'à regretter qu'il n'y ait pas un kiosque

après, dans la seconde moitié du XIX siècle, un

à musique pour animer le jardin de l'État !

naturaliste néerlandais du nom de François

En visitant les alentours dionysiens, jusqu'à

Pollen publie une relation de son voyage de

Sainte-Marie, il admire une nature luxuriante

trois ans à Madagascar et la plupart de « ses »

d’exotisme. Dès son arrivée, il est comblé d'un

îles adjacentes, poursuivant une longue tra-

sentiment unique qui ne peut se partager qu'

dition d’exploration, d’activités scientifiques

avec les personnes qui ont vu ces paysages

et commerciales de son pays dans nos contrées.

merveilleux, disait-il. La traversée de la Montagne par ses sentiers nous rappelle à quel

Dans son encyclopédie dont l’édition s’étale

point ce quartier est central dans l’arrivée

sur six ans, Pollen documente et représente

des visiteurs sur l’île avant l’invention des

la faune pour la postérité, en dressant un

moyens de transports modernes (du train

inventaire des espèces animales observées

à l’avion, en passant par l’automobile). Son

quelques années auparavant in situ.

observation géologique du littoral, qui n’a pas

Certaines, inconnues en Europe avant son

encore de route du côté de la mer, lorsqu’il

périple, portent son nom. À La Réunion, on lui

prendra la navette entre Saint-Denis et La

doit la première description du Tuit tuit et sa

Possession, surprend l'explorateur qui repu-

classification scientifique !

blie deux dessins de Louis Maillard dans le texte de ce passage.

Bien sûr, François Pollen observera également avec une studieuse attention les sociétés de l'océan Indien, participant à leurs rites et coutumes, tout en arpentant leur territoire. Ses publications contiennent un grand nombre d’illustrations stupéfiantes, dont quelquesunes mettent en valeur La Réunion 1.


et un certain Rétout 2. Pollen coopère ainsi avec

À l’Etang Saint-Paul, il est subjugué par l’abondante biodiversité qui y réside. C’est ici qu’il

plusieurs érudits réunionnais et contribue

commence, en compagnie du taxidermiste

même à l'Album de La Réunion de Roussin,

et collègue aventurier Van Dam, la cueillette

qui imprime pour notre prestigieux voyageur

et l’étude des spécimens qu’il ramènera en

plusieurs de ses ouvrages et illustrations.

Europe - allant des insectes aux poissons en passant par les mollusques et les oiseaux

Pollen met d’ailleurs en relief tout au long de

endémiques de notre région du monde.

son texte les études de savants réunionnais. Témoin oculaire de la vie de ces contrées en

Son émerveillement se poursuivra tout au

pleine mutation, il effectuera de nombreuses

long de son voyage. Des hommes réunionnais,

parties de chasse et autres sessions d’études

il retiendra ses rencontres avec des notables

de la nature environnante. S’il a su féconder,

tels que Richard, Hery, le baron Daricault, le

en son temps, la science de ses trouvailles

Docteur Lacaille avec lequel il correspondait

biologiques, ses souvenirs des îles de l’océan

avant son arrivée, Charles Coquerel, l’ancien

Indien méritent aujourd’hui notre plus grande

maire de Fondaumière qui parlait néerlandais,

estime.

2

26

PAT R I M O I N E

Epinephelus Retouti sera le nom donné à une espèce pêchée avec ce dernier qui laissa un très bon souvenir à Pollen. Dans la gravure en titre, Rétout est assis à côté du feu. C’est lui qui emmena Pollen à sa toute première chasse aux requins dans l’océan Indien.


Extrait de Poissons de Madagascar et de l’île de La Réunion par François P.L. Pollen « Les côtes de La Réunion abondent en requins, (Acanthias vulgaris) connus par les habitants sous le nom de Requin aguilat, d’anges marins (Myliobatis aquila), qui acquièrent une grandeur considérable, et en s’occupant de la pêche, cela donnerait, comme nous l’avons dit, de bons profits. Les pêcheurs de La Réunion s’en occupent cependant comme par hasard, et nous attribuons cette négligence au fait qu’ils ignorent ce que les requins fournissent, ou qu’ils ne possèdent pas toujours l’appât nécessaire ou les moyens efficaces. Du moins ce que nous apprîmes, pendant notre séjour à La Possession de notre estimé ami M. Antoine Rétout père, nous prouve qu’on n’avait pas toujours à sa disposition un animal mort, un cheval, une vache, un âne ou un mulet, pour attirer les monstres, et on devait attendre ordinairement qu’une telle occasion se présentât pour aller avec espoir de succès à la pêche, et même les pêcheurs n’y allaient pas volontiers, parce qu’à cette pêche, il faut plusieurs gens (…) Cependant si on s’en occupait davantage et qu’on put se passer des forces de l’homme par des moyens artificiels, avoir plus de grandes provisions d’appât et trouver des débouchés pour vendre l’huile, les nageoires et les peaux avec plus de profit qu’actuellement, cette pêche serait très avantageuse (…) Avant de se mettre à pêcher on a soin d’attacher à la côte quelque grand animal mort, au moyen d’une ligne et d’une ancre, de manière qu’il soit toujours dans l’eau. Plus le cadavre est vieux, plus on a de chances, puisque la putréfaction donne plus d’odeur et attire mieux les requins. La pêche se fait le plus souvent par un temps obscur, sur un rivage plat. Le Point des Galets où je fis cette pêche, on y trouve des rivages semblables à Saint-Paul, Saint-Gilles, entre Saint-Louis et Saint-Pierre, au rivage de Champ Borne, entre Saint-Benoît et SainteSuzanne et sur celui entre Sainte-Marie et le Butor, sans parler d’autres petites places (…). Dans la nuit où nous assistâmes à cette pêche, on attrapa 2 requins de 12 pieds de longueur. Les pêcheurs nous assuraient que la pêche n’était pas grande, que si elle avait été très bonne, on en aurait attrapé une demi-douzaine. Chaque fois qu’ils attrapaient un requin, ils lui ouvraient aussi soigneusement l’estomac pour en voir le contenu, qui consistait le plus souvent en toutes espèces d’ordures, de vieux souliers ou d’autres objets, même de gros galets, et une fois quelques semaines après que nous eûmes fait notre pêche avec Rétout père, on prit en société de notre ami Lantz un requin de l’estomac duquel on retira le bras d’une femme blanche, dont un des doigts était orné d’une bague, probablement celle d’une naufragée. On a eu soin de faire empailler le monstre, qui avait englouti ce noble membre, qu’on a conservé aussi dans l’alcool. On trouve de très grands requins sur les côtes des isles Mascareignes, des Comores et de Madagascar, enfin partout dans les mers des Indes. Pendant le jour, les requins aiment à suivre les navires au large, pour faire la chasse aux ordures et aux restes de la table, qu’on jette par-dessus le bastingage, tandis que vers la nuit ils se rapprochent des côtes et des bas-fonds. Le célèbre voyageur Bory de St. Vincent mentionne avec enthousiasme la pêche en vue de l’île de La Réunion d’un requin qui avait près de quinze pieds de longueurs, 5 pieds et demi de circonférence et onze pouces d’un œil à l’autre…» 3

3

Pollen publie ces images en 1868 dans le premier tome du titre de son ouvrage qui en comprend cinq publiés chez différents éditeurs et qui s’intitule Recherches sur la Faune de Madagascar et de ses dépendances, d’après les découvertes de François P.L. Pollen et D.C. Van DAM. La première partie, intitulée Relation de Voyage, comprend une trentaine de planches représentant des scènes et paysages remarquables qui illustrent le récit des deux aventuriers. En revanche, le texte ici cité est tiré d’une des parties du quatrième tome, publié en 1874 avec P. Bleeker comme co-auteur sous le titre Poissons de Madagascar et de l’île de La Réunion, où sont reproduites 21 rares estampes représentant les poissons découverts lors du voyage de Pollen. Ces planches colorées, surtout le texte qui les accompagne, nous renseignent considérablement sur la vie sous-marine en eau douce et dans les mers des deux îles ainsi que sur la description des pratiques traditionnelles de la pêche au XIX e siècle (Pollen, Les pêches à Madagascar et ses dépendances, p. 17-18).


Mary Sibandé

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

L’installation A reversed retrogress, scene 1 de Mary Sibandé, exposée au musée Léon Dierx jusqu’au premier jour de mars, est un chef d’œuvre d’art contemporain, une allégorie autobiographique ancrée dans l’imaginaire fantasmé autant que dans l’histoire douloureuse de son pays, l’Afrique du Sud. Une chance incroyable nous est offerte de pouvoir admirer le travail de cette artiste de renommée internationale.

28

B E AU X-A R T S


Au musée Léon Dierx Jusqu’au 1er mars 2015 Du mardi au dimanche De 9h30 à 17h30


Le règne du bleu Une grande et majestueuse robe bleue affublée d’un tablier,

moment de l’Apartheid, elle n’avait pas

ou d’un accessoire de servante, c’est l’histoire de Sophie 1.

véritablement conscience des bouleverse-

Depuis 2007, Mary Sibandé exprime à travers ses œuvres

ments qui étaient en train d’émerger pour

cette opposition permanente entre servitude et liberté.

la population noire, et pour les femmes

Tout a commencé en dernière année des Beaux-arts de

boomerang, qu’elle était la toute première

Johannesburg pour le passage de son diplôme. Jusque-là,

de sa famille à pouvoir faire des études, à

Mary Sibandé avait beaucoup crayonné sans savoir dans

être libre de travailler dans le domaine

de son pays. Elle réalisa, comme un effet

quelle voie artistique elle allait s’engager, le stylisme l’attirait

qu’elle souhaitait.

également. Le sujet imposé pour son diplôme de n d’année

C’est ainsi que Sophie est née, dans cette

« s’interroger sur ses origines » ne l’inspirait pas alors que

robe de princesse, de style victorien, d’un

ses collègues s’étaient déjà lancés frénétiquement dans

bleu intense, avec son accessoire de sou-

leurs recherches. C’est alors qu’elle rendit visite à sa grand-

brette. Comme un dé au temps, Mary

mère qui lui racontait toujours plein d’histoires de sa jeunesse,

Sibandé a donné à ses sculptures une allure

de ses rêves et de ses brimades d’antan. Le sujet était là et

gigantesque, remis au centre de chaque

depuis, Mary Sibandé n’a cessé de tirer le l de cette mémoire

scène les désirs et les aspirations avec de

en rendant hommage à sa grand-mère, mais aussi à toutes

plus en plus d’audace, jusqu’aux scènes

ces femmes d’Afrique du Sud qui n’ont jamais pu quitter

purement oniriques. Toujours les yeux

leur rôle de servante. Mary Sibandé n’avait que neuf ans au

fermés, « c’est là que les rêves deviennent

1

30

B E AU X-A R T S

Sophie est, en Afrique du Sud, le nom couramment donné par les patrons blancs aux servantes noires.


entrer dans la peau de sa grand-mère, « être à la fois la narratrice et la réalisatrice de l’histoire ». Le bleu donc, symbole de liberté qui renvoie aussi à la croix bleue de l’église et à ces femmes – les servantes de Dieu – de condition modeste, toujours bien habillées le jour du Seigneur. D’autre part, le choix d’un mannequin – en bre de verre – lui est venu à l’esprit en sorte de clin d’oeil, car, petite, elle aimait regarder les vitrines et se disait : « Quand je serai grande, j’achèterai toutes ces robes. » Mais sa puissance de création ne pouvait pas

2

réalité » 2, Sophie matérialise, sans cultiver la révolte, les

s’arrêter là, et à partir du mannequin sta-

espoirs, les fantasmes de toutes ces femmes prisonnières

tique, elle a créé, à chaque tableau, une

de leur quotidien, mais qui ont toujours gardé l’esprit libre.

envolée lyrique où le réel et l’imaginaire

La couleur est très importante en Afrique du Sud, et ce n’est

sont mis en contraste.

pas par hasard si elle a inondé de bleu sa créature fétiche -

Entre rêve et réalité, le paradoxe existe dans

son alter ego - parce qu’en fait, Mary Sibandé a d’abord voulu

toute l’œuvre de Mary Sibandé avec des

Les extraits cités proviennent de la conférence de Mary Sibandé qui a eu lieu au Théâtre Vladimir Canter en novembre dernier, en partenariat avec le musée Léon Dierx.


zones d’ombre, un jeu de miroir où le regard se soustrait du

On arrive ensuite à ce face-à-face entre le

réel, des ambiguïtés, où ce qui semble morbide n’est que le

bleu et le pourpre, entre des forces oppo-

reet d’une chrysalide en passe de devenir papillon.

sées, où « l’effondrement de l’une donne naissance à l’élévation de l’autre ». En même

Et le pourpre prend le pouvoir

temps, Mary Sibandé exploite encore plus

Le temps est alors venu de faire évoluer son œuvre, d’appor-

loin l’histoire de ses ancêtres, avant Sophie.

ter quelque chose de nouveau. Et là, Mary Sibandé raconte

Les créatures chimériques, branches ten-

aujourd’hui une autre Sophie prise dans ses cauchemars,

taculaires, lianes ottantes, symbolisent

« la construction-destruction », la dualité toujours, hantée par

l’évolution de sa démarche artistique, « les

les démons de la création, mais enracinée dans l’histoire de

lignes invisibles qui se déploient comme

son pays. Le bleu s’efface pour laisser place au pourpre. Le

un rhizome, cheminent, se croisent, se

pourpre est devenu une évidence. Pourpre, couleur que seuls

dispersent ». Pour la première fois, le visage

les riches pouvaient se permettre de porter à une époque,

est masqué, tout le corps se fait absorber

car cette teinture coûtait excessivement cher ; pourpre, la

en présage d’une disparition certaine, pour

couleur du clergé, pourpre, la couleur de la magie. Et pourpre,

repartir du début, de ses origines, de ce

l’eau teintée lancée au canon par les policiers, à Cape Town,

qui sous-tend la naissance du personnage,

sur les manifestants anti-apartheid pour les marquer an

un bras levé et un bras baissé, livré au

de pouvoir les pourchasser et les arrêter.

public qui la regarde.

32

B E AU X-A R T S



34

OCÉ

AN

IND

IEN

S ÉLÈ ET SE RGE ULON E GEO A N, NE CO U IN JA C G N IE G IN FRA APH N E-S TOGR TEXTE E CHA T T PHO ULEN CÉLIN UIS E M E S, I-THIE CROQ U R A N C E ICK XH R U É A D G R FRÉ I, M A DAHB AO NORA L E C-K RINE D N A ET S

V E S,

Cha ndig arh situ , ée a u nor de l d-o ’Ind ues e, est t la d e rniè réa re œ lisé e pa uvr Le C e r le g orb r a u n s d ier. Vill Maî e no tre uve ent lle c re 1 ons 951 trui au s et 1 te orti 965 r de et d l ’ Indé u pr pe n e mi indo dan e r c -pa o ce n flit kist Cha a nais ndig , arh a de quo i fai plus re r d’un êve r étu réu d nion iant n ais. L’EN SAM , Éco le N atio d’Ar nale chit Sup ectu de M érie re ure ont pell a pe i e r/La rmi sàc Réu de s inq nion es é , tud acc i a nts omp agn le d és d irec e Pi teu erre et d r , e Ja Ros ier ne C leur o ulon ens e igna de r nte éali , ser En é c e rêv cha e. nge du C , cin CA q ét Coll udia de C ège nts han d’Ar diga von c h r itec t po hture ursu en v ivre ena l es é nt c leur cha omp pro nge léte jet s s r ur n otre île.

E G A Y V O H S R E A D G U I T D É N A C H



Le Corbusier, l’architecte du mouvement moderne

Le Corbusier à Chandigarh

Né en octobre 1887 à La Chaux-de-Fonds en

Suite au conflit indo-pakistanais, après le

Suisse, Le Corbusier fut naturalisé français

retrait de l’armée britannique en 1947, la

en 1930. L’année 2015 fêtera le cinquantenaire

province du Penjab de l’Empire britannique,

de sa disparition. L’Artiste, dans la mémoire

située au nord-ouest de l’Inde, est scindée en

collective, est connu et réputé comme un des

deux parties ; d’un côté la partie musulmane

pères fondateurs de l’architecture moderne.

revient au Pakistan, tandis que l’autre partie

Mais en fait, Le Corbusier laisse libre cours à

sikh et hindoue revient à L’Inde. De là, une

sa créativité généreuse et excelle tout aussi

nouvelle capitale pour le Penjab s’impose,

bien en peinture, sculpture, décoration, fa-

l’ancienne capitale Lahore étant restée pa-

brication de tapis, photographie, gravure,

kistanaise.

dessin, littérature, poésie, même si l’archi-

Jawâharlâl Nehrû, premier ministre du gou-

tecture et l’urbanisme constituent le cœur

vernement, demande à Le Corbusier « une

de sa virtuosité.

cité libérée des traditions du passé, une ville

« Je suis peintre, fondamentalement, avec

nouvelle pour l’homme libre, un symbole de

acharnement, puisque je peins tous les jours.

la foi de la nation en l'avenir ». Pays basé

J’ai commencé, il est vrai, tardivement, à l’âge

ancestralement sur le principe des castes,

de 33 ans, et tout de suite sérieusement. (...)

Nehrû souhaitait bâtir des villes résolument

Le matin à la peinture, l’après-midi, à l’autre

modernes, incarnations de la République

bout de Paris, architecture et urbanisme.

indienne aux yeux du monde.

Mesure-t-on à quel point ces jardinage, la-

La réponse humaniste de Le Corbusier est

bourage, sarclage patients et obstinés des

inscrite dans sa doctrine qu’il travaille

formes et des couleurs, des rythmes et des

depuis presque 30 ans avec « la ville radieuse » :

dosages, alimentèrent chaque jour les archi-

« Mon devoir à moi, ma recherche, c'est d'es-

tectures et les urbanismes qui naissaient au

sayer de mettre cet homme d'aujourd'hui

35, rue de Sèvres ? Je pense que si l’on accorde

hors du malheur, hors de la catastrophe ;

quelque chose à mon œuvre d’architecte,

de le mettre dans le bonheur, dans la joie

c’est à ce labeur secret qu’il faut en attribuer

quotidienne de l'harmonie. »

la vertu profonde. »

36

OCÉAN INDIEN


La construction de Chandigarh Au pied de l’Himalaya, Chandigarh a été conçue

Phare de Chandigarh, le complexe du Capi-

comme « une cité-jardin ». Le Corbusier, sur

tole surplombant la ville au nord-est est

la trame de Mayer, a structuré la ville en 60

dédié à l’administration du Penjab et du

secteurs, tous équipés des infrastructures de

Haryana : la Haute Cour, le Secrétariat, le

base et reliés par un système de voies de V1

Palais de l’Assemblée. Et pour parfaire le

à V7 hiérarchisé par importance décrois-

tout, La Main Ouverte, sculpture symbole de

sante. À ceci, s’ajoute une arborisation des

Chandigarh.

rues selon leur taille et leur orientation. « Chandigarh sera la ville d’arbres, de fleurs et d’eau, de maisons aussi simples que celles du temps d’Homère et quelques splendides édifices du plus haut modernisme où règnera la règle mathématique… », soulignait Le Corbusier dans sa démarche conceptuelle. Pionnier de l’utilisation du béton brut, l’empreinte de Le Corbusier dans la ville tient aussi à l’utilisation de ce matériau de construction pour ses principaux édifices. « Puissent nos bétons si rudes révéler que sous eux, nos sensibilités sont fines. » Le climat tropical humide avec de fortes amplitudes thermiques n’a pas toujours été en conformité avec les ambitions du concepteur, en terme d’isolation notamment, lorsque le thermomètre signale un 37 ° à l’ombre durant la saison chaude. La zone piétonne du Secteur 17 - considéré comme le coeur commercial - est le sujet d’étude des étudiants de la CCA et de l’ENSAM.


LA MAIN OUVERTE Elle est ouverte puisque tout est présent disponible saisissable Ouverte pour recevoir Ouverte aussi pour que chacun y vienne prendre Les eaux ruissellent le soleil illumine les complexités ont tissé leur trame les fluides sont partout. Les outils dans la main Les caresses de la main La vie que l'on goûte par le pétrissement des mains La vue qui est dans la palpation. Pleine main j'ai reçu Pleine main je donne.

Extrait du poème de L’angle droit de Le Corbusier

38

OCÉAN INDIEN



40

RENCONTRE

Jace, l’artiste tout-terrain


PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE

& ILLUSTRATION JACE

Il marche d’une allure de géant, le dos légèrement courbé – l’habitude de se camoufler dans une capuche ? – un pas chassant lourdement l’autre. Mais ce qui le caractérise vraiment c’est l’infinie gentillesse qui émane de son regard, un regard tout sourire, d’une grande finesse. Jace, l’homme invisible, plus par jeu que par nécessité aujourd’hui, la quarantaine sonnante, a toujours envie de jouer les diablotins dans la rue. Père du Gouzou depuis maintenant 22 ans, cet artiste réunionnais à la dimension internationale, a dessiné son petit bonhomme ocre dans les endroits les plus visibles comme les plus inaccessibles. Un tag, une grande fresque, le Gouzou, aujourd’hui une institution, a investi la planète et livre son message, léger, drôle, tendre, absurde, caustique … Très sensible à la rencontre et à l’échange, l’artiste subversif, le roi du détournement, cherche toujours de nouvelles pistes à explorer. Dernièrement, il a marqué d’un geste artistique le tunnel d’entrée dans la capitale de l’outremer autant qu’il a peint, avec grand bonheur, les toiles des pêcheurs Vezo à Madagascar. Derrière l’artiste, se cache un grand professionnel au cœur tendre.


Qu’est-ce qui vous a amené au graff ?

Pourquoi le Gouzou sans visage ?

J’ai utilisé ma première bombe lorsque j’avais dix ans pour

Cela permet tout simplement à chacun de

peindre mon vélo d’un beau rouge pailleté. S’il vous plaît !

s’identier, d’imaginer ce qui lui passe par

Au lycée, je lisais beaucoup de comics et puis, en cours de

la tête en voyant mon petit personnage,

dessin, je suis tombé sur un livre Subway Art qui retrace le

c’est une façon aussi de lui donner plus de

travail des graffeurs new-yorkais sur le métro et ça a été un

force dans certaines situations.

grand choc pour moi, j’étais en admiration devant ces légendes du Graffiti. J’ai eu un gros ash, je trouvais ça cool, ce côté

Que raconte le Gouzou ?

underground. C’était l’époque du Hip-Hop, de la culture

Je ne délivre pas forcément des messages

skate, j’étais en plein là-dedans. À La Réunion, nous étions

avec le Gouzou, je m’insurge bien évidem-

une poignée à peindre sur l’île lorsque j’ai commencé mes

ment contre ce monde capitaliste, contre

premiers tags en 1989.

le monde boursier, ce pouvoir nancier qui nous domine, contre la consommation

Comment est né le Gouzou ?

à outrance. Mon personnage est dans la

J’ai d’abord tâtonné. À l’époque, c’était le dogme de la lettre

dérision, mais aussi dans l’auto-dérision,

et je souhaitais réaliser quelque chose de plus personnel,

je dénonce également ma propre bêtise !

c’est comme ça qu’est né ce petit personnage coloré en ocre, sans visage, un peu baba cool. C’était en 1992. Au début,

Vous avez des formes d’expression

j’intervenais sur des affiches publicitaires que je détournais

assez caustiques parfois…

et aussi sur les affiches de minitel rose, il y en avait beaucoup

Oui, j’essaye d’exprimer mon engagement

à l’époque.

avec humour, c’est parfois incisif. Mais, parfois, il y a des choses plus poétiques.

Et maintenant le Gouzou est devenu une institution…

Une fois, j’avais détourné une affiche

Oui, le Gouzou est majeur et vacciné, il a maintenant 22 ans !

publicitaire pendant une campagne élec-

À l’origine, le Gouzou était simplement une bouffée d’oxygène,

torale, et je l’ai vue, par la suite, placardée

je me destinais à faire de la déco, des choses plus sérieuses

dans le bureau d’un élu !

et je m’éclatais à dessiner, en parallèle, des Gouzous dans la rue. Et puis, le public a répondu favorablement. Ça s’est

Comment ça se passe, vous faites

enchaîné naturellement, les gens se sont intéressés à moi,

du repérage avec une idée en tête ou

j’ai travaillé sur différents supports, j’expose en galerie, mais

vous improvisez sur place ?

je continue à peindre dans la rue. C’est important pour moi

Il n’y a pas de processus déni. Je tombe

de me dire que je me lève le matin, j’ai quelque chose à dire,

sur un spot qui m’inspire et je crée de

quelque chose à partager, je ne suis pas le énième mouton

toutes pièces ou je feuillette mon carnet

qui traîne ses pieds pour aller bosser.

de dessins, et je trouve quelque chose qui me plaît. Parfois, je repère un spot et je me dis, il n’y a qu’à cet endroit-là que je peux exprimer cette idée. Donc, ça dépend…

42

RENCONTRE


Le temps de créer un Gouzou…

La chasse aux Gouzous…

Une peinture de jour peut durer cinq minutes à plusieurs

Ce n’est pas un travail en solitaire, les gens

heures. Mais, en général, je ne m’éternise pas sur les lieux

réagissent à ce que je fais, il y a une vraie

du crime. Il m’est arrivé de peindre un mur pendant 7 heures,

interaction avec le public. Quand je voyage,

la nuit, sans lumière et d’autres fois trois murs d’affilée.

je m’amuse avec les clichés locaux, c’est souvent efficace. Parfois, je peux faire peur,

Les risques du métier…

avec mon grand chapeau, mes lunettes et

Pendant de nombreuses années, j’ai joué avec le feu. Je me

mon masque, parfois les gens rigolent,

suis fait arrêter moult fois, j’ai eu des amendes, des menaces

parfois j’ai quelques surprises…

de plaintes. La pire expérience, c’est à New York. C’était en 1999. Quand je suis parti là-bas, j’étais comme fou. C’était

Par exemple…

comme si je partais en pèlerinage, je me rendais à la Mecque

Au Havre, j’avais trouvé sur la plage un

du Graffiti ! J’étais avec des potes du côté de Broadway. Alors

vieux tuyau percé, et je me suis dit, tiens

là, tolérance zéro ! On avait à peine sorti nos bombes – qui,

ça fera bien la trompe de l’éléphant, je

entre nous soit dit, avaient déjà été retenues à l’aéroport

sors mes bombes et en un temps, trois

pendant 24 heures dans nos sacs alors que ça se passait bien

mouvements, je fais mon dessin. Dans

avant le 11 septembre – que les ics sont arrivés. Ils m’ont

mon dos, j’ai entendu une maman dire à

embarqué, menotté et je suis resté en garde à vue pendant

son ls : « Viens voir, il y a un crocodile,

trente heures. Je n’en menais pas large. J’avais un avocat

là. » … Je me suis dit, oups, il est temps que

commis d’office. Il a cherché le propriétaire du mur – pourri

je m’en aille !

– et il ne le trouvait pas. Puis, ils m’ont enn relâché en me disant que je n’étais pas le bienvenu aux USA ! J’avais la

Vous parlez d’interaction avec le public,

boule au ventre, mais j’y suis retourné pour exorciser ma

quel exemple vous a marqué…

peur.

J’étais pion dans un collège pendant mes études et j’avais sympathisé avec un jeune.

Les risques physiques…

Il m’a demandé de faire le logo et un mur

J’ai un affreux vertige, mais ça ne m’empêche pas d’aller

d’une Poussada, une sorte d’auberge au

graffer une falaise la nuit, accroché à un arbre, ou à un rocher,

Brésil. J’étais donc avec lui dans les quar-

parfois dans des postures vertigineuses.

tiers chauds de Fortaleza, et on s’est fait une virée de nuit. Je ne parlais pas un mot

Vous avez réalisé le pilier témoin du pont Saint-Étienne,

de portugais, ni de brésilien. Je l’ai donc

le tunnel du Barachois…

suivi avec ses potes, on a commencé à

C’était vraiment du sport. Pour le pilier, ça n’a pas été facile.

peindre ensemble, à gauche, à droite, et

Pour le tunnel, c’était encore pire, je me suis greffé sur les

puis je me suis mis à peindre un gamin

travaux pendant trois nuits. Il n’y avait pas de nacelle, c’était

avec des ingues, et je me suis retourné

vraiment acrobatique !

pour lui demander comment ça se disait en brésilien, et là, j’avais en face de moi la

Depuis le 11 septembre, la réglementation est devenue

maman avec plein de gamins autour qui me

drastique pour les aérosols…

regardaient et il y en avait un qui portait

Oui, nous n’avons plus le droit de voyager avec nos bombes

un ingue !

aérosols. C’est toute une organisation, il faut les commander dans le pays où l’on va, parfois j’ai des contacts, ça s’arrange bien, ce n’est pas toujours facile, je m’adapte !


Lorsqu’un Gouzou disparaît…

Vous gardez une trace de vos dessins….

Oui, c’est un art éphémère, je le sais bien. Même si les pein-

J’archive tous mes dessins dans des car-

tures à la bombe sont tenaces, il y a des couleurs qui passent

nets. Mes créations sont protégées.

plus vite avec les UV, comme le rose, le violet, le rouge. On peint souvent sur des endroits qui sont destinés à être détruits

À ce sujet, vous avez intenté un procès

aussi. L’œuvre achevée, j’ai appris à m’en détacher. En 25

à une marque chinoise…

ans de pratique et avec plusieurs milliers de graffs à mon

Oui, ce n’était pas évident du tout. C’était

actif, il ne doit en subsister que 10 %, au mieux !

en 2007, un fabricant de textile chinois avait plagié mon Gouzou sur une chemise.

Récemment, à Saint-Pierre, l’équipe de nettoyage

C’est pas facile de gagner un procès avec

de la CIVIS a repeint une de vos fresques murales alors

eux, parce qu’ils ont des moyens colossaux,

que par ailleurs, elle vous a commandé le relooking

c’était vraiment David contre Goliath et ils

de ses bus…

partent du principe qu’ils nous font l’hon-

J’étais évidemment un peu déçu, d’autant qu’il y avait des

neur de nous copier. Mais j’ai tenu bon,

murs bien plus crasseux à nettoyer et, ce qui m’a étonné,

et ça a fait jurisprudence.

c’est que nous avions reçu l’autorisation de peindre. Après, l’humain est une erreur… Euh… Pardon, l’erreur est humaine.

Les Gouzous font partie du paysage

Mais, toute blague mise à part, c’est surtout dommageable

réunionnais, ils ont parcouru le monde,

pour les étudiants qui se sont investis dans le projet et pour

mais c’est à partir du Havre que tout

les marmailles malentendants qui l’ont réalisée, ils étaient

a décollé…

tellement contents de leur après-midi. Maintenant, il ne

Oui, j’ai commencé en Métropole dès 93,

faut pas en faire une affaire d’État, c’était une erreur.

lorsque je suis parti au Havre, ma ville natale, pour nir mes études de Bio.

Vous avez souvent affaire à ce genre d’erreur…

C’est une ville portuaire et industrielle,

Ça m’est déjà arrivé justement sur Saint-Pierre pour le seul

reconstruite après-guerre en béton gris,

mur pour lequel j’avais reçu une autorisation, c’est à se

un bon terrain de jeu ! En 1996, j’ai fait

demander ! Bon, en contre-exemple, je peux dire que la

ma première expo collective, Biograffiti.

Communauté d’agglomération m’a demandé s’ils pouvaient

De là, je suis parti en Europe, en Angleterre,

effacer une de mes interventions, car la surface initiale était

en Italie, en République Tchèque, en Al-

pourrie et ils m’en ont ensuite commandée une autre.

lemagne, dans le quartier rouge d’Amsterdam, où j’ai eu un peu chaud aux fesses, les mecs n’aiment pas trop que l’on intervienne sur leur mur, ça devient un repère trop visible. Puis, New York, le Brésil, la Chine, l’Inde, la Thaïlande, l’Afrique du Sud… Peindre dans la rue est propice à la rencontre et ça m’a aussi donné la possibilité d’échanger avec les artistes du pays, ce qui est toujours une belle expérience.

44

RENCONTRE


Vous avez investi les rues, mais vous avez fait pas mal

D’autres prestations, un peu atypiques….

d’expositions…

Oui, à Pantin, sur le canal de l’Ourq, j’ai

Oui, j’ai fait plusieurs expos à Paris, en Métropole, à Londres, réalisé une énorme fresque de 20 mètres Budapest, Bombay, Bangkok, Capetown, Johannesburg…. de haut. Et puis, un clin d’oeil, j’ai fait un L’expo collective de Bombay était intéressante. Nous étions tag sur un mur qui a servi de décor au lm plusieurs artistes réunionnais à partir en Inde, Pondichéry Régis Wargnier Pars vite et reviens tard puis Bombay. C’était dingue parce que tout ce qui est du avec José Garcia. domaine public est soumis à une autorisation préalable encore plus stricte qu’ailleurs. À Bombay, je me suis évadé Comment vous percevez les ateliers du groupe et je suis parti tout seul, de mon côté. Et pendant en prison… 15 jours, je me suis perdu dans les rues de Bombay à taguer Je reviens d’un atelier de graff à Mayotte dès qu’un endroit me plaisait. C’est une grande mégapole, et ça m’a beaucoup marqué. La prison, c’est il y avait du monde partout. Je me sentais mal à l’aise. Les un lieu hermétique, ce n’est pas l’espace de gens s’agglutinaient autour de moi, c’était assez intrusif, la rue. Ça me donne des frissons à chaque j’aime bien avoir mon espace, mais d’un autre côté, c’était fois que je passe la porte, j’ai grandi dans super, ça avait un goût de reviens-y. Le style Bollywood, plein l’univers du Graffiti et ça me pend au nez de couleurs, m’a inspiré pendant plusieurs mois.

à chaque fois. Je me dis tiens, si je me fais arrêter dans un pays étranger, voilà ce qui

Vous êtes exposé à la galerie MathGoth à Paris…

va m’arriver.

Oui, c’est en plein quartier chinois. J’avais auparavant fait D’ailleurs, c’est ce qui m’est arrivé à New une expo dans leur lo une année, ça avait bien marché, on York. J’ai déjà fait plusieurs ateliers, au a sympathisé et puis voilà ! Il y a la galerie Hamon au Havre Port, à la prison de Domenjod, au Havre, où je suis en expo permanente aussi.

à Madagascar… et à chaque fois, c’est vraiment un grand moment. C’est une paren-

L’endroit, à l’étranger, où vous vous êtes senti le plus

thèse d’un côté comme de l’autre. Pour

à l’aise ?

les prisonniers, c’est comme une touche

En Thaïlande, les gens sont tellement gentils, toujours prêts d’espoir, une façon de se projeter dans à rendre service, ils regardent en silence, ça changeait de la l’avenir, et pour moi, j’apprends beaucoup cohue de Bombay. Et bien sûr, à Madagascar, c’est un endroit d’eux, de leurs conditions de vie. C’est une fétiche pour moi, c’est ce qui me tient le plus à cœur. Quelle est l’expérience qui vous a le plus marqué ? À New York, j’ai fait une résidence d’artistes dans le quartier de Manhattan pendant deux mois sur un immeuble à l’abandon. Nous étions plusieurs artistes à l’intérieur et à l’extérieur. C’est ce qui est chouette dans le Graff, on met son ego de côté et on peut réaliser une œuvre à plusieurs artistes en l’espace de quelques heures.

vraie rencontre.


Vous ne vous exprimez pas seulement sur un mur,

Et au niveau musique, toujours attaché

un bout de tôle ou une falaise, mais aussi sur les voiles

au Hip-Hop ?

des pirogues de pêcheurs…

Non, ça varie tous les jours, j’aime beau-

Oui, le délire ! La première fois, en 2003, nous étions cinq,

coup les artistes réunionnais, autant que

quelqu’un lmait aussi. Ça avait mal commencé, nous nous

la musique punk, la musique indienne,

sommes fait prendre nos bombes de peintures à l’aéroport.

le reggae…

Les pêcheurs, des personnes vraiment adorables, nous ont préparé des décoctions de plantes, du goudron fondu…

Vous avez publié quelques ouvrages

pour que nous puissions retrouver les couleurs que l’on

sur les Gouzous à travers le monde,

nous avait consquées.

mais aussi les ches d’électrocution

Madagascar, pour moi, c’est toujours un grand événement.

scolaires qui ne sont pas à mettre entre

Au moment où toutes les voiles ont été mises à l’eau, c’était

toutes les mains …

magique, comme un rêve de gamin !

Je suis un autodidacte, mais mon univers

C’est à Madagascar où je ressens le plus de choses. Il n’y a

reste le dessin. Je continue à explorer plein

pas d’eau, pas d’électricité, c’est un voyage dans le temps.

de pistes. Là, il s’agit de ches scolaires

On a l’impression d’être un saltimbanque, là-bas.

très moralisatrices qui datent de quarante

J’y suis reparti en 2009 avec d’autres artistes en partenariat

ans et je me suis fait un plaisir de les

avec le Leu Tempo festival. On a monté un projet. On leur

détourner.

offrait des voiles toutes neuves et on prenait leurs vieilles voiles pour faire une expo ici.

Votre avenir immédiat…

En 2013, j’ai invité huit artistes, on a monté des partenariats

Des projets dont je ne peux pas encore

avec Air Madagascar et Mauvilac sur le même principe, on

parler et d’autres qui se précisent, un

leur a donné quarante voiles neuves, les huit artistes, des

atelier avec des jeunes à Diego Suarez, un

graffeurs italiens, espagnols, métropolitains, réunionnais,

atelier en prison à Mada aussi, un projet

chacun avec sa propre écriture... nous sommes partis trois

pour le carnaval en Colombie…

semaines là-bas, c’était un festival ! On va faire un DVD et sortir un livre.

Vos lieux d’évasion Je vis au Tampon, en pleine nature et quand

Vos sources d’inspiration aujourd’hui ?

je pars, j’ai envie de voir du monde, que

Au départ, ça a été bien sûr la BD, Hergé en particulier, puis

ça grouille, qu’il y ait le plus de spots pos-

la mouvance graffiti new-yorkaise et parisienne des années

sibles, pour moi la ville, c’est l’exotisme !

70-80. Keith Haring, notamment, et maintenant, c’est plus le quotidien, ce qui m’entoure, ce qui me fait réagir.

Votre rêve J’ai un projet de lm d’animation et j’aimerais bien faire un lm comme Kusturica, c’est un fou, c’est absurde… et ça me plaît ! Depuis le début, la vie m’a réservé de belles surprises, alors, je me laisse porter. Le mot de la n… Tant que ma main droite fonctionne en adéquation avec mon cerveau, je continuerai à égayer le quotidien des gens, n’en déplaise à certains….

46

RENCONTRE



OEUVRES DE JACE

Gouzou de par le monde Sur un tuyau percé, un mur délabré, une épave, du pôle Nord au pôle Sud, dans la neige, le désert, au cœur des villes, sur les toiles des pirogues des pêcheurs Veso à Madagascar, le Monde ♥ Jace.

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H O R I ZO N



à l’est de madagascar Tanzanie

Mozambique

La côte Est

Afrique du Sud


TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

AU CENTRE DE L’ÉDEN, IL Y A LE CANAL DES PANGALANES SITUÉ SUR LA CÔTE EST DE MADAGASCAR. LE CHAPELET D’ÎLES, DONT L’ÎLE SAINTE-MARIE ET L’ÎLE AUX FORBANS, LUI FONT ÉCHO JUSTE EN FACE DE TAMATAVE, PREMIER PORT DE MADAGASCAR. UN VOYAGE DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE À NUL AUTRE PAREIL.

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VOYAG E - VOYAG E


Tamatave, le port d’attache L’océan est ainsi du côté de Tamatave, fou-

Point d’arrivée des denrées importées à

gueux dès les premières lueurs du jour. D’un

Madagascar, c’est aussi le point de départ

bleu de nacre, il déverse sans relâche ses

des denrées exportées, café, vanille, poivre,

rouleaux, laissant une brume rafraîchissante

girofle… La ville sent bon les épices, surtout

sur le rivage d’où l’on peut observer le va-et-

au marché où elles sont vendues en petits

vient des pêcheurs qui poussent leurs barques

sachets. On peut y déguster, paraît-il, les

ou tirent leur filet, le soir venu. Il est toute-

meilleures soupes chinoises de tout l’océan

fois déconseillé de s’y baigner, mieux vaut

Indien. Il est très agréable de flâner dans

partir plus au nord, pour profiter du lagon de

Tamatave, ville plate, quadrillage du centre

Foulpointe. Toamasina – Tamatave – pays des

facilitant le repérage, pousse-pousse à bras

Betsimisaraka – en traduction littérale, les

ou à vélo, dès qu’un brin de fatigue se fait

nombreux qui ne séparent pas – est située à

sentir, grandes allées bordées de banians, à

360 km de Tana, sur la côte est de Madagas-

l’ombre desquels une pause contemplative

car face à l’Océan Indien. Le plus grand port

n’est pas inutile. De nombreuses excursions

de l’île rouge, construit en eaux profondes en

s’effectuent à partir de Tamatave. Tout près,

1929, après que le cyclone de 1927 ait détruit

sur l’île aux prunes, le plus grand phare de

la ville, fournit 35 % des emplois directs. Port

l’Afrique s’érige à 60 mètres de hauteur. Aux

pétrolier, une grande raffinerie longe la zone

alentours, réserves naturelles et parcs zoo-

portuaire laissant au paysage ses masques

logiques permettent de découvrir la beauté

ingrats d’activités industrielles…

sans pareil de la forêt tropicale où se logent caméléons et lémuriens qu’il est toujours plaisant de croiser sur son chemin. Tamatave, c’est aussi le point de départ d’un fabuleux voyage sur le canal des Pangalanes et vers l’île Sainte-Marie….

Office Régional de tourisme de Tamatave Maison de l’Information - 83, Boulevard Joffre Toamasina 501 - MADAGASCAR Tel : +261 (0)20 53 349 06 GSM : +261 (0)34 45 450 85 accueil.ortt@moov.mg ou direction.ortt@moov.mg www.tamatave-tourisme.com

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VOYAG E - VOYAG E



Sainte-Marie, l’île aux forbans Très longiligne, l’île Sainte-Marie s’étire sur

Le chef-lieu Ambodifotatra est un village qui

presque 50 km de long et ne mesure que 5

recèle quelques trésors historiques, le Phare

km de large. Île principale d’un archipel de

des Sorciers, le square Albrand, la fontaine

petites îles, le paysage est très diversifié du

de Saint-Ignace, le vieux port du petit bara-

nord au sud. Lagon et eau turquoise au sud,

chois, l’ancienne citadelle de la Compagnie

mangrove à l’est, forêt tropicale au centre,

des Indes, et la toute première église catholique

piscines naturelles au nord, station balnéaire

de Madagascar. Observatoire des baleines à

à l’ouest, et partout, la gentillesse des habitants,

bosse de juin à septembre, l’île Sainte-Marie

le calme et le charme d’antan retrouvés.

bénéficie d’un climat tropical clément. Située aux confins de deux grandes routes commerciales, celle de la Mer rouge et celle de la route des Indes, elle fut, au XVII e et au XVIII e siècle, un refuge pour les pirates. De grands noms de la piraterie y sont évoqués, John Avery, William Kidd, la Buse… et dans la baie des Forbans, plusieurs vaisseaux y ont échoué. Un projet de recherches archéologiques maritimes est lancé… la chasse au trésor est ouverte !

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VOYAG E - VOYAG E



Le canal des Pangalanes où coule la vie douce Entre lacs et lagunes, le canal des Pangalanes démarre à Tamatave pour s’éteindre 700 kilomètres plus bas à Farafangana en longeant l’océan. Les jours s’écoulent souriants et paisibles sur le canal des Pangalanes. Les habitants des rives puisent dans la forêt les ressources de la terre, et sur le fleuve, pêchent encore à la nasse. Des boutres glissant sur l’eau, on aperçoit quelques constructions éparses sur pilotis et des enfants qui courent en riant et puis viennent sauter dans l’eau pour se rafraîchir.

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VOYAG E - VOYAG E



Parfois, on peut croiser des embarcations

L’histoire du canal des Pangalanes remonte

précaires faites de bois évidés qu’un pêcheur

au temps de la colonisation française. Le gé-

dirige à la pagaie. Le soir, les berges s’animent,

néral Gallieni ordonna en 1896 la construc-

toilette, vaisselle, brossage des dents, cha-

tion du canal pour faciliter les transports de

cun vaque à ses occupations avant la veillée

marchandises qui échouaient souvent sur

nocturne. Une grande parenthèse pour res-

les bancs de sable et qu’il fallait transborder

pirer l’air de la vie !

d’une rive à l’autre de ce maillage inextricable de lacs, de lagunes et de cours d’eau. L’objectif de Gallieni étant de prendre possession des lieux afin de pouvoir exercer un meilleur contrôle sur sa région administrative. Cette nouvelle voie fluviale a été inaugurée en 1901.

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VOYAG E - VOYAG E



Jerome Pacman

PORTRAIT ET PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME PEROUX

DJ DANS L’AIR DU TEMPS

Jérôme Pacman se découvre très tôt une passion pour la musique. Nous sommes dans les années 80, la culture hip-hop émerge et Jérôme adhère au mouvement en devenant « break dancer ». Quelques années plus tard, c’est en passant des vacances à Ibiza qu’il a une nouvelle révélation : la House Music. Le Summer Of Love et l’avènement de l’Acid House sont des évènements marquants qui lui donneront envie de passer derrière les platines. Sa carrière est lancée. En plus de jouer dans les clubs les plus renommés tel que le Rex Club, Jérôme participe aux phénomènes des raves parties à Berlin pour Mayday et à Londres pour le Club Uk.

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A KO U T


En 1995, il sort « Mouvement Perpétuel » référencé parmi les 50 meilleurs titres de l’année par le magazine Muzik. Il devient aussi résident du collectif Magic Garden. Ce dernier donne naissance aux fameuses compilations « Jérôme Pacman’s House Café ». Quelques années plus tard, la sortie d’un autre mix « Jérôme Pacman’s Family » lui vaut d’être encensé par la presse (notamment par Dj Mag). En 2004, Jérôme sort le maxi « Hot Flashes » puis signe un remix de « Let Me Ask You » de Shonky, le tout sur le label Freak n’Chic. Depuis le début, Jérôme Pacman n’a jamais perdu son identité musicale. Cette intégrité lui a permis de rester l’un des DJ’s français les plus respectés.


EN TANT QUE PILIER DE LA SCÈNE ÉLECTRONIQUE PARISIENNE, PEUX-TU NOUS RACONTER CE QU’ÉTAIT L’AMBIANCE DES DÉBUTS ?

Ce qui était différent de maintenant, c’est que tout le monde vivait la même chose au même moment. Il n’y avait pas d’antécédents. C’était « la première fois » pour tous. Il y avait beaucoup d’innocence et en même temps on sentait qu’on était en train de vivre un truc unique, presque révolutionnaire. De ce fait, c’était une ambiance de communion. De plus, il n’y avait pas internet ni de médias, les soirées étaient « secrètes », parfois illégales, et pouvaient attirer des milliers de personnes dans des endroits insolites qui changeaient d’un week-end à l’autre. C’était la course à l’information pour savoir où cela se passait. Ça pouvait parfois ressembler à un jeu de pistes pour y aller. Tout cela donnait une part de mystère et de magie aux soirées.

QU’EST-CE QUI A PRINCIPALEMENT CHANGÉ AUJOURD’HUI PAR RAPPORT AU DÉMARRAGE DU MOUVEMENT ?

Depuis l’avènement des Da Punk, particulièrement à la sortie de leur premier album Homework en 1997, tout s’est professionnalisé. Environ 2 millions d’albums vendus, ça a fait changer la vision que beaucoup avaient ou n’avaient pas de cette musique. Les médias ont beaucoup contribué à ça. Nous étions revenus et acceptés dans la société. Aujourd’hui, avec internet, il est beaucoup plus facile de savoir ce qu’il se passe, mais aussi de se faire une oreille musicale, car on a accès à tout très rapidement. Du coup, la scène électronique est devenue beaucoup plus mûre. Il y a énormément d’artistes intéressants. Le fait qu’il n’y ait plus besoin d’investir une année de salaire dans du matos et pouvoir tout faire avec un ordinateur a libéré des talents, mais également des conneries. 90% des productions actuelles sont faites sur un ordinateur sans une âme derrière qui pilote.

TU N’ES PAS SEULEMENT DJ, TU PRODUIS AUSSI DES TITRES, DES REMIX ET DÉJÀ QUELQUES CD MIX. QUELS SONT TES GUIDES ET INFLUENCES ARTISTIQUES ?

Je n’ai pas vraiment d’artistes de prédilection, c’est une vision globale. Ce que je peux dire c’est que j’ai un background qui vient de l’électro et du hip-hop (la 1ère vague des années 80), du Funk, de la Soul, une partie de la New Wave, de ce qu’on appelait l’Acid Rock dans les années 70, et aussi un peu de Pop et de chanson française (lol). Je suis évidemment aussi inspiré par tout ce que j’ai connu depuis mes débuts jusqu’à aujourd’hui en House et Techno. Les productions de Chicago, New York, Detroit, de la n des années 80 à aujourd’hui. L’ambient, la bleep et la progressive house londonienne des années 90. La minimale/micro et les productions actuelles qui viennent de l’est de l’Europe notamment (Russie, Roumanie, Ukraine).

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A KO U T


DEPUIS TON PREMIER SAMPLER « AKAI 950 », TON HOME STUDIO A DÛ BIEN ÉVOLUER, TU PEUX NOUS DÉCRIRE TON UNIVERS DE CRÉATION ?

J’ai un studio composé de « hardware » et de « software ». Je ne suis pas un tout analogique ou tout numérique. J’utilise des machines des marques Elektron, Moog, Korg, ou Waldorf. Côté programme, je travaille essentiellement sur Logic ou Live. Les deux ont leurs atouts et leurs défauts. Ça dépend des créations. Le « workow », c’est-à-dire la manière de travailler, sera différente en fonction du programme utilisé. D’une manière générale, j’utilise le hardware pour le rendu organique et les softwares pour l’élaboration sonore. Je bosse quelques jours sur un morceau puis je le laisse en quarantaine une semaine ou deux. Pendant ce temps je travaille à autre chose, j’expérimente ou je commence un nouveau truc, puis je reviens sur mon morceau. Ça me permet d’avoir du recul et de voir plus clairement ce qui va ou ne va pas, faire le ménage, continuer, terminer ou abandonner.

QU’EST-CE QUI FAIT QU’UN DJ SORTE DU LOT ET DEVIENNE UNE « RÉFÉRENCE » ? ET QUELLES SONT LES QUALITÉS QUI TE FONT DURER DANS CE MÉTIER ?

Aujourd’hui c’est difficile à dire. Beaucoup d’organisateurs privilégient les « bancables » comme on dit ou bien des DJ sans talent qui ne leur coûtent pas un rond. C’est difficile de se faire une place. Je crois qu’il faut être authentique, trouver sa propre originalité, rester dèle, chercher à s’approfondir et savoir évoluer. Ça ne veut pas dire que l’on ne doit pas être inspiré par d’autres, au contraire, mais plutôt ne pas faire comme les autres. Pour durer, il faut savoir se remettre en cause, c’est à mon avis essentiel. Ceux qui passent comme des étoiles lantes sont souvent des DJ qui sont restés sur des positions et qui n’ont pas su évoluer. Ça peut être aussi des personnes qui sont arrivées au bout de leurs limites tout simplement.

PARMI TOUS LES ÉVÉNEMENTS FRANÇAIS OU INTERNATIONAUX QUE TU AS FRÉQUENTÉS, LESQUELS T’ONT GRAVÉ LE PLUS DE SOUVENIRS ?

Encore une fois, difficile à dire. Bien souvent j’ai de très bons souvenirs de soirées que ce soit avec 200 personnes ou 10 000 personnes. Alors, pour répondre, je vais dire que ce qui m’a le plus marqué ont été les soirées Mozinor à Paris à mes débuts ainsi que certaines « raves parties ». Des soirées en Italie dans les années 90 notamment à Rimini, je pense particulièrement à Exogroove, avec toute cette foule excentrique qui ne demandait qu’à rêver, puis beaucoup de soirées en Angleterre dans les années 2000, bien souvent à Londres comme à The End. Et enn des soirées qui se passent à Paris aujourd’hui, comme Katapult ou Concrete par exemple.


CES GRANDES SCÈNES À TRAVERS LE MONDE ONT ÉTÉ L’OCCASION DE MULTIPLES COLLABORATIONS AVEC DE GRANDS NOMS DU DJING, QUELLES RENCONTRES RESTENT LES PLUS MARQUANTES ?

Si on parle international, les noms qui me viennent en tête maintenant sont Juan Atkins, Francesco Farfa, Kenny Hawkes, Blake Baxter, Raresh ou encore Sven Vath.

TU ES DÉJÀ VENU À LA RÉUNION, PEUX-TU NOUS DIRE L’IDÉE QUE TU T’EN FAIS ?

La dernière fois que je suis venu, j’ai vécu Dina… Quel flippe ! Mais ça ne m’empêche pas de beaucoup aimer cette île, son climat, son soleil et ses magniques couchers de soleil, ses massifs et ses cascades, les ti-punchs et rhums arrangés, rougails et massalés… Et bien sûr la mer, ses lagons et récifs coralliens. Maintenant si tu me parles des soirées, j’ai un très bon souvenir d’une organisée par Gaetan (l’année de Dina), c’était plein de monde avec une très bonne ambiance dans un endroit improbable.

NOUS AVONS DE NOUVEAU LE PLAISIR DE TE RECEVOIR DANS NOTRE ÎLE POUR UNE SÉRIE DE DATES. C’EST À LA FOIS DU TRAVAIL, MAIS AUSSI UN PEU DES VACANCES ?

J’ai la chance de vivre de ma passion donc je ne trouve pas que ce soit un travail à proprement parler bien que cela demande beaucoup d’investissements physiques et mentaux. Alors on va dire des vacances, du kiff et du plaisir ! J’ai hâte.

ENFIN, POURRAIS-TU NOUS DONNER TA DÉFINITION DE LA MUSIQUE ÉLECTRONIQUE ? ET COMMENT LA VOIS-TU ÉVOLUER DANS LES ANNÉES À VENIR ?

C’est pour moi une musique universelle qui délivre des messages personnels. Au-delà de son aspect dynamique qui fait danser, il y a un tas de textures sonores qui massent les neurones et des lignes qui racontent des choses. Elle permet de voyager dans des univers colorés d’émotions. Quant à son évolution, je n’en ai aucune idée et je ne préfère pas savoir. Time will tell !

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A KO U T



Regards croisés sur le premier Festival du Film Réunionnais…

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CINÉMA


TEXTE DOMINIQUE LOUIS PHOTOGRAPHIE DROITS RÉSERVÉS TÉLÉ KRÉOL

Tout part d'une conversation. Renan Chiraux, professionnel du cinéma, qui partage son temps entre la Réunion et l'Hexagone, s’étonne auprès de Thierry Araye, directeur de Télé Kreol, qu'il y ait si peu de talents locaux alors que son média offre un formidable espace de diffusion audiovisuelle. Pour Thierry Araye, au contraire, l'île a un formidable potentiel qui manque de médiateur pour aller de l'idée jusqu'au film réalisé. Il n'en faut pas plus pour que germe l'idée du Festival du Film Réunionnais. Un pari difficile basé sur une organisation inédite de sélection de 85 œuvres, tous genres confondus, par les internautes sur le site de Télé Kréol. Loin d’être anecdotique, cette pré-sélection va déclencher un véritable engouement du public. Début novembre, au Cinépalmes de Sainte-Marie, les dix membres du jury (réalisateur, scénariste, graphiste, institutionnel…) ont, pendant trois jours, départagé les concurrents de la pré-sélection faite par le public. Tous les soirs, le public était invité à visualiser toutes les œuvres. Progressivement, les fauteuils se sont remplis jusqu’à faire salle comble à la soirée de clôture.


ENTRETIEN AVEC THIERRY ARAYE

&

RENAN CHIRAUX

Pourquoi ce Festival du Film Réunionnais ? R.C. Il existe une production de clips pléthoriques dans l'île et nous voulions savoir si des réalisateurs réunionnais étaient prêts à jouer le jeu et à tenter l'aventure de la fiction si l'on lançait un festival pour récompenser la variété des métiers de ce secteur. L'idée part donc de la musique ? R.C. Il y a 10 ans, lorsque l'on voulait s'exprimer par le film, c'était extrêmement compliqué. Aujourd'hui, avec le numérique, les choses ont considérablement changé et on voulait savoir si ce potentiel était exploité. T.A. Notre ambition, à Télé Kréol, c'est d'encourager et de donner une meilleure place aux producteurs et réalisateurs de La Réunion. L'idée d'un festival, c'était d'encourager ces « gars la kour » et leur permettre de s'exprimer. Pari audacieux que de mixer le clip, la fiction, le documentaire, vous n’avez pas la crainte que l'on qualifie votre festival d'un peu fourre-tout ? R.C. Cela peut être considéré comme un peu fourre-tout ou comme de l’audace ou cela peut paraître original puisque l'on a décidé de récompenser un meilleur réalisateur, toutes catégories confondues, parce que le Festival du Film Réunionnais est avant tout un festival « métier ». On a voulu, grâce à ce festival, pousser les gens à s'exprimer un peu plus librement sur le sujet de la Réunion. Et cela, dans tous les formats, et on espère, peu à peu, passer à d'autres formes d'expressions audiovisuelles, davantage de fiction. T.A. Le festival ne se limite pas aux trois jours où il se déroule. Tout au long de l’année, nous allons consacrer des émissions spéciales sur Télé Kréol au cours desquelles seront diffusées les oeuvres primées, mais aussi nous avons le projet de les présenter dans l’Hexagone. Une manière de maintenir en jambes les futurs participants à notre manifestation qui va s'inscrire dans la durée.

Palmarès du festival du film de La Réunion • Meilleur réalisateur : Erika Etangsalé avec Seuls les poissons morts suivent le courant • Meilleur scénariste : Yann Gorriz avec Glyn • Meilleur acteur : Beryl Coutat avec Speedating • Meilleurs graphistes : Jeremy Sam-Long, Julien Boyer, Dany Turpin, Nicolas Mathieu • et Nicolas Vidot avec A drop too much • Meilleur espoir réalisateur : Tibo Koch avec Bizness • Meilleur espoir scénariste : Paul Tarroux avec R-I-P • Meilleur espoir acteur : Anthony et Arthur avec "La Réunion" • Meilleur espoir graphiste : Sébastien Hubaut avec Little Horrible Planet • Prix du public : Stéphane Bertaud avec Tiburce – Le Macatia • Prix spécial du Jury : Yann Gorriz avec Glyn

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CINÉMA


PAPANG D'OR

2014 ERIKA

ÉTANGSALÉ

Seuls les poissons morts suivent le courant, … Son parcours personnel l'a conduite aux Beaux-Arts de Dijon et à l'I.L.O.I., l'institut de l'image de l'océan Indien. Pour le reste, tout ce qu'elle a envie d'exprimer est contenu dans son film. Un film où Erika Étangsalé a souhaité mettre en lumière (et en ombre également) le destin de ces Réunionnais qui, un jour, ont choisi, pour trouver du travail, de partir vers la métropole via le BUMIDOM, Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer. Un choix qui, pour certains, rimera avec départ définitif, déracinement, exil. Ce volet de notre histoire lui a d'ailleurs donné accès à l'histoire de son propre père, parti via le BUMIDOM. L'intérêt d'Erika Étangsalé pour le sujet a nourri leurs échanges à tel point que la voix off du film s’est inspirée de l'un de leurs mails, même s'il se nourrit aussi d'autres témoignages de ceux qui sont partis via le BUMIDOM.

Seuls les poissons morts suivent le courant a déjà fréquenté et connu les faveurs d'autres festivals, mais ce Papang d'Or 2014 constitue une consécration, qui plus est, dans son île. À thème engagé, film engageant. Ce premier film, commencé en 2011 à l'I.L.O.I. a vécu le parcours difficile des premières oeuvres à faible (c'est un euphémisme) budget. Et, à côté de cet aspect financier, s'est greffé un énorme investissement en matière de mobilisation, tant côté technique que côté prestation devant les caméras. D'abord de l'I.L.O.I.,lui-même, dont les locaux constituent une partie des décors, mais aussi de nombreux techniciens qui vont donner de leur personne pour permettre à Erika d'aller au bout de cette première œuvre. L'absence de moyens est aussi génératrice d'idées. Habituellement, pour une scène en extérieur, on a soigneusement repéré les lieux, dessiné le story board. Là, l’équipe technique et les comédiens partaient à l'aventure sur les routes de banlieue autour de Paris, avec dans la tête l'esprit de ce qu'ils souhaitaient rendre. Un pari audacieux, presque inscrit dans la logique de la prise unique ou en tout cas de la rationalisation à l'extrême. Le film tire sa force de tous ces aléas que certains pourraient qualifier de faiblesse originelle. Cette mobilisation se ressent aussi dans le jeu des acteurs, investis sans compter dans l'intention dont était porteuse Erika. D'un échange de regards, Kristof Langromme (Yves) et Vincent Fontano (David) savent faire passer toute la tension de deux systèmes de représentations, de deux conceptions du monde. La confrontation de deux générations où le choix du fils va générer un tremblement de terre dans les (fausses ?) certitudes que s'est forgé le père. Yves le père, arrivé plein d'espoir, a vite compris que le système était fait pour se perdre, avec, en plus, le devoir de donner l'impression, à ceux restés au pays, que l'on avait réussi. Une conviction qu'il enfouit tous les jours sous son manteau, sous sa casquette. Jusqu'à ce que David, affirmant son choix de rentrer au pays, vienne faire exploser ce château de cartes. Pour Yves, c'est la goutte de trop. Rentrer c'est déchoir, rentrer c'est trahir, rentrer c'est se trahir. La violence de sa réaction à la décision de David, c'est tout cela qui, du plus profond de lui-même, lui jaillit à la gueule, insupportable. Après la colère, vont se réveiller des sentiments, des questionnements, qu'il croyait avoir enfouis, enterrés, éradiqués.

Seuls les poissons morts suivent le courant ne juge pas, il montre et laisse à chacun le soin de tirer sa conclusion. La force de la réalisatrice tient à ce choix. Un bel exercice cinématographique pour celle qui a encore du mal à assumer l'étiquette d'auteur et dit : « J'ai juste

envie de réussir à faire les films que je porte en moi et c'est déjà relever de nombreux défis. »




TEXTE STÉPHANIE LÉGERON PHOTOGRAPHIE BRUNO MARIE

Terres australes et antarctiques françaises d’escale en escale

UN OUTRE-MER D’EXCEPTION, LES TAAF, À DÉCOUVRIR CETTE FOIS-CI EN QUELQUES ÉPISODES HISTORIQUES, SITES INCONTOURNABLES ET ANIMAUX EMBLÉMATIQUES. UNE ÉCHAPPÉE DONT LE FIL CONDUCTEUR EST UN VOYAGE AU LONG COURS, DEPUIS LES ÎLES ÉPARSES JUSQU’EN TERRE ADÉLIE, EN PASSANT PAR LES ÎLES SUBANTARCTIQUES FRANÇAISES. LES PHOTOGRAPHIES ET LES TEXTES FONT PARTIE DE L’EXPOSITION DES TAAF QUI SERA INAUGURÉE LE 17 DÉCEMBRE À PARIS, À L’AQUARIUM TROPICAL DE LA PORTE DORÉE. UNE REPRODUCTION DES PANNEAUX PERMETTRA AUX RÉUNIONNAIS DE DÉCOUVRIR L’AN PROCHAIN, AU SIÈGE DES TAAF À SAINT-PIERRE, CETTE GRANDE EXPOSITION QUI CÉLÈBRERA LES 60 ANS DU TERRITOIRE.

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T E R R E S A U S T R A L E S E T A N TA R C T I Q U E S F R A N Ç A I S E S


LE

LA COCOTERAIE DE GRANDE GLORIEUSE

« PETIT

LAGON » D’EUROPA

LA MAISON PATUREAU À JUAN DE NOVA

Les îles Éparses, joyaux tropicaux HIPPOLYTE CALTAUX AUX GLORIEUSES

résidence était occupée occasionnellement par

En 1878, ce commerçant réunionnais résidant aux

Hector Patureau, un franco-mauricien ayant obtenu

Seychelles aborda les rivages d’un petit archipel

la concession de l’île en 1952. Les ouvriers et

désert. Le ministère des Colonies l’autorisa à

contremaîtres, mauriciens et seychellois, édièrent

l’occuper « à ses risques et périls ». Il s’y installa

de nombreuses installations dont une usine de

dès 1880 et y planta le drapeau français. Faisant

concassage. Dès la première année de production,

face aux Anglais qui convoitaient ce territoire

plus de 50 000 tonnes de guano furent transbordées

insulaire, il le nomma « Glorieuses » en l’honneur

vers l’Europe. Les conditions de travail extrême-

de la révolution des Trois Glorieuses de 1830. À

ment rudes provoquèrent des révoltes ouvrières.

partir de 1885, il planta une cocoteraie sur la

L’effondrement du cours du phosphate mit un terme

Grande Glorieuse avec l’aide d’ouvriers seychellois.

à l’activité à la n des années 1960.

La France prit possession du petit groupe d’îles en 1892, nommant Hippolyte Caltaux garde-pavillon.

LE LAGON D’EUROPA

Il occupera les lieux de façon discontinue, exploitant

Un récif frangeant quasi-continu encercle Europa.

le coprah de la cocoteraie et le guano de l’île du Lys

Dans cette forêt sous-marine, se développe une

jusqu’en 1907.

grande variété de coraux. Le lagon est le refuge d’une faune tropicale abondante : tortues vertes

LA MAISON PATUREAU À JUAN DE NOVA

et imbriquées, requins, raies, poissons de récif,

Nichée dans une forêt de filaos près du camp

crustacés... S’ouvrant au nord sur le lagon externe,

militaire, cette maison de maître décrépite évoque

une lagune intérieure peu profonde occupe l’est

l’histoire coloniale de l’exploitation du phosphate

d’Europa sur environ 900 hectares, soit près du

à Juan de Nova. Entourée de deux pavillons, la

tiers de la surface de l’île.


BORNE ÉDIFIÉE DANS LA BAIE US LORS DE L’ESCALE DU NAVIRE L’ANTARÈS

ORQUE MÂLE DANS LA BAIE DU MARIN

LE CHAMP DES ALBATROS À POINTE BASSE

Crozet, l’archipel des tempêtes LA VALLÉE DES BRANLOIRES & LA BAIE AMÉRICAINE

Elles ont besoin d’environ 70 kg de nourriture

Au nord-est de l’île de la Possession, la vallée des

par jour et n’ont pas de prédateurs. Les mâles se

Branloires, qui s’étire entre le plateau Jeannel et

reconnaissent à leur nageoire dorsale qui peut

le mont de l’Alouette, est la plus vaste de l’île. Cette

atteindre 1,80 m de haut. Dans les eaux de Crozet,

langue d’une ancienne calotte glaciaire, tourbeuse

les pêcheurs de légines déplorent de fortes

et recouverte de mousses, débouche sur la mer au

déprédations causées par les orques, qui ont pris

niveau de la baie Américaine. Surnommé « baie US »

l’habitude de prélever ces poissons de fond dans

ou « BUS », ce mouillage relativement abrité était

les eaux de surface, sur les lignes des palangriers.

e

fréquenté au XIX siècle par des chasseurs de phoques américains qui y avaient installé des abris, des

POINTE BASSE & LE JARDIN JAPONAIS

chaudrons en fonte et un four. Du « village des

Au pied des monts Jules Verne qui dominent le

phoquiers » ne subsistent aujourd’hui que quelques

nord de l’île de la Possession, pointe Basse est le

ruines. La baie doit son nom à l'America, un des

point le plus bas de la grande Coulée. Ce site orni-

navires phoquiers anglo-saxons qui s’y abritaient

thologique majeur de l’archipel héberge le champ

de la puissante houle d’ouest.

des Albatros, lieu de reproduction des grands albatros ou albatros hurleurs, dont l’envergure

LES ORQUES

avoisine 3 mètres. À l’extrémité de la pointe, le

A l’île de la Possession, ces cétacés mesurant jusqu’

panorama s’ouvre à l’ouest sur la roche Percée et

à neuf mètres de long fréquentent notamment la

la pointe des Moines. Le long de la mer côté est,

baie du Marin et la « piscine », une zone jonchée

le jardin Japonais est un éboulis de blocs rocheux

d’algues nichée entre la baie Américaine et la petite

très verdoyant entrecoupé de mares. La faune y est

Manchotière. Vivant et chassant en groupes, les

exceptionnelle : plus grande colonie de manchots

orques s’approchent des côtes en quête d’éléphants

royaux de l’île, gorfous macaronis, papous, otaries

de mer et de manchots.

et cormorans se partagent cet espace façonné à la manière d’un jardin zen.

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T E R R E S A U S T R A L E S E T A N TA R C T I Q U E S F R A N Ç A I S E S


L’ANCIENNE STATION D’ARMOR

LA SILHOUETTE ENNEIGÉE DU MONT ROSS

LES VESTIGES DE L’USINE BALEINIÈRE

Kerguelen, îles de la désolation LE PLATEAU CENTRAL

et le Petit Ross se dressant à 1 721 m. Partiellement

La baie des Swains et le golfe du Morbihan marquent

recouvert de glaciers, le mont Ross est très difficile

la limite orientale du plateau Central, ceinturé au

d’accès en raison de ses arêtes effilées, de son

sud par le massif Gallieni. Le cœur de la Grande

isolement et de ses conditions climatiques. Il est

Terre alterne grandes plaines rocheuses, montagnes,

le dernier sommet de France à avoir été gravi, sa

vallons, lacs, rivières, souilles, que parcourent des

première ascension ayant été accomplie en 1975

troupeaux de rennes dont la population est estimée

par deux alpinistes français.

à plusieurs milliers. Au nord du volcan du Diable, Armor est le site d’une ancienne station d’élevage

PORT-JEANNE D’ARC

de saumons, dont les alevins furent introduits

En 1893, les frères Henry et René Bossière

dans les années 1980. A l’extrême nord, le bassin

obtinrent la concession exclusive de l’archipel

de la Gazelle était le refuge en 1940-1941 de navires

pour une durée de 50 ans. Ils rent bâtir l’usine

« corsaires » allemands. La presqu'île Bouquet de

baleinière, destinée à l’éclairage des villes, par des

la Grye abrite à Port-Couvreux les vestiges de la

Norvégiens en 1906. La production d'huile de

ferme des frères Bossière, abandonnée depuis 1931.

mammifères marins débuta rapidement puis fut interrompue par la Première Guerre mondiale et

LE MONT ROSS

reprise en 1919. Des treuils hissaient les baleines

Dominant le massif Gallieni au centre-sud de la

sur la plage, où elles étaient découpées. Le lard

Grande Terre, le mont Ross surplombe l’ensemble

était fondu dans des chaudières à charbon. En

des îles Kerguelen. Cet ancien volcan fréquemment

1922, l’unique station baleinière de France ferma

nimbé de nuages tient son nom de l’explorateur

face à la concurrence des navires-usines. Fortement

polaire James Clark Ross qui visita l’archipel en

dégradé au cours du temps, le patrimoine de

1840. Deux sommets plongent vers l’est dans une

« PJDA » fait l’objet depuis 2001 d’un programme

vaste caldeira : le Grand Ross, qui est le point le

de conservation physique et numérique.

plus élevé avec 1 850 m d’altitude,


LA QUILLE ET LA DIGUE NATURELLE DU CRATÈRE

LA CALE, LIEU DE RASSEMBLEMENT DES OTARIES

LA POINTE D’ENTRECASTEAUX

Saint-Paul et Amsterdam, le district subtropical LES OUBLIÉS DE SAINT-PAUL

De nombreuses otaries d’Amsterdam se rassemblent

En octobre 1929, la société « La Langouste Fran-

et se reproduisent à la « MAE ». Les jeunes otaries

çaise » des frères Henry et René Bossière, armateurs

à fourrure jouent et se rafraîchissent en attendant

du Havre, débarqua à l’île Saint-Paul une trentaine

d’affronter l’océan. Ces mammifères marins sont

d'Européens. La campagne de pêche terminée, l’Austral

suivis par les scientiques : dénombrements, mar-

repartit pour la France en mars 1930, laissant sur l'île

quages, pesées, poses de balises pour comprendre

7 personnes dont une femme enceinte, pour entre-

les trajets en mer, sont effectués régulièrement.

tenir les installations. L'administrateur leur avait promis de les ravitailler sous trois mois, mais ne put

LA POINTE D’ENTRECASTEAUX

honorer cet engagement. Louise Brunou accoucha

& LE PLATEAU DES TOURBIÈRES

d'une petite Paule qui ne vécut que 2 mois. Faute de

Au sud-ouest d’Amsterdam, la pointe d’Entrecas-

vivres frais, trois hommes furent emportés par le

teaux est un promontoire rocheux cerné de falaises

scorbut. Un autre quitta l'île sur un bateau et dispa-

plongeant dans la mer 700 m plus bas. La plus

rut. Quand l’Ile St-Paul accosta en décembre 1930,

grande colonie au monde d’albatros à bec jaune

seuls 3 des 7 gardiens oubliés avaient survécu…

s’y reproduit après de longs voyages océaniques, près des albatros fuligineux, des skuas, pétrels et

LA MARE AUX ÉLÉPHANTS

gorfous sauteurs. En saillie de la pointe, le rocher

En contrebas de la base, près de la Cale, ce site

la Cathédrale longe une plage de galets où se

attirait une forte concentration d’éléphants de mer

prélassent des otaries. Sur les 22 espèces d’albatros

e

existant dans le monde, 18 sont menacées, dont

et XIX siècles. La Mare aux Eléphants est une plage

l’albatros d’Amsterdam. Sa population est estimée

avant la chasse intensive des phoquiers aux XVIII e

de roches magmatiques gorgée de petites nappes

à seulement une trentaine de couples nicheurs par

d’eau, que prolonge un terrain herbeux. A proximité

an. Elle vit sur les hauteurs, au plateau des Tour-

se trouvent les derniers vestiges de la maison du

bières, un site à accès réglementé classé depuis

colon Heurtin.

2006 en réserve naturelle.

76

T E R R E S A U S T R A L E S E T A N TA R C T I Q U E S F R A N Ç A I S E S



RECETTE BENOÎT VANTAUX PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

Recette de l’Atelier de Ben

Makis

au fromage frais velouté d’avocat tomates séchées & shiso 78

PA P I L L E S E N F Ê T E


Ingrédients pour 8 personnes 150 g de riz à sushi 375 g d’eau 5 ml de Mirin 45 ml de vinaigre de riz 1 cuillère à café rase de sel 1 cuillère à café rase de sucre 12 pétales de tomates confites 100 gr de fromage frais type Boursin sel, poivre 4 feuilles d’algues Nori 1 avocat mixé en pulpe 1 courgette 2 barquettes de shiso 1 poignée de petits pois frais Matériel : siphon, natte à maki Recette par étapes 1. Laver le riz plusieurs fois. L’égoutter et le mettre dans une casserole avec l’eau froide. Le faire cuire environ 15 minutes à couvert, puis le laisser encore 10 minutes à couvert, hors du feu. mélanger le mirin, le vinaigre de riz, le sel et le sucre. incorporer ce mélange au riz chaud ; filmer au contact et réserver au réfrigérateur. 2. couper la courgette en lanières, cuire les petits pois à l’anglaise. 3. Poser une feuille de nori sur la natte, le grand côté devant soi. Avec une cuillère en bois mouillée, étaler le riz en gardant une bande d’algue visible sur le bord en haut. étaler une bande de fromage et une bande de tomates collées ensemble. Avec un pinceau, humidifier la bande d’algue visible et rouler en serrant bien. filmer. Procéder de la même manière pour les 3 autres rouleaux. mettre au réfrigérateur 2 heures. 4. couper les rouleaux en 6 tronçons et disposer 3 makis avec la garniture.

T. 0262 217 403

35 avenue de la Victoire 97400 Saint-Denis île de La Réunion

BONNES POUR NOTRE SANTÉ

Pour accompagner ce plat à l’esprit japonais, la Cave de la Victoire vous conseille un Jasnières sec, Domaine de la Roche Bleue 2013. Bon appétit ! Restaurant l’Atelier de Ben 12, rue de la Compagnie Saint-Denis T. 0262 41 21 40

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