Bat'Carré N°5

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NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012

Luc Schuiten L'ÉCOLOGIE VISIONNAIRE

ON DIRAIt LE SuD VOyAGE EN AfRIquE

RENCONtRE RAphAëL ChANE NAm

DIORÉ

LA VALLÉE SuSpENDuE

CARRÉ

BAT’



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CARRÉ

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ÉVASION CULTURELLE ÉVASION ROMANS DU MONDE ÉVASION JEUNESSE AU CŒUR DE L’ÎLE DIORÉ, ENTRE DEUX ÉPOQUES RENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERT : LA VALÉE SUSPENDUE DE PETIT TROU CHRONIQUE AKOUT GRÈN SÉMÉ DÉVELOPPEMENT DURABLE LUC SCHUITEN, L’ÉCOLOGIE VISIONNAIRE SAVOIR-FAIRE CLAUDE COVINDIN, COLLECTIONNEUR DE GÉNIE RENCONTRE RAPHAËL CHANE NAM, LE MERLE BLANC DANS TOUTE SON EXCEPTION HORIZON SAUVAGE À MADAGASCAR VOYAGE-VOYAGE ON DIRAIT LE SUD, VOYAGE EN AFRIQUE AU FIL DES FESTIVALS IMAGES DU MONDE QUI VIENT RENDEZ-VOUS BD FRANÇOIS SCHUITEN, LE GOÛT DE L’AVENTURE PAPILLES EN FÊTE RECETTE DE L’ATELIER DE BEN TENDANCES HIGH TECH ET SHOPPING RÉUNIONNAIS DU MONDE UNE RENCONTRE AU SOMMET, ÉPISODE 2 JEUX RÉSULTATS DES JEUX

Erratum Malgré le grand soin apporté à la relecture, quelques erreurs se sont glissées dans le précédent numéro. Nous tenons à présenter toutes nos excuses en particulier à Christian Vaisse, ainsi qu'à son épouse Jacqueline, pour avoir oublié de signer ses photos dans le reportage de Rodrigues (page 50 et la photo sur la double page 52/53).

Tous droits de reproduction même partiels des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

Couverture Illustration de Luc Schuiten Éditeur BAT’CARRÉ SARL bimestriel Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463

Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 29 47 50 Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs René Robert, Stéphane Maïcon Véronique Lauret, Guillaume Peroux Marine Veith, Rodolphe Sinimalé Francine George

Secrétaire de rédaction Aline Barre Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org Photographes Serge Marisy, Hervé Douris Stéphane Maïcon, Jean-Noël Enilorac, Gaël Sartre, Thierry Hoarau, Sylvain Brajeul, Pierre Choukroun Illustrateurs Luc Schuiten, François Schuiten

Création & exécution graphique Crayon noir Vifs remerciements à René Robert, Luc Schuiten, Raphaël Chane Nam, René Bouvet Caroline, Benoît Vantaux, Yves Bosquet, pour leur précieuse collaboration

Développement web Anli Daroueche, Axe Design Publicité Francine George : 0262 28 01 86 Anli Daroueche : 0692 29 47 50 Distribution TDL Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André


Dans ce numéro dédié au développement durable, nous évoquons quelques pistes prouvant qu’il existe bien d’autres façons de vivre plus en harmonie avec la nature. Pendant que Luc Schuiten invente les cités végétales et les transports modulaires, son frère François dessine ses utopies en BD. Il était l’invité du Festival Étonnants Voyageurs à Saint-Malo qui s’interroge, lui aussi, sur le monde de demain en organisant plus de trois cents rencontres avec des écrivains venus des quatre coins de la planète. À La Réunion, René Robert, quant à lui, nous interpelle sur la vallée suspendue de Dioré. Hier et aujourd’hui, la terre a creusé son sillon et il serait grand temps maintenant de la préserver avant que ses ressources naturelles ne disparaissent. Une belle utopie que de penser que nous devons changer de comportement ? Raphaël Chane-Nam nous raconte sa trajectoire atypique d’entrepreneur, fleuron pour un temps de l’économie réunionnaise, tandis que Claude Covindin, bricoleur dans l’âme, passe sa vie à chiner les trésors du passé. Dans ces portraits, la balade que nous vous proposons apporte un autre regard sur les ressorts de la nature humaine. Sur le site www.batcarre.com, vous pouvez découvrir en photos et en vidéos des compléments aux articles que vous avez appréciés. Ce site est le vôtre, n’hésitez à poster vos commentaires, vos idées, vos réactions, vos coups de cœur, vos coups de gueule… Autre nouveauté, l’abonnement au magazine pour un an. Si vous souhaitez recevoir, en premier dès la parution, le magazine mis sous pli, chez vous, dans votre boîte aux lettres, c’est maintenant possible grâce au bulletin d’abonnement qui figure en dernière page. Bonne balade à tous !

Francine George



SÉLECTION

FRANCINE GEORGE

PASSEPORT POUR L’ÉMIGRATION

LES MURS RACONTENT

Ce livret de la taille d’un passeport interpelle les adolescents, mais s’adresse également aux parents. C’est la guerre en France. Le jeune héros quitte son nid douillet et se trouve transplanté dans un camp de réfugiés en Egypte. Fuite, exil, survie sont décrits au scalpel. Quelques illustrations de Jean-François Martin rythment judicieusement cette descente aux enfers.

Jean nous livre un récit captivant de la vie quotidienne au Continental, l’hôtel de son père pendant l’occupation. Il n’a qu’une dizaine d’années et pose un regard intrépide sur le drame qui se noue. Pau est alors en zone libre et nombre de réfugiés s’arrêtent là avant de fuir en Espagne. En 1942, la Wehrmacht s’y installe sur deux étages, tandis que son père continue d’héberger clandestinement des familles juives. Cette autobiographie incroyable dépasse largement le premier cercle des Palois qui s’y reconnaissent, pour toucher tout le monde par sa forte authenticité.

GUERRE – ET SI ÇA NOUS ARRIVAIT JANNE TELLER EDITIONS LES GRANDES PERSONNES

L’HÔTEL DES OMBRES JEAN TOUYAROT EDITIONS DU SEUIL

TITRE

TITRE

AUTEUR

AUTEUR


É VA S I O N R O M A N S D U M O N D E · 5

LA RÉVOLUTION DE L’INTIME

B(R)AISES

Xinran, pseudonyme d’une journaliste chinoise émigrée à Londres, évoque, à la manière d’un récit de fiction, des tranches de vie bien réelles de nombreuses femmes chinoises qui se confient dans la terreur des représailles. Expérience vécue par l’auteur, qui a réussi à imposer chaque soir dans son émission de radio les témoignages laissés sur son répondeur. Avec une grande tenacité Xinran mène ses enquêtes pour témoigner de la souffrance des Chinoises quelle que soit leur condition sociale. Ce livre poignant ne manque pas d’humour et raconte avec beaucoup de fraîcheur le combat de ces femmes, leur intimité et leur éveil à une nouvelle vie.

Un rappel sur ce livre qui ancre son histoire sulfureuse sur les pentes du volcan. Prix Vanille 2012, nous tenons à présenter nos excuses à l’auteur pour le bug sur sa présentation parue dans Bat’carré N°4.

CHINOISES XINRAN EDITIONS PICQUIER POCHE

B(R)AISES JOËLLE ÉCORMIER EDITIONS OCÉANS ÉDITIONS

TITRE

TITRE

AUTEUR

AUTEUR


É VA S I O N J E U N E S S E · 6

AUTEUR

TITRE UN CŒUR DE SARDINE JOËLLE ÉCORMIER ET CLAIRE GABORIAU EDITEUR OCÉAN JEUNESSE

GUERRE – THEFERLESS ANNE HERBAUTS LES ALBUMS CASTERMAN

TITRE

AUTEUR

EDITEUR

AUTEUR

TITRE MON VOYAGE EN GÂTEAU ALICE BRIÈRE-HAQUET ET BARROUX EDITEUR OCÉAN JEUNESSE

TITRE

DÉCLARATION D’ANNIVERSAIRE AUTEUR ELÉONORE CANNONE EDITEUR OCÉAN ADOS

SÉLECTION

VÉRONIQUE LAURET

À L’EAU OU À L’HUILE ? Long poème en vers où il est question de Robert, une sardine qui préfère vivre sur une étagère, Un Cœur de sardine resplendit des couleurs de Claire Gaboriau qui nous fait voyager entre mer et cuisine, à travers une jolie histoire d’amitié, de celle qui heurte parfois mais toujours soutient quand les cœurs deviennent gris. INFINIE BEAUTÉ DU BLEU Le dernier album d’Anne Herbauts fait partie de ces livres qu’on s’offre pour le plaisir, pour la beauté. Et l’offrir à nos enfants n’est finalement qu’un prétexte. D’une histoire simple, celle de Theferless, hirondelle blessée accueillie le temps d’un hiver dans une famille, Anne Herbauts fait de la magie : celle d’un texte tout en poésie douce et d’illustrations éblouissantes qui donnent des envies de liberté, d’infini, d’aller se perdre dans les bleus des ciels et des mers lointaines. Époustouflant ! HISTOIRE GOURMANDE Un livre à partager à l’heure du goûter. À lire d’abord pour tout connaître des ingrédients nécessaires à la confection d’un bon gâteau. Un livre qui nous fait voyager entre champs de cannes, mers lointaines, usines, champs et fermes. Une fois le livre refermé, on n’a plus qu’une envie : déguster un bon gâteau à la vanille dont la recette nous est gentiment fournie par l’auteur. De quoi réveiller les âmes de pâtissiers ! C’EST MON CHOIX ! Le soir de ses dix-sept ans, Aurélien s’apprête à faire, à sa famille, une déclaration qui devrait bien faire l’effet d’une bombe. Roman choral, Déclaration d’anniversaire livre tour à tour la voix des six personnages réunis autour de la table. Dans cette famille pas tout à fait comme les autres où il semble régner un grand vent de liberté, il n’est pas toujours facile d’imposer sa voie. Mais avec une bonne dose d’amour, tout est possible. Et l’amour, cette famille-là n’en manque pas !



PETIT ÉCART PERCHÉ SUR LES HAUTEURS DE SAINT-ANDRÉ, DIORÉ ATTIRE RÉGULIÈREMENT PIQUE-NIQUEURS ET RANDONNEURS. LES QUELQUES FAMILLES QUI Y MÈNENT AUJOURD’HUI UNE VIE TRANQUILLE ONT ÉCRIT LE PASSÉ DU VILLAGE. UNE HISTOIRE LIÉE À LA CANNE, EMPREINTE D’ENGAGISME ET DE MARRONNAGE.


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TEXTE

&

PHOTOGRAPHIE

STÉPHANE MAÏCON

entre deux époques AU C Œ U R D E L’ I L E · 26


AU C Œ U R D E L’ I L E · 10

UN NOM CHARGÉ D’HISTOIRE Quelques spécialistes ont tenté de se pencher sur l’histoire de Dioré, mais il n’existe que peu de traces écrites des premiers temps du village. Pour autant, tous s’accordent à dire que des esclaves échappés des grandes plantations de l’Est de l’île sont venus trouver refuge dans ces parages. Une présence marquée par des noms, comme celui de Sarabe, autre écart limitrophe de Dioré. Sarabe ne serait autre qu’un Noir marron qui profitait de ce superbe balcon sur la côte pour guetter l’arrivée des chasseurs d’esclaves. La forêt prodiguait alors une profusion de cachettes et constituait une réserve de nourriture et d’eau. D’ailleurs, l’on y trouve encore aujourd’hui des lianes patates, voire d’autres légumineuses qui attestent de cette présence. Et si le danger devenait trop important, il suffisait d’un rien pour s’engouffrer dans le cirque de Salazie. Aussi étrange que cela puisse paraître, Dioré, quant à lui, tient son nom de la famille Dioré, originaire de La Rochelle. En effet, Hélie Dioré de Périgny débute sa carrière militaire au régiment Vivian Saint-Christeau, en 1704, avant de passer l’année suivante au régiment de Cayeux. Il sera nommé capitaine au régiment de La Tour, puis réformé en 1723 avant de prendre pour épouse Henriette Juppin, au mois de novembre de la même année, à La Rochelle. Le sieur Hélie Dioré de Périgny touche nos côtes en 1725, accompagné de son épouse et de son beau-frère, Jacques Juppin de Fondaumière, qui lui sert de secrétaire, le commandant Dioré étant illettré ! Pour lui conférer une certaine aura, nécessaire à ses nouvelles fonctions, il sera fait chevalier de Saint-Louis. Il est alors chargé par la Compagnie des Indes d’enquêter sur les activités de son prédécesseur, accusé de faire du commerce pour son propre compte et par là même, de négliger les intérêts de la Compagnie. Il est également à l’origine de la création du quartier de Saint-Louis, dans le Sud de l’île, ainsi nommé en l’honneur du Roi Louis XV. Malheureusement pour lui, son nom est associé à la crise du café, dont les cours chutent. Finalement, en mai 1727, Hélie Dioré de Périgny prendra la place du Chevalier de Nyon comme gouverneur à L’Isle de France (Maurice). Sicre de Fontbrune le remplacera à Saint-Denis, en attendant l’arrivée du nouveau gouverneur :

Pierre-Benoît Dumas. Hélie Dioré de Périgny mourra en 1741, laissant derrière lui sept enfants, tous nés à Bourbon. Parmi eux, Claude Elie Dioré de Périgny, né le 26 mars 1727 à Saint-Denis. À l’âge de 20 ans, il quitte son île natale et rejoint la première compagnie des Mousquetaires du Roi. Il fait la guerre des Flandres, sous les ordres du Maréchal de Saxe et prend part aux célèbres batailles de Fontenoy et de Roccaux. Il épousera Marie Madeleine Panon le 9 septembre 1755 et passera ensuite dans l’armée des Indes, avec le grade de Capitaine. En 1761, il sera fait prisonnier, au moment de la chute de Pondichéry. Dioré retrouvera Bourbon en 1763, où il assurera le commandement du corps des gendarmes, puis celui du quartier de Sainte-Suzanne. Le 23 décembre 1772, il est fait chevalier de Saint-Louis et en 1777, il retourne à Pondichéry où il sera aide de camp du gouverneur Bellecombe. Il prend part au glorieux combat naval livré au large de Pondichéry en 1778 et devient lieutenant-colonel en 1780. En mai 1785, Claude Elie Dioré de Périgny est nommé gouverneur de Bourbon à la place d’Alexandre François Chalvet, Baron de Souville. Créole, il connaît les hommes et les dossiers et montre son attachement à Bourbon alors que la politique française, dans l’Océan Indien, est en pleine mutation. Réorganisation administrative et contraintes budgétaires dominent la période qui suit le Traité de Versailles. C’est désormais à L’Isle de France que siège le gouvernement général des établissements français, à l’Est du Cap de Bonne Espérance. Bourbon compte alors 44 717 habitants, dont 8227 libres (Blancs et libres de couleur) et 36 490 esclaves. Sur le plan économique, l’île jouit d’une certaine prospérité. Malgré les crises, le café occupe une place prépondérante et continue d’assurer la réputation de la colonie. Claude Elie Dioré de Périgny est finalement remplacé par David Charpentier de Cossigny qui prendra les fonctions de gouverneur de Bourbon, le 9 mars 1788. Dioré meurt à SaintAndré le 2 août 1803. C’est vraisemblablement à la suite de son décès, et en hommage au travail accompli par le premier gouverneur créole de la colonie, que ce futur camp d’esclaves sera baptisé Dioré.



Allons pren’Dioré en main 0262 97 30 42 ou 0692 56 08 32

LES ENGAGÉS DU SUCRE ARRIVENT À DIORÉ

LES ANCIENS RACONTENT LES PREMIERS TEMPS

En l’espace d’un demi-siècle, la culture du café sera abandonnée à Bourbon pour laisser place au roseau magique : la canne. Après l’abolition de l’esclavage proclamée en 1848 par Sarda Garriga, les engagés du sucre ont déferlé sur l’île. Les premiers calbanons (ou casebanons) seront bâtis à cette époque. Des familles entières s’entassaient dans ces constructions de forme allongée. Ce furent les premières habitations de Dioré, sans oublier les cases en paille des camps malgaches, aujourd’hui totalement disparues. Pour autant, les calbanons de pierre ont presque subi le même sort. Il ne demeure que deux ou trois pans de murs, dissimulés derrière des rideaux de canne. Bien souvent, les nouveaux propriétaires ont abattu ces vestiges, pour gagner de la place ou parfois par peur des services malgaches que certains y organisaient encore. L’histoire des gens modestes n’est jamais écrite. Elle est orale et se passe de génération en génération. Et la mémoire s’efface au fur et à mesure que les anciens disparaissent. Voilà pourquoi il est si difficile de raconter les quelques décennies qui séparent Dioré du XX e siècle. C’est aussi la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, les habitants du village tiennent tant à ces ruines. Elles sont leur unique livre d’histoire, écrit dans la sueur et la peine, sous le soleil brûlant des tropiques. Elles sont les sépultures que ces gens pauvres n’ont jamais eues. On vient s’y recueillir.

Dans l’histoire contemporaine de Dioré, la doyenne, Simone Imiza a disparu en 2010. Edwige Rivière, de la même génération, est arrivée à Dioré à l’âge de 27 ans. Elle nous raconte ses souvenirs. Originaire de Mont-Vert où elle plantait le vétiver et le géranium sur le domaine Vidot, elle arrive sur la propriété Payet le 9 mars 1966. La société Payet avait eu l’idée de faire construire un lotissement au beau milieu de sa propriété pour loger ses employés. « Mon mari était venu chercher du travail, comme journalier dans la canne. Je suis arrivée avec mes trois enfants ; deux autres naîtront ici. La semaine était payée une misère. En ce temps-là, c’était le mari qui ramenait la paye. Et comme, en chemin, il s’arrêtait toujours à la boutique pour boire un coup, je priais pour qu’il reste quelque chose ! J’en étais réduite à compter le nombre exact de pintes de riz nécessaires pour la semaine et c’était à une près. Il n’y avait pas de bus scolaire, de sorte que mes enfants partaient à l’école à pied. Nous n’avions pas beaucoup de vêtements non plus. Nous pouvions garder le même linge trois ou quatre jours de suite. La semaine, nous mangions du riz, des pois et des brèdes. La viande, quand il y en avait, ça n’était rien que le week-end. Notre seule satisfaction était d’avoir une case en dur et d’avoir l’eau courante, quand elle coulait ! Sinon, il me fallait aller à la rivière, un fer-blanc sur la


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tête. Nous allions aussi y laver le linge et ramasser dans les bas et bien des enfants pratiquent des activités de loisirs en ville. Et l’ADSL a fait le reste… du bois. En somme, ce qui fut un inconvénient s’est transEt puis mon mari a été nommé commandeur, on formé depuis en qualité de vie. Dès lors, Dioré ne disait aussi garde-champêtre. Il avait trois ou voit pas toujours d’un très bon œil ces nouvelles quatre journaliers sous ses ordres. Grâce à ce bâtisses qui champignonnent de-ci de-là. statut, le maire a fait installer l’unique téléphone La forêt de Dioré est classée en Espace Naturel de Dioré chez nous et j’en étais responsable. Les gens me payaient leur communication et je Sensible (ENS) sur 250 hectares afin de protéger reversais l’argent à la mairie qui ne me payait pas la biodiversité qu’elle abrite. Comme dans les 21 grand-chose. Le téléphone sonnait à toute heure autres ENS de La Réunion, le Conseil Général est du jour et de la nuit. J’étais chargée d’apporter propriétaire des terres et confie la gestion et des messages à tout le monde. S’il était trop tard l’entretien des sites à des associations locales. À ou que c’était trop loin, j’attendais le lendemain. Dioré, c’est à l’association « Allons pren’ Dioré en J’annonçais les mariages, les décès. On m’a fait main » qu’incombe cette tâche. Qu’ils soient emplois aussi beaucoup de blagues, pas toujours du verts, animateurs d’ateliers, guides de terrain ou meilleur goût, comme cette fois où un homme simples administrateurs, tous sont extrêmement m’a appelée en pleine nuit pour que j’aille racon- motivés et investis par leur mission et le résultat ter à sa famille qu’il avait été poignardé et qu’il est là. était à l’hôpital ! » En 1962, le cyclone Jenny a détruit les dernières cases en paille. Les maisons du lotissement Payet venaient d’être terminées mais n’avaient pas encore été livrées. Aussi, les sans-abris ont forcé les portes pour y trouver refuge. Dioré connaîtra sa première école en 1963, sous l’impulsion du maire de Saint-André de l’époque, Monsieur Jean Ramassamy. La première institutrice fut madame Lucette Grondin et elle venait de Saint-Louis. En 1970, la SAFER a repris les terres Payet et chaque colon a obtenu une parcelle et une maison dans le lotissement. Les quelques maisons encore disponibles ont été achetées par des gens qui n’étaient pas agriculteurs. Dans la foulée, le nouveau maire, Jean-Paul Virapoullé a fait installer l’électricité. En 1984, l’école actuelle est inaugurée. L’ancienne école deviendra la future église.

BALADE INSOUCIANTE À DIORÉ

L’itinéraire qui conduit au départ de la balade est très bien signalé. Il débute sur une large piste bétonnée, à l’ombre des tulipiers du Gabon. Un peu plus haut, de forts jolis kiosques ont été installés. Mais il faudra se lever tôt pour profiter des meilleures places, car elles sont chèrement défendues par les habitués ! À chaque pas, les panoramas sur la côte prennent un peu plus d’ampleur. L’on comprend mieux alors la retraite de l’esclave Sarabe et l’on imagine sans peine l’homme scrutant l’horizon. Passées les dernières cultures vivrières, le sentier serpente au milieu de murailles de goyaviers qui ont également contribué à faire la réputation des lieux. Puis s’annonce la forêt, dense et zébrée de ravines. L’ascension est parfois rude, mais au bout de l’effort, c’est un superbe point de vue sur le cirque de Salazie qui attend le marcheur au sommet. Un LE LENT CHEMINEMENT point de vue méconnu qui ouvre sur le profond DU VILLAGE cassé de la Rivière du Mât. À gauche, le rempart Aujourd’hui, Dioré est à la croisée des chemins. de Bélouve, à droite, celui de Sainte-Marie, au fond, En effet, le petit village d’à peine 300 âmes, niché le Piton des Neiges, tandis qu’au beau milieu à sept petits kilomètres du centre-ville de Saint- trône la tour de guet du Piton d’Anchaing. André, a longtemps fait partie d’un autre monde. Démunis et livrés à eux-mêmes, les habitants ont Et soudain, l’on prend toute la mesure de l’île : appris à s’entraider et une formidable solidarité un cœur vert, refuge nourricier où histoire et s’y est développée. Maintenant, les bus montent légendes s’unissent pour donner naissance à à Dioré, la plupart de ses administrés travaillent l’âme créole.


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TEXTE

RENÉ ROBERT HERVÉ DOURIS

PHOTOGRAPHIE

LA VALLÉE SUSPENDUE

DE PETIT TROU UN RÉSUMÉ FACILE SERAIT DE DIRE QUE LES PAYSAGES NATURELS DE LA RÉUNION SONT LA CONSÉQUENCE D’UN MATCH, LOIN D’ÊTRE TERMINÉ, ENTRE LE FEU DU VOLCAN ET L’EAU DES TORRENTS. MAIS L’HISTOIRE NATURELLE RÉSERVE BIEN DES SURPRISES. LA CONSTRUCTION CLASSIQUE DES VALLÉES ENCAISSÉES Dans l’évolution des paysages de l’île, on a coutume d’opposer les périodes de constructions, généralement volcaniques, aux périodes de destructions, liées aux effondrements de terrain et à l’érosion de nombreux torrents. Dans l’histoire des reliefs de l’île, il y a eu une foule de séquences où des masses imposantes de constructions volcaniques ont disparu à jamais de la surface pour se retrouver sur les pentes sousmarines du volcan, à des kilomètres de la ligne de côte. Le long de la route forestière du Volcan, les grandes cicatrices, les remparts, témoignent de ces épisodes violents. Pareillement, de nombreuses vallées ont disparu de cette même surface parce qu’elles ont été ennoyées par des coulées qui ont utilisé cette canalisation pratique pour aller vers l’océan. C’est l’exemple de la vallée de la Rivière Saint-Denis ou de celles, proches, de la Rivière Langevin et de la Rivière des Remparts… En général, les torrents se taillent une vallée de plus en plus profonde, avec des remparts qui restent proches : ce sont des vallées encaissées, ou des « gorges ». C’est l’exemple de Takamaka ou celui encore de la Rivière de l’Est. Sur la carte (car ce n’est pas toujours possible de l’observer par la route : exemple la vallée du Bras de Caverne jusqu’au Trou de Fer, seulement visible en survol), on suit aisément l’encaissement de ce torrent, de l’aval jusqu’à loin en amont. Plus l’érosion est puissante et plus elle a eu du temps de travail, et plus l’encaissement remonte loin en amont.


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La Rivière du Mât répond à cette définition : le CD 48 emprunte une vallée encaissée de la sortie de Saint-André jusqu’à l’Ilet Morin, soit à l’entrée du cirque de Salazie. Mais du fond de la vallée, certains reliefs, étranges et somptueux, échappent totalement au regard. Les travaux menés pour le dossier de candidature de l’île au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, l’utilisation de moteurs de recherche comme GOOGLE EARTH, ont permis de les découvrir et de s’interroger sur leur histoire.

L’EXEMPLE SINGULIER D’UNE VALLÉE « SUSPENDUE » Le survol en ULM a permis au photographe de mettre à notre portée une forme de vallée très nette, située à environ 250 m au-dessus de la vallée actuelle de la Rivière du Mât, approximativement au-dessus de la zone comprise entre le Pont de l’Escalier et la sortie du village de Petit Trou. Elle est moins encaissée que la vallée actuelle, mais elle l’est suffisamment pour s’imposer au regard des promeneurs qui vont de Dioré à la Plaine des Fougères, ou à celui des personnes qui font le survol de l’île. Que fait à cette altitude une vallée qui ne sert plus à l’écoulement des eaux de la Rivière du Mât, c'est-à-dire des eaux qui viennent du cirque de Salazie ? Il est assez facile d’imaginer que la Rivière du Mât, jadis (mais il y a combien de temps, combien de milliers d’années ?), devait emprunter cette vallée. Mais pourquoi cette vallée a-t-elle été abandonnée, certainement brusquement ? Les questions ne manquent pas. Les réponses ne peuvent être que des hypothèses, des essais d’interprétation d’une histoire qui s’est déroulée bien avant l’arrivée des hommes dans l’île. La plus probable est que cette région ait été victime d’un effondrement de terrain, suffisamment important pour entraîner les eaux d’écoulement dans une autre direction, la direction actuelle de la vallée de la Rivière du Mât. Dans des thèses de la fin du XXe siècle, certains géologues font état de mouvements de terrain importants dans cette zone. Par ailleurs, la difficulté d’accès et la difficulté d’observation du site compliquent la tâche des curieux de la nature réunionnaise. En attendant, la beauté des images suffit à notre plaisir de découvrir l’un des nombreux charmes de l’île.


CONCLUSION Des exemples de vallée suspendue au-dessus du vide ne manquent pas dans l’île : la Fenêtre des Makes (Bras Patate), la Fenêtre au-dessus de Grand Ilet (Bras Sainte Suzanne), les ravins du Dimitile… mais ces vallées ne sont « suspendues » dans le vide que du côté amont. Et pourtant, en cherchant bien, il existe un autre exemple de vallée suspendue, c’est celui de la vallée de la Grande Ravine. Elle est visible sur la nouvelle Route des Tamarins, surtout en aval du pont. Ceux qui s’intéressent de près à leur île l’ont sans aucun doute déjà repérée…

René Robert Directeur scientifique du dossier Patrimoine mondial de l’UNESCO A lire Regards sur le patrimoine naturel de La Réunion de René Robert


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Bonjour Carlo. L'écriture et la poésie te fascinent, tu es un homme de mots. Peux-tu nous définir l’univers artistique de Grèn Sémé ? Grèn Sémé est à l’image de La Réunion, c’està-dire mélangé. Tout d’abord au niveau des influences propres à chaque membre du groupe. On peut retrouver des touches de rock, de reggae, de seggae, de jazz, de musique électronique et aussi de chanson française. Ce mélange vient servir un Maloya métissé où la tradition et la modernité se mêlent, toujours au service des mots. J’ai la double culture, française et créole. Dans notre maloya les deux cultures se fondent et se servent réciproquement. Nous faisons, peut-être malgré nous, un pont entre ces deux cultures.

TOUJOURS EN RECHERCHE DE NOUVELLES SONORITÉS, GRÈN SÉMÉ FAIT VARIER SA MUSIQUE SUR LE THÈME DE LA RENCONTRE DES CULTURES ET DES GÉNÉRATIONS. LE MALOYA DEVIENT ENTRE LEURS MAINS UNE COULEUR DE PLUS DANS LA PALETTE DES DIVERSITÉS CULTURELLES ET MUSICALES FRANÇAISES. CARLO DE SACCO, À L’ORIGINE DU GROUPE, NOUS LIVRE SES IMPRESSIONS AU RETOUR DU PRINTEMPS DE BOURGES OÙ IL REPRÉSENTAIT LA RÉUNION. Retrouvez Grèn Sémé en vidéo sur la scène du Printemps de Bourges : www.edition2012.printemps-bourges.com

Après avoir semé cette petite graine à Montpellier en 2006, quel vent t’a poussé à revenir sur la terre réunionnaise ? Né à La Réunion, je faisais tout simplement mes études à Montpellier. Même si j’y ai passé de très belles années, j’ai toujours été pressé de rentrer. La Réunion, c’est la terre qui me ressource. Je trouve mon équilibre dans la nature qui, ici, nous entoure. J’espère voyager le plus possible avec la musique, faire des rencontres artistiques et humaines. Mais continuer de vivre à La Réunion. Et puis, il y a mes parents, ils ne sont plus très jeunes, je voulais être là.


Retrouvez Grèn Sémé sur Akout le portail de la musique réunionnaise : www.akout.com

PROPOS RECUEILLIS PAR

GUILLAUME PEROUX PHOTOGRAPHIE

FATCH


C H R O N I Q U E A K O U T · 20

En tant que lauréat 2011 du concours « 9 semaines et 1 jour », tu as pu te produire au Printemps de Bourges. Tout juste de retour, peux-tu nous dire comment tu as vécu cette aventure ? Grèn Sémé a été séléctionné pour représenter La Réunion dans le cadre des « Découvertes printemps de Bourges 2012 ». Au départ, le concours « 9 semaines et 1 jour » sélectionnait seulement le chanteur, ce dernier était accompagné par des musiciens professionnels, mais comme dans le maloya le Roulèr est indispensable, j’ai insisté pour que Moana Apo, le percussionniste du groupe, puisse venir jouer avec moi. Ça a été accepté et nous avons fait cette grande expérience ensemble. Nous avons eu la chance de travailler avec des musiciens internationaux, dont le talent était à la mesure de leur simplicité. J’ai rencontré à cette occasion Mr Dominique Fillon, qui était directeur musical du spectacle et avec qui j’ai réellement sympathisé tant au niveau humain qu’au niveau artistique.

Quel impact cette expérience personnelle a-t-elle eu au niveau du groupe ? L’impact a été très positif ! En fait c’est le groupe qui m’a poussé à m’inscrire à « 9 semaines et 1 jour ». Au début, je ne le voulais pas, car je me disais que c’était un concours télévisuel avec tout ce qu’on peut y voir de péjoratif. Puis j’ai réalisé que c’était en fait un concours récompensant les « Auteurs/Compositeurs ». Le groupe était très heureux quand j’ai été lauréat. De plus, cette expérience nous a fait grandir, pousser ! Nous avons réalisé que notre musique en plus de nous plaire, pouvait plaire également aux autres. Notre objectif, dès mon retour, était de pouvoir renouveler une expérience de ce type, mais avec la formation complète.

découvrez Grèn Sémé sur www. akout.com

Dis-nous quelques mots sur ta rencontre et collaboration avec le musicien, compositeur et arrangeur, Dominique Fillon ? Ma rencontre avec Dominique s’est faite lors des répétitions du spectacle « DOM-TOM folies ». Il m’a complimenté sur le morceau « Papiyon » et m’a dit qu’il voulait le mettre à la fin du spectacle, pour « clôturer en beauté ». J’ai été très touché par ses mots. Moi je ne le connaissais pas réellement. J’ai tapé son nom sur internet et j’ai compris qui il était, aussi bien au niveau personnel que musical. En plus d’avoir accompagné les plus grands artistes français, il a réalisé les albums de Sanseverino et obtenu un disque d’or. Nous avons tellement accroché que nous nous sommes dit que nous allions travailler ensemble dans le futur. Nous sommes donc restés en contact par Skype où nous échangions nos idées. Un projet artistique a pris forme au cours de ces échanges et Dominique Fillon est arrivé à La Réunion en mars 2012 accompagné de ses musiciens Kévin Reveyrand, Francis Arnaud et Olivier Roman-Garcia. Nous avons fait une résidence de création tous ensemble (Grèn Sémé + Dominique Fillon quartet) au théâtre Canter de Saint-Denis. Cela a débouché sur trois concerts, dont un au théâtre de Saint-Gilles lors du festival Total Jazz. C’était une très belle collaboration tant au niveau humain que professionnel. Dominique a jazzifié notre maloya et nous avons mis du maloya dans son Jazz.

Le premier album est prévu pour courant 2012 et devrait être enregistré dans le studio de Yann Costa. Sans dévoiler de grand secret, à quoi peut-on s'attendre sur cet opus ? Nous pouvons nous attendre à un Pavé dans la Mare ! C’est notre premier album ! Avec tous les questionnements que cela comporte. Je travaille depuis toujours avec David Kolm. Lorsqu’on réfléchissait ensemble vers qui se tourner pour enregistrer l’album, Yann Costa était une évidence. J’aime Yann en tant qu’homme et en tant qu’artiste. J’aime sa sensibilité et son regard sur notre musique. Notre maloya est psychédélique et Yann aime ce genre d’ambiances et il a les capacités de les sublimer. Cela va être une belle co-réalisation entre son univers et celui de Grèn Sémé.



EDF

La forêt des énergies


© Thierry Hoarau

© Gaël Sartre

23 · P U B L I - R E P O RTAG E BAT ’ C A R R É

UNE BELLE INITIATIVE AU SERVICE DU PATRIMOINE NATUREL

UNE CONJUGAISON D’EFFORTS SOLIDAIRES

Louis Hoarau, agent EDF, est un amoureux de la nature et se désespère en voyant pendant plus d’un mois le spectacle de désolation qu’offre le Maïdo en feu. Mais il n’est pas homme à se laisser abattre et suggère en haut lieu une action de replantation. La direction d’EDF, touchée par cet élan du cœur et soucieuse d’agir positivement pour l’environnement, prend alors contact avec les spécialistes en ce domaine. La reconstruction des terres brûlées du Maïdo est encore prématurée. Par contre, le Parc National conduit une action de sauvegarde de la forêt semi-sèche dont il ne reste qu’1% de la surface d’origine. Pascal Truong, responsable de ce projet COREXERUN 1 est de suite mobilisé : « La préservation du patrimoine naturel de l’île ne doit pas être qu’une affaire de spécialistes, elle doit concerner tous les Réunionnais ». Un troisième acteur entre en scène avec enthousiasme, le lycée agricole de Saint-Paul, chargé de la croissance des plants. Le temps presse, les plantations ne peuvent se faire qu’en saison humide sur ce terrain chaotique préalablement labouré à la pelle araignée. Une date est arrêtée : le 31 mars 2012.

Ce samedi matin, le rendez-vous est fixé à la Grande Chaloupe au lever du jour. Près de 200 agents EDF et leur famille, accompagnés des élèves du lycée agricole de Saint-Paul, se répartissent en groupes pour participer à cette grande journée. La montée par le chemin des Anglais est éprouvante, mais l’ambiance est très animée, d’autant qu’une joyeuse cavalcade d’enfants s’est emparée des lieux. Un livret de reconnaissance des plantes leur est remis pour qu’ils puissent, tout en s’amusant, enrichir leurs connaissances en botanique. Puis, chacun, conscient de participer à la reconstruction de la forêt, s’applique à suivre les directives des personnels du parc qui encadrent le chantier. 300 arbres sont mis en terre ce jour-là. Un souffle d’énergie solidaire mobilise tous les acteurs présents sur cet hectare replanté avec conviction : « c’est quelque chose qui nous touche, on a envie de mettre notre grain de sel pour les générations futures ». Enfin, après tant d’efforts, tout le monde partage sa joie autour de caris cuisinés par l’association de la Grande Chaloupe. Rendez-vous pris pour l’année prochaine !

© Gaël Sartre

Toute l’opération a été montée en l’espace de Sur trois ans, 2 000 arbres seront plantés, un deux mois seulement. arbre par an pour chaque agent EDF.

1

Conserver, Restaurer et Reconstituer les habitats semi-Xérophiles du massif de La Montagne sur l’île de la Réunion (COREXERUN)


FRANCINE GEORGE LUC SCHUITEN TEXTE

ILLUSTRATION

du biomimétisme à l’archiborescence

L u c Sc huiten

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Entreprises Publiques Locales 2

Janine Beyrus est la fondatrice du mouvement aux États-Unis, son livre « Biomimicry, Innovation inspirée de la nature » est disponible en français aux éditions de L’échiquier.

LUC SCHUITEN, ARCHITECTE VISIONNAIRE ET DESSINATEUR DE GRAND TALENT, EST VENU EN NOVEMBRE DERNIER À LA RÉUNION PARTICIPER AU PREMIER FORUM PARTICIPATIF SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ PAR LES EPL 1. NOUS L’AVONS RENCONTRÉ À CETTE OCCASION POUR QU’IL NOUS EXPLIQUE SON CONCEPT D’« ARCHIBORESCENCE » ET SA VISION D’UN URBANISME LIÉ À DE NOUVEAUX MODES DE VIE ÉCOLOGISTES. ENTOURÉ DE BIOLOGISTES, CHIMISTES, INGÉNIEURS, MEMBRES, COMME LUI, DU BIOMIMICRY EUROPA, ASSOCIATION CRÉÉE À BRUXELLES EN 2006 ET CO-FONDÉE PAR JEANINE BENYUS 2, IL VA ALLER TRÈS LOIN DANS SES RECHERCHES ET NOUS EMBARQUE DANS UN FUTUR LOINTAIN, SANS DOUTE, MAIS QUI PORTE EN LUI L’ESPOIR DE VIVRE EN HARMONIE AVEC LA NATURE.


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POURQUOI L’ARCHIBORESCENCE ? Luc Schuiten se sent mal à l’aise dans le monde contemporain voué au pouvoir de l’argent qui s’effondre. « Les ressources fossiles s‘épuisent, la société de consommation pousse à acheter toujours plus pour finalement remplir la poubelle. Les champs d’OGM progressent autant que la déforestation, les bouleversements climatiques nous rappellent à l’ordre sans qu’il y ait vraiment de changement radical de comportement. Et quel avenir proposons-nous aux futures générations ! » Face à ce constat qui date maintenant de plusieurs décennies, il essaye de proposer des solutions en concevant d’autres modes de vie qui soient en osmose avec la nature. Il ne s’agit pas d’un rêve d’utopiste, mais d’une démarche construite, pas à pas, sur le modèle de la nature : « L’exemple est dans la nature. La nature c’est 3,5 milliards d’années de recherche et développement. Nous n’avons pas cette sagesse… ».

À partir du biomimétisme, c’est-à-dire de l’étude des formes, des matériaux et de l’organisation des écosystèmes, il imagine des habitations en harmonie avec l’environnement, des villes qui intègrent sur l’existant inerte des structures vivantes, et enfin le développement de cités archiborescentes. L’arbre est pour lui le modèle du vivant par excellence et sa démarche s’articule autour de cette notion d’archiborescence, contraction d’architecture et d’arborescence, c’est-à-dire « l’architecture qui utilise principalement pour matériaux de construction toutes formes d’organismes vivants ». Habiter dans un arbre n’est plus un rêve d’enfant, il devient une réalité Schuiten.


LE PREMIER EXEMPLE DE MAISON ÉCOLOGIQUE Il a voulu expérimenter personnellement son concept avant de le développer. La preuve par l’exemple. En 1976, après le premier choc pétrolier, il crée avec sa famille et ses amis sa première maison entièrement auto-suffisante avec énergie solaire (en Belgique), éolienne, récupération d’eau de pluie, jardin potager et verger bio. À cette époque, la maison Oréjona est un défi auquel personne ne croit. Avant d’y installer sa famille, il analyse les besoins et les aspirations des uns et des autres et conçoit un art de vivre ensemble, où l’espace permet à chacun d’y trouver ses marques. Il a également fabriqué lui-même le mobilier en bois brut pour rester ainsi en symbiose avec la forêt environnante. Cette maison recèle des trésors d’ingéniosité avec du mobilier multi-fonctions, une volonté de tendre vers l’autonomie complète appuyée par cette recherche constante d’esthétique qui conduit sa réflexion. La maison Oréjana pose un jalon précurseur dans la prise de conscience écologique et le mouvement underground des années 70.

Plus tard, dans la maison Dassonville, l’arbre stylisé au centre distribue les plateaux de vie, tel le pilier du monde dans les habitats de cultures traditionnelles qui relient la terre au ciel. Award 1991, elle est ainsi décrite : « une habitation dans laquelle la variété des espaces intérieurs et l’architecture extérieure constituent une promenade architecturale de grande qualité. » Puis, apparaîtront au fil du temps les habitats biosolaires de ville où la mitoyenneté n’empêche pas de cultiver la singularité. Le projet de la maison papillon en est un exemple. Issue d’un livre pour enfant, la façade mitoyenne donnant sur la rue est pourvue d’une colonne d’eau pluviale qui s’élargit en éventail à chaque demi-niveau pour former des bacs à plantes. « Ces bacs remplis de buddleias, arbres à papillons, sont arrosés par l’eau de pluie en provenance de la toiture ». Une invitation à imaginer des interprétations de la nature selon les préférences de chacun.


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LES NOUVEAUX MODES DE TRANSPORT SANS ESSENCE Luc Schuiten soulève l’enveloppe de l’habitacle et s’en extrait pour lancer, le sourire aux lèvres, que cette voiture est un bonheur à conduire en ville. Il se redresse, l’œil vif et lumineux, les cheveux en bataille, l’allure svelte du sportif d’endurance, et de sa voix ferme au timbre enfantin, explique le fonctionnement de l’automobile qu’il a conçue : silencieuse, propulsée par énergie électrique et régulée par la force musculaire, elle lui permet d’être totalement autonome dans ses déplacements. Avec des capteurs solaires, le coût à l’année est de zéro, sans capteur solaire, il est de 40 € ! Le futur existe déjà pour Luc Schuiten. Ce prototype est actuellement son mode régulier de déplacement, mais il en a bien d’autres dans ses cartons. Tout commence par un dessin avec Luc Schuiten. Depuis une quinzaine d’années, il

invente d’autres moyens de transport, des cyclos, des voitures, des trams, des avions, tous plus légers et plus amusants les uns que les autres, en gardant comme ligne de fond l’autonomie énergétique et l’envie de changer de mode de vie. Il remplit des carnets de dessins tous inspirés de l’observation de la nature, en cherchant à faire évoluer les comportements humains vers d’autres aspirations que celles de la domination machiste, développée par la civilisation automobile. Ici, des cycles se déplaçant par l’énergie musculaire avec assistance électrique à la demande. De nombreuses formes sont possibles, allongées, debout, semi–couchées, empruntées au monde animal, sauterelles, fourmis…elles varient selon les goûts et la fantaisie de leurs utilisateurs. Par exemple, le cycliste introverti, tel un scarabée du désert promenant sa carapace, s’abandonne à ses rêveries intérieures tout en protégeant avec


LES TOITS JARDINS DE BRUXELLES ses grandes roues son espace personnel. Là, des engins aériens nés de l’observation des grands rapaces qui planent, immuables dans le ciel. Ces ornithoplanes sont constitués d’une membrane qui capte l’énergie solaire pour la transformer en énergie électrique apte à actionner l’hélice et le battement des ailes. La transparence des matières gonflables permet d’observer tranquillement le panorama vu du ciel. Ou encore des véhicules urbains électriques emboîtables, comme le chenillard à la forme allongée d’une musaraigne, agrémenté d’un dossier arrière « bien fessu ». Il transporte deux à trois personnes et peut s’assembler à d’autres en convoi. Cet engin prend aussi la tangente dans des rues de traverse grâce à une certaine autonomie énergétique. En pilote automatique, il se dirige là où son ordinateur de bord lui indique d’aller. Ce n’est pas la course, il n’y a pas de dépassement possible et chacun circule à sa guise. Dans le même esprit, les tractainers transportent des convois de marchandises à leurs lieux de livraison. Luc Schuiten propose un cadre dans lequel s’installent de nouveaux rapports aux moyens de transport. L’individualisme et l’effet de puissance ne sont plus de mise, le ludique et l’esthétique priment. Imaginons les rues, les avenues des villes parsemées de ces véhicules légers comme autant de gouttelettes d’eau restant sur une feuille après la pluie ! Il en est de même pour les transports en commun. Souple, fonctionnel, modulable, le tramodulaire roule sur des rails alimentés en électricité par le sol (système APS), sans câble venant brouiller le paysage, comme le font actuellement les tramways de Bordeaux. Chaque engin, à l’image des ailes repliées d’un papillon, comporte sept places, trois en position assise à l’avant et quatre en position debout à l’arrière. Il est programmé pour se rassembler en convoi si besoin, ou en petites voitures urbaines autonomes. Le système fonctionne sur demande et la voiture ne s’arrête que s’il reste de la place. Plus de gaspillage, de transports vides aux heures creuses. Aux heures de pointe, l’assemblage de voitures règle la densité du trafic à partir d’un central informatique. Envolé le stress !

Luc Schuiten vit à Bruxelles. Il aime cette ville cosmopolite qui offre aux artistes un cadre de vie stimulant. C’est ici qu’il développe ses recherches de villes bio-futuristes et ce n’est pas un hasard si la première exposition Vegetal City se passe dans cette capitale européenne. Il se plaît donc à anticiper les évolutions de cet urbanisme mis sous pression. Sa démarche étant de se réconcilier avec son environnement, il ne s’agit donc pas de détruire ce qui existe, mais plutôt d’apporter des structures végétales au béton inerte dans un premier temps. Puis, les jardins verticaux investissent peu à peu les toitures. Des passerelles légères permettent de créer des liens et de redécouvrir le plaisir de se promener sur les toits avec le ciel comme horizon. La ville retrouve le clapotis du ruisseau, l’asphalte ne fait plus crisser les pneus, les arbres sur les toits jouent leur rôle protecteur tout en absorbant le gaz carbonique, les façades arrières forment des espaces de vie captant l’énergie solaire, les façades donnant sur la rue sont composées de loggias potagères, de cultures en espaliers jouant leur rôle d’isolation thermique… la nature respire et s’épanouit sans entrave, formant une nouvelle structure vivante, telle une forêt dans la ville. La ville est redonnée à ses habitants qui la transforment, la chérissent, lui donnent un nouvel élan.


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1850

2000

L’EXEMPLE EST DANS LA NATURE. LA MUTATION D’UNE RUE SUR TROIS SIÈCLES D’Où venons-nous, Où sommes-nous et Où allonsnous ? À ces questions d’ordre philosophique, Luc Schuiten répond par la trajectoire d’une rue sur trois siècles. Le dessin reste pour lui le plus approprié pour imaginer l’architecture, l’urbanisme et les moyens de transport du futur. C’est aujourd’hui un exercice difficile que de se projeter dans l’avenir tant les prédictions plombent tout espoir de mieux vivre. Pourtant, Luc Schuiten refuse le fatalisme et, à partir d’un même lieu, par sauts de cinquante ans, il inscrit les mutations écologiques sur la trajectoire du temps en enjambant le pont du passé au futur.

L’aventure commence en 1850. La révolution industrielle transforme le paysage de la ville, fumées des usines au-dessus des toits d’habitation, chauffage au charbon, l’eau va se chercher à la fontaine. En 1900, le boom immobilier transforme la ville, les infrastructures se développent, les salles de spectacles se multiplient. En 1950, le développement économique efface le traumatisme des deux guerres mondiales, la voiture est réservée aux plus nantis, le cinéma est à son apogée.


2050

2150

LA NATURE C’EST 3,5 MILLIARDS D’ANNÉES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT ! Des valeurs collectives des années 1900, on passe à l’ère de l’individualisme et de la réussite commerciale en 2000. Voilà brièvement retracées les grandes mutations du passé. 2050, la révolution informatique, l’achat par internet ne requièrent plus de se déplacer constamment, les moyens de transport deviennent collectifs. La rue n’a plus besoin de parcmètres, de panneaux de signalisation. En 2100, les technologies utilisant l’archiborescence permettent d’inventer de nouvelles formes d’espaces de vie. L’expression théâtrale habite la rue, les gens se déplacent en chenillards.

En 2150, la fin de l’histoire raconte une société qui a pleinement retrouvé le temps de vivre dans un cadre multidimensionnel où les écosystèmes s’emboîtent les uns dans les autres du sous-terrain jusqu’à l’aérien.


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LES CITÉS VÉGÉTALES Luc Schuiten a imaginé le futur d’autres villes que Bruxelles. Lyon, Nantes par exemple et leur revégétalisation possible à l’horizon du prochain siècle. Souvent sollicité à participer aux expositions universelles ou à des colloques sur des approches utopiques de l’avenir, il a conçu des cités archiborescentes qui s’adaptent à leur environnement naturel. Sa capacité à se projeter au loin pour explorer les potentialités du futur et inventer un monde meilleur est extrêmement rare.

LA CITÉ DES HABITARBRES « La cité des habitarbres se développe dans un environnement forestier remodelé, adapté aux besoins d’un nouveau mode de vie. Les habitants n’y sont plus des consommateurs de nature, mais les acteurs d’un nouvel écosystème dont la gestion permet l’épanouissement de chacun et gaLA CITÉ DES VAGUES rantit une durée et une évolution à long terme de « Cette ville en mouvance se renouvelle en per- la cité. Les parois extérieures sont constituées manence en une lente progression autour d’un d’une peau inspirée de la chitine des ailes de lilac, où la transhumance de ses habitants s’effec- bellules.» tue au rythme de la durée de vie de la structure principale de la cité : l’arbre. C’est un réseau complexe indissociable où les symbioses pren- LA CITÉ TRESSÉE nent une place primordiale. Les habitations se « Les habitats de cette cité sont constitués d’un trouvent dans des immeubles, vagues orientées maillage végétal produit par les racines d’un fiau sud vers un plan d’eau situé en contrebas. » guier étrangleur ayant poussé sur un arbre support. Celui-ci peut atteindre des hauteurs suffisantes pour concevoir des édifices élevés. L’URBACANYON Les parois extérieures des logements sont en « Situé sur un plateau découpé par de larges biotextiles, comparables à la substance du cocon failles labyrinthiques comme autant de craque- des vers à soie. La circulation dans la cité se fait lures dans un sol trop sec, chacun de ces îlots est par des passerelles surplombant la prairie sauconstruit suivant un procédé de découpage vage, permettant ainsi aux cycles naturels de se d’une nouvelle sorte de béton de silicate, dans poursuivre » un coffrage d’aspect rocheux. Tous ces îlots sont reliés entre eux par des passerelles permettant le déplacement à vitesse réduite des piétons et LA CITÉ LOTUS des cyclos, dans un environnement calme et bu- « Née de la rencontre entre Luc Schuiten et le colique. » réalisateur François Vives, cette cité est imaginée lors du tournage d’un film sur le lotus au Japon. Cette fleur, symbole ancestral de la spiritualité, se révèle aujourd’hui comme un emblème d’innovations technologiques, offrant d’innombrables champs d’investigations et d’applications possibles. »


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Luc Schuiten a tellement conçu, imaginé, dessiné ces nouveaux modes de vie écologiques qu’il dit aujourd’hui en substance : « J’habite beaucoup plus dans le monde que je dessine que dans le monde dans lequel je vis. Et j’ai voulu le rendre le plus agréable possible. » C’est ainsi qu’il nous invite à le rejoindre dans l’une de ses cités végétales. À vous de choisir et de rêver maintenant à un futur meilleur. http://www.archiborescence.net http://citevegetale.net

Les livres de Luc Schuiten aux Éditions Mardaga - Archiborescence (nouvelle édition) - Vers une cité végétale


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écologiques en complément de la lettre verte

LA POSTE CONTINUE SA PROGRESSION DANS LA VOIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE AVEC LA VOLONTÉ DE PROMOUVOIR UNE UTILISATION RESPONSABLE DU PAPIER. LE LANCEMENT DE LA LETTRE VERTE EN OCTOBRE 2011 S’INSCRIT DANS CETTE DYNAMIQUE, ET MAINTENANT, DE JOLIS TIMBRES ÉCOLOGIQUES VIENNENT COMPLÉTER LA GAMME. ILS SONT DISPONIBLES À LA RÉUNION DEPUIS LE MOIS DE MAI.


LA LETTRE VERTE PORTE SES FRUITS La lettre verte respectueuse de l’environnement avec moins d’émission de CO2, plus économique avec trois centimes de moins, est distribuée sous 48 heures. Au mois d’avril, le premier carnet de timbres écologiques de 20g est imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement avec des encres sans solvant.

Le timbre vert est beau, totalement recyclable, et célèbre douze interprétations de gourmandises fruitées au tarif lettre verte (0,57 cts au lieu du tarif courant à 0,60 cts).

UN BEL OISEAU POUR CHANTER LE MOIS DE MAI Au mois de mai, le premier bloc de quatre timbres pour la lettre verte fête les cent ans de la Ligue de Protection des oiseaux. Des oiseaux en voie de disparition comme le Balbuzard pêcheur, l’Outarde canepetière, la Gorgebleue à miroir et le Macareux moine, emblème de la Ligue, illustrent la volonté de sensibiliser au respect de la nature.

MAFATE ESTAMPILLÉ « TIMBRE EUROPÉEN » Toujours en mai, autre nouveauté avec la version 2012 du circuit « Visitez la France ». Cette édition française du timbre Europa publié par les pays membres de PostEurop, accompagne la lettre prioritaire de 20g vers l’Union Européenne et la Suisse. Sa valeur faciale est de 0,77 cts. Et, grande surprise, le cirque de Mafate fait partie des cinq sites sélectionnés aux côtés de la Tour Eiffel et du Mont Saint-Michel !


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TEXTE

& PHOTOGRAPHIE STÉPHANE

MAÏCON

BRICOLEUR DANS L’ÂME ET PASSIONNÉ DE MÉCANIQUE, CLAUDE COVINDIN N’A QUE DIX ANS LORSQU’IL RÉPARE SON PREMIER RÉVEIL. À 18 ANS, EN SUIVANT LES TRACES DE SON PÈRE, COMMERÇANT, AGRICULTEUR ET FERRAILLEUR À SES HEURES PERDUES, CLAUDE DÉBUTE SA GRANDE COLLECTE D’OBJETS DU QUOTIDIEN, MÉMOIRES VIVANTES DU MODE DE VIE DE NOS ANCIENS.

Claude Covin BAT’CARRé 24


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collectionneur de gĂŠnie


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La plupart du temps, Claude était de corvée. Corvée de boutique et de cour. « Le soir après l’école, il fallait confectionner les cornets de papier qui servaient à emballer le riz et les grains. Ou bien nous accompagnions papa lorsqu’il allait acheter le vin et le rhum en gros. Notre tâche consistait ensuite à transvaser l’alcool des dames-jeannes dans des bouteilles d’un litre. Nous collions ensuite les étiquettes sur les bouteilles. Sinon, je devais aller chercher l’eau, le bois et les herbes pour les animaux ».

L’ATTRACTIVITÉ DES MÉCANISMES Septième d’une fratrie de treize enfants, Claude Covindin passe les premières années de sa vie à Terre Sainte où ses parents tiennent un commerce. Lorsqu’il parle de son enfance, il évoque une période heureuse bien que modeste, sans oublier de préciser qu’à cette époque, c’était le lot du plus grand nombre. « Les parents étaient sévères, mais je ne le regrette pas. Nous n’avions pas tous les loisirs d’aujourd’ hui. Nous jouions aux canettes et surtout à la toupie. Mon père était un des rares du quartier à posséder une radio et un Pathéphone, de sorte que les voisins venaient souvent à la maison écouter les informations et même danser un petit peu. Je me souviens de ces dimanches passés l’oreille collée au poste, lorsqu’étaient diffusés les sketches de Paul et Lolo, un duo comique tout en créole ! C’était dans les années 50 ».

Le père de Claude ne jetait rien, il récupérait tout et surtout beaucoup de ferraille. Et quand sa femme lui demandait ce qu’il ferait de tout ce bazar, il répondait que cela servirait sûrement un jour. Un réflexe qui a profondément marqué Claude. « Pour moi, les appareils et leur mécanisme étaient magiques. Ainsi, alors que j’avais à peine 10 ans, j’étais persuadé qu’il y avait des gens dans le poste de radio qui parlaient. Aussi, un jour que mes parents avaient le dos tourné, j’ai pris un couteau et j’ai commencé à démonter l’arrière du poste pour voir les gens ! J’y ai gagné quelques coups de fouet, mais ma curiosité n’en a pas souffert ! J’ai continué à démonter des réveils et mon père a fini par s’y faire. Il disait à ma mère qu’à force de casser, je parviendrai bien à trouver. Me voyant manuel et touche-à-tout, il décida de me faire travailler dans un garage. J’avais 17 ans ». C’est alors que Claude commence à récupérer les appareils en panne de la famille : le vieux poste de radio de son père, la machine à coudre de sa grand-mère, le mécanisme d’une vieille horloge… Et puis, durant ses congés, il part sur Saint-Denis rendre visite à son oncle. Durant son séjour, il apprend que l’armée cherche un mécanicien à la caserne Lambert. Suite à un entretien, il est embauché et débute une carrière dans l’armée qui va durer plus de 25 ans. « Comme mes supérieurs voyaient que j’étais habile, ils m’ont fait passer dans tous les ateliers : mécanique, carrosserie, peinture et même la bourrellerie ! »


LE MUSÉE DU RECYCLAGE Et pendant toutes ces années, Claude ne cessera jamais de chiner, de récupérer, de réparer et de collectionner. « Avant même que je n’aie des enfants, je me disais qu’il fallait que je conserve tous ces objets pour montrer aux générations futures comment ils fonctionnaient et à quoi ils servaient. La collection est un virus. Il suffit de voir une pièce que vous n’avez pas, pour vouloir vous la procurer. Je suis allé jusqu’en métropole, aux puces de Saint-Ouen ou à la grande braderie de Lille, pour retrouver les objets de mon enfance. À La Réunion, nous n’avions ni cave, ni grenier. Aussi, lorsqu’un appareil plus moderne se vendait, on jetait le précédent. Le problème, c’est que j’ai commencé à avoir des soucis de rangement. Ma maison était devenue un entrepôt ! L’idée du musée est venue ainsi. J’ai tout agencé moi-même, sur mes fonds propres. C’était il y a 11 ans ». Et depuis, le « Musée dans tan lontan » attire du monde de toute l’île. Des anciens venus replonger dans leurs souvenirs et beaucoup de scolaires, avides de découvrir ce passé inconnu. Il faut dire que ce petit musée recèle de formidables trésors, des pièces parfois uniques. Mais surtout, il a parfois l’impressionnante rigueur de la série ou la douce poésie du fouillis organisé. Et puis, il y a cette passion que Claude sait communiquer à son auditoire. Lorsqu’il raconte le quotidien de nos gramouns, il prend un immense plaisir à parler du recyclage des objets et de leurs nombreuses vies. Les gonis, par exemple, ou sacs en toile de jute qui devenaient des vêtements ou des souliers. En perçant un trou à chaque coin du fond du sac et en y glissant deux bâtons, on obtenait un tacon, soit une brouette sans roue ou une civière. Le fer-blanc est également emblématique de la vie lontan. En effet, ces bacs qui arrivaient sur l’île remplis de pétrole ou d’essence étaient ensuite nettoyés et réutilisés pour le transport de l’eau. Quand le fond commençait à rouiller, on le remplaçait par du bois et lorsqu’il était à bout de course, il était aplati et servait de rustine pour consolider les murs des cases. Ou alors, il finissait en grègues à café, en timbales, entonnoirs, arrosoirs…

Dans le même esprit, une boîte de sardines et deux boîtes de cirage faisaient une charrette pour un marmaille. Une bouteille en verre devenait une lampe. Avec les caisses de morues, l’on fabriquait du petit mobilier, les bobines de fil se transformaient en pieds de table de nuit et les capsules de bouteille de vin en nappes de table ! Enfin, comme tout collectionneur, Claude va trouver à l’usine sucrière de Grands-Bois sa pièce rare : un réchaud à alcool tout en cuivre, entièrement découpé et martelé à la main par les ouvriers de l’époque. « Ce réchaud me tient à cœur, car j’ai travaillé une dizaine d’années à l’usine de Grands-Bois. J’y étais aide-chimiste. Toute la tuyauterie était en cuivre et c’est avec les chutes de tuyaux que les ouvriers ont façonné cet objet. » A l’ère du développement durable, Claude Covindin et son musée nous donnent une magnifique leçon de recyclage qui donne également, en filigrane, une belle leçon de vie pour peu que l’on sache écouter la parole des anciens.

Musée dan tan lontan 2208 chemin du Centre, Saint-André 0262 58 47 89 ou 0692 82 87 79


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Cha JOVIAL, RAPHAËL CHANE-NAM AIME RACONTER À CELUI QUI L’ÉCOUTE. CE GRAND ENTREPRENEUR A PRIS BEAUCOUP DE RISQUES DANS SA VIE ET SA PUGNACITÉ A PORTÉ LE GROUPE QU’IL A CRÉÉ AUX PREMIERS RANGS DE L’ÉCONOMIE RÉUNIONNAISE. L’AVENTURE INDUSTRIELLE, FAITE D’AUDACE ET DE BEAUCOUP DE TÉNACITÉ, PREND DES ALLURES DE ROMAN D’AVENTURE QUAND IL SE LANCE DANS L’ACQUISITION DE LICENCES OU DANS LA RECHERCHE TECHNOLOGIQUE. UN JOUR, POURTANT, LA CHUTE VA BRUTALEMENT FRAPPER À SA PORTE. GÉNÉREUX, TRÈS DIRECT, IL PARLE SANS ARTIFICE DES FORCES ET DES FAIBLESSES DE SON ENTREPRISE FAMILIALE. LE MODÈLE CHINOIS DE LA REPRISE DES AFFAIRES PAR L’AÎNÉ DE LA FAMILLE N’EST PEUT-ÊTRE PLUS PERDURABLE. RAPHAËL CHANE-NAM A VOULU TÉMOIGNER DE CETTE BELLE EXPÉRIENCE SOUS LA PLUME DE SON COMPÈRE ET AMI YVES BOSQUET. AUJOURD’HUI, IL RELÈVE UN NOUVEAU DÉFI, CELUI D’EXCELLER EN CALLIGRAPHIE.


R a p h aĂŤl

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Le Merle Blanc dans toute son exception


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PROPOS RECUEILLIS PAR

FRANCINE GEORGE

Comment est arrivée cette idée de vos mémoires « le Merle Blanc » ? J’écrivais sans savoir où ça allait me mener. Je n’avais pas l’intention de faire un livre, c’était plutôt un passe-temps. J’avais envie de garder une trace écrite de tout ce dont je me souvenais. Je voulais surtout raconter à mes enfants et à mes petits-enfants toute cette histoire. Et puis, en 1980, j’ai arrêté, j’ai compilé et archivé tous les articles de journaux sur moi et sur mon entreprise. Il y en avait 745. Des journaux de métropole aussi qui parlaient de la recherche avec INRA. Et ensuite, j’ai cherché quelqu’un pour écrire ma biographie, et c’est là où Yves est entré en scène.

Parlez-nous de votre rencontre avec l’auteur de vos mémoires, Yves Bosquet ? C’est une longue histoire, je connais Yves depuis 1972, c’est un ami. Il partage ma vie, connaît toute ma famille, il habite juste à côté et n’a qu’à sauter le mur pour venir à la maison. C’est un universitaire qui s’est depuis longtemps intéressé à la vie industrielle ; tous les week-ends, je le tenais au courant des évolutions du groupe. J’ai voulu faire un premier test sur un fascicule de calligraphie où Yves écrit des haïkus un exercice difficile et il a très bien réussi. La vie industrielle intéresse les industriels, or je voulais intéresser un public plus large. Il a rédigé le premier chapitre en cherchant à écrire dans un style littéraire et pas seulement narratif, comme la plupart des biographies, et j’ai été enchanté du résultat. Le livre est sorti en septembre 2011.

Pourquoi le Merle blanc ? C’est l’emblème de la famille. Mon père était un fin chasseur et un jour un braconnier est venu lui vendre son Merle Blanc. Mon père l’a mis en cage dans la boutique. C’était l’attraction de tout le quartier. Par la suite, mon père l’a inscrit sur le fronton de sa boutique à Saint-Pierre.

Comment votre histoire a commencé ? Mon histoire est celle de 99% de familles chinoises émigrées qui tiennent un commerce de détail. Mon grand-père est mort très jeune, mon père, Antoine, n’avait que neuf ans. À cette époque, dans cette région du sud de la Chine, il n’y avait pas de travail dans les campagnes. Ma famille vient du village de Shajiao, dans le district de Shunde, au sud de la province de Guangdong. Ma grand-mère travaillait dans une usine de soie qui a fermé à cause de la maladie des vers. Le pionnier de la famille, l’oncle de mon père, Chane-Pak-Yun est ainsi arrivé à La Réunion en 1890. Mon oncle a ensuite ouvert un commerce de charcuterie-boucherie-épicerie à l’Entre-Deux qui a vite prospéré. Mon père est venu le rejoindre à l’âge de onze ans. En fait, à La Réunion, tous les Chan viennent de la région de Canton. Le cantonnais est très différent du mandarin, ce n’est pas le même dialecte. À l’arrivée du bateau, à la Pointe des galets, quand il fallait donner son nom, chacun le prononçait avec son accent, Chane, Chang, Chen… et tout dépendait de ce que l’administrateur comprenait…


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JEAN-NOËL ENILORAC

Et ensuite ? Une dizaine d’années plus tard, mon père ouvre avec ses économies un commerce à Saint-Joseph, entre l’église et la mairie. Un bel emplacement. Les affaires prospèrent et ma grand-mère lui envoie une jeune épouse de 17 ans, Sam Sing, ma mère. En 1934, mon père ouvre un nouveau commerce et s’installe à Saint-Pierre, rue des Bons Enfants. C’est là où je suis né, le 28 septembre, le même jour que Confucius ! Mon père était ravi, après avoir eu quatre filles, j’étais le premier fils ! J’allais reprendre les affaires…

Votre enfance en quelques mots ? Mon père avait gardé un grand attachement à la Chine et on parlait cantonnais à la maison. Beaucoup de Chinois, comme mon père, ont dans l’idée de gagner le plus d’argent possible pour pouvoir ensuite rentrer en Chine. Il a donc trouvé un professeur, on était douze, quinze élèves avec lui. Puis, il est parti, et mon père m’a envoyé à l’école chinoise de Saint-André au pensionnat. Je ne revenais à la maison, à Saint-Pierre que deux fois par an. Le professeur poussait les élèves qui apprenaient bien, il leur donnait des devoirs en plus. Je suis sorti avec un bon niveau de cette école, qui malheureusement, ne conduisait les enfants que jusqu’au certificat d’études. J’ai demandé à mon père de m’envoyer au collège chinois à Madagascar. Il père n’a pas voulu et m’a dit « Tu es plus fort que moi en français, tu es plus fort que moi en chinois, tu vas maintenant travailler. » Et c’est comme ça que j’ai commencé à le seconder, j’avais quinze ans.

Vous faisiez quoi ? Il y avait beaucoup de travail. On recevait par exemple le vin en tonneau de 225 litres. C’était un vin d’Algérie, il fallait laver les bouteilles avec le goupillon, les faire sécher et y transvaser le vin. Quand j’avais fini, j’étais comme saoul avec les vapeurs d’alcool ! Mon père fabriquait des sorbets dans des moules remplis d’eau et de sirop. À moitié congélation, on mettait les bâtonnets. Puis, on mettait dans des sachets. Je vendais les glaces sur la plage aux zoreilles, car les créoles n’allaient pas à la plage en ce temps-là. Mon père faisait du commerce de détail et du semi-gros, il fallait donc faire les déclarations de douane pour les importations et c’est moi qui m’en chargeais. Je connaissais tout le monde, le receveur des douanes était devenu un ami. Et puis, dans les années 50, mon père a ouvert un bar sur la plage. Je m’en occupais aussi et c’est là où j’ai sympathisé avec beaucoup de monde.


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Arrive ensuite l’accident qui va finalement se transformer en tremplin pour vous. Comment ça s’est passé ? J’étais jeune marié, je venais de passer mon permis de conduire et je suis allé chercher mon beaufrère à l’aéroport. J’ai eu un accident grave, une voiture est venue me percuter de plein fouet et je me suis fracturé le fémur gauche. Je suis resté plusieurs semaines à l’hôpital de Saint-Pierre, l’ancien hôpital délabré, à l’hygiène plutôt douteuse. J’ai attrapé un staphylocoque doré et la plaie continuait à suinter un an plus tard. Là, je suis parti à Paris me faire opérer à la clinique des frères Judet grâce à un cousin médecin. Ils m’ont bien soigné. J’y suis resté 15 jours, mais j’avais hâte de rentrer. Il me restait deux jours de libre avant mon retour et par curiosité, je suis allé à la foire de Paris qui se tenait Porte de Versailles. J’ai été très surpris, j’ai discuté avec pas mal de monde sur les stands d’équipement. Il n’y avait pas encore de libre-service à Saint-Pierre. J’ai demandé des devis et j’en ai parlé à mon père qui me dit pourquoi pas ! J’y mets toutes mes économies, on fait un prêt à la banque et on commande le matériel. Quelque temps plus tard, nous transformons la boutique de mon père en un libre-service de 150 m2. Sans le savoir, un concurrent ouvre aussi un libre-service de 250 m 2 ! Qu’à cela ne tienne ! Mon père était réputé pour ses bonnes pâtisseries, nous décidons de faire du haut de gamme, de proposer de bons produits que l’on ne trouve pas ou difficilement ailleurs. C’était ma première pierre à l’édifice. C’est là où je commence à prendre confiance en moi.

Un an plus tard, vous prenez un nouveau virage toujours à l’occasion d’un voyage… Oui, je reviens à Paris pour me faire opérer à nouveau de la jambe et le médecin me dit qu’il ne peut pas me prendre comme ça. Il y a deux mois d’attente pour un rendez-vous ! Je me suis dit, je ne vais pas repartir pour revenir. Il y avait une foire industrielle à New York. Je téléphone à ma tante avec qui je n’avais jamais eu de contact auparavant. J’étais le premier du côté de mon père à renouer avec la famille du côté de ma tante. Quand je suis descendu de l’avion, ma tante m’a dit « Pince-moi Raphaël, dis-moi moi que c’est bien toi ! » J’ai été reçu comme un roi, j’ai rencontré mon oncle, mes cousins, ils m’ont fait visiter plein de choses. J’ai été surpris par le gigantisme, tout est géant aux États-Unis. Je me suis rendu plusieurs fois à la foire internationale. J’avais dans l’idée de fabriquer des glaces, je voulais me lancer dans l’industrie. J’avais à peine vingt ans ! Grâce à mes cousins, j’ai pu rencontrer les dirigeants des plus gros fabricants de glace. Il y avait une boîte internationale, un Danois et un Italien. Finalement, j’ai choisi le Danois, il avait une grosse cuve, plus économique, pas de perte. En fait, quand vous débarquez dans un autre monde, c’est un nouvel éclairage qui s’offre à vous.


C’est ici le point de départ… Lorsque je suis rentré, mon père est parti avec ma mère voir sa sœur aux États-Unis pendant un bon mois. Et à son retour il m’a dit « je ne sers plus à rien dans cette entreprise ». La coutume chinoise veut que le fils aîné prenne la succession du père. Et c’est là où j’ai tout pris en main. Mon frère Jacques est un très bon bricoleur, mon frère Marc un très bon pâtissier et Jean un bon ouvrier. Aucun de mes frères ne s’occupait de la gestion. Mes sœurs avaient leur place aussi, elles s’occupaient de la boutique et dans les usines, Marcelle et Jeanne, par exemple, supervisaient les ouvrières. J’avais comme rôle de nourrir toutes ces familles.

Vous rencontrez alors Louis Ortiz, une rencontre décisive… Je n’avais pas pour vocation d’être glacier. Je voulais trouver une marque en franchise. Je me suis appuyé sur les études techniques de Marcel Charrier qui m’a suivi depuis le début, à la création du libre-service. J’étais convaincu que nous avions un bel avenir dans ce domaine. J’ai d’abord écrit à Motta qui m’a reçu à Paris. Très sympathique, mais il met en doute le fait qu’il y ait du lait frais à La Réunion pour fabriquer ses glaces ! De retour dans ma chambre d’hôtel, je me paye le culot d’écrire à Gervais pour lui expliquer que j’aimerais bien monter une usine sous licence à La Réunion. Il me reçoit gentiment, lui aussi. Nous sommes devenus amis, par la suite. Mais la direction suisse décrète qu’il faut d’abord importer ses produits pendant un an avant de passer au stade de la fabrication. Il était impossible d’avoir un prix compétitif face à la concurrence d’Adélis, bien en place sur le marché réunionnais. Le projet semble tomber à l’eau. De nouveau à Paris pour des réunions professionnelles, je profite de mes soirées pour aller au cinéma où je découvre ces pubs pour Miko. Je prends rendezvous avec le directeur Louis Ortiz qui est installé à Saint-Dizier. Une rencontre dont je me souviendrais toujours. Je lui présente mon projet et il m’invite à déjeuner. Nous discutons de choses et d’autres, il me fait parler de ma famille, me demande comment j’en suis arrivé là. Nous sommes en 1965, je n’ai que 31 ans ! À la fin du repas, alors que nous n’avions plus du tout abordé le domaine des affaires, il me dit : « Vous êtes originaire d’une famille chinoise, moi d’une famille portugaise. Vous avez commencé par vendre des glaces sur la plage, moi en poussant mon chariot devant l’église. Vous êtes mon miroir. Vous êtes très franc. Vous êtes Miko Réunion et je suis Miko Saint-Dizier. » J’ai vraiment reçu un choc à ce moment-là ! Nous avons travaillé à la confiance sans même de contrat au début. Dans le milieu industriel, il parlait de moi à tout le monde. Il m’avait vraiment pris en sympathie. Quand je suis allé voir le PDG de « Lu » qui était à l’époque vice-président du CNPF, j’ai toujours été très bien reçu. À l’assemblée générale des glaciers, il m’a rendu hommage à la fin de son discours : « C’est grâce à Raphaël Chane-Nam… ». Partout, il parlait de moi avec sympathie, le « petit chinois » parti de rien… En fait, j’ai été le premier à obtenir une licence Miko dans le monde, pareil pour « Lu » et pour « Capri-Sonne » !


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Et là, commence votre ascension galopante… Oui, avec tout ce que cela comporte d’avantages et d’inconvénients quand il s’agit d’une entreprise familiale. Rien n’est simple. La force de la famille c’est de vous, soutenir, et quand tout va bien, ça vous permet d’aller plus loin dans votre lancée, mais il y a aussi des freins, des doutes quand ça commence à aller mal. J’ai toujours été le moteur et ce n’est pas sans susciter des jalousies qui sont apparues où la machine s’est grippée. Le groupe s’est constitué au fur et à mesure, après Miko, il y a eu les bonbons Devé, le rachat de la SICAP. En 1977, la création de Sovipar, les produits « 3 Cœurs ». En 1982, les produits « Lu », à suivre les produits « Capri- Sonne », Propain en 1989 pour la fabrication industrielle de pains et de pâtisseries, Océane production créée en 1991 pour la production de boissons rafraîchissantes….

Il y a eu aussi l’aventure technologique… Oui, là aussi c’est toute une aventure ! L’extraction des arômes avec la création d’Aurore-Développement, un laboratoire de recherche et en 1994, la participation de l’INRA. Le procédé de « flash-détente » a été inventé, à l’origine par mégarde à partir d’une marmite dans l’arrière-cour de la maison, par Jean-Claude Pieribattesti et le chaudronnier Marcel Hunez. Ce procédé sera utilisé au niveau international, notamment dans la vinification.

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Et aussi l’investissement patronal… Oui, je me suis beaucoup investi dans la profession. J’ai été président de l’ADIR. Je me suis beaucoup impliqué à la CCI aussi.

Le rachat de Solpack marque le début de la fin de cette grande aventure entrepreneuriale? Oui, ça a été la ruine de toute l’œuvre de ma vie. Plus de trente ans à construire le groupe industriel, à le hisser dans les trois premiers groupes agro-alimentaires de l’île, à rendre prestigieux le nom de Chane-Nam. Et là, tout s’écroule à une vitesse incroyable. Je me suis fait avoir sur la valeur de l’entreprise. Je manquais de trésorerie, j’ai voulu délocaliser l’usine à Saint-Pierre et j’ai alors vécu la première grève de toute ma carrière... C’était une pression énorme quand il a fallu mettre 150 ouvriers sur le carreau. J’ai essayé de vendre l’entreprise, je me suis adressé à tous les groupes industriels pour ne pas laisser tomber les salariés. Je me suis démené comme un diable pour trouver des repreneurs en morcelant les entreprises du groupe. Mais les syndicats n’étaient pas d’accord. Il y a même eu une réunion ou l’un d’entre eux est venu avec un fusil ! Les banques aussi m’ont lâché. D’autant que j’avais attaqué trois banques en 1998 sur les conseils d’un ex-directeur parce qu’elles pratiquaient des taux d’intérêt abusifs qui dépassaient largement le taux d’usure. Bref, la liquidation judiciaire a été prononcée en 59 jours, c’est la plus rapide de toute l’histoire économique réunionnaise ! C’était en 2002, et dix ans plus tard, je n’ai toujours pas reçu les comptes du commissaire aux comptes.

Quel est votre principal regret ? J’aurais dû embaucher un cadre de haut niveau venu de l’extérieur. J’ai fait appel à mes fils. Il y en a un qui a été broyé par la machine et l’autre qui s’en est remis, mais qui garde une certaine amertume de cette expérience.

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Vous vous en êtes remis comment ? Je suis resté KO pendant un certain temps. Et puis, j’ai cherché à faire autre chose et je me suis tourné vers la calligraphie.

Pourquoi la calligraphie ? Dans le mot calligraphie, il y a la racine grecque Kàllos qui veut dire « beau ». Cette notion de perfection m’intéresse. D’ailleurs, la calligraphie, comme la peinture, la poésie ou l’art du jardin sont des arts sacrés en Chine. Je ne voulais pas faire n’importe quoi pour simplement m’occuper et j’ai pris des cours avec le professeur Wong pendant presqu’un an, à raison d’une heure trente par semaine. Il existe tout un éventail de styles calligraphiques qui donne la possibilité de s’exprimer et d’atteindre un très haut niveau. Je suis toujours à la recherche de l’excellence.

Et maintenant ? Je regarde devant moi et dans le ciel il y a encore plein de choses à voir. J’ai retrouvé la paix avec mes enfants et mes petits-enfants. Ma fille Camille a deux filles, mon fils Victor a une fille, mon second fils Augustin n’a pas d’enfant et Hugues le dernier a une fille et un garçon. Les enfants courent partout dans la maison et je suis maintenant un grand-père heureux ! Cette nouvelle énergie me donne la possibilité de m’investir auprès de personnes en difficultés en leur transmettant un peu de mon expérience.



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JEAN-NOËL ENILORAC

À MADAGASCAR, POSSIBILITÉS INFINIES DE PAYSAGES ENTRE RIZIÈRES ET NUAGES



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le goût de l’aventure TEXTE PHOTOGRAPHIE

MARINE VEITH SERGE MARIZY


EN PARTANT DE JOHANNESBURG, LA ROUTE QUI MÈNE AU MYTHIQUE PARC KRUGER PASSE PAR DES PAYSAGES À COUPER LE SOUFFLE ET DES LIEUX CHARGÉS D'HISTOIRE. BLYDE RIVER CANYON, LE TROISIÈME CANYON DU MONDE PAR LA PROFONDEUR ET PILGRIM'S REST, RECONSTITUTION DU PREMIER VILLAGE DE CHERCHEURS D'OR, SONT DES ÉTAPES INCONTOURNABLES AVANT UNE PLONGÉE DANS L'UNIVERS MAGIQUE DES BIG FIVE, MAIS AUSSI D’ANIMAUX PLUS PARTICULIERS COMME LE GRAND KOUDOU OU LES ÉLÉGANTS IMPALAS.


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À seulement trois heures d'avion de La Réunion, Johannesburg bâtit sa société post-apartheid. La capitale économique de l'Afrique du Sud est aussi la capitale du continent. 350 des 500 plus grandes entreprises africaines y sont domiciliées et 25% de la richesse de l'Afrique y est produite tandis que la plus grande pauvreté continue à sévir dans les townships. La ville est à l'image du pays : une terre de contrastes à la diversité singulière et aux richesses considérables. Des gratte-ciels immenses du centre-ville à Soweto, on passe de la plus grande modernité aux cabanes numérotées où l'eau coule encore au robinet collectif.

Des paysages à couper le souffle Cap à l'est. La route est belle. Puis, les arbres se raréfient, la température devient accablante... Six heures de voiture nous séparent de la région de Mpumalanga et du parc Kruger. Le Blyde River Canyon se dessine. Il s'agit du troisième canyon le plus profond au monde. Paysages grandioses de gorges, de reliefs abrupts, de cascades alimentées par des pluies abondantes. Les points de vue sont exceptionnels comme celui de la « Fenêtre de Dieu » où a été tourné le célèbre film « Les Dieux sont tombés sur la tête ». Les trois Rondavels en forme de huttes traditionnelles surplombent la rivière, tandis qu’à la lumière du soir les massifs du canyon flamboient, là où la végétation n’a pas eu de prise. Toujours sur la route des cascades, là où se rejoignent les rivières Blyde (joyeux) et Treur (triste), le torrent dans ses tourbillons a creusé des marmites de roches de tailles et de formes impressionnantes. Ces paysages majestueux attisent bien des convoitises. Grâce à sa structure géologique particulière, l'Afrique du Sud possède d’énormes ressources aurifères et demeure le deuxième producteur d'or au monde. L’aventure de l’or Quand la première pépite a été découverte en 1873, les chercheurs d'or ont débarqué par milliers dans cette jolie vallée du Lowveld. Les prospecteurs ne pensaient pas s’attarder longtemps et ont construit un village en bois et en tôle ondulée, Pilgrim's Rest (ou le repos du pélerin). Et dès qu'un filon a été trouvé à Johannesburg, les orpailleurs ont déserté les lieux. Aujourd'hui, le village a été entièrement reconstitué et classé monument national. La rue principale, l’église, le cimetière, l’atelier d’imprimerie témoignent de l’histoire de ce village à l’époque de la ruée vers l’or. L'occasion d'expérimenter le mode de vie désuet des chercheurs d'or en séjournant à loisir dans l’une de ces habitations. Il est même possible de tenter sa chance à la recherche d'une pépite. Une expérience peu banale dans une Afrique du Sud insoupçonnée.


Le safari inoubliable L'aventure continue. Six heures du matin en hiver austral, le soleil peine à réchauffer la terre. À la sortie du canyon, la plaine s’offre de toute part au mythique parc Kruger où vivent les Big Five en liberté. Lions, rhinocéros, léopards, éléphants et buffles sont les rois d'une nature sauvage et préservée dans ce parc considéré comme l’une des plus riches réserves du monde. Il faut s'y prendre tôt pour apercevoir ces majestés de la nature. À l'aube, elles vont boire, se réveillent doucement. Les croiser au hasard d'un chemin est un enchantement. Couvrant une surface de 20 000 km 2, le parc Kruger est bordé à l’est par le Mozambique et à l’ouest par toute une série de réserves privées. Long de 350 km, il est en fait très étroit, 60 km en moyenne. 2500 km de routes et de pistes y sont aménagées. Les accords de 1994 ont permis d’enlever les clôtures électriques qui empêchaient les animaux de circuler librement. Cette immense réserve nationale n'offre aucune chance à ceux qui en manquent. Seul dans sa voiture, le visiteur peut tomber sur une scène magique ou... ne jamais rien voir ! Dans ce parc visité par de nombreux touristes, beaucoup de véhicules suivent le premier qui s’arrête, espérant qu’il y ait matière à observation. Le safari en réserve privée est plus sûr. Guidé par des hommes expérimentés, un tracker assis sur un siège à l’avant du capot pour déceler toute trace animale et un ranger en contact radio permanent pour localiser les animaux. Dès qu'ils sont repérés, les jeeps n'ont de limite que la témérité de leur conducteur. Rivières, rochers, branches, ils roulent sur tout et n'hésitent pas à emmener les visiteurs au plus près d'une scène de chasse. Une marche avec les guépards, les rhinocéros, une bataille de lions ou un galop de girafe comptent parmi les expériences inoubliables d'un tel voyage. À l'écoute des bruits de la savane, les rangers se dirigent à la trace. Une odeur de pop-corn ? Un léopard est passé par là, il y a peu. Un effleurement de coussinets sur la terre rouge ? C'est un lion qui doit se prélasser dans un buisson proche. Un cri de bébé à la limite de l'angoisse ? Des hyènes ont attrapé un phacochère... Observer, admirer, s'extasier pourquoi pas retrouver son âme d’enfant... La magie opère de fait. Ici, une famille de lions rentre tranquillement de sa baignade à la rivière, là un troupeau d’impalas se régale de feuilles gorgées de suc, plus loin encore les zèbres montrent leurs crinières incroyablement

dessinées de noir et de blanc. Les oiseaux ne sont pas de reste et la nature crie partout « je suis là ». La chaleur devient torride, il faut rentrer. Dans les hébergements immanquablement luxueux de ces réserves privées, le déjeuner est dressé face à une rivière où crocodiles et hippopotames peuvent surgir à tout moment. D’ailleurs, il y en a un qui vient d’ouvrir sa grande gueule en montrant ses affreuses dents, de quoi vous donner la chair de poule ! Puis vient l’heure de la sieste, réparatrice. Le safari repartira dans l'après-midi jusqu'à la tombée du soir, l'oeil aux aguets pour cette fois scruter les mystères de la nuit, la course du léopard et le bruit inquiétant du silence avant l’attaque. Les nombreuses réserves sont autant de sanctuaires de biodiversité fermés et étudiés pour protéger l'équilibre de ces écosystèmes menacés. Mais le braconnage reste l’ennemi public numéro un. Un exemple, le rhinocéros avec sa corne est une des cibles lucratives des chasseurs illégaux. Sur les marchés asiatiques, un kilo de corne peut atteindre 50 000 euros.



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FRANCINE GEORGE KEVIN14 - FOTOLIA.COM ILLUSTRATION ÉTONNANTS VOYAGEURS TEXTE

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>>> images du monde qui vient

Nouvelle étape cette année, Étonnants Voyageurs a rejoint la prestigieuse World Alliance qui rassemble les plus importants festivals de littérature dans le monde, Jaipur, Pékin, Édimbourg, Berlin, Melbourne, Tokyo, New York… et Saint-Malo, seul festival francophone de ce big eight planétaire. Une consécration pour Michel Le Bris, corsaire infatigable qui écume les océans de littérature en passe de révéler le monde de demain.



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une pensée pour le monde qui vient sur batcarre.com

Saint-Malo dans laquelle le festival s’est merveilleusement bien intégré invite au voyage, à la découverte dans l’euphorie revisitée par les auteurs venus des quatre coins de la planète semer autant que partager une étincelle de vie. Plus de 300 rencontres-débats sur trois jours avec des écrivains faisant vibrer le Palais du Grand Large. Juste en face, le quai Duguay-Trouin accueille sur un demi-hectare libraires et éditeurs où le festivalier espère discrètement échanger avec l’auteur qu’il vient de découvrir au café littéraire de Maëtte Chantrel.

>>>

Retrouvez le festival en direct sur www.etonnants-voyageurs.com

Étonnants Voyageurs, c’est aussi une centaine de films présentés dans toute la ville, à l’auditorium du Palais, au cinéma Le Vauban, mais aussi au Théâtre Chateaubriand ou à l’école Nationale Supérieur Maritime. C’est encore le Festival Jeunesse et B.D. avec des ateliers, des rencontres avec les illustrateurs. Sans oublier les nombreux prix littéraires, la dizaine d’expositions qui permet de poser le regard sur un ailleurs quand l’oreille décroche, le petit-déjeuner en compagnie d’écrivains ou l’apéro des auteurs au café de l’Univers, la saveur des mots mise en scène par le grand chef Olivier Roellinger, la maison de l’imaginaire, le tour du monde en poésie avec Yvon Le Men… La mer est aussi au rendez-vous de l’aventure avec son espace dédié. Pas une seconde à perdre et toujours la même frustration de ne pas avoir tout vu et toujours le même bonheur d’avoir néanmoins vécu un moment d’exception. Chaque année, Étonnants Voyageurs émerveille sans que le festivalier ait besoin de courir après des têtes d’affiche. La foule est bien sûr au rendez-vous dans une ambiance particulièrement chaleureuse et authentique.


Respirer les lieux dans ce tourbillon de folie, c’est aussi prendre conscience du monde, par touches impressionnistes. Le festivalier sort de sa coquille et va, comme à l’aventure, côtoyer la planète dans toutes ses dimensions. Printemps arabe, Cultures urbaines, Mers du Sud, une Belgique à découvrir (avec François Schuiten notamment), France plurielle et bien évidemment la littérature-monde dans le droit fil du manifeste pour une « littérature monde en français » comme l’explique Michel Le Bris : « Le XXI e siècle naît sous nos yeux. Il naît, avec une puissance, une rapidité qui mettent à mal tous nos repères. Ce sont les artistes, les écrivains, les cinéastes, qui nous le donnent à voir, à entendre, à lire – comme toujours… Et très vite s’est imposée à toute l’équipe cette évidence que la mise en relation de toutes ces effervescences devenait nécessaire. Plus de thème unique, donc, au festival, mais les images multiples du nouveau monde. »

Toujours pendant le week-end de Pentecôte, ce grand rendez-vous du dialogue des cultures ne manque jamais d’enthousiasmer les participants, auteurs qui font partie d’une grande famille à l’esprit inventif, festivaliers toujours en quête de pépites à découvrir et l’équipe qui conçoit le programme avec une passion chaque année renouvelée.


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François Schuiten TEXTE

FRANCINE GEORGE -

ILLUSTRATION

FRANÇOIS SCHUITEN

le goût de l’aventure

COURONNÉ PAR LE GRAND PRIX DE LA VILLE D’ANGOULÊME EN 2002, FRANÇOIS SCHUITEN, FRÈRE CADET DE LUC, EST ANIMÉ PAR L’ENVIE DE RACONTER DES HISTOIRES. L’ÉPOPÉE FANTASTIQUE DES CITÉS OBSCURES, AVEC SON AMI D’ENFANCE BENOÎT PEETERS, LE PLONGE DANS UN MONDE OÙ SE DESSINENT DE BELLES UTOPIES. ARTISTE AUX TALENTS MULTIPLES, IL N’EST PAS SEULEMENT AUTEUR DE BD, IL RÉALISE AUSSI DES SCÉNOGRAPHIES DE FILMS, DE SPECTACLES VIVANTS, CONÇOIT LA DÉCORATION DE LA STATION DE MÉTRO « ARTS & MÉTIERS » À PARIS, OÙ IL REND HOMMAGE À JULES VERNE, ENTRE AUTRES CHEFSD’OEUVRE…

DANS LE BERCEAU SCHUITEN Robert, le père, architecte et peintre, très sensible à la nature, guide sa famille sur les chemins de l’art. Le dessin est le mode d’expression de toute la maisonnée. Les vacances se passent plutôt au musée qu’à la plage, et chacun des huit enfants doit restituer dans son carnet les tableaux longuement observés. Robert Schuiten transmet sa passion à ses enfants avec une exigence impérieuse. Luc et François savent le mieux fixer par le dessin « les étincelles de l’imagination » et composer un récit par l’image.


LE PARCOURS DE FRANÇOIS À l’âge de 16 ans, François Schuiten publie ses premières planches « Mutation » dessinées au Bic. Puis, il intègre l’atelier de l’Institut Saint-Luc où il rencontre Claude Renard avec qui il réalisera deux albums. En 1978, en compagnie de son frère Luc, il élabore au fil des ans le cycle des « Terres Creuses ». Depuis 1981, il travaille avec son ami d’enfance Benoît Peeters à la série « Les Cités Obscures », publiant successivement Les Murailles de Samaris, La Fièvre d'Urbicande, L'Archiviste, La Tour, La Route d'Armilia, Le Musée A. Desombres, Brüsel et l'Echo des Cités (Casterman). En complément, Le guide des Cités explore cet univers fantastique imaginé pendant près de quinze ans et, comme une chasse au trésor, livre cartographies, façades d’immeubles, portraits, tous somptueusement illustrés dans des couleurs lumineuses, de l’ocre au brun orangé. En 2000, François Schuiten conçoit le pavillon des utopies pour l’exposition universelle de Hanovre, et ses travaux scénographiques en collaboration avec Benoît Peeters sont publiés dans Voyage en Utopies. Dans tous ces albums, l’architecture est très présente, ennoblie par un trait de crayon qui restitue les perspectives avec maestria. Mais le livre est aussi un élément culte, et le magnifique Book of Schuiten, réalisé en collaboration avec Benoît Peeters, en témoigne. Cette année, pour la première fois, François Schuiten publie un album en solo, la Douce, qui raconte l’histoire de la belle locomotive à vapeur mise hors des rails par l’arrivée de l’électricité. Une histoire en noir et blanc qui sublime le rapport du mécanicien à sa machine.

Le site des Cités obscures : www.urbicande.be Les albums de François Schuiten sont principalement édités chez Casterman


Les Instituts & Spa Indriya

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Indriya Saint-André 550, rue Andropolis 97440 Saint-André Indriya Saint-Denis 27, rue Bouvet 97400 Saint-Denis Indriya Saint-Pierre 165 rue Albert Luthuli Le Patio 97410 Saint-Pierre

Un numéro de téléphone 0262 466 466 Plus d’information www.indriya.fr


À L’INSTITUT DE BEAUTÉ INDRIYA, LA CLIENTE APPRÉCIE DE SE SENTIR CHEZ ELLE, PRISE EN CHARGE POUR UNE MISE EN BEAUTÉ PARFAITE. LES HOMMES NE SONT PAS EN RESTE ET COMMENCENT À SOIGNER LEUR PEAU EN PRENANT LE TEMPS NÉCESSAIRE. IL EXISTE TROIS INSTITUTS & SPA SUR L’ÎLE, À SAINT-ANDRÉ, À SAINT-DENIS ET À SAINT-PIERRE. DEPUIS SA CRÉATION, SEPT ANS, UN CHIFFRE MAGIQUE, L’ÉQUIPE DIRIGEANTE SE MOBILISE POUR QUE LES 25 SALARIÉS RÉPONDENT AUX ATTENTES DE LA CLIENTÈLE. LE MOINDRE GESTE EST ÉTUDIÉ POUR QUE LA CLIENTE RETROUVE, À CHAQUE VISITE, LA MÊME AMBIANCE, LE MÊME ACCUEIL, LA MÊME QUALITÉ DE SOIN. CE QUI EXPLIQUE SON SUCCÈS. EN FAIT, INDRIYA EST LE MOT MAGIQUE QUI LIBÈRE LA FACULTÉ DE SE SENTIR RAYONNANTE.

LE SAVOIR-FAIRE D’INDRIYA La cliente se sent de suite à l’aise dans une atmosphère de détente où tous les sens sont agréablement sollicités. Huiles essentielles aux parfums doux flottant dans l’air, bougies et lumières adoucies pour faire tomber la pression que chacun porte en soi, statues de Boudha pour donner à l’esprit sa part de rêve, décoration chocolat où vient se poser la fleur de lotus, emblème de l’Institut de beauté. Indriya, dans la philosophie indienne, représente une vingtaine de facultés liées à la perception et à l’action. C’est dans cette optique que l’Institut propose une gamme infinie de soins pour prendre en main le bien-être des clientes. Spa et relaxation pour le corps avec des modelages toniques, aux pierres chaudes, aux quatre mains. Pas de machine, chez Indriya, tout se fait au doigté. Spa et Balnéothérapie avec hammam, bain hydromassant, rituels aromatiques dans la tradition orientale des produits à l’huile d’argan bio. Soins du visage avec la gamme Decléor, expert en Aromathérapie, pour révéler le rayonnement naturel de la peau en conjuguant les énergies vitales aux huiles essentielles actives.

LES SERVICES INDRIYA Au-delà d’un accueil en service continu, les Instituts Indriya offrent une grande palette de formules de soins, d’abonnements, selon les possibilités des uns et des autres. Des cabines doubles sont mises à disposition pour que les couples profitent ensemble de ces grands moments de mise en beauté, ou les copines, ou la maman et sa fille… les occasions de prendre soin de soi à deux sont multiples. Enfin, une dernière nouveauté. L’équipe dirigeante d’Indriya a été la première à proposer les cadeaux beauté en ligne par SMS ou par e-mail. Un vrai service qui permet d’offrir un cadeau à son amie au dernier moment ou à l’heure souhaitée via un e-mail ou un SMS : - Vous choisissez votre bon d’achat ou votre soin à la carte. - Vous rédigez le message qui accompagne le cadeau. - Vous composez le numéro de téléphone ou l’e-mail de la personne concernée. - Votre cadeau est envoyé directement à son destinataire avec un message de votre part en accompagnement !

Simple, rapide, efficace, personnalisé, Salon de coiffure avec conseil, diagnostic, soin, le cadeau par excellence ! coupe, couleur, effet sunlight, coiffage… toutes les fantaisies sont possibles. Et bien sûr, épilations, manucures et maquillages font également partie de la gamme de soins des Instituts & Spa Indriya. Poussez la porte d’un Institut Indriya, une mise en beauté intégrale vous attend !


© Pierre Choukroun

PA P I L L E S E N F Ê T E · 70

AU RHUM OU À LA LIQUEUR D’ORANGE, À LA VANILLE OU AU CHOCOLAT ?

Recette de l’Atelier de Ben

Les ingrédients Pour 12 moules bouchons individuels 200 g de farine 70 g de beurre 8 g de levure de boulanger déshydratée 8 g de miel 5 œufs 1 pincée de sel Variante - 20 grammes de chocolat à mélanger à la pâte Pour le sirop 1 kg de sucre 2 l d’eau 1 écorce d’orange et de citron 1 gousse de vanille et selon votre goût, Grand Marnier, rhum, liqueur d’orange…


retrouvez cette recette filmée dans la rubrique café coulé sur www.batcarre.com

Étape 1 Faire un puits avec la farine et le sel. Incorporer les œufs et le miel. Bien mélanger puis ajouter la levure. Monter avec le beurre pommade. Étape 2 Chemiser les moules avec du beurre et de la farine. Les remplir à moitié. Laisser pousser la pâte presque jusqu’en haut du moule et enfourner à 180 °C pendant 10 minutes environ. Étape 3 Pour le sirop : Chauffer le sucre, l‘eau et les épices. Laisser cuire environ 15 minutes après le début de l’ébullition. Ajouter le rhum ou la liqueur de votre choix. Y tremper les babas encore chauds avant de les servir.

Une recette en apparence facile à réaliser, mais qui demande un bon tour de main, notamment dans le chemisage des moules à opérer deux fois. Chaque étape est soigneusement décortiquée dans la rubrique « Café coulé » de notre site internet www.batcarre.com, où nous avons filmé le chef Benoît Vantaux dans la cuisine de son restaurant l’Atelier de Ben, au 12 rue de la Compagnie. Pour accompagner le baba si moelleux de Ben, La Cave de La Victoire vous conseille une coupe de Champagne DEUTZ. Et maintenant, vous pouvez fermer les yeux et ne penser qu’à buller… !


H I G H T E C H & S H O P P I N G · 72

La tentation du coucou design Le petit oiseau blanc sonne l’heure comme son ancêtre le coucou, mais son chalet prend la forme joliment colorée d’une pendule à balancier, d’un carré ou d’une boîte à oiseau au gré de l’imagination des designers italiens DIAMANTINI & DOMENICONI. À l’heure venue, arrêtez-vous devant la vitrine de la boutique Origine, 59 rue Jean Chatel à Saint-Denis, pour écouter le temps qui passe.

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La SmartWatch, nouveau gadget Avec son écran tactile OLED, la montre ordinateur de Sony reliée à un smartphone Androïd via une connexion Bluetooth 3.0 vous permet de consulter vos SMS/MMS, vos e-mails, vos réseaux sociaux, votre agenda, d’écouter de la musique, de regarder photos, vidéos…Vous pouvez personnaliser votre modèle grâce aux nombreuses applications synchronisées via le LifeWare de Sony. De quoi vous faire oublier l’heure !


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dance(s) MAIS QUELLE HEURE EST-IL ?


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TEXTE

RODOLPHE SINIMALÉ & NIRINA DONATO SYLVAIN BRAJEUL

PHOTOGRAPHIE

une rencontre

au sommet en partenariat avec Réunionnais du monde

QUELQUE PART À 1700 MÈTRES D’ALTITUDE, UNE VIEILLE PORTE EN BOIS AUX CONTOURS OCRE ET OR, ORNÉE DE COMPLEXES ET HYPNOTIQUES TANTRAS S’IMPOSE, PRESQU’IRRÉELLE DANS L’IMMENSITÉ DU PAYSAGE. LA DOUCE ET INTIME MÉLODIE D’UN SILENCE TOTAL ME SÉPARE ENCORE, POUR QUELQUES SECONDES MAINTENANT, DU MAÎTRE.

// épisode 2


« J’attends ce moment depuis si longtemps ! ». Pourtant, j’hésite encore, tiraillé par une folle impulsion qui me pousse à rebrousser chemin. La peur de réussir, peut-être, cette lointaine quête ? En réalité, je fais un pas en avant et franchis le seuil sacré quand, tout à coup, déchirant le temps et l’espace, un moine apparaît.

Avant même qu’il ne prononce un mot, je fonds en larme…

Nous, occidentaux, ne sommes définitivement pas à l’aise avec la notion de « Maître », appelé « Guru » dans cette partie orientale et élevée du monde. Ce sont des termes par trop sectaires, péjoratifs même. Pourtant, dans cette tradition séculaire, le Maître est le garant des nobles Enseignements, ceux qui libèrent des sept types de souffrance 2 et du « Samsara » - l’Illusion.

« Vous devez être indépendant. »

Il n’y a pas d’auréole de lumière immaculée, ni de manifestations de célestes devas 3. Pourtant, la pièce s’est remplie d’un amour incommensurable. Ce ne sont pas des larmes de tristesse - et encore moins de joie. C’est plutôt le sentiment Un jeune samanera 1 se tient debout devant moi. d’un bonheur durable, comme lorsqu’on rentre à 25 ans environ, dont 20 passés à étudier les la maison après une longue absence, ou encore écritures sacrées et libératrices du Bodhisattva. lorsque l’enfant retrouve sa mère. Le teint est clair, les yeux sont doux, soutenus par Je respire profondément, décolle du coussin, un sourire équanime et une présence sereine. m’approche et… Il y a dans ces yeux bleus tant « Tashi delek ! », m’offre le bouddhiste solaire, de compassion ! D’un geste enfantin, le Maître avec une sincérité toute désarmante. J’ai l’im- pose sa main sur mon catogan et, rieur, s’écrie : pression d’être unique sur cette Terre. « Bouddha ! Bouddha ! ». D’un pas vif, nous nous enfonçons dans un couloir sombre puis arrivons dans une immense pièce. L’interprète éclate de rire, le novice aussi. Une autre dimension : des volutes d’encens parais- J’esquisse un petit sourire timide mais sincère, et sent dessiner des mantras au plafond. En face, regagne ma place parmi les mortels. L’interprète une large estrade claire, surmontée de ce qu’il - une jeune américaine qui manie avec dextérité me semble être un trône. À droite, une fenêtre le tibétain et le sanskrit - m’encourage à prendre la parole et à poser ma question. tout en longueur s’ouvre sur l’Himalaya. À gauche, une fresque sans fin relate le chemin de la maîtrise de l’esprit. Je m’assois sur un zafu « Quel est mon Chemin ? Quelle est ma voie ? » jaune et confortable, emporté par la magie du Enveloppé dans sa longue robe, le Maître me fixe lieu. interminablement, puis m’offre doucement cette réponse : « Le Maître arrive », me confie l’ami spirituel.

J’ai de longue date préparé 10.000 questions, mais je ne peux en poser qu’une seule. Je sors mes feuillets et, la main tremblante, essaye de me concentrer sur le crayon que Sangye m’a donné. À l’autre bout de la pièce, charismatique et puissant, le Vénérable s’approche du trône et s’assoit en un parfait lotus.

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Immédiatement, le singe de mon esprit saute sur les branches d’une forêt d’idées - quelque part entre passé et futur : « Indépendant de quoi, de qui ? » « Indépendant matériellement ? Spirituellement ? » Comme s’il entendait cet interminable dialogue intérieur et fou, le Guru sourit, pour m’inviter à lâcher prise. La graine a été semée. Personne dans la pièce n’a prononcé une parole. J’aurais pourtant juré de toute mon âme avoir entendu cet échange.

Un novice, qui n’a pas encore entièrement pris les vœux du Vinaya dans la tradition bouddhiste. La naissance, la maladie et la vieillesse, la mort, être lié à ce que l'on n'aime pas, être séparé de ce que l'on aime, ne pas avoir ce que l'on veut. Divinités indiennes liées à des éléments particuliers (son, couleur…)


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Soldés. Insulaire. Grosses béquilles

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Colère d’aïeul. Gestionnaire

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Explosion de grenade. Partie de campagne. Avant thêta

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Miraculeux, en somme. Article de sport

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Risque. Intimidées. Langue des Highlands

G Démonstratif. Production de cancres

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Introduire dans l’estomac. Pour coordonner. Jouas d’astuces

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Explorer. Indice de puissance

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Charmer. Résulter

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Bouquinée. Périodes de départs

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La maison de Russie. Il rend jaune. Choix

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Epars

10 Premier de portée. Kidnappe. Mécontents

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Petite roue. Rendre stérile

11 Cadenettes. Sujet d’un seigneur. Carapace de crustacé

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Entrepôt. Tonus

M Eau glacée. Va au hasard N

Piste. Subsiste

O Soufflées. Oté P

Très fatigant. Parties d’une pièce

Q Travaux de recherche. Se situe



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DIFFICILE

La grille du jeu est composée de 9 lignes, 9 colonnes et de 9 régions (les 9 carrés). La grille du jeu contient toujours des chiffres de 1 à 9 et des cases vides, le but est donc de remplir entièrement la grille de manière logique. La règle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et région ne doit contenir qu’une seule fois tous les chiffres de un à neuf. Formulé autrement, chacun de ces ensembles doit contenir tous les chiffres de un à neuf. La plupart du temps, le jeu est proposé sous la forme d’une grille de 9×9, et composé de sous-grilles de 3×3, appelées « régions ». Quelques cellules contiennent des chiffres, dits « dévoilés ». Le but est de remplir les cellules vides, un chiffre dans chacune, de façon à ce que chaque rangée, chaque colonne et chaque région soient composées d’un seul chiffre allant de 1 à 9. En conséquence, chaque chiffre dans la solution apparaît une seule fois selon les trois « directions », d’où le nom « chiffre unique ». Lorsque qu’un chiffre peut s’inscrire dans une cellule, on dit qu’il est candidat.


NUMÉRO 1 // JUILLET - AOUT 2011

ABONNEZ-VOUS OU OFFREZ UN ABONNEMENT

BAT’ NUMÉRO 2 // OCTOBRE - NOVEMBRE 2011

LISBONNE À L’OMBRE DES CONQUISTADORS

RENÉ ROBERT LE FEU SACRÉ DE LA TRANSMISSION

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE À LA RÉUNION

TERRE DE PASSION

BAT’ NUMÉRO 3 // DÉCEMBRE 2011 - JANVIER 2012

Bulletin d’abonnement à découper ou à photocopier et à renvoyer dûment complété avec votre règlement par chèque à l’ordre de Bat’carré. Adresse Service Abonnement 16, rue de Paris - 97400 Saint-Denis

des jouets

BAT’ NUMÉRO 4 // FÉVRIER - MARS 2012

UN PARADIS TOUT PRÈS D’ICI

BAT’ NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012

Date et signature :

Luc Schuiten

Nom : Prénom : Adresse : Ville :

e-mail :

CINQ

POUR NUMÉROS AU TARIF DE 42,50 € * POUR

UN AN

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Offre* valable pour La Réunion : 42,50 € Offre Mayotte – Seychelles – Maurice – Madagascar : 47,50 € Offre métropole : 50 € Pour toute autre destination nous contacter : service abonnement – tel : 02 62 28 01 86 - mail : francine.george@batcarre.com

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& DES HOMMES

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N O S PA RT E N A I R E S NOUS TENONS À REMERCIER NOS PARTENAIRES QUI SOUTIENNENT NOTRE PROJET AVEC UNE BELLE CONSTANCE :




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