FB9

Page 1

DOSSIER

Jeune cuisine : qu’as-tu fait de tes 15 ans ? CAHIER DE CUISINE

Claire Heitzler & Cédric Grolet

food � book 9



DOSSIER

Jeune cuisine : qu’as-tu fait de tes 15 ans ? CAHIER DE CUISINE

Claire Heitzler & Cédric Grolet

FOOD � BOOK 9


FOOD � BOOK 9


SOMMAIRE MAGAZINE BANC D’ESSAI

SARDINES BIEN HUILÉES P.  7

LA TECHNIQUE

L’IKÉJIMÉ P.  10

L’INGRÉDIENT

LEVURE FRAÎCHE CHAMPIGNON HALLUCINANT P.  13

LE CONDIMENT

MYSTÈRE MISO

REPORTAGE

Sulauze DOMAINE BIEN LUNÉ P.  19

STYLE

T’AS DE BEAUX CHEVEUX, TU SAIS… P.  27

P.  14

LES ESSENTIELS

Illustré par Jérémy Perrodeau P.  18

PLAYLIST

planer en ballons avec du jazz P. 28

MINI-GUIDE

les flamands osent P. 31 → 43

PORTFOLIO

CHASSE PRENDS GARD À TOI P. 44

ATLAS

rallumons le feu P. 53

DOSSIER

GUIDE

TENTATIVE D’INVENTAIRE AVANT ÉPUISEMENT

LES 9 DE 2018

— LE CUISINIER MODERNE — L’ASTRANCE RACONTÉE PAR PASCAL BARBOT P.  67

CAHIER DE CUISINE

PALMARÈS

P. 85 → 91

GUIDE 2018

VILLE À VILLE P. 93

PARIS P. 111

SUPPLÉMENTS

SUR LE POUCE — GREEN — ASIATIQUES — SUCRÉ — BOULANGERIES P. 127 →  141

P. 144


ÉDITO

QU’AS-TU FAIT DE TES QUINZE ANS ? Un œil dans le rétroviseur, le temps de compter les amis, celles et ceux qu’on a perdus de vue, et les autres qui ont tenu la route. Avec Alexandre, Florent, Sébastien, Anne-Sophie, Iñaki, Jean-François… la cuisine file comme un film de Sautet. Elle vient de vivre en quinze ans une sacrée drôle d’histoire – même si les historiens, ces blasés, nous diront qu’elle est un éternel recommencement. Mais de ma mémoire à moi, qui date de vingt ans et qui connut la fin de la Nouvelle cuisine, eut la chance de croiser l’immense Henri Gault, d’aller déjeuner au Taillevent à l’époque où l’on fumait encore le cigare jusqu’à l’heure du dernier armagnac, c’est bien le bouleversement qui s’impose, vertigineux comme une perte de repères. Omnivore, du haut de ses quinze ans, a largement contribué à changer les codes, à remettre en question un certain nombre de certitudes, même si, évidemment, tout ça a fait grincer des toques et tomber quelques dents – ou l’inverse. Et toi, lecteur, qu’as-tu fait de tes quinze ans, dans ta cuisine ou dans ta salle, depuis ton assiette ou ton compte Instagram ? Comme chacun des numéros de ce Foodbook qui ont tous l’ambition secrète de faire bouger les lignes, questionne-toi sur ce qui s’est passé. Prends la cuisine de ton enfance, le restaurant de ton quartier, celui où tes parents t’emmenaient célébrer, compare-le aux adresses que tu fréquentes aujourd’hui, aux endroits où tu aimes à ton tour emmener tes enfants. Regarde, regarde : ne vois-tu rien de changé ? LUC DUBANCHET FONDATEUR D’OMNIVORE

5


BANC D’ESSAI

SARDINES BIEN HUILÉES PAR CLAIRE LOZZA PHOTOS ROMAIN BASSENNE

La conserve de sardines fait partie des ba- de sa conservation. Mais c’est pas mal pour un siques de nos placards. À la tomate, aux épices petit poisson bleuté dont l’histoire avec une douces, aux poivrons grillés, au vin blanc, au boîte en fer ne remonte pas d’hier : les Gallopastis… Il y en a pour tous les goûts, même les Romains conservaient déjà les sardines par plus farfelus, les fabricants rivalisant d’ima- salaison. Grâce à l’appertisation mise au point gination pour conquérir le client, jouant avec en 1795 par Nicolas Appert, le Nantais Pierreles codes du design, notamment, et profitant Joseph Colin a industrialisé la conservation de du marché : en 2016, 53,1 % des ménages fran- la sardine vers 1820. Une industrie tellement çais ont acheté des conserves de sardines, à florissante, qu’une ligne de chemin de fer a hauteur de 16 252 tonnes, pour un prix moyen été construite en Bretagne afin que la France d’environ 10,10 euros/kg et un chiffre d’affaires puisse être abondée en sardines. total de 164 millions d’euros. C’est la conserve Au restaurant, on vous la sert en rillettes à de poisson la plus achetée après le thon en boîte. même la boîte en fer à dégoupiller soi-même, Alors que ce qui devrait compter en premier et sous toutes les formes en pleine saison, rôtie, lieu, c’est la qualité de la sardine – optimale grillée, marinée, frite ou farcie. D’un process quand elle est pêchée entre mars et août – et identique pour la mise en boîte, la qualité peut

7

différencier d’une conserverie à l’autre. Pour ce banc d’essai, nous avons choisi la traditionnelle et basique sardine à l’huile d’olive, fabriquée « à l’ancienne » (saumurée, étêtée, vidée et rapidement frite). Sept références, dont trois millésimées, réputées pour exprimer au mieux le goût du poisson qui se bonifie au fil des ans (retourner la boîte tous les six mois pour que la sardine s’imprègne bien de l’huile d’olive afin de confire au mieux). Que nous avons dégustées avec un peu d’huile d’olive au goût affirmé quand il le fallait, du pain sans gluten, graines de lin, tournesol, sésame, et pas mal d’eau minérale. Nous avons noté sur 10 l’aspect du contenu, le goût de la sardine, le goût de l’huile et le design du contenant. Verdict pages suivantes.


BANC D’ESSAI

BANC D’ESSAI

SARDINES MILLÉSIMÉES CONFRÉRIE DE LA SARDINE SAINTGILLES-CROIX-DE-VIE  17/40

MADEMOISELLE PERLE MILLÉSIME 2015 PERLE DES DIEUX  34/40

5,35 € la boîte de 115 g, soit 46,52 € le kilo

4,20 € la boîte de 115 g ; soit 36,52 € le kilo

Qui l’a fait ? Philippe Gendreau, président de la conserverie du même nom et Claudie Vardelle, épicurienne et passionnée, qui ont misé sur le côté collector de leurs boîtes, designées par l’artiste Delphine Cossais. Aspect (8/10) 4 par boîte, de calibre inégal, mais qui donne un aspect artisanal et naturel. Sardines dodues et appétissantes. Dégustation (17/20) Les sardines sont parfaitement cuites, ce qui offre une chair rosée à l’arête. L’huile d’olive a bon goût. Utilisation Délicieuse, elles sont parfaites pour être mangées telles quelles. Design (9/10) Delphine Cossais raconte la vie de Mlle Perle sur les boîtes. Celle-ci fait référence au premier voyage de Capucine, la fille de Mlle Perle.

SARDINES SAINTGEORGES À L’HUILE D’OLIVE BELLE ILOISE  17/40 3,30 € les 115 g, soit 28,70 € le kilo

Qui l’a fait ? Une conserverie familiale installée à Port-Maria, pile proche du port de pêche de Quiberon, fondée en 1932 par Georges Hilliet. Elle est maintenant gérée par la troisième génération.

Aspect (5/10) 3 sardines entières par boîte. Bel aspect, fond à la découpe. 80 % de sardines, 18 % d’huile d’olive et du sel. Dégustation (7/20) Joli goût, pas métallique mais moins frais que les Groix & Nature. Utilisation Émiettées sur des légumes frais avec du boulgour et de la roquette. Design (5/10) Saint Georges de Lydda en rouge vif sur la boîte, est un hommage au flamboyant fondateur de la maison, Georges Hilliet.

SARDINES À L’HUILE D’OLIVE BIO CONSERVERIE DE KEROMAN  8/40

Qui l’a fait ? Gendreau est la dernière conserverie du département (Pays de la Loire) et, de fait, du premier port sardinier de France. Aspect (6/10) 5 par boîte, l’huile d’olive est suave. Le poisson a un bel aspect brillant. Dégustation (10/20) Sardine faible en goût et en parfum, asséchante. Utilisation À la croque au sel. Design (1/20) Ça n’a pas l’air d’être le souci majeur chez eux, le design.

10,50 € LE BOCAL DE 245 G NET, SOIT 42,65 € LE KILO

SARDINES À L’ANCIENNE, À L’HUILE D’OLIVE VIERGE EXTRA CONNÉTABLE  19/40

SARDINES À L’HUILE D’OLIVE GROIX & NATURE  25/40

2,15 € la boîte de 115g (soit 18,95 € le kilo)

4,25 €, LES 115 G, SOIT 36,95€ LE KILO

SARDINES À L’HUILE D’OLIVE PRÉPARÉES À L’ANCIENNE, MILLÉSIME 2017 J.C. DAVID  25/40

Qui l’a fait ? Une sélection de sardines préparées à l’ancienne à l’huile d’olive, mises en boîte à Douarnenez, haut lieu de la sardine depuis le XVIIe siècle. Aspect (6/10) 7 petites sardines dans la boîte. Elles sont fragiles, peau entamée mais brillante. Elles ont un aspect moins appétissant que les Connétable. L’arête s’enlève facilement. Dégustation (16/20) L’huile d’olive est intéressante au nez, nous sentons bien l’olive et la saumure. Elles sont parfaitement assaisonnées et la qualité du poisson nous offre une belle mâche. Utilisation Elles se suffissent à elles-mêmes : croque au sel ! Design (3/10) Le design est sobre, craft, qui dit « un produit de qualité, artisanal ».

7,75 € LA BOÎTE DE 115 G, SOIT 67,39 € LE KILO

Qui l’a fait ? La seule maison française à fumer dans un four à bois, ce qui augmente le temps de fumage. Aspect (7/10) 4 par boîte, les sardines sont très brillantes avec une peau fine. L’aspect est très appétissant, découpe simple. Dégustation (14/20) La sardine a un léger goût de fumé. L’huile d’olive bio offre un bon goût. Utilisation À la croque au sel. Design (4/10) Noire et dorée, jolis reflets du côté « premium » de la sardine.

8

Qui l’a fait ? Connétable est la marque de la conserverie Chancerelle, ouverte depuis 1853, à Douarnenez. De notre sélection, c’est la seule boîte achetée en grande surface. Aspect (7/10) 5 par boîte, toutes de même calibre, elles sont entières et bien conservées. La peau de la sardine est intacte et brillante. À la découpe, elles se tiennent. Dégustation (9/20) Elle a un bon goût de poisson, mais l’huile d’olive est un peu rance et l’assaisonnement faible. La texture est légèrement farineuse. Utilisation Pimpez avec une bonne huile d’olive et des zestes de citron. Sinon l’utiliser en salade, rillettes ou avec des pâtes (linguine). Design (3/10) La Connétable offre un design efficace en termes de marketing. Nous retrouvons l’emblème de la Bretagne, le Gwenn-ha-Du associé à des olives.

9

Qui l’a fait ? Fondée par Eric Guygniec, gérant de l’armement Keroman, qui compte actuellement cinq chalutiers et une conserverie artisanale sur le port de Lorient. Aspect (2/10) Elles sont entières, très grosses et dodues, mais le conditionnement en bocal provoque de la casse quand on les sort. Dégustation (4/20) L’huile avait un goût rance et la sardine un goût métallique. Utilisation Rillettes. Design (2/10) L’image mentale de l’institut médico-légal n’est pas loin, ce qui confirme tout le mal qu’on pense de ce conditionnement… mais on voit le produit.


LA TECHNIQUE

L’IKÉJIMÉ PAR CLÉMENT CHARBONNIER BOUET

LA TECHNIQUE

Avec le chef Toru Okuda, maître de la cuisine kaseiki, la haute gastronomie nippone, nous avons tranché du bar de ligne selon la méthode ikéjimé.

2

1

Du fait d’un interdit religieux, la viande de quadrupède ne se consomme au Japon que depuis la fin du XIXe siècle. Les Japonais s’étaient donc naturellement tournés vers la consommation du poisson pour obtenir un apport en protéines animales.

Si l’on se réfère à cette histoire, on peut envisager l’ikéjimé — méthode d’abattage du poisson traditionelle — comme le fruit de plusieurs siècles de recherches, dont M. Toru Okuda, chef des restaurants Koju et Ginza Okuda de Tokyo, nous fait une démonstration exemplaire. Le principe est simple : grâce à 2 coups de couteau d’une précision chirurgicale (tête et queue), on provoque la mort subite du poisson que l’on le saigne afin de garantir un maximum de fraîcheur, de pureté et de clareté à la chair. L’ikéjimé permet en effet de réduire au minimum le stress du poisson, transporté et conservé vivant jusqu’aux cuisines, et de lui offrir une mort aussi rapide que possible.

3

2 NEUTRALISATION DU SYSTÈME NERVEUX

Saisissant le poisson de sa main gantée, le cuisinier introduit une fine tige de métal flexible dans un minuscule orifice qui court le long de la colonne vertébrale du poisson, abritant le nerf qui relie le cerveau aux muscles de son corps.

4 Cette étape, pourtant la plus atypique et « célèbre » de l’ikéjimé, n’est pourtant pas systématiquement pratiquée. Elle est préconisée en particulier pour la préparation des poissons crus — sashimi et sushi — car elle ralentit l’apparition de la rigidité cadavérique en coupant le signal entre le cerveau et les muscles, qui bénéficient dès lors d’une prolongation de vie artificielle. Le poisson est ensuite plongé une dizaine de minutes dans l’eau, de façon à le vider son sang.

5

6

LES OUTILS

1 Chiffon éponge 2 Plaque de découpe en mousse absorbante

Avec le mouvement de va-et-vient d’un ramoneur, le cusinier détruit ce nerf central, ce qui provoque alors d’étranges soubresauts du corps décapité.

3 Gant de coton (adhérence et protection) 4 Plateau métallique 5 Couteau Deba 6 Tige de métal

1 jour

sashimi

2 jours

Le sang qui reste habituellement dans les chairs est en effet la cause principale de la fermentation du poisson, ce qui génère mauvaise odeur, amollissement et développement de bactéries. Ainsi préparé, le poisson conserve toute sa fraîcheur et l’on peut désormais procéder à la maturation qui verra se développer le vénéré umami, considéré comme le cinquième goût, avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé. 4 jours

sushi

Plusieurs semaines

poisson cuit

3 MATURATION

1 L’IKÉJIMÉ

Pour rendre possible la pratique de l’ikéjimé, le poisson doit impérativement être vivant. Cela implique de persuader un pêcheur de rapporter du poisson vivant, de transporter ensuite ce poisson dans des camions sur mesure et de le conserver dans l’eau de mer à proximité des cuisines.

Le poisson, bien vivant donc, est positionné tête à gauche, le dos face au cuisinier. D’un vif coup de couteau, celui-ci tranche la nuque du poisson en l’attaquant sous la branchie. Si le poisson est très vif, on l’estourbit au préalable avec le dos de la lourde lame du Deba.

10

Après avoir gratté les écailles à la base de la queue, il entaille immédiatement ce segment en appuyant son geste d’un coup sec de la main gauche sur le dos de la lame. Cette découpe va faciliter l’expulsion du sang qui jaillit déjà sur la plaque de mousse absorbante (quel sens du détail). À cette étape, l’Ikéjimé au sens strict est déjà terminé.

Cette chair de poisson saine, à l’inverse de la préparation à l’occidentale (qu’on pourrait appeler par opposition « poisson mort ») autorise le même type de maturation qu’une viande de bœuf. En fonction de l’usage final du poisson, on préfèrera une maturation courte (1 à 2 jours pour le sashimi), plus longue ( 2 à 4 jours pour le sushi dont le goût et la texture doivent se marier avec ceux du riz vinaigré), à très longue (jusqu’à 4 semaines pour du poisson grillé ou bouilli). Le niveau de maturation joue sur la texture (plus ferme au début) et sur la production progressive d’umami. Ce fameux « cinquième goût » tant recherché et particulièrement présent dans le poisson cru correspond au goût des glutamates et des nucléotides dont l’effet fondamental est sa capacité à équilibrer et arrondir l’intégralité de la saveur d’un plat. On imagine dès lors comment cet ikéjimé, si commun au Japon et encore si peu pratiqué dans nos contrées, pourra élargir la palette des cuisiniers occidentaux.

LE COUTEAU DEBA

Utilisé pour l’ikéjimé, il a la particularité d’être biseauté d’un seul côté afin d’optimiser la précision du tranché. Très lourd, il sert à débiter, hacher et facilement trancher les os et les arêtes.

OKUDA

7 rue de la Trémoille 75008 Paris

11

Une dégustation comparative permet de juger de la qualité de maturation du poisson et d’estimer les variations de goût, de texture et d’aspect.

Le cuisinier devra choisir le moment précis où le poisson aura atteint son plus haut niveau de production d’umami sans que la texture et les autres saveurs ne soient altérées. C’est la détermination de ce point précis qui distingue le sympatique amateur du vrai maître Jedi.


L’INGRÉDIENT

LEVURE FRAÎCHE CHAMPIGNON HALLUCINANT PAR AMÉLIE RIBEROLLE ILLUSTRATION CLÉMENT CHARBONNIER-BOUËT

U

n seul être (unicellulaire) vous manque, et tout est plat. Car la levure, c’est la vie, que célébraient les Égyptiens sans le savoir avec leurs pains sur pierres. Ce micro-organisme de 6 microns développe d’incroyables capacités de survie découvertes par Pasteur : pas d’air ? Utilisons la fermentation pour nous reproduire, en mangeant le glucose contenu dans la farine ! Réaction chimique qui libère de l’éthanol qui s’évapore par la suite, et surtout du dioxyde de carbone : le fameux processus de levée, qui reste toujours un peu magique : « Je suis toujours étonné de voir la pâte lever », confie Benoît Lairon-Reynier, paysanboulanger à Cucuron dans le Luberon. Comme la plupart des boulangers de qualité, il préfère le levain spontané, nourri

chaque jour avec des chutes de pâte, comme pour mieux prendre conscience que c’est un être vivant, identifié en 1835 par Cagnard de Latour. En 1857, Pasteur comprend que les levures sont responsables de la fermentation, qu’il appelait joliment « la vie sans air ». C’est ensuite le début de l’industrialisation de la production de souches de saccharomyces cerevisiae grâce au procédé Mautner : la levure est recueillie à la surface d’un moût de grains. La première usine est ouverte en 1872 à Maisons-Alfort par le baron Maximilien de Springer, venu d’Autriche. Vienne, où depuis quelques décennies on consomme des baguettes avec uniquement de la levure et non du levain. Le pain viennois, sur poolish, a du succès en France, notamment parce qu’il n’est pas taxé. L’entrepreneur décide de fabriquer de la levure en France et Lesaffre l’imite à Marcq-en-Baroeul. Le groupe familial devenu multinationale (qui rachète Fould Springer en 1972) et leader incontesté commercialise la levure fraîche depuis 1895 sous la marque L’hirondelle, presque devenu un nom commun pour les cuisiniers. Avec l’alimentation continue (les levures sont friandes de mélasse), les volumes augmentent mais le packaging est toujours le même. Emballé dans du papier sulfu hors du temps, le cube, c’est 42 grammes de levure pressée, blanche et friable, à activer avec de l’eau ou un autre liquide puisque les 10 milliards de cellules qu’il contient ont besoin de 90 à 95 % d’humidité relative pour se mettre en branle. Le contact prolongé avec le sel est à éviter même si, contrairement aux idées reçues, il n’est pas réellement dommageable. La levure ne craint pas le froid mais le processus est stoppé à 55 °C, la pâte ne lève plus. En pâtisserie, on le préférera donc au bicarbonate ou à la levure

13

chimique suivant les usages. Mais la levure, c’est aussi un goût et là aussi c’est de la chimie : lors du processus de fermentation, nos amis produisent des composés organoleptiques qu’ils ne peuvent dégrader davantage et confèrent cette flaveur, que l’on cherche la plupart du temps à éviter. Pas Christian Le Squer, pour qui elle évoque la pâte à gâteau qu’on léchait invariablement enfant. Pas de biscuit, pas de fruit, presque pas de texture : le givré laitier, c’est l’émotion régressive d’une crème glacée où la levure est diluée dans un appareil de lait et crème, turbiné directement, puis passée au siphon après un nouvel ajout de préparation lactée. Un dessert immaculé que le Breton élevé au lait ribot a mis en place au pavillon Ledoyen et amené au V, et évoquant pour certains l’iceberg de la Fondation Louis-Vuitton… Dans la blancheur calcaire des Alpilles, le jeune chef pâtissier Brandon Dehan a quant à lui voulu, à son arrivée début 2016 à l’Oustau de Baumanière, « rendre hommage au travail du boulanger qui passe tant d’heures seul au fournil », puisque l’établissement, qui propose des menus d’accords mets et pains, produit tout sur place depuis une quinzaine d’années. « J’ai voulu reprendre tous les éléments de la panification, y compris la levure qui m’intéresse beaucoup avec son côté malté ». Infusée un quart d’heure dans du lait à peine sucré auquel il ajoute des zestes de citron et foisonnée, c’est l’élément phare, avec la glace au pain grillé, du « dessert du boulanger ». Qui n’est pas toujours le même : « le goût de levure est plus ou moins prononcé suivant sa fraîcheur », le cube pouvant se conserver jusqu’à un mois à 10° à cœur. Ce jour-là le boulanger avait copieusement tapé dans les réserves de levure et c’était doux : « C’est un dessert vivant ! »


LE CONDIMENT

Pas de repas japonais ou japonisant sans miso. Et on ne vous parle pas ici de cette sorte d’infâme bouillon lyophilisé servi dans tous les bouis-bouis d’ici avec deux bouts de tofu fadasse qui se battent en duel dans un petit bol, mais bien du formidable condiment qu’il est. On a même trouvé un Japonais qui en produit artisanalement en France, du côté de Tours. PAR ZAZIE TAVITIAN PHOTOS ROMAIN BASSENNE

Imaginez un Japonais qui ne mangerait que le goût de ces enivrants misos non pasteurisés, des baguettes gavées de mauvais gluten et trop produits artisanalement au Japon. cuites, ce serait pour lui le goût du pain traditionnel français. Et bien, c’est exactement LA BASE, C’EST IMPORTANT ce que nous, Français, faisons avec le miso À Veigné, dans le domaine de Thorigny près (prononcer « misso »). Nous associons cette de Tours, Takayoshi Hirai (photo ci-contre) vit pâte fermentée, introduite au Japon par les avec sa femme et ses deux fils. Il y occupe une bouddhistes chinois au VIe siècle, à une soupe petite aile modeste dans une ancienne fabrique marron clair, trop salée, dans laquelle flottent de vin, en bois et chauffée au poêle. Originaire des carrés de tofu fade et quelques champi- de la région de Kobé, il est arrivé en France il gnons lyophilisés. La préparation méticu- y a quatorze ans pour enseigner les mathémaleuse de ce condiment qui révèle des saveurs tiques. Il se consacre désormais à la production incroyables fait penser à celles des brasseurs de kojis et misos qu’il fabrique et commercialise artisanaux, sa palette de couleurs est complexe, sous la marque bio Sanga. Une reconversion allant du blanc au rouge foncé, en passant par pas si étonnante : « En mathématiques, tout est le doré et l’ocre. lié : la base, c’est important. C’est pareil pour En France, si l’on en trouve de plus en plus dans la cuisine. J’ai d’abord voulu savoir cultiver la les magasins bio ou les rayons spécialisés des terre, les légumes puis, petit à petit, j’ai appris grandes surfaces, il est compliqué de retrouver à fabriquer des condiments. »

14

Et à la base de la cuisine japonaise il y a… le miso. Et à la base du miso, il y a… le koji. Le koji, c’est un ferment de céréales, généralement du riz ou de l’orge, que l’on fait cuire à la vapeur et auquel on ajoute ensuite un petit champignon, l’Aspergillus Oryzae, que l’on va laisser fermenter quatre jours à 40 °C. Cette base sert à la fabrication du saké, du shōchū (eau-de-vie japonaise), du mirin et… du miso. Pour ce dernier on va ajouter au koji du soja et du sel marin et laisser fermenter le tout naturellement, parfois jusqu’à trois ans. C’est parce qu’il ne trouvait pas de koji dans la région de Tours, que Takayoshi s’est mis à fabriquer le sien : « Je me suis dit : « Si mon grand-père faisait le koji lui-même à la maison, je peux peut-être le faire aussi, ça ne doit pas être si difficile. » Presque tous les Japonais d’il y a deux générations fabriquaient ce condi-

15


LE CONDIMENT

« CHAQUE MISO EST DIFFÉRENT, IL A LE GOÛT DE LA MAISON DANS LAQUELLE IL EST PRODUIT »

ment populaire chez eux ; ce qui n’est plus le blanc et peu fermenté. Plus on s’éloigne du cas aujourd’hui : « Au Japon, c’est aujourd’hui centre, plus les misos sont foncés comme le facile d’acheter du koji, alors on a perdu cette « mugi miso », à base d’orge, que l’on consomme technique de fabrication. Acheter, ça veut dire plutôt dans les campagnes. Takayoshi fabrique perdre », explique l’artisan. aussi du miso de pois chiches pour ses clients En France, Takayoshi respecte le rythme de allergiques au soja et, pour la première fois fabrication du miso japonais, qui s’étend de cette année, un miso 100 % soja dit « hatcho » la récolte du riz et du soja vers fin octobre ou « mame miso », le plus noble des misos, jusqu’à la fermentation, lors de l’éclosion des sélectionné par la famille impériale du Japon. premières fleurs de cerisiers au printemps. Le miso Sanga est fabriqué avec du riz de pro- « LE TUEUR DE MÉDECIN » ducteurs bio camarguais et du soja bio local. La comparaison de ses produits avec d’autres Dans sa petite cuisine, l’homme a confectionné marques achetées en épiceries japonaises est des paniers en osier pour faire cuire le riz et frappante. Ils pourraient presque se manger l’orge à la vapeur, qu’il fait fermenter avec ses purs, ils titillent le bout de la langue puis se champignons importés du Japon. La seconde déploient en bouche : le palais visite alors des fermentation se fait à l’air libre, naturellement. contrées inconnues, du moelleux, de l’humide, « Si le miso est pasteurisé, il arrête de vivre », du salé, du doux, de l’âcre, du compoté… avec précise Takayoshi. L’artisan déplore les indus- des grains que l’on sent craquer sous la langue. triels, qui fabriquent leur miso à base de koji Devant notre étonnement, l’artisan explique : déshydraté, accélèrent les fermentations et « Souvent, les gens ne savent pas ce qu’est le le pasteurise. miso. Moi je fais découvrir à mes clients mon Les misos Sanga, sont quant à eux bien vivants, miso et ils aiment ça, mais je ne peux pas de couleur beige doré à rouge brique en fonc- contrôler le goût. Quand on le laisse fermenter tion des céréales et de leur degré de fermenta- naturellement, chaque miso est différent, il a le tion. Plus le miso est fermenté, plus il est foncé. goût de la maison dans laquelle il est produit. » Au centre du Japon, on déguste le plus souvent Pour l’artisan, cette pâte est également bonne le « shiro miso », ou miso blanc, à base de riz pour la santé. Le miso est en effet particuliè-

16

LE CONDIMENT

rement riche en enzymes, acides aminés et bactéries, on le surnomme même au Japon « le tueur de médecin ». Takayoshi concocte ainsi chaque matin des soupes miso à ses deux fils, moyennement férus de ce petit déjeuner peu commun à Veigné… FORT EN UMAMI

Taku Sekine, chef du restaurant Dersou (Paris, XIe) et originaire de la préfecture de Kanagawa, connaît bien lui aussi ce condiment très populaire au Japon. « C’est comme les pâtes en Italie : dans les supermarchés, tu as des rangs de pâtes, au Japon tu as plusieurs gammes de misos, blanc, rouge, cher, pas cher, industriels ou non. » Pour le chef, ce condiment est avant tout un élément de salage : « Au Japon, évidemment on a du sel mais quand on pense au salage on pense d’abord soja ou miso. » D’ailleurs, l’assaisonnement dans la cuisine française est un peu « fade » à son goût : « En France, on va seulement penser à la fleur de sel, alors qu’en Asie on salera avec des sauces comme la sauce poisson. En Chine, ils ont le doubanjiang, une pâte fermentée qui ressemble au miso mais qui est aussi pimentée. En Italie, on peut aussi saler avec des câpres ou des anchois. »

Parmi les plats traditionnels à base de cette pâte fermentée, Taku cite évidemment la soupe miso traditionnelle – bouillon dashi à base d’algue kombu et de bonite séchée auquel on ajoute le miso et que l’on peut agrémenter de tofu, champignons ou ciboule – que l’on retrouve systématiquement sur les tables familiales. Il y a également les « yaki onigiri », boulettes de riz nappées de miso et roulées dans une feuille d’algue que l’on fait directement rôtir sur les plaques de la gazinière, « c’est un plat populaire, mon père le faisait très bien ». On le retrouve d’ailleurs à la carte certains samedis midi à Dersou. Pour Taku, le miso est aussi le condiment dans lequel s’exprime le mieux le goût de l’« umami », comme dans les poissons marinés au miso, où les goûts sont très concentrés. « Cet ingrédient a des saveurs complexes, on peut aller partout avec », explique-t-il. Pour lui, « le soja et le miso, c’est la richesse de la cuisine japonaise. » Plus inquiet, Takayoshi Hirai nous alerte avant de nous laisser repartir : « Si on perd cette technique, la culture japonaise va mourir. » Ce qui est certain et fascinant, c’est que le Français moyen, a, lui, tout à découvrir de cette pâte fermentée, concentré de l’artisanat et de l’âme japonaise.

17

« LE MISO A DES SAVEURS COMPLEXES, ON PEUT ALLER PARTOUT AVEC »

Takayoshi Hirai cherche à vivre en autosuffisance à Véigné. Il cultive plantes et légumes et fabrique ses condiments, dont le miso qui change de couleur selon la céréale utilisée et le degré de fermentation.


LES ESSENTIELS PAR VALENTINE DE LAGARDE ILLUSTRATION JÉRÉMY PERRODEAU

restaurants 1

ATELIER CRENN

3127, Fillmore Street www.ateliercrenn.com La Française Dominique Crenn fait partie de ces chefs paysagistes, capables de vous immerger dans une géographie sensible en décomposant et recomposant la matière comme on excave une terre pour tracer des sentiers. De son enfance en Bretagne, elle a gardé le goût de l’iode, l’enracinement dans les dunes, herbes marines, pointes salées, qui viennent perforer ça et là des plats en déséquilibre savant. C’est cette intuition d’une terre imaginée qu’on vient chercher chez Crenn. 2

3

de la table disparaît sous les plats (salade de kale, hotdog, salade de nouilles soba, tartare de bœuf) et les cocktails création. Parfaitement balancés, ils font oublier que c’est de l’alcool et on se surprend à commander notre troisième mix en moins d’une heure. 4 HANG AH DIM SUM TEA HOUSE

1, Pagoda Place Un rade à dim sum à fort turnover. Les chaises sont couvertes de plastique, les bols et assiettes sont en céramique indestructible, les pots de sauce sont collants et des lignes de démarcation témoignent des derniers « refills », un écran dans l’angle passe des clips de musique asiatique. On jauge les assiettes des voisins de table et on fait son choix, un peu au hasard. Les baos – petits pains à la farine de riz fourrés – sont délicieux, les dim sum végétariens avec la sauce piment dégoulinent de jus. Sitôt le repas terminé, l’addition et on dégage.

MISSION CHINESE FOOD

2234, Mission Street www.missionchinesefood.com/sfo L’original de Danny Bowien. Bien que le lieu semble désuet, la cuisine y est remarquable, moderne et fraîche. Salade d’herbes fraîches enroulées dans une pâte de riz fine, trempées dans une sauce légèrement relevée de piment et de gingembre. Des aubergines taïwanaises dont la chair onctueuse fait monter les émotions en appelant une gorgée de bière fraîche pour calmer la cavalcade du piment de la sauce.

TRICK DOG

3010, 20th Street www.trickdogbar.com Il est 19 heures et le bar – première partie du Trick Dog, dans le Mission District huppé – est déjà bondé. Mais l’attente sera courte pour un verre à l’équilibre parfait. À l’étage, quelques tables couvertes de nappes blanches s’accordent à merveille avec les murs industriels et les tableaux légèrement suggestifs. Une mezzanine surplombe la foule grouillante. Très vite, le blanc

c’est un pari que Brandon Jew s’est lancé en 2014 et qu’il a relevé aujourd’hui. 100 % californien dans son sourcing – hors les vins et quelques produits tel l’huile – son menu est lui complètement asiatique, voire chinois, twisté avec quelques créations hétéroclites, à l’image de la ville. Et tant la qualité que les goûts laissent coi. Des buns à la texture extraordinaire, aux champignons sauvages ou à la poitrine de porc caramélisée au barbecue, des huîtres locales à la mignonnette de gingembre, des tendrons de bœuffeuille de céleri-piment, un pâté de pied de porc, des aubergines à la taïwanaise dont la chair tenue fond en bouche… Sur les plats s’expriment des épices, des piments, des sauces maison mijotées longuement. Pour les desserts, il dispose de la fameuse Melissa Chou, auteure d’accords surprenants – gâteau au sésame noir, mousse de gingembre, poires pochées – pour un coup de fouet et une fin grandiose.

5

7

FLOUR + WATER

2401, Harrison Street www.flourandwater.com En plein Mission District et presque en face de Trick Dog, ce restaurant aux airs marins, régale les amoureux des pâtes et de la cuisine italienne. Monté en 2009 par le chef Thomas McNaughton, ce lieu concentre l’art de la pasta, avec différentes céréales, sauces, cuissons. Cappellettis salsifis, ricotta, ail noir, torchios au pollen de fenouil avec de l’épaule de porc braisé, kale, fenouil et pomme fuji, papardelles au blé complet, agneau braisé, butternut, trévise, groseilles. Les pizze sont aussi au menu avec une pâte faite maison qui repose 48 à 72 heures. Un menu de saison californien et dans la tradition italienne.

BARS À COCKTAILS 8

6

PETIT CRENN

609, Hayes Street www.petitcrenn.com Après sa grande table, Dominique Crenn rêvait d’un bistrot plus simple, plus convivial où, dans la décontraction, les clients peuvent déguster une cuisine raffinée, travaillée avec de bons produits. Il est parfois compliqué de trouver un couvert, mais on trouve toujours une solution pour se payer son menu court, qui varie souvent et offre la découverte d’une cuisine fraîche et colorée. Panais, consommé de homard, gingembre et épinard, truite de Mont Lassen grillée, beurre de haricot, artichauts, sauce vierge, tarte tatin de poire et frangipane, sorbet chocolat, noix caramélisées… Différent de son aîné Atelier, Petit Crenn est tout aussi réjouissant.

ABV

3174, 16th Street abvsf.com Trouver un bar à cocktails à San Francisco est chose facile, en trouver un bon est plus compliqué. Ici, on frôle la perfection sur les classiques. Mais danser sur

MISTER JIU’S

28, Waverly Place www.misterjius.com Reprendre un restaurant iconique de dim sum dans le vieux Chinatown pour en faire l’un des lieux les plus excitants de la métropole,

18

les créations est un peu plus complexe. Negroni rond envoyé et servi en quelques minutes avec excellence, suivi d’un Whisky in Church (scotch fumé, oloroso, sirop d’érable, bitter fumé) sur un twist de Old Fashioned. Pour accompagner dignement les cocktails : chou-fleur grillé et aïoli, carottes rôties, zaatar et labné, tacos, ribs, mini-burger… 9

COMSTOCK SALOON

155, Columbus Avenue www.comstocksaloon.com Encore dans son jus des années 30, ce bar à cocktails-restaurant, vous plonge dans une ambiance toute particulière. On opte pour la première partie plus intime et lumineuse. Le petit bar arrondi accueille certaines âmes solitaires et les tables hautes rondes en marbre blanc rassemblent les amateurs d’un verre avant de passer à table. On y déguste des cocktails secs tirés au cordeau et des plats, simples et sophistiqués : choux de Bruxelles frits, pecorino, calamars frits, falafel et tzatziki, salade de betteraves, fromage de chèvre et vinaigrette à la grenade.

CAFÉ 10

SIGHTGLASS COFFEE

270, 7th Street sightglasscoffee.com Un lieu magique et improbable. Un grand garage avec, au centre, ce comptoir ovale d’où sont extraits les cafés. Çà et là, des sacs de café, des cartons, des rangements… À l’étage, sur une mezzaninecoursive, des tables pour se poser et/ou travailler. Mi-torréfacteur mi-coffee shop, ce lieu hybride a un charme fou.

BOULANGERIE-PÂTISSERIE 11

TARTINE BAKERY

600, Guerrero Street www.tartinebakery.com Que ce soit sur place ou à emporter, Tartine Bakery attire les amateurs de pâtisserie légèrement complexe (tarte au citron, aux fruits rouges, au chocolat, millefeuille, etc.) mais aussi de layer cakes (superbes, il faut l’avouer). Mais pour le café de 8 heures du matin, les connaisseurs se précipitent sur leurs viennoiseries, doughnuts et chaussons.


reportage

DOMAINE BIEN LUNÉ Sulauze, c’est un domaine de 500 hectares biodynamiques dans les Bouchesdu-Rhône, où on fait du vin, de la bière artisanale en se servant des céréales et du houblon maison, de l’huile d’olive, de l’élevage de taureaux et de cochons noirs. Une diversification vertueuse réussie par des « paysans philosophes » qu’on vous raconte ici. PAR AMÉLIE RIBEROLLE PHOTOS ARNOLD JEROCKI

21


D

ix heures, indique la cloche de Sainte Magdalène des Champs, petite chapelle du XVIIIe. Le système d’automatisation de la sonnerie, c’est un petit cadeau que s’est fait Guillaume Lefèvre. « Ça coûte un bras mais c’est sympa non ? » Ce presque quadra aux allures de surfeur est le bienheureux propriétaire depuis 2004 de la partie viticole du gigantesque domaine de Sulauze, cinq cents hectares, dont vingt de vignes, à cheval sur Istres et Miramas, dans les Bouches-du-Rhône. Cet écrin fertile entre les cheminées de l’étang de Berre et les magasins d’usine censés dynamiser une cité-dortoir et qui a bien failli faire l’objet d’une juteuse opération immobilière. Jusqu’à ce que déboule le blondinet, vingt-cinq ans à l’époque et l’envie de faire un vin qui ait du sens avec Karina, sa belle Brésilienne, spor-

tive bonne vivante tombée dans le vin nature depuis leur rencontre sur le GR20. La famille s’est agrandie depuis, et Jorge et Carmen jouent avec les enfants des « voisins », comme on s’appelle dans ce Sulauze redevenu un hameau au fil d’une diversification vertueuse. BOUSE DE CORNE

Les taureaux sont arrivés avec Laurent Fano il y a une cinquantaine d’années. Le domaine est dans l’escarcelle de la famille depuis les années trente. L’ingénieur œnologue descend de Paris, rouvre la cave, en mode cubi à la tireuse. Les bestiaux débroussaillent les collines et font office de vigiles dans des contrées où les feux partent si vite. Laurent, lui, se prend au jeu de la tauromachie et de la sélection. Son fils Christophe et sa femme Juliette, qui se sont mariés dans la petite chapelle, prennent le relais, avec une quarantaine de camarguais et quelques semi-domestiques. Mais l’essentiel de ces 500 fortes têtes, ce sont des espagnols taillés pour le combat. Il y a quelques années, ils créent une boucherie sur place pour écouler les bêtes qui ne partent pas vers les arènes du coin. « Beaucoup de petites arènes ont fermé après le drame de Furiani 1 ». L’an dernier, ils ont vendu une petite dizaine de taureaux de combat. Les autres sont abattus pour leur viande, estampillée bio à des prix défiant toute concurrence que l’on vient chercher directement ici un vendredi

22

sur deux après avoir réservé. « En fonction de la demande, on envoie les bêtes aux abattoirs. Déjà qu’après tout ce travail de sélection, c’est dur de les voir pendues à un crochet… », soupire Juliette. « Entre vegans et anticorridas, c’est compliqué ! » On le comprend, les temps sont durs pour le couple d’éleveurs, obligés de se diversifier jusqu’à vendre du bois de chauffage. « Il y a la salle de réception, et puis on ouvre à la chasse, on fait des journées taureau à la broche… Clairement, nos revenus viennent plus de l’agritourisme que de l’élevage », regrette Juliette. Bon sens paysan chevillé au corps, elle a quand même bien rigolé le jour où Guillaume lui a demandé s’il pouvait récupérer leurs attributs pour les farcir de bouse et les faire fermenter sous terre pendant l’hiver. Préparation incontournable de la biodynamie (numéro 500 dans la bible de Steiner), la bouse de corne est utili-

« ON ÉCHANGE DU BLÉ CONTRE DU PAIN AVEC THÉODORE PLANASRASTOIN, PAYSAN BOULANGER VIGNERON DANS LE PAYS D’AIX. »

sée pour fertiliser les vignes. Diluée à l’eau, de pluie, évidemment. La conversion a duré trois ans. Malgré la sécheresse, Guillaume se refuse toujours à l’irrigation « qui nie le terroir ». Membre de Renaissance des appellations, il assume également des cuvées « qui partent en couille, parce que ce sont des vins vivants ». Comme son Cochon, quille la plus accessible que surveille avec attention Annabelle, jeune recrue qui, trois ans après la fin de ses études d’œnologie, en a eu vite « marre des grosses caves ». Parmi l’équipe de choc occupée à la taille de la vigne sous la ligne à haute tension – on est sur le territoire de la métropole marseillaise –, elle est une des rares à ne pas habiter sur place, mais a son petit coin de potager. Parce que sur ces terres fertiles on ne fait pas pousser que de la vigne. Les cinq hectares d’oliviers n’ont donné qu’une cinquantaine de litres d’huile cette année, qui sera réservée à la consommation personnelle. Même surface pour les céréales. « Y a 80 variétés anciennes mélangées », lance Guillaume, sudiste blond comme les blés avant la moisson. « On échange du blé contre du pain avec Théodore Planas-Rastoin, paysan boulanger vigneron dans le Pays d’Aix. » COCHON ET CRAFT

Une petite partie reste au domaine où elle est utilisée par l’autre Guillaume pour sa Clef des

champs, première bière certifiée Demeter en « JE SUIS ALLÉ VOIR France. « C’est mon grand fils », lance le blond. UN GARS EN ARDÈCHE », On le verrait plutôt grand frère du Guillaume à casquette, qui corrige : « On est le mentor l’un LANCE-T-IL AU-DESSUS de l’autre. » Premier apprenti du domaine, il D’UN TONNEAU. « NON était aussi brasseur amateur à l’époque avec MAIS TU TE FOUS DE son copain d’enfance Julien Gondard. Ils s’asso- MA GUEULE, Y EN A ICI ! » cient tous les trois et les autodidactes retapent la bergerie sur les hauteurs du domaine pour y implanter la brasserie, plantent du houblon et installent un dynamiseur VOA pour « restructurer » l’eau du forage, qui puise dans une veine losophie, Juliette, qui reçoit la paille pour ses de la plaine de la Crau. « C’est pour lui redon- taureaux, le voit comme une évidence : « C’est ner sa mémoire », explique le surfeur poète. De comme ça qu’on faisait avant ! » Quand il est ce côté de Sulauze aussi l’eau manque : « Les arrivé, Guillaume Lefèvre a installé les bureaux, plants de houblon n’ont quasiment rien donné remplis de dessins de Michel Tolmer (« Mimi, cette année, il n’a quasiment pas plu », déplore Fifi & Glouglou », chez l’Épure), dans les plus Guillaume. Mais les brassins sont chauffés au beaux bâtiments, et un espace de garde dans feu de bois : « Brasser au fuel, c’est moyenne- la chapelle troglodyte, mais a viré la mention ment écolo. » Et si les cochons (parce que oui, « château » de toutes les étiquettes et docuil y a aussi une centaine de cochons noirs) sont ments. Il n’en est pas moins super classe de si bons qu’ils attirent toute la région pour les louer la salle Fenière pour un mariage, avec fêtes où l’on « charcute » en buvant des canons, taureau à la broche dans la cheminée centrale c’est aussi parce qu’ils boivent des fins de fûts et chambre pour les enfants. pour faire la sieste et donc du gras, et se nour- « C’est comme un hameau. Un lieu qui régérissent de la drêche, les résidus des céréales nère », s’extasie Ophélia, qui a emménagé après brassage. en novembre avec son compagnon Thomas. Connus comme Zébuline et Zigoto, ces cuisi« Le déchet de l’un devient la matière première niers qui tenaient une paillote sur la plage de de l’autre. » Ce que Guillaume, qui a lancé une Ferrière à Martigues, où ils ont été parmi les bière spontanée avec la lie du Suce-miel, blanc premiers à distribuer les bières de Sulauze, ont de raisins passerillés, brandit comme une phi- emménagé sur les hauteurs de ce garde-manger

23


qu’ils ne cessent d’arpenter en nourrissant leurs projets de faire venir une clientèle populaire. Au premier rang desquels réchauffer le four à pain. « Il y a une curiosité locale pour ce qui se fait ici ». ENTÊTÉ MAIS PAS TÊTU

Quand le modèle ne fonctionne pas à l’intérieur de Sulauze, c’est don et contre-don avec les copains. « Je ne fais pas trop vieillir en fûts, à part la Liane, qui est un coteaux d’Aix non levuré et non filtré », explique Guillaume le vigneron. Alors Guillaume le brasseur récupère des fûts de gigondas pour sa sour ambrée. Il aurait bien alimenté la chauffe des brassins avec les broyats de Sulauze, mais c’était trop compliqué. Ici on est entêté mais pas têtu. Et ouvert. « Je sais qu’on est chiants en vin, on passe peut-être à côté de choses sympa d’ailleurs. Mais plus que le goût, c’est une histoire de philosophie », s’excuse presque Guillaume le vigneron. Pour chaque nouvelle bière d’auteur, les brasseurs font appel à des talents de graphistes et illustrateurs. Sa dernière lubie, une lager à la feuille d’olivier. « Je suis allé voir un gars en Ardèche », lance-t-il au-dessus d’un tonneau. « Non mais tu te fous de ma gueule, y en a ici ! » Y a tout, ici.

P. 20

Les vignes de Sulauze et Guillaume Lefèvre dans le parc à cochons noirs du domaine.

À SULAUZE, ON A AIMÉ

SULAUZE AU FIL DU TEMPS

→ LA CHAPELLE LAÏQUE

→ 1ER SIÈCLE APRÈS J.-C.

→ LA LIANE

Arrivée de la famille Fano, qui introduit par la suite des taureaux.

Ce coteaux d’Aix blanc provient de la petite parcelle plein est derrière le petit édifice. Pas de levurage, pas de filtration, toute la minéralité de Sulauze (oui, sur la lauze).

CI-DESSUS

L’autre Guillaume (David) du domaine, qui brasse les crafts.

Coteaux d’Aix rouge, moitmoit syrah et grenache. Tannique comme Guillaume les aime, bouche tendue, ultra polyvalent.

1. Le drame de Furiani – 18 morts et 2357 blessés après l’effondrement d’une tribune du stade Armand-Cesari, en Corse, le 5 mai 1992 lors de la demi-finale de la coupe de France de football – a entraînédes règles de sécurité très strictes, et coûteuses, pour pouvoir accueillir des spectateurs.

→ LA OAÏ

Chouette IPA bien rouillée, sur le pamplemousse, mais plutôt le ziste. Longue amertume. C’est fruité mais sec, nickel.

Premières plantations de vignes. Pour preuve les amphores retrouvées sur place.

→ ANNÉES 30

→ 2004

Arrivée de Guillaume et Karina Lefèvre. → 2008

Premiers vins sans sulfites.

→ 2013

Ouverture de la brasserie.

FROM FLANDERS WITH FOOD

→ LA SÉ SAUTÉ DWET

Milkshake IPA. Omnipollo-style, en mode punch : orange, ananas et citron, pour « Suce-toi les doigts en créole ». Bonbon.

A no nonsense approach to no nonsense food

Notre culture brassicole illustre à merveille une recherche permanente de l’amélioration du savoir-faire flamand. Notre région est le parfait exemple de la rencontre entre expertise séculaire et innovation. Le résultat ? Une diversité unique de bières, toutes caractérisées par un goût et un style particuliers. géné La jeune génération est bien décidée à perpétuer ce savoir-faire. Jeunes chefs, Flanders Kitchen Rebels, Chocolatiers, brasseurs et producteurs de talent n’ont pas leur pareil pour proposer au client des plats et des produits innovants respectueux de la tradition. Not Notre culture culinaire est omniprésente, y compris dans les rues brodées de foodtrucks, de friteries et autres cafés authentiques. La fierté, l’hospitalité et la convivialité comptent parmi les valeurs des Flamands, qui sont de bons vivants. www..romflanderswithhood.com

Editeur responsable Peter De Wilde, VISITFLANDERS, Grasmarkt 61, 1000 Bruxelles, 24


style

2

T’AS DE BEAUX CHEVEUX, TU SAIS… PAR SYLVIE BERKOWICZ ILLUSTRATION PIERRE LA POLICE

1 3

5 4

6

7 8

Après avoir cédé à la mode de la barbe, des tatouages et des sneakers immaculés, les chefs se débrident désormais capillairement. On a appelé à la rescousse David Lucas, coiffeur préféré des stars, pour démêler ce sujet. Forcément, on en voit de toutes sortes en cuisine : des hirsutes, des rasés, des crantés, des frisés, des chignons serrés, des planqués sous une casquette. Des toqués ? De moins en moins. Le cheveu est aujourd’hui rarement coiffé d’un couvre-chef ou même d’une résille. Pourtant, (presque) pas de cheveu dans la soupe, hygiène et hype semblent compatibles. Nos chefs et cheffes sont soucieux de leur image et coté coiffure, ils naviguent entre le pragmatisme qu’impose leur métier et la coquetterie que requiert désormais leur exposition médiatique. Nous avons demandé au charmant – et bouclé – coiffeur David Lucas, grand amateur de cuisine, de décrypter les types de coiffure repérés chez nos cuisiniers préférés. Sans grande surprise, ce qu’il décrit du style capillaire des grands référents que nous avons identifiés rejoint souvent le caractère de leur cuisine.

1 LA QUEUE DE CHEVAL

7 LE DÉCOLORÉ

LA RÉFÉRENCE : ANNE-SOPHIE PIC

LA RÉFÉRENCE : KEI KOBAYASHI

« C’est une bonne idée, simple et efficace. Elle met son visage à nu et je vois de la franchise, de l’honnêteté et de la transparence. Et en même temps, on ne peut pas dire que ça n’est pas une coiffure. Pour un petit peu plus de fantaisie, je ferais un bun plus haut sur la tête et peut-être pas de raie. »

« Ça me fascine ce coté très affirmé. Il faut oser faire une décoloration, ce dont les Asiatiques sont plus capables que nous. Ça lui va bien. Il pourrait paraître dur et, du coup, ça l’adoucit énormément. En cheveux naturels, il projetterait sans doute une toute autre image et paraîtrait peut-être plus jeune. Je n’arrive pas à savoir quel est son âge. »

2 LE COURT ASYMÉTRIQUE LA RÉFÉRENCE : DOMINIQUE CRENN

8 L’HIRSUTE

« On voit qu’il y a de l’énergie chez cette femme ! Avec peut-être une cuisine plus déstructurée, plus éclatée. Avec un côté très franc aussi puisqu’elle dégage sa nuque et met son visage en avant. Et un souci aussi de féminiser sa coupe courte. »

LA RÉFÉRENCE : PIERRE SANG BOYER

« Lui, je le connais ! Sa coiffure est comme son caractère : sympa, généreux, expansif. Il a un vrai look et je l’aime bien comme ça, quand ses cheveux sont un peu longs et fous. »

3 LE RASÉ

LA RÉFÉRENCE : VIVIEN DURAND

LA RÉFÉRENCE : THIERRY MARX

« Il a une chevelure poivre et sel très marquée et je sens qu’avec son bandeau ou son petit bun, il a envie de se débarrasser de ces cheveux qui doivent le gêner pour travailler. Il a raison d’avoir les cheveux un peu longs par rapport à son visage, je ne le vois pas avec des cheveux trop courts ».

9 LE MI-LONG ATTACHÉ

« Quand on arrive à zéro cheveu, c’est qu’on n’a pas le choix. Aucun homme au monde ne choisit d’être dégarni quand il peut avoir des cheveux. Après, cela devient une image de marque. Il doit se raser tous les matins et cela devient un rituel, le rasage, la crème ensuite. Il a un très beau crâne, il peut donc se le permettre ! » 4 LE CRANTÉ LA RÉFÉRENCE : YANN COUVREUR

« Mais c’est un vrai mannequin ! Il a le look du moment, la petite barbe, un peu de longueur sur le dessus de la tête, c’est carré sans être strict. Certains ne supporteraient pas cette petite ondulation parce que ça n’est pas dans le contrôle. Tout est en place et je dirais qu’il se connaît très bien. »

L’EXCENTRIQUE LA RÉFÉRENCE : FLORENT LADEYN

LA RÉFÉRENCE : PIERRE GAGNAIRE

« Quelle personnalité ! Ça lui va, c’est bien, et je ne le vois pas autrement. Ça va être très dur pour lui de changer de style. Il se rase sur les cotés et pourtant, lui, il a plein de cheveux ! Le petit bun est certainement un souci d’hygiène et une façon de se faciliter la vie au boulot. Ça lui donne un coté grand sage, un peu bouddha… »

« Tout simplement très beau. Cette coiffure a toujours été son style avec des variantes plus ou moins longues. On sent bien que ça peut tomber et peut-être qu’il les replace en arrière. Nous avons tous une gestuelle induite par nos cheveux. Ça bouge, c’est vivant. »

LA RÉFÉRENCE : PAUL PAIRET

9

« Fabuleux ! Les cheveux gominés comme ça, j’adore ! Là, c’est très propre mais il faut faire attention, car ça peut vite faire crado. Il n’y a pas un cheveu qui dépasse. On sent bien qu’il s’humidifie les cheveux tous les matins, qu’il met un produit et passe le peigne. Il y a un coté classique mais il est en même temps tellement moderne. J’adore ! »

5 LE MI-LONG

6 LE PLANQUÉ SOUS UNE CASQUETTE

LE GOMINÉ   LA RÉFÉRENCE : GUILLAUME SANCHEZ

« Mais que camoufle-t-il ? Pourquoi porter ça tout le temps ? Je me pose la question… Il doit y avoir un truc qu’il n’aime pas et cette image lui convient mieux. Il doit se sentir bien avec cette visière. Cela fait partie de son identité et j’imagine que sans il se sentirait nu. Est-ce que moi, le jour où je serai dégarni, je ne me mettrai pas à porter un bonnet ? »

27


PLAYLIST

PLANER EN BALLONS AVEC DU JAZZ

PO PO POP POP

PLAYLIST

et de jazz, toujours avec un côté rock’n’roll, est la signature du contrebassiste israélien Avishai Cohen.

ON ÉCOUTE QUOI ?

I Know You Know (3’45), d’Esperanza Spalding & Leo Genovese – Esperanza (2008),

Avec I Know You Know, on sent du jazz, du groove latin et un côté pop qui donne chaud au cœur et qui nous fait danser. Dès que « l’espoir » du jazz contemporain prend en mains une contrebasse deux fois plus grande qu’elle ou une basse électrique, on reste ébahi… et on ne parle même pas de sa voix !

PAR ANETA HELEKALOVA

ON BOIT QUOI ?

Guili Guili, Zulu Wine, de Gilles Azam

ON BOIT QUOI ?

Les Armières 2013, domaine de la Garance

Frédéric Malpart (Vignes) : « C’est un vin suave aux notes douces mais qui dès le premier nez annonce une évolution et le caractère du carignan. Les épices et la minéralité de ce vin s’expriment avec profondeur en milieu de bouche et offre un ensemble homogène très complexe. » ON TROUVE ÇA OÙ ?

Vignes, 76 boulevard de la Villette, 75019 Paris

DE L’IMPRO PERCUTANTE UNE ODE

ON ÉCOUTE QUOI ?

ON ÉCOUTE QUOI ?

Hide and Seek (5’37), de Joshua Redman – Freedom In the Groove (1996)

Les yeux verts, un grand sourire et un saxo impossible à confondre avec celui de quelqu’un d’autre. C’est bien Joshua Redman sur un jazz groove qui donne envie de bouger, qui nous file la banane, et qu’on réécoute en boucle. Avec Hide and Seek on s’imagine presque dans un film d’espionnage, avec une panthère rose ou en Sherlock Holmes « groovy ».

Caroline Loiseleux : « Le Guili Guili sonne l’heure de l’apéro ! Mise en bouche qui gazouille et se structure sur une trame de chardonnay, chenin, mauzac et parfois de macabeu. Ce crémant de Limoux donne la juste note festive. Un peu de peps et de pop qui explique pourquoi cette bulle est top : l’ajout de rancio de muscat sec au dégorgement. Parfait pour la puissance énergique de I Know You Know… »

Ode (6’21), de Brad Mehldau – Trio, Ode (2012)

Le pianiste Brad Mehldau est un extraterrestre. Avec sa main gauche surnaturelle (et non, il n’y a pas deux pianistes sur ce morceau), il fait ici un hommage à la beauté, une ode à toutes les odes. Un rythme enivrant, une belle mélodie dans sa simplicité, un morceau optimiste dans son essence.

ON TROUVE ÇA OÙ ?

Via Alexandre Pons – Vins Hors Normes (www.vinshorsnormes.com)

ON BOIT QUOI ?

C’est Le Printemps, Dard et Ribo

DU RYTHME ORIENTAL

ON ÉCOUTE QUOI ?

Duality (8’22), de Brian Blade & Fellowship Band – Body and Shadow (2017)

Un voyage entre le jazz plus mélodieux et traditionnel et une impressionnante improvisation libre au saxophone en deuxième partie du morceau. C’est cette dualité qu’on retrouve dans ce morceau de Brian Blade, un des batteurs les plus demandés de la scène jazz actuelle. Ici, dans son projet personnel, il explore à la perfection le mélange entre la folk américaine et le jazz.

ON ÉCOUTE QUOI ?

Lingus (10’46), de Snarky Puppy – We Like It Here (2013)

Avec 25 musiciens sur scène qui ont l’air de s’amuser autant que leur public, on commence sur un groove contagieux et on finit par une explosion d’énergie et des solos déjantés. Snarky Puppy est un projet très funky et un groupe qui fait le buzz grâce à sa façon innovante d’enregistrer et de présenter sa musique sur YouTube. ON BOIT QUOI ?

Trousseau 2016 du Domaine Labet

Frédéric Malpart : « Avec Snarky Puppy, je pense à un vin plus rock, plus juteux et plus mystérieux. C’est Le Trousseau 2016 en côtes du jura nature du Domaine Labet. Les notes bien cadencées de l’entrée en bouche laissent place à une matière et un jus fruité et légèrement épicé et enfin une minéralité désaltérante. Un vin nature qui explose en bouche comme ce superbe solo de clavier. » ON TROUVE ÇA OÙ ?

Vignes, 76 boulevard de la Villette, 75019 Paris

DE L’HYBRIDE DÉBRIDÉ

ON BOIT QUOI ? ON BOIT QUOI ?

Bois-Moi, Le vin des potes, 2014

Guillaume Dupré (Coinstot Vino) : « Pour Redman, il nous faut du brut chic et gouleyant, la cuvée Bois moi, 100 % cinsault vinifiée par des anciens sommeliers, Yohan Tavares et sa bande. »

Allez Goûtons, Dominique Derain, 2017

Guillaume Dupré : « Ode, c’est une envie de balade sur un coup de tête au mois d’avril, le soleil revient et c’est la floraison, donc sans hésiter on a soif de cuvée de printemps de chez René-Jean Dard et François Ribo. La syrah à boire spontanément et sans modération. »

ON ÉCOUTE QUOI ?

Eleven Wives (5’17), d’Avishai Cohen – Trio, Gently Disturbed (2008)

Onze temps pour onze épouses, Eleven Wives est un morceau qui ne nous laisse jamais au repos. On se sent dans une course-poursuite où on essaye de rattraper ce rythme étrange sans jamais y arriver. Ce mélange de musique orientale

ON TROUVE ÇA OÙ ? ON TROUVE ÇA OÙ ?

Coinstot Vino, 26bis passage des Panoramas, 75002 Paris

mélange unique de musique arménienne traditionnelle et de jazz.

vigneron espagnol investi et atypique. Son rouge suave ira à merveille avec l’écoute d’un morceau jazz soul de Gregory Porter. »

ON BOIT QUOI ?

REMETTRE UNE BÛCHE DANS LA CHEMINÉE, BRANCHER LES ENCEINTES, COUPER LES OBJETS CONNECTÉS, POSER UN VINYLE SUR LA PLATINE OU GLISSER UN CD DANS LE LECTEUR ET S’ACCORDER UN MOMENT JAZZ. OUI, MAIS ÇA MANQUE D’UN VERRE, NON ? NOTRE MÉLOMANE MAISON ET NOS EXPERTS EN GLOU VOUS ORIENTENT.

DU GROOVE

DU FUNKY

Coinstot Vino, 26bis passage des Panoramas, 75002 Paris

28

Jean-Michel Carrette et son sommelier Julien Buiret, Aux Terrasses (Tournus) : « Cet aligoté blanc primeur plein de fraîcheur et de notes pétillantes s’allieront parfaitement avec les sonorités gaies du morceau. » ON TROUVE ÇA OÙ ?

Caves Augé, 116 bd Haussmann, 75008 Paris

ON ÉCOUTE QUOI ?

Markos and Markos (5’38), de Tigran Hamasyan – An Ancient Observer (2017)

On se croirait dans un film de Tim Burton avec ce Markos and Markos où on passe du calme à la tempête, de la beauté à la frayeur, du classique au moderne. Le jeune pianiste arménien, Tigran Hamasyan, nous fait ressentir tous ces extrêmes avec seulement ses deux mains, un piano et son

IGP Imathias « Blanc de Noir » 2015, Tarala’s Family winery, Grèce

ON TROUVE ÇA OÙ ?

gourmethunters.com/wines

Caroline Loiseleux : « Ce xinomavro se décline sur les notes de blanc de noir aux couleurs de schistes et de granite. Vinifié par Jason Ligas, ce vin me plonge dans un air de soleil plombant. D’une puissance de paysage marin sur un jus ambré aux nuances rosées, on boit la gorgée ! Rythmé d’une rafale qui s’impose d’un panache salin. On a envie de croquer dans la chair d’une huître charnue tout en se laissant tanguer par ce morceau de piano qui agite le vin dans les voiles. »

DU SYNESTHÉSIQUE

ON ÉCOUTE QUOI ?

Panic Attack (4’54), de Thomas Fonnesbaek & Justin Kauflin – Synesthesia (2017)

Le pianiste Justin Kauflin et le bassiste Thomas Fonnesbaek partagent une condition neurologique commune, qui leur fait percevoir les sons comme des couleurs. C’est la synesthésie, titre éponyme de leur album. Sur ce Panic Attack on a donc des couleurs très énergiques et chaudes, et un jazz groovy, qui ne s’éloigne pourtant pas de la tradition.

ON TROUVE ÇA OÙ ?

www.planetevin.com

DE LA VOIX

ON BOIT QUOI ?

Jakot 2009 de Radikon

Alexandre Phillipe-Rimbaud, Botanique Restaurant : « Musique brève, soutenue, maintenue. Un vin blanc de longue macération. Mélodique mais méthodique. Précis. Voire ferme mais si séduisant : Jakot 2009 de Radikon. Des angles rythmés par une tension, une pureté. Revenir dessus 10 fois ; repeat. »

ON ÉCOUTE QUOI ?

1960 What ? (12’27), de Gregory Porter – Water (2010)

On ne pourrait pas oublier le jazz vocal, et Gregory Porter est sûrement la plus grande voix masculine du jazz d’aujourd’hui. Reconnaissable par une cagoule qui fait déjà partie de son style, et surtout par sa voix grave et douce, il chante souvent des chansons d’amour très jazzy-soul. Mais 1960 What ? est différente. Une chanson politique dans la veine des grands classiques de Marvin Gaye, belle, puissante et engagée.

ON TROUVE ÇA OÙ ?

Botanique Restaurant, 71 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris

DU GÉNIE

ON BOIT QUOI ?

Bujes 2013, Laboratorio Rupestre par Erik Rosdahl ON ÉCOUTE QUOI ?

Truth (13’30), de Kamasi Washington – Harmony of Difference (2017)

Jean-Michel Carrette : « À la première écoute, j’ai pensé à notre coup de cœur du moment, avec Julien, et la rencontre avec Erik Rosdahl,

29

Truth est un morceau qui se construit doucement, couche par couche, jusqu’à une explosion de beauté et d’euphorie, avant de redescendre sur terre et de tout recommencer. Dans son projet « Harmony of Difference », Kamasi Washington combine cinq compositions différentes dans ce « super morceau » pour démontrer que les différences peuvent créer des très belles choses. Un message à la fois artistique et politique d’un des plus grands saxophonistes actuels. ON BOIT QUOI ?

Monomeith 2016 pinot noir, de Lucy Margaux

Alexandre Phillipe-Rimbaud : « Musique dans la durée, authentique. Moderne, j’écoutais la douceur du fruit, je goûtais les notes. Le toucher en bouche est une sensation physique, comme une écoute. La puissance douce, musique en trois parties qui accompagne le vin dans son ouverture, son crescendo et ses dernières gouttes. C’est permanent et long. Onirique. Un vin qui agite la petite lyre qui est en nous, une petite musique qui par sa sensibilité transforme le vin en cantate. » ON TROUVE ÇA OÙ ?

Botanique Restaurant, 71 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris


MINI-GUIDE

Les Flamands osent COUP DE PROJECTEUR SUR LES INVITÉS D’HONNEUR DU FESTIVAL OMNIVORE 2018, AUTEURS D’UNE CUISINE QUI DONNE DU RELIEF AU PLAT PAYS. PAR PEYO LISSARRAGUE, VALENTINE DE LAGARDE ET LUC DUBANCHET

La Flandre, destination culinaire ? Il y a une dizaine d’années, l’affirmation aurait fait sourire. On y trouvait bien sûr de belles maisons, des tables de belle facture, au doux ronronnement, mais figées dans un autre temps. Il a fallu que déboule une bande de punks indisciplinés pour que les choses commencent à bouger. Auto-proclamé Flemish Foodies, le trio formé par Jason Blanckaert, Olly Ceulenaere et Kobe Desramaults a mis un énorme coup de pied dans la tranquille fourmilière belge. En cassant les codes, sans tomber dans le piège d’un tropisme nordique trop évident, mais en ouvrant tous azimuts les papilles aux influences lointaines. Depuis, plus rien n’est comme avant. En une décennie, un nouvel espace de la cuisine flamande a vu le jour. À mille lieues des frontières politiques, dont il a le bon goût de se moquer. On y parle toutes les langues et on vient parfois de loin pour collaborer avec les chefs locaux, preuve du magnétisme d’un pays

où on sait manger et où le concept d’avantgarde a gardé sa pureté originelle. dEUS, Sidi Larbi Cherkaoui, Stromae, Ivo van Hove, Dries van Noten, TG Stan, Arno (liste non exhaustive)… La Flandre culinaire du début du XXIe siècle est à l’aune du théâtre, de la danse, de la mode et de la musique dont le plat pays nous régale – l’air de rien – depuis un sacré bon moment. Omnivore est parti à la rencontre de ces créateurs, dont le recensement ne peut être que partiel tant la scène flamande est la fois riche et mouvante. Entre racines et biotope, les cousins du Nord sont en train d’inventer quelque chose d’à la fois brut et émouvant, quelque chose de farouchement rétif et têtu, qui te dit gentiment « attend » puis te prend par la main pour t’emmener regarder la lumière. Oblique, pâle, tranchante, elle dessine ici des ombres inédites. Des reliefs nouveaux.


ffffffffff

SOMA

33 Wolstraat, 2000 Anvers +32 3 290 04 03

www.soma.restaurant

Adriana Zafiris, la BelgoGrecque et Frédéric, le FrancoColombien, ont choisi de se fixer à Anvers pour ouvrir l’an dernier Sõma, après avoir œuvré tous les deux à Arsenic (Lyon) sous la férule de Christian Têtedoie – Frédéric Chastro fut son second. L’endroit, une vieille bâtisse flamande, possède un charme fou, une vingtaine de couverts, une cuisine attenante bricolée maison, où les deux jeunes chefs cuisinent à quatre mains leurs influences et accents.

ffffffffff

De Superette 29 Guldenspoorstraat 9000 Gand +32 9 278 08 08 www.de-superette.be

Monté par Kobe Desramaults et Sarah Lemke, boulangère américaine d’exception, De Superette est le rendez-vous de fin de semaine pour un petit déjeuner tranquille, un déjeuner entre amis et un verre de manière détendue. Du grand four à bois, Sarah et son équipe sortent des pains pour la boulangerie, le res-

ffffffffff

taurant et le reste de la restauration, ainsi que des pizze à la pâte charnue, craquante et intense en goût. Des levains naturels et des farines variées pour apprécier différents types de pains.

Sail and Anchor

ffffffffff

www.sailandanchor.be

60 Guldenvliesstraat 2600 Anvers +32 3 430 40 04

Tapta

Dans l’ancien Veranda de Davy Schellemans, non loin de la gare de Berchem, s’est posé Michael Yates, cuisinier anglais et Marijke Van Haecke, sa compagne flamande, au service. Le timide Michael sort de la brèche dans le mur menant à la cuisine improbable, les mains encombrées d’assiettes. Sourdough à la bière brune et son beurre maison, pâté maison de lièvre et cranberries, longe de lièvre rôtie, poires saisies à la poêle et chicorée, couvert d’un jus bien tendu, œuf mollet, salsifis fondants, champignons sauvages et kacha pour la mâche, une assiette de fromage bien sûr, avant de passer aux desserts où le sticky toffee pudding vous fera oublier en une bouchée tout ce que vous avez dégusté avant. C’est indécent tellement c’est bon.

64A Mechelsesteenweg 2018 Anvers +32 3 369 37 35 www.tapta.be

Ancienne du Dôme sur Mer aux côtés de Julien Bobichon, puis aux manettes de son propre restaurant à Berchem, Magalie Verbaet s’est désormais installée à la galerie d’art Tapta pour tenir un café-restaurant de journée. Un espace plongé dans la lumière du jour, aux pieds des structures et œuvres de Maria Irena Boyé (aka Tapta), artiste et sculpteure belgo-polonaise. Sa cuisine est fraîche, simple et tirée de produits de qualité et de goût avant d’être super instagrammable. Des plats qui changent au fil des saisons et qui s’accompagnent frivolement d’un petit verre de vin nature dont elle gère personnellement la sélection.

ffffffffff

Bon Bon

453 B avenue de Tervueren 1150 Woluwe Saint-PIerre +32 2 346 66 15 www.bonbon.restaurant

Son Bon bon, Christophe Hardiquest (lire son portrait pages 40-43) le présente comme un « salon d’artisan cuisinier ». Trois mots parfaitement cintrés, complémentaires, l’hôtel particulier ressemblant dehorsdedans à l’atelier d’un couturier – les robes siglées et les boutons de manchette sont d’ailleurs de sortie –, comme un écrin d’où, pourtant, jaillirait l’impétuosité d’une cuisine flamande. Ainsi, l’anguille fumée au vert ou les moules parquées à la marollienne deviennent-elles sous ses mains de petits chefs-d’œuvre surpuissants côtoyant une carte plus policée de foie gras et de truffe blanche. À Omnivore, c’est l’Hardiquest-paysan qu’on préfère.

ffffffffff

Couvert COUVERT

171 Sint-Jansbergsesteenweg 3001 Heverlee +32 16 29 69 79 www.couvertcouvert.be

Pourquoi diable aller à Heverlee depuis Paris, Londres ou New

32

York ? Le mangeur contemporain, repu d’Instagram et de Facebook, serait sûrement tenté de ne pas prendre le chemin de Louvain, tant les Folmer sont ce qu’on fait de moins visible sur la toile. Le mangeur contemporain est un veau. Mais vous, êtes avisés et savez déjà que Laurent et Vincent Folmer se taisent car ils ont mieux à faire : proposer chaque jour avec la même énergie totale, cette cuisine incarnée, d’une délicatesse infinie, quand tout, de la fine gaufre à la vergeoise au crabe et tourteau ; tout, de la poule faisane et salsifis au chou-fleur à la flamande, converge techniquement et sensuellement vers l’expression d’un goût pur, intègre, d’une sincérité atomique. Nous allons à Couvert Couvert pour l’une des cuisines les plus essentielles d’Europe. Et nous les récompensons du prix Proche 2018 (lire page 90).

ffffffffff

Schnitzel 53 Paardenmarkt 2000 Anvers

www.schnitzelantwerpen.be

Chez Schnitzel, tout déroute, à dessein. À commencer par le nom. Ici, point d’escalopes autrichiennes au menu, mais une belle sélection de plats à partager, réalisés de main de maître par un chef au parcours exemplaire, Geert Weyn, qui a choisi de sortir des sentiers battus sans

ffffffffff

abandonner sa technique. Des charcuteries maison impeccables – du boudin au pastrami en passant par les saucissons, le jambon ou l’incroyable saucisse de lièvre –, des vins nature à l’avenant et une carte de saison qui se plie aussi bien aux grignotages façon izakaya qu’aux festins à rallonge entre copains. De la vraie belle cuisine exigeante, joyeuse et authentique.

Graanmarkt 13 13 Graanmarkt 2000 Anvers

www.graanmarkt13.com

Concept à la sauce londonienne, Graanmarkt 13 est à la fois un restaurant, au sous-sol, et l’un des temples de la mode anversoise dans ses étages supérieurs. Un combo inédit mais sans conteste l’une des meilleures tables de la ville. Seppe Nobbels est un hyperactif de la cause végétale. Les légumes sont l’alpha et l’omega de sa cuisine, qu’il met en lumière avec les herbes cultivées sur le toit de son repaire souterrain. Purs et droits, les plats de Seppe se partagent sans formalité, surtout du côté des accompagnements, servis en bols pout toute la table. Et tout ça pour une toute petite poignée d’euros.

33

ffffffffff

Veranda

The Jane

www.restaurantveranda.be

www.thejaneantwerp.com

La vraie star anversoise, c’est lui. Aussi discret que sa clientèle est haute en couleur, Davy Schellemans est l’incarnation parfaite de l’esprit de révolte qui règne chez les jeunes chefs de Flandre. Le bibendum barré à l’entrée du restaurant clame ce que les assiettes de Davy tissent savamment : mange camarade, le vieux monde est derrière toi. Une cuisine pure, inventive, sans triche, avec des explosions végétales splendides et une constante justesse dans l’équilibre des saveurs. C’est brut et doux à la fois, simultanément et successivement, toujours surprenant, jamais complaisant. Les liquidités ne sont pas en reste, avec des vins forcément naturels, et une belle pléiade de bières. Cerise sur le gâteau, perdu au nord d’Anvers, aux confins du quartier des abattoirs, Veranda donne l’occasion de découvrir une autre facette de la ville, tatouée comme un docker et rebelle dans l’âme.

L’ancienne église d’un hôpital militaire désaffecté. On y arrive en parcourant les allées d’un domaine qui aurait pu servir de décor à un épisode du Prisonnier. Curieux îlot au cœur de la ville et parfait pèlerinage liminaire à la messe profane dite par Nick Bril. Le chef néerlandais, associé à son compatriote star Sergio Herman, compose son menu comme une véritable litanie. Une succession de plats, dont certains donnent littéralement envie de se mettre à genoux, aux allures plus baroques que cisterciennes, mais dont la personnalité et l’inventivité ne laissent personne indifférent. Sous le lustre monumental de la nef, plafond vertigineux et vitraux colorés, la lumière prend le soir des allures de maître d’autel. Une expérience totale, comme les officiers du culte local aiment à la définir, et sans conteste le plus brillant des phares anversois.

34 Lange Lobroekstraat 2060 Anvers

ffffffffff

© Frederik Vercruysse

© Frederik Vercruysse

© Jesse Willems

© Jesse Willems

© Anthony Dehez

RESTAURANTS

1 Paradeplein 2018 Anvers


InVINcible 9 Haarstraat 2000 Anvers

www.invincible.be

Kenny Burssens est sommelier. Un jour, par un de ces coups du sort qui vous laissent les plus profondes cicatrices, il se retrouve à la place de son chef, derrière les fourneaux. Le virus de la rôtisserie le contamine immédiatement et il fait de son InVINcible un génial laboratoire d’expérimentation de la viande, bien avant l’heure des maturations hasardeuses. Impérial sur les cuissons, radicalement omnivore (son carpaccio de cœur de bœuf devrait figurer au programme des écoles), il met la claque finale avec ses accompagnements de légumes. Ou comment remettre les pendules à l’heure avec des choux de Bruxelles braisés au beurre d’anchois. Les vins sont à la hauteur du tout, avec, en plus, quelques très beaux et rares bourbons.

ffffffffff

Dim Dining 7 Vrijdagmarkt 2000 Anvers

www.dimdining.be

Tout a commencé dans un mouchoir de poche, quelques mètres carrés dans une ruelle borgne, juste à côté de la grande maison de Christophe Plantin,

l’imprimeur qui fit d’Anvers l’un des tout premiers pôles de l’histoire de l’édition. Dimitri Proost y concoctait déjà une cuisine japonaise contemporaine de très haut niveau, avant de déménager son Dim Dining deux maisons plus loin. Formé chez Hakkasan, à Londres, et chez Yamazoto à Amsterdam, il propose désormais un formidable omakase, avec une approche vraiment personnelle doublée d’une maîtrise réelle des fondamentaux nippons. Son poulpe, cuit treize fois, et ses dashis parfaitement équilibrés en sont les plus beaux exemples.

© Ruth Nys

© Filip Van Loock

ffffffffff

les vins de Bairrada de Filipa Pato, que l’on peut évidemment boire avec son repas au restaurant.

ffffffffff

BART-À-VIN

3 Lange Slachterijstraat 2060 Anvers www.bartavin.be

Les mosaïques Art déco à la gloire du cochon de l’ancien atelier de découpe de viande sont restées sur les murs. Tablier en cuir, plats à l’ardoise, cuisine ouverte et quilles de haute volée complètent le tableau. La version anversoise du bistrot que livrent depuis déjà quinze Bart Adriaenssens et son chef Tom Vanderborght ne fait pourtant pas dans le charme suranné. Dans l’assiette, explosion sans charabia et couleur locale bienvenue. Le repaire secret idéal pour redécouvrir les joies de l’endive crue, du boudin noir et du chou vert croquant.

ffffffffff

PAZZO

12 Oude Leeuwenrui 2000 Anvers www.pazzo.be

Voilà dix-neuf ans, la moitié de sa vie, qu’Ingrid Neven se tient derrière le piano de Pazzo. Autour, la ville a grandi. Le Schipperskwartier mal famé s’est assagi, les vitrines aux néons rouges ont cédé un peu de place aux musées contemporains (le MAS et le Red Star Line Museum voisins). Pazzo a gardé son cap. Du frais, du simple, du vrai et cet art du mélange des cultures – ville portuaire oblige – qui fait se croiser sans accroc le miso et le faisan ou le céleri et le ponzu. À l’étage, le bar à vin où officie Tom d’Hooge recèlent quelques trésors, notamment

34

ffffffffff

CHAMBRE SÉPARÉE

1 Keizer Karelstraat 9000 Gand

www.chambreseparee.be

Sa majesté Kobe. L’homme par qui tout a commencé. Celui que toute la Flandre adule, le bad boy préféré des médias, le Redzepi du Westhoek… Durant une décennie, son In de Wulf, perdu au bout du monde, aura été à la fois le phare et l’arbre qui cache la forêt de la cuisine flamande. Fatigué, sans doute, de ce statut d’icône et poussé par l’envie de revenir aux sources, il a pris le risque fou de repartir à zéro. Exit In de Wulf et sa petite sœur Vitrine. Dans les étages très cyberpunk d’une ancienne tour vouée à la destruction, Kobe Desramaults a planté le décor de sa Chambre Séparée. On mange au bar un menu unique, préparé et servi par le chef et son équipe, et intégralement fait « à la flamme ». Un Asador Extebarri flamand (sur le mur du fond trône un magnifique grill sur mesure, copie de celui du restaurant basque), où le talent de Desramaults s’exprime sans filtres. Brut, vrai, pertinent.

HERTOG JAN

STOP MOTION ILS ONT RÊVÉ DES ÉTOILES, ET TOUTE LA BELGIQUE AVEC EUX. EN DOUZE ANS, ILS LES ONT DÉCROCHÉES UNE À UNE, SANS FAILLIR. ET À CHAQUE FOIS, GERT DE MANGELEER ET JOACHIM BOUDENS QUI FERMENT LEUR HERTOG JAN FIN 2018, ONT REÇU LES ÉLOGES MÉDIATIQUES RÉSERVÉS D’ORDINAIRE AUX CHAMPIONS CYCLISTES ET AUX AS DU BALLON ROND. PHOTOS KRISTOF VRANCKEN PROPOS RECUEILLIS PAR PEYO LISSARRAGUE

La renommée internationale de leur Hertog Jan, et l’entrée de Gert dans le cercle très fermé des chefs superstar, ont fait des deux « Brothers from another mother » les enfants chéris de la Flandre. Une Flandre qui n’avait pas forcément l’occasion de s’asseoir à leur table, mais qui se reconnaissait dans cette alliance de créativité et d’entreprenariat bien pensée, et dans ces succès à répétition. Et puis, en plein blues de janvier, alors que la gueule de bois des fêtes se résorbait tout juste, les comparses ont jeté un grand froid sur le pays. La fête est finie. Le 22 décembre, Gert de Mangeleer et Joachim Boudens (respectivement ci-dessus à gauche et

à droite) feront leur dernier service à Zedelgem. Hertog Jan ferme ses portes. En pleine gloire, au sommet de la réussite, et à peine quatre ans après avoir déménagé dans un nouveau lieu, splendide, dont l’achat et la rénovation ont coûté près de 5 millions d’euros. Stupeur et tremblements. Mais pourquoi s’arrêtentils ? – se demandent en chœur les foodies, la presse économique, les commentateurs sportifs, les critiques culinaires et ma tante Marijke. Pas de réponse tranchée. Boudens et Mangeleer réfutent toutes les simplifications. La vie est passée par là. Tout s’use si l’on s’en sert. Même les rêves. Entretien croisé. →

35


Tout le monde s’interroge sur les raisons de votre choix. Est-ce économique ? Pour échapper à la pression des guides ? Pour avoir une meilleure qualité de vie ? Gert de Mangeleer Ce n’est ni tout noir, ni tout blanc. Il ne s’agit pas d’un problème financier, pas plus que d’un reniement du modèle du restaurant gastronomique. Les guides ont été notre objectif, nous avons voulu, comme je pense tous les restaurants, arriver au sommet. Mais nous y sommes parvenus par passion. Et notre passion nous dicte de tourner la page. D’écrire de nouveaux chapitres. Sans amertume et sans tristesse. JOACHIM Boudens Notre métier se rapproche de celui des sportifs de haut niveau. Il demande une hygiène de vie irréprochable, et il ne s’envisage pas sans sacrifices personnels. Nous avons décroché l’or olympique et nous voulons de nouveaux défis. Respirer un air frais, ouvrir de nouveaux horizons. Ce nouveau chapitre de votre épopée, il se dessine dans quelle direction ? JOACHIM BOUDENS Notre premier objectif est de développer notre seconde adresse, L.E.S.S. En la déménageant dans le centre-ville de Bruges et en lui ajoutant un bar à vins et un coffee bar. Peut-être en créant un second L.E.S.S. dans une autre ville. Nous voulons aussi réfléchir à un concept de restauration très accessible, quelque chose de totalement nouveau… GERT DE MANGELEER Nous allons bien sûr pouvoir profiter de nos proches et de notre famille, mais je n’ai pas l’intention de rester traîner dans mon canapé. Nous avons de nombreux projets en tête. Nous allons aussi nous installer dans un lieu secret, à Bruges, avec une table d’hôte exclusive, où je pourrai cuisiner selon mes envies, une douzaine de fois par an sans

36

doute, pour quelques couverts. Je veux aussi avoir le temps de voyager et de répondre aux sollicitations que je reçois de l’étranger. Je vais bientôt en Corée et au Japon, je veux pouvoir suivre ces inspirations. C’est un avenir que vous envisagez donc toujours ensemble ? JOACHIM BOUDENS & GERT DE MANGELEER EN CHŒUR Oui,

bien sûr. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir ! [

ffffffffff

OAK

167 Hoogstraat 9000 Gand

www.oakgent.be

Geranium à Copenhague, Dinner à Londres, Oud Sluis aux Pays-Bas… Marcelo Ballardin a le cœur voyageur et la spatule sans frontières. Brésilien aux racines italiennes, il s’aventure volontiers du côté du soleil et de la fraîcheur. Sa cuisine, qui pioche allègrement dans les épices et les ingrédients exotiques, joue pleinement le registre acide, de façon parfaitement maîtrisée, et se risque même dans le répertoire délicat de l’aigre-doux, sans jamais déraper. Un croisement entre les tendances internationales et la nouvelle scène flamande, sur fond de produits locaux et de dressage minutieux… Pari réussi, Oak est une des tables les plus intéressantes de la jeune scène gantoise, dont les étincelles n’en finissent pas d’allumer des feux de joie.

© Filip Van Loock

© Gauthier Beyaert

L’annonce de la fermeture d’Hertog Jan en décembre est une énorme surprise. C’est une décision réfléchie de longue date ? JOACHIM BOUDENs Nous savions depuis l’origine du projet, il y a douze ans, que nous nous arrêterions au top. Nous voulions monter et progresser, nous l’avons fait. Il y a un an et demi, nous nous sommes dit, d’un commun accord, que le moment était arrivé. Le plus difficile a été de garder le secret.

ffffffffff

ffffffffff

ffffffffff

VRIJMOED

PUBLIEK

BRINZ’L

www.vrijmoed.be

39 Ham 9000 Gand

93 rue des Carmélites 1180 Uccle

Troisième mousquetaire – aux côtés de Kobe Desramaults et de Jason Blanckaert – des Flemish Foodies, Olly Ceulenaere a ouvert son Publiek en 2014. Mur de brique et service bonne franquette, l’ambiance décontractée des lieux annonce la teneur des assiettes. Aucune esbroufe technique et une simplicité parfois déconcertante, qui réserve de magnifiques surprises. Passé maître dans l’art de l’assemblage, Olly Ceulenaere fait résonner les saveurs sans surcharger, avec un travail parfait sur les herbes et les épices. Une mise en lumière brute qui fait ressortir des émotions inattendues lors de la rencontre d’une betterave soufflée et d’un jaune d’œuf séché ou lorsque se croisent le cœur de bœuf et le topinambour.

Brinz’l, ça veut dire aubergine en créole mauricien. Derrière la porte de son restaurant, la cheffe Laure Genonceaux, ancien bras droit de Christophe Hardiquest dont elle a repris l’ancienne adresse uccloise, ne fait pas pour autant dans l’exotisme à tout crin. Sa cuisine puise avant tout dans le répertoire belge et français. Elle en tire une épure, créative mais jamais affectée, que sa prédilection pour les métissages et son utilisation des épices éclairent de lumières tropicales. Une carte où se croisent sans accroc l’espuma de pomme de terre et la rougaille de boudin noir.

22 Vlaanderenstraat 9000 Gand

Innovante, voire provocante, la nouvelle génération des chefs flamands compte aussi dans ses rangs quelques brillants tenants du classicisme. Michael Vrijmoed, caréné façon gendre idéal, en est sans aucun doute le plus beau représentant. Ancien second du Hof van Cleve, ce disciple de Peter Goossens pilote sa belle maison Art déco de main de maître. Sans faute sur le produit, impeccable sur les sauces, il mêle sur sa palette, dans un élan post-impressionniste, les touches japonisantes et la ligne claire française. Mais c’est son menu végétarien qui met les points sur les i. Même au bout de l’hiver, lorsque les champs belges n’ont plus grand-chose à offrir, il sublime le chou et la chicorée et se paye le luxe de dynamiter à coups de persil et d’agrumes le chocolat blanc.

www.publiekgent.be

www.brinzl.be

ffffffffff

FLEUR DE LIN 100 Lokerenbaan 9240 Zele

www.fleurdelin.be

On peut être caréné comme une Formule 1, et avoir le palmarès d’une bête de concours, sans pour autant perdre son âme. Lode De Roover en est la preuve vivante. Après avoir remporté le concours Prosper Montagné en 2011, avec le titre de meilleur

37

chef de Belgique, il vient tout juste de décrocher la première place au Bocuse d’Or Benelux et ira défendre les couleurs nordistes à Turin en juin 2018 pour la finale mondiale. Irréprochable techniquement, sa cuisine évite le double écueil du classicisme et de l’ennui en mettant de l’humour et de l’inventivité dans ses compositions fortement marquées par la mer et par les herbes fraîches.

ffffffffff

L’HISTOIRE 32 52 Molenstraat 9300 Alost

www.lhistoire32.be

Alors que certains de ses collègues flamands s’éloignent peu à peu du menu dégustation pour revenir au bon vieil « à la carte », Jason Spinoy, du haut de ses vingt-cinq ans, propose une ballade en dix ou douze « saveurs » qui dépote. Particulièrement impressionnantes visuellement, ses assiettes sont de vrais coups de poings gustatifs. Avec de belles prises de risque comme sa graisse de porc soufflée ou sa cendre d’oignon. Côté liquides, Laurence Menten joue dans un registre très international, et met dans ses propositions juste ce qu’il faut de rock’n’roll pour répondre aux fulgurances de Jason.


OGST

4 Ridder Portmansstraat 3500 Hasselt www.ogst.be

On ne passe pas impunément sept ans dans les cuisines des frères Folmer. Sébastien Wijgaerts en fait la démonstration dans son restaurant du centreville d’Hasselt. Avec son comparse Diederik Herbots il fait souffler un vent de renouveau dans la capitale du Limbourg. Chez Ogst (moisson, dans le dialecte local), les produits sont évidemment locaux et les légumes en vedette. Juste ce qu’il faut de technique pour les mettre en valeur, avec de sublimes bouillons et un travail sur les textures très convaincant. Le tout dans une belle salle aux grandes fenêtres où se croisent familles et foodies en toute décontraction.

ffffffffff

DOMESTIC CUISINETTE

5 Lange Gasthuistraat 2000 Anvers

DOMESTIC BAKKERIJ 37 Steenbokstraat 2018 Anvers

www.domestic-bakkerij.be

En mai 2016, Julien Burlat et Sophie Verbeke fermaient

ffffffffff

Dôme, leur restaurant du quartier de Zurenborg repris entretemps par un autre Français, Frédéric Chabbert. La fin d’une aventure dont persiste néanmoins deux belles traces : la boulangerie Domestic et son extension du centre-ville Cuisinette. On y déguste les pâtisseries sur le fil de l’excellent Sander Goossens, on y déjeune sur le pouce dans l’arrière-salle (parfois, le week-end, Julien Burlat est aux fourneaux) et, à l’étage de la belle maison de maître, on se régale d’un high tea très londonien.

BELROY’S

20 Graaf van Egmontstraat 2000 Anvers www.belroys.com

À Anvers, le cocktail est devenu une seconde nature. À tel point que les bars du sud de la ville ont décidé de former un semblant de syndicat du crime. Une mafia bon enfant baptisée Golden Mile qui réconcilie anciens et modernes : Sips, Bar Burbure, Bar Zar, The Dirty Rabbit et Belroy’s. Au commande de ce dernier, Dieter Van Roy et Ben Belmans, aussi à l’aise pour dépoussiérer un Vieux Carré que pour sortir de leur manche un Bird of Paradise vegan, ont réussi le mix parfait entre ambiance cosy et créations détonantes.

Bars à manger

ffffffffff

DOGMA

5 Wijngaardstraat 2000 Anvers

www.dogmacocktails.be

ffffffffff

JIGGER’S

Pousser la porte de Dogma, c’est comme accepter de se livrer à une partie de jokari à trois balles dans une cage d’ascenseur. Ça part dans tous les sens, ça rebondit de tous les côtés, ça ne s’arrête jamais et ça met la banane. Le plus déjanté des speakeasies anversois n’en finit pas de se renouveler et de se remettre en question. Les assiettes qui viennent depuis peu accompagner les cocktails sont dans la même veine. Goûts francs et tranchés, créativité débridée et ce qu’il faut de folie pour faire durer la nuit juste un peu plus longtemps.

16 Oudburg 9000 Gand

www.jiggers.be

Olivier Jacobs n’admettra jamais ce que la scène cocktail belge lui doit. Ce mélange unique d’humilité et de dévotion, cette intransigeance dans le travail et cet amour immarcescible d’un juste équilibre lui colleront pourtant toujours à la peau. Premier speakeasy de Belgique, Jigger’s reste une référence de niveau international. Des mix sans reproche, et ce (petit ?) plus

38

qui fait toute la différence : on boit ici des alcools responsables, dont Olivier vérifie les origines et les modes de production. Bon et bien. Au-delà de tous les superlatifs.

ffffffffff

THE COBBLER 16 Graslei 9000 Gand

www.zannierhotels.com

Jurgen Nobels est l’un des meilleurs bartenders d’Europe. Longtemps, son exceptionnel talent est resté confiné à l’espace réduit d’un burger joint gantois. Avec The Cobbler, dans le giron du tout nouvel hôtel du prolifique Arnaud Zannier, il a enfin trouvé un écrin à sa mesure. Aventurier tout-terrain, l’homme qui mixe plus vite que son ombre décale sans en avoir l’air les registres de saveurs. Bière, sherry, saké… ses tentations séduisent juste dans les derniers recoins. Avec une justesse et un équilibre jamais pris en défaut. Grand, très grand.

ffffffffff

BAR PALMIER 13 Volkstraat 2000 Anvers

www.barpalmier.be

Vins nature, craft beer et grignotages, le dernier-né de la galaxie

© Jean-Jacques De Neyer

© Zannier

© Filip Van Loock

© Matthias Bastiaens

ffffffffff

Épicerie du Cirque est une totale réussite. Le restaurant de Dennis Broeckx ferme ses portes en mars (en attendant, souhaitonsle, l’ouverture d’une nouvelle adresse) mais Bar Palmier permet de continuer à apprécier ses talents, notamment ses moules de bouchot au txistorra et vermouth ou ses tacos à la ventrêche de porc et au crabe.

ffffffffff

GANZERIK 29 Druifstraat 9000 Gand

www.ganzerik.be

Imaginé par l’âme de Jigger’s, Olivier Jacobs, et son associé Ben Bruyneel, Ganzerik est avant tout un bar du coin. Un social club dont l’ambition première est de proposer aux habitants du quartier populaire de Rooigem de quoi s’abreuver correctement. Mission accomplie avec succès, à tel point que Ganzerik est aujourd’hui l’un de tout meilleurs bars du pays. La craft beer y règne mais partage sa couronne avec de beaux vins d’artisans et une carte de grignotages de bon ton.

ffffffffff

sant par Omnipollo ou Brewski, avec une sélection à la pression qui change constamment et une carte bien remplie. Pour accompagner le tout, des plats belges de terroir, sans détour et sans faux-col.

BEER LOVERS BAR 105 Rotterdamstraat 2060 Anvers www.beerlovers.be

FROMAGERIE

ffffffffff

ONLY CHEESE 1 Boomgaardstraat 2018 Anvers +32 478 76 10 73

www.kaasaffineursvantricht.be

Beer lovers porte bien son nom. Caché sur une obscure place triangulaire, entre la bibliothèque, la gare et le petit Chinatown anversois, le café de Ben Floren s’est, dès son ouverture, placé dans le top mondial. Douze bières à la pression, avec une rotation constante, où figure le meilleur de la craft beer belge et internationale, et une cave riche en trésors locaux, notamment ceux des Struise Brouwers, d’Oerbier ou des Dolle Brouwers.

CAFÉ

ffffffffff

NORMO

30 Minderbroedersrui 2000 Anvers www.normocoffee.be

Normo, c’est à la fois un café et un micro-torréfacteur. Jens Oris est devenu en quelques années la référence en matière de barista, non seulement pour sa parfaite maîtrise du percolateur (il pilote sa La Marzocco comme personne) mais aussi pour sa volonté de suivre toute la chaîne de production de ses cafés, et de ne travailler qu’avec des petits cultivateurs. On déguste dans la grande salle au décor brut le fruit de ses torréfactions maison, préparés au percolateur ou au slow drip, avec l’un des filtres V60 sagement fixés au comptoir.

ffffffffff

BILLIE’S BIER KAFÉTERIA 12 Kammenstraat 2000 Anvers

La référence anversoise, et belge. Helena van Geyten et Stefan Cauwenbergs ont su conserver l’ambiance typique d’un bruin, ces cafés aux boiseries sombres et à l’atmosphère chaleureuse, tout en proposant une sélection de bières de très haut niveau. La fine fleur de la craft beer est là, de Buxton à Founders en pas-

39

Coincé entre deux grands producteurs et consommateurs de fromages, la France et les Pays-Bas, la Belgique ne se laisse pas pour autant écraser. La famille Van Tricht, Michel, le père, et Frédéric le fils, a, depuis quelques décennies, ancré le fromage à Anvers et surtout redoré le blason des fromagers belges. Le kato, la mouanette, le lingot du vieux moulin, le florence, le fleurie de bocage… Que des pâtes belges qui se marient parfaitement avec des bières bien sûr, mais aussi avec d’autres fromages affinés maison venant de toute l’Europe. La boutique est un paradis pour les amateurs, avec vue sur les caves d’affinage grâce au sol en verre transparent.


CHRISTOPHE HARDIQUEST

LE GRAND BON EN AVANT Dans son bel hôtel particulier à Bruxelles, niché entre les ambassades et les villas cossues, Christophe Hardiquest se love comme un conspirateur positif, un agent du bon goût infiltré. PAR PEYO LISSARRAGUE PHOTOS ANTHONY DEHEZ

Tout le génie belge est là, à Woluwe aux abords de Bruxelles, chez Christophe Hardiquest, hypersensible et généreux taulier de Bon Bon. Les recettes traditionnelles flamandes du quadra doublement étoilé ont été autant de coups de cœur gastronomiques d’Omnivore cette année. Il se tient debout, entre la cuisine et la salle. C’est son poste frontière. Plus contrebandier que douanier. Passeur. Des deux côtés de sa ligne de partage, les gestes de la mise en place habillent l’espace et posent la charpente du service à venir. Il veille. Décortique les crevettes grises tout juste arrivées de la mer du Nord. Sans jamais élever la voix, il commente, explique, reprend, souligne. Avec la présence magnétique d’un Leonard Bernstein dirigeant sans les mains le philarmonique de Vienne, Christophe Hardiquest suit des yeux son équipe sans rater une nuance. Pas à pas, ses compositions à l’impeccable équilibre prennent vie.

Transcription en temps réel d’une partition dont la rigueur, jamais apparente, devient tour à tour ludique et mélodique. Tout le génie belge est là. Dans ce décalage, hors cadre, des rituels de la fameuse « grande maison ». On a beau être aux abords des allées boisées de ce que Bruxelles compte de plus (rayez la mention inutile) snob/chic/bourgeois, rien dans l’assiette ne convoque l’ennui. Rien ne caresse dans le sens du poil. On serait même plutôt dans le registre de la claque – sur les fesses. Sous ses dehors polis et son sourire à la sincérité désarmante, Christophe Hardiquest recèle un tempérament hypersensible, qu’il assume pleinement. Généreux avec excès, racines liégeoises obligent, le Bruxellois d’adoption évoque sans faux-semblant son trajet culinaire. Un parcours idéal, sur le papier, qui lui a fait vivre l’âge d’or des étoilés bruxellois et découvrir le haut niveau


à Monaco, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais dont il retient surtout les expériences émotionnelles et les rencontres humaines.

UN COMPTOIR, QUATRE TABOURETS, UNE GAZINIÈRE ffffffffff

Technicien irréprochable, travailleur acharné, insatisfait chronique, Christophe Hardiquest naît réellement à la cuisine en 2001. Il colle son tablier d’employé modèle au clou et sort, avec Stéphanie Petit-Barreau, sa compagne et son associée de toujours, les 100 000 francs belges (environ 2 500 euros) de leur compte épargne pour ouvrir « son resto ». Ce sera l’arrière salle d’un magasin de meubles, dans une galerie commerçante à quelques pas du palais de justice de Bruxelles. Cent mètres carrés, un comptoir, quatre tabourets et une gazinière alimentée par une bonbonne. Une odyssée improbable ponctuée de croque-monsieur et de soupe, à mille lieues des étoiles et des ors des palaces. Ce départ à zéro, cette page blanche volontairement posée en travers du récit parfait et déjà écrit d’un commis poussant dans l’ombre des grands arbres toqués, dit tout des contours du cœur de Christophe Hardiquest. De son orgueil autant que de son intégrité. De son amour sans fin des gens. De son désir profond de les toucher, de les nourrir, et de trouver dans leurs yeux cet éclat de plaisir et de reconnaissance qui lui permettra de se dire, à la fin du service, qu’il peut recommencer. Deux ans après l’ouverture, son comptoir a grandi, son personnel aussi, et son succès fait des jaloux. Contraint de quitter les lieux pour ne pas faire concurrence à une brasserie locale, il va s’exiler à Uccle, à l’écart du centreville. Un coin de rue tranquille où il fomente de nouvelles expériences. Pour vivre heureux, vivons caché ? Tentative nulle. Le Bon Bon d’origine se fait d’emblée remarquer, par les guides autant que par les clients. Étoile,

récompenses, salle complète, ascension, presse... tout va. Ou presque. Le Christophe d’aujourd’hui, celui qui a trouvé équilibre et plénitude, évoque cette période sans remords mais avec une lucidité tranchante. Une vie sur le fil, une mise en danger personnelle autant que professionnelle dont il garde les cicatrices. Invisible aux yeux du monde, ce passage dans les rugissants a fait de lui un autre homme. Il a planté les graines d’une floraison inéluctable.

l’idée saugrenue de patrimoine ou de terroir, elle revendique une totale liberté créatrice et un attachement inexpugnable à ses racines. C’est d’ailleurs ce mot, racines, qui baptise désormais le menu que Christophe Hardiquest consacre à sa recherche autour des recettes du répertoire populaire belge. À l’instar d’un Bartók ou d’un Stravinsky puisant dans le répertoire folklorique pour redéfinir la musique moderne et en refonder les axiomes, il instaure des modulations, des changements harmoniques,

prise de jouissance gustative, c’est un plat d’une simplicité déconcertante, dont Christophe Hardiquest fait une ode à sa drôle de ville d’adoption (Bruxelles la mal-aimée, triple capitale européenne, belge et flamande dont les charmes discrets – éloge de la patience et des amours traversières – ne se dévoilent qu’aux opiniâtres). La moule parquée, gourmandise des rues du quartier des Marolles, où elle se déguste crue largement arrosée de sauce piquante, devient chez Hardiquest une merveille de subtilité. Gelée de consommé de moule habillant le mollusque, brunoise de céleri et mousse de moutarde, échalote et vinaigre. Une évidence aux apprêts modestes qui remet les papilles à l’heure. Dans son bel hôtel particulier, niché entre les ambassades et les villas cossues, Christophe Hardiquest se love comme un conspirateur positif, un agent du bon goût infiltré. Épaulé dans sa tâche par le parfait factotum, Michel de Muynck, sommelier venu d’une autre planète, impérial distributeur d’électrochocs maniant le répertoire classique aussi bien que le contemporain, passant sans effort de l’oxydatif au saké, du boisé à la bière et du local au lointain. Une symbiose rarement atteinte et qui a permis à Michel de reconstruire totalement la cave de Bon Bon, alternant subtilement les missiles intercontinentaux et les drones furtifs.

RACINES ET MOULE PARQUÉE ffffffffff

Bien qu’il aime ponctuer ses menus de références à René Magritte, Christophe Hardiquest est sans doute plus proche de Pierre Alechinsky ou même de Karel Appel, tant dans sa capacité à déconstruire les formes que dans son lien à l’enfance et au jeu. Au-delà de tout formalisme vide de sens, sa cuisine est une interrogation constante de nos origines et de nos mémoires. Pied de nez à

qui débouchent sur des plats à la pertinence incontestable. Il évite tous les écueils de la relecture ou de la revisitation, aux allures toujours apocryphes, d’un corpus culinaire plus ou moins canonique, pour revenir aux sources. Un pontage cardiaque, contournant flux et réseaux, par lequel se reconnectent la pulsation primale du palpitant belgo-belge et son cortex créatif. L’uppercut, le point d’orgue, le chef-d’œuvre et le quod erat demonstrandum de cette entre-

L’après-midi s’avance. Quelques tables s’attardent. La cuisine est déjà nettoyée, les pieds des flashs pliés, les stylos rangés. Dans le train du retour, un dernier sms de Christophe, toujours en train de rêver le prochain rêve : « Ne pas devenir un homme à succès, mais un homme qui a de la valeur ». Cette inquiétude sourde, cette peur inimaginable de l’usurpation, chevillée au corps d’un chef jamais satisfait, toujours sur le qui-vive. Et puis, pour signer le message, un baiser. La vraie nature de la cuisine offerte chez Bon Bon. Libre, joyeuse, authentique.

Tartare de palourdes façon caricoles bruxelloises.


CHASSE PRENDS GARD À TOI Un week-end pluvieux de février, avec les chasseurs de la société de chasse Saint-Hubert de Tavel, dans le Gard. Notre photographe a traqué la bête dans la garrigue qui borde le plateau des Vestides, bijou du vignoble de Tavel. Ils chassent toute la période d’ouverture les mercredis et week-ends et tuent environ une centaine de sangliers par saison, une cinquantaine de chevreuils. Ce n’est pas du sport, mais vraiment

une attitude paysanne. Ces chasseurs, aussi vignerons pour certains, ont une haute idée de l’importance de leur action pour la protection du vignoble et des cultures en général. Ils assument une fonction, régulent les nuisibles, et s’inquiètent de l’avenir, car les jeunes ont du mal à prendre la relève. Photos meyer / Tendance Floue


PORTFOLIO

47


PORTFOLIO

PORTFOLIO

48

49


PORTFOLIO

50


atlas

Les beaux jours sont bientôt là, les barbecues sortent. Tour du monde des variantes, venues des âges farouches, soit à peu près au moment où le cueilleur devenu chasseur a dû apprendre à maîtriser le feu pour cuire sa viande. PAR CHARLOTTE THIZEAU ILLUSTRATIONS TIMOTHY DURAND

TEXAS, ÉTATS-UNIS BARBECUE TEXAN

EUROPEKEBAB, SOUVLAKI, ENGANGSGRILL, ETC.

ARGENTINE ASADO

CORÉE GALBI, BULGOGI ET SAMGYEOPSAL

JAPON YAKITORI

AFRIQUE DU SUD BRAAI

MADAGASCAR FATAPERA

AUSTRALIE AUSSIE BBQ


TEXAS, ÉTATS-UNIS BARBECUE TEXAN

EUROPE SOUVLAKI, KEBAB, ENGANGSGRILL, ETC.

L’ORIGINE

Les saveurs et techniques du BBQ emblématique d’Austin – (re)lire notre reportage « Le Texas sur la braise » dans le Foodbook 6 – sont un melting pot des influences des migrants tchèques, allemands et des traditions amérindiennes.

L’ORIGINE

Une cuisine de rue chaude. PARTICULARITÉS

Diverses traditions en Europe : de la broche ou brochette, chères à l’Europe de l’Est au engangsgrill, le kit ready-to-go suédois. En Europe centrale, il est tout de même fortement influencé par les traditions américaines même si, parfois, dans le Sud-

PARTICULARITÉ

La viande est quasifumée par un foyer à bois mastodonte. Elle s’effiloche, est moelleuse comme du beurre mais aussi croutée sur le dessus par la sauce BBQ badigeonnée au dernier moment par les pitmasters.

Ouest, on y va de ses sarments de vignes. La cuisson

Braises incandescentes, voire à même la flamme. ON MANGE QUOI ?

A l’Est et au Centre, de l’agneau, du bœuf (marinés à l’huile d’olive et aux herbes près de la Méditerranée), de l’échine de porc ; en pays nordiques, poissons et gibiers sont souvent portés à la flamme. ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

Urfa Durum (75010), Grillé (75002), Braisenville (75009), Clover grill (75001).

CORÉE GALBI, BULGOGI ET SAMGYEOPSAL

religieuse. Dans une feuille de salade : un bout de viande, une bonne cuillère de gochujang (pâte de piment locale), de l’ail cru, du riz et parfois même du nori.

L’ORIGINE

Le bulgogi tient son nom de sa traduction littérale « viande de feu », alors que le galbi désigne simplement le morceau de viande (des ribs, enroulées). Le samgyeopsal se réfère à la poitrine de porc (« sam » : 3 / « gyeop » : couches / « sal » : viande) PARTICULARITÉ

On marine la barbaque avant cuisson : sauce soja, sucre et pâte de piment. La dégustation est une cérémonie partagée, quasi-

LA CUISSON

Grill puissant au charbon renouvelé toutes les heures.

JAPON YAKITORI L’ORIGINE

Littéralement, « yakitori » signifie « oiseau grillé ». Il existe aussi le yakiniku, mais il est plus commun désormais d’utiliser le teppanyaki (plancha) pour griller les aliments.

ON MANGE QUOI ?

Du bœuf (galbi ou bulgogi) et du porc principalement. On les accompagne de bachans (« à côtés ») : kimchi, gochujang, flan aux œufs…

PARTICULARITÉ

Le charbon utilisé doit être bintochan,

un charbon actif blanc pur qui émet une radiation infra-rouge capable de cuire l’intérieur de la viande souvent plongée dans du saké et montée en mini-brochettes. À très haute température, les morceaux de bintochan doivent être constamment aérés pour aller au plus haut du thermomètre et ainsi créer du croustillant en surface.

Soon (75003), Bang (75011).

LA CUISSON

Lente, longue (plusieurs heures) et douce (jamais au-dessus de 120 °C). ON MANGE QUOI ?

AUSTRALIE AUSSIE BBQ

ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

The Beast (75011 & 75020), Flesh (75011).

L’ORIGINE

AFRIQUE DUBRAAISUD L’ORIGINE

ARGENTINE ASADO L’ORIGINE

Asado signifie « cuisson au grill ». PARTICULARITÉ

L’asado peut être horizontal (sur une grille, la parilla) ou « a la cruz », les morceaux soutenus verticalement par une armature en forme de croix. On utilise du charbon de bois dur comme le quebracho blanco, il dure ainsi plus longtemps.

LA CUISSON

Douce, ce qui permet au gras d’infiltrer la chair. ON MANGE QUOI ?

La tira de asado d’un Black Angus local (un travers de bœuf) ou la vacio, des morceaux de bœuf gras d’exception selon les asadores. A la cruz, on aura un agneau entier à épicer au chimichurri (condiment pimenté de persil, origan, ail, poivron rouge). ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

Unico (75011), El Palenque (75005).

En afrikaans, le mot signifie « griller », mais désigne également aujourd’hui l’imposant équipement et s’utilise comme verbe : on braai généralement le dimanche. PARTICULARITÉ

C’est un des rares points communs à tous les Sud-Africains, véritable rituel et acte social : des emplacements publics de braai sont disséminés dans tous les coins. En version haut de gamme et familiale, c’est une locomotive ; en campagne et dans la rue, un baril coupé

Le BBQ viendrait des traditions de bush tucker aborigène : le fait, dans l’outback australien, de ne se nourrir que de ce que leur propose la nature immédiate.

en deux latéralement et une grille faite de bric et de broc fait parfaitement l’affaire. LA CUISSON

La viande est badigeonnée de sauce sucrée avant d’être grillée des heures durant.

MADAGASCAR FATAPERA

ON MANGE QUOI ?

De bon gros morceaux de viande de bœuf, du rumsteak essentiellement, ou parfois des boerewors, les saucisses sud-africaines servies avec chutneys divers.

L’ORIGINE

ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

PARTICULARITÉ

On regrette My Food Montreuil, mais Kobus Botha se rattrape en pop-up l’été venant, ou en service traiteur (My Braai), à suivre.

En malgache, « Fatapera » signifie « fourneau en fer », on retrouve aussi le terme « fatak » dans le récit du Bahamut, le serpent de feu synonyme de puissance. C’est un foyer à charbon de bois sur lequel on dispose une grille qui peut aussi accueillir un réchaud. Petit, léger, c’est un barbecue qui se transbahute partout.

LA CUISSON

Lente, carbonique ou braisée, le fatapera est multifonctions. ON MANGE QUOI ?

Du zébu, la viande de prédilection malgache, la graisse de sa bosse est montée en brochettes (les masitika) nappées plus tard de sauce tomate. On grille aussi patates douces, pains malgaches sucrés et manioc.

PARTICULARITÉ

Les « barbies » sont souvent au gaz ou électriques. LA CUISSON

Grill sur braises rouges, quasi-carbonisation de la viande. ON MANGE QUOI ?

Toutes les découpes poulet (des wings aux « genoux » en passant par la peau, du porc et bien sûr du bœuf de Kobe. Servis avec sauce soja et wasabi.

La cuisson

ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

Le brisket (14 heures de cuisson !), équivalent de la poitrine de bœuf en France, ou des baby racks (travers de porc) et des saucisses. Avec ça ? Des tranches épaisses de pain blanc, le toast texan.

ON MANGE QUOI ?

Tout y passe, de la viande – bœuf, poulet mais aussi agneau ou snags, les saucisses – aux poissons et œufs en passant par les fruits jetés, eux aussi, sur les grilles. En accompagnement : du pain, pas mal de ketchup et de la salade (tout de même).

ON EN GOÛTE OÙ À PARIS ?

Le Rigmarole (75011).


rubrique

DOSSIER

Par Luc Dubanchet

57


DOSSIER

DOSSIER

PAUL BOCUSE EST MORT. LA JEUNE CUISINE, SI ELLE VEUT DURER AUTANT QUE LUI, DOIT SE POSER LES BONNES QUESTIONS ET NE PAS TRANSIGER.

P

our être honnête, j’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans l’exercice mémoriel. Se retourner sur le passé, les quinze dernières années de la Jeune cuisine, ce n’est pas mon fort – tout comme écrire un texte à la première personne du singulier, promis, c’est le dernier.

J’ai retenu de  Ferran Adrià , à qui je demandais en mai 2011 sous la tonnelle d’El Bulli alors qu’il allait fermer quelques semaines plus tard son mythique restaurant, s’il était ému de tourner la page, cette phrase, qui s’est gravée dans ma mémoire : « Ce qui compte, c’est ce qui vient. » Mais il faut bien, parfois, un instant, l’espace d’un article, se retourner sur ce qui vient de passer, cette histoire d’une génération de cuisine, dont Omnivore fait partie, qu’on le veuille ou non, au même titre que le Fooding, les 50 Best, Michelin et toutes celles et ceux qui ont la prétention de croire que ce qu’ils ont fait entrera dans l’histoire, notion qui, on le verra, nous renvoie à notre terrible vanité. Oui, que reste-t-il de la Jeune cuisine, telle qu’Omnivore l’a formulée en 2003 ? Cette Jeune cuisine qui était censée libérer intellectuellement la cuisine et les cuisiniers – on dit de Bocuse qu’il a fait sortir les cuisiniers de leur cuisine, mais était-ce suffisant, je ne le pense pas –, leur permettre d’affirmer une identité, ou plutôt des identités, contre le dogme, d’assumer une indépendance d’esprit sans être sacrifiés sur l’autel du corporatisme et du « c’est comme ça qu’on fait et pas autrement » ? Récemment, un chef auquel je tiens beaucoup

m’avait interpellé : « Je voulais depuis un bout de temps te demander ce que ça fait d’avoir gagné ? » C’était après un formidable déjeuner comme on en fait toujours au Restaurant Passerini. Giovanni – puisque c’est de lui dont il s’agit – avait soigneusement attendu que je me lève, prêt à partir, pour me poser cette question. Elle m’a tellement interloqué que je fus incapable d’y répondre dans l’instant. Je l’ai emportée et ruminée tout l’été. Elle demeure intacte au moment d’écrire ces lignes. Par gagner, Giovanni entendait que tout ce qui avait été prôné dans les textes d’Omnivore et dans ses festivals, cette volonté de faire progresser la cuisine – « Élevez-vous pour élever la cuisine », proclame d’ailleurs encore l’affiche d’Omnivore Paris 2018 comme un labour sans cesse renouvelé –, de l’ouvrir au débat, de la démocratiser, d’amener les chefs à penser par eux et pour eux, ensemble, sans limite et sans frontière, bref, que toutes ces valeurs avaient fini par l’emporter. Contre quoi ? La vieille cuisine ? En tout cas celle des présupposés, des figures imposées, de la doxa, du corporatisme et de l’entre soi (l’antre soi ?) qui n’avait pas, à mon sens, fait bouger les lignes depuis le relatif échec qui avait suivi la Nouvelle cuisine et son embourgeoisement massif dans les années 80. On m’a d’ailleurs beaucoup reproché ce terme de Jeune cuisine lorsque je l’ai écrit pour la première fois en 2003 : « Tu divises la famille ! » Voilà ce que j’entendais souvent en réaction de l’offensive Omnivore. Comme si la famille avait été unie, comme s’il fallait d’ailleurs qu’elle le fusse – tout le monde dans les rangs ! – pour

58

pouvoir continuer d’avancer. Mais les menaces réellement leur production dans la cuisine à peine voilées, les reproches, n’ont jamais contemporaine. Terrible retour sur ce premier enrayé l’envie de faire avancer les choses, de Carnet de route : il y eut de la casse, des échecs, faire bouger les lignes. des effondrements. C’est sans doute le prix à Durant les années 2000, ce véritable com- payer pour toutes les batailles. Cinquante ferbat – j’appelle souvent les premiers numéros metures sur 150, cela semble normal quand on d’Omnivore des « journaux de guerre » ce qui compare ce chiffre à la durée de vie moyenne peut, j’en conviens, paraître un brin excessif d’une entreprise tous secteurs confondus, – eut malgré tout un prix. En me retournant mais cela dit aussi combien la cuisine reste sur le passé, je me suis aussi replongé dans une entreprise fragile, combien un restaurant le premier Carnet de route Omnivore publié d’avant-garde a toutes les peines du monde à en 2006 (gros succès : près de 10 000 exem- se maintenir dans le temps. Qui se souvient plaires vendus, ce qui prouve aussi combien il encore du premier petit groupe de chefs, réuétait attendu). Des 150 tables répertoriées, des nis dans l’association Génération.C autour de tables pionnières, créatives, sans lesquelles Gilles Choukroun, David Zuddas, Lionel Levy rien n’aurait été possible, 50 sont définiti- ou Thierry Marx, à part ceux qui ont conservé vement fermées, 60 sont passées au second les premiers numéros d’Omnivore ? Qui a noté plan : pour des raisons d’isolement, touchées – et s’est ému – que cette même association a de plein fouet par la crise de 2009, parce que le été dissoute aux premiers jours de 2018 ? C’est chef aussi a baissé les bras. Seules 40 d’entre sans doute le jeu de l’évolution, elle ne va pas elles sont encore pleinement actives, au sens sans une bonne dose d’ingratitude. où je l’entends, c’est-à-dire productrices de Si la Jeune cuisine a gagné, les pionniers en l’énergie vitale, tellurique, renouvelée, qui ont payé le prix. permet de se distinguer. Et encore, parmi ces 40, un certain nombre donnent davan- En vingt ans, depuis mes débuts dans l’écriture tage l’impression d’œuvrer à leur propre ins- culinaire, j’ai noté combien un chef ne peut titutionnalisation qu’à la volonté d’ancrer cuisiner longtemps dans l’aigreur. Celles et

GALAXIE � CHEFS RESTAURAnTS DATES LIEUX

« JE VOULAIS DEPUIS UN BOUT DE TEMPS TE DEMANDER CE QUE ÇA FAIT D’AVOIR GAGNÉ ? » 59

ceux qui sont sortis victorieux des années 2000 sont de manière assez naturelle les mêmes qui ont consacré leur énergie aux aspects les plus productifs de leur métier : la construction d’un discours culinaire, la recherche acharnée de producteurs qui deviennent peu à peu des amis tout autant que des fournisseurs de matière (grise) exceptionnelle, le partage avec leurs équipes, la communication et la pédagogie auprès de leurs clients. Il n’est pas question ici de distribuer des mauvais ou des bons points, mais de ces pionniers français de l’An 2000, les noms de Pascal Barbot (l’hyper curieux obsessionnel, lire aussi notre entretien pages 6479), Alexandre Gauthier (le créateur disruptif ), William Ledeuil (le systémique), Thierry Marx (le contrat social), Anne-Sophie Pic (l’émotion et l’acharnement) et Jean-François Piège (l’indisciple d’Escoffier), apparaissent à mes yeux comme les plus emblématiques de cette époque balbutiante de la Jeune cuisine. C’est en tout cas ceux qui ont traversé ces quinze années avec l’intention la plus forte, ont déjoué les embûches – et, pour certains, elles ne furent pas loin d’être mortelles – sans jamais se renier et, surtout, en repoussant toujours plus loin leur exigence de cuisine. Certains ont formé plus que d’autres, mais s’ils ne sont pas directement liés à une « école », ils ont collectivement fait naître les vocations de la nouvelle génération des années 2010. Ce sont eux, les pionniers de l’An 2000, qui ont fait exploser le débat sempiternel entre les Anciens et les Modernes, les tenants de la ligne classique incarnée depuis trente ans par le tandem Alain Ducasse – Joël Robuchon (Piège, Marx et Ledeuil en sont issus) contre les Créateurs portés par Pierre Gagnaire, Michel Troisgros, Michel Bras ou Alain Passard (Barbot, Gauthier et, dans une certaine mesure, Pic sont de ceux-là). Qui se souvient d’ailleurs que ces grands aînés se déchirèrent dans les années 90 à la publication autour de Ducasse, Robuchon, Loiseau et Blanc d’un « Manifeste pour la défense de la cuisine française » répondant à la création d’un groupe des 8 (Bras, Chibois, Gagnaire, Lorrain, Passard, Roellinger, Troisgros, Veyrat) en rupture totale avec la Chambre syndicale de la haute cuisine française ? Les pionniers de l’An 2000 ont tranché : ils ont choisi la création, c’est-à-dire la liberté de prendre ses distances avec un répertoire, sans l’opposer forcément à la tradition, même si cette dernière ne constitue pour eux qu’un substrat et non l’essentiel de leur territoire d’expression. Avec le recul, tout semble si facile et pourtant… Qui se souvient encore des critiques acerbes après les premiers repas d’Iñaki Aizpitarte au Chateaubriand (le grand Basque se place juste après dans la chronologie des ouvertures à Paris) et des premiers plats incompris – ainsi que du choix extrême des vins nature – de Sven Chartier au Saturne ? Non, rien ne fut facile dans ces premières heures des années 2010 où la cuisine devenue soudain par la « magie » – on va y revenir – de la télévision et


DOSSIER

des réseaux sociaux un sujet aussi culturel que planétaire, se chargeait également de tous les ions positifs et négatifs d’un pays – la France – en pleine interrogation culinaire et pas encore franchement ouvert. Il a fallu beaucoup de courage à Adeline Grattard (Yamt’cha), Bertrand Grébaut (Septime), Gregory Marchand (Frenchie), Giovanni Passerini (Rino), David Toutain (DT) pour faire exploser le carcan (culturel, sociétal, imaginaire) parisien. Et que dire d’un Alexandre Mazzia qui connut un premier échec retentissant à Marseille (Le Ventre de L’Architecte), tomba, avant de se réincarner dans AM et d’imposer sa lecture de la cuisine ? Gagné ? À ce stade de l’histoire, on voit bien que rien n’est jamais gagné. Surtout pas dans la cuisine française, qui reste plus que jamais écartelée entre son statut patrimonial qui ne cesse de la ramener à ses racines parfois les plus restrictives et l’envie de s’en échapper comme le Nouveau Roman s’écarta de la littérature classique à la fin des années 50, ou comme la Nouvelle Vague chamboula la narration cinématographique des années 60. La cuisine, comme toutes les cultures, vit les tiraillements extrêmes qui agissent comme les mouvements opposés des plaques tectoniques. Mais à la différence de la littérature, de la peinture, de la musique ou du cinéma, la cuisine ne dispose pas d’un appareil critique suffisamment étoffé pour accompagner ces mouvements. J’entends par là une analyse rigoureuse, le plus possible dépassionnée, susceptible de formuler clairement ces tensions, de les amortir, d’en tirer toute une nouvelle vie et non simplement un système de reconnaissance mutuelle dont les chefs, anciens et modernes, raffolent – Giovanni, tu vois, Omnivore vit aussi en échec. De tout cela, le monde n’a rien à faire. La cuisine mondialisée vit sa vie de manière désormais autonome. Fini, l’emprise tricolore sur le monde entier, les brigades des grands hôtels se passent de plus en plus de ces souschefs venus les coloniser. Quant à la nouvelle vague culinaire qui a fleuri en même temps que les jeunes pousses françaises partout dans le monde, elle est un écosystème parfaitement déconnecté des influences tricolores – même si vous trouverez toujours un fort en gueule à l’autre bout de la table pour vous dire le contraire et immédiatement hurler au « french-bashing » comme Donald Trump hurle au Fake news. Omnivore – qui a le mérite de la continuité éditoriale – a toujours soutenu ce mouvement natif et spontané, cette nouvelle génération autoportée qui, si elle passe par Paris, ne fait plus que la visiter avant d’aller semer ses propres graines à Sydney, Montréal, Moscou ou New York. Omnivore a passé son temps entre ces villes phare lors des dix dernières années et n’a eu de cesse de se réjouir de l’éclosion de restaurants partout dans le monde, apportant leurs propres idées, leur propre vision et leur propre engagement dans leur cuisine. La cuisine française a fort

heureusement perdu son statut impérialiste, elle se doit désormais de composer – et de se recomposer en fonction de cette nouvelle donnée planétaire. Quoi de neuf en cuisine ? Mathieu RostaingTayard (Café Sillon), Arnaud Laverdin (La Bijouterie), Tabata et Ludovic Mey (Les Apothicaires) – car oui, Lyon aussi s’est mise à sécréter une nouvelle sève aussi profuse que disruptive –, Vivien Durand (Le Prince Noir), Mary Henchley et Maxime Rosselin (Le Chien de Pavlov) à Bordeaux, Amélie Darvas, Tatiana Lehva, Taku Sekine, Michele Farnesi, Pierre Sang Boyer, Romain Tischenko… des dizaines de jeunes tables à Paris et dans les grandes villes de France que nous n’avons eu de cesse de dénicher et de faire passer sur les différentes scènes du festival Omnivore – je ne me justifie pas, j’expose juste. Forcément, nous en oublions. Mais tous les chefs de cette génération Jeune cuisine sont mus par l’envie de cuisiner comme ils sont, tous trentenaires, tous voyageurs ou venus du monde, hommes et femmes confondus puisque la cuisine parvient enfin à décloisonner et se départir de l’armure blindée qui la séparait du monde environnant. Ces chefs, nés à la fin des années 80 et au début des années 90,

DOSSIER

en connexion parfaite avec le mangeur millennial de l’époque, n’ont plus qu’une vague mesure de la grandeur passée et se moquent comme de leur première toque d’un héritage qu’ils n’ont, de toute façon, aucune intention de porter. D’autres le feront d’ailleurs, qui n’ont ni le talent ni l’ambition d’être différents… et ont donc le temps de se préoccuper de leur position dans l’histoire. Que risque-t-elle, cette nouvelle génération ? D’un point de vue pelliculaire, cutané, elle risque maintenant encore plus qu’avant de se consumer dans le bûcher des vanités. L’ultramédiatisation du métier de cuisinier, l’explosion aussi tentaculaire qu’imprévue et incontrôlable de l’image à travers les réseaux sociaux, la folie assez généralisée autour de la figure du chef et les phénomènes groupies qui s’ensuivent sont des pièges certains pour de jeunes gens en quête de reconnaissance. Le nouveau mangeur, formidable de curiosité et d’ouverture, est aussi un dévoreur de signe, un avaleur de tendance, dont la résilience instantanée peut venir à bout de la cuisine aussi vite qu’elle l’a érigée en nouvelle religion. Croire que cela durera éternellement, c’est oublier

QUE RISQUE-T-ELLE, CETTE NOUVELLE GÉNÉRATION ? D’UN POINT DE VUE PELLICULAIRE, CUTANÉ, ELLE RISQUE MAINTENANT ENCORE PLUS QU’AVANT DE SE CONSUMER DANS LE BÛCHER DES VANITÉS 60

NE PAS ENTENDRE EN 2018 LES CHEFS PRENDRE LA PAROLE DANS LE QUESTIONNEMENT AUTHENTIQUE ET VITAL DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE DEMEURE POUR MOI UNE SOURCE INÉPUISABLE D’INTERROGATION un peu vite les 50 tables disparues depuis le Alors, qu’adviendra-t-il dans trente ans, c’est-àdire deux générations de plus que la Jeune cuipremier Foodbook de novembre 2005… Surtout, le cuisinier moderne doit s’occu- sine ? Quand les énergies fossiles auront rendu per du fond. À l’instar d’un Florent Ladeyn, tout voyage compliqué – avions cloués au sol, starisé par Top chef, médiatisé et hautement tirage au sort pour pouvoir s’envoler – et que bankable – les marques se seraient volontiers les populations opèreront un impérieux repli ? écharpées pour récupérer sa belle gueule de Quand Facebook aura fermé ses portes (Zuckerviking pour vanter le grand froid d’un frigi- berg ayant définitivement sabordé son réseau daire où les mérites incomparables de frites après un ultime échec ou, au contraire, une surgelées –, qui a su rester chez lui, développer victoire, à l’élection présidentielle américaine) son Auberge du Vert Mont, créer une cantine et que la communication ne se résumera plus flamande à Lille (Bloempot, qu’on adore im- qu’à l’échange d’emojis aussi navrant qu’une modérément), bientôt une friterie – fraîche ! émeute pour des pots de Nutella ? La cuisine. – ultra démocratique tout en s’occupant de l’équilibre des producteurs et des éleveurs Pour peu qu’elle prenne le temps de s’intéresqui l’entourent. Puisque chaque restaurant ser encore plus au monde qui l’entoure, et à est le pivot d’un écosystème, il me paraît plus vouloir l’améliorer, il restera la cuisine. Cette que jamais essentiel de consacrer moins de nécessité impérieuse de se nourrir tout en y temps à récolter les bons commentaires sur apportant le souvenir de l’amour d’une mère TripAdvisor ou les likes d’Instagram – ce qui à son enfant, la simplicité retrouvée de préne veut pas dire négliger son image – pour parer des plats de famille à la maison, et de s’intéresser aux grands défis qui se posent à tourner le coin de la rue comme on le faisait court terme pour l’avenir des chefs et, plus jadis en franchissant la porte de l’auberge du village pour y trouver l’essentiel : des produits largement, de la restauration. Soit, pour durer, s’inquiéter du durable et de élevés et nourris ici, par la main sûre et attenla biodiversité. Ne pas entendre en 2018 les tionnée d’un paysan, l’invention épanouie chefs prendre la parole dans le questionnement d’un cuisinier en bras de chemise et tablier authentique et vital de l’agriculture française – tout comme Paul avait dû la connaître cette demeure pour moi une source inépuisable Auberge toute simple du Pont de Collonges d’interrogation. Comme si les grandes ques- avant d’être Bocuse –, l’assurance de partager tions liées aux manipulations génétiques, à la avec les autres convives, dans l’abandon de la circulation des semences paysannes, au bio, à bonne chère et des bons vins, la certitude qu’au la biodynamie, à la permaculture, aux grands fond, quoiqu’il se passe, quoi qu’il arrive, nous enjeux de santé public et de l’alimentation ne ne sommes pas seuls. rejoignaient pas la table du restaurant. Pas le temps ?

61

GALAXIE � CHEFS RESTAURAnTS DATES LIEUX


DOSSIER

LE CUISINIER MODERNE

Bien sûr, on les aime. Beaucoup même. Mais il faut avouer que, parfois, ils nous agacent avec leurs caprices et leurs contradictions. Portrait-robot de ces chefs issus d’une improbable union entre Paul Bocuse et Anthony Bourdain. D’une génération qui ressemble à son époque, engagée, certes bosseuse mais pas au prix d’une vie sacrifiée.

PAR SYLVIE BERKOWICZ ILLUSTRATIONS JÉRÉMY PERRODEAU

62

DOSSIER

Dans toutes les cuisines, du fin fond du Mexique à la forêt boréale, ils ont fini par tous se ressembler. Il a une belle et grande gueule, un corps tatoué, la barbe en bataille, Instagram toujours dégainé et le même discours souvent copié-collé. Il faut dire qu’on lui en demande beaucoup. On le veut chaque jour dans sa cuisine, mais on le réclame aussi sur les plateaux télé et dans des événements au bout du monde. Il doit être connu pour survivre et survivre en attendant d’être connu. Contrairement à ses prédécesseurs, il a vraiment choisi son métier. Il a tout appris de ses maîtres, y compris ce qu’il

s’est juré de ne pas faire. Enfin, de stage en stage, de poste en poste, il trouve son mentor. C’est la révélation. Dès lors il peut commencer à rêver sa cuisine et son restaurant. Sera-t-il repéré ? Doit-il participer à Top Chef ? Pourra-t-il trouver des partenaires financiers ? Sera-t-il invité un jour à l’Élysée ? Le chef d’aujourd’hui est aussi celui qui en douce et en silence fait son bout de chemin seul, loin des trottoirs parisiens et d’une cartographie balisée. On le trouve au bout d’une route de montagne, sur une île de Bretagne, aux confins du cercle

63

polaire… Aventurier immobile, jusqu’auboutiste, il transcende la difficulté et joint le geste à la parole. Seul et isolé mais cependant toujours connecté à sa communauté. Jamais le chef ne s’est autant interrogé sur son métier, sa responsabilité et la justesse de ses actes. Entrepreneur ? Militant ? Artiste ? Forcément tout cela à la fois. Mais avant tout pourvoyeur de bonheur. Ne lui reste qu’à devenir ELLE, car en écrivant ces lignes on réalise à quel point le masculin l’emporte tant dans l’écriture que dans la cuisine. LA cheffe se fait encore rare... Si le chef d’aujourd’hui n’est pas encore une femme. Il le sera demain.


DOSSIER

—Et c’est là que Christophe me dit « on va ouvrir  un petit restaurant… » — je dis : « oh ! tu crois, un petitrestaurant… ? » L’ASTRANCE RACONTÉE PAR PASCAL BARBOT

65


DOSSIER

Comme il y a dix-huit ans, on a refait le chemin jusqu’à l’Astrance, pour une discussion à bâtons rompus avec Pascal Barbot. Plus que nul autre, il incarne cette certaine idée de la cuisine qu’accompagne Omnivore depuis sa création. Un véritable rebelle, qui donne du « Monsieur » aux grands qu’il a croisés et qui, sans se la jouer, arrive à nous dire qu’il n’est pas encore un chef !

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUC DUBANCHET   PHOTOS BAPTISTE LIGNEL

DOSSIER

Début janvier, on le retrouve dans le petit bu- Et vous préférez cette vie-là à l’école ? reau conquis dans l’arrière-cour, au premier Bah je préfère… Disons que j’ai pas le choix, étage de l’immuable 4 rue Beethoven. Deux c’est la vie, c’est l’éducation, on ne se pose pas heures d’un entretien comme jadis – c’est-à- la question, on est éduqué comme ça. Mon frandire en l’an 2000 et dans les années qui sui- gin, qui est de trois ans mon aîné, part faire son virent la création de l’Astrance –, quand on s’en- apprentissage chez un plâtrier-peintre. Tout tretenait avec lui fiévreusement après chaque ça, moi, ça ne m’intéresse pas. Moi je préfère repas, bombardés de questions, comme si sa aider ma mère à faire la vinaigrette, la salade. propre vie dépendait de la réussite d’un repas. Alors je veux faire la cuisine, même si de toutes De fait, on a toujours eu l’impression que sa ces années avec mes parents, nous ne sommes vie en dépendait. jamais allés manger au restaurant. La cuisine et Pascal Barbot, ne font qu’un depuis qu’on le connaît, depuis qu’on pratique Jamais ? l’Astrance et son exigence, sous l’ironie pai- Jamais, jamais, jamais ! sible et bienveillante de Christophe Rohat (cicontre, de face) en salle. La cuisine, où ce matin C’était culturellement inenvisageable de janvier encore, le feu couve pour la réalisa- et financièrement pas possible ? tion d’un pâté en croûte qui viendra régaler en Ah bah non, c’est pas possible, pas possible. fin de semaine les habitués lors qu’un « pique- Donc, mon frangin fait son apprentissage chez nique » aussi amical que déterminant dans la un patron. Je me dis, l’apprentissage… Je sais manière dont l’Astrance a toujours traité ses qu’il y a aussi l’école hôtelière. Alors j’aimeclients, ses fidèles. rais bien aller à l’école hôtelière. Je me dis que Pascal Barbot s’est assis derrière son bureau ça va être la sécurité. Le BEP cuisine est créé. surchargé de paperasses, à peine classées, Je fais ça, en contrôle continu, en deux ans, dans un désordre qui fait penser à ses cheveux ça se passe super bien […] Je fais des stages à bouclés et à ses idées qui fusent, débit de mi- la Bonne friture, au Pont-de-Menat (dans le traillette, aussi concentrées que synthétiques Puy-de-Dôme), donc t’imagines le restaurant quand bien même elles semblent dispersées. à l’ancienne, avec le fourneau à bois, on est Et voici trente années de cuisine qui défilent, trois en cuisine à sortir 60 couverts, c’est l’été, d’une densité incomparable. Trente années c’est la grosse saison et il faut faire la salade de exemplaires d’un jeune cuisinier à cheval sur chèvre chaud, les truites meunières, les truites deux siècles. Et qui incarnent, comme nul autre aux amandes, le foie de volaille est frais, cuit et que Pascal Barbot, la figure d’un enfant de la déglacé minute, il y a les poissons frits, la tarte cuisine. Tatin, la tarte aux framboises… Il faut envoyer ! Omnivore Je voudrais comprendre d’où vous

venez, où est le petit Barbot quand il décide de devenir cuisinier… Pascal Barbot Mes parents, mon frère et moi, on vit à côté de Vichy, à 15 kilomètres de Vichy. Dans un tout petit bled ? Ah oui, complétement ! Vos parents font quoi ? Maman travaille dans une maison de retraite et mon père est à l’usine. Il est employé, ouvrier d’usine. Et donc le sauvage, le jardin, c’est vraiment essentiel au foyer.

Et ça vous plaît ? Ça me plaît oui, oui ça me plaît ! C’est dur, extrêmement dur. Mais ça fait partie de mon éducation. J’apprends. Je découvre en fait. Je découvre une nouvelle vie, je découvre un nouveau milieu, je découvre des responsabilités, je découvre le travail en équipe, je découvre des clients, des gens qui paient, des gens qui ont des belles voitures, qui viennent manger... À 14 ans, en Auvergne, on découvre la vie, on découvre les relations avec les autres. Les coups de gueule aussi… Je sors du cocon familial.

Vous êtes une famille française des années 80, c’est l’écosystème jardin-cueillette-élevage… Très français, très, très français ! Un prototype hyper classique quoi. On tue le lapin, on fait le civet de lapin. On va ramasser les noix. La pêche ! Avec mon père on va à la pêche. Alors on mange de la friture, l’anguille quand c’est la saison. Quand c’est la saison des noix, on fait les croquets ou les biscuits aux noix. Les prunes tombent, il faut ramasser les prunes, et faire la tarte aux prunes… Le sauvage ! Les champignons, la salade de pissenlit. On mange ce qu’il y a autour de nous. Donc, enfant j’ai une vraie notion des saisons.

Vous continuez avec le bac pro, on vous imagine insatiable de curiosité… Oui, je suis très curieux, pas dissipé, appliqué. Je ne suis pas le premier de la classe, je ne suis pas non plus le dernier. Je suis un élève pas chiant, je fais mon job. Je fais mes devoirs. Je suis posé, je suis calme. De 14 à 18 ans, je passe quatre années extraordinaires, et pendant toutes les vacances, chaque année, je bosse dans un petit restaurant en Auvergne, le Buron de La Chaux-de-Fonds, chez Mireille et Jean-Louis Dume, une famille extraordinaire. Je fais aussi grâce à eux un stage à Clermont chez monsieur Claver, une étoile Michelin. Il me parle de la maison Troisgros, mais pour moi tout cela est inaccessible !

Vous faites le jardin avec votre père ? Complétement, et ce n’est même pas un plaisir, c’est une nécessité.

Le bout du monde ? Mythique ! Je n’ose même pas envoyer un CV. Ah non, non. Troisgros, c’est pour les bons,

66

67


DOSSIER

DOSSIER

Je ne sais pas comment expliquer les choses, mais la cuisine ça doit être au-delà de l’obéissance ou de la règle, un expérience personnelle intense, une exigence, du concret.

les extraforts. C’est la référence. Ah non, non jamais […] Je ne sais pas faire de la cuisine. Ça doit être incroyable. Ça doit être extraordinaire. Non, non, non. Je ne suis rien. J’ai besoin de travailler pendant cinq ans, dix ans, d’apprendre, avant un jour d’envoyer un CV dans cette maison-là, quoi. Et donc, ce qui est incroyable, je fais l’école hôtelière, des stages, des formations. Je rencontre des gens, des professionnels. Je fais des stages chez eux et, à chaque fois, on a un très bon lien. Je garde toujours un très bon lien avec les gars avec qui j’ai travaillé. Chaque fois, je leur demande conseil, et c’est comme ça que le petit Buron de La Chaux-de-Fonds me dit que je devrais aller chez monsieur Claver en stage et c’est comme ça que monsieur Claver m’oriente à Paris, puis finalement à Londres. Paris, vous n’y aviez jamais mis les pieds ? Ah non, non, jamais ! Jamais jusqu’à mes 18 ans ! Et donc monsieur Claver me dit : « Tu vas peutêtre aller chez monsieur Senderens ». Moi je n’en avais jamais entendu parler. Finalement, je me suis retrouvé à Londres. Très bien ! Pour moi, Londres, Paris, c’est pareil. À Londres, c’était le restaurant Les Saveurs avec Joël Antunes, un ancien de chez monsieur Troisgros, qui avait fait monsieur Loiseau, monsieur Bocuse… Il venait d’ouvrir. Je débarque commis avec tous les Auvergnats de Londres, car le chef était originaire de Volvic. Donc une brigade de dix Français, dix guerriers en salle. Le chef pâtissier de chez monsieur Loiseau, le chef sommelier de chez monsieur Senderens. Enfin les années 80, quoi, une certaine idée du restaurant et des grosses brigades où tous les produits nobles passent par Rungis. Il y avait la petite terrine montée saumon fumé, huîtres et gelée de concombre, le rouget en écailles de pomme de terre, les cuisses de grenouilles sauce persil, le turbot beurre noisette meunière, le soufflé au chocolat […] Enfin la cuisine classique française des années 80 par excellence. Je commence au garde-manger, commis garde-manger, responsable gardemanger, commis poisson, commis légumes, commis viande... J’ai fait tous les postes. Deux ans, ça se passe super bien. J’apprends, c’est la première fois que je vois une langoustine, première fois que je vois du foie gras, première fois que je vois de la truffe, un turbot… Joël Antunes avait toujours gardé des bons liens

68

avec la maison Troisgros. Au bout des deux ans, il m’y envoie en stage. Je ne sais plus si je lui avais dit que c’était mon rêve… non je ne lui avais même pas dit que c’était mon rêve. C’était plus qu’un rêve, c’était au-delà d’un rêve. Là, tout d’un coup, c’est comme une petite voix qui s’allume… Ça vous émeut encore aujourd’hui… Oui, ça m’émeut. […] Ouais. Non, non, ça m’émeut... C’était un grand moment si tu veux. Et ce qu’il y a d’incroyable, c’était chef Pierre, chef Michel, chef Claude… Moi je venais d’une maison où il n’y avait qu’un chef et là le chef avait des prénoms. Non mais c’est qui le chef ? Je ne comprenais rien, rien ! C’est la première fois de ma vie que je mets les pieds dans un trois-étoiles, j’ai 19 ans, on doit être en 90/91 dans ces eaux-là. Mais je passe trois ou quatre mois là-bas. Et donc une cuisine, bah c’est la révolution, le saumon à l’oseille… Il y a une assiette, alors une belle assiette blanche avec la feuille d’oseille dessinée en porcelaine… Et on cuit le saumon, on le pose, on met la sauce, on envoie ! Trois étoiles ! Et moi je ne comprenais pas si tu veux, parce que les assiettes de Londres étaient beaucoup plus « jolies ». À Londres, c’était le style monsieur Robuchon, tu vois. C’était la petite terrine, les mini-légumes, tout bien parfait, dressé en petites étoiles avec la petite pousse de ciboulette. […] Je n’ai compris que longtemps après la cuisson du saumon, parfaite, encore rosée, la sauce minute… c’était la Nouvelle cuisine. Vous n’aviez pas entendu parler de tout ça à l’époque ? Non, mais non ! Je ne sais pas ce que c’est. Gault & Millau, je ne sais pas ce que c’est. Moi je n’ai qu’un abonnement de deux ans à Thuriès Magazine offert par monsieur Dume et c’est Noël ! Vous êtes donc confronté pour la première fois à une cuisine avant-gardiste à Roanne, cette fameuse Nouvelle cuisine, qui pose aussi une nouvelle base de travail, une nouvelle manière d’envisager un plat, une assiette… Complétement, la grosse brigade, la grosse activité, les gros services et puis les postes et la marche en avant mise en place par la maison Troisgros où chaque poste a son travail bien

69

défini, où celui qui coupe l’agneau à la commande n’est pas celui qui le met en cuisson… Un séquençage des tâches… Oui, complétement. Et un jour l’un des responsables à la viande va faire une semaine gastronomique avec un des chefs. Et je me retrouve aux cuissons à la viande. Moi, le petit gamin, au bout de deux ou trois mois de maison. Alors ça ne dure pas longtemps, une semaine, quinze jours, je ne sais plus, mais quel bonheur, quel bonheur. Quel bonheur, je tremblais, enfin ! On m’avait donné ma chance, ça, je n’oublierai jamais. Depuis, je donne leur chance aux jeunes. Tu la prends, tu ne la prends pas, c’est autre chose, c’est un autre sujet. Mais en tout cas, ils ont leur chance. J’ai l’impression, en vous écoutant, d’un jeune Pascal Barbot à la fois très mature et très à l’écoute, prêt à saisir justement cette chance de découvrir chaque jour. Souvent ce que les jeunes n’arrivent pas à comprendre, c’est qu’on travaille pour soi. On ne travaille pas pour faire plaisir au chef ou pour les clients. On travaille pour soi ! J’en étais conscient à l’époque. Bon, j’étais dans mon petit restaurant au Buron, j’étais au piano. On avait un bus de touristes qui débarquait. Il faut faire cuire les crêpes, donc je cuisais des crêpes pour 60 personnes. Mais la crêpe, c’est moi qui avais fait la pâte la veille. Je cuis, je retourne, j’ai mes trois poêles, mes trois brûleurs, je suis un poulpe au piano ! Et j’étais en maîtrise, ma crêpe était parfaitement colorée, cuite, tout ça, ma confiture, voilà. Tu me donnes un foie de volaille à cuire, je ne suis pas en panique, je sais s’il est à bonne température à cœur. J’ai vraiment cette notion de la chaleur, la relation avec le feu, la gourmandise, on arrose au beurre, on fait attention à la surcuisson. La cuisine, c’est vraiment du concret. Et donc après, quand j’étais à Londres, pareil. J’étais au garde-manger, je faisais ma terrine de saumon. Je n’avais jamais vu une huître de ma vie. J’avais un doute : « Chef, chef, est-ce qu’elle est bonne ? Est-ce qu’elle est bonne mon huître ? » Je suis trop cuit, je ne suis pas assez cuit… j’ai fait une bêtise. Je montais ma petite salade d’huître, une crème fouettée au raifort, rhaahhh je n’y arrive pas alors je demande, j’ai un problème avec ma crème fouettée, c’est du beurre ou c’est pas assez fouetté. Je crois que j’ai trop cuit mon canard ou je pense qu’il n’est pas bon. Il y a un problème, il est pas joli, il y a des plombs. Comment je fais ? Et tu vois, des fois, je vois les jeunes qui cuisinent juste pour faire plaisir au chef ou simplement parce qu’il faut faire le taf, voilà, on fait le taf et on envoie. Mon chef, il est content, c’est bon. Il m’a dit de mettre du beurre, je balance du beurre et on envoie. Je ne sais pas comment expliquer les choses, mais la cuisine ça doit être au-delà de l’obéissance ou de la règle, un expérience personnelle intense, une exigence, du concret. Pourquoi c’est pas bon,


DOSSIER

DOSSIER

pourquoi c’est bon, est-ce que j’ai mis trop de ça, pas assez ? Aujourd’hui, tu me donnes un calamar, un foie, un gésier, un cœur à cuire, bah voilà, je ne suis pas en panique.

connaissance ! La vanille ? Quand j’étais aux aussi que je n’ai jamais mis les pieds à Paris. îles Tonga, je voyais des champs de vanille C’est l’Arpège qui me répond en premier. Je et je voulais tout savoir : comment pousse la monte sur Paris, je fais l’entretien, monsieur vanille, la gousse, la fermentation... Pareil pour Passard me dit : « Demain tu commences ». Bah l’ananas. J’ai passé 18 mois à poser des ques- très bien. J’y suis resté cinq ans. tions. Ce qu’il y a de fabuleux, c’est qu’il y a des Parce qu’il y a eu un échange didactique locaux sur la base avec qui je sympathise. On Aujourd’hui on resterait un an, deux ans… du chef vers le commis que vous étiez, est juste après les événements d’Ouvéa (la prise Oui ! Je vois passer des CV de jeunes gens qui c’est ça ? Et en même temps une implicad’otages de 1988), l’un des plongeurs venait de ont fait un an ici, un an chez machin, six mois tion totale de vous vers la cuisine ? Nouméa. On n’avait pas le droit d’y aller, mais chez truc… Complétement, cette implication à 100 %. j’ai passé plusieurs jours là-bas, dans les cases où j’ai vraiment vécu avec les locaux, c’était Au fond ce que vous dites c’est : D’où ça vient ? L’éducation, l’éducation, l’éducation, l’éduca- des expériences absolument incroyables. On « Soyez plus dans ce que vous faites, tion. C’est hyper important. dormait dans la case, à suivre les coutumes, à allez au fond des choses et n’essayez pas échanger. […] de toucher l’écume. » C’est exactement ça, tu as touché du doigt. Après Troisgros, que faites-vous ? Je fais un parcours hyper important. Parce que Le gamin d’Auvergne, qui naît dans Parce que si tu veux, j’étais en confiance à service militaire… service militaire. Je pars en son petit village, qui ne sort pas pendant l’Arpège, je me suis dit, bon voilà monsieur Nouvelle-Calédonie dans la Marine. Je suis sur dix-huit ans de son milieu autarcique, Passard va me demander de cuire un poulet, le navire Jacques-Cartier et également sur base au fond, il s’adapte merveilleusement bien ou une asperge, ou même il va me demander à Nouméa, la base Chaleix. Et avec des voyages à Londres ou à la Nouvelle-Calédonie. de cuire un saint-pierre, que je n’ai jamais dans des endroits absolument incroyables, les Parce qu’il faut y aller, il faut vivre sa vie ! Il faut vu, ou un poisson nouveau, si tu veux, mais îles Fidji, les îles Tonga, la Nouvelle-Zélande. vraiment y aller. Il faut être curieux. Il faut em- c’est pas grave puisque j’ai été confronté à ça Sur le bateau, on est 300 et trois en cuisine. magasiner. J’ai toujours été conscient de tout ça. à Londres, sur mon bateau en Nouvelle-CaléEt là, c’est dur, bosser sur un bateau, c’est dur. Et puis moi, j’aime les choses concrètes, je veux donie, au Buron… dans toutes ces expériences C’est à l’ancienne, c’est 5 heures du matin en du concret. C’est comme en cuisine si tu veux, accumulées. Je n’avais rien à perdre, je n’avais cuisine, petit-déjeuner pour les marins pour être impliqué à fond, être impliqué dans la vie. pas peur. J’avais envie d’aller dans une grande tout le monde avant de faire la journée dans C’est comme ici au restaurant, on est impli- maison et d’apprendre. un petit espace. Mais je connaissais déjà avant, qué à 100 %. L’histoire avec Christophe Rohat dans mon Buron en Auvergne. Je retrouvais (l’associé de l’Astrance, NDLR), je suis impliqué Et, à l’Arpège, vous apprenez quoi ? aussi l’idée du système D que j’avais éprouvée à 100 %. Avec les jeunes en cuisine, j’aimerais Je n’y comprends rien pendant un an, j’y compendant mes vacances quand j’étais encore à être encore plus impliqué, être encore plus prends rien ! Je suis commis aux légumes. Le la maison et que je gagnais un peu d’argent en présent en cuisine. Il faut aller au bout ! chef est vraiment au sommet, il est au sumfaisant les repas de mariage, les communions, mum, les médias sont là tout le temps, sans les baptêmes du village. C’est hyper important. Après avoir éprouvé ce lointain, arrêt. Le chef est toujours là, il ne loupe jamais un service. C’est trois ans avant la troisième jusqu’au bout, vous rentrez en France. C’est aussi là que le Pascal Barbot Oui, je reviens à la maison, chez mes parents, et étoile en 1996. C’est vraiment une maison de de la maison, je rappelle mon chef de Londres. folie, ça bouge, ça travaille, ça grouille de tous d’Auvergne découvre d’autres saveurs ? J’ai 21 ans et je ne sais toujours pas faire la Maintenant, je suis prêt, j’ai 21 ans, je suis un les côtés, il y a une effervescence, une énergie. cuisine. Voilà que je me retrouve à préparer petit mec maintenant, je veux commencer à Au bout de quatre mois, je suis devenu l’ancien, des classiques français, le bourguignon, la vraiment travailler ! Parce que, avant, c’était donc je passe à tous les postes. Et puis après blanquette… pour 300 ! Mais j’apprends aus- de l’apprentissage. Je suis prêt, je suis prêt à je deviens le sous-chef ou le second je ne sais si à utiliser les produits locaux : l’ananas, la donner, je veux être commis, voilà, à donner pas comment on appelle ça, le responsable noix de coco, le thon, l’igname, les taros, les dans un restaurant, à m’investir à 100 % pen- de cuisine. Christophe (Rohat) est en salle, on chayottes, la vanille, tous ces produits des îles. dant X années. Monsieur Antunès me parle s’entend super bien. Au bout de trois ans, en Je découvre le thon à la tahitienne, un thon de monsieur Senderens au Lucas Carton, de 1996, la troisième étoile. Mais il m’a fallu du cru mariné au lait de coco citron vert carottes monsieur Pacaud à l’Ambroisie, bien sûr il y temps, il m’a fallu beaucoup de temps, je me râpées et concombre. Je ne connaissais que a monsieur Robuchon, et puis voilà, et il y a souviens très bien il y avait le ris de veau en les carottes et le concombre, tout le reste monsieur Passard, un petit jeune, qui fait des écailles de châtaigne, le pigeonneau à la dram’était inconnu ! Et c’est une salade qui est trucs sympa... On est en 1993 ! J’envoie mes gée… On a construit ensemble avec monsieur absolument délicieuse qui te fait directement lettres aux quatre parce que je ne sais pas ce Passard les aiguillettes de homard au vin jaune. voyager. Là-bas, je prends la connaissance, la que c’est un « bon restaurant », je vous rappelle Il y avait déjà la tomate aux douze saveurs. Et je ne comprenais pas, j’avais vu Londres, j’avais vu Troisgros, j’étais conscient de la belle tomate, du beau ris de veau, des beaux produits. Mais là, on allait vraiment vers cette cuisine minimaliste que moi je n’avais jamais vue. Il m’a fallu plusieurs mois avant de comprendre qu’on était dans l’excellence.

On a construit ensemble avec monsieur Passard les aiguillettes de homard au vin jaune. […] Il m’a fallu plusieurs mois avant de comprendre qu’on était dans l’excellence. 70

Ça signifie quoi ? Prenez le homard aigre-doux : c’est un homard, un navet, une vinaigrette aigre-douce, c’est tout ! Oui, mais la cuisson du homard est minute, tu vois, tu le cuis à la commande, tu le sors de l’eau, tu le décortiques, tu prends plaisir à le découper, car il est beau, la cuisson est réussie. J’ai mis longtemps avant de com-

71


DOSSIER

DOSSIER

prendre ce qu’il y avait de magique là-dedans. Le homard est cuit minute, il n’a pas deux jours de frigo, la vinaigrette aussi est minute, elle exprime le bel équilibre entre le miel, le sucre, l’acide… On ne recherche pas que le visuel mais l’expression du goût. Et ça maintenant, le piège du visuel, si tu veux, le piège du visuel, c’est un de mes combats. Il m’a fallu du temps pour capter l’identité, il m’a fallu du temps pour comprendre que c’était sa cuisine, sa cuisine d’auteur. Parce que moi à Londres, c’était le rouget en écailles de pommes de terre…

chance. J’assume. OK, j’assume, la relation avec les fournisseurs, les producteurs, le samedi matin, le poisson, le machin […] Je suis rentré, j’étais le petit jeune qui voulait apprendre. Et je suis ressorti au bout de cinq ans, j’étais transformé. Votre vie était centrée sur la cuisine ? C’était un investissement total. Mais j’étais vraiment conscient que je travaillais pour le futur. C’est pour ça qu’aujourd’hui encore quand je dis à quelqu’un de mon équipe : « Ta cuisson elle est loupée, c’est pas pour moi, c’est pour le client, il va être malheureux, moi je vais être malheureux, tu n’as pas respecté le travail du producteur. Mais surtout toi tu vas être malheureux au fond de toi-même. Travaille pour toi. »

Comment se passe la relation avec Alain Passard ? J’ai 23 ans, je suis dans une belle maison. Et j’apprends, j’apprends, je rôtis, je grille, je transforme. Je participe avec le chef à la réflexion sur certains plats, je vois des plats en construction Pendant ces années à l’Arpège, qu’il fait évoluer constamment. C’est lui le boss. vous pensez à quel futur pour vous ? Ensemble, on ne parle pas de processus créa- Ça n’a jamais été mon rêve d’ouvrir un restif, parce que le chef n’est pas quelqu’un qui taurant. Non, voilà, je veux être cuisinier, je dialogue mais qui cuisine. Mais je sens bien veux être un bon cuisinier. Et toutes les renquand il a une idée en tête, il se passe quelque contres que je fais à l’Arpège m’enrichissent chose dans sa tête. Je suis là quoi, et donc après, et excitent ma curiosité. Je travaille avec un j’apprends à gérer une équipe, parce que je suis cuisinier japonais, un mec qui vient de Dole, un le responsable. Il y a le chef pâtissier, il y a le mec qui vient de Lyon, un mec qui vient de Nice, mec aux poissons, aux légumes, à la viande, la un vrai Parisien, un titi, un Coréen, un autre relation avec les fournisseurs. Et donc je suis qui vient de Rome. Je bombarde de questions : impliqué à 100 %, à 100 %. Parfois on me de- « Comment on fait les pâtes – moi je ne sais pas mande pourquoi je travaille avec lui, « il est trop la cuisine italienne –, comment on réalise un dur ». Et c’est vrai qu’à deux heures et demie dashi ? » Toujours cette volonté de découverte. du matin, je suis encore là en cuisine à faire à On est en 1993-95, pas d’Internet, pas de télémanger au chef. Les mêmes me disent que j’ai phone portable, on ne sait même pas que ça va rien compris. Mais je laisse dire, parce que je exister, mais je suis dans l’échange. J’ai 25 ans travaille pour moi. Tu vois, je ne travaille pas quand je finis l’Arpège. Je me dis que je ne suis pour faire plaisir au chef, je travaille pour moi. pas si nul, je ne suis pas encore un cuisinier, J’ai envie de comprendre sa façon de penser. mais je suis capable de tenir un poste. Voilà, Évidemment, c’est hyper intéressant. je pense que j’ai encore envie d’apprendre. J’ai envie d’apprendre avec monsieur Girardet à Crissier (en Suisse) mais c’est juste le moment À l’Arpège, c’est donc aussi la rencontre où il annonce qu’il prend sa retraite. Voilà, c’est avec Christophe Rohat qui va devenir réglé. C’est un signe, c’est comme ça. votre alter ego, votre associé à l’Astrance. On a tout de suite été très proches avec Christophe. Et on formait un beau trio avec le chef. Quand songez-vous à ouvrir De fait, après la troisième étoile, monsieur Pas- votre propre restaurant ? sard a beaucoup voyagé et c’est comme s’il nous Je me souviens d’un gars un peu plus vieux avait laissé le bébé pendant un an. Bien sûr, il que moi, 26 ans ou 27 ans. Il m’annonce qu’il ne nous l’a pas dit comme ça, mais c’est ce qui s’en va. Je lui demande ce qu’il va faire. Il me s’est passé. Et donc il s’est passé quelque chose d’extrêmement intéressant, d’extraordinaire. Il y avait une équipe formidable avec Nicolas Pourcheresse, Claude Bosi, en salle, pareil, Christophe avait une équipe incroyable. L’activité était débordante, de folie, le chef revenait de voyage avec des idées plein la tête. Il nous disait : « Tiens, on va faire un pigeonneau aux dattes, avec des écorces d’orange et de citron confit, du cumin », et on comprenait qu’il revenait du Maroc. C’était fabuleux, fabuleux. Avec une énorme responsabilité pour nous. À cette époque, j’étais dur, mais dur avec les équipes en cuisine ! Comme si c’était… Votre restaurant ? Je ne sais pas, mais j’étais encore plus dur que lorsque le chef était présent. J’ai assumé, OK, j’ai des responsabilités, le chef m’a donné ma

72

répond : « Je vais m’installer ». Pour moi c’est un gamin, 26 ans, t’es un gamin. En 1997 ou 98, s’installer à même pas trente ans, ouvrir son restaurant, ce n’est pas si courant. C’est là que j’ai commencé à réfléchir. Je me suis dit qu’il avait raison. Surtout il m’a dit : « Tu ne vas pas passer ta vie à dupliquer la cuisine des autres ! » Et ça, c’est une phrase qui m’a marquée. Je ne l’ai jamais oubliée. Je n’allais pas passer ma vie au service des autres. Ça ne vous était jamais venu à l’esprit avant ? Non, non, parce que j’étais… Un fidèle soldat ? Oui. Et surtout, je ne sais pas encore faire la cuisine, je ne suis pas un cuisinier. Mais en 98, j’avais tout donné à l’Arpège, je n’en peux plus, je suis rincé. Je décide d’arrêter, j’ai besoin d’un break. Et donc je pars. Je décide de quitter parce que je suis rincé. Où aller je m’en fous, si tu veux. Je veux arrêter. J’ai tout donné, je ne peux plus. […] Essoré… Ouais, donc break, après, aller chez Pierre, Paul, Jacques, étranger, machin je m’en fous. Là je vais passer un mois chez mes parents. Et je mets une annonce dans une agence de recrutement de chefs, en n’étant pas sûr que ça allait intéresser grand-monde. Ce qui est fou, c’est que j’ai l’impression que vous ne connaissez pas votre valeur… Je suis le premier surpris de recevoir des dizaines de propositions ! Des trucs un peu dingues, des ponts d’or, des projets irréalistes et puis il y a cet Australien qui a un projet à Sydney et constitue une brigade de choc avec quelqu’un de chez monsieur Robuchon, de chez Pierre Hermé, etc… Je ne me sentais pas en confiance d’être chef en France, je ne me sentais pas prêt. Je me suis dit, bon, pourquoi pas l’Australie. Je serai caché, personne ne va me voir… Vous vous planquez en fait, c’est ça ? Oui, je vais me cacher. Je vais surtout chercher au fond de moi-même. J’ai besoin de trouver

En 1997 ou 98, s’installer à même pas trente ans, ouvrir son restaurant, ce n’est pas si courant. […] Surtout on m’a dit : « Tu ne vas pas passer ta vie à dupliquer la cuisine des autres ! » Et ça, c’est une phrase qui m’a marquée. Je ne l’ai jamais oubliée. Je n’allais pas passer ma vie au service des autres. 73


DOSSIER

Il y a les menus dégustation dans les années 80, mais c’est parmi plusieurs choix de menus. Mais imposer un seul menu, à l’époque, personne ne le fait. On y est allé étape par étape bien sûr, mais c’est grâce à la pédagogie de Christophe qu’on a pu avancer.

mon identité, ma voie. Là-bas, l’Ampersand – le nom du restaurant –, c’est 160 couverts, un gros truc élu très vite restaurant de l’année. J’ai une vie d’expat extraordinaire, appartement de fonction, le soleil, le salaire, un pays exceptionnel, et puis cette ouverture d’esprit, cette façon de voir les choses, toujours positive. J’expérimente pas mal en cuisine, je décide de rayer tout ce que j’ai appris à l’Arpège, je repars de zéro, même dans les techniques de cuisson, j’évince tout et… je fais n’importe quoi ! C’est-à-dire ? Par exemple, je fais un saint-pierre grillé, un filet de saint-pierre, sur une grosse plancha, je le flambe au rhum, je déglace au jus d’ananas. Je me fais mon saint-pierre Piña Colada ! Les clients trouvent qu’il y a trop d’alcool, un peu trop de sucre, un peu trop machin. Je me dis « ils ne comprennent rien à ma cuisine ». Mais je comprends assez vite que c’est peutêtre moi qui ai tout faux… Voilà, j’avais passé cinq ans à faire quelque chose, à l’aimer, j’étais allé au fond des choses et j’avais voulu m’en débarrasser… Je me suis trouvé très con. Alors je suis reparti sur des bases solides. Comme c’était la galère pour trouver des ingrédients, j’ai demandé à mon équipe de me rapporter des produits, des plantes, des épices… Et j’ai aussi créé des plats qui me rattachaient à ma terre à moi, l’Auvergne, sans doute par nostalgie. C’est en Australie que j’ai créé la soupe de pain brûlé ! Il fallait bien que je me raccroche à quelque chose, à mes racines. C’est ce qui vous pousse à rentrer après deux ans ? C’était une grosse machine, de quinze cuisiniers, avec une grosse production de 100 couverts, du sous-vide et pas mal d’assemblage, on était loin de l’Arpège, mais c’était aussi pour découvrir ça que j’étais allé dans ce pays en pleine explosion culinaire avec Tetsuya, Guillaume Brahimi, Peter Gilmore, les influences asiatiques, chinoises, japonaises, malaises, philippines… Mais dans cette grosse machine, il me manquait un peu cette petite flamme en cuisine, même si la vie là-bas était exceptionnelle et que j’aurais pu me laisser vivre. Je

DOSSIER

nement, voilà, l’équipe. Et donc, je suis rigide en cuisine. Je suis quelqu’un d’encore un peu borné, quelqu’un d’encore un peu dur avec les fournisseurs, avec les équipes et woah, c’est très difficile de trouver du personnel. Quand je reviens, la société a énormément changé : les 35 heures, Martine Aubry. On est en 2000 et les gens échangent beaucoup, communiquent beaucoup et on s’aperçoit que le métier évolue, rapidement.

Quand vous revenez, l’époque est aux bistrots de chefs derrière Camdeborde, Eric Frechon à La Verrière, Blanqui, Fauchet, la gastronomie à peine dans les palaces avec Ducasse au Plaza Athénée… Au fond, vous inventez une troisième voie : un restaurant gastronomique dans un lieu qui pourrait avoir la taille d’un bistrot… commençais un peu à ronronner, je sentais que Des jeunes qui ouvraient un restaurant un peu je devais passer à la vitesse supérieure. C’est à chic, ben y avait plus, car trop, trop cher. Donc, ce moment-là que Christophe m’a appelé pour nous, on veut pas faire un bistrot, on veut pas me parler du projet Lapérouse, cette vieille faire un restaurant chic. Moi je n’ai jamais fait institution parisienne. Je me suis dit : « Fais-toi de bistrot de ma vie, je ne suis pas en confiance. mal, maintenant tu es capable, fais-toi mal. Va Je ne sais pas si je saurais gérer. Donc je veux en France ! » faire un restaurant où on mange et on fait un travail de qualité… sans trop de prétention… ouvert aux producteurs… Une petite carte, Et là vous êtes servis, vous vous faites car je ne sais pas gérer plus. On a socialement connaître mais l’aventure dure six mois ! D’abord, on est tellement contents de se re- beaucoup de difficultés : les horaires, recruter trouver avec Christophe ! On se lance dans le personnel et on n’a pas un rond. Christophe l’aventure, je reprends les fournisseurs de a envie d’être présent en salle, en service. Il l’Arpège. Je fais la soupe de pain, je fais les a envie d’apporter une plus-value au service. huîtres au pain de seigle et anguilles fumées, Donc si on connaît nos contraintes, on va faire l’avocat-crabe déjà, peut-être même le sorbet un tout petit restaurant, avec le moins de perau piment… Mais avec les propriétaires, c’est sonnel possible, rigoureux sur les produits. On Dallas ! Divorce, départ des financiers, mille et instaure progressivement le menu unique et une histoires, enfin le délire, ça part dans tous la fermeture de trois jours… les sens, avec Christophe et moi au milieu, et ça explose au bout de six mois. Mais bon, voilà, À l’époque, qui fait des menus uniques ? on n’est pas du tout abattus avec Christophe. Personne. Il y a les menus dégustation dans les On se dit, bon, c’est comme ça, ça marche pas, années 80, mais c’est parmi plusieurs choix de ça marche pas ! Et c’est là que Christophe me menus. Mais imposer un seul menu, à l’époque, dit « on va ouvrir un petit restaurant ». Je dis personne ne le fait. On y est allé étape par étape « oh ! tu crois, un petit restaurant… ? » bien sûr, mais c’est grâce à la pédagogie de Christophe qu’on a pu avancer. On était ouvert le dimanche au tout début, donc il y avait de la Le même petit restaurant où l’on se clientèle, et hyper exigeante. « Hors de quesretrouve aujourd’hui et qui, entre temps, tion ! Comment ça ? Je veux savoir ce que je est devenu l’Astrance… On s’est dit : de toute façon qu’est-ce qu’on mange, comment je fais pour choisir le vin ? » Et risque ? On va voir les banques. On a un super Christophe répondait : faites-nous confiance... CV. On n’a pas un rond ! Les banques nous disent : « Vous avez besoin de combien ? ». Nous Au fond, vous avez gagné votre liberté… on dit : un million de francs. Je fais « Han » [stu- Complètement ! Car écrire sur un menu « Saintpeur], j’en perds mes cheveux quoi. Je me dis Jacques… » puis « Avocat…. » sans en dire plus, « Han, un million de francs ! ». 150 000 euros. ça me permettait en cuisine de passer dans le Quand je pense qu’aujourd’hui des jeunes chefs même service d’une Saint-Jacques au beurre investissent 600 000 euros sur Paris, c’est fou. de brioche à une Saint-Jacques au cresson et 600 000 euros... Mais on a bien eu notre mil- aux noix. Après, on est même allés plus loin lion. Il nous manquait un petit peu, pas grand- puisqu’on n’écrivait plus que les familles de chose. Et on a pu ouvrir notre petit restaurant, produits : « coquillages… », « volaille… », « fruits juste le fonds de commerce, sans droit au bail, d’automne… » C’est assez vague quoi ! Et en salle, sans rachat de clientèle, pas de personnel. Moi Christophe pouvait préciser que les fruits du j’ai dû m’adapter à la France après avoir vécu jour, c’était des figues, des pommes, des poires... avec l’esprit à l’australienne – take it easy, cool, tout va bien. Je me retrouve avec cette rigueur Et vous avez fini par ne plus rien écrire ! « arpégienne » qui est là. Cette rigueur intransi- Plus rien ! Mais, en y allant par étape. À augeante sur les produits, les cuissons, l’assaison- cun moment on a la sensation de prendre

74

75


DOSSIER

DOSSIER

des risques, parce qu’on peut se raccrocher à quelque chose et on peut faire marche arrière.

un confort de travail aux équipes, ça c’est hyper voulait agrandir la cuisine de 5 mètres carrés. important également. Et essayer de trouver un Et on s’aperçoit que c’est un budget colossal, équilibre économique… Enfin voilà, on a 7, 8, 12, délirant. Donc on va se remettre à chercher Vous êtes aussi le premier à remettre en problématiques ! Je me souviens de nos conver- mais tout ça se fait prudemment, c’est le fruit sations à la table 15, toujours la table 15, après d’une longue réflexion à la table 15… avant ainsi le produit et les producteurs… C’est toute l’importance du marché ! Quand le service avec Christophe. Je me souviens de un Joël Thiébault t’appelle pour te dire : « Au- l’épisode des 35 heures. La loi allait passer, on Est-ce que vous mesurez combien jourd’hui, j’ai les premiers fenouils, j’ai les était en panique. Comment on va faire, on n’a cet écosystème de l’Astrance a été inspirant premières carottes. La tomate vient d’arriver. pas les moyens d’embaucher plus de personnel. pour des chefs d’aujourd’hui ? J’ai les petits pois… » Mais si tu as une carte, Alors on ferme un troisième jour, on fait deux Avec Christophe, on a toujours voulu aller à comment ils seront tes petits pois magni- couverts de plus… On a pris la calculette, on a l’essentiel. À l’époque, il fallait une carte des fiques aujourd’hui dans quinze jours ? Donc monté les prix de 5 ou 10 euros, je ne sais plus, pains, un carte d’eau. Trois ou quatre pains, liberté, liberté… Et puis Rungis, deux matins et ça nous a équilibré le truc direct. trois ou quatre eaux. Christophe en a ramaspar semaine pour voir arriver les morilles, les sé des réflexions : « Comment ça, vous n’avez asperges, constater leur qualité, anticiper : « Ah Et là, vous allez encore à l’encontre qu’une eau ? » Dès le départ, une eau plate, une tiens, y a des morilles aujourd’hui ? ! Il a fait de ce que tout le monde fait… gazeuse. Un seul pain. À l’essentiel. Parce qu’on beau y a une poussée ». Donc place au sauvage. Des gens, aujourd’hui encore, disent : n’avait pas la place, on a 120 mètres carrés. Et après, on est à fond dans le sauvage ! Pourquoi prendre le risque ? Il vaut mieux ser« Eux, ils peuvent se le permettre… » Sauf que ces gens ont oublié qu’en 2000, l’As- vir un pain très bon ou trois ou quatre moyens trance, c’est monsieur Tout-le-monde, on a ou mauvais ? Dès le départ, on fait simplement Est-ce que vous avez conscience que zéro moyens. Quand on me dit : c’est facile ce que l’on sait faire et ce qu’on peut faire. On c’est vous qui avez entraîné la révolution pour toi, t’as pas de carte, pas de menu. Ben, est sans le réalisme, le concret. Comme quand dans les restaurants ou pas ? j’étais dans mon Buron : je prépare ma pâte, je Moi ? Mais non ! Non, on ne peut pas dire que fais pareil ! la maîtrise, je la poêle… Si je devais bâcler, je ce soit moi, non ! me disais : arrête. On vous regarde avec envie, vous avez le succès planétaire. Si on veut être Mais c’est la réalité : petit espace, C’est là où vous allez puiser votre objectif sur ce que l’Astrance représente peu de couverts, la relation privilégiée expérience passée. Cette sédimentation dans le monde, c’est considérable. au producteur, l’exigence de la saisonnaOn a eu directement des récompenses. Et on n’a vous sert pour bâtir ? lité et même d’une hyper saisonnalité rien changé. J’ai le souvenir d’un jeune qui est Oui voilà, toujours on se pose, on analyse où on sur des périodes très courtes, l’absence venu fêter ses deux étoiles. Il était en panique. en est aujourd’hui. On n’avait pas les moyens de menu ou de carte, cette relation « Comment je vais faire ? » Je lui ai dit que je ne d’embaucher à de hauts salaires comme dans si particulière au client, cette manière comprenais pas son raisonnement. « Je vais les palaces ? Alors en plus du week-end, on de l’accompagner, de grandir avec lui, être obligé d’embaucher, le mec pour monter ferme le lundi, trois jours de repos pour fila pédagogie de Christophe Rohat… les bagages à la chambre, le voiturier, tout ça ». déliser une équipe, avoir avec nous de bons C’est bien la révolution des années 2000, Je lui dis que s’il avait été récompensé, c’était éléments. Certains en salle ont fait neuf ans, ce qui a préfiguré tous les restaurants pour sur le travail qu’il avait fait, pas pour celui d’autres sept… En cuisine, ils font tous entre qui existent aujourd’hui… J’étais là, qu’il allait faire ! L’idée de « On veut des toques, deux et quatre ans, ce qui est énorme pour un et ça s’est bien passé à l’Astrance, c’est des étoiles… On doit investir » me semble tota- restaurant comme le nôtre. C’est aussi comme bien vous les précurseurs ! Le service oui, le service ! Le travail de Chris- lement absurde. Nous on a 18 ans à l’Astrance, ça qu’on a pu former autant de jeunes gens tophe ! on est 15-16 dans 120 mètres carrés. On était de talent, Magnus Nilsson (Faviken), Adeline dans une grosse phase de réflexion pour démé- Grattard (Yam’Tcha), Tatiana Lehva (Le Servan), nager dans plus grand. Mais on veut vraiment on ne va pas les citer... Moi je vous dis que tout ça n’existait pas… Je ne suis pas révolutionnaire, simplement un lieu qui a un petit cachet, on cherche dans j’essaie d’analyser, de comprendre et de tirer ce quartier qu’on aime. On n’a pas trouvé, donc Ils sont au moins une trentaine… partie de ce constat et comment amener les on a laissé tomber et on investit à fond ici, on De fait, l’Astrance est devenu un label choses au mieux pour le client. Apporter aussi a décidé de casser tout et de tout refaire. On de formation en soi. Oui, mais ce n’était pas prémédité. D’autant que je suis une ordure en cuisine, je suis une ordure !

Je ne suis pas révolutionnaire, simplement j’essaie d’analyser, de comprendre et de tirer partie de ce constat et comment amener les choses au mieux pour le client. Apporter aussi un confort de travail aux équipes, ça c’est hyper important également. Et essayer de trouver un équilibre économique… 76

77

Personne n’utilise ce mot-là pour vous décrire ! Je suis très méchant. Je suis méchant en cuisine. J’essaye d’être juste mais je suis hyper exigeant, intransigeant. Christophe et moi, nous sommes toujours présents, toujours, toujours présents. Donc ils ne peuvent pas aller se cacher. Ça, c’est aussi ce lieu de 120 mètres carrés, et vous ne restez pas planqués dans votre bureau ici… Non, non, aujourd’hui c’est lundi, la journée de repos, c’est fermé. Là, certains sont venus faire leurs essais, enfin des petits trucs. (L’entretien est entrecoupé du passage de deux jeunes cuisiniers venus dire au revoir à leur chef.)


DOSSIER

Quand je serai grand, quand je serai chef un jour, j’aimerais m’asseoir et manger tous les plats que j’ai faits. Quand je serai un bon chef, quoi.

Toute votre énergie, vous l’avez passée làdedans et pas dans le reste, la communication, la vie digitale, toutes ces choses qu’on dit pourtant essentielles aujourd’hui dans la restauration. J’ai suivi mon fil conducteur, oui. Nos clients, nos équipes, nos producteurs. Le rôle du chef est de faire le lien entre tous ces gens-là. Et comment ne pas tomber dans la sollicitation permanente, médiatique, mondiale ? Les nouveaux guides, les médias, les récompenses, les machins, non… Le plus important, c’est nos clients, l’activité. L’obsession c’est que le restaurant soit plein midi et soir. On vient de faire notre meilleur mois depuis 17 ans, là. L’activité est bonne. On a toujours été en croissance régulière.

DOSSIER

J’ai du mal à croire que Pascal Barbot, l’un des cuisiniers les plus respectés de la planète, se sent fragile… Parfois, je vais avoir besoin de trois, six mois pour aboutir à ma recette. Je suis un gros nul ! La tourte de colvert, on a bossé trois mois. J’ai pris les bouquins, j’ai essayé de comprendre, j’ai fait mon micmac à moi. Je voulais mon colvert rosé, je mets ma tourte au four pendant une petite heure et je la sors à x degrés et je n’avais pas pensé qu’une fois sortie, ça allait continuer à monter en température de 20 °C. Et ça prend du temps tout ça, la recette a évolué pendant deux ans. L’Astrance c’est du temps de toute façon, cette fameuse base sédimentée dont on parle depuis tout à l’heure… Je me dis que, demain, s’il y a un problème, on peut remettre une carte, revenir en arrière. La phrase de Christophe c’est : « Rien n’est acquis ». Alors nous ne vivons pas sur nos acquis. Nous nous remettons en question sans arrêt. Là, en ce moment, je me dis que ce n’est pas bien ce que je fais en cuisine, je ne suis pas au niveau… J’ai des moments de doute, ça me ronge. Alors je vais ressortir un plat, une technique d’il y a cinq, huit, dix ans, mais j’ai l’impression alors ne pas avancer, c’est là où c’est dur. Mais après je me dis que, à l’époque, ça avait marché, c’était un beau plat, au moins le client va prendre du plaisir à le manger, ça me permet d’avancer d’un autre côté… Créer pour créer sans arrêt, ça n’a aucun sens. Moi je veux qu’une recette ait un vrai sens. Pour mettre tel producteur, tel produit, telle technique en avant, pour que le client se régale. Là, on fait les gibiers, la Saint-Jacques/ moelle/huître et kombu, une recette que l’on fait depuis trois, quatre ans, les clients adorent ce plat. Enfin c’est ce que les gens disent, moi je ne l’ai jamais goûté.

Donc la présence physique des deux boss… L’angoisse, ce n’est pas de perdre une étoile Oui, tout le temps, tout le temps. Ensuite, je ou de ne plus être dans les réseaux sociaux ? montre. Manon, qui était à la viande là, il y a Ben non, on n’y est pas déjà sur les réseaux deux mois, je lui disais le canard, le pigeon, je sociaux ! Je ne suis pas contre, mais j’ai pas le veux comme ça… Après, je leur laisse beau- le temps. coup de liberté en cuisine. Parfois, c’est trop. Après, sur les points importants de la recette, Vous ne lisez pas ce qui est posté, publié ? je leur montre. Ah bah non. On fait la Saint-Jacques à la moelle, en ce moment, et beurre de kombu. La moelle, je la Avez-vous conscience que tous les chefs veux très blanche, cuite à la vapeur ; la Saint- sont connectés ? Que vous êtes à l’opposé Jacques, fraîche chaque jour, cuite à la vapeur ; de tout ce que le reste du monde fait ? une belle huître, l’huître, on va la faire raidir, Je n’ai pas le sentiment d’être à l’opposé, j’ai y a un énorme travail sur l’huître. Après je le sentiment qu’on est des petits artisans, on leur dis ce que j’ai appris à l’Arpège : cuisson, s’investit à 100 % sur notre maison. Je suis un découpe, assaisonnement. Je leur demande gars de la campagne, je n’ai vraiment pas oublié. d’être obsédés par ces trois principes. Ce sont les trois priorités. J’ai adapté les recettes au Économiquement, vous n’avez jamais lieu, à la configuration de la cuisine, les postes subi de contrecoup, notamment après aussi, je sais que ce que je demande dans ce les attentats de Paris ? lieu, c’est possible… Ben non, justement. Paris, les deux années-là, on a réussi à les passer. Au lieu d’être complets trois mois à l’avance, c’était peut-être à quinze Si vous deviez résumer ce fil conducteur ? Aller à l’essentiel. Et le travail du chef de cui- jours. Au lieu de faire complet à 25 couverts, sine, c’est de constituer un réseau. Avec les pro- on a dû faire des 19-22 couverts. Mais il n’y a Vous n’avez pas mangé le plat fini ? ducteurs. Pour arriver à trouver son identité, jamais eu de drame. Parce qu’on est petits, on Non ! Avec Christophe, jamais on s’est assis surtout à Paris, où, quand on n’est pas vigilant, arrive à tout contrôler, maîtriser. pour goûter un plat, un menu. on va peut-être au plus simple, au produit le plus évident. Je travaille avec des maraîchers Et la clientèle reste fidèle… Vous ne connaissez pas la cuisine en direct qui ne font pousser des légumes que Oui. Et là, c’est la révolution. On passe sur de Pascal Barbot ? pour nous, je prends toujours en considération Internet pour la réservation ! Ça fait six mois Quand je serai grand, quand je serai chef un le travail des producteurs, je ne leur demande qu’on bosse dessus. Tout ça pour sécuriser les jour, j’aimerais m’asseoir et manger tous les pas l’exclusivité. Je vois monsieur Lasserre ou no show et les paiements cartes bleues. Pour plats que j’ai faits. Quand je serai un bon chef, monsieur Thiébault à l’époque, je sais que tel nous c’est la révolution, ça va faire sourire les quoi. produit est réservé pour nous. Après, je joue collègues, mais bon… le jeu, je sais que ce produit est très cher, mais Qui sont les bons chefs, ceux que vous je m’en fous, parce que je sais que je travaille C’est pas moderne moderne comme attitude… inscrivez dans votre Panthéon culinaire ? avec lui tout au long de l’année, et je sais que Ouais, ouais, ouais (rires) ! Dieu Gagnaire, dieu Troisgros, ce sont des quand ce sera la crise de tel produit, il sera modèles. réservé pour nous. Là, j’ai acheté 1 000 euros Dix-huit ans après l’ouverture de l’Astrance, de petits piments, j’en ai fait des conserves, je est-ce que vous pensez être devenu un chef ? À quoi ressemblera l’Astrance ne sais pas si je les vendrai, je me mets un peu Non, pas encore. dans quinze ans ? Je ne sais pas. Aura-t-on déménagé ? Est-ce en danger, mais pour lui, c’est un salaire très important, et grâce à ça, il peut continuer à On l’est quand ? qu’on aura ouvert un petit bistrot ? Le projet, vivre et je pourrais continuer à avoir ses pro- Je ne sais pas. Mais à 45 ans, je pense que je vais c’est que le restaurant soit plein pendant les duits. C’est donnant-donnant, et sans ces gens, être mature bientôt là. quinze années qui viennent. on ne peut pas s’exprimer. On a un réseau de 120, 130 producteurs avec qui on travaille en Qu’est-ce qui peut encore s’améliorer ? direct. Moi je me sens très fragile.

78

79



GUIDE 2018 PALMARÈS LES 9 DE 2018 P. 85 → 91

GUIDE 2018 VILLE À VILLE P. 93 → 109

PARIS P. 111 → 125 SUPPLÉMENTS P. 127 → 141

81


GUIDE 2018

300 FUCKING ADRESSES DANS CE GUIDE DE LA MORT « 300 Fucking adresses, quand même dans ce guide de la mort ! » Voici le genre de messages qu’on reçoit, assez tard, de la part d’une équipe à bout un soir de bouclage. Cette phrase, criée du fond d’un sms, aussi brute qu’elle paraisse, en dit pourtant beaucoup sur le guide Omnivore que vous vous apprêtez à lire pour la quatorzième année consécutive. Analyse. « 300 » ? Est-ce beaucoup, pas assez ? L’ironie veut qu’on boucle justement un soir de remise de breloques où le voisin pneumatique en annonce pas moins de 621 surnageant dans une mare de 5 000 adresses. L’époque étant à l’hystérisation du signe aux dépens du sens, on pourrait considérer l’augmentation de 100 % d’adresses entre le premier Carnet de route Omnivore paru fin 2015 et ce guide 2018 comme parfaitement alignée sur l’époque. Mais passer de 150 à 300 tables relève plus modestement de l’intérêt qu’Omnivore porte toujours aux chefs indépendants plutôt qu’à ceux, tout à fait respectables mais aussi beaucoup plus éjectables, des groupes hôteliers. En période inflationniste, 300 restaurants indépendants nous semble un nombre nettement suffisant pour un mangeur moyen en quête de bonnes adresses. « Fucking adresses », justement… Outre cette propension désastreuse à l’anglicisme, notre marotte est justement de dénicher de vraies adresses de caractère, parfois même de mauvais caractère. Là où la cuisine s’exprime pleinement, en toute liberté et identité, et pas juste en mimétisme stérile – oui, ça existe encore, beaucoup. Des p… d’adresses pour être clair, que la petite équipe de rédacteurs s’échigne à vous trouver. Assumé. « Guide de la mort », enfin. Expression abusive, à mettre sur le compte de l’épuisement bien compréhensif d’écriture/relecture/ correction des centaines de milliers de signes (un signe correspond à une lettre ou une espace dans un texte) nécessaires à vous proposer ces textes – car, oui, le guide Omnivore est fait de textes bâtis et argumentés, attachants et détaillés. Au moment d’y mettre un point final, on pourrait dire plutôt qu’il s’agit, après 14 éditions, d’un magnifique guide de vie. LUC DUBANCHET

83


palmarès

— avec badoit —

LA CRÉATRICE ANNE-SOPHIE PIC MAISON PIC 285 AVENUE VICTOR HUGO 26000 VALENCE www.anne-sophie-pic.com

Lorsqu’elle revint dans la maison de son père, juste avant le décès de ce dernier, en 1992, c’est peu dire que personne n’attendait Anne-Sophie Pic. Surdiplômée, autodidacte, fille de, épouse, femme… rien ne collait à l’époque avec l’univers machiste et borné de la cuisine. Un quart de siècle plus tard, les femmes, surdiplômées, en reconversion et en pure vocation, sont désormais partout en cuisine et en pâtisserie. Si Anne-Sophie a largement contribué à faire évoluer les mentalités, c’est qu’elle a eu pour elle la foi des créateurs innés, celles et ceux qui, coûte que coûte et souvent contre tous, savent qu’au fond d’eux-mêmes, ils détiennent une vérité qui, tôt ou tard, s’imposera. Jeune femme frêle et timide, elle est devenue cette cheffe déterminée et signifiante dans cet univers de la cuisine qui traverse – et c’est heureux – une pro-

85

fonde mutation. Mais Anne-Sophie Pic ne s’impose pas à travers son statut de femme, dont elle ne tire ni fierté particulière ni discours revanchard. Avec cette douceur obstinée qui est la sienne, elle s’incarne et réussit par le travail acharné, l’obsession de la perfection, la minutie du moindre détail, focalisant son attention sur le sourcing, le management d’une équipe à qui elle demande sans cesse de « s’élever pour élever la cuisine ». Elle ne cesse de revenir en cuisine pour poursuivre cette recherche sur les aromatiques auxquels elle porte une attention de chaque et qui aboutissent à la quintessence d’une cuisine d’une expressivité inouïe (voir p. 109). Pour toutes ces raisons, au-delà de l’icône qu’elle est déjà, AnneSophie Pic devient la première femme créatrice de l’année pour Omnivore.


palmarès

— AVEC TRANSGOURMET —

— AVEC MAUVIEL —

LA RÉVÉLATION

L’OUVERTURE

VIVIEN DURAND

JULIA SAMMUT

LE PRINCE NOIR 1 RUE DU PRINCE, 33310 LORMONT leprincenoir-restaurant.fr

L’IDÉAL 11 RUE D’AUBAGNE, 13001 MARSEILLE www.epicerielideal.com

C’est un jeune ogre, un insatiable. Sans doute pas une révélation pour les professionnels qui le côtoient depuis des années en bon camarade, sociable, qu’il est. Mais un presque inconnu pour le grand public, sans nul doute, le Prince Noir, son statut de château, visible sur la gauche en descendant le pont d’Aquitaine en direction de Bordeaux, ce côté forteresse un peu intimidante, ne favorisant pas il est vrai l’immédiat enthousiasme. Il faut pourtant se précipiter dans ce beau lieu à quinze minutes de Bordeaux – qui abrite aussi les ateliers pour les comédiens du Cours Florent. Il faut surtout rencontrer la cuisine vitale et jouisseuse de Vivien Durand, puisque c’est de cet ogre dont on parle. Un

Pas très 2017 l’ouverture de l’Idéal ? C’est vrai, mais on s’en moque. Tant l’envie est grande de célébrer par ce prix en 2018 cette épicerie rafraîchissante, profondément juste et humaine. À l’époque ou la moindre sardine se fait liker sur Instagram, il est bon de revenir au vrai petit commerce, à cette proximité chaleureuse et vivante qu’aucun soi-disant « réseau social » ne saurait remplacer. Julia Sammut incarne magnifiquement ce vrai réseau social que la plupart des villes ont laissé tomber. L’épicerie « L’idéal » – nom si bien choisi –, va bien au-delà du choix de produits d’amis, de la traque du meilleur des miels, poutargue, et confiture au citron de Menton, elle est devenue en quelques mois le point de convergence, en plein quartier populaire de Noailles,

déjeuner d’une infinie douceur tout autant que coup de poing, cette honnêteté viscérale de proposer les meilleurs produits – il n’a, de son propre aveu, qu’une vague idée du food cost – homard flamboyant de fraîcheur, cuit croquant, volailles de Duplantier, maïs « grand roux » de Yon Harlouchet, fromages de Jean-Bernard Maitia… De quoi mettre sur orbite une cuisine inlassable en recherche et mise en scène de manière épatante par le complice, Arnaud Enjalbert à qui Omnivore décerne également le prix de l’Hôte. Dream team ? Oui, et une raison de plus pour faire en sorte que Vivien Durand soit beaucoup plus qu’une révélation.

87

de tout un tas de gens aussi différents que les références supportées sur ses étagères bondées. Au midi et à l’apéro du soir (jusqu’à 19 heures), tables et tabourets font leur apparition dans les travées pour grignoter le sandwich pastrami, les boulettes de veau à l’ail et au persil ou de beaux poivrons rôtis, tomate et anchois en sirotant une blonde de la brasserie de Sulauze. Partout, prodigue, Julia Sammut a ce don unique d’ubiquité, donnant à chacun cette petite part de chaleur qui rend la journée – et donc la vie – plus belle. L’Idéal est ce trésor précieux qu’on meurt d’envie de partager.


palmarès

palmarès

— AVEC LAVAZZA —

— AVEC FOU DE PÂTISSERIE —

LA PÂTISSIÈRE

LA JEUNESSE

LE REPAIRE

LE REBELLE

GRÉGOIRE FOUCHER ET SIBYLLE SELLAM

PASCAL BARBOT ET CHRISTOPHE ROHAT

KEVIN ROLLAND

CLAIRE HEITZLER

BERCAIL 33 RUE SAINT-MELAINE, 35000 RENNES www.bercail-restaurant.com

L’ASTRANCE 4 rue Beethoven, 75016 Paris www.astrancerestaurant.com

BLOEMPOT 22 RUE DES BOUCHERS, 59800 LILLE www.bloempot.fr

MAISON LADURÉE 16 RUE ROYALE, 75008 PARIS www.laduree.com

Les voici, tout neufs, frais émoulus de l’école Ferrandi et déjà jeunes patrons d’un tout jeune restaurant qui fait les beaux jours d’une ville en pleine éclosion de cuisine. C’est la chance de la cuisine contemporaine de voir éclore depuis quelques années cette jeunesse suffisamment indépendante et audacieuse pour prendre le risque d’avoir un chez soi, même petit, plutôt qu’un poste de sous-chef chez les autres. Grégoire Foucher et Sibylle Sellam se sont installés en plein centre de Rennes depuis quelques mois, tous deux en cuisine avec un apprenti et un fidèle en salle – Gaultier, formidable – pour une trentaine de couverts midi et soir. Et il est beau de voir cette complicité se propager comme une onde dans un ballet millimétré – la cuisine ouverte sur la salle n’est pas bien grande

L’histoire de l’Astrance fait partie de celle d’Omnivore, la croise en plusieurs moments-clés de son existence. Les premières marches de la rue Beethoven en descendant du Trocadéro sont pavées de nos visites, y revenir et revoir en entrant accoudés au bar Pascal Barbot et Christophe Rohat replonge non seulement dans les premières images de deux jeunes associés incertains de leur succès mais immédiatement après dans la multitude d’émotions, sensations, découvertes nées dans cette même salle (inchangée) dix-huit ans plus tôt. C’est là qu’on a goûté pour la première fois la raviole d’avocat et tourteau, le millefeuille de champignons de Paris et de foie gras, c’est là qu’on a évoqué pour la première fois le fameux « mole » du Mexique qui donna tant de fil a retordre au chef, c’est là qu’on a découvert

mais ils disent au contraire qu’elle est immense comparée à celles de Paris. Le marché est fait le matin même, les produits rapportés en vélo-cargo, le pain est cuit juste avant le service pour servir un menu fixe de 5 ou 7 plats qui déroule une cuisine de l’instant, tendue, déjà mature. Sur chaque assiette (Voir p. 106), un gros travail de précision, des herbes posées à la pince jusqu’à l’ultime assaisonnement. On se surprend à sourire en voyant au bout du comptoir un Maincent-Morel salement écorné : les deux jeunes chefs ont largement débordé l’un des ouvrages scolaires fondateurs de générations de cuisiniers. Ils sont heureux, s’expriment, libres et concentrés. La jeunesse oui, mais maîtrisée.

88

les premiers vrais « pairings » entre plats et vins, malicieusement distillés par l’un des meilleurs hôtes au monde. C’est là, chaque fois, que la magie a opéré et à cela qu’on se réfère quand on cherche dans une conversation un exemple de ce qu’un restaurant peut offrir de meilleur. On nous reprochera sans doute un brin de nostalgie, on aurait tort : c’est bien la vivacité de l’Astrance, sa capacité de réinvention dans un même lieu, son exigence permanente et contemporaine, son intemporelle résistance que ce modeste – mais attachant – prix vient célébrer en 2018.

Il pourrait tout être : prix de l’Hôte, prix du Sommelier, prix du compagnon de route, de l’associé, de l’amitié… Tant il conjugue ces qualités rares qui font de lui un professionnel – et un humain – assez exceptionnel. Hôte hors pair, à la fois gardien de la porte (il n’a pas son pareil pour faire la police des réservations dans un Bloempot pris d’assaut quotidiennement et qui prône le soir le système du premier arrivé premier servi par souci de démocratie) et grand serviteur lorsqu’il s’accroupit à côté de vous pour presque chuchoter le menu, vous prend ainsi par la voix dans la belle histoire de cuisine qui se joue ici. Sommelier au savoir aussi franc que modeste, autodidacte vouant un culte absolu à la bonne bière, sachant accoupler comme personne une noire de Dottignies, une Calabue du Tarn, ou les quilles les plus rares du maître Daniel Thiriez.

Derrière la fonceuse hyper douée au visage lumineux et à l’énergie communicative, celle qui révolutionne depuis plusieurs mois l’institution Ladurée, se cache l’exosquelette d’un parcours aussi chargé que sans faute. Ses premiers pas dans son Alsace natale chez Thierry Mulhaupt l’orientent vers la pâtisserie de restauration. Troisgros, où elle reste deux ans – « j’y apprends l’équilibre entre l’amertume et l’acidité qui sont restées pour moi tellement importants » – , puis c’est le Beige d’Alain Ducasse à Tokyo – « J’ai 25 ans, la sensation d’arriver sur une autre planète » où elle se passionne pour le Japon avant de s’envoler de nouveau vers Dubaï, puis le Ritz pour enfin poser ses valises durant cinq ans chez Lasserre où elle se fait connaître du grand public.

Compagnon de route de votre repas, guide bienveillant et plein d’humour, toujours prêt à charrier, sachant aussi reconnaître celles et ceux qui sont là par véritable amour de la cuisine et pas uniquement pour faire un selfie aux côtés de « Florent ». Associé et ami justement, inséparable de Florent Ladeyn avec lequel il a usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école et qui dit qu’il ne serait rien sans lui. Mais rebelle, surtout, absolument, de manière déterminée, pour sa capacité à aller à contrecourant d’une société et d’un métier souvent repliés sur eux-mêmes, peu ouverts, peu curieux. Rebelle jusqu’au bout de la barbe, à la barbe et aux yeux de tous, pour le meilleur de ce qu’un être peut apporter à un restaurant aussi densément sentimental que le Bloempot. Magnifique rebelle, Kevin Rolland.

89

« J’ai démissionné, j’avais le tour de la maison et quand c’est confortable ça devient dangereux. » Chez Ladurée, Claire Heitzler bouge les lignes, retire sucre et colorants pour composer des collections sensibles, les plus naturelles possibles, comme ces oranges bio qu’elle s’est escrimée à trouver partout dans le monde pour confectionner le nouveau macaron chocolat-orange. Travail en profondeur, aussi bien humble que forcené, mais remarquable de ténacité quand tout semble tomber tout cuit, par tout temps, de nos jours dans l’escarcelle des pâtissiers. Pour son talent obstiné, Omnivore et Fou de Pâtisserie décernent le prix de la meilleure pâtissière à Claire Heitzler.


palmarès

L’HÔTE

LES PROCHES

ARNAUD ENJALBERT

LAURENT & VINCENT FOLMER

RESTAURANT LE PRINCE NOIR 1 RUE DU PRINCE NOIR, 33310 LORMONT www.leprincenoir-restaurant.fr

COUVERT COUVERT, SINT-JANSBERGSESTEENWEG 171, 3001 OUD-HEVERLEE, BELGIQUE www.couvertcouvert.be

Derrière la stature du chef – l’imposant et formidablement attachant Vivien Durand – le nœud papillon, l’accent du Sud, les boutons de manchette et le gilet soigneusement ajusté pourraient paraître anecdotiques. Ils sont pourtant les armes lourdes du non moins formidablement attachant Arnaud Enjalbert. Le plus fidèle allié du chef Durand, que l’on devine son ami, c’est lui. Histoire quasi fusionnelle, qui veut que le premier ait remis l’autre en selle… et en salle – « la première fois que j’ai mangé ici, je sortais d’une mauvaise période, je ne voulais plus faire de salle. Mais avec Vivien, j’ai compris ce que je mangeais, je voyais des produits. C’est ça que je cherchais. » À 33 ans, cet ancien du Louis XV à Monaco, est donc devenu le malicieux maître d’hôtel à la coupe impeccable depuis la reprise de la maison il y a trois ans. « Le mot d’ordre, c’est la gentillesse, explique-t-il.

Récemment, un observateur aussi avisé que perfide nous faisait remarquer que notre appréciation de Couvert Couvert (on tient ce restaurant pour l’un des meilleurs d’Europe depuis bien longtemps) pouvait être altérée par les sentiments coupables qu’on porte aux frères Folmer. L’observateur avait totalement raison : Omnivore aime les Folmer de manière inconditionnelle. Mais l’amour n’étant pas aveugle – et Omnivore ayant un peu de bouteille –, on sait surtout distinguer pourquoi, dans ce grand brouhaha digital qu’est devenu la cuisine, ce tout ego démesuré dans le tout-àl’égout des réseaux sociaux où il suffit d’instagrammer pour prétendre peser des tonnes, ces deux-là pèsent beaucoup plus que leur fan page pourrait le laisser supposer. Pourquoi, les discrets frères Folmer, expatriés depuis des lustres en Flandre, sont même par la grâce de leur cuisine, leur lucidité et leur

Mais pas la gentillesse niaise. L’intention bienveillante. Celle qui se traduit par le mouvement de ton corps, la manière dont tu vas réapprendre à faire des phrases, le discours positif que tu vas adopter pour que le client soit bien. » Une conception humaine et humaniste, bien loin des apprentissages stériles et des applications stéréotypées. Arnaud Enjalbert insuffle littéralement la vie au service des mets, utilisant une vaste connaissance, l’amour de la découpe en salle, avec cette élégance rare des grands patrons de salle.

90

exigence, les fiertés d’une « cuisine à la française » à l’étranger. Pourquoi, leur travail aussi quotidien qu’acharné et lucide, aboutit à délivrer une cuisine à hauteur d’homme. Sans artefact, sans parasitisme, sans afféterie : la beauté d’une noix de Saint-Jacques, la splendeur d’un homard juste cuit ou d’une venaison rosée et tendre. Les frères Folmer sont l’expression de la rigueur infinie, celle làmême qui attise soudain l’émotion par la palpitation sensible qui naît au creux d’un plat. Si c’était ça, la vraie vie ?


GUIDE 2018

VILLE À VILLE ANNECY LE CLOS DES SENS 3 RUE JEAN-MERMOZ, 74940 ANNECY-LE-VIEUX

www.closdessens.com 04 50 23 07 90 Fermé un dimanche midi sur deux, lundi et mardi midi Menus 50-70-120-160-190 €

Lacustre et végétale. Dix ans après avoir sorti un livre au titre improbable mais au propos novateur, « Images cuisinées des grands lacs de Savoie », Laurent Petit, épanoui dans sa cinquantaine – à l’âge où les cuisiniers ont tendance à se tasser –, met plus que jamais l’accent sur cette nature prodigue, montage et lac, qui l’entoure. Il porte clairement sa création et son regard sur ces matières premières fécondes et respectueuses d’une terre qu’il a conscience de représenter et qu’il se fait un devoir de préserver. Tout comme la liberté qui consiste ici à choisir menu ou carte sans être ni forcé ni pénalisé, un savant mélange de proposition gardant intacte le champ d’action du mangeur qui pourra se laisser guider parmi la perche comme un anchois, arête croquante, le lavaret en croustillant d’écaille, le fenouil rôti et confit ou la truite confite et soupe de poutargue de lotte du lac d’Annecy comme si Laurent Petit le prenait par la main à la découverte d’une région préservée et prodigue.

ARLES

AUBERGE DU PÈRE BISE JEAN SULPICE

LA CHASSAGNETTE

303 ROUTE DU CRÊT, 74290 TALLOIRES-MONTMIN

perebise.com Menus : 98 (dim soir au vendredi midi)–210 € Carte : 152–210 € Fermé mardi et mercredi

ROUTE DU SAMBUC, 13200 ARLES

www.chassagnette.fr 04 90 97 26 96 Menus 55 (déj.)–85–115 € Plats à partager 69-79 € personne

En descendant de Val-Thorens où il s’est fait connaître, Jean Sulpice a pris un gros risque. La reprise d’une institution oubliée n’est jamais chose aisée… Mais le quadragénaire, en quelques mois et après rénovation totale des chambres aux cuisines, a réussi la première partie de son pari : faire renaître le Père Bise. Il faut cependant le savoir : venir chez le nouveau Sulpice de Talloires a un prix, frôlant voire dépassant les 200 euros par personne, c’est la côte part à payer pour assister au spectacle inouï des bords du lac d’Annecy et soutenir cette jeune ancienne maison en pleine renaissance. Le brochet enroulé sur lui-même, cuit vapeur, à la verveine et aux légumes de saison, le joli « plin » – ravioli – d’escargots au beurre d’herbes, l’omble chevalier sans un délicat pas de deux à la violette ou le fabuleux carré d’agneau cuit au foin et à la pistache, en cocotte « valent largement le détour », comme dirait un guide rouge qui ne tardera pas à lui décerner la plus haute récompense, tout cadrant parfaitement dans le paysage. C’est le deuxième pari – légitime – de Jean Sulpice.

Le verger, la pêche : voici résumé le champ opératoire d’Armand Arnal qui, après une bonne décennie passée au Sambuc, n’a jamais été aussi à l’aise dans ses Converse et sa cuisine. Il s’appuie sur des hectares de productions bio et un réseau unique de petits pêcheurs pour fonder une cuisine d’une sincérité totale, déconnectée de tout artifice, privilégiant les terre ou mer à partager : gigot, daurade ou légumes géants, préparés entiers pour en préserver l’intégrité, et découpés en salle. Accompagnés de riz de Camargue, of course.

93

BLAINVILLE LE MASCARET 1 RUE DE BAS, 50560 BLAINVILLE-SUR-MER

www.lemascaret.fr 02 33 45 86 09 Fermé dim. soir et lundi Menus 29-43-57 €

Le turbot arrive immaculé sur son assiette gris sombre. Découpe étrange pour un regard occidental, en aile d’avion épaisse, arêtes tranchantes et fibres apparentes. C’est la signature de Philippe Hardy. Chez lui, on ne transige pas, le poisson doit être tué selon la méthode japonaise de l’ikéjimé (décérébré et saigné vivant), jamais conservé on the rocks, rassis quelques jours, taillé en respectant la texture de la chair, et cuit à basse température. C’est pour cela qu’il s’est installé au bord de la mer et que, depuis, il évangélise le plus de pêcheurs possibles. Un sacerdoce. Mais pas gratuit. Avec une tombée de chou et un fond de veau à l’orange, son turbot atteint des sommets de subtilité, comme s’il venait juste de sortir de l’eau et mourait encore un petit peu. Même le porc de Bayeux est l’objet de toute l’attention du cuisinier et rosit comme une jeune fille avec sa réduction de Banyuls et moka. Ça confine au minimalisme mais, de ces presque riens, on retire beaucoup. Pour 19 ou 24 euros, payez-vous un déjeuner peu ruineux à la Petite Table, et surtout, pensez à réserver.


GUIDE 2018

GUIDE 2018

BLIGNY- BOESCHEPE BORDEAUX L’AUBERGE DU HUTONG SUR-OUCHE VERT MONT

1 PLACE DU GÉNÉRAL SARRAIL,

LALA RUCHOTTE FERME DE LA RUCHOTTE, 21360 BLIGNY-SUR-OUCHE

www.laruchotte.com 03 80 20 04 79 Ouvert sam. et dim. midi (mar. et ven. sur rés.) Menu 50 €

On n’arrive pas ici par hasard. On ne se présente pas non plus à n’importe quelle heure. 12 h 30, un point c’est tout. Avant, on vous envoie (vous) balader. Eva Ménager ne plaisante pas avec le service. La Ferme est perdue dans la campagne bourguignonne, elle n’en a pas moins sa fierté, on n’y entre pas comme dans un moulin. Une grande table d’hôte, quelques places sous l’escalier, le mobilier est rustique, les souvenirs d’Alain Chapel, le maître du chef, omniprésents. Formé à Mionnay puis chez Pierre Gagnaire, Fred Ménager a été à son compte jusqu’en 2002, année du grand saut vers une vie de paysan militant du plus que bio. Désormais, il vit chichement mais en paix avec ses convictions, pour sauver sur cinq hectares, les races anciennes de volailles – gauloise dorée, poule de Houdan et de Faverolles, coqs de Barbezieux, gâline de Racan ou coucou de Rennes. Il y a aussi des porcs noirs gascons, des canards, des pintades, et autres dindes et dindons, ainsi qu’un potager bohême où il interprète à sa façon la biodynamie et la permaculture. Du coup, l’assiette est 100 % autarcique. Le boudin noir est surmonté d’une nèfle cueillie sur l’arbre et rôtie, qui vient relever en acidité le gras du sang de cochon. L’aspic d’œuf tombé du cul de la poule, en gelée et agrémenté d’herbes du jardin, est une transition rassurante avant la moitié d’oiseau servie à même la cocotte, dans son jus de cuisson où ont été nacrés de petits légumes croquants.

33000 BORDEAUX

09 67 61 81 99 Ouvert du mardi au samedi, midi et soir Carte 20-30 €

1318, RUE DU MONT NOIR, 59299 BOESCHEPE

vertmont.fr Fermé dimanche et lundi Déjeuner 21 € (en semaine uniquement) Menus dégustation : 40-60 € 60-90 € (avec accord mets/ liquides)

Après quelques longues semaines de fermeture, Hutong 2.0 est de retour. Quelques aménagements et 6 places de plus dans ce restaurant de poche de 20 mètres carrés à tout casser. Des changements également sur la carte. En entrée, un chiar su bao à faire pâlir tous les traiteurs asiatiques, un bak kwa, comprenez un bbq porc séché et caramélisé à manger avec les doigts ou un très fumant riz gluant aux marrons et shitakés cuits dans une feuille de bambou. En plat, poisson frais grillé dans une feuille de banane avec un sambal épicé, soupe corsée de têtes de crevettes et travers de porc ou plat de nouilles, canette laquée. Les vins, eux, sont bien locaux et comme il faut, à l’image du Métronome du Domaine Coquelicot de Cécile et Grégoire Rousseau à Bergerac. S’il vous reste de la place, il faut goûter le bao fourré à la crème aux œufs ou réclamer des mochis. Frais, légers, fabuleux. Sa mini-taille cantonne Hutong à un rôle de cantine mais c’est clairement l’une des meilleures adresses de la ville pour manger asiatique.

Florent Ladeyn a commencé il y a plusieurs années un travail passionnant, on devrait même écrire essentiel, autour de la cuisine du Nord, sans œillère ni frontières mais pour autant avec une idée très précise du territoire sur lequel opérer. Pas pour rien qu’on l’a nommé Créateur de l’année en 2017… La complicité avec ses maraîchers, fournisseurs, cueilleurs, le soutien d’un potager et d’une connaissance de plus en plus développée des moyens de préservation sont devenus l’épine dorsale de l’auberge familiale. Il s’y écrit, en toute logique de progression, une des pages les plus passionnantes de la cuisine en France, ramassée sur des goûts identifiés – le chou de pontoise goûte le chou, le bar de ligne en devient comme le condiment avec une crème épaisse, généreuse –, des coups de poing à l’estomac – un foie de morue glissé entre des chips de panais – et des raretés comme ce veau de lait de premier ordre prolongé d’un jus de veau ultra classique. En face à face, les bières font leur entrée massive en convoquant les copains suisses de White Frontier pour une « Vertue » vieillie en fut de pinot noir (hypnotique sur un céleri rave cuit longuement, jus de moule marinière) ou la Chili IPA de Piggy Brewery pour venir booster encore plus un hélianthis cuit longuement, sa peau en chips et une huile de livèche et jus des dernières tomates fumées. En semaine, il reste quelques tables, quatre ou cinq belles chambres verront le jour en 2018 dans l’ancienne auberge entièrement repensée : alors foncez !

MILES 33 RUE DU CANCERA, 33000 BORDEAUX

05 56 81 18 24 Ouvert du mardi au samedi midi et soir (sauf le samedi midi) Menus 27-48 €

Ils fêtent cette année leurs quatre ans d’existence et, merci, les chefs de file de la nouvelle cuisine bordelaise n’ont rien perdu de leur créativité. Miles a clairement insufflé un vent nouveau et surtout a réussi à bousculer avec finesse le palais des Bordelais. Locaux et touristes affluent en nombre dans le petit restaurant de Saint-Pierre. Arnaud Lahaut, toujours derrière le comptoir, s’est entouré d’une équipe jeune, décontractée et souriante. Une atmosphère réconfortante comme cette entrée : œuf mariné, pâte de cacahuètes et poire. Les cuissons du cabillaud et du veau qui suivent frôlent la perfection, les assaisonnements sont justes. Bref, Miles est devenu un classique.

MADAME PANG

MAMPUKU 9 RUE AUSONE, 33000 BORDEAUX

05 56 81 18 75 Ouvert du mardi au samedi midi et soir Menus 25-38 €

BORDEAUX

05 56 38 47 13 Ouvert du mardi au samedi pour le diner uniquement Carte 20-50 €

Galice, simmentals de Bavière, normandes, ou les plus locales bazadaises se commandent au poids ou à la pièce. À côté des pièces maîtresses, les entrées se défendent. Ris de veau bien doré et fondant ou coques juteuses. Pour accompagner toute cette barbaque sourcée, on n’a rien inventé de mieux que des belles frites et des sauces maison. Un beau pied-de-nez à son voisin l’Entrecôte.

symbiose est à son maximum les mardi et mercredi soirs lors de dîners-dégustation. Le bar aussi se nourrit de la cuisine pour élaborer des cocktails toujours plus équilibrés et surprenants. Sans aucun doute, dans son genre, l’un des établissements les plus aboutis de la ville.

LE TAQUIN 1 QUAI SAINTE-CROIX, 33800 BORDEAUX

Le seul endroit où manger japonais, libanais et méditerranéen au cours d’un seul et même repas à un sens. Sur la grande ardoise, la table choisit ses plats à partager. La maison a déjà ses classiques, comme « ssam » l’épaule d’agneau confite à rouler dans une feuille de romaine et à tremper allègrement dans une sauce nuoc mam-cébettes ou le tartare de bœuf aux shitaké et ail noir. Régulièrement, l’équipe twiste de beaux produits comme la langue de bœuf à la sauce coréenne ou la daurade au sésame-senchawakamé. Mampuku signifie en japonais « ventre rempli ». La promesse est tenue. Bonne nouvelle, l’équipe prévoit l’ouverture d’un troisième établissement au mois de mars qui nous amènera du côté du Liban.

16 RUE DE LA DEVISE, 33000

MEATPACK 8 RUE DU CHAI DES FARINES,

05 56 78 97 10 Ouvert du mardi au samedi midi et soir Menu 20 € (déj.) Carte 30-40 € le soir

L’ATELIER DES FAURES 48 RUE DES FAURES,

La belle équipe du Taquin fait bouger le quai Sainte-Croix encore un peu assoupi quand il s’agit de bien manger. Depuis un an et demi, ce « bistrot, fabriquant de cocktails » fait office de QG. En cuisine, Hadrien et Quentin imaginent des menus déjeuner à 20 euros bien ficelés. Le soir, la cuisine envoie des assiettes créatives – comme la tartelette céleri, coco, boudin noir et jus de badiane – et des classiques qui réjouissent comme le veau Wellington. La force du Taquin c’est aussi sa pâtissière, Marie, qui propose quatre desserts à la carte comme « l’agrume », sobrement nommé, biscuit madeleine Earl Grey, ganache orange, écorces de pamplemousse confites et suprêmes. Pour accompagner tout ça, la sélection des vins est toujours à juste prix. Ben, au bar, façonne des breuvages bien dans l’esprit de la maison : simple & funky.

33000 BORDEAUX

09 86 42 45 45 Ouvert du mardi au samedi midi et soir Menus midi 15-18 € Carte 20-32 €

C’est la folie dans le populaire quartier Saint-Michel. Entre les rénovations et les ouvertures à la pelle, la mythique et agitée rue des Faures se façonne un nouveau visage. Sans prétention et en toute discrétion, Roman Winicki a ouvert son « bar à manger, vins choisis ». Tout seul aux fourneaux, il envoie depuis six mois une cuisine éclectique, à mi-chemin entre la Nouvelle-Aquitaine et le reste du monde. Cet ancien de Tempero et Garopapilles signe une formule du midi réussie et copieuse.

33000 BORDEAUX

Jérome Billot et sa compagne Harmony ont planqué leur trésor dans une ruelle du vieux Bordeaux. Le tout premier bar à dim sum de la ville s’est paré d’un écrin digne d’In the Mood for Love. L’opium du peuple ici c’est le dumpling. Concocté par les deux hommes à chignon de la maison, le chef et son second Charlélie Aparis, le menu à cocher soi-même est un dilemme. Du classique dim sum végétarien au plus élaboré wonton crevette, cochon et foie gras, la carte propose quelques chinoiseries bien réussies comme le poulet craquant épicé. En dessert, le cheesy bao à la fourme d’Ambert, inspiration Yam’Tcha, est largement à la hauteur. Belle proposition du côté du bar, notamment avec la sélection de bières asiatiques.

94

Bref, vous l’avez compris, plus la pile de paniers en bambou est haute, plus l’expérience est vertigineuse.

09 72 62 12 69 Ouvert du mardi au samedi soir et le samedi midi Carte 27-40 €

Les Bordelais l’auront attendu des mois ce « barbecue-grill ». Mais comme pour une bonne maturation, il faut être patient. Cinq ans après l’ouverture de La Cagette, cantine respectable de la place du Palais, l’équipe s’est enfoncée dans les ruelles pavées du quartier Saint-Pierre. Dans cette ancienne forge qui ressemble à un appartement, tables hautes, vue sur la cuisine et le grill au rez-de-chaussée. Au premier, tables en bois et banquettes de cuir. Décoration (trop ?) sobre, l’essentiel est dans l’assiette. En fonction de la production et des maturations, les blondes de

SYMBIOSE 4 QUAI DES CHARTRONS, 33000 BORDEAUX

05 56 23 67 15 Ouvert du mardi au samedi midi et les mardi et mercredi soir Menus 20 € (déj.)-45 €

TENTAZIONNI 59 RUE DU PALAIS GALLIEN, 33000 BORDEAUX

05 56 52 62 12 Ouvert du mardi au samedi Menus 20 (déj.)-39-59 €

Au grand jour ou derrière l’horloge dans l’arrière salle feutrée, les clients sont de plus en plus nombreux à Symbiose, qui vient de fêter ses deux ans. Felix et ses équipes en cuisine continuent d’élaborer avec Thomas, Simon et Lucas, les barmen, des propositions mêlant cuisine et spiritueux. Motivés par l’envie d’innover, la brillante équipe arrive à se renouveler et à proposer chaque semaine de nouveaux menus. La

Beau challenge pour ce couple franco-sarde qui s’est installé rue du Palais Gallien. Giovanni & Johanna sont les dignes représentants de la cuisine italienne à Bordeaux – et on ne parle pas de pizzas ! Pour choyer leurs clients, le restaurant, ouvert depuis quatre ans, ne fait que 18

95

couverts le soir. Sans prétention mais avec les meilleurs produits de la région et d’Italie, Giovanni envoie un menu en six temps impeccable. Ce soir-là, langoustines de casier, pigeons en deux cuissons, sole, deux assiettes de pâtes et un tiramisu léger à souhait. Quelle claque ! Johanna, en salle, connaît sur le bout des doigts cépages et petits producteurs. La carte des vins affiche 300 références. Le midi, le restaurant ouvre l’arrière salle en mode trattoria pour un menu à 20 euros. Clairement l’une des meilleures adresses de la ville.

GAROPAPILLES 62 RUE ABBÉ DE L’EPÉE, 33000 BORDEAUX

09 72 45 55 36 Mardi-Vendredi au déjeuner Jeudi-Vendredi au dîner Menus 35-45 € (déj.)-75 €

« Garopapilles, vins d’auteurs et cuisine à la hauteur. » Le ton est donné. L’entrée du restaurant se fait par la cave. Fief des amateurs de vins nature de la ville, Gaël Morand propose ici plus de 600 références de vins d’auteurs éclectiques. En cuisine, Tanguy Laviale, impassible derrière son comptoir, balance midi et soir un menu surprise unique. Dans la salle aux grandes baies vitrées, le déjeuner commence avec une série d’amuse-bouche qui réveillent : tempuras de chou-fleur, fenouil et curry puis tartelettes pommes et œufs de poissons. L’entrée, un tartare de gambas dans un coulis de mangue est suivie d’une pièce de cerf bien laquée accompagnée de chou de Pontoise, de gnocchis et d’un jus de coques. Pour estimer tout le savoir-faire de Tanguy, il faut venir le soir déguster son menu en cinq temps. Les places sont chères car limitées mais l’attente vaut la chandelle.


GUIDE 2018

LE CHIEN DE PAVLOV 45-47 RUE DE LA DEVISE, 33000 BORDEAUX

05 56 48 26 71 lechiendepavlov.com Fermé dimanche et lundi midi Carte 13 € / Menu soir 41 €

Lieu sombre pour cuisine lumineuse. C’est un peu comme ça que l’on pourrait résumer Le Chien de Pavlov de Mary Henchley et Maxime Rosselin, primés à Omnivore en 2015 (Prix de la jeunesse). Le couple, installé dans cet antre vouté du vieux Bordeaux en 2014, a épuisé toutes les brocantes de la région pour habiller, avec goût, le restaurant de mobilier vintage. La proposition est changeante, les produits frais, les fournisseurs connus et reconnus.

LE PRINCE NOIR PRIX DE LA RÉVÉLATION (P. 87) ET PRIX DE L’HÔTE (P. 90) 1 RUE DU PRINCE NOIR, 33310 LORMONT

05 56 06 12 52 Fermé le week-end Menus 35-66 € (déj.)-90 €

Il a décroché l’étoile. OK. Mais bien plus important pour lui que la popularité, il a gagné l’accès aux meilleurs producteurs et aux meilleurs produits. Et c’est bien là toute la magie du Prince Noir : une équipe de gens passionnés qui travaillent avec des producteurs passionnants. Du haut de son château à Lormont, au bout du pont d’Aquitaine, trait d’union entre la rive gauche et droite, Vivien Durand l’épicurien s’applique à faire vivre ce lieu inédit avec beaucoup de simplicité et d’envie, ce qui lui vaut le prix de la Révélation (lire p. 87). Dans l’assiette, le meilleur donc de la région mais également de son Pays Basque natal. Le résultat se trouve souvent à mi-chemin entre un travail très brut des produits et des techniques classiques maîtrisées. Le service, drivé par Arnaud Enjalbert (prix de l’Hôte, lire p. 90) est à la hauteur de la grandeur des assiettes. Le sens du détail et la sympathie de l’équipe en salle rend cette table franchement exceptionnelle.

GUIDE 2018

Du coup, on ne s’ennuie jamais dans cette bulle contemporaine. Le menu à l’aveugle, toujours décliné en 3, 6 ou 9 plats, ne cesse de nous surprendre. Après une mise en jambes en 3 snacks pétillants, tout y passe, de la légère acidité de cet agnolotti de chèvre contrebalançant le butternut à l’huile d’ail noir, à ce beurre kimchi répondant du tac au tac au lieu chou bonite. Attentif derrière sa cuisine vitrée et ouverte, le chef, tout comme Charlotte avec ses vins, nous maintient dans le rythme. Et nous, on sourit devant tant de rebondissements et de culot.

BREST HINOKI 6 RUE DES 11-MARTYRS, 29200 BREST

sushinoki.fr 06 64 21 68 46 Ouvert le soir du mardi au samedi Menus 68-95 €

Il y a bien sûr le repas, au comptoir de préférence, dans une ambiance brestoise feutrée. Un repas exceptionnel, et unique dans toute la Bretagne, lors duquel nous dégustons une quinzaine de sushis, une salade de légumes bio, quelques makis… Mais au-delà du repas, c’est bel et bien l’esprit d’Hinoki qu’il faut mesurer. Comprendre la démarche jusqu’auboutiste et fragile de Xavier et Mika Pensec. L’exceptionnel ne s’affiche pas ici de façon ostentatoire dans la créativité d’un dressage ou d’une association de goûts, mais se niche subtilement dans la fraîcheur d’un poisson pêché en ikéjimé ou la chair d’une seiche relevée le matin même. Il se devine dans la justesse d’une coupe, la précision horlogère d’un riz, la pureté du geste. Grandiose. Et si la nature ne lui ouvre pas le meilleur d’ellemême, il n’a d’autre choix que de fermer, lui aussi, sa porte afin de ne pas nous décevoir… Fragile, et donc à soutenir.

BRICQUEVILLE S/MER COULEURS, SAVEURS 2 ROUTE DE LA BRETONNIÈRE, 50290 BRICQUEVILLE-

CADENET LA FENIÈRE ROUTE DE LOURMARIN, 84160 CADENET

Aubergelafeniere.com 04 90 68 11 79 Fermé lundi et mardi Menus 45-90-130 €

Nadia Sammut et son amoureux Ernest Hung Do (ex-Simple sushi, à Marseille) ont rejoint Reine dans le Luberon. Comme un résumé de cette transmission pas comme les autres, un menu slow food résumant l’engagement et le savoir-faire des uns et des autres : carpaccio de poulpe boosté au cédrat, lapin à la royale et jus au thym-citron, et Paris-Lourmarin, dessert signature de Nadia, sans gluten, sans lactose, mais avec un sacré goût de reviens-y. Idem pour ces pains de farine de châtaigne apportés dans les petits pots de terre dans lesquels ils ont cuits. Comme des cadeaux de Nadia la gourmande à l’énergie contagieuse.

SUR-MER

02 33 61 65 62 Fermé dim. et lun. soir, mer. Menus 13,50-27-40 €

Le jeune homme sorti de la cuisse de grandes tables parisiennes (Lasserre, Guy Savoy, Ledoyen, l’Intercontinental) et tombé du nid d’Eric Guérin a ouvert ici une table au rapport qualité / prix imbattable. Il est comme ça, Benoît Delbasserue : ni la gloire ni l’argent ne le font fantasmer. Ce n’est pas un hasard s’il ferme le mercredi, jour des enfants, jour de ses deux enfants. Lui s’est plutôt assagi : il en a fini avec les intitulés baroques (« Spider Cochon » ou « Mon petit canard rosé à cœur ») et joue plutôt sur les souvenirs d’enfance (chicon rôtis, jambon fumé et crème maide parmesan) ou les plats rassurants (poitrine de veau et panais au beurre) désormais. Couleurs, saveurs…

L’IMAGINAIRE 23 RUE FAUTRAS, 29200 BREST

www.restaurantimaginaire.fr Mardi-dimanche midi 12 :00-13 :30 / 19 :15-21 :15

Romain et Charlotte Pouzadoux sortent d’une année exceptionnelle. Pour les dix ans de l’Imaginaire, ils ont invité dix chefs, venus de toute la France comme pour saluer, à l’Ouest, le bouillonnement créatif de ce cuisinier décidément atypique. Loin d’être une fin en soi, cet anniversaire a agi comme un tremplin, un accélérateur pour le chef, « vers d’autres horizons, assaisonnements, cuissons, condiments… »

96

CAEN L’ACCOLADE 18 RUE PORTE AU BERGER, 14000 CAEN

www.laccolade.fr 02 31 80 30 44 Fermé samedi et dimanche Menus midi 20-24-35-38 € Soir 45-60 €

Il y a une génération Top Chef, Romain Tischenko, Pierre Sang Boyer ou Florent Ladeyn, pour ne citer que nos chouchous. Pas sûr que l’on puisse en revanche parler de génération Masterchef. Finaliste en 2012, Pierre Lefebvre a eu l’humilité de passer son CAP auprès de Nicolas Magie (Le Saint-James, à Bouliac, en Gironde), avant d’ouvrir son restaurant, en 2014, à Caen. Normand, fils d’ébéniste d’art, musicien et ancien prof de musique, le garçon a la tête bien faite et

bien pleine est aujourd’hui un vrai cuisinier. Engagé dans la défense de son territoire et de ses producteurs, il compose une partition toute en relief, à l’image d’un croque-monsieur cochon et anchois qui réveille d’entrée, d’un sublime foie gras avec inclusion d’anguille, condimenté de rhubarbe et de radis, et de Saint-Jacques fouettées par un célerisotto au pecorino truffé, géniale inspiration. Si le saumon sauvage cuit à basse température confirme que l’air du temps n’est pas l’ami du cuisinier, son camembert en bavarois avec un insert figue fait allègrement oublier cette fausse note et vous rappelle que la Normandie est LE pays du fromage, vingt dieux ! Et puis, un restaurant qui vous propose une coupe de mauzac nature de chez Plageoles en guise de bulles mérite forcément le détour.

L’INITIAL 24 RUE SAINT-MANVIEU, 14000 CAEN

www.initial-restaurant.com 02 50 53 69 86 Ouvert du mardi au samedi Menus 18-22-26-37-42-50-65 €

Yohann Lemonnier, le cuisinier, et Yvan Michaud, le sommelier, ont ouvert Initial en 2013. Installez-vous plutôt à l’étage pour profiter au mieux de toutes les bonnes vibrations venues d’une cuisine ouverte. Passé chez Michel Rostang, Alain Senderens et Alain Passard, le chef rivalise d’ingéniosité pour explorer des saveurs trop souvent oubliées. En cave, un petit trésor repose sous les étiquettes signées Francis Boulard, Hervé Souhaut, Dard et Ribo, Jean-François Ganevat.

CANCALE LA TABLE BREIZH CAFÉ 7 QUAI THOMAS (1ER ÉTAGE), 35260 CANCALE

breizhcafe.com 02 99 89 56 46 Fermé Mardi-Mercredi Menus 38-48-75-135 €

donne un coup de main. Richard et Sarah Sauvajon, les patrons de cette jolie entreprise familiale leur laissent carte blanche. Guillaume a retrouvé son instinct de chasseur-cueilleur, il lui suffit de s’équiper pour partir à l’aventure, à pied. Dans l’assiette, il a conservé ce talent incroyable d’associer des choses qui ne se seraient sans doute jamais rencontrées sans lui. Pas pour l’esbroufe, parce que ça marche quand on fait attention à l’équilibre des saveurs et des textures, aux cuissons et aux assaisonnements. La preuve par le pavé de vache Holstein surmonté d’un filet d’anguille et d’une tranche de foie gras, où tout s’emboîte en strates surpuissantes mais qui discutent sans se fâcher. Une dinguerie, on vous dit.

Et si c’était lui le chef charismatique du blé noir en Bretagne ? Raphaël-Fumio Kudaka, le chef japonais formé à la cuisine classique française, ne cesse de tisser des liens entre la Bretagne et son Japon natal. Il faut dire que le panier commun s’y prête plutôt bien : coquillages, crustacés, poissons (désormais ikéjimé itou du côté des pêcheurs bretons), katsuobushi de Douarnenez, algues et, surtout, sarrasin en pâtes soba, negimiso, tempura… Les deux cultures en bandoulière, le chef de cette Table Breizh Café, perchée sur la crêperie homonyme connue de Saint-Malo à Tokyo, marie subtilement délicatesse et gourmandise comme cette langoustine harumaki sarrasin, cet agneau de pays confit au negimiso-sarrasin, ou encore ce homard (pêché mignon du chef avec l’huître Tsarskaya) marié au choix à la seiche, au poisson ou au poulet jaune. Et puis quand même, quel plaisir de s’attabler au comptoir avec un œil sur la technique aiguisée du chef et l’autre sur la baie du Mont SaintMichel !

DIJON LE CHAPEAU ROUGE

5 RUE MICHELET

CORRENÇON EN-VERCORS

21000 DIJON

Chapeau-rouge.fr 03 80 50 88 88 Fermé dimanche et lundi Menus 50-85-125 € (dîner) Carte 120 €

On a beau porter une tendresse démesurée à Dijon, à David Zuddas qui régale les abords des Halles, y a pas à tortiller, le seul qui vaille vraiment le coup en ville pour une envolée gastronomique, c’est William Frachot, et ses deux étoiles bien accrochées dans un décor somptueux sans être tape-à-l’œil ni bourgeoisement ridicule, une capacité intacte de trouvailles techniques et de produits pour se créer un répertoire à lui. Du sur-mesure, où le luxe de la maison côtoie l’originalité d’une mise en scène qui n’oublie jamais l’essentiel : faire bon. CQFD le ris de veau crémeux de son de moutarde et pickles ou le pigeon royal rôti sur le coffre.

PALÉGRIÉ LES RITONS, 38250 CORRENÇON-EN-VERCORS

www.hotel-du-golf-vercors.fr 04 76 95 84 84 Ouvert 7/7

On les avait quittés à Lyon, les traits tirés de ceux qui bossent sans relâche mais le sourire aux lèvres des gens heureux. Un an plus tard, on est allé dénicher Chrystel et Guillaume Monjuré au fin fond du Vercors, dans un cul-de-sac pour automobile mais aussi porte ouverte sur une nature belle et généreuse, comme eux. Elle en salle et au vin, lui en cuisine, le plaisir reste intact, un bébé en plus, arrivé sur la route du déménagement. À l’Hôtel du Golf, ils ont pris la gérance de la restauration, ils ont surtout mis en accord leurs rêves et leur métier. Chrystel est d’ici, sa mère

FAULQUEMONT TOYA AVENUE JEAN MONET 57380 FAULQUEMONT

www.toya-restaurant.fr 03 87 89 34 22 Fermé dimanche soir, lundi et mardi Menus 37-65-75-110 €

Candeur et intensité. À 28 ans, Loïc Villemin semble perpétuellement au premier jour du reste de sa vie. Elle se passe ici, à travers une cuisine reçue en héritage, dans ce restaurant qui est avant tout une histoire familiale. Mais il est aussi ailleurs, dans le souvenir des rencontres passées et la perspective des découvertes futures, dîners à quatre mains et voyages qui l’entraînent loin. Ça commence par une betterave cuite dix heures, avec une purée de panais citronnée et des pommes de terre de Noirmoutier, hommage à son ami Alexandre Couillon. Ça continue avec du porc noir au raifort, un tartare de Salers au paprika et un rognon de lapin à l’oignon. Tout un repas en quelques amuse-bouche, végétal, animal, marin, les goûts sont marqués, l’inspiration brillante. Le tempo ne faiblit plus, les cuissons de la sole, des Saint-Jacques et du Saint-Pierre sont parfaitement maîtrisées, le pigeon prend son envol avec de l’avoine pour l’amertume et du chou pour l’acidité. Il y a dans sa cuisine la même profondeur de son regard. On ne voit pas ça tous les jours.

FUISSÉ L’Ô DES VIGNES RUE DU BOURG, 71960 FUISSÉ

www.lodesvignes.fr 03 85 38 33 40 Fermé le mardi-mercredi

On ne fait pas plus village bourguignon que Fuissé. On ne fait pas plus bistrot que la façade de l’Ô des Vignes. Mais on ne fait pas plus gastro que le restaurant

97


GUIDE 2018

GUIDE 2018

GUER L’AUBERGE TIEGEZH 7 PLACE DE LA GARE, 56380 GUER

www.aubergetiegezh.fr 02 97 22 00 26 Fermé dimanche soir, lundi, mardi soir Menus 26-36-54-88 €

Le clair de la plume, Grignan

qui se déploie derrière, décor épuré, aux tons noirs et élégants (un ovni dans le village), service discret et classieux, et carte des vins épaisse comme l’annuaire de Paris, quand l’annuaire papier existait encore. La légèreté des amuse-bouche (churros / saté, scones homard / cerfeuil tubéreux) passée, le chef Sébastien Chambru oublie son terroir natal (la Roche de Solutré, à 5 minutes de là) et envoie du très frais : subtil tartare d’huître et SaintJacques, tout vinaigré de citron et grainé de caviar. Dans de délicates assiettes cassées / sculptées lui succèdent un lieu jaune, jus de coques bien iodé et purée de panais, et un paleron de black angus si bien snacké que même les charolais du voisinage lui pardonnent. Surtout accompagné de pak choi en tempura et d’une purée de betteraves, ni terreuse ni sucrée. Une note locale en dessert : le cassis, en guimauve, en glace et en coulis, qui vient réveiller une pomme confite. Un regret : celui d’y avoir déjeuné en hiver plutôt qu’y dîner en été, pour profiter de la cour arborée entourée des murets de pierres blondes typiques du Mâconnais. Une autre raison valable d’y repartir.

GRIGNAN

GIVERNY LE JARDIN DES PLUMES

LE CLAIR DE LA PLUME

1 RUE DU MILIEU, 27620 GIVERNY

www.jardindesplumes.fr 02 32 54 26 35 Fermé lundi et mardi Menus 48-98 €

2 PLACE DU MAIL 26230 GRIGNAN

Clairplume.com 04 75 91 81 30 Ouvert mercredi-dimanche Menus 39 (déj.) 59-75-145-175 €

Quatre ans et Nadia ne nous fait toujours pas regretter de lui avoir décerné le prix Omnivore du Meilleur accueil. Toujours un plaisir poétique de d’aller se repaître de la lumière et du bleu paon de la salle du Jardin d’Éric Guérin chez Monet. On se rappelle le chou-rave mariné, haddock, petits gris et vinaigrette salade verte et on a envie d’aller goûter au silure en sashimi, voire le pressé de ris de veau d’agneau et anguille et reprendre le temps d’aller se prélasser dans le jardin après ou avec le café blanc.

Pendant les travaux, il s’est mis au sport et a perdu 25 kilos. On retrouve un Julien Allano en pleine forme dans des cuisines optimisées. La salle a conservé son charme hors du temps. Sous cette verrière inondée de lumière, il déroule un menu dégustation enlevé comme une sonate de Chopin, maquereau marinébrûlé et lapin à la royale. Et, bien sûr, son ode à la truffe, diva apprivoisée en 5 ou 7 services, d’un feuille à feuille de céleri à un trompe-l’œil sucré. Pour la version bistrot, c’est désormais à la Ferme Chapouton, à l’autre bout du village, que ça se passe.

98

Affranchi Baptiste Denieul ? Le jeune chef de l’Auberge Tiegezh de Guer, accolée à la crêperie maternelle devenue Bistrot Breton, semble avoir digéré son passé peuplé de chefs et de cuisines charismatiques – Le Bristol, le Youpala Bistrot, Lasserre… Affirmant sa personnalité, il épure, délaisse une mise en place chronophage, remise aux oubliettes les dressages superflus… Baptiste Denieul cuisine avec son cœur et gourmandise. Toujours présente, la technique se fait plus discrète, au profit d’une histoire, celle d’un cuisinier de son temps ancré en pays de Brocéliande. En deux lignes à l’amuse bouche – blé noir / saucisse et boudin / pomme – Baptiste Denieul nous plonge dans son roman breton. Le chapitre sur l’huître raidie à la vapeur, langue de veau et tagliatelles de pomme de terre est particulièrement réussi, tout comme celui, bien gourmand, sur la raie snackée pommes de terre soufflées, caviar et chou. Le livre se termine en apothéose avec un incroyable chariot de mignardises.

IGUERANDE LA COLLINE DU COLOMBIER 71340 IGUERANDE

03 85 84 07 24 www.troisgros.com Fermé mardi et mercredi 5 chambres 300-350 € (2 nuits minimum) Menu : 45 €

Il y a dix ans, le projet de la Colline du Colombier signait la rencontre – et l’amitié – entre les Troisgros et l’unique Patrick Bouchain, scénographe, architecte (il n’aime pas ce mot) qui allait par ailleurs accoucher de la nouvelle Grenouillère d’Alexandre Gauthier. La naissance des Cadoles, ces trois cabanes-cocons, et du restaurant Le Grand Couvert signaient aussi un style nouveau dans le monde terriblement compassé de l’hôtellerie-restaurant : maison gardée le plus possible dans son intégrité, présence conjointe du bois et du béton, du pisé et du métal, laine et feutre pour le confort. Comme toujours, les Troisgros prenaient dix ans d’avance. Retourner à la Colline, dans ce merveilleux nulle part, c’est prendre le sentier de l’avant-garde et de l’audace, celle qui accoucha en 2018 de la nouvelle Maison Troisgros, ce Bois sans Feuilles à Ouches, comme la composante d’un écosystème absolument cohérent.

LA MADELAINE /S MONTREUIL LA GRENOUILLÈRE 62170 LA MADELAINESOUS-MONTREUIL

www.lagrenouillere.fr 03 31 06 07 22 Menu 95 € (déjeuner en 9 services) – 100-135 € (8 et 11 services) Ch. 240-260-280 €

Quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe, dans un futur proche ou lointain, Alexandre Gauthier est, et restera le marqueur premier d’Omnivore. Quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe, on se souviendra toujours de cet hiver 2004 où l’on s’y perdit pour la première fois, des premiers plats, des premiers sourires étonnés, de l’audace, du ton d’un jeune chef qui avait 24 ans et savait déjà, confusément mais certainement, où il voulait aller. Plus tard, il y eut l’élégante silhouette de Patrick Bouchain, traçant dans le jardin ce qui allait deve-

nir la grande Grenouillère, ces deux cheminées coniques, les cabanes de chasseurs enterrées en guise de chambre, la cuisine devenue soudain aussi vaste que toute la première maison réunie. Il est là, justement, dans cette cuisine, Alexandre Gauthier, maître d’œuvre et pilote d’un nouveau déjeuner en une vingtaine de services. 21 ou 22 plats au débit de mitraillette mais qui, maturité aidant – et dieu sait qu’il fut mature il y a déjà bien longtemps – semblent remonter à la source, aller vers encore plus de naturel même si, jamais, le spectaculaire n’est loin. Comme ce buisson de crevettes montée acrobatiquement, ce bouquet faussement anarchique de chicorée et de pissenlit, l’inclusion de citrouille dans une pièce de dorade translucide, jusqu’au poulet rôti contenu tout entier dans un gros bonbon (de farine de manioc, d’une pointe de graisse de volaille et de peau de poulet) emprisonnant la quintessence du grillé. Cette cuisine de prouesse et de poétique magistrale laisse toujours affleurer l’émotion comme quand cette sauce vierge de Saint-Jacques, poire et cerfeuil, vient napper un chou-fleur en croûte de pain ou qu’un tourteau en 2e service devient un gâteau moelleux aux épinards à la puissance inouïe sous une texture d’omelette japonaise à peine prise. Les trois heures d’un déjeuner passent au rythme effréné de ce qu’on imagine être l’accélération de particules dans le cerveau d’Alexandre Gauthier. De ces tensions et de ces douceurs, de cette profondeur et de l’ironie, de la ferveur toujours, et de la fièvre. Quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe.

confectionnés. Bien sûr, comme chaque fois qu’Alexandre Gauthier se concentre sur son sujet, il y introduit ce jusqu’auboutisme qui fait tout, change tout – un bassin pour conserver les truites vivantes, un beurre maître d’hôtel dans les règles de l’art… Dans le décor d’auberge contemporaine imaginé par Patrick Bouchain, manger tradi Gauthier est beaucoup plus qu’une anecdote : une base à partir de laquelle tout devient possible.

LAMBERSART

LAGUIOLE

« Vous êtes heureux ? » Les deux échangent un sourire complice. Ismaël Guerre-Genton et sa compagne Inès Rodriguez sont arrivés de Lyon, où ils ont cherché en vain à se faire une place. Ismaël s’est souvenu de son enfance passée entre Saint-Omer et Calais et ils ont mis cap au Nord. « Ici, dit-il, je suis en confiance. » Heureux, ils le sont d’avoir trouvé cette ancienne brasserie de la banlieue chic de Lille qu’ils ont retapée, épurée. Un solide îlot central porte le bon et beau pain du boulanger voisin Pitman. La lumière septentrionale filtre à travers les baies vitrées. Sur les tables en bois blond, les couteaux forgés par un ami. On croise au comptoir le maraîcher Philippe Lallau en pleine livraison (une adresse refilée par Florent Ladeyn – c’est aussi ça, l’esprit du Nord) et ça sent d’emblée la bonne maison. Ismaël ne s’en vante pas. Et n’égraine son CV uniquement si on l’y invite. Deux ans aux côtés de Michel Bras (« le sens de l’humain), puis d’Emmanuel Renaut (« la rigueur »), de Julien Gatillon (« la chance de s’exprimer ») et de Christian Têtedoie (« la créativité »). Des « empreintes » parmi d’autres, dira Inès pour expliquer le nom de leur restaurant. Dans l’assiette, son grand timide s’exprime en douceur, tout en respect du produit. De jeunes poireaux, léchés à la flamme, sont caressés dans le sens des fibres par un velouté de châtaignes. Avec la morue salée, moules et noisettes fraîches, on prend le large sur une écume soyeuse. La bavette, betterave, sarrasin goûte la Flandre franche. Heureuse.

BRAS ROUTE DE L’AUBRAC, 12210 LAGUIOLE

www.bras.fr / 05 65 51 18 20 Menus 145-178-230 €

C’était la sensation de 2017 : un homme en blanc, face caméra, annonce sa décision de rendre ses trois étoiles. Sans cracher dans la soupe, sans même esprit de provocation, juste avec la certitude de s’aligner sur ses convictions. Quelques mois plus tard, Sébastien Bras n’en revient toujours pas de tout le tintouin que cela a provoqué jusqu’au bout de la planète. Pendant ce temps-là, les réservations vont bon train pour la saison 2018, mettant à mal la prophétie des Cassandre qui prédisent encore dans les salons parisiens et sur les réseaux sociaux la faillite d’une maison pourtant trentenaire… C’est oublier qu’Aveyronnais jusqu’à la pointe de leur Suquet, les Bras n’ont jamais rien attendu de personne pour insuffler leur philosophie dans le monde rude, parfois rustre, de la cuisine. Indépendants d’esprit, forts d’une liberté conquise de haute lutte, ils ont construit leur histoire en famille, dans un partage de valeurs qui n’exclut ni l’ambition ni la réussite. Ils ont tout eu, et bien plus… En décidant de se placer en dehors de toute compétition, Sébastien Bras, créateur Omnivore 2016, suit ce chemin de vie tracé par Michel : modeste mais déterminé, conscient et inservile. Exigent, jusqu’au bout.

ANECDOTE 1 RUE DES JUIFS, 62170 MONTREUIL-SUR-MER

03 21 86 65 80 Fermé dim.-lundi (sauf été) Carte 35-50 €

En ouvrant Anecdote fin 2014, le chef de l’avant-gardiste Grenouillère a, d’une certaine manière, bouclé la boucle. Replaçant symboliquement ses pas dans ceux de son père, hommage à des menus exhumés en 1979 – époque soupe VGE –, aux fonds de sauce patiemment

99

Empreinte 170 AVENUE DE L’HIPPODROME, 59130 LAMBERSART

empreinterestaurant.com 03 20 44 00 21 Du lundi au vendredi, midi et soir Déj. 24,50-29 € Dîner 36-51-65 €


GUIDE 2018

LE BOURGETDU-LAC Atmosphères 73370 LE BOURGET-DU-LAC

www.atmospheres-hotel.com 04 79 25 01 29 Fermé dimanche et lundi (sauf juillet et août) Menus 38-62-88-150 €

On n’arrive pas ici par hasard, mais les femmes et les hommes de goût n’hésiteront jamais à emprunter la route qui serpente vers des hauteurs offrant une vue panoramique sur le lac. Et si le ciel est plombé, que la brume a recouvert les eaux poissonneuses, on n’a qu’à patienter à la table d’Alain Perrillat-Mercerot. C’est de là que viendra forcément l’éclaircie, la lecture lumineuse d’une histoire singulière. Pour se rendre compte de ce qui se passe là-haut, il faut aller découvrir ce menu en 7 services « élaboré en toute confiance avec des produits sélectionnés auprès de nos producteurs – amis depuis quinze ans ».

LE HAVRE RESTAURANT JEAN-LUC TARTARIN 73 AVENUE FOCH, 76600 LE HAVRE

www.jeanluc-tartarin.com 02 35 45 46 20 Menus 40-69-105-198 €

Pour pleinement saisir l’expérience Tartarin, s’immerger dans la capacité de cet artisan-créateur à transcender le produit, il faut sans aucun doute plonger vers le menu à 105 €. L’immersion est alors assurée, les langoustines de premier ordre, bar et SaintPierre absolument rutilants tandis que la flamboyante Annabelle, met la salle au carré d’un battement de cils sur sa prunelle noire.

Jean-Luc Tartarin, dans le repli de sa cuisine, se concentre sur la limpidité d’un jus de poisson de roche, passant patiemment le bouillon à l’étamine jusqu’à la perfection pour qu’il explose avec le bar farci d’un émincé de bulots au parmesan. Derrière chaque poisson, chaque crustacé, ce sont des heures de travail pour trouver la cuisson millimétrée, l’assaisonnement parfaitement dosé. Pour construire une assiette, qui conjugue la prouesse technique avec la force de l’émotion.

LILLE Bloempot PRIX OMNIVORE LE REBELLE (P. 89) 22 RUE DES BOUCHERS, 59800 LILLE

bloempot.fr Fermé dimanche, lundi Déjeuner 19,50-25 € Dîner 40-60 €

Au risque de nous répéter et de paraître partiaux, on doit malgré tout écrire que Bloempot fait partie de l’une des très rares tables où on pourrait retourner tous les jours. Ce qui est rassurant, c’est que nous ne sommes pas les seuls, la « cantine flamande » étant pleine des semaines à l’avance en réservation sur internet. La seule chance de décrocher une table si vous êtes de passage, est de vous pointer vers midi ou le soir vers 19h, les deux compères laissant toujours quelques places libres pour les plus hardis. Compères, amis, presque frères : Florent Ladeyn et Kevin Rolland sont tout ça et ça se ressent dans les moindres pores de cette maison sans prétention devenue institution tant le travail réalisé ici, du service imparable sur les accords mets-bières, à la cuisine est colossal. Cette année, on y a même fait l’un des meilleurs repas, so far, tout restaurant confondu (entre autres : une effilochée de cochon, encornet et bouillon dingue ; chips de laitue de mer crème d’encornet et poudre de hareng fumé plus marin tu meurs et un sandre à la cuisson parfaite laitue et graines

100

GUIDE 2018

de tournesol fermentées) le tout croisé avec le savoir et la passion incomparable de Kevin Rolland, prix du (doux) rebelle de l’année. Des tables comme Bloempot, il en faudrait dans toutes les rues, toutes les villes. Veinarde, Lille, qui verra bientôt une friterie/ brasserie ouvrir à deux pas de la rue des Bouchers, toujours par le même immanquable tandem.

COKE 30 RUE THIERS, 59000 LILLE BRASSERIECOKELILLE.FR 03 20 20 20 20

Fermé dimanche-lundi Formules 25-27-32 € Menus 59-69 €

Il a fallu tout le talent d’entrepreneur de la famille Galliaerde, déjà initiateurs de quatre autres établissements, pour redonner vie à l’édifice realisé par LouisMarie Cordonnier (1854-1940), le plus grand architecte du Nord de son époque, et en faire l’un des plus beaux restaurants de Lille. Où Peter Blanckeman va allègrement au charbon avec une formule de midi selon le marché et des menus degustation autour des produits de saison et de la region.

LE VAGABOND 112 RUE SAINT-ANDRÉ, 59000 LILLE

le-vagabond.net Jeudi-samedi midi et mardi-samedi soir Menu 75 €

Nicolas Pourcheresse, sa barbe et ses Zizis se portent bien, merci. Le Jurassien globe-trotteur continue de surprendre chaque jour en composant son menu en toute liberté avec le fruit de son jardin. Car cette emballante micro-table du Vieux-Lille s’appuie sur un potager en permaculture, à vingt minutes du restaurant.

LE GABBRO 55 RUE DE SAINT-ANDRÉ, 59800 LILLE

03 20 39 05 51 Fermé samedi et dimanche et lundi soir Menus 25-36 € / Carte 30 €

Terrines par çi, cochon par là… Simon Pagès, toujours retranché

derrière son passe, continue de laisser parler ses assiettes, pensées au gré du marché faisant du Gabbro l’adresse canaille de la ville. Avec Mathieu Durand, sommelier avisé et gardien discret de la salle, ils continuent de faire de ce lieu tout en brique rouge typique, avec son bar en bois naturel et son ambiance chaleureuse, le bistrot to be lillois.

au vin nature, la grande beauté des desserts de Remy Havetz (un formidable pâtissier dont on n’a pas fini de parler) et surtout l’extrême mobilité intellectuelle et sensorielle de la team Bijouterie, transforment chaque dîner en expérience absolument unique. Y retourner, encore et encore.

MÉERT

LABRAZIER MÈRE

27 RUE ESQUERMOISE,

12 RUE ROYALE, 69001 LYON

59000 LILLE

www.meert.fr / 03 20 57 93 93 Fermé lundi et dimanche soir. Dimanche midi brunch Midi 29, 35 € / Soir 45 €

Après Nicolas Pourcheresse, qui avait ouvert la voie, Maxime Schelstraete a su sortir la bonbonnière bicentenaire de sa gangue sucrée et grandir avec elle. Il garde sa salade Cæsar de homard et sa blanquette, mais ne se refuse pas le tom kha de poisson blanc et d’autres rappels de ses voyages aux pays des épices au gré de ses inspirations, humeurs et trouvailles du jour. Valeur sûre lilloise.

LYON LA BIJOUTERIE 16 RUE HIPPOLYTE FLANDRIN, 69001 LYON

Menu : 42 €

Brigade de choc, équipe soudée : Arnaud Laverdin est armé pour poursuivre ce travail de défrichage intense commencé il y a deux années avec ce menu unique, facétieux tout autant que précieux, revenant tous les 40 jours. La Bijouterie a trouvé sans aucun problème son public, désireux de découvrir, de se remettre en je, en jeu. Quand l’équipe brosse dans le sens de la douceur, sur un ponzu en gelée, comme un chaud froid profond sur une langoustine délicate et quelques tomates légèrement fumées. Ou au contraire quand elle pique la langue avec un jus de pickles sur une huître panée et frite ou un canard rosé. La relation intime

www.lamerebrazier.fr 04 78 23 17 20 Fermé dim. et en août Menus 57-70 € (déj.) 100-125 – 160 € Carte 145-175 €

Depuis le départ de Monsieur Paul, on chuchote qu’il serait la prochaine grande figure gastronomique de Lyon. Si l’on n’est pas sûr qu’il faille vraiment élire un nouveau pape, on donne pourtant sans problème la bénédiction à Mathieu Viannay, pour lequel on avoue encore une fois une tendresse peu coupable tout comme revenir dans cette maison nous remplit d’un mystérieux sentiment poétique. La faute, sans doute, à ce passé glorieux que Viannay a su exhumer sans afféterie, sans remords, redécouvrant quelques joyaux cachés sous les stucs tout en remettant la cuisine au centre de la maison, dans un répertoire à ce jour unique en France. Oui, on a beau chercher, ils ne sont qu’une poignée comme lui à cultiver cette avant-garde néo-patrimoniale, jouant sur – et se jouant de – la variation artichaut/foie gras, interrogeant la raison d’être d’une volaille demideuil, repoussant les limites du goût d’un chou farci de gibier à plumes et foie gras pour le traiter tous ces thèmes dans toute leur complexité, leur prodigalité et leur finesse. S’attabler un soir chez Brazier/Viannay, c’est connaître cette ivresse (elle peut ne pas être que symbolique tant la cave est riche) de comprendre soudain les attaches de la cuisine française dans l’un de ses plus beaux écrins. Pape, peut-être pas encore. Monument vivant, c’est certain.

PRAIRIAL 11 RUE CHAVANNE, 69001 LYON

prairial-restaurant.com 04 78 27 86 93 Mardi-samedi Déj. : 28-53-62 € Dîner 46-53-79 €

La salle tout de long, le pan de mur végétal – seul vestige du temps où l’endroit était Eskis – et l’ambiance nordique eighties à l’ovale abondant referme un gastro sans chichi et nature du service aux nectars, en passant par l’assiette. Une cuisine végétale donc, mais pas végétarienne pour autant où le jeune chef interprète herbes sauvages, fleurs et jeunes pousses. Ces alliages d’intuition, au courant quasi impressionniste se retrouvent jusque dans le sucré. Une table racée à la fécondité toujours aussi riante.

SUBSTRAT 7 RUE PAILLERON, 69004 LYON

substrat-restaurant.com 04 78 29 14 93 Lundi-samedi Menus 33-44-59 €

qu’on ne comprend pas, qui repoussent nos propres limites à en devenir presque repoussant, puis, paradoxalement, totalement attachant. Isolé, il serait un échec gustatif. Mais pris ici dans une salve de 8 services du menu du soir aux Apothicaires, il est comme un curseur qui dévoile magnifiquement la prise de risque de deux chefs qui, soudain, se révèlent : Tabata et Ludovic Mey. Il faut d’ailleurs les voir, concentrés, tendus, sur le passe donnant sur la salle, minutieux et collaboratifs pour monter la racine de céleri rôtie, figatellu, châtaigne et noix ou le formidable merlu de ligne, marbré, rehaussé d’une sauce XO et de bergamote pour comprendre leur implication totale, au-delà du succès légitime remporté dès l’ouverture. Ces deux-là y mettent leur vie… Le soir, il se passe donc aux Apothicaires une de ces expériences que la gastronomie contemporaine aime, et dont elle a besoin : la narration, presque à nu, d’un récit de cuisine en train de se construire. Passionnant et merci !

CAFÉ SILLON 46 AVENUE JEAN JAURÈS,

Perché sur le haut plateau de la Croix Rousse, Substrat enracine. Hubert Vergoin, chef de l’antre, crée un dîner sans faute, cohérent de l’assiette au verre, au terreau riche et décomplexé. Une adresse m(n)ature, bien dans ses baskets. La pièce de veau poêlée s’accompagne de choux déclinés en textures, le baklava au chocolat, sa mousse laitière géranium et fleur d’oranger, et son gel de citron confit appellent à y revenir.

LES APOTHICAIRES 23 RUE DE SÈZE, 69006 LYON

04 26 02 25 09 www.lesapothicaires restaurant.com Fermé samedi et dimanche Menus 24-28 € (déj.) 55 € (dîner)

Une des sensations de notre année ? Ce chou-fleur au thé matcha Genmai et levure torréfiée, mélange de terreux, d’amer et de fermentaire : un de ces plats

101

69007 LYON

www.cafe-sillon.com/fr 04 78 72 09 73 Fermé dimanche et lundi Menus 15-23 € (déj.) – 38-45 € (dîner)

S’il y a bien un chef qui a bousculé Lyon, le voici, Mathieu Rostaing-Tayard. Dans son ancien débit de boisson devenu voici quatre ans l’un des pivots de la cuisine des nouveaux gones, le jeune chef n’a de cesse de raccorder son riche territoire (il travaille avec une centaine de petits producteurs, patiemment collectionnés et avec lesquels il entretient des liens permanents) à une idée tout à la fois épurée et hyper intense de la cuisine, comme lorsqu’il transmute une aubergine, servie à peine cuite, avec une mâche insoupçonnée, comme une matière nouvelle en bouche et que, dans le même temps, il sert avec cette prodigalité désarmante une simple salade de haricots beurre rehaussée de seiche et d’un beurre noisette fumé au foin. Dans un menu

du midi à 23 €, c’est une façon malicieuse d’entrainer avec lui un public qui tordait encore le nez il y a peu devant la créativité. Mais voilà, Sillon a conquis Lyon. Et c’est tout un pan du goût qui bascule.

LE KITCHEN CAFÉ 34 RUE CHEVREUL, 69007 LYON

www.lekitchencafe.com Ouvert mer à dim de 8h30-18h30 Menus : 19-23 €

Ecole Ferrandi, dix ans de bourlingue, et les voici. Connie Zagora et Laurent Ozan ont durablement implanté leur Kitchen café pour tous ceux qui aiment ces lieux de vie changeant au rythme de la journée, un peu à l’opposé du modèle figé du restaurant à papa. Les petits déjeuners fleurent bon le cinnamon – la cannelle – et le bon café macchiato ; la bouche croustille du granola maison comme un appel vers le déjeuner au buffet, changeant chaque jour parce que sinon ils s’emmerderaient. L’après-midi déroule enfin son tapis de beaux desserts, évidemment maison, évidemment portés par une attention constante, artisanale et tellement bienveillante qu’on pointe à nouveau le nez dès le lendemain.

MARSEILLE L’IDÉAL PRIX DE L’OUVERTURE (P. 87) 11 RUE D’AUBAGNE, 13001 MARSEILLE

Epicerielideal.com 09 80 39 99 41 Ouvert mardi-samedi Plats 6-17 €

Dans ce delicatessen méridional, on déjeune entre les étagères des produits impeccablement sourcés par Julia Sammut. Charcuterie à picorer avec les doigts, chou farci comme chez Mamie (dont on aurait bien voulu un peu plus), arancini dodus parsemés de ricotta salata et dopés par une


GUIDE 2018

GUIDE 2018

gelée de piment d’Espelette. On est bien content d’y trouver des bières de Sulauze (lire page 19) à siroter pendant que les kids se régalent d’une Emki Pop, et qu’on lorgne sur votre place en plaisantant. Le meilleur de la Méditerranée est bien là, cuisiné par Aurélien Baron.

comme ces Saint-Jacques (normandes) sur une déclinaison de céleri, pamplemousse et pomme verte toute en délicatesse. La « Bouille Abaisse » réputée sur le Vieux-Port a logiquement trouvé sa place dans cette ode marine et n’a en rien perdu de sa grâce. L’Alcyone joue parfaitement son rôle de navire amiral, sécurisé par tout temps. Comme au Vélodrome : Ultra… sérieux.

LA MERCERIE

LE EPICES CAFÉ DES

13001 MARSEILLE

CHEZ MÉMÉ 84 BOULEVARD LONGCHAMP, 13001 MARSEILLE

07 81 02 21 47 Ouvert lundi-samedi Menus 14 (déj.) – 45 €

« Tu prends ça, tu bois ça. » Comme chez Mémé, on se plie à l’autorité de Jéjé le Catalan, sans avoir forcément tout compris et c’est tant mieux. Après une soupe rustique pas si anecdotique de l’époque pré-Thermomix, moules dodues au curry et saucisse de Morteau et frites bien aillées comme on n’en avait pas mangé depuis longtemps, avec un muscadet biodynamique de l’Ecu. La bonne surprise, c’est cette tartelette aux pommes, planquée sous une chantilly à l’estragon que l’aïeule n’aurait jamais imaginée.

LA FABRIQUERIE 71 AVENUE DE LA CORSE,

9 COURS SAINT-LOUIS

On s’est piqué d’eux au temps du Paris Popup, suivant leurs pérégrinations de Kyoto à Fès, puis à Arles où ils ont posé leurs valises en 2015, inversant le jeu en invitant d’autres globe-trotteurs au Chardon. Les trentenaires Harry Cummins, Laura Vidal et Julia Mitton se posent un peu plus dans le Sud : dans le quartier de Noailles en pleine mutation, ils rachètent et retapent une mercerie historique qui sera la première adresse fixe d’Harry et ses drôles de dames. Ouverture prévue le 21 février. Dans le droit fil de ce qui nous a régalés jusqu’ici. On vous en reparle sur notre site dès qu’on y va.

mangue fumée. Une maturité qui s’exprime également dans les desserts, comme ce travail autour du chocolat rafraîchi au combawa. C’est justement dosé dans un rapport prix-plaisir assez imbattable.

4 RUE DU LACYDON, 13002 MARSEILLE

www.cafedesepices.com 04 91 91 22 69 Fermé samedi soir, dimanche et lundi Menus 28 € (déj.) / 45 € (dîn.)

Madame Jeanne, Marseille

/ INTERMADAME JEANNE ALCYONE CONTINENTAL 86 RUE GRIGNAN,

1 PLACE DAVIEL,

13001 MARSEILLE

13002 MARSEILLE

Maisonbuon.com 04 86 26 54 16 Ouvert lundi-samedi / fermé lundi et mardi soir Menu 24 € (déj.)

04 13 42 43 43 Ouvert mar.-sam. soir Menu 139 €

Il s’est échappé du Café des Méditerranées pour la Maison Buon, galerie-cave dédiée au bienmanger (et boire) à deux pas du palais de justice et de la préfecture. Xavier Zapata l’instinctif y fait bien plus qu’assembler du bon produit, comme dans cette assiette a priori foutraque mais diablement cohérente : dos de cabillaud nacré, boudin vauclusien de compète, pesto de persil, olives taggiasche, gnocchis sardes et courge, qui matchent en aller-retour avec les quilles choisies par Eugénie Flipo, comme ce Galerne de La Cadette (Vézelay). Humble et malin.

102

L’ancien hôtel-Dieu semble aussi couché sur le flanc que la Bonne Mère se dresse, elle, juste en face de l’autre côté du Vieux-Port. Diptyque quasiment irréel, flamboyant à la nuit tombée. Ce qui est désormais l’Hôtel Intercontinental en impose tout bonnement quand on gravit les marches qui mènent à son entrée. Succession de terrasses, déclivité vertigineuse se transformant peu à peu en un hall sur-signifié, presque pompéien. On peut aimer, ou pas… Le restaurant gastronomique dirigé par Lionel Lévy (Ducassien, ancien patron d’Une Table, au Sud) joue au contraire une forme de modestie dans l’aile opposée. Décor relativement sobre, accueil aux petits soins, vue là encore imprenable sur la Bonne Mère. Et surtout cuisine directe, sans chichis, bien rassemblée autour du produit

Arnaud Carton de Grammont, le maître des lieux et grand voyageur, laisse à son équipe le soin de gérer les affaires courantes, dans son petit restaurant empreint de souvenirs de ses équipées lointaines. Pendant aux poutres, il y a de gros jambons qui attendent le jour où ils seront entamés. La nage de kiwi en dessert, exotique, est l’ultime indice qui montre que Marseille est un hub qui facilite les appareillages gastronomiques.

UNEAU TABLE, SUD 2 QUAI DU PORT, 13002 MARSEILLE

www.unetableausud.com 04 91 90 63 53 Fermé dimanche soir et lundi Menus 34 (déj.) 58-98-135 €

Le minot a grandi. Ludovic Turac, l’ancien second de Lionel Lévy, devenu patron et seul maître à bord, tient très solidement la barre et propose déjà un menu de plats signature dont on ne se lasse pas, en tête cet aïoli sur une foccacia noire, avec légumes à cru et brandade aux agrumes. Toujours impeccablement gominé, le jeune homme montre également sa belle détermination teintée de douceur dans un foie gras de canard au naturel boosté par un condiment à la

13007 MARSEILLE

07 67 17 35 95 Ouvert du mardi au samedi (déj.) Suggestion 8-12 €

Pierre Giannetti (ex-Grain de sel), Sandi Despierres et la douce Marine Crousnillon sont devenus traiteurs dans cette ancienne supérette reconvertie en épicerie proposant à la vente les produits cuisinés sur place : petit épeautre de Sault, riz carnaroli et ces gnocchis sardes chers à Pierre Giannetti qui vient lui-même servir en salle avec salpicon de veau aux câpres et pesto de citron. Et toute l’humilité qui caractérise le trio passé en mode table d’hôtes où l’on se réchauffe d’un velouté de chou-fleur et poireaux dopé au sarrasin en se souhaitant « amour, gloire et santé ».

Le Petit Nice ANSE DE MALDORMÉ, CORNICHE J.-F. KENNEDY, 13007 MARSEILLE

www.passedat.fr 04 91 59 25 92 Fermé dimanche et lundi Menus 100-200-250-370 €

Un siècle que les Passédat explorent le répertoire marin. De la troisième génération dans ce « bateau immobile » juste à côté du marégraphe, Gérald Passédat continue de convoquer les petits pêcheurs, les derniers restant alentour, pour exprimer sa vision du luxe : rareté et épure. Une capacité assez unique pour remplir les casiers d’un répertoire à la fois hautement luxueux par la rareté des poissons choisis et relativement simple dans les apprêts proposés, comme cette daurade maturée au sel et jus de ventrèche de thon planquée sous un voile de seiche, ou ce rouget entier en nage d’anis

La fabriquerie, Marseille

étoilé. Partout une retenue, une forme aiguë de simplicité pleine d’élégance. On allait hésiter, mais on l’écrit : cuisine taiseuse dans la ville des paroles. Aussi pleine et discrète qu’un beignet d’anémone de mer sous la dent. Avez-vous déjà mangé un beignet d’anémone de mer, soleil irradiant, en bord de mer ? Alors, à 4 heures de l’après-midi, une fois passé le ressac d’une quinzaine de petits plats tendus comme drisses et haubans, on reste sur la terrasse, on ressasse, on digère. On se tait après cette expérience heureuse. Et on regarde la mer.

TABI NO YUME

délivrer une cuisine qui va bien au-delà des sushis zen. Tabi No yume c’est un shoot d’iode à son apogée dans une Saint-Jacques à la mâche langoureuse et un remuant foie de lotte caramélisé, envoyés par le trublion qui révèle sa douceur dans un daifuku (le mochi ultime) soyeux. Ippei est bien ici et nous aussi.

RESTAURANT AM 9 RUE FRANÇOIS ROCCA, 13008 MARSEILLE

alexandremazzia.com 04 91 24 83 63 Mardi-Samedi midi et soir Menus 39-57-79-92 € (déj.) 92-115-140 €

poraine, dépouillée. Ce plat, tout simple, graphiquement presque un trait, vous cueille soudain par sa plénitude formelle, sa profondeur inouïe qui vous fait prendre conscience de l’infinie précision d’une cuisine. C’est tout Alexandre Mazzia, magnifique créateur Omnivore en 2015, et qui demeure trois ans après parmi les chefs les plus importants de France. Il faudrait tout citer du menu en douze ou treize stances, des œufs de poisson fumés, noisette et lait émulsionné, tartine d’huître, gel acidulé, tagette et cumin, aux moules/coco/ betterave/eau de tomate/poivre et piment mais rien que cette dernière fulgurance nécessiterait une analyse en profondeur, comme la pêche de petit bateau qui ramène quotidiennement le substrat marin à AM. Les épices, l’été dernier, étaient au cœur de la création Mazzia, comme un hommage si évident à l’autre rive de la Méditerranée, l’harissa venant emporter des framboises sur un foie gras associé à la passion, mais à l’heure d’écrire ces lignes, le champ d’expérience aura, forcément, bougé, tant l’insatiable imagination d’Alexandre Mazzia le rend mobile, allègre, sans borne. Le travail immense de l’ensemble de l’équipe, le bonheur qui semble parcourir chaque service avec une désarmante – et apparente – facilité, font du voyage rue François Rocca le plus passionnant des voyages culinaires actuels.

MEGÈVE FLOCONS DE SEL ROUTE DU LEUTAZ, 1775 MEGÈVE

1 BD SAINTE-ANNE, 13008 MARSEILLE

Tabinoyume.com 04 91 22 09 33 Ouvert mardi-samedi, dimanche soir Menus 33-34-89 €

Un Japonais à Marseille. Ippei Uemura s’est pris un abonnement au Vélodrome et a initié les pêcheurs locaux à l’ikéjimé pour

103

Pour prendre en compte la dimension réelle de ce grand chef, prenons un peu de recul, passons même par l’infiniment petit : une semoule microscopique, parfumée à la fleur d’oranger et mêlée à un jus de carapaces corsé à la texture de caramel. C’est un plat qui tombe, comme ça, au milieu d’un grand menu du déjeuner alors que le soleil d’été vient affleurer le vaste mur de béton brut qui borde la salle contem-

www.floconsdesel.com 04 50 21 49 99

Fermé fin mai-fin juin ; mi-nov.-début déc. Menus 130-180 € (dej.) Dégustation 250 €

Patiemment mais sûrement, en dix ans, il a fait la trace. Les hivers enneigés ont succédé aux été radieux que connaît la montagne. Lui reste droit sur ses skis, dans ses chaussures de montagne et,


GUIDE 2018

surtout, derrière ce passe qu’il ne quitte jamais, attaché à chaque service. C’est qu’Emmanuel Renaut a suivi le parcours d’initié jusque dans ses formes les plus classiques allant du Crillon de Christian Constant aux trois étoiles comme une comète sans frein ni crainte, raflant au passage un col tricolore et quelques autres titres dont il ne se souvient plus. Ce qui est épatant avec lui, c’est que tout cela ne l’a jamais changé : bourrutêtu, il forge sa cuisine au bord du lac, les poissons de Gilles Jacquier venant irriguer sa source créative. Car c’est avant tout sur cette arête qu’il s’exprime, en cru avec des agrumes, en soufflé désormais célèbre… l’imagination ne cède jamais le pas à l’élégance, au balancement bien senti. On lui devine encore quelques griffures sous le capot, on aimerait même qu’elles entaillent encore plus. Mais on est à Megève, les cocos, et une boutique pareille à faire fonctionner demande de l’aplomb combiné à une dose de sagesse. C’est la recette de la longévité pour ce flocon pas près de fondre.

MONTPELLIER LE PASTIS 3 RUE TERRAL, 34000 MONTPELLIER

www.pastis-restaurant.com 04 67 66 37 26 Ouvert du mardi au samedi Menus 25 (déj.)-38-55 €

« Choisir le bon produit, c’est le premier des savoir-faire ». Daniel Lutrand en cuisine et Jean-Philippe Vivant à la cave (et en salle) l’ont appris auprès de Michel Bras, avant de racheter en 2012 cette adresse bien connue de Montpellier. Ils ont revendu les chaises vintage sur Facebook et fait des travaux, sans toucher aux pierres apparentes ni à cette interaction avec les clients. Le sommelier accueille, explique les vins du Languedoc, qui prennent une bonne partie de sa cave. Il questionne aussi, au gré des allers-retours en cuisine, où Daniel regrette de ne pas entendre ce qui se dit en salle. Alors il guette les réactions à ses menus plein de

GUIDE 2018

surprises comme cette queue de lotte poêlée à l’arachide, crème de kumquat et artichaut. Pleine du savoir-faire d’un ex-Barbot. Et ça peut changer tous les jours.

et une émulsion de thym-citron. On a aussi goûté à son cochon en travers fondant et cette couenne craquante d’avoir été séchée et soufflée avec un épeautre saladé à la coriandre pour la fraîcheur et sa patate douce confite. On l’a vu venir en salle finir de dresser une assiette dont il n’était pas content à l’envoi, prendre le temps d’être ravi de la visite d’un couple qui faisait découvrir sa première table à leur bébé de trois semaines et vivre son service bien dans ses baskets. On a surtout goûté la cuisine et écouté un cuisinier exemplaire et on est reparti en se disant que Nantes avait bien de la chance d’avoir une telle table à de tels prix.

LECLERE 41 RUE DE LA VALFÈRE, 34000 MONTPELLIER

www.restaurantleclere.com 04 67 56 90 23 Ouvert mar.-sam. (dîn.) jeu.-sam. (déj.) Menus 30 (déj.)-40 € (dîn.)

Guillaume Leclere est jeune, il fait de la cuisine, de la jeune cuisine. Il y a ajouté le sourire de celui qui se lève tous les matins en réalisant à peine qu’il fait ce qu’il aime. En prime, une vraie modestie qui le force à se justifier cent fois, de vive voix ou sur son site Internet, sur le culot d’avoir baptisé son restaurant de son propre nom de famille. Il se trouve qu’il le porte bien. Le clair, il aime. Dans la déco brute, pierre ocre et suspensions qui arrosent les tables. Dans la proposition, aussi, deux menus fixes et une punchline respectée à la lettre : « cuisine d’arrivage ». Le Rémois ne ressasse pas ses souvenirs d’ancien combattant chez Marc Veyrat (où il croisa David Toutain) ou chez Anne Majourel (où il rencontra toute la faune marine de la Méditerranée). Il a tout digéré, il marche désormais à l’instinct et à la spontanéité. Il pioche l’inspiration dans les légumes moches de son ami Julien Barrau (Locavore Montpellier) ou les huîtres pimpantes de Pascal Migliore (Loupian, sur l’étang de Thau). Entre autres.

ANGA

NICE FLAVEUR Anga, Montpellier

qui y passe… ou pas. Comme dans ce tartare de bonite plein de chlorophylle (et généreusement servi), ou la poitrine de cochon tirabuixo servie avec des sobas qui goûtent franchement le sarrasin. Et ça dépasse tout juste les 20 euros le menu complet au déj… Arthur Lahmy, Cyril Garcia et Pierre Quatrefages, eux, sont contents de pouvoir pratiquer « le prix juste ».

NANTES

19 RUE DU PALAIS DES GUIL-

L’U.NI

HEM, 34000 MONTPELLIER

36 RUE FOURE,

04 67 60 61 65 Ouvert du mardi-vendredi Menus 21 € (déj.)-32-45 €

Lulu Rouget, Nantes

se lancer tout entier à l’aventure, vins compris. Cette espièglerie donne encore plus de champ pour surprendre, depuis l’office à moitié caché par un mur de bois ajouré. Le chef, passé par la Mare aux Oiseaux d’Éric Guerin, est un spécialiste de la surprise végétale, des feuilles qui ont le goût d’une huître, des combinaisons de produits bruts et d’épices improbables. Au premier stimulus, on relève le nez, interessé de capter ce qui se trame en cuisine.

LULU ROUGET 4 PLACE ALBERT CAMUS, 44200 NANTES

02 40 47 47 98 Fermé dimanche-lundi Menus 25-45-55-65 €

44000 NANTES

02 40 75 53 05 Fermé lundi-mardi Menus 22-40-48-60 €

Ça, c’est de la table de poche. Un restaurant grand comme un appartement témoin du géant du meuble suédois, dans lequel trône quand même un four vapeur haute pression. « Anga », ça veut dire « vapeur » en suédois. Mais c’est bien le terroir occitan

104

La carte, sans être longue, est suffisamment large pour que Nicolas Guiet y pioche certains plats pour ses menus a l’aveugle sans compromettre la surprise. Parce que, à l’U.ni, la cheffe de salle Laetitia ne pliera pas : il faut

Se perdre un peu sur l’île de Nantes à proximité des Machines pour trouver le lieu tout en pierre, bois et béton, qui se signale par des néons en forme de rouget. Un p’tit Lu parmesan encre de seiche et la gouelle comme un tofu, œuf de truite, nori en filaments nous a mis dans l’ambiance d’entrée. Ou peut-être est-ce Simon, virevoltant chef de salle qui sait re-

cevoir poliment les clients qui arrivent en retard et entretenir le mangeur solo. Ou peut-être cette première gorgée de Sels d’argent 2015, d’Éric Pfifferling. Et puis Ludovic Pouzelgues, Nantais pur jus, passé par l’étoilé de la ville (Guého, à l’Atlantide et aussi Troisgros à Roanne) avant d’ouvrir sa propre maison, a pris les commandes de notre palais, en quatre temps et des bonus… Il ne se nourrit que de son coin en produits bruts et de sa passion pour sa cuisine toute personnelle. Après la douceur des champignons moelleux en tagliatelle avec son crémeux de quenelle de volaille et quinoa soufflé, on monte en puissance avec une lotte mentholée travaillée en gravlax, radis noir en nid, en lamelles et en poudre, puis cette purée wasabi-brocolis avec de la Saint-Jacques bien épaisse taillée et cachée sous une raviole posée comme un voile qui nous a proprement soufflé à Nantes. Le « rouget de Lulu » s’est ramené sur sa tombée de tétragone, son condiment carotte/butternut d’une douceur qui s’est dévergondée avec l’iode ambiante, le millefeuille de céléri-rave et son jus réduit démentiel furent une

25 RUE GUBERNATIS,

gourmandise en trompe-l’œil qui annonçait la transition vers le dessert signé Rudy Maisonneuve : une quenelle de curry en coque à casser pour tomber sur un cœur de mangue, posée sur un nuage de sésame noir et une interprétation chocolat/café bien lovée dans une tuile cylindrée avec une surprenante glace cardamome verte/orange, ont clôt un merveilleux repas et nous a révélé un chef hors pair.

PICKLES 2 RUE DU MARAIS, 44000 NANTES

www.pickles-restaurant.com 02 51 84 11 89 Ouvert mar.-ven. le midi, mer.-sam, le soir Midi 18-22 € / Soir 36-48 €

On l’a croisé le matin au marché. On a vu Dominic Quirke, « l’Anglais qui ne sait pas se garer », comme nous l’a décrit AnneSophie, maraîchère de Talensac, repartir avec un merlu maousse qu’on a retrouvé à midi avec des carottes rôties et marinées, un risotto de pomme de terre bio, un confit d’ail, une purée de céleri

105

NOIRMOUTIER LA MARINE PORT DE L’HERBAUDIÈRE 5 RUE MARIE LEMONNIER

85330 Noirmoutier www.alexandrecouillon.com 02 51 39 23 09 Fermé dim. soir, mar. – mer. Menus 78-98-165 €

À la Marine, chaque produit de la mer est traité pour lui-même. Avec lui, la pêche n’est pas seulement du jour, elle est miraculeuse. Dès la volée d’amuse-bouche, on est en apnée. On redécouvre la cuisson de la seiche, des SaintJacques ou du cabillaud, pas seulement justes mais uniques. Alexandre Couillon a toutes les températures dans son jeu, et le numéro complémentaire en sus. À l’endroit où la terre se jette dans l’eau, Alexandre va la chercher à la nage et la ramène pour lui redonner goût à la vie. On en sort euphorique comme après un shoot d’oxygène.

06000 NICE

Restaurant-flaveur.com 04 93 62 53 95 Ouvert mardi-samedi Menus 62-85-99 € (déj.) / 145 €

Les frères Tourteaux, c’est un peu les Ledeuil de la Méditerranée. Des années à bourlinguer au gré des mutations de leurs parents, désormais installés dans l’arrière-pays où ils cultivent leurs agrumes au soleil, et fournissent cette table ouverte sur le monde mais surtout pas « fusion ». Un esprit qui s’exprime au plus haut dans les mises en bouche ultra-concentrées : croustillant de riz et lisette marinée au shoyu qui vous mettent tout de suite dans l’ambiance. Les rombières niçoises découvrent le lard de Colonnata drapé sur le boudin noir et applaudissent à tant de délicatesse. Nous, on est ému par l’intelligence d’un dessert autour de la clémentine et du halva avant des mignardises « pan masala » comme à Delhi. Et on sort de là délicieusement jetlagué.

OUCHES TROISGROS 728 ROUTE DE VILLEREST, 42155 OUCHES

troisgros.com Menus 150 € (déj. Mer-ven.)270 € / Carte 200 € Chambres 300-600 €

Un conseil d’ami : si vous n’avez pas la chance de dormir à l’hôtel, il faut venir un peu avant de déjeuner ou de dîner pour profiter pleinement de cette nouvelle maison Troisgros qui déménagea en janvier 2017 après 80 ans passés dans le centre de Roanne. Venir et prendre le temps de faire le tour du jardin, de pousser jusqu’au plan d’eau (il est normalement réservé aux clients de l’hôtel mais on ne vous dira jamais non… et des bottes vous attendent même dans une cabane dédiée à cet effet), prendre le temps de regarder les mille détails composant dans une


GUIDE 2018

GUIDE 2018

du soir en 5 ou 7 strophes aussi vivant que fragile. Le pain maison trône sur le comptoir, cuit juste avant le service, les Saint-Jacques de plongée rappellent qu’on est bien en Bretagne même si elles tentent de se cacher sous un mince voile de céleri – elles se font botter les fesses rapidement par un poivron fermenté –, alors que le pied de cochon infusé à la chicorée puis snacké fort sur la plancha claque en bouche avec des hélianthis et des pieds de chicon de l’année d’avant. Équilibre de goûts, travail des textures : la jolie tension qui se créé entre le gras souple et la légère amertume laissent présager de belles choses, ici, bientôt.

IMA Bercail, Rennes

20 BD DE LA TOUR

IMA, Rennes

D’AUVERGNE, 35000 RENNES

imbrication aussi savante qu’apparemment naturelle ce tout global et cohérent réalisé entre la famille Troisgros et l’architecte Patrick Bouchain. Du poulailler en fers à béton torsadés, de la mise en scène grandiose de la grange par laquelle vous entrez, des perspectives lumineuses traversant de part en part le « Bois sans feuilles », la salle de restaurant présente-absente, où toute la structure de verre et d’acier plié joue à cache-cache avec la nature de plaine et de monts du Roannais, les graminées plantées pour former un labyrinthe où se perdre avant d’avoir faim, le potager en permaculture, la succession de bâtiments tous différents et formant pourtant une unicité… Partout, l’effacement d’un travail colossal qui demanda pourtant quatre ans de gestation et de travaux, des centaines de recherche et trouvailles, une application constante, pour aboutir à l’un des lieux de restauration et d’hébergement les plus modestes et exceptionnels, matures et remplis d’énergie qu’il nous soit donné de connaître. Personne ne s’y trompe, le succès est fulgurant. D’autant plus mérité qu’en cuisine, le dialogue entre Michel et César Troisgros se poursuit, passionnant, alternant les créations paternelles éprouvées comme le blanc de lait et noir de truffe en rappel

aux toiles de Fontana – partout, bien sûr, des accrochages de toiles, photos et objets d’une collection constituée avec ferveur par Marie-Pierre et Michel – et la cuisine déjà mature de César comme ces escargots, au naturel, roulés dans une feuille de chou snackée fortement – croustillante – une poudre de curry pour venir amplifier les saveurs ou cette audacieuse cervelle de veau, servie telle quelle et rehaussée de câpres au sel, de noix et de gingembre en pickles. Cette cervelle qualifiée sur la carte d’« insouciante » et qui dit beaucoup de la poésie brute de cette maison Troisgros, définitivement à part dans le cœur d’Omnivore.

Alors forcément, les prix sont plus doux et cela fait du bien. Christophe Gauchet, nerd du vivant dans tous ses états mais surtout liquide, a engrangé ici plus de 900 références. À l’ardoise, tout le nécessaire pour accompagner ces flacons. On apprécie la démarche privilégiant les producteurs du cru et la veine totalement bistrotière du patron. L’adresse a vraiment tout pour plaire.

BERCAIL PRIX OMNIVORE DE LA JEUNESSE AVEC LAVAZZA (P. 88) 33 RUE SAINT-MELAINE, 35000 RENNES

www.bercail-restaurant.com Menus 14-17-22 € (déj.) 39-47 € (dîn.)

RENNES L’arsouille 17 RUE PAUL BERT, 35000 RENNES

02 99 38 11 10 Formules midi 18-22 €

L’Arsouille, c’est le Deux Amis (Paris) de Rennes, jusque dans les bons de commande manuscrits et le patron qui appelle un chat un chat, comme David Loyola.

106

Désarmant : c’est le mot qui vient à l’esprit quand on quitte assez tard le soir dans une Rennes endormie ce Bercail niché dans une rue pavée du centre. Désarmant de voir des gamins – ils nous excuseront de les appeler ainsi mais Sibylle Sellam et Grégoire Foucher sont bien, malgré leur première expérience à l’ouverture de Gros à Paris des gamins en cuisine – aussi soudés se démener pour sortir ce menu

www.ima.restaurant 02 23 47 82 74 Ouvert du mardi soir au samedi soir Menus 30-58-78 €

Lorsqu’il s’est installé chez lui en mai dernier, le tout-Rennes qui aime manger a immédiatement rappliqué. Pas étonnant, vu le parcours (Gordon Ramsay, Singapour, Tokyo, le 1947 avec Alleno à Courchevel) de Julien Lemarié déjà repéré et étoilé à la tête des cuisines du Coq-Gatby avant de se sentir un peu à l’étroit. À Ima, flambant neuf et à l’élégance racée avec son grand comptoir ouvert sur la cuisine (ou l’inverse) il a immédiatement été « en place », comme on dit dans le métier, et su établir un rapport cohérent entre le territoire breton – Saint-Jacques, Saint-Pierre de petite pêche – et ce lointain qu’il cultive dans ses assaisonnements : un dashi au galanga et citron caviar, un wasabi maison pour booster les coquilles ; un bouillon de lime, pâte d’algues et shitaké en pourparlers avec le poisson. Des meilleures places (au comptoir donc), on peut voir l’omniprésence de ce chef aussi discret que sûr de ses capacités. Rennes sait dorénavant sur qui compter.

RACINES 12 RUE DE L’ARSENAL, 35000 RENNES

www.racines-restaurant.fr 02 99 65 64 21 Fermé samedi midi dimanche et lundi Menus 23-28 € (déj.) 45-55 € (dîn.)

Virginie Giboire et Fabien Hacques ont ouvert les premiers à quelques pas d’Ima, créant la vague de ce joli triptyque, avec Bercail, des nouvelles tables rennaises. Du trio, Racines est aussi la plus classique, la plus au cordeau. Six ans aux côtés de Thierry Marx pour la cheffe, presque autant au Cristal Room Baccarat pour son sommelier de mari, ça vous forge une trame au point de croix – et une regrettable absence de vin nature en cave. Complet, ce midi-là pour un menu où gravlax de saumon et dos de cabillaud, endives et agrumes sans bouger vraiment les lignes donnent cependant l’aperçu et le potentiel d’une cuisine vraiment soignée. À suivre pour la deuxième année.

met d’un beau dé de foie gras ; le poivre capense qui fait décoller la pleine saison du potimarron ; l’adieu à celle des abricots qui rougissent de leur crépuscule. L’audace paie, bien sûr.

ROUEN

plus aventureux avec sa fameuse Fourme d’Ambert, mascarpone, chocolat blanc, truffe. Le service est parfait et le sommelier fait part d’une belle ouverture d’esprit. Excellent muscadet en biodynamie de Jo Landron, Domaine de la Louveterie. En revanche, surprise (et déception) : la carte s’est digitalisée ! Tant pis pour la tablette et les doigts gras et iodées qui scrollent. On ne saurait vous conseiller de vivre l’expérience jusqu’au petit matin. De rester dormir. De profiter du petit déjeuner de roi servi dans la malle en osier, d’entendre le crépitement du feu dès le réveil, de voir poules, oiseaux et autres choses à plumes s’agiter avec les premiers rayons du soleil. On souligne souvent, et de plus en plus, l’importance de tout ce qui se passe en dehors de l’assiette. La Mare aux Oiseaux en est, depuis vingt-deux ans, le parfait exemple. Rare sont les lieux si personnels, si atypiques. Séjourner chez Éric Guérin, c’est vivre hors du temps.

ST-BONNET LE FROID ST-JOACHIM RESTAURANT

L’ODAS 4 PASSAGE MAURICE LENFANT, 76000 ROUEN

www.lodas.fr / 02 35 73 83 24 Ouvert du mardi au samedi Menus 29-49-69-125 €

Odas, pour Olivier Da Silva, c’est le nom trouvé par un jeune chef entreprenant de 38 ans qui se sent bien, à Rouen. Un point d’ancrage bienvenu pour celui qui a commencé à 15 ans dans le groupe Accor et des petites maisons, avant de passer la 5e aux Jardins d’Épicure, à Bray-et-Lû. Ici, la ville n’est pas vraiment quadrillée de bons restaurants, et il l’avoue, ouvrir cette petite oasis se trouve être un travail aussi prenant que gratifiant. Pendant les deux heures passées dans la salle, on a capté le flot de paroles émanant de la trentaine de clients attablés : pas une table où la conversation ne tourne pas autour des créations de ce chef, ou de celles d’un autre restaurant, Coutanceau. Ce qui leur parle, ce sont les découvertes : une balsamique blanche, pointe de vinaigre blanc en sauce balsamique qui englue délicatement le som-

107

LA MARE AUX OISEAUX 223 FEDRUN,

44720 SAINT-JOACHIM

www.mareauxoiseaux.fr 02 40 88 53 01 Tlj. sauf lundi midi Menus 55-105 €

La MAO, comme aime l’appeler les épris du marais de Brière, est une aventure en terres marécageuses. Si vous arrivez sur l’île de Fedrun dans la pénombre, à la nuit tombée, tout ce que vous ne verrez pas, vous le sentirez : la sensation d’humidité, la puissante odeur d’humus, les branches qui craquent, le marais qui s’endort. Passez la porte, c’est un monde à part. Tout en détails. À table, les mélanges sont plus ou moins téméraires. Un bel équilibre sur l’assiette Couteaux, maïs et café ou sur le duo Courge, Oursins. Le mélange est un peu

RÉGIS ETMARCON JACQUES LE VILLAGE, 43290

SAINT-BONNET-LE-FROID

www.regismarcon.fr 04 71 59 93 72 Fermé mar.-mer., et lun. entre mars-mai et nov-déc. Menus 50-135-160-210 €

C’est la force d’une famille unie, la puissance d’une histoire de trente ans, où chacun puise encore l’énergie d’avancer. Dans son rôle public, tourné vers la formation et la transmission, Régis, le père, n’a pas son pareil pour convaincre, porter la bonne parole chaque fois que l’occasion lui en est donnée. Il veille encore sur les cuisines confiées déjà depuis plusieurs années à Jacques, le fils, détenteur à présent d’une certaine idée de la cuisine selon


GUIDE 2018

sa poche : le vénérable Jo Landron (muscadet) et le jeune trio du domaine des Roches Sèches (anjou) n’ont pas résisté à l’assaut. Côté cuisine, le teppanyaki surmesure sert de table de mixage. Hervé, DJ locavore inspiré : « Je veux faire une cuisine non reproductible ailleurs », lance t-il. Sur des assiettes minérales créées par Cyril Dennery, leur céramiste-jardinier, il dépose du foie gras fondant prisonnier de lanières de radis noir, punché par du moût de raisin et une feuille de chrysanthème. Un shot de gras, d’acidité et d’amertume qui préfigure une ivresse consentie. La langoustine pressée, aplatie comme un carpaccio, arrosée d’huile de silène et parsemée d’œufs de saumon est un ovni visuel et gustatif. Idem la coulemelle étalée au fond de l’assiette qui fait un oreiller croustillant au bar, corsée d’un jus de coques et crabes, et flanquée de pétales de seiche sèche. Une dernière avant de revenir à la réalité ? Purée au thé fumé, poudre d’olives de Nyons, herbes des dunes.

Aux Terrasses, Tournus

les Marcon. Une cuisine sans surprise, dans le bon sens du terme : terrienne, évidente, qui a toujours su conserver sa modestie. De celle qui fonde les empires. Paul, le dernier, fou de pâtisserie et de concours, se fait les dents sur le bistrot la Coulemelle. Il n’est pas rare de croiser dans les ruelles Michèle, la maman et la poussette d’une troisième génération Marcon… C’est tout cela qu’il faut saisir quand on se retrouve face à l’immense baie vitrée de la salle à manger donnant sur les monts d’Auvergne. La rudesse d’un climat, d’une histoire. Mais l’intelligence de miser sur un monoproduit : le champignon. Les cèpes et lactaires en fricassées sur un sabayon de cèpes, quelques radis et lamelles de courges ; les sparassis crépus poêlés avec des épinards et un trait d’huile de noisette ; les trompettes de la mort sur un sandre parfaitement cuit et des endives confites. Toujours d’une grande justesse, trente ans après…

TINQUEUX

QUIBERON LE PETIT HÔTEL DU GRAND LARGE

L’ASSIETTE CHAMPENOISE 40 AVENUE PAUL VAILLANT-

11 QUAI SAINT-YVY, 56510

COUTURIER 51430 TINQUEUX

assiettechampenoise.com 03 26 84 64 64 Fermé mardi et mercredi Menu : 95 € (déj.) / 185-255 €

SAINT-PIERRE-QUIBERON

www.lepetithoteldugrandlarge.fr 02 97 30 91 61 Fermé mar., mer. et dim. soir Menus 30-50-75 €

En débarquant face à l’océan, par l’unique route qui descend à Portivy, on laisse tout derrière soi. Comme l’ont fait un jour Hervé et Catherine Bourdon, pubards citadins transformés en aubergistes de la Côte Sauvage. Six chambres réinventées et une grande salle réaménagée plus tard, ils ont créé un lieu à leur image, lumineux, sensible, franc et intelligent. Les lattes de bois d’un bateau désarmé font des tables vernies au toucher sensuel. Catherine y dépose des quilles des vignerons qu’elle met dans

108

Arnaud Lallement est parvenu au sommet à 40 ans. Après la disparition de ce « papa » dont il parle si souvent et à qui il rend hommage, le fils n’a pourtant eu aucun mal à imposer son style. Démonstration avec l’émouvante langoustine royale, juste ceinte de sa nage. Ou le Saint-Pierre au vin jaune, caresse soyeuse sur le palais. « J’aime atteindre le point où la gourmandise devient émotion », dit-il. Une façon de revisiter la grande cuisine bourgeoise avec simplicité et générosité. Deux tartelettes foie gras potiron et tarama ciboulette à partager ringardisent les amuse-bouche. Les saucières et cassolettes, lais-

GUIDE 2018

sées sur la table à chaque service, font de l’œil. Et le malin accord mets et champagne place à même hauteur grands crus et vignerons. Le chef vous raccompagne sur le perron avec pour viatique une belle tranche de pain d’un boulanger rémois. « Christophe Zunic entretient son levain depuis quarante ans ! C’est le pain du partage », s’enthousiasme – t-il. On le boulotte sur la route du retour, en méditant sur la valeur des années. Et des âmes bien nées.

TOURNUS AUX TERRASSES 18 AVENUE DU 23-JANVIER, 71700 TOURNUS

www.aux-terrasses.com 03 85 51 01 74 Fermé dimanche et lundi Menus 25 € (midi)-40-60-90 €

On a beau écumer la région, on ne trouve pas mieux que les Carrette pour la halte classe et gastronomique dans le 71, à part peut-être Sébastien Chambru, leur cher ami de Fuissé. Les chambres sont toujours aussi chaleureuses dans leur bois, leur feutre, leur calme. Et bientôt, la maison sera en travaux pour compléter le couvert du gîte. Amandine, prix de l’hôtesse 2015, ne faillit jamais à sa renommée. Jean-Michel, lui, virevolte toujours en cuisine. Les années passent et nos habitudes ne changent pas : on se laisse faire, en six (Pourquoi pas…) ou neuf (Mets encore…) services, enfin, c’est comme Jean-Michel le sent. Et à chaque fois, il a sa petite « Ouais, je travaille ça là, mais dites-moi si ça le fait… », et à chaque fois, il tape dans le mille. L’huître panée 2017, par exemple, on en veut encore. Et tout le reste aussi d’ailleurs. Comme les quilles que Julien Buiret sort de cave démentielle, surtout rayon nature, ou ses cocktails avec les pépites de la distillerie Petit Grain.

VALENCE ANNE-SOPHIE PIC

CRÉATRICE OMNIVORE 2018 AVEC BADOIT (P. 85) 285 AVENUE VICTOR HUGO, 26000 VALENCE

www.anne-sophie-pic.com 04 75 44 15 32 160-320 € ; midi à 110 € Mar.-sam., midi et soir, Dim. midi

Ce qui frappe chez Anne-Sophie Pic, c’est la constance de son travail, de ses recherches autour des aromatiques, de l’utilisation du café, du thé, de l’acidité et de l’amertume en cuisine. Ça a commencé il y a longtemps déjà, comme une petite musique qui viendrait imprimer sa cuisine, la démarquer non seulement des autres mais aussi de l’emprise de toute une histoire familiale et d’un père, Jacques, immense chef révéré et référence qui aurait pu l’étouffer par sa mémoire. Mais la cheffe Anne-Sophie Pic avait sans doute en elle ce chemin tracé, en partie inconscient mais très volontariste, vers ce qui est la cuisine de la grande Maison Pic en 2018. Soyons clair : Omnivore ne donne ce prix de Créatrice de l’année ni à la femme, ni à la chef d’entreprise, mais bien à la très grande cuisinière qui sait restituer malgré le filtre d’un long processus de transformation et la pléthorique brigade, toute l’émotion de produits choisis à maturité – parfois même pour les agrumes volontairement en sur-maturité – et que transcendent littéralement des plats aussi minimalistes qu’expressifs. Ainsi la « tomate plurielle », comme autant de bonbons colorés explosant dans un consommé glacé à la mandarine Murcott et cette jouissance infinie de croquer une tomate dans sa quintessence. Ainsi encore ces fabuleux « berlingots coulants au crémeux de chèvre de Banon », délicat bonbons emprisonnés d’un voile vert, libérant la tiédeur d’un fromage à la saveur totalement préservée, le tout rafraîchi d’un consommé de cresson infusé au gingembre

Anne-Sophie Pic, Valence

et à la bergamote. Dans ce plat, comme un écosystème de la cuisine Pic : le terreux, le lacté, l’acidité, le végétal, l’épice et l’acidulé, le tout construit comme un parfum à la courbe aromatique parfaite. Tout le reste, la maison d’un chic inouï, le jardin féérique, la cave encyclopédique, le savoirvivre à l’élégance haut perchée, étant les modestes supports de cette cuisine en pleine possession de ses moyens, mature, tendre, avenante, précise. Le miracle Anne-Sophie Pic.

Pareil. La carte est aussi lumineuse qu’un coucher de soleil sur le Mékong. Les incontournables Thierry Puzelat, Noëlla Morantin et Jean-Pierre Robinot, côtoient Emile Hérédia (Domaine de Montrieux). Dans l’assiette, l’influence de l’Asie du Sud-Est est toujours aussi prégnante, comme à Uzès, la maison des débuts de Guillaume Foucault. Elle se manifeste davantage dans l’esprit que dans les ingrédients, d’ailleurs.

VICHY VENDÔME RESTAURANT JACQUES PERTICA

15 PLACE DE LA RÉPUBLIQUE,

DECORET

41100 VENDÔME

15 RUE DU PARC, 03200 VICHY

Vingt-quatre couverts sur deux niveaux, déco brute, mais chaleureuse, cuisine ouverte mais sans ostentation, le lieu ressemble à ses hôtes. Les produits ? Du coin. Cochon, volaille, fruits (le Perche recèle plus de 150 variétés anciennes de pommes), légumes et herbes (flouve odorante et reine des prés, ses chouchous). Le vin ?

La cuisine va parfois plus vite que son histoire. Ce n’est pas une raison pour l’oublier. Revenir à Vichy, c’est aussi comprendre un mouvement parti il y a une quinzaine d’années. À l’heure où il n’existait ni Facebook, ni selfie, ni twittos… et encore moins de foodies. Du côté des chefs, ils

www.jacquesdecoret.com 04 70 97 80 11 Fermé Mardi-Mercredi Menus 42-75-122 €

02 54 23 72 02 Fermé dimanche, lundi Menu 40 €

109

n’étaient qu’une poignée à offrir un nouveau parti pris, à assumer la différence, souvent contre vents et marées, du moins contre les risées des classiques/caciques qui ont depuis retourné leur veste. Jacques Decoret est resté droit dans son col bleu-blancrouge, fidèle à ses convictions et surtout à son immense sensibilité. De fait, Jacques Decoret, le plus médiocre des communicants, le moins prophète en son pays, est l’un des cuisiniers les plus géniaux de France, l’un des plus touchants aussi. Allez de toute urgence faire un tour chez Jacques Decoret, le grand.


GUIDE 2018

PARIS I CLOVER GRILL ER

6 RUE BAILLEUL, 75001

www.clover-grill.com 01 40 26 08 07 Fermé dimanche Carte 60-80 €

côte de bœuf de prime Angus à partager à deux (mais on pourrait s’y mettre à trois tout en étant à l’aise), grillée à la perfection, d’une jutosité inouïe. Cher ? Si vous devez manger une fois dans l’année une belle viande maturée et parfaitement cuite, inutile de calculer : c’est là !

change chaque jour en fonction des produits disponibles. Et Chi Wah, monsieur Grattard, continue d’étonner avec ses accords mets-thés.

ELLSWORTH 34 RUE DE RICHELIEU, 75001

www.ellsworthparis.com 01 42 60 59 66 Mardi-Samedi 12 :15-14 :15 Lundi-Samedi 19 :00-22 :30 Dimanche 11 :30-15 :00 Midi : 22-28 € / Soir : 35-65 €

YAM’TCHA 121 RUE SAINT-HONORÉ

La vraie rôtisserie à Paris ? Ne cherchez plus, elle est là, dans cette historique rue de Bailleul, aussi étroite que son histoire dans le Paris ancien est long. Jean-François et Élodie Piège y ont créé le pendant du Clover germanopratin version gros mangeur. Dans une carte d’une joyeuse profusion, on plonge immédiatement vers la galantine de canard pistaché, tranche épaisse, magnifique telle une mosaïque lustrée comme il se doit d’une mince pellicule de gelée. Goûts francs, mâche rustique, c’est impeccable et ça fait office de mise en jambes avant l’immense – vraiment, dans tous son sens – entre-

75001

www.yamtcha.com 01 40 26 08 07 Fermé du dimanche au mardi Menu (déj.) 70 € Dégustation 150 €

Ellsworth est la seconde table du duo américain Braden Perkins et Laura Adrian, qui officient au restaurant Verjus et bar à vins un peu plus haut dans la rue. La cuisine y suit les mêmes lignes : assiettes simples mais précises, avec des goûts francs. Des coques au bouillon à la bière, un os à moelle avec un gratiné sucré au vin rouge, un poulet frit juteux, une dorade accompagnée de topinambours rôtis et saisis pour apporter du moelleux et du craquant à la fois. En note sucrée, les beignets à la ricotta

Une longue salle en L épousant une cour intérieure, trente-cinq couverts espacés, une sobriété qui sous-entend l’Asie : Yam’Tcha est devenu l’une des plus belles tables de Paris. Dans son assertion la plus large, belle et bonne tant la cuisine d’Adeline Grattard – et ce n’est pas nouveau – ne cesse de montrer en douceur sa formidable intensité. Le menu

111

sont une transition légère malgré la friture et le duo glace malt et sorbet chocolat noir lié par un espuma de café apporte la touche finale et subtile d’un dessert non bourratif.

UMA 7 RUE DU 9-JUILLET, 75001

www.uma-restaurant.fr 01 40 15 08 15 Lundi-Samedi 12 :30-14 :30 19 :30-22 :30 Déjeuner 19-22-27-32 € Diner 67-82 €

Coincé entre le jardin des Tuileries et la grouillante rue SaintHonoré, Lucas Felzine travaille dans son Uma une cuisine singulière. Imprégnée de ses passages en cuisine chez Alain Passard et chez William Ledeuil, le chef dessine une carte nikkei (mélange des cultures japonaise et péruvienne) végétale et exotique. Au rez-de-chaussée, dans une ambiance bar à tapas, les tacos de bœuf au sésame et à la prune, empanadas et bolas de kaboutcha et chou mariné se marient à la per-


GUIDE 2018

fection avec un cocktail au nikka ou au mezcal. À l’étage, accolé à la cuisine dans une ambiance plus intime et japonisante, on y partage des assiettes. La fraîcheur du ceviche de rascasse, associé aux moules, saisit avec un leche de tigre au pisco, et apporte la première note sud-américaine que la côte de bœuf cuite au four à bois, tendue des épices du chimichurri et jus d’hibiscus, vient contrebalancer. Les gyozas de canard laqué restent l’assemblage parfait entre le Japon et le Pérou, souligné d’un curry vif sans être trop relevé.

A NOSTE 6 BIS RUE DU 4-SEPTEMBRE 75002

www.a-noste.com 01 47 03 91 91 Menu (déj.) 29-39 € Ouvert 7/7 12 :00-23 :00 Dégustation 60 €

Bourse, quartier d’affaires, sur les coups de midi. Par son odeur alléchés, les travailleurs viennent se restaurer en semaine. Au rezde-chaussée, dans le bruissement et la mêlée ; à l’étage, dans le calme et le feutré. Raviole de canard, filet de chevreuil truffé et légumes de saison, riz au lait aux agrumes… Julien Duboué se veut rassurant par son classicisme et ses portions copieuses, et invite à revenir faire tomber la cravate au comptoir du bas, autour de tapas basques. Et désormais, on brunche le dimanche pour 39 euros. Tarif préférentiel pour les enfants.

SURMANDARIN MESURE ORIENTAL 247-251 RUE SAINT-HONORÉ, 75001

mandarinoriental.fr/paris 01 70 98 73 00 Fermé dim.-lun. Menus 85-100 € (déj.) 190-230 € (dîn.)

Imaginer et transmettre sans relâche : c’est bien la conception moderne de la cuisine version Thierry Marx. Il a été parmi les premiers à tordre les produits, les explorer comme un scientifique devant la molécule, pour en tirer le meilleur. Désormais loin du Ménilmontant populaire où il est né, il fait du « sur-mesure », le nom du principal restaurant du Mandarin Oriental, dont il dirige les cuisines. Il livre dans l’espace très pur imaginé par Patrick Jouin, une cuisine très éloignée au contraire de la prouesse technologique, où, en tout cas, la cuisine intègre cette technologie jusqu’à la faire oublier. Clin d’œil à la décennie précédente, alors qu’il ébouriffait le Château Cordeillan-Bages, le risotto de soja aux huîtres et truffe noire rappelle qu’il a été l’un des précurseurs de la Jeune cuisine dans les années 2000, période de combat s’il en est. Mais s’il se joue encore des aliments en créant une soupe à l’oignon en trompe-l’œil ou un maquereau en camouflage, il va désormais au bout de la logique de réconciliation anciens-modernes en réintroduisant une sauce Nantua dans un binôme langoustines à l’unilatéral et poireaux le midi.

GUIDE 2018

RACINES

Saturne, Paris IIe

Comme quoi, tous les combats, même en cuisine, finissent par s’apaiser.

c’est certain, ne s’élaborent plus dans la fébrilité des quelques minutes précédant le début du service, mais pourrait-on reprocher au Créateur Omnivore 2013 de privilégier la régularité – et une forme certaine de confort – à l’harassante fulgurance ? Les grosses asperges panées croquantes à souhait, les langoustines/amandes, jeunes pousses et feuilles jouent largement plus que les faire-valoir d’un dîner au cordeau, sans erreur avec juste ce qu’il faut de concession pour plaire désormais à tous les sceptiques. Saturne poursuit, sûr de lui, sa douce révolution.

II SATURNE E

17 RUE NOTRE-DAME DES VICTOIRES, 75002

www.saturne-paris.fr 01 42 60 31 90 Fermé samedi-dimanche Déjeuner 45-85 € (déj.) 85-150 € (dîn.)

L’empêcheur de tourner en rond, le rebelle des fourneaux – tellement critiqué en 2010 souvenezvous ! – est devenu… référence. Impossible d’échapper huit ans après la création de Saturne à la logique implacable de cuisine instaurée par Sven Chartier et son associé Ewen Le Moigne, chantre des vins nature extrême. Bien sûr, on peut regretter parfois l’effacement de ce brin de folie sous l’exercice précis et régulier du service quotidien ; les plats,

112

8 PASSAGE DES PANORAMAS, 75002

racinesparis.com 01 40 13 06 41

Impossible pour Omnivore de ne pas évoquer l’arrivée à Racines de Simone Tondo, suivi de près depuis ses premiers pas au Rino de Giovanni Passerini, puis au Roseval (devenu le Dilia de Michele Farnesi). Impossible non plus de ne pas évoquer la mésaventure du Tondo sans doute trop ambitieux en lieu et place de l’ex-Gazzetta. Revenu à ses… racines, le jeune Sarde saura sans doute piloter au plus près la cuisine de cet établissement au charme inouï. N’ayant pas eu le temps d’étrenner sa cuisine visiblement centrée sur l’Italie, Omnivore vous en dira plus en ligne – c’est aussi à cela que ça sert un .com, l’ami !

avec justesse. Et le dessert aux cèpes reste un exemple probant de l’habilité avec laquelle le chef jongle avec la maîtrise des gestes et techniques et le lâcher-prise qu’induit la création.

III CARB N E

AT

14 RUE CHARLOT, 75003

www.carbonparis.com 01 42 72 49 12 Mardi-Dimanche 12 :00-14 :30 Mardi-Samedi 17 :00-02 :00

Ici, il n’y a pas de gaz, seule la flamme est source de chaleur. On se laisse enthousiasmer par les haricots, aubergines, liseron d’eau et jaune d’œuf ou encore, tomate, féverole, gigot d’agneau et pecorino. L’assemblage des plats est plein d’agilité. Un équilibre des goûts et des assaisonnements sans oublier le produit qui est au cœur de l’assiette. Une certaine ode aux producteurs sourcés et mis en avant au dos du menu (Joël Thiébault, Fleur Godart, ferme de Clavisy, Annie Bertin…). Du côté des pièces à partager : magret de canard rosé, entrecôte fondante ou ris de veau. De quoi nourrir deux affamés ou enjouer quatre viandards. C’est sur ces plats que le travail à la flamme devient le plus intéressant. Le goût et le parfum sont plus marqués, plus puissants. Une belle maîtrise de l’élément pour des cuissons remarquables.

SOMA 13 RUE DE SAINTONGE, 75003

www.lesoma.fr 09 81 82 53 51 Fermé dimanche et lundi Carte 40 €

Ambiance très kawaï pour Soma (contraction de « South Marais », mais c’est aussi une ville du Japon, à Fukushima) : les murs de briques nus recouverts de mangas nous font face lorsque l’on s’installe aux quelques tabourets hauts de ce mini-izakaya. Ils délimitent le terrain de jeu d’Isamu Motoda et permettent d’observer ses tours de passe-passe avec un couteau sur la dorade ou le chinchard, posés sur le chirashi de la formule déjeuner. Le soir, partage de rigueur pour les petites assiettes façon tapas franco-nippons.

4 RUE DU CARDINAL LEMOINE, 75005

www.atsushitanaka.com 01 56 81 94 08 Ouvert du lundi soir au samedi Menus 55-70 € (déj.) 105 € (dîn.)

Kitchen (ter)re, Paris Ve

rique-kimchi, dentelles de Cucugnan (blé dur cultivé par Roland Feuillas)-seiche-tomates-galanga, ou encore coquillettes-curry vert-basilic. Franc, chaleureux et réjouissant.

V

E

KITCHEN (TER)RE

ALLIANCE 5 RUE DE POISSY, 75005

www.restaurant-alliance.fr 01 75 51 57 54 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :00 / 19 :30-22 :00 Menu midi : 46 € Dégustation : 90-110 €

28 BD SAINT-GERMAIN, 75005

01 42 39 47 48 Mardi-Samedi 12 :15-14 :30 / 19 :15-23 :00 Menus 26-30 € / Soir 30-50 €

Se lancer dans l’ouverture d’un troisième restaurant à Paris et se positionner sur les premiers pas du boulevard Saint-Germain n’est pas mince affaire. Mais n’est pas William Ledeuil qui veut. Il a transformé un vieux rade (ex-Les Trois font la paire) en un bistrot moderne, juste, où la ligne de base réside sur des pâtes aux céréales nobles et des bouillons. Kitchen, bis, ter. Une suite logique. Tout comme les assiettes qui sortent de la cuisine. Finesse des produits, puissance de l’assaisonnement et des piments et justesse de goût inégalable. Girolette-porc ibé-

Toshitaka Omiya et Shawn Joyeux, anciens de l’Agapé, remuent depuis quelques années déjà le silencieux Ve arrondissement de Paris, cocon délicat où les moments d’exaltation restent intérieurs. Les mouvements en cuisine – semi-ouverte sur la salle – sont tout en contrôle. Shawn, assure le service en salle, parfait passeur des plats de Toshi. Comme ce canard de la Dombes et épeautre. La puissance délicate de la chair du canard, juteuse et souple en bouche, tapisse le palais alors que l’épeautre encore ferme complémente l’ensemble

113

Graphique, pure, esthétiquement parfaite, la cuisine d’Atsushi Tanaka garde cette forme de performance quotidienne assez réjouissante dans un environnement parisien plutôt statique, où la prise de risques ne fut pas le grand fait saillant de 2017. AT, c’est à l’inverse, l’envie constante de surprendre, de conduire vers un chemin plus escarpé qu’il n’y paraît. Prenez les ravioles de chou-rave renfermant du tourteau. Bien inoffensives à l’œil nu, elles se révèlent puissantes en bouche avec un gel de Kalamensi et des zestes de yuzu, tout comme l’occa en pickles vient relever les délicates Saint-Jacques, coupées à cru et servies dans leur coquille sous une poudre d’oseille. Le choix des vins, toujours judicieux, permet de découvrir un pinot noir de la Loire (le département 42, pas la région) pour accompagner un dos de chevreuil légèrement fumé et boosté d’un jus au poivre de Tasmanie. Du rythme, de l’énergie, du savoir : tout est là pour faire d’une repas à AT un très beau moment de gastronomie.


GUIDE 2018

VI L’EPI DUPIN E

11 RUE DUPIN, 75006

www.epidupin.com 01 42 22 64 56 Lundi 19 :00-23 :00 Mardi-Vendredi 12 :00-15 :00 / 19 :00-23 :00 Déj. 30 € / Dîner 42 € Dégustation 56 €

Vingt-trois ans que François Pasteau et son Épi Dupin sont en avance sur leur époque. Maître des bons produits dans un menu-carte démocratique et ultra précis dès 1995, le cuisinier prenait déjà une longueur d’avance sur tout le monde dans un environnement alors très « haute cuisine », où le goût se négociait fort cher. Un quart de siècle plus tard, François Pasteau prend la tête des cuisiniers immergés dans la citoyenneté en s’engageant pour une cuisine durable, c’est-à-dire respectueuse de son environnement et de ses agriculteurs, chasseuse de gaspillage, regardante sur les conditions de pêche, préférant le végétal à la gabegie carnée – tout en ne se refusant jamais une belle viande équitablement élevée. Sur RTL, dans les médias, de tables rondes en colloques, ce cuisinier aussi créatif qu’acharné, n’en finit pas de propager les bons messages. Un chef apôtre et désintéressé.

une cuisine soignée et apaisée. Lieu jaune tiède, à la cuisson remarquable / oignons nouveaux et barbue / pomme de terre nouvelle / petits pois et sauce beurre blanc précèdent l’élégant pigeon / cerises / navets / blettes. Des assiettes à la maîtrise impeccable, modestes et élégantes, peut-être un brin trop paisibles parfois, en trois temps le midi et en cinq temps le soir. Menus sanctifiés par une carte des vins au vivant bien prononcé.

TOMY & CO 22 RUE SURCOUF, 75006

eater.space/tomy-co 01 45 51 46 93 Lundi-Vendredi 12 :15-13 :45 19 :30-21 :30 Menus 27 € (déj.)-47-68 € (dégustation soir uniquement)

Tomy Gousset est un habitué des pirouettes. Alors que le tout-Paris en veut à ses gnocchis (à la truffe), on peut compter sur le jeune chef de 38 ans pour quelques numéros d’équilibriste bien sympa. On se souvient du merlan en croûte d’herbes avec suprêmes de pomelos et endives caramélisées, qui donne dans le rétro avec sa sauce suzette (le soir) et de son cheesecake à l’ossau iraty. Et maintenant, on attend d’aller goûter sa seconde adresse, Hugo & Co, rue Monge dans le Ve.

KGB 25 RUE DES GRANDS AUGUSTINS, 75006

75006

www.zekitchengalerie.fr/kgb 01 46 33 00 85 Mardi-Samedi 12 :00-14 :15 19 :15-22 :30 Déj. 29-36 € / Dîner 55-66 €

À l’automne 2016, s’est ouverte une discrète salle à manger, en plein cœur du Ve, devant l’école Ferrandi. Aux manettes, Antonin Bonnet, oiseau migrateur passé en Aubrac chez Bras, à Londres aux Morton et Green House et déplumé au Sergent Recruteur à Paris. À Quinsou, il renaît via

Ze Kitchen Galerie Bis, deuxième établissement de William Ledeuil joue des « Zors-D’oeuvre » à partager, sorte de mezzes à la sauce asiatique et aux notes épicées de gingembre, piments de toutes contrées, citron vert, coriandre ou combawa. Comme dans cette interprétation de la bouillabaisse à la thaïe – un cabillaud très agrume et citronnelle avec des lentilles et un bouillon épicé à la soubressade. Une belle composition pasta s’inscrit quotidiennement à la carte, même si depuis

QUINSOU 33 RUE DE L’ABBÉ GRÉGOIRE,

Quinsou.business.site 01 42 22 66 09 Ouvert du mardi soir au samedi Menu 33 € midi / 48 € ou 65 € le soir

114

GUIDE 2018

l’ouverture de Kitchen Ter(re) c’est plutôt du côté du boulevard Saint-Germain qu’il faut aller chercher le blé dur façon Ledeuil.

ZEGALERIE KITCHEN 4 RUE DES GRANDS AUGUSTINS, 75006

www.zekitchengalerie.fr 01 44 32 00 32 Fermé dimanche et samedi midi Menus 41-48-72 € (déj.) 85-98 € (dîner)

En général, quand une carte annonce « vinaigrette yuzu, citron caviar », mieux vaut prendre ses jambes à son cou pour éviter la double entorse à l’estomac. Le surdosage n’est jamais loin du dopage, l’effet détergent du yuzu laminant à coup sûr les saveurs environnantes. C’est le drame de l’époque, qui accommode les agrumes pour faire joli sans avoir réfléchi à la bonne posologie… William Ledeuil, lui, y planche depuis près de vingt ans. Laissant les autres loin derrière, il continue d’éprouver dans la cuisine de Ze Kitchen Galerie, cette capacité à intégrer comme personne le style européen, français et la manne asiatique. Ici, la vinaigrette yuzu-citron caviar ne vient pas ravager les papilles, mais révéler un maigre à la chair crue, dont l’onctuosité se trouve rafraîchie par les agrumes. Toute la carte de Ze Kitchen s’articule ainsi dans ce rapport non ambigu entre produits français (cul noir du Limousin, poulette de la cour d’Armoise) et l’aromatique thaïe ou vietnamienne dont William Ledeuil est et restera, le meilleur des agrégateurs.

SAUVAGE 60 RUE DU CHERCHE-MIDI, 75006

01 42 22 17 30 Mardi-Samedi 12 :30-14 :00 18 :30-22 :00 À la carte 25-50 €

Trouver une table si libérée dans un quartier si huppé, qui l’eut cru ? Il est vrai que son aspect mi-cave mi-restaurant joue un peu des tours mais la cuisine qui sort de ce morceau de for-

mica coincé dans un angle pas très droit, épate. Aux manettes, Sébastien Leroy et sa moustache accompagné de Jonathan Schweizer (ex-AT). Quelle prouesse de sortir un carré de cochon et betteraves d’une si petite cuisine, si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi. Textures, couleurs, cuisson, goût. Tout est là pour en faire un grand plat. Les ris de veau suivent la même irréprochabilité. À cela s’ajoute une sélection de vins nature plus juteux les uns que les autres, servis avec bon cœur par Timothy.

VII YOSHINORI E

18 RUE GRÉGOIRE DE TOURS, 75007

www.yoshinori-paris.com 09 84 19 76 05 Lun-ven, sam 19 :00-23 :00 Mar-ven 12 :00-14 :00, 19 :00-23 :00 Dej 35-45 € / Petit menu dégustation 68 € / Dîn. 70-95 €

Ça a failli mal se passer ce déjeuner. Kei, le chef de salle, ne nous a pas compris quand on a dit « Finalement, je serai seule ». Du coup, on a un peu beaucoup attendu cette tranche du formidable pain de Thierry Delabre avec son beurre aux algues et ce petit verre de Fanny Sabre qui nous faisait envie, mais lui ne s’est pas départi de sa grâce, sa zenitude (facile, mais tellement vrai), son sens du service bien exécuté. Bref, on y a passé beaucoup de temps pour un déjeuner en solo, mais sans regrets au final. En cuisine, Yoshinori Morié (ex-Auberge du 15 et Petit Verdot) et son second gardent leur calme aussi. Et pour cause, il en faut pour délivrer ce si précis « chinchard bleu et rouge ». Incisé, cru dessous, marqué à la flamme dessus, mis en scène avec des pousses et herbes à saveurs diverses allant de l’amer à l’acidulé en passant par le shoot d’iode de la feuille d’huître, la petite huile aromatisée au combawa, les pickles d’oignons discrètement vinaigrés (on s’est fait emporter la bouche ailleurs, puisque

le pickles a été le gadjet le plus utilisé et le moins maîtrisé de 2017). La souche calcaire et le nez poivré du merveilleux picsaint-loup de Christophe Peyrus nous a bien planté dans le décor (pierres blanches et poutres blanchies) de la jeune adresse de Yoshi et supplanté hélas ce jourlà la généreuse côte de cochon et ses petits légumes rôtis, marqués. Et, au fait, bonne note : l’eau de Castalie est comprise dans le prix. Ailleurs, on a payé jusqu’à 4 euros pour ça !

RACINES DES PRÉS 1BIS RUE GRIBEAUVAL, 75007

www.racinedespres.com 01 45 48 14 16 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :00 19 :30-22 :30 Samedi 19 :30-22 :30 Menus 29-33 € (déj.)

Le petit dernier de l’empire Lanher signé Racines, mais des Prés. Dans une petite bulle calme, derrière l’église Saint-Thomas d’Aquin, la cuisine ouverte tenue par Alexandre Navarro (ex-Racines 2) rafraîchit, repose, et ramène aux classiques. Poitrine de veau confite 36 heures, carottes fanes, gingembre, citron, joue de bœuf braisée et polenta au grand roux, fraîcheur d’agrumes, mousse fromage blanc, sorbet mandarine et poivre de Timut… Faut y aller.

RESTAURANT PLUME 24 RUE PIERRE LEROUX, 75007

www.restaurantplume.com 01 43 06 79 85 Mercredi-Vendredi 12 :45-14 :15 / 19 :30-22 :15 Menus 25-45-65 €

Métro Vaneau, rue Pierre Leroux, qui s’appelait auparavant rue… Plume. Face à un immeuble Art déco. Environ vingt-cinq couverts au pied d’un comptoir qui cache peu l’activité de Youssef Gastli et de sa fine petite équipe. Ils envoient des assiettes, mignonnes et généreuses au déjeuner. Pour nous, cette fois, du chou-fleur dévergondé d’herbes

aromatiques et de dulse, du veau rosé à souhait avec ses gnocchis tout tendres, une glace au sarrasin surmontant une compote de pomme rôtie et parsemé de crumble de graines. Le tout arrosé d’un familier château de Vaux, pour ce pinot de Moselle qui ne déçoit jamais. On est reparties légères comme des plumes.

douces, de grandes banquettes incitent au laisser-aller et les arts de la table sont élégants. À midi, pour 29 euros, ne passez pas à côté du plat signature de l’Ontarien forgé au Québec à l’école Lawrence : les strigoli à l’encre de seiche, poulpe braisé (un truc de Canadien) et os à moelle. Nous, on a aussi goûté la bacalhau, palourde de Noirmoutier, artichaut, olives vertes, oignons et safran avant de poursuivre avec des gnocchis à la ricotta, morilles, févettes et purée d’ail rôti.

JAÏS 3 RUE SURCOUF, 75007

01 45 51 98 16 Lundi-Vendredi 08 :30-02 :00

CLOVER

Des fois, il n’en faut pas plus pour adhérer totalement à la bistronomie. Une bonne viande, des jus justes, la bouteille nature qui va bien avec (La Cadette et le savoir-faire des Montanet) et les compagnons de table idoines. Alors va pour Jaïs, dans cette prolifique rue Surcouf, servis par un jeune ancien du Repaire de Cartouche et du Bristol, Jaïs Mimoun. À moins de 30 ans, il ne lui a pas fallu longtemps pour faire chavirer un VIIe il est vrai porté sur le plat bourgeois. Son pâté-croûte au cordeau, le soin particulier dans sa sélection de viandes… On vous parle de l’os à moelle rôti et ses figues fraîches ? Prix moyen à la carte : 40 euros.

5 RUE PERRONET, 75007

www.clover-paris.com 01 75 50 00 05 Fermé dim. et lundi Carte 37-47 €

Il sait, c’est comme ça. Sur quelque registre qu’il se place – du très haut de gamme au Grand Restaurant au plus populaire comme ici –, Jean-François Piège sait immédiatement calibrer son offre de cuisine, comme un tailleur donnerait la meilleure des coupes à un trois pièces-cravate. Ni chichi, ni supercherie pour ce Clover, première adresse coup de cœur ouverte avec son épouse Élodie, qui se patine magnifiquement en prenant de l’âge, banquettes et cuisine s’entremêlant presque dans un long couloir, certes, mais ultra-élégant. Car c’est aussi la marque de fabrique JFP, quand la terrine de foie gras, datte et citron de menton taillée haute couture n’en concentre pas moins toute la saveur qu’on attend d’elle, ou quand la volaille jaune des Landes et son riz croustillant, toute mignonne d’aspect dans son savant désossé, ne perd pas une once de son goût de volaille, rehaussé d’un vrai jus de cuisinier. C’est bien simple, les cinq mannequins de la table d’à côté, en oublièrent même leur régime Fashion Week pour se jeter sur un Mille-feuille aux marrons, canon.

CLÉO LE NARCISSE BLANC 19 BD DE LA TOUR-MAUBOURG, 75007

www.restaurantcleo.fr 01 40 60 44 32 Ouvert 7/7 Menus : 29-45-55  €

La bonne affaire des Invalides ? Osez pénétrer un hôtel cinq étoiles et pousser la porte, enfin se laisser ouvrir la porte, de Cléo, pour passer à la table de ce bon Zachary Gaviller (ex-Frenchie, Yard, Saturne…) nichée dans tout nouveau tout beau Narcisse Blanc. Késako Cléo ? Cléo de Mérode, danseuse et icône du début du XIXe, coqueluche des peintres et photographes de l’époque à Paris. Au restaurant, l’effet est cocon. Lumineux certes, mais les couleurs et les matières sont

115

RESTAURANT DAVID TOUTAIN 29 RUE SURCOUF, 75007

davidtoutain.com 01 45 50 11 10 Lundi-vendredi 12 :00-14 :30 20 :00-22 :00 Déj. 50-80-110 € Dîner 110-140 €

Les menus n’ont pas pris un centime, le restaurant ne désemplit pas. Il faut voir dans cette corrélation toute l’intelligence et le métier de David Toutain, qui a su amortir la crise, ne jamais oublier sa clientèle de quartier, sans pour autant désarmer en cuisine. On appelle cela sagesse, maturité et clairvoyance. Toutain est l’un des chefs les plus solides de sa génération, passé le trio PassardPacaud-Gagnaire, devenu équilibriste à Agapé Substance (on se souviendra toujours de la litanie de plats exécutés dans un goulet de deux mètres de long) avant de prendre ses repères chez lui, ici, il y cinq ans. Il avoue n’avoir jamais été aussi bien, posé, sans volonté de démontrer, juste de procurer du plaisir à ceux qui lui font confiance, dans la plénitude de produits qui ont le bon goût de ne pas jouer les faire-valoir mais impriment au contraire toute la technique du cuisinier. Profondeur, textures, immersion en sous-bois : tout est là pour révéler au grand jour une cuisine plus mature que jamais.

LOISEAU RIVE GAUCHE 5 RUE DE BOURGOGNE, 75007

www.bernard-loiseau.com/fr 01 45 51 79 42 Mardi-samedi Menus 42-45-70 € (déj.) Menu dégustation 60-90 €

L’ancienne Tante Marguerite devenue Loiseau Rive Gauche, abrite toujours l’enthousiasme du jeune Maxime Laurenson qui a notamment fait ses armes chez Jean Sulpice. Faisant fi d’un environnement un brin désuet, il plonge au cœur d’une assiette volontiers tournée vers le végétal avec un gros penchant pour l’amertume qui jaillit ça et là entre des griffures qui ne sont pas sans rappeler les lacé-


GUIDE 2018

GUIDE 2018

VIII PIERRE

E

GAGNAIRE 6 RUE DE BALZAC, 75008

www.pierregagnaire.com 01 58 36 12 50 Fermé samedi et dimanche Menu 155 € (déj.)-310 €

Le grand restaurant, Paris VIIIe

rations de Jackson Pollock. De quoi donner envie de passer sur l’autre rive.

L’ARPÈGE 84 RUE DE VARENNE, 75007

www.alain-passard.com 01 47 05 09 06 Fermé samedi et dimanche Menus 145 (déj.)-350-420 €

À ce jour, et sauf erreur de notre part, Alain Passard est le seul chef au monde à posséder trois potagers. À Fillé-sur-Sarthe, au Bois-Giroult et au jardin des Porteaux, près du Mont-SaintMichel, il conduit jusqu’au bout cette révélation légumière qui, sinon la vie, a sauvé sa cuisine à la toute fin des années 90, lorsqu’il décida, de guerre lasse et, selon ses propres mots, de dégout, d’abandonner le carné comme ligne directrice de sa cuisine, lui qui était pourtant – et demeure – le meilleur des rôtisseurs. Les deux pieds dans l’argile, au milieu de ses jardiniers, il a retrouvé l’envie de cuisiner, et fête chaque jour ses trente années d’Arpège, présent à chaque service, la main plus sûre que jamais. Sa cuisine

plus végétale, plus légumineuse que jamais tranche les goûts à vif sans chercher à créer coûte que coûte, réaffirmant à travers les sushis de légumes, ravioles potagères et couscous de légumes, les véritables piliers de son éco-cuisine. On ne recommandera jamais assez le « menu des jardiniers » qui, selon l’humeur mais toujours pour un prix juste (145 €), restitue en une dizaine de stances le meilleur d’une poésie potagère.

116

Cherchez sur YouTube et écoutez en fond sonore Astonvilla pour le plaisir de retrouver la voix d’Alain Bashung récitant avec d’autres (Zazie, Jean-Louis Aubert, Jacques Lanzmann…) un menu complet de Pierre Gagnaire. Cela date de quelques années, mais la poésie demeure intacte comme la litanie obsédante de plats à la fois si fragiles, si éphémères et si tangibles de Pierre Gagnaire qui marque depuis au moins 35 ans – il en a 50 de cuisine – le plus haut niveau de la cuisine mondiale. Créateur lumineux et unique, guide spirituel de tant de générations de cuisiniers, il demeure à 68 ans ce génie à nul autre pareil. Le plus beau, sans doute, c’est que son acharnement à surmonter l’épreuve d’une faillite au mitan des années 90, lui a conféré cette force qui lui permet désormais de rayonner sur une douzaine de restaurants dans le monde entier, de Paris à Las Vegas, de Courchevel à Macao, de Bordeaux à Londres, Tokyo ou Danang. Avec une justesse inouïe, des cuisines réglées pour conserver intacte sa folie, sa vision du goût avec qui personne, non personne, n’est aujourd’hui capable de rivaliser. Allez, une fois au moins dans votre vie – oui pour plus de 600 euros à deux – vous offrir cette expérience où l’intitulé d’une entrée – « grosse huître Tarbouriech, sirop de clémentine, pétales d’oignon doux ; tartare de thon rouge | betterave rouge. Hérisson châtaigne | potimarron, soupe de pomme de terre Marine » – est en soi aussi savant, construit et mystérieux que le « Madame Rêve » de l’irremplaçable Bashung.

NEVA CUISINE 2 RUE DE BERNE, 75008

www.nevacuisineparis.com 01 45 22 18 91 Lundi-vendredi 12 :00-14 :30 19 :30-22 :30 Menus 34-41 €

Habit minimaliste pour la salle, la lumière suffisant à illuminer les visages d’une clientèle-bureau quelque peu blafarde. La cuisine décoince, également. Il faudra suivre l’évolution sans le master du sucré Yannick Tranchant, et avec une Beatriz Gonzalez qui se diversifie (elle est aux manettes du restaurant de la nouvelle Grande Épicerie de Paris, à Passy). Mais on reviendra goûter les gnocchis, déclinés depuis nos souvenirs à la châtaigne, à la marjolaine.

LE GRAND RESTAURANT 7 RUE D’AGUESSEAU, 75008

www.jeanfrancoispiege.com 01 53 05 00 00 Fermé samedi et dimanche Menus 85 (déj.)-216-266 € Carte 200-350 €

À quoi reconnaît-on un très grand chef ? À sa capacité de se mouvoir sur une longue période, sans jamais perdre de vue ni son style ni le sens qu’il peut revêtir dans son époque. Jean-François Piège est de ceux-là, parmi les rares, à parfaitement combiner une tension interne dans son propre travail – comme une corde créative puissamment tendue depuis nos premières rencontres avec lui au début des années 2000 – avec le relâchement qui, partout, apparaît dans les restaurants. C’est ainsi qu’il est debout, ce jour-là, tout sourire, totalement décontracté dans cette salle à la beauté aussi étrange qu’un œuf de Fabergé qu’on aurait enchâssé dans un bloc de béton à la Corbusier. Monolithe, tel qu’apparaît sur table un parallélépipède rectangle, les « langoustines de belle taille cuites dans du beurre noisette, une marinière liée à la fleur de capucine », bijoux marins à la croque juteuse mais pour l’instant cachée par ce qui semble être une plaque cassante et blonde : ce sont les pinces deve-

nues minces feuilles puis soufflées comme on le fait ailleurs d’une peau de cochon. Textures, profondeurs, croustillance, tout est là, souligné par l’anjou blanc de Thibault Boudignon qui délivre une aromatique anisée de badiane, d’une inexplicable préciosité. Puis vient dans un somptueux plat de cuivre ce qui semble au premier coup d’œil n’être qu’un riz blondi sous la salamandre. C’en est ! Dans la catégorie de ces « mijotés modernes » dont le chef a fait sa signature. Ici, des légumes de pleine terre mijotés sous une croûte de riz blondie, passant du plat de service à l’assiette en prenant toutes les précautions pour que le croquant jubilatoire ne soit pas écrasé par les légumes – asperges, carottes, fenouil, petits pois – gorgés de sucs et d’un jus concentré des écorces de légumes tellement puissant qu’il évoque un fond de gibier. Jean-François Piège dit : « les asperges n’étaient pas belles cette année. » On pense simplement : voici l’un des plats les plus flamboyants de l’année, par un très grand chef d’un très grand restaurant.

LE GABRIEL 42 AVENUE GABRIEL, 75008

www.lareserve-paris.com 01 58 36 60 50 Samedi soir-Vendredi 12 :00-14 :30 / 19 :00-22 :30 Menus 95-115-155 (déj.) 195-250 €

La table de la Réserve, palace au prestige encore discret, va bien à Jérôme Banctel, qui joue toujours sa partition mixte, entre le classique appris chez Constant, Pacaud et Senderens et sa touche personnelle, que nul ne lui nie. La carte s’est étoffée d’une offre déjeuner en trois plats pour 95 euros, sur laquelle on trouve une terrine de gibiers et des betteraves au raifort, de la canette de Challans et une raviole de lièvre à la royale, et un agrume bio, biscuits matcha et crème de praliné. Un access palace tout trouvé.

les rythmes du carnaval de Rio et le chef brésilien dans la petite cuisine ouverte nous acclimatent à la carte blanche qui change selon les saisons. Rafraîchis par une caïpirinha, on commence par exemple avec un tout fin croustillant de tapioca au tartare de courgette et piment cheiro servi sur un petit socle en bois, et un bouillon de champignons d’Amazonie au piment baniwa. Les deux variétés n’ayant pas grimpé les échelons de Scoville, on continue avec un saumon mariné sur quinoa noir, aux perles de tapioca et coco, une émulsion de haricots noirs (un « caldinho de feijão » plus raffiné) à l’huile d’olive et à l’orange, et avec une bavette accompagnée de haricots « yeux noirs » (les fameux « black-eyed peas ») et la si attendue farofa (la farine de manioc frite). Le chef propose également un accord mets et vins ou une courte et puissante carte de vins, abordable et à consonances française et sud-américaine. Si vous êtes fan de barbecue brésilien, tentez la nouvelle adresse du chef, Maloka Fogo e Brasa (1 bis, rue Augereau, Paris VII).

LE MERMOZ 16 RUE JEAN MERMOZ, 75008

01 45 63 65 26 Ouvert du lundi au vendredi Soir : bar à vin + petits plats Carte 33-40 €

La recommandation vient de Pascal Barbot… Difficile dans ce cas de ne pas rendre visite à la jeune Manon Fleury qui officie aux fourneaux de ce tout nouveau néo-rade à deux pas des Champs-Elysées, dans ce VIIIe qui était le quartier privilégié de la restauration... en 1990 ! L’ancien Mermoz a gardé sa belle devanture de brasserie, l’intérieur a de la gueule, joliment ripoliné mais avec aspérités. L’équipe est jeune, investie, compétente et le déjeuner fait mieux que jouer les faire-valoir. Après quelques jours d’ouverture, la bonite marinée/clémentine Tangeli/fenouil bronze (12 €), les coques, sauce vierge coriandre (8 €), le cabillaud nacré/chou cabus/sésame grillé (19 €) faisaient déjà un joli succès, parce que c’est bien fait, que ça sonne juste. Le pain est bon, la carte des vins courte mais nature. Le soir, du lundi au vendredi, le Mermoz ouvre dans une configuration bar à vins et petites assiettes. Toutes signées Manon Fleury. À suivre !

RESTAURANT ENCORE 43 RUE RICHER, 75009

01 72 60 97 72 Lundi-Vendredi 12 :15-14 :00 19 :30-21 :30 25-65 €

IX MALOKA ALMA E

Dans la très courue rue Richer, Franck Aboudarham (exFrenchie) continue de se faire remarquer. Encore et sa large baie vitrée, sa déco industrielle, propose une cuisine simple et efficace. Des assiettes faisant la part belle aux produits méticuleusement sourcés et valorisés comme le tartare de chinchard, orange et céleri à la fraîcheur saisissante ou ses tomates anciennes au goût détonant / pastèque / framboise. Sobre et tellement juste, le tout pour 25 euros entrée / plat ou plat / fromage ou dessert et 30 euros pour la complète. Des prix qui permettent de se lâcher avec de jolies quilles, au verre ou pas, tout aussi bien sélectionnées que le solide.

BRASILEIRA 28 RUE DE LA TOUR D’AUVERGNE, 75009

www.malokaparis.fr 01 45 23 99 13 Ouvert du mardi au samedi soir (18h-22h30) Menu découverte 36 € Accords mets et vins +19 €

Dans ce petit coin brésilien de Pigalle, le carioca Raphael Rego sert à une vingtaine de clients l’essentiel de son pays natal pimenté par des produits importés de l’Amazonie. Le décor forestier,

117

RICHER 2 RUE RICHER, 75009

www.lericher.com 09 67 29 18 43

Deuxième adresse de Charles Compagnon, le Richer reprend la rengaine du troquet-bobo, à la fois brut et confort, avec briques apparentes, canapé en cuir, grand bar de fond et feel good vibes. Du p’tit déj Granola / Café Coutume au dîner entre potes du quartier – hipsto-bobo, cela va sans dire – le Richer anime ce coin de la rue éponyme à toute heure. Cantine maline avec des plats bien faits, bien pensés, à l’audace sage mais sympa : carottes rôties au foin, en purée et pickles, brioche vapeur façon bao régressif et risotto, shiitake, parmesan à la cuisson impec et citrons confits entiers qui énervent le crémeux, contrecarrent le laitage. Du dessert régressivo-healthy avec le cheesecake plus fromage que gâteau, sorbet huile d’olive et un baba quatre épices, ricotta miel rhum, quetsches entières et en glace, bien relevé et tout frais. Un refrain déjà-vu mais rassurant à arroser d’un bourgueil Jour de Soif de chez Gauthier.

ORTIES 24 RUE RODIER, 75009

www.orties-restaurant.paris/ le-restaurant 01 45 26 86 26 Fermé le lundi Menus 32-55 € / Carte 8-20 €

Il avait à peine ouvert qu’on s’y est allé. Parce que Thomas Benady est un garçon qu’on apprécie et dont la cuisine nous a séduit à la Machine à Coudes à Boulogne-Billancourt. Dans cette rue Richer gavée d’enseignes plus ou moins tape-à-l’œil, il a pris de gros risques, lui le discret, le modeste, le tout calme. Mais, attention, Orties ne s’appelle pas Orties pour rien. Ça pique, et ça soigne, clame l’enseigne. Orties traduit surtout sa fidélité à la nature (jusque dans le verre). Le sourcing est son credo. Thomas Benady privilégie la provenance directe de producteurs français, d’éleveurs, maraîchers et vignerons respectueux de


GUIDE 2018

leur environnement, travaillant bien souvent en biodynamie ou permaculture. Du coup, dans l’assiette, qu’il pense au jour le jour, en fonction de ses produits. Il faut ensuite se concentrer pour saisir la justesse de sa cuisine. Toujours aussi fort avec les poissons, il nous a fait manger du pigeon (alors que bon… ce n’est pas vraiment ce qu’on préfère, voire ce qu’on évite quand on a le choix) et reposé l’âme dans son décor tout épuré, tout zen et sa profusion d’herbes et pousses sauvages. On reviendra encore et encore, saison après saison, d’autant que désormais on peut faire un stop en face, dans sa cave épicerie faire le plein de nature.

LE PANTRUCHE 3 RUE VICTOR MASSÉ, 75009

01 48 78 55 60 Lundi-Vendredi 12 :30-14 :30 19 :30-22 :30 Menus 36 € / Carte : 9-21 €

Le Pantruche affirme son côté brasserie parisienne dans son décorum : banquettes de cuir rouges, tables et comptoir bistrot parigot. Les assiettes, elles, oscillent entre classicisme (le soufflé au Grand Marnier en dessert se pimpe de caramel au beurre salé, les gnocchis sont généreux sous des girolles mastodontes) et créations bien pensées comme ce tartare de veau et moules de bouchot réveillé par une huile verte ou encore l’autre dessert : mousse au chocolat et biscuit sarrasin rafraîchie par une subtile glace au foin. Ce sont Franck Baranger (en cuisine) et Edouard Bobin (en salle), les responsables de ces bons moments passés ici, ou dans l’une de leurs autres adresses : Caillebotte et Belle Maison, leur petite dernière. Mais ils la jouent discrets et pour cause : la cuisine, loin des modes éphémères de l’est parisien, parle d’elle même.

CAILLEBOTTE 8 RUE HIPPOLYTE LEBAS, 75009

01 53 20 88 70 Fermé le week-end

Bistrot de quartier à midi et table de copains amoureux le soir, l’une des adresses de Franck

Baranger – Edouard Bobin fait partie des valeurs sûres. Des assiettes qui ne trichent pas – canard à peine saisi / purée de carotte / pickles carottes blanches ou soupe butternut / anguille fumée / œuf au plat au jaune à la cuisson sublime – à l’image du chef et de l’homme de salle. Pas de surfait, mais du connu français à la maîtrise parfaite, qui replace le goût et le produit au centre. Un incontournable à moins de 60 euros le soir.

GUIDE 2018

lunch ou quelques snacks et on peut même se faire livrer tous les plats des trois adresses chez soi, le soir, via la start-up du patron, Chaud chaud chaud. En cuisine, Adrien Bouchaud et Romain Lamon travaillent leurs produits chouchous : le veau qui arrive en tartare à la menthe, léger, ou la canette qui semble les inspirer au gré des saisons – cet automne elle était rosée, avec son jus caramel rappelant les dattes et les poires rôties en accompagnement.

BELLE MAISON

LE MORDANT

4 RUE DE NAVARIN, 75009

61 RUE DE CHABROL, 75010

www.restaurantbellemaison.com 01 42 81 11 00 Mardi-Samedi, midi et soir

09 83 40 60 04

Gouzy, son second, ne changent pas de cuisine. Des plats sans prétention avec des produits de qualité et de saison. Des légumes grillés par-ci et un bouillon parlà. Et toujours ces cuissons bien exécutées : Prince de Bourgogne, sauce suprême et châtaigne avec une formidable crème de céleri-rave et des salsifis grillés sans fausse note aura marqué notre repas. Maxime n’a pas varié non plus en salle, toujours aussi jovial, soit la signature du Galopin, et de sa petite sœur la Cave à Michel, à quelques pas.

ABRI

cio Zillo continue à dégainer une cuisine sincère et juste. Des assiettes à l’esthétique infaillible, aussi brutales que réfléchies se succèdent dans un 4 ou 6 temps au déjeuner ou au dîner. La seiche/langue de veau/poivre long frais/limone del Gargano et Bella di Cerignola fumée mise sur l’équilibre sans faute terre/mer et oscille entre le suave du lacté et la vivacité de l’agrume. Un sans-faute jusqu’au dessert qui joue lui aussi le 20 sur 20 : fraises, datterino de Sicile, argouse, feta et géranium rose. Bref, Omnivore l’avait pressenti : A Mère monte, monte, monte et reste coup de cœur.

92 RUE DU FAUBOURG

Le dernier du triptyque du duo Franck Baranger et Édouard Bobin, légèrement ombragé par le second, Caillebotte, prend le large. Des fruits de mer encore gorgés d’eau de mer, des poissons crus, cuits, entiers ou en filet, signent un menu hautement salin. Un plateau de fines creuses, des moules cuites au Noilly Prat et à l’oseille, des sardines fumées et ail noir partagent une table étroite sur fond de patchwork de céramiques bleutées. S’ensuivent le poisson entier et la pièce de viande pour les moins puristes. À ceux-ci, s’accorde une carte de vins vaguant entre blanc et rouge, pour prouver que le poisson s’amourache aussi de quelques tanins.

Faut aimer. La sono qui empêche souvent d’entendre la conversation de sa propre tablée, le papier peint floral, les luminaires mi scandinave, et la chaise sixties disparate à outrance. Mais Lucas Blanchy et son équipe y sortent des assiettes vivantes et bien faites. Quelques régressives frites de patates douces, boudin noir frit et sauce yaourt ou buffala fumée que les copains étalent sur les larges tranches de pain avant de fondre sur un agneau où le fruit macéré réchauffe. Cuisson impec de la viande qui s’arrose d’un généreux rouge du Sud pioché dans la foison de quilles de la maison. Car le Mordant fait of course bar à vins, le taulier étant avant tout sommelier. De quoi faire le plein de bohèmes bien mordus !

LE GALOPIN

X 52 FAUBOURG E

34 RUE SAINTE-MARTHE, 75010

Ouvert du lundi au vendredi, midi et soir Menu 58 € / Carte 11-30 €

SAINT-DENIS 52 RUE DU FAUBOURG SAINT-DENIS, 75010

www.faubourgstdenis.com

À l’épicentre de la vie de quartier du Xe arrondissement, la dernière adresse de Charles Compagnon (Le Richer, L’Office) est devenue un point de rendez-vous. En service continu, on s’y pose pour un cafépetit déjeuner – café torréfié maison (batch « Compagnon ») –, on y reste pour un

118

Voilà presque sept ans que les frères Romain et Maxime Tischenko ont posé leurs valises sur la place Sainte-Marthe, et ils se décident enfin à changer de formule. Fini le menu unique en sept temps rédigé à l’écriture écolière sur une feuille volante, place aux plats à la carte. Un soir de janvier, une feuille cartonnée pliée en deux annonce quatre entrées, quatre plats, une assiette de fromage et deux desserts. Le Galopin revisite sa formule mais Romain et Jason

POISSONNIÈRE, 75010

Ouvert du lundi au samedi Menu 26 € (déj.)-52 € (dîn.)

LES ARLOTS 136 RUE DU FAUBOURG POISSONNIÈRE, 75010

Il faut s’armer d’une patience infinie pour réussir à réserver l’une des vingt chaises de ce restaurant de poche. Mais ça en vaut toujours la peine, tant Katsuki Okiyama formé chez Robuchon, au Taillevent et à l’Agapé Bistrot, offre une palette de cuisine aussi vaste que prodigue. Un chemin tracé dans la rigueur, qui lui a appris mesure, contrôle et création, un touché tout en douceur comme cette dorade cru-cuite où la chair de poisson s’évanouit presque en bouche sur le pamplemousse, céleri et miso, doux balancement entre le Japon et une acidité qu’on ne connaît pas forcément dans la cuisine du Levant. Bémol : le soir, la formule est désormais au menu unique, on peut le regretter tant la carte offrait précédemment cette liberté qu’un lieu comme Abri semble naturellement inspirer. Mais on revient, quoi qu’il en soit, pour découvrir une fois encore un répertoire d’un savant cosmopolitisme.

A MÈRE

01 42 82 92 01

Un bel hommage à la cuisine française traditionnelle travaillée avec délicatesse et générosité. Pas inconnu des fourneaux, Thomas Brachet (ex-Beef Club, ex-L’Ebauchoir), aux manettes, cultive une trace de ses parcours et réveille le traditionnel néobistrot : un lieu chaleureux où la cuisine y est bonne et copieuse, et où les vins, sélectionnés par Tristan (ex-Siffleur de Ballons), coulent à flots sans noyer votre portefeuille. On se laisse emporter par le pâté-croûte aux quatre viandes servi avec des pickles de légumes, et l’œuf meurette avec un œuf parfait et des allumettes de lard qui assaisonnent la sauce, comme de bien entendu. L’assiette en ressort propre. En plat, on s’abandonne sur le fameux saucisse maison-purée ou l’entrecôte avec une croûte craquante et goûtue, enrobant une chair tendre et à peine touchée par le feu. Aux grands estomacs, un fromage ou un dessert ; aux autres, la délectation d’un morceau par-ci, d’une gorgée par-là.

49 RUE DE L’ÉCHIQUIER, 75010

www.amere.fr 01 48 00 08 28 Menus 28 (déj.)-36-65 € Carte 45 €

EELS 27 RUE D’HAUTEVILLE, 75010

Prix Omnivore 2016 de l’Ouverture 2016, A Mère reste une des meilleures table de la capitale. Au cœur du très néo-bistronomique Strasbourg-Saint-Denis, Mauri-

restaurant-eels.com Menu 57 € / Carte 40-60 €

çaise ? Un tropisme particulièrement attaché à ce poisson des cours d’eau du Sud-Ouest ou bien une propension à filer entre les doigts sans jamais se faire attraper ? Pas sûr qu’Adrien Ferrand ait songé à l’un ou l’autre en ouvrant, après avoir été le chef du KGB de William Ledeuil, ce néogastro ou gastro-bistrot. Eels est néanmoins plein de malice et a su trouver en quelques semaines un public large attiré par la perfection formelle d’un lieu qui réunit tous les codes et la pondération d’une carte qui donne du plaisir sans forcément prendre de risques. L’anguille fumée, thé matcha et sauce vierge au kiwi a naturellement pris la place du plat iconique, réhabilitant d’un coup poisson et fruit tandis que la poitrine de cochon confite joue intelligemment du poireau grillé des noix de cajou et d’un condiment saté. Le meilleur, on n’en doute pas, reste à venir.

VIVANT

Eels, Paris Xe

43 RUE DES PETITES ÉCURIES, 75010

www.vivantparis.com Ouvert à dîner du lundi au vendredi

MAMAGOTO

Sitôt la parution de ce guide, l’équipe de Vivant aura dupliqué quelques mètres plus loin pour ouvrir le tant attendu Déviant, après neuf mois de retard dus à quelque procédure dont Paris a le secret. Chez Vivant, les deux plaques de ménagère seront remplacées par un fourneau, le comptoir sera agrandi, les dernières tables ratiboisées pour donner encore plus de possibilités d’expression à Pierre Touitou, à qui Omnivore remit l’an dernier le prix de la Jeunesse. Avec sa jeune équipe et son sommelier Clément Jeannin, ils forment l’une des teams les plus attachantes et les plus engagées de Paris, mettant chaque soir sur le comptoir leurs guts pour exprimer avec franchise les beaux produits sourcés avec minutie dans une forme de cuisine totalement freestyle et épanouie. À très vite, donc, pour deux expériences nouvelles.

Que se cache-t-il derrière Eels, « l’anguille » en version fran-

119

5 RUE DES PETITS HÔTELS, 75010

www.mamagoto.fr 01 44 79 03 98 Mardi-Vendredi 12 :00-14 :30 Mar-Sam 19 :30-23 :00 Carte 50 € (prix moyen)

Malgré sa consonance nipponne, le Mamagoto ne s’affiche pas dans la catégorie des tables japonaises. Un peu excentré de l’émulsion culinaire parisienne, Thomas Loustau (Chez Gaff dans le VIIe), Guillaume Cazier en salle et Koji Tsuchiya ont ouvert, non loin de la gare de l’Est, une petite table excitante. Assiettes à partager de produits français rehaussés de pointes japonaises s’accordent à merveille avec la liste des vins nature. Tartare de bœuf, anchois et épinard, seiche au vin rouge et chou blanc filderkraut, cœur de canard, orange sanguine et chou kale pourpre, lieu Jaune du Finistère, jeune blette et céleri-rave, sauce sabayon de crabes.

XI BOTANIQUE E

71 RUE DE LA FOLIE MÉRICOURT, 75011

botaniquerestaurant.com 01 47 00 27 80 Menus 28-38-68 € (déj.) 85-120 € (dîner)

Un grand cuisinier classique navigue entre les deux étages de Botanique, tantôt dans la formule bistrot du rez-de-chaussée, tantôt au gastro, le soir, au premier étage. On s’y perd toujours un peu dans les ouvertures mais Sugio Yamaguchi, lui, suit son cap et son intransigeance qui le poussent à toujours revenir sur les grands classiques de la cuisine française – en dehors d’un beau volet légumier – qu’il aime tant explorer comme avec ce SaintPierre enrobé de pomme de terre, artichaut farci au bouillon de marinière qui sonne son Escoffier dans le texte. À moins que ce ne soit la saison des gibiers et qu’il ne propose à la dégustation une


GUIDE 2018

GUIDE 2018

tourte magnifique de justesse. Ça tombe bien, la cave d’Alexandre Philippe, le jeune patron, regorge de prestigieuses étiquettes qui se combinent à merveille avec le style rigoureux de son chef.

CLAMATO 80 RUE DE CHARONNE, 75011

01 43 72 74 53 Mercredi-Vendredi 19 :00-23 :00 / SamediDimanche 12 :00-23 :00

FULGURANCES 10 RUE ALEXANDRE DUMAS, 75011

www.fulgurances.com 01 43 48 14 59 Mardi-vendredi Menus 19-25 € (déj) 48-58 € (dîn.)

L’attachant duo Sophie Cornibert et Hugo Hivernat poursuit son travail de programmateurs éclairés de la nouvelle génération, mettant en avant dans leur concept unique de restaurant-jeune scène vivante, tous les six mois peu ou prou, un nouveau chef désireux de se faire connaître avant d’ouvrir son propre restaurant. On y croisa Chloé Charles, ex-Septime, Tamir Nahmias passé par Frenchie, Rose Greene qui chemina durant quatre ans avec Kobe Desramaults à In de Wulf et plus récemment Sam Miller, ancien second de René Redzepi au Noma. Inutile donc de redire que de rares moments se créent dans cette énergie participative. La saison 2018 ne vient-elle pas de débuter avec le déjà très mature Peter Pihel qui fut le chef du Pädaste sur son île de Muhu en Estonie avant de devenir le second de Magnus Nilsson à Fäviken ? Prenez votre abonnement !

Monokuts, Paris XIe

japonaise comme le carpaccio de veau relevé par un espuma de moules et miso ou les bulots en bouillon, shungiku (pousse verte asiatique) et girolles. Leur succèdent une valse de plats automnaux et parfaitement exécutés comme le pithiviers de pigeon et foie gras, carré d’agneau au fondant impeccable, carottes et granola ou lotte juste poêlée, cèpes, fenouil et chou pak choi. Dans le verre, le bistrot joue la carte nature à fond avec une sélection pointue, entre petits plaisirs (Jean-François Ganevat en Jura ou Binner en Alsace) et coups de folie (Pierre Overnoy, Meursault 1er Cru Charmes de Philippe Pacalet en Bourgogne ou Pur Sang de Dagueneau en Loire).

mel en cuisine (ex-Le Passage, Saturne), travaille des produits impeccables sans les dénaturer. Les gnocchis sont à la sauge – dosage millimétré et réconfort au rendez-vous – s’accompagnent d’un Ganevat vieilles vignes qui sied également le délicat combo mulet-poutargue. En dessert, un moelleux aux châtaignes tout en rondeur qui clôt un repas généreux et juste, en cuisine comme en salle.

6 PAUL BERT 6 RUE PAUL BERT, 75011

01 43 79 14 32 Mardi-samedi soir Menu 48 € / Carte 40-60 €

Les chefs s’y succèdent et le bistrot de Bertrand Auboyneau ne change pas et reste un repaire. Aux manettes depuis la rentrée 2017, Hideo Uemura renoue avec les débuts asiatisants dudit bistrot (Kosuke Tada y a œuvré pendant un an). L’ancien menu en 6-7 services laisse place à un quatre temps ou à la carte (ce qui n’est pas pour déplaire) d’une générosité bien marquée. Des assiettes chauvines à consonance

VANTRE

BRUTOS 5 RUE DU GÉNÉRAL RENAULT, 75011

brutosparis.com 01 48 06 98 97 Fermé lundi, mardi Carte 50 €

19 RUE DE LA FONTAINE AU ROI, 75011

www.vantre.fr 01 48 06 16 96 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :00 20 :00-22 :00 Formules 16-19 € (déj.) Dîner 45 €

L’adresse est ouverte par un sommelier et pas des moindres : Marco Pelletier, érudit ex-Bristol. Changement de décor pour lui donc dans ce Vantre qui se veut bistrot, moins guindé, on en redemande. Iacopo Cho-

120

Lettres d’or sur façade noire, briques et pierres apparentes, vins nature et grill au bois : tous les codes du mangeur moderne se retrouvent dans ce Brutos qui ne manque pas pour autant de caractère. Le pain à l’ail ouvre l’appétit, on en reprend d’ailleurs tout comme on se laisserait bien aller deux fois sur la délicieuse friture d’éperlans avant de glisser sur le curieux tapioca au parmesan, sauce goyave et piment doux – l’ADN de Brutos se situe, on l’aura compris en Amérique

du Sud. Mais c’est sur la bidoche que Brutos est la plus forte, des viandes maturées, à partager à deux, trois ou plus, pour des prix alignés sur la qualité. De la basse côte Angus à la braise et frites maison (25 €, c’est cadeau), nous ne fîmes qu’une bouchée, brutale.

AU PASSAGE

Il est à peine 18 heures, les cloches dominicales résonnent dans l’air frais légèrement glaçant. Les quelques Parisiens habitués et voyageurs curieux affluent, couverts de couches superposées, dans la chaleur réjouissante du Clamato. Il est à peine 18 heures et les tables sont presque toutes prises. Le mélange des discussions diverses, le tintement des verres et fourchettes dans les assiettes en métal harmonisent un fond sonore musical. Les serveurs régalent la salle, assiettes de coquillages ou jus nature en main. Huîtres et coques avec un Partida Creus VN Vinel, poulpe grillé et ceviche de lieu jaune accompagnés d’un Phénix du domaine de Geschickt. Alléluia.

LE SERVAN 32 RUE SAINT-MAUR, 75011

01 55 28 51 82 Lundi-Vendredi 19 :30-22 :00 Mardi-Vendredi 12 :00-14 :00 Carte 35-60 €

1BIS PASSAGE SAINT-SÉBASTIEN, 75011

01 43 55 07 52 Lundi-Samedi 19 :00-23 :00 Carte 35-55 €

Il y a des lieux comme celui-ci. Des indispensables, des petits bouts de comptoir où on sait qu’on sera toujours bien reçu. Au Passage en est un. Un bistrot bonne ambiance où les assiettes jaillissent de la cuisine et où les quilles à prix plus que raisonnables goûtent le nature français. Une cuisine de saison qui souligne dignement les produits dans des petites assiettes à partager. L’indispensable maison : l’épaule d’agneau à la peau craquante et à la chair fondante pour quatre. À cela s’ajoute des plats de champignons (girolles, cèpes, jaune d’œuf et capucine), de légumes, un tartare de veau ou un poisson cru de la pêche du jour. Le menu change régulièrement, mais le plaisir ne varie pas.

Le Servan est sûrement la définition parfaite du néo-bistrot par excellence. Un lieu dans lequel on se sent bien, sans trop de chichi, avec un service parfait, décontracté et discret, et une cuisine pleine de relief, de saveurs et d’enthousiasme. La double culture mi-française mi-philippine des sœurs Levha, apporte toute cette fraîcheur à une carte courte, ouverte et gorgée de plats de provenances diverses. On y trouve du piment, des acidités subtiles et des sauces qui poussent à se lécher les doigts (on vous parle ici des chicken wings frits et des wonton de boudin noir accompagnés d’une sauce aigre douce gélatineuse). Les plats, à partager si ça vous chante, sortent de la cuisine rapidement. Un rythme agréable qui fait en sorte qu’il y a toujours un bout à manger, un morceau de pain à tremper ou autre frivolité. L’œuf pané frit apporte la touche craquante aux champignons

– chanterelles et pieds de mouton – que la crème de fromage au curry et le jaune d’œuf enrobent avec une certaine consistance. La mâche n’en est que plus délicate avec ce mélange de textures. Le carré de cochon fermier rôti reste le plat le plus apprécié de la carte. Les deux morceaux proposés montrent une cuisson parfaitement maîtrisée pour garder l’onctuosité de la chair, la délicatesse du gras et la peau croustillante pour un trio très agréable en bouche. À cela s’ajoutent les carottes cuites au piment doux pour une association légèrement sucrée appuyée par le beurre de cacahuète maison pâteux qui lie le tout. Un très beau plat que le Fleurie 2016 de Jean-Louis Dutraive épouse humblement. Le gamay reste un miracle avec les épices. Un mariage qui apporte force au vin en rehaussant les épices du cépage et délicatesse et alliance aux plats en diffusant les épices sur l’ensemble des saveurs. Le graal, le Paris-Brest qui est juste remarquable. Une pâte fine, croustillante et pas trop sucrée pour accompagner simplement la grosse quantité de crème à la noisette dont la tenue, l’onctuosité et le goût sont parfaitement maîtrisés.

et foie gras ou d’un bar/chou vert et coques qui fut presque l’un des meilleurs plats de l’année écoulée. Ne nous déçoit pas, petit Clown, s’il te plaît !

MOKONUTS 5 RUE SAINT-BERNARD, 75011

Lundi-Vendredi 8 :45-18 :00 Carte env. 40 € Café env. 3,50 € Cookie env. 2 €

C’est toujours avec le même plaisir que nous sommes retournés chez Moko et Omar, dans leur restaurant du XIe. En 2017, le couple nous avait séduit avec sa cuisine délicate et son accueil chaleureux. Un an plus tard, on est rassurés : ceux qu’Omnivore a récompensé du prix de l’Ouverture valent toujours le coup. Omar propose toujours ses plats raffinés et délicats dans une carte réduite qui évolue au fil des saisons et du marché. Ce midi-là, nous avons commencé par un labné bien crémeux, zatar et tomates confites, que l’on mange avec les petits pains chauds de Moko. À partager ou pas, cette entrée vous transporte directement dans le Liban natal d’Omar. Nous avons poursuivi avec une sole meunière fondante et savoureuse, accompagnée d’un tahini et d’une salade de mâche qui apporte toute la fraîcheur au plat. Et on ne conseillera jamais assez de déguster ou d’emporter les délicieux cookies de Moko. Le sésame/miso ou le chocolat/ graines rend addict.

CLOWN BAR 114 RUE AMELOT, 75011

www.clown-bar-paris.com 01 43 55 87 35 Fermé lundi et mardi Carte 30-50 €

Sota Atsumi était sur le départ au moment de boucler ce guide. Celui qui marqua les belles heures du Clown Bar va forcément un peu lui – et nous – manquer, mais connaissant Sven Chartier et Ewen Lemoigne, les deux associés de Saturne et de ce bistrot magnifiquement restauré à deux pas du Cirque d’Hiver, on est à peu près certains de retrouver la même veine de cuisine. C’està-dire un jonglage permanent et en toute élégance entre un répertoire de tapas à la française revu et corrigé (chinchard et poireaux vinaigrette, l’incomparable cervelle de veau vapeur à la vinaigrette tosazu) et, allonsy carrément, quelques-uns des meilleurs plats classiques à Paris à l’instar du pithiviers de canard

XII DERSOU E

21 RUE SAINT-NICOLAS, 75012

www.dersouparis.com 09 81 01 12 73 Mardi-Vendredi 19 :30 – 23 :00 Samedi 12 :00-15 :00 19 :30-23 :00 Dimanche 12 :00-15 :00 Menus 95 € (5 temps)115 € (6)-135 € (7)

Depuis trois ans, la discrète enseigne rue Saint-Nicolas ne

121

désemplit pas. Et pour cause. Précurseur à son ouverture et encore unique à Paris, Dersou accueille chaque soir, face à la cuisine / bar / comptoir, le désormais illustre food & cocktail dialogue. Dans un cinq, six ou sept temps yeux bandés, Taku Sekine trace des assiettes au cordeau (rien de plus normal pour cet Instaking), à la puissance brute et subtile. Un voyage, dont chaque étape est intensifiée par les cocktails d’Amaury Guyot, son associé, auquel on doit aussi l’incontournable Sherry Butt. Un jeu de piste initié par un thon rouge/épinard/ tofu/jaune d’œuf maqué à un gin/ sirop de mangue sancho/noisette/vermouth rosé ; le genièvre réapparaît deux temps plus tard avec poivre de Tasmanie et palo cortado en réponse à un poulpe/ févettes/cébettes/pomme de terre nouvelle. Bref, alors qu’on se croyait lassé du pairing, ces deux surdoués signent un sansfaute. Pure partie de plaisir.

TABLE 3 RUE DE PRAGUE, 75012

www.tablerestaurant.fr 01 43 43 12 26 Ouvert lundi-vendredi et samedi soir Carte 50-90 €

En quelques années, Bruno Verjus est bien devenu le cuisinier le plus élégant de Paris. Pas uniquement pour sa prestance – il porte beau, le bougre, avec son foulard et son vaste tablier derrière ce comptoir en zinc taillé comme une vague déferlante de sa cuisine –, mais aussi pour les prises de positions régulières pour sensibiliser ses contemporains au bon goût, à la défense des producteurs, éleveurs, pêcheurs, sans qui la cuisine ne serait rien. Et si certains pensent s’en passer, lui en fait en tout cas une religion, un territoire inexpugnable à partir duquel sa cuisine rayonne comme peu à Paris. Le prix du « Repaire » décerné l’an dernier pourrait à nouveau s’appliquer en 2018, tant il est évident que Table est un marqueur d’une cuisine aussi limpide qu’exceptionnelle quand l’huître, le caviar et la noisette du Piémont entrent en symbiose, quand un poisson de la meilleure des pêches s’alanguit, à cru, tempéré sous de croquantes


GUIDE 2018

lamelles de melano alliées à des éclats et une huile de pistache exceptionnelle, où quand le Pithiviers remis à l’ordre du jour éclate de brio sous son feuilletage. Intemporelle, passionnée et passionnante : la cuisine au quotidien de Bruno Verjus est une quête inspirante pour tout amoureux du goût.

PASSERINI RESTAURANT 65 RUE TRAVERSIÈRE, 75012 PARIS

www.passerini.paris 01 43 42 27 56 Mardi soir-samedi Menus 24-28-30-34-48 € (déj.) Plats à partager 45 € (pour 2) 120 € (pour 4 selon les pièces)

On a beau y aller plus que souvent, on est toujours ravi. Se mettre dans l’ambiance en écoutant Adriano Celentano pour la route, pousser la porte, l’épais rideau et… trouver ses sourires bienveillants, le rire de Justine. Et Giovanni concentré dans sa cuisine, enfin grande, ouverte. Cette fois, c’est avec une croquette de haddock fumé qu’il nous a scotchées d’entrée. Cécile Macé, son inestimable sommelière a dit de son accent chantant : « Tu manges quoi ? » et comme d’habitude, elle nous a rapporté de quoi sublimer les pasta dégainées par Giovanni. Au thon cette fois… Mais voilà, on ne va pas vous décrire ce qu’il donne à manger comme on stéréotyperait une cuisine, ce serait lui faire offense. Allez chez Passerini pour cette quête de sincérité absolue, prenez l’entrée, la pasta, un plat à partager et sachez aimer simplement ce moment rare de cuisine, écrivait-on déjà ici. Le conseil reste valable.

fort sympa. Puisqu’on avait pris une tangente tradi, va pour l’osso bucco de veau braisé et sa moelle orgasmique. Et le tiramisu de sa mamma, on vote évidemment pour tellement il est léger, peu sucré et pas vulgairement imbibé d’on ne sait quoi. Bref, comme tous ses petits camarades (Arbelaez, Saada et compagnie), Denny essaime, mais y va piano. Histoire de respecter ses traditions, sa cuisine et assurer son coup.

XIII TEMPERO E

5 RUE CLISSON, 75013

www.tempero.fr 09 54 17 48 88 Lundi-Vendredi (déj.) Jeudi-Vendredi (dîn.) Menus 15-30 €

Tempero vaut, dans l’absolu, un passage dans le no man’s land. Car, quand beaucoup donnent dans le même camaïeu saisonnier, le même orange mi-saison, Tempero apporte des odeurs roses, des goûts verts, des souvenirs jaunes. La palette synesthésique des plus rafraîchissantes d’Alessandra Montagne doit, à coup sûr, à ses origines brésiliennes, et peut-être un peu à ses passages chez William Ledeuil et Adeline Grattard.

XV EPOCA E

17 RUE OUDINOT, 75015

epoca.paris 01 43 06 88 88 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :30 19 :30-22 :30 Samedi 12 :00-14 :30 / 20 :0023 :00 / Dimanche 12 :00-16 :00 Midi 20 € Plats 10-20 €

Un midi atrocement humide, pluvieux, venteux comme Paris sait en réserver l’automne arrivé, déguisé en hiver. Un appel au réconfort. Une adresse toute trouvée : la nouvelle table de Denny Imbroisi, qui nous avait déjà beaucoup séduits à Ida, rue de Vaugirard. Rue Oudinot, ce jour-là, Denny n’y est pas occupé à Ida justement, mais Angelo fait passer tout ça crème, exécutant le plat signature comme un grand sous-chef : Carciofi alla giudia comme si on était à Rome, parfaitement frits en surface, moelleux à cœur… Après une polenta panée de bienvenue et son espuma de gongonzola déjà

122

LE QUINZIÈME 14 RUE CAUCHY, 75015

restaurantlequinzieme.com 01 45 54 43 43 Lundi-vendredi 12 :00-13 :30 19 :45-21 :00 Déj. 69 € / Dîner 150-180 €

Ormeaux d’Erquy, truffe noire de Richerenches, lotte de Roscoff, chevreuil sauvage de la Meuse : voilà en quatre produits sur une carte de création d’hiver résumée toute la genèse classique du cuisinier Lignac. La face double de l’homme de télé, littéralement passionné par son métier et que rien ne saurait détourner de l’émotion sincère qu’il ressent face à l’arrogance saline d’un grand coquillage, à la profondeur terreuse d’un diamant noir, à la texture d’un poisson délicat ou à la giboyeuse sensibilité d’une viande de chasse. Le meilleur, rien que le meilleur pour ce Quinzième qui fut son premier restaurant et auquel il tient comme à sa propre histoire. Rien de trop beau pour la cuisine et pour la joie de clients qui ont compris depuis longtemps que la pingrerie n’était pas le leitmotiv de Lignac et que les menus se nourrissaient ici d’un approvisionnement exceptionnel. De quoi passer de très grandes soirées.

GUIDE 2018

XVI ANTOINE E

10 AV DE NEW YORK, 75116

www.antoine-paris.fr 01 40 70 19 28 Ouvert mardi-samedi Menus : 48 (dej) 95-130-180 €

Ultra-marine et ultra-précise : la cuisine de Thibault Sombardier s’ancre sur ces deux amarres, aussi solide que ce diable de jeune chef passé par quelques grands incontournables de la cuisine classique comme Meneau, Dutournier ou Alléno. Un sang impétueux, une âme d’entrepreneur, l’ont conduit ici il y a sept ans dans ce XVIe tout à la fois profus et exigeant. Il a su y imposer son style de cuisine, vif et savamment construit qui n’oublie jamais les coups d’œil vers le grand répertoire – pain de homard devenu référence, salade de truffe noire clin d’œil à « AD » – sans omettre la « saisonnalité » qu’il transcende parfaitement au quotidien à l’instar de langoustines justes saisies et fumées au pin, concession aussi juste qu’inspirée à l’époque. Classique et moderne : la grande réconciliation de Thibault Sombardier.

L’ASTRANCE PRIX DU REPAIRE (P. 88) 4 RUE BEETHOVEN, 75016

astrancerestaurant.com 01 40 50 84 40 Menus 75 € (déj.) – 170-230 €

En faisant du duo Barbot-Rohat, le « Repaire » de son guide 2018 (lire page 87), Omnivore souhaitait modestement tirer un coup de chapeau à l’ensemble de leur œuvre depuis dix-huit années. Une construction aussi patiente que fulgurante, aussi fragile que d’une immense solidité. Car on a beau s’interroger depuis l’ouverture en l’An 2000 au 4 de la rue Beethoven, on n’arrive toujours pas à cerner totalement comment ce moteur parfait n’a pas de raté, comment, sans relâche, Pascal Barbot tourne autour de ses obsessions – la langoustine, l’acidité, la condimentation, le piment,

le floral, le texturé, l’évanescent, le profond – sans jamais se lasser comme un chercheur remet chaque jour sur sa paillasse les précipités recueillis la veille pour tenter le jour même une nouvelle avancée. Dans le grand entretien qu’il nous a accordé (lire page 64) le chef de l’Astrance y répond en partie : l’exigence quotidienne, la volonté inextinguible d’aller au fond des choses. Et ce sentiment – sincère chez lui – de n’être pas encore tout à fait un chef. Cela fait bien longtemps que, de son côté, Omnivore est persuadé du contraire.

LE RÉCEPTEUR 3 AVENUE THÉOPHILE GAUTIER, 75016

lerecepteur.fr 01 42 88 56 46 Tlj. 7h30-22h30

Gyannis, passé de l’ambiance palace à Syntagma, chez lui en Grèce, au bistrot de quartier dans le XVIe, a toujours de quoi régaler. Sept jours sur sept, à côté de la Maison de la radio (« récepteur », vous l’avez ?), avec vue sur le marché de la rue Gros. Son œuf mayo recomposé avec son blanc haché, sa crème relevée de chorizo et de ciboulette, est un must à midi. Quelle que soit la recette, son poulpe est l’un des meilleurs goûtés à ce jour, à Paris. Quant à la cuisson du cabillaud avec sa purée de topinambours et ses champignons séchés, Gyannis la maîtrise aussi bien que celle du cochon qui, lui, est assorti d’une embeurrée de chou rouge. La tarte au citron et ses quartiers d’agrumes relevés de menthe fraîche conclut ce repas sans faute de goût. Dans le verre Sébastien, lumineux hôte à principes sains, sait toujours exactement quoi mettre pour servir la cuisine de Gyannis. Là, il a dégainé un Fusion de Vincent Marie. De gamays d’Auvergne et du Beaujolais et des jus de deux cuves, une à grappes entières et l’autre en macération carbonique. Au palais, une expressivité dingue du fruit, et cette légère perlance qui fait la joie du buveur allergique aux intrants.

Epoca, Paris XVe

XVII CORETTA E

GARE AU GORILLE 68, RUE DES DAMES, 75017

gareaugorille.fr 01 42 94 24 02 Lundi-Vendredi 12 :15-14 :00 / 19 :30-22 :00 Menus 29-39 € (déj.) Tapas 6-12 € / Plats 29-40 €

151 BIS RUE CARDINET, 75017

www.restaurantcoretta.com Ouvert 7/7 12 :30-14 :00 19 :30-22 :00 Menus 25-30 € (déj.) de saison 36-42 €

Marc Cordonnier (ex-Passard, The Kitchen Galerie, L’Agapé) a imaginé un univers simple pour ce bistrot niché dans une jolie rue pavée. Bistrot, Gare au gorille l’est aussi dans l’assiette : l’acidulé d’un chinchard – orange et plumes de raddichio contraste le viandard carré de veau – lardo di colonnata – saint nectaire. Pas de crainte, l’association certes osée est réussie et maîtrisée. En dessert, on retourne aux classiques avec une tarte tatin, bien dosée en caramel et fondante. Le fondant, c’est d’ailleurs le fil rouge de la cuisine de cet antre au gorille qui n’enlève rien à la texture. Côté vins, on est dans le nature avec Louis Langevin qui ose par exemple proposer un verre de Thymiopoulos (JV de Xinomavro, 2015) de la région de Naoussa au nord de la Grèce.

Plus le quartier prend forme, mieux on se sent à Coretta. Au rez-de-chaussée, on a toujours un œil sur la cuisine ; à l’étage on contemple le parc Martin Luther King (dont l’épouse se prénommait Coretta) par les grandes baies vitrées. Et on goûte toujours aussi bien la cuisine de Beatriz Gonzales, malgré le départ de Jean-François Pantaléon, parti ouvrir son Roza à Nantes. Le lieu est toujours aussi engageant avec ses tables en marbre, le mobilier en chêne, les carreaux et le service va tellement mieux depuis notre première incursion. Deux plats qu’on n’a pas raté : le ris de veau croustifondant et la gigantesque brioche cannelle-caramel.

123

PAPILLON 8 RUE MEISSONNIER, 75017

www.papillonparis.fr 01 56 79 81 88 Fermé samedi et dimanche Menus 28-36-75 € Carte 55-70 €

Peu à peu, les tables ont aussi fait leur entrée dans l’annexe d’à côté, le « garde-manger » où Laura Portelli officie derrière le comptoir de ce qui ne devait être d’abord qu’une épicerie de quartier. « Mais on a mis la terrasse, les gens ont pris leurs habitudes, et on ne peut pas les laisser manger dehors en hiver ! » Alors les tables ont été collées-serrées pour une vingtaine de couverts. Et quand ça déborde, il n’est pas rare qu’on installe un client de l’autre côté du mur, à Papillon. Christophe Saintagne, le compagnon de Laura et patron du lieu, de toutes façons passe indifféremment de la trancheuse à jambon de l’épicerie à la rutilance du fourneau de son restaurant. Papillon et son annexe sont donc l’aubaine de tout un quartier, qui se presse en nombre et sans se tromper. Car il y a dans la cuisine des deux lieux, cette chaleur sincère qui bouleverse. Sur la carte de Papillon, de puissantes ravioles de canard, poireaux et bouillon aux épices à vous réconcilier d’une journée pourrie, plus tard, ce caneton de


GUIDE 2018

GUIDE 2018

toires d’Isabelle Grapotte, propriétaire des lieux et revendeuse de saumon et caviar.

VAVA 42 RUE VÉRON, 75018

01 53 41 15 40 Mar.-ven. 12 :30-14 :30 9 :30-23 :00 Plats 18-30 € / Desserts à partir de 9 €

Noun, Paris XVIIIe

chasse, tendre et rosé dont les abats ont été enroulés dans un chou de Pontoise, violemment snacké, le tout assujetti d’une sauce salmis… Histoire de rappeler que Saintagne, derrière la décontraction apparente – et magnifiquement conviviale d’un lieu bienveillant et d’un service prodigue – est avant tout un grand chef.

XVIII NOUN

E

41 RUE DU RUISSEAU, 75018

www.noun-paris.fr 09 83 50 67 50 Mardi-Samedi 11 :00-14 :00 18 :00-01 :00 Dimanche 12 :00-15 :00

Le Noun c’est une petite adresse discrète qui mériterait d’être davantage honorée pour la simplicité et la sérénité qu’elle apporte. Au déjeuner, la formule entréeplat-dessert à 16 € est assez imbattable, en rapport qualité/ prix. Ce midi-là, un gravelax de lieu jaune, avocat et fruit de la passion. Le plat poursuit dans un registre forestier, filet de canette bien rosé, shitaké et émulsion de céleri pour la fine note terreuse.

Un verre du domaine des Huards pour accompagner la tarte aux amandes et citron qui reste étonnamment légère et le repas finit avec ce sentiment de justesse et de contentement que l’on aimerait avoir plus souvent.

SUNSET

aussi, côté boissons, la part belle aux bières d’ici et d’ailleurs : la Goutte d’or, Sainte Cru ou Trou du diable (Québec).

CO18 15 RUE ESCLANGON, 75018

www.co18.fr 01 40 25 03 36

100 RUE ORDENER, 75018

www.sunset-paris.com 01 71 28 99 33 Lundi-Vendredi 9 :00-02 :00 Samedi 12 :00-15 :00 Dimanche 12 :00-16 :00 Déjeuner 14,50-16,50 € Dîner assiettes 6-16 €

La journée du Sunset commence par la facette café : il vient de chez Lomi et s’enjaille de pâtisseries et brioches maison. Sur les coups de 11 heures, la formule change et le brouhaha des rendez-vous déjeuner s’amplifie. Un saumon tout juste confit pour commencer, épicé d’une mayonnaise au raifort et shiso rouge, iode de wakamé – doux début. La suite monte en gamme dans un registre toujours assez végétal : courge butternut et ses graines, la première rôtie au miel de romarin et ricotta dans différents états (maison, fumée et séchée). De l’inventivité donc qui se poursuit le soir avec quelques assiettes à se disputer dont le tataki de bonite, un incontournable de la carte qui fait

124

Dans la rue Esclangon, on peine à remarquer le restaurant Co18. Pourtant, ce lieu atypique mêlant expositions temporaires et cabinets de curiosités est un véritable trésor de quartier. En cuisine, le chef islandais pas encore trentenaire, David Orn Hákonarson, huit ans de classe à Copenhague. Cuisse confite et poitrine de canard Colvert avec ses abats en feuille de vigne. Ou encore risotto de courge, champignons sauvages, parmesan 24 mois et truffes noires. En entrée ? On est séduit par l’œuf poché, sa purée de pommes de terre fumée, huile de livèche, pickles et poudre de céleri et son caviar français baerii maturé apporté et expliqué par David en personne. Même si en salle, on n’est pas incollable sur la carte des vins et cocktails, le service reste à l’écoute et se fond avec l’atmosphère chaleureuse et atypique de la salle. Entre deux plats, on voyage grâce aux his-

VAVA, pour « Venez Avec Votre Amour », propose une cuisine ouverte, banquette en cuir contre un mur de pierres apparentes, des tables en bois brut éclairées à la bougie, de la verdure dans un coin et des miroirs dans un autre. C’est dans cette agréable atmosphère que Rida Amajod, copropriétaire des lieux avec Enzo Nicaise, danse entre les tables et assure un service professionnel. Le temps de nous ouvrir l’appétit avec un amuse-bouche crème de céleri et sarrasin sur toast de pain d’épices, et Benjamin Mathieu (ex-Louis XV et Germain) déroule sa carte : cinq « passe temps », quatre entrées, trois suppléments, six plats, une assiette de fromage et quatre desserts. On a craqué pour le cochon confit / crispy tandoori / oignon / cébette thaïe avant de céder au calisson, spécialité de la maison composée de madeleine, fleur d’oranger, tuile d’amande et légère poudre de piment d’Espelette.

POLISSONS 35 RUE RAMEY, 75018

Mardi-Samedi 12 :00-14 :30 19 :00-00 :15 Midi 21 € / Carte 30-50 €

Depuis quelques mois, la rue Ramey s’érige comme la new street to be. Cantines vegano-healthy, bars à bières, caves à manger et nouvelles tables s’invitent aux côtés des traiteurs asiatiques, rades institutions des noctambules et pizzerias de quartier. Le dernier né : Polissons qui s’inscrit dans la vague bien connue néobistrot de la capitale. Et il le fait bien ! Le poulpe rôti, fondant à souhait, s’entiche d’une généreuse purée de pois chiches,

relevé par une sauce vierge aux herbes. Le cabillaud/salicornes/ cocos de Paimpol talonne remarquablement l’entrée, alliant subtilement, terre et mer, blanc et vert. Car les assiettes, au cordeau, se dessinent comme des tableaux vivants. Tout comme la carte des vins : pinot noir de Clément Klur, chinon du Domaine de Pallus ou jurançon du Domaine Belloque. Romain Lamon (ex-Richer) et Julia Sfez signent ici une adresse moins polissonne que (po)lissée mais parfaitement exécutée.

XIX RESTAURANT E

QUEDUBON

22 RUE DU PLATEAU, 75019

www.restaurantquedubon.fr 01 42 38 18 65 Mardi-Vendredi 12 :00-14 :00 Mardi-Samedi 19 :45-22 :30

Que du bon ou le bistrot Bénard. Le fils, Léo, aux fourneaux, et le père, Gilles en salle. Incontournable amateur et défricheur de pépites, aussi bien produits que vins nature, Gilles psalmodie la carte à chaque client en faisant raisonner chaque nom de producteur de sa voix de baryton. Son fils, que l’on aperçoit à travers l’ouverture de la cuisine, sert parfaitement cette cuisine beaucoup trop rare à Paris désormais. Proche du bistrot mais tellement plus fine et gorgée d’amour. Une cervelle d’agneau cuite au beurre jaune avec des câpres fraîches, une pièce de bœuf fondante et pleine de goût… Le tout, arrosé bien sur de nature, plus nature que nature parfois. On finit sur l’addition avec un petit verre de dégustation d’un pétillant venant de Croatie avec toute l’histoire du vigneron.

XX LE DESNOYEZ E

3 RUE DENOYEZ, 75020

06 61 19 18 31 Lundi, Jeudi, Dimanche 12h30–14h / 20h–22h Déjeuner 23 € Dîner 35–50 €

Jean-Marc Sinceux, ancien juriste reconverti en restaurateur impose l’ambiance décontractée, chaleureuse et riante de l’endroit, minuscule. Six tables, un comptoir et on participe joyeusement à la vie en cuisine comme derrière le bar. La carte manuscrite est courte : 4 entrées, 2 plats, 2 desserts. L’œuf, mayonnaise à l’encre de seiche et poutargue, est le point d’orgue d’un dîner qui ne vient que de commencer. La faisselle de chèvre, travaillée aux herbes et ail comme une cervelle des canuts, est mousseuse, douce et pickelisée par des copeaux de chou rouge de carottes violettes et juste la bonne dose d’anchois. Le Desnoyez arrive même à faire valser une brandade de morue, réveillée par une sucrine cuite, vinaigrée. Les portions sont généreuses, l’ambiance aussi.

DILIA 1 RUE D’EUPATORIA, 75020

www.dilia.fr 09 53 56 24 14 Fermé dimanche et lundi Menus 17-21-32 € (déj.) 48-64-77 € (dîn.)

Michele Farnesi a réussi son pari et implanté durablement sa belle cuisine dans un XXe qui reste encore largement à conquérir pour la restauration. Dans ce Dilia, tout mignon avec sa petite terrasse et sa salle de bistrot parigot, le jeune chef italien, formé par Giovanni Passerini, insuffle cette délicatesse sans relâche à travers des plats aussi nets qu’une bonite, juste tempérée, soutenue par la chaleur de poivrons, quelques brins de fenouil bronze et le lacté aigre d’une ricotta maison.

125

Impeccable entrée d’un menu à 48 euros en quatre temps qui rythme brillamment la soirée, le chef allant jusqu’à cuisiner l’incuisinable tombe – poisson à la chair fragile qui peut devenir épouvantable s’il n’est pas convenablement nettoyé – avec quelques artichauts et de la rhubarbe en guise de condiment. La cave est courte mais riche de vins italiens, nature ou pas. Michele s’en fout pourvu que ce soit bon : on le rallie volontiers sur ce terrain-là comme pour s’accorder qu’il y a encore de très belles choses à faire rue d’Eupatoria.

LE GRAND BAIN 14 RUE DENOYEZ, 75020

09 83 02 72 02 Tlj. 19 :00-23 :30

Le défi d’Edward Delling-Williams (ex-Au Passage) d’ouvrir une table dans la rue Denoyez très peu passante est relevé. Le Grand Bain ne désemplit pas. Ouvert tous les jours, il cultive une clientèle locale et d’amateurs de soirées animées où cuisine et vins nature font bon ménage. Un menu large de petites assiettes à petits prix (de 6 à 12 €) qui permet de couvrir une table complète de victuailles. Saint-Jacques/dashi/ shiso, couteaux sauce XO, toast lardo et miel, brocolis et citron, jalapeños, pigeon et champignon, comté… Réservation hautement recommandée.

BOULOGNEBILLANCOURT PLANTXA 58 RUE GALLIENI, 92100

www.plantxa.com 01 46 20 50 93 Menu dégustation 55 €

« Papa » (aka Juan Arbelaez) peut tranquillement s’occuper de toutes ses autres adresses (Limon, A Mère, Levain, Yaya) et de toutes ses activités annexes plus ou moins culinaires, largement instagrammées, Max assure comme un chef à la Plantxa. Il change de carte chaque semaine

et maîtrise l’art de l’assaisonnement qui vous agace joliment la rétro olfaction. On n’a pas peur de le dire, ses ceviches sont diablement efficaces. Pêche du jour, cochon, burger aux interfaces changeantes, histoire de faire oublier la Pampa mémorable des débuts. On passe sur les vins, majoritairement « du monde », le bonheur est ici dans l’assiette et le service charmant. Pour les nostalgiques, Juan vient souvent s’amuser à faire des quatre mains avec Max, et là…

LAÀ COUDES MACHINE 35 RUE NATIONALE, 92100

www.lamachineacoudes.fr 01 47 79 05 06 Mardi-vendredi midi et samedi soir Menu 32 € (déj.)-39 €-48 € (menus 4 plats) Samedi soir Menu 6 plats 48 €

Sacrée Marlène. On n’a jamais douté de sa cave et de son goût sûr pour la garnir de quilles nature dingues, mais ne donnait pas cher de la qualité des assiettes quand Thomas Benady s’en est allé réfléchir à son Orties puis l’ouvrir dans le XIe, rue Richer. Et puis elle a attiré Jean-Baptiste Ascione. On a goûté sa caille et son cabillaud et on a senti que la chaîne d’excellence ne s’est pas rompu ici. Ascione est un formidable saucier qui plus est. Avec Marlène, ils sourcent des produits de qualité et de saison (avec leurs copains de Terroirs d’avenir), sélectionnés auprès de petits producteurs, maraîchers et vignerons français respectueux de la nature. Nature… Le credo de la Machine à coudes, dans le tout nouveau quartier qui pousse sur les ruines des anciennes usines Renault. Agathe Bursin, Vallette, De Moor, la Grange Tiphaine… Que des trésors à prix justes. Marcel-Sembat n’est pas loin, ça vaut le coup de pousser jusqu’à Boulbi.


GUIDE 2018

SUPPLÉMENTS SUR LE POUCE COINSTOT VINO 26-28 PASSAGE DES PANORAMAS, 75002

lecoinstotvino.com 01 44 82 08 54 Lundi-vendredi 12 :00-14 :00 18 :00-00 :30

Les années passent (huit ans déjà) et le Coinstot demeure le bon vieux repaire à bien manger (sourcé) et bien boire (nature de tous les coins de France et d’ailleurs) du passage des Panoramas. Guillaume Dupré ne baisse pas de pied, pour toujours s’assurer qu’on prenne le nôtre avec ses tapas ravageurs qui appellent le glouglou qui va bien : « Tu manges quoi ? » et il trouve la quille adéquate, qui tape toujours dans le mille. Tarama incontournable, pizzas fondantes, plat du jour, planche de charcute, fromage ou les deux… Sur le pouce et sur la longueur, le temps de faire honneur à ce qui vous est servi, à l’abri sur la terrasse d’angle couverte ou au chaud dans la belle salle.

FRENCHIE BAR À VINS 6 RUE DU NIL, 75002

www.frenchie-restaurant. com / 01 40 39 96 19 Ouvert 7/7 18 :30-23 :00

Grégory Marchand passe pas mal de temps à Londres, depuis qu’il s’y est installé et y a ouvert Frenchie Covent Garden. Mais les Frenchie de Paris (Restaurant, Wine Bar, To Go), tous tankés rue du Nil, tournent à plein. Sur le pouce, ça se passe au Bar à vins, en face du restaurant, où obtenir une table demeure une affaire de grosse patience (1 à 2 mois complet à l’avance). Rillettes de cochon maison, au vadouvan et toasts melba, coques, légumes de saison, porc Kintoa, bœuf longhorn… Comme ils disent, « les assiettes sont concues pour être partagées », alors régalezvous pour pas beaucoup d’euros compte tenu de la qualité des produits, des cuissons et des vins aux étiquettes saines. Et les fromages sont britons, affinés chez Neal Yard’s Dairy. Et si on veut jouer à Frenchie à la maison, la bible éponyme en 75 recettes existe désormais, récompensée du prix Collet du livre de chef fin 2017.

MIZNON 22 RUE DES ÉCOUFFES, 75004

Lundi-jeudi, dimanche 12 :00-23 :00 Vendredi 12 :00-16 :00 Entrées 4-5,50 €, plats 9,50-12 €

Les pitas d’Eyal Shani, chef-star de Tel-Aviv, et leurs garnitures sont toujours aussi addictives : bœuf bourguignon fibreux, moelleux et juteux, salade de poulet aux herbes – ou d’herbes au poulet ! – ou la régressive pita ratatouille/œuf/tahini. En accompagnement, toujours quelques légumes « brisés », comprenez bien caramélisés : chou-fleur et brocolis, entre autres.

KRAFT HOT DOG 15 RUE DES ARCHIVES, 75004

krafthotdog.com Lundi-jeudi 12 :00-23 :00 / Vendredi-samedi 12 :00-00 :00 / Dimanche 12 :00-23 :00 Hot dog 4-6 € / Formule 7,50 €

GRILLÉ

Chez Kraft, les prix sont cadeau : 4 euros le chien chaud classique. Et pourtant, on ne lésine pas sur la qualité. Dans ce dernier, par exemple, une saucisse made in France et un medley mayo-ketchup comme on n’ose plus en faire. D’autres variantes également : guacamole, choucroute, wok de légumes… Le tout s’accompagne de nachos au cheddar fondu ou de coleslaw maison, par forcément plus light.

15 RUE SAINT-AUGUSTIN, 75002

Lundi-samedi 12h-16h Grillés 8,90 €

Le petit coin de rue, ouvert par Christophe Pellé et Fred Peneau, affiche toujours complet : ça tombe bien, pas vraiment de places assises ici. On prend son grillé agneau, cochon de lait ou veau (pourvus par Hugo Desnoyer) qui dégouline joliment d’herbes d’Annie Bertin, de sauce maison (herbes ou fromage blanc) et c’est gaiement que l’on repart se promener dans les passages cachés du IIe arrondissement.

127

LE CAFÉ DE LAMAIRIE NOUVELLE 19 RUE DES FOSSÉS SAINT-JACQUES, 75005

01 44 07 04 41 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :00 20 :00-22 :30 Carte 4-26 €

Ça crie de partout, entre le passe et le bar en bois et inox, autour des tables et chaises en bois, des colonnes. Mais c’est le prix à payer pour des œufs mayo régressifs, de la saucisse sèche, de la terrine de foies de volaille ou de la tête de veau roulée. La Grange aux belles, Fanny Sabre, les références sur les quilles sont bien connues et signent un sansfaute avec la proposition food. Pas étonnant que les célébrités de passage à Universal en face s’arrêtent un instant, histoire de retrouver la terre ferme et le vrai.

BONVIVANT 7 RUE DES ÉCOLES, 75005

www.bonvivant.paris 01 43 26 51 34

Avec huit restaurants à leur actif (Beaucoup, Grandcoeur, Jaja, Glou...), Julien Fouin et Ludovic Dardenay en ont vu défiler des bouteilles sympathiques. De quoi garnir leur cave à vins sur la rive gauche, à côté de leur petit dernier, le bistrot Bonvivant. Au verre, nos dernières tocades durables : le P’tit sans gêne, de Bertrand et Lise Jousset en magnum ; et Faustine, du domaine corse Abbatucci. Une bonne vieille Dupont fait également l’affaire pour accompagner le burger


GUIDE 2018

GUIDE 2018

(reblochon, sauce moutarde/ sirop d’érable, guanciale) ou le sandwich du jour au comptoir proposé par l’équipe menée avec joie et bonne humeur par Pierrot. Du temps pour le sucre ? Brioche perdue fortement conseillée.

LE BEL ORDINAIRE 54 RUE DE PARADIS, 75010

www.lebelordinaire.com 01 46 27 46 67

Cyrille Rossetto, Sébastien Demorand et leurs associés anonymes (l’aventure a été crowdfundée), ont bien réussi leur coup dans cet espace hybride de presque cinq mètres sous plafond aux murs amande. Leur épicerie fine-bar à vins nature-cave à manger ne cesse de renouveler ses produits et bouteilles dans les étagères qui habillent les murs. L’ambiance est collé-serré pour partager entre amis et autres autour de petites assiettes à base de produits présents en boutique. Le fruit des quilles se marie parfaitement avec une assiette de fromages affinés ou des fameux œufs mayo. Ça marche tellement bien qu’un second Bel Ordinaire verra le jour cette année, quelque part dans Paris.

AVANT COMPTOIR DE LA MER 3 CARREFOUR DE L’ODÉON, 75006

Petites portions dès 4 euros Vins au verre 4,50-6,50 €

De la mêlée à la marée, il n’y a qu’un pas de porte à passer carrefour de l’Odéon, au bar à tapas de la mer d’Yves Camdeborde. Après avoir joué des coudes pour se faire une petite place au bar, il faut lever la tête et faire son choix parmi toutes les assiettes de la carte. Chaud-froid de moules, oursins de gambas, aucune fausse note, tout est bon et ultra frais. Pour les indécis, l’ardoise affiche ce jour-là un ceviche de lieu jaune aux petits pois et de goûtues coques marinières. À moins de piocher quelques huîtres Utah Beach sur l’étal de l’écailler. Pour la soif, c’est tout au naturel et les bouchons sautent selon l’envie des clients.

PECO PECO 47 RUE JEAN-BAPTISTE PIGALLE, 75009

01 53 16 19 84

Après un bref passage au Bal Café (Le Bal Peco Peco) avec en star Masahide Ikuta, Benjamin Perrier revient aux fondamentaux dans sa maison mère. Les accords nippons bien choisis sont intégrés dans une formule du midi douce en saveurs et prix : 6 euros le Katsusandwich de porc pané, chou rouge, sauce barbecue maison, par exemple. Le choix se fait entre donburi (lit de riz vinaigré, et choix légumiers ou carnivores), soupes et salades. Le soir, la carte se transforme façon izakaya et le café envoie des kashiage ou tempuras. Aérien, simplicité du produit, et technique jap maîtrisée. Arroser le tout de vins nature.

Pressing, Paris Xe

LE PETIT KELLER

BULMA

PRESSING

17 RUE DES PETITES ÉCURIES,

1BIS RUE DE PARADIS, 75010

pressing-pressing.com 01 45 80 04 24 Mardi-Vendredi 12 :00-14 :30 Mardi-Samedi à partir de 18 :30 Formules 10,50-15,50-18,50 € Panino 10,50 €

75010

01 47 70 17 88 Lundi-Vendredi 11 :30-16 :00 Bahn-mi 6,50 € / Bento 14 € Bobu, 10,50 €

C’est un peu sombre à l’intérieur, mais c’est bon. Des bahn-mi exquis, avec du pain à la farine de riz, du concombre, des carottes marinées et de la coriandre en quantité généreuse, une sauce au citron vert et une pâte de piment maison. On choisit une ou deux garnitures parmi la dizaine réalisée chaque jour, viande (saucisse citronnelle addictive), poisson du jour, ou végétarien. Le bento est une alternative, plus qu’healthy, ou une version végétarienne du bobun, au tofu et raviolis aux légumes. Arrosez d’un thé naturel infusé et agrémenté de fruits frais ou de sirop Monin. À faire sur mesure au lait de soja, coco etc. Nous, on est inconditionnels de leur Bulmonade, une citronnade maison au gingembre, citronnelle, citron vert et menthe fraîche. Adresse garantie sans glutamate.

La constante : de supers paninis (made exprès by Gontran Cherrier) bien garnis servis le midi ou sur ardoise pour l’apéro. Pour le reste, une proposition de plats du jour le midi et une carte de petites assiettes « to share » le soir. Derrière le bar, sélection de vins nature bien entendu et cocktails classiques bien maîtrisés. Un menu teaser : des bulots mayo piquante sur un lit de chou rouge et carottes, le Keda, un welsh (cheddar, moutarde à l’ancienne, Worcestershire sauce, Guinness beer, tabasco), oignons caramélisés, pickles, roquette, accompagné de légumes rôtis et grillés. La Franck (agneau braisé, mimolette vieille et cream cheese à la menthe) vaut aussi des points.

128

13 RUE KELLER, 75011

01 43 55 90 54

Ancienne chef du restaurant à bento Nanashi et du café franglais Rose Bakery, Kaori Endo est désormais chez elle au Petit Keller. Elle a gardé le décor de ce bistrot des années 30. Le midi, elle cultive « l’esprit de quartier » : assiette de saucisse sèche d’Emmanuel Chavassieux (en entrée) et pain de la rue du Nil. La star, c’est son donburi, grand bol de riz de Camargue bio garni au choix de noix de basse côte grillée, de maquereau sauce miso, œuf nitagaro… Le soir, c’est « plein de petites choses » (tomate séchée amande, houmous, tataki de saumon bio…) et de grands plats à partager : elle fait griller chaque jour une viande maturée de Michel Brunon, boucher de la place d’Aligre, avec une sauce teriyaki et du riz sauté à l’ail. Mickaël, un caviste du quartier (Vins et Découvertes), lui fournit beaucoup de quilles nature. L’esprit de quartier, c’est sacré.

D’abord ce grand bar qui rend ses lettres de noblesse aux horsd’œuvre de comptoir : crème de lentilles, gingembre et haddock fumé, épaule de cochon de lait rôti ou œuf mayo régressif... Puis, le graal au loin. Une cave vitrée rafraîchie par des graviers au sol dans les règles de l’art. On vient y piocher à sa guise, les Dolia blanc de Philippe Viret – macération pelliculaire en amphore – un jus transcendantal et concentré, qui nous crie « reviens-y » ou les MPN, magnums gouleyants de Philippe Viret toujours.

AUX DEUX AMIS 45 RUE OBERKAMPF, 75011

01 58 30 38 13 Mardi-Vendredi 9 :30-02 :00 Samedi 12 :00-02 :00

Aux Deux amis, on s’y retrouve toujours, c’est presque un QG, admirablement tenu par David Loyola. On n’est pas les seuls, c’est toujours bondé, chaleureux. Et si l’on en ressort très souvent bien avinés, c’est que l’on a célébré de magnifiques jus nature en toute joyeuseté. Pour manger, c’est simple, assis ou debout au comptoir : deux entrées, deux plats, deux desserts au déjeuner… et le soir, c’est plutôt festival avec une farandole de 10 à 12 petites assiettes, proposées sur le petit carnet de commande bien vintage. Rien que la cohue sous le store rouge dès l’heure fatidique de l’apéro suffit à prouver l’amour parisien pour cette adresse un peu baroque, dans tous les sens du terme.

SUPER 46-48 RUE OBERKAMPF, 75011

Mardi-Samedi 9 :00-21 :00 Dimanche 9 :00-13 :00 Bento du jour : 17 € Sandwich : 7 € – Formule 10 €

« Je voudrais que ce soit le Super de tout le monde : super bien, super cool, super cher, super bon, super abordable... Que chacun dans le quartier ait son avis, mais vienne nous retrouver quoi ! » Il a la gouaille des grands jours, le sourire radieux du maraîcher cueillant sa première tomate de plein champ. David Loyola fait visiter avec appétit sa petite dernière, son Super, pour supérette. Il l’a tout bonnement rachetée/ arrachée à Leader Price, après pas mal d’allers-retours entre avocats. C’était le pas de porte – moyen – jouxtant les Deux Amis. Et voilà l’épicier Loyola promouvant les légumes frais de Valdemar, le repreneur de Joël Thiébault, avec qui il a noué un partenariat pour sa distribution. Ici, pas de grosses quantités, mais l’amour du travail bien fait pour proposer des produits de saison (super bons et relativement abordables) en libre service, une épicerie d’amis et un casse-dalle quotidien uniquement à base de

LES MOUSSAILLONS 139 RUE CARDINET, 75017

01 53 81 65 48 Lundi-Vendredi 11 :00-15 :00 18 :00-21 :00

Adria, Paris XIIe

végétal. Le sandwich mozza-courgettes-basilic thaï croque entre deux épaisses tranches d’un pain de mie de 2 kilos sans sucre et la bento box du jour se divise en trois – radis beurre, concombreabricots, yaourt mozza-petits pois – astucieux grignotages. La grande table d’hôte s’insère entre les présentoirs, le banc fait un sit-in m’as-tu-vu sur le trottoir d’Oberkampf et concurrencera bientôt la terrasse des Deux Amis. Allez tout de même y chercher le verre de vin nature qui va bien et le caoua pour terminer le repas. Super cohérent et super attachant.

sant et baigné de lumière grâce aux baies vitrées et du renfoncement de la chaussée de ce côté-ci de la rue de Charenton. Tout beau, tout neuf (5 semaines quand on s’y rend). À midi, ravies par l’accueil discret, on s’est fait un velouté de patates douce au boudin des rigatoni au ragu qui avait des sérieux airs de goulasch tout fondant et un cheesecake au citron vert, base épicée, bergamote et huile d’olive tout léger (si, ça peut). Pour ceux qui aiment ça, y a du vin orange, mais aussi du nature plus digeste (domaine Vinoceros, ce jour-là). Mais Giovanni dit que c’est excellent, et on lui pardonne son tropisme. Et le soir, c’est menu dégustation.

ADRIA 53 RUE DE CHARENTON, 75012

01 43 46 12 94 Mardi-Vendredi 12 :00-14 :30 20 :00-00 :00 Samedi 20 :00-00 :00

23 RUE DE COTTE, 75012

Une petite adresse toute neuve. Giovanni, Italien par sa mère, Croate par son père, est arrivé en cuisine par l’art. Ébéniste devenu boss de la très jolie proposition bricolée de toutes pièces de ses propres mains. C’est sobre, repo-

À peine le temps de lever les yeux au plafond, pour s’amuser du reflet rond des abat-jours en osier, que la sensation d’être entré dans un cocon ocre nous enveloppe. La pierre cuite guide nos pas, et organise la visite.

TOMETTE 01 53 17 09 91 Mardi-samedi

129

C’est un minuscule bar à huîtres niché au fin fond du XVIIe. Six tables, un taulier plus que disponible, une proposition courte et délicieusement modeste et c’est la régalade au calme. Ici, on parle de Marennes-Oléron. Va pour des fines de claire et des Ronces charnues et iodées, une planche de poissons fumés, une rillette de maquereaux yuzu/shiso, un filet de maquereau fumé au poivre vert… Un « petit verre divin » pour rincer tout ça (du Silex à l’ardoise ce jour-là, mais on a fait muscadet) et… mon dieu, déjà deux heures ? Avec un pote, c’était couru d’avance.

LE TOUT MONDE 4, RUE AFFRE, 75018

01 42 54 29 51 Mardi-Samedi 18 :00-01 :00 Vendredi 12 :00-14 :30 Samedi 11 :00-15 :00 Dimanche 11 :00-18 :00

Entre La Chapelle et Barbès, rue Affre, une adresse qui fédère. Devanture passe-partout, murs de brique et table en bois. Pas de quoi affoler (en apparence) cette foule d’habitués qui s’y presse tous les soirs. Et pourtant… Vraie planque à vin nature au cœur de la Goutte d’Or, le Tout Monde rassemble autour de nectars bien choisis et d’assiettes bien gaulées. Bulot/mayo, asperge/hollandaise, terrine maison ou côte de cochon,


GUIDE 2018

GUIDE 2018

à arroser d’une des quilles de la maison, sur les conseils attentifs et généreux de Manu ou d’Olivier.

raisin vert, citron, spiruline et chlorelle) pour le break de l’après-midi. Un traitement curatif agréable qui vaut bien son prix (ticket moyen de 22 € par personne).

YAYA 8 RUE DE L’HIPPODROME, 93400 SAINT-OUEN

www.yayarestaurant.com 01 44 04 27 65 Tlj. 12 :00-00 :00 Mezzés 5 €-12 € / Plats 16 €-23 € / Pitas 12 €-14 € Desserts 6 €-10 €

« Yaya » signifie tout simplement « grand-mère » en grec. Et, à SaintOuen, elle vous est servie par un Colombien : Juan Arbelaez, associé aux frères Chantzios (Kalios). Tout est fait pour vous faire voyager, de la décoration, qui joue avec le bleu et le blanc du pays, à la nourriture. Le chef propose les incontournables de la cuisine grecque, tel que les mezzes à partager, un tarama onctueux et parfumé et le tzatzíki crémeux et aillé à souhait ou encore des pitas revisitées. Laissez-vous tenter par les plats de « yaya », comme le poulpe à la cuisson parfaite, croustillant à l’extérieur et tendre à cœur accompagné d’une purée de betterave relevée au vinaigre de Xérès. Ou alors, par le sauté d’agneau aux olives de Kalamata et à la feta, avec les kritharaki (langues d’oiseaux grecques) cuites directement dans une sauce tomate. N’oubliez pas l’ouzo rafraîchissant.

GREEN LA D’ANGÈLE GUINGUETTE TAKE AWAY

CAFÉ INEKO 13 RUE DES GRAVILLIERS, 75003

09 67 87 23 10 Mardi-Samedi 9 :00-18 :00

La Guinguette d’Angèle, Paris Ie

Nanashi, Paris IIIe

C’est à la faveur de périples à travers le monde et d’une rencontre clé avec avec la naturopathe Céleste Candido qu’Angèle Ferreux-Maeght s’est lancée dans la cuisine « médicinale », sans gluten et, si possible, sans lactose. Tirées d’une production locale dans son potager parisien, les recettes d’Angèle sont colorées et loin d’être sans goût. Elle s’implante en 2012 avec sa guinguette dans le Ier arrondissement et se retrouve rapidement à faire les menus complets des défilés et rendez-vous de grands créateurs. Aujourd’hui, les aficionados du sans gluten et bio peuvent se délecter de sa cuisine saine, réjouissante et gustative. Risotto à la crème de champignons, courge et parmesan, salade de crudités, quinoa, houmous de betteraves et pain sans gluten, soupe du jour, jus frais et gâteaux étonnamment bons et savoureux. Qui osera encore dire que le régime alimentaire des « sans-sans » revient à manger de la bouillie fade et pâteuse ?

34 RUE COQUILLIÈRE, 75001

09 80 61 25 49 Lundi-Vendredi 11 :30-15 :00 RESTAURANT 2 RUE DU GÉNÉRAL RENAULT, 75011

09 80 61 25 49 Mardi-Samedi 11 :00-15 :30

NOGLU 16 PASSAGE DES PANORAMAS, 75002

noglu.fr 01 40 26 41 24 Lundi-Samedi 12 :00-14 :30 Mardi-Samedi 19 :30-22 :00

130

Brunch le samedi 11 :00-15 :30 69 RUE DE GRENELLE, 75007

01 58 90 18 12 Lundi-Mardi 8 :30-19 :00 Mercredi-Vendredi 8 :30-22 :00 Samedi : 9 :00-22 :00 Brunch le dimanche 10 :00-18 :00 Déj. Formules 19-14 € Dîn. Plats 13-21 €

Le premier Noglu a vu le jour en 2012 passage des Panoramas. La cantine sans gluten de Frédérique et Jules a aujourd’hui fait des petits et se retrouve rive gauche ou même à New York. Soupes, salades (crevettes, radis noir, carottes et fromage de chèvre bio) se prennent sur le pouce entre midi et deux, comme le soir où l’on craque plus facilement pour le burger (version savoyarde, végétarienne ou bœuf )frites maison. Ce paradis pour cœliaques fait aussi salon de thé l’après-midi et épicerie : pains sarrasin cranberries, carrot cake et granola, tout s’emporte.

BROKEN ARM

NANASHI

OB-LA-DI

12 RUE PÉRÉE, 75003

57 RUE CHARLOT, 75003

01 44 61 53 60 Mardi-Samedi 9 :00-18 :00

01 44 61 45 49 Tlj. 12 :00-15 :00 / 19 :30-23 :00

54 RUE DE SAINTONGE, 75003

C’est sur une idée de concept store associant chiffons et légumes que les Jeunes Gens modernes (blog des fondateurs de Broken Arm) se sont implantés à Paris. La table affiche depuis son ouverture une carte simple poussant une cuisine raffinée, colorée et légère pour convenir à leur cible. Velouté de brocolis-œuf mollet, aubergine ronde rôtie-burrata, bruschetta à la ricotta et nduja-salade d’herbes fraîches… Des plats suffisants pour se garder une petite place pour une note sucrée. La crème acidulée de la tarte au citron sur une pâte sablée cassante électrise avec délicatesse le palais. C’est aussi un repère pour les pauses café, très souvent crémées, et non accompagnées d’une douceur (cookie, cake, gâteau…).

31 RUE DE PARADIS, 75010

Certes, c’est un café, mais les petites assiettes, aussi bien sucrées que salées, sont excellentes. Un pain aux graines sur lequel une ricotta, des figues rôties et du miel viennent se mélanger. Un équilibre et une structure en bouche réjouissante. Le menu change très régulièrement en fonction des saisons. Il y a le burger végétarien avec des jeunes pousses, de l’avocat, un steak de graines et quinoa ou encore des aubergines cuites longtemps au four avec des tomates cerises et du yaourt ou du labné en septembre. Les tartines surcrées ou salées, sont tous les jours à la carte. La qualité du pain, des produits et des assaisonnements fait de ce tout petit endroit un lieu agréable pour un café et un plat à déjeuner. Pour une dernière note sucrée, quelques gâteaux et cookies trônent sur le comptoir.

01 40 22 05 55 Lundi-Samedi 12 :00-15 :00 / 19 :30-23 :00 Dimanche 12 :00-16 :00

La cantine green par excellence, Nanashi, où la cuisine entremêle racines japonaises et produits français. Rouleau de printemps végétarien (carotte, betterave, chou, herbes) avec une sauce au vinaigre de riz et gingembre, un bento poisson associant légumineuse, poisson assaisonné au soja et sésame et crudités. Le tout, en portion largement suffisante. La cuisine, aussi grande que la salle de bains d’un 30 m� parisien, enchaîne sans répit les commandes des quelque 80 couverts. Un service cadencé, souriant, organise les clients pour tamiser l’attente et garder un rythme constant. Sur place ou à emporter, pour ceux qui ne le sauraient pas, Nanashi reste la solution du XXIe siècle pour lutter contre les commandes de pizzas ou la morosité des plats préparés réchauffés.

WILD AND THE MOON

Lundi-Vendredi 8 :00-17 :00 Sam-Dim 9 :00-17 :00

55 RUE CHARLOT, 75003 25 RUE DE GRAVILLIERS, 75003 4 RUE DU HELDER, 75009

wildandthemoon.fr 01 86 95 40 46 Tlj

Que cela soit une mode attrapée en plein vol ou un projet de long terme qui voit le jour, Wild and the Moon, monté par Emma Sawko et XX, fait carton plein. Un mélange de design new-yorkais, un self-service healthy, un staff aux divers accents et un engagement pour l’environnement affiché dès la porte d’entrée. Une certaine idée du bien-manger que l’on peut désormais découvrir dans plusieurs quartiers de Paris. Le petit dernier vient d’ouvrir dans le IXe. Des jus pressés à froid, des salades, des smoothies, des cafés, des snacks… tout y est de saison, locale ou d’une filière équitable, vegan, 100 % bio, sans gluten, sans additifs et non pasteurisés. On saute sur le fameux açaï bowl, sur des pâtes soba-auberginemiso-pak choi avec un assaisonnement huile de sésame et graines torréfiées ou encore un Golden Latte (lait d’amande, lait de coco, curcuma, cannelle, cardamome, poivre, piment de Cayenne) accompagné d’un Popeye’s Cure (épinard, poire,

131

Ineko est une enfilade de différents espaces accolés. La façade de bois blond mène à une terrasse intérieure, suivie d’un espace comptoir et commande en béton blanc. Une véranda plonge l’ensemble de l’espace coffee shop au design léché dans un bain de lumière, et aboutit à une longue table en bois menant à la cuisine recluse derrière un grand frigo rempli de bouteilles, légumes et préparations. De cette dernière, tenue par Julie Bavant (Ex-Arpège et Frenchie), sortent des plats colorés, bien assaisonnés, d’un sourcing pointu, et pas uniquement végétarien. Pastilla butternut, ricotta, épinards et noisettes, soupe de lentilles, radis et grenade ou encore, cochon fermier, panais et topinambour. Les boissons sont, elles aussi, sélectionnées : thés bio, limonades maison, jus frais, vins nature.

CAFÉ PINSON 6 RUE DU FOREZ, 75003

cafepinson.fr 09 83 82 53 53 Lundi-Vendredi 9 :00-22 :00 Samedi 10 :00-22 :00 Dimanche 12 :00-18 :00 58 RUE DU FAUBOURG POISSONNIÈRE, 75010

01 45 23 59 42 Lundi-Vendredi 9 :00-19 :00 Samedi 10 :00-19 :00 Dimanche 11 :00-18 :00

Le pionnier de la cuisine sans gluten et sans lactose à Paris. Depuis l’ouverture, Agathe Audouze, la fondatrice, prône une vie plus saine, plus équilibrée et cela commence par un bien-être intérieur. Toute une philosophie. En poussant la porte du Café Pinson rue Forez, le cadre dessiné par Dorothée Meilichzon, s’accorde avec l’énergie qu’Agathe veut


GUIDE 2018

GUIDE 2018

partager : douceur, bien-être et plaisir. Pour profiter d’un temps posé pour déjeuner ou dîner sainement optez pour le côté assis du lieu. Le plaisir d’un café au lait d’amande, de madeleines sans gluten et d’un bol de granola maison, reste le kick savoureux d’un matin un peu maussade.

de semences natives que sont les superaliments.

IMA 39 QUAI DE VALMY, 75010

01 40 36 41 37 Tlj. 10 :00-17 :00

WYNWOOD 61 RUE CHARLOT, 75003

01 75 51 12 53 Mardi-Samedi 11 :30-23 :30 Dimanche-Lundi 11 :30-18 :00

Un bout de Floride à Paris, mais pas que. Après un tour du monde, Laure Maumus est revenue en France la tête pleine de souvenirs, de couleurs et de goûts. Elle ouvre en 2017 Wynwood, un coffee shop-cantine au design électrique et coloré – surtout très pink flamingo en clin d’œil à la Floride – et aux assiettes teintées d’Amérique latine. Une cuisine locale, engagée, saine et pleine de vitamines. On hésite entre les tacos, le Real cubano (sandwich chaud), le Havana bowl (mélange de toutes sortes de choses végétariennes et fraîches)… On opte déjà pour une bonne tasse de café filtre, dont on nous abreuve de détails sur le torréfacteur ou le paysan producteur. Petit coup d’œil sur le comptoir, il reste encore quelques morceaux de gâteaux et surtout, du carrot cake.

BOB’S KITCHEN

Greenhouse, Paris XI

e

mais le marché avec ses petits frères Bob’s Juice Bar et Bake Shop. On s’y précipite toujours à midi en espérant avoir une table (sans réservation) pour profiter d’une cuisine fraîche, vitaminée, réjouissante.

formules, le choix se fait entre nourgers (boulettes de bœuf ou végétarien nes), nourritos ou nous bols (riz, salade, graines et les protéines jouées tour à tour par un poulet rôti sauce satay ou un poisson sauce curry, selon les préférences). Pour l’envie de graillou, le grilled cheese se défend bien ! Côté boisson, des vins nature évidemment, des mojitos et en bière locale, La Parisienne.

NOUS 8 RUE DE CHÂTEAUDUN, 75009

nousrestaurant.fr 09 50 51 58 82 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :30 19 :00-22 :30 Samedi-Dimanche 12 :00-15 :00 / 19 :00-22 :30

YAFO 96 RUE D’HAUTEVILLE, 75010

yafo-restaurant.com 01 48 06 33 02 Mardi 19 :00-23 :00 Mercredi-Samedi 12 :00-16 :00 19 :00-23 :00 Dimanche 11 :00-16 :00 Houmous 8-10,50 € Assiette 3 salades 10,50 €

74 RUE DES GRAVILLIERS, 75003

09 52 55 11 66 Tlj. 8 :00-15 :00

Aujourd’hui maître du végétarisme à Paris, l’Américain Marc Grossman est pourtant allé à contre-courant lors de l’ouverture de son premier lieu, rue des Gravillers dans le Haut Marais, Bob’s Kitchen. Bâti avec trois bouts de ficelle – cuisine minuscule, tables à partager, rouleau d’essuie-tout sur les tables, minicarte… – la ligne Bob’s compte désormais plusieurs pas de porte qui drainent les foules aussi bien françaises qu’étrangères. Désormais lieu ancestral – voire adresse classée au bottin des adorateurs du healthy –, ce bout de table se partage désor-

GREENHOUSE 22 RUE CRESPIN DU GAST,

16 RUE DE PARADIS, 75010

09 80 92 72 10 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :30 / 19 :00-22 :30 Samedi-Dimanche 12 :00-15 :00 / 19 :00-22 :30 51-53 QUAI DE VALMY, 75010

09 50 68 06 90 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :30 / 19 :00-22 :30 Samedi-Dimanche 12 :00-16 :00 / 19 :00-22 :30 Formules 13-14 €

Châteaudun, Valmy et Paradis, les Nous sont désormais trois. Trois lieux où l’on peut s’adonner à une street food saine et ses options végétariennes. Soit sur les bancs de bois – chaleureux –, soit à emporter. Dans les

132

Lotan Lahmi, (passé par Ladurée, Prince de Galles) était venu de Tel-Aviv pour s’approprier le savoir-faire pâtissier et le remporter à la maison, et finalement il a décidé de rester et c’est le cheminement inverse que l’on goûte à Yafo. Le houmous est à l’honneur et il est de compète : pois chiches sudistes et tahina méticuleusement dénichée à Nazareth. On le « toppe » avec une formule carnée (veau façon porchetta et poireaux, poivré et juteux) ou végé (brocolis à la cuis-

son al dente). À compléter avec une salade, doucement sucrée ce jour-là, chou rouge, betterave, dattes et noix : vitaminé.

SOL SEMILLA 23 RUE DES VINAIGRIERS, 75010

www.sol-semilla.fr 01 42 01 03 44 Mardi 12 :00-16 :00 Mercredi-Samedi 12 :00-16 :00 et de 19 :00-22 :00 Dimanche 12 :00-16 :00 Formule déjeuner 13,90 € (sans boisson)-16,50 €

Sol Semilla a tout misé sur les superaliments. La table-épicerie regorge de sachets aux noms médicinaux tarabiscotés : comprimés de Klamath crue, Chlorenne, Guarana blanc… Sur place, le déjeuner commence par une petite dégustation offerte de physalis déshydratée, lait au maca (poudre extraite d’un tubercule péruvien, censé apporter tonus et énergie) et fève de cacao crue – un peu trop astringente. Le menu 100 % sans gluten, 100 % végétarien intègre ces super-médocs nature : dans le « super bol », un riz moca, pois chiches Nopal revigorants, caviar d’açaï et crudités. Le dessert se veut gourmand : crème de sarrasin, chocolat et banane (5 €). On en sort léger, et plein d’informations sur ces produits

C’est la nouvelle cantine des végétariens en manque de soleil. Sur les bords du canal Saint-Martin, Ima (maman, en hébreu) porte dans ses différentes salades un peu de chaleur de chaque pays du pourtour méditerranéen. La cheffe Victoria Werlé manie avec élégance les différentes cultures pour associer dans un même lieu un mélange de cuisines. Le choix est difficile devant son étalage de grands plats plus colorés les uns que les autres et pousse souvent à l’excès. Salade de chou-fleur, taboulé libanais, boulgour, shakshuka… Des associations sucrées-salées qui vous réjouissent le temps d’une pause entre copines.

CHICHE 29BIS RUE DU CHÂTEAU D’EAU, 75010

01 42 00 96 14 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :30 Samedi 12 :00-15 :30 Mercredi-Samedi 19 :00-22 :30

C’est la dernière adresse de street food israélienne, montée par Jonathan et Marc-Antoine, qui tourne autour d’un plat et ingrédient phare, le houmous. Une recette traditionnelle réalisée toutes les quinze minutes – pour garder cette texture crémeuse et ce goût délicat du pois chiche associé au tahini. Viennent se greffer des ingrédients pour donner à l’assiette d’autres saveurs (aubergine pimentée, bœuf haché, herbes, graines). Sans oublier l’essentiel, la pita chaude, légèrement gonflée avec une belle texture. La carte offre aussi d’autres mets pour se constituer un plateau copieux : légumes rôtis de saison sur une ration de langues d’oiseau (sorte de risoni), patate douce farcie, salades fraîches…

75011

09 80 48 79 47 Mardi-Samedi 12 :00-14 :30 19 :00-22 :00

Kristin Frederick, créatrice du Camion qui fume à succès, dépote toujours autant. Depuis mars 2017, elle cultive avec malice, abnégation et détermination dans un minuscule local son « potager urbain » dans de grands bacs autour des tables de la terrasse de sa Greenhouse (serre, en anglais). Elle n’oublie pas de nous abreuver de nature aussi, des Sarnin-Berrux à toute épreuve notamment.

SOYA 20 RUE DE LA PIERRE LEVÉE, 75011

soya-cantine-bio.fr 01 48 06 33 02 Mardi 19 :00-23 :00 Mercredi-Samedi 12 :00-16 :00 19 :00-23 :00 Dimanche 11 :00-16 :00 Déjeuner 15-20 € Plats 16-20 €

Véronique, ancienne graphiste, maman d’une fille de 6 ans, reconvertie dans la cuisine healthy. Pas la première et loin d’être la dernière, on l’espère. Dans sa toute petite boutique chaleureuse, elle sert des plats équilibrés, à base de produits bio et débordants de couleurs. Tout est fait maison et minute, pour une fraîcheur appréciable. On saute facilement sur le « bol équilibré » avec du petit épeautre, de la feta, de la grenade, des courgettes cuites, de la salade, des cubes de courge, des graines germées, des amandes, du chou fermenté et une sauce au yaourt. Tartine, soupe du jour, risotto ou lasagnes végétariennes sont aussi de belles alternatives. On agrémente tout d’un jus maison ou d’un thé bio. On craque sur un dessert ou on prend à emporter pour le goûter. Une adresse green à connaître pour la qualité de ses assiettes et ses prix mini.

ici. Le midi, une formule platsalade-dessert loin d’être rapiat. Va pour un poétique « Bol horizons lointains », une « cascade » de légumes rôtis avec une douce crème cajou à la coriandre et des lentilles aux épices de l’Atlas (cuites parfaitement). On zieute sur la table voisine la foccacia dite Calypso (aubergines, feta, zatar et pistou). Demain elle n’y sera plus, la carte se réinvente chaque jour. Tant pis, tant mieux.

MAISON BASTILLE

RAVIOLI NORD-EST

ASIATIQUES

34BIS RUE AMELOT, 75011

01 58 30 69 18 Lundi-Vendredi 10 :00-15 :00 Samedi 11 :00-18 :00

En 2007, Christel Dhuit s’installe dans cette ancienne robinetterie du canal Saint-Martin. L’espaceatelier réaménagé, c’est dans une ambiance à la cool un peu bobio que l’on prend goût à cette cuisine végétalienne. Phares de cette dernière, les soyafels, de petites boulettes de riz croustillant, du tofu frais râpé avec une mayonnaise végé pour le liant et des légumes pour le vert ou un curry massala aux shitakés, fort en gingembre mais bien balancé. Le brunch en libre service vaut aussi le coup d’œil, le choix est pantagruélesque entre houmous, fallafels d’azuki, caviars végétaux et même gratins et lasagnes. Le végétarien n’est donc pas synonyme d’appétit d’oiseau, on s’ôte cette (fausse) idée de la tête d’un coup de fourchette à Soya.

Maison Bastille est ce lieu paisible aux papiers peints fleuris qui s’accordent parfaitement à l’étalage de salades fraîches du jour, colorées. Pomme de terre-moutarde, chou chinoispomelos-avocat, carotte-raisin sec-citron, lentilles-betteraves… Des formules simples et garnies associant dans une grande assiette trois salades au choix et une soupe, une quiche, un dessert sans gluten et/ou un jus frais. Le tout est fait le matin sur place. Un atout fraîcheur indéniable.

VEROCANTINE L’AUTRE

Amical, familial, Soul Kitchen s’impose comme coffee-shop accueillant et sans complexes. On vient s’y poser un jour de soleil, profiter d’un rayon sur la terrasse en bout de trottoir – n’ayez crainte, pas trop de passage par

30 RUE POPINCOURT, 75011

01 43 38 02 62 Lundi-Vendredi 9 :00-17 :00

133

SOUL KITCHEN 33 RUE LAMARCK, 75018

01 71 37 99 95 Lundi-Vendredi 8 :45-18 :00 Formule déj. 13,90 € (sans boisson)-16,50 €

115 RUE SAINT-DENIS, 75001 11 RUE CIVIALE, 75010

01 75 50 88 03 Lundi au dimanche (sauf mercredi) 11 :00-22 :00 10 raviolis 5 € / (à emporter) congelés 25 € les 100

Seuls les avertis peuvent trouver ce minuscule restaurant de raviolis planqué dans une petite rue du Bas Belleville. Et ils sont toujours plus nombreux à se refiler le plan et à patienter pour se régaler de leurs portions à 5 euros, version bouillis, grillés ou en soupe. Nos préférés : les porc-ciboulette-crevette bien grillés et les poireauxagneau bien juteux, à tremper dans une sauce au piment maison et à accompagner d’une soupe d’algues. Pour ceux qui veulent faire des raviolis-party à la maison, possibilité de les acheter congelés par 100, et ce n’est pas de trop, faites-nous confiance.


GUIDE 2018

KUNITORAYA

BOUTIQUE YAM’TCHA

1 RUE VILLEDO, 75001

01 47 03 33 65 Mardi-dimanche 12 :15-14 :30 19 :30-22 :30 Udon 10-20 € (+ 7 € pour la formule midi)

Faut patienter longtemps pour entrer dans la version bistrot de cet adorable japonais tout en longueur, mur de brique rouge, grande table en bois centrale. La bonne formule ? Celle du midi avec fritures du jour, omelettes et onigiri et son udon, version froide ou chaude. Ce jour-là, un porc pané avec moutarde maison, un onigiri au saumon et un Kunitoraya udon, bouillon dashi miso entêtant, émincé de porc et salsifis. Pour la version plus gastro, dont l’avantage est surtout de pouvoir réserver sa table : allez sonner à la deuxième adresse juste à coté.

KOTTERI RAMEN NARITAKE 31 RUE DES PETITS CHAMPS,

JIXIAO’S BUNS

18 RUE DU PONT AUX CHOUX,

91 RUE BEAUBOURG, 75003

09 86 70 77 00 Mardi-vendredi 11 :30-19 :30 (sur place jusqu’à 19 :00) Dimanche 11 :30-18 :00 (sur place jusqu’à 17 :30) Plats 12,50 €

4 RUE SAUVAL, 75001

01 40 26 06 06 Mercredi-vendredi : 12 :0018 :00 / Samedi : 12 :00-20 :00 (petits plats jusqu’à 17h en semaine / 20h le week-end) 5 baos 16 € / à l’unité : 3-4 € Plats : 10-16 €

L’annexe de la cheffe étoilée Adeline Grattard, son comptoir à baos, possède aussi une petite salle en bois où, l’après-midi, touristes et habitués jouent des coudes pour se sustenter. Ici, les plats (beaucoup de poissons grillés) et les desserts (qui viennent parfois directement de l’adresse étoilée) changent chaque jour. Mais ne tournons pas autour du pot, on vient surtout pour les baos que les cuisiniers préparent et font cuire vapeur dans la cuisine vitrée. Formule à 16 euros les 5, dont le culte stilton cerise amarena complètement décadent ou le cochon basque aubergine à la sichuanaise, parfaitement cuisiné et assaisonné. À assortir, comme dans le restaurant de la cheffe, de très bons thés.

SUSHI B 5 RUE RAMEAU, 75002

Si vous ne mangez pas de cochon, passez votre chemin. Ici, tous les bouillons sont conçus à base de graisse de dos de porc, préparés tout les matins pour rassasier la foule qui se presse en continu à partir de midi. Pas de choix cornélien à la carte, si ce n’est la quantité de gras souhaité (peu / moyen / beaucoup), un bouillon soja ou miso et les ingrédients supplémentaires pour l’alimenter. Un ramen simple peu gras au miso avec supplément œuf mollet devrait vous contenter. Pas de dessert : ça tombe bien, après ce plat vous n’aurez de toute façon plus faim.

PONTOCHOUX 75003

75001

01 42 86 03 83 Lundi-dimanche (sauf le mardi) 11 :30-22 :00 Ramen 10-13 €

GUIDE 2018

01 40 26 52 87 Lundi-dimanche (sauf mardi) 12 :30-13 :45 Dîner (1er service) 19 :15 2e service 21 :15 Menus déj. 58-130 € Dîner 95-160 €

Cadre feutré avec seulement 8 places, tout autour du comptoir où offcie le chef Masayoshi Hanada. À midi, visez le menu sushi. Râpage de wasabi comme entrée en matière, puis découpage des poissons avant le roulage du riz, le coup de wasabi et le lustrage au pinceau de soja. Chaque sushi déposé devant le client est un émerveillement : barbue, langoustine, Saint-Jacques, truite sauvage, thon rouge, ventrèche de thon, makis poireaux-truite, et un rab d’oursin pour terminer en beauté. Sans-faute marquant.

134

Une sauce qui a mijoté pendant cinq heures, avec des épices, du chocolat, de la pomme, du bœuf dégraissé à la poêle avec trois poivres différents… C’est la base des currys japonais entêtants et fondants que l’on déguste dans ce mini-restau de moins de dix places sur une table de bistrot montée par Taeko du marché des Enfants rouges et son compagnon Philippe. On le choisit au porc pané, au poulet frit ou aux légumes de saison, avec un supplément œuf bio Tamago (mariné).

01 56 06 90 18 Mardi-samedi 12 :00-21 :00 Formule 10-11 €

Une seule table dehors pour déjeuner sur place. On vient donc emporter ses shengjian, baos de la région de Shanghai, et sa soupe épicée pour les dévorer dans un coin tranquille, à l’abri des regards. Pas de souci alors, à laisser dégouliner le jus lorsque l’on aspire à l’aide d’une paille le jus des shengjian au porc, brûlants, dodus et grillés à la poêle, avant de les tremper dans du vinaigre de riz noir. Pas de scrupule non plus à slurper bruyamment les vermicelles de patate douce gluants et transparents tout en rougissant à vue d’œil, la faute au bouillon pimenté et herbacé de la puissante soupe aigre-pimentée. Ouverture d’une deuxième adresse en mai.

CAM 55 RUE AU MAIRE, 75003

06 26 41 10 66 Mercredi-dimanche 19 :00-23 :00 Assiettes 7-24 €

Dans sa salle brut, un brin punk, le chef sud-coréen Esu Lee (ex-Passerini) envoie une cuisine asiate de feu à base d’excellents produits. Ici, toutes les sauces auxquelles le Parisien lambda goûte généralement en version industrielle sont faites maison. Le chef revisite ses souvenirs, comme ces cailles rôties frites dans une chapelure grossière ou cette bavette du commandeur au kimchi découpée en lamelles et que l’on roule comme un nem dans une feuille de salade avec coriandre, menthe et riz et, bien sûr, une sauce du feu de dieu. Bien épaisse au soja fermenté et piments. On ne s’en rendait pas compte, mais avant CAM, l’asiatique gastronomique à Paris, ça n’existait pas.

nouilles de riz revisitées à la sauce crème fraîche et cheddar ; ou les gaji, aubergines, marinade sojacacahuètes.

ISAMI 4 QUAI D’ORLÉANS, 75004

01 40 46 06 97 Mardi-samedi : 12 :00-14 :00 19 :00-22 :00 Menus : 29 €-42 €

Nakayu Ra prépare derrière son comptoir ses poissons pour fabriquer sushis et chirashis. Pas de déco clinquante dans cette adresse culte de l’île de la Cité avec vue sur la Seine. La seule chose qui claque, ce sont les poissons frais aux textures et saveurs à se damner. Forcément, pour trois euros de plus, on choisit la version poisson « supérieur » pour des barbues, poulpes, thon gras, anguilles, daurades, SaintJacques… Une balade iodée simple et intense.

IPPUDO 6 PLACE JACQUES BONSERGENT, 75010

01 40 18 40 81 Lundi-dimanche 12:00-16 :00 18 :00-23 :00 Ramen 14-15 €

Mandoobar, Paris IXe

MANDOOBAR

ABRI SOBA

7 RUE D’EDIMBOURG, 75009

10 RUE SAULNIER, 75009

01 55 06 08 53 Mardi-samedi 12 :00-15 :00 19 :30-23 :00 Mandoo (x 8) 7-11 € Tartare 10-12 € / Glaces 5 €

On pourrait être dans un simple bar à raviolis coréens. Sauf qu’ici, la simplicité est doublée d’excellence. Partout. Dans la pâte fine et délicate des mandoos, raviolis en demi-lune (riz gluant, farine de blé) préparés tous les matins, dans leurs farces – comme celle au porc, ail piment et délicieux kimchi fait maison –, ou dans cette soupe de saison au doenjang (miso coréen). Des simples boules de glaces en dessert ? « Une recette que j’ai fait 26 fois avec différentes eaux pour obtenir ce résultat », précise le patron. Ce qui donne une glace charbon coco noir qui part sur des arômes de coco et s’étend en bouche pour finir sur des notes de chocolat. De la magie.

L’enseigne de coin de rue envoie toujours ses très bons bentos le midi. Le soir, l’izakaya, qui tourne autour de poissons de grande qualité et de tempura légère s’applaudit. Tsubamé, l’une des meilleures cantines japonaises sorties de terre dans le quartier (avec Peco Peco), est submergée sur les coups de 20 heures.

01 45 23 51 68 Mardi-samedi 12 :00-14 :00 / 19 :00-22 :30 Dimanche 18 :30-21 :30 Sobas 9-16 € + 6 € dans le menu déj.) Plats à partager 9 €

Oh, on l’a béni Katsuaki Okiyama le jour où il a décidé d’ouvrir sa deuxième adresse consacrée aux sobas. Dans cette belle salle tout en bois, on se pointe tôt (pas de réservation) pour déjeuner au comptoir, qui donne sur la grande cuisine ouverte, pour avaler ces nouilles au sarrasin que l’on slurpe froides ou chaudes dans des bouillons maison agrémentés de tempuras aériennes, de magret rosé-poireaux, d’œuf mollet. Le soir, l’adresse propose toujours les sobas et aussi d’autres petits plats qui envoient : flans salés, tartares de poissons, palourdes cuites au saké…

TSUBAMÉ 40 RUE DE DOUAI, 75009

01 48 78 06 84 Mardi-samedi 12 :00-14 :30 / 20 :00-22 :15 Bentos 8-12 € / Soir 3-10 €

135

Déjà trois Ippudo, chaîne star de ramen au Japon implantée à Paris depuis deux ans. Ici, la qualité des ramen n’a d’égal que le marketing affûté. Tee-shirts brandés et vocabulaire contrôlé pour l’équipe (attendez-vous à entendre un « Arigato » envoyé en chœur quand vous payez l’addition, par exemple). On choisit la cuisson de ses nouilles, entre yawa et bari kata (« tendre » et « très ferme ») et on « zuzutte » son bouillon, c’est-à-dire qu’on l’aspire sans crainte du bruit que cela produit (misophones s’abstenir !). Ce que vous ne manquerez pas de faire avec un des trois ramen à la carte, comme le nagomi et son bouillon poulet-poisson surmonté de wontons aux crevettes, chashu de poulet, menma (bambou fermenté) et ciboule.

SAAM 59 BIS RUE DE LANCRY, 75010

09 83 50 84 94 Mardi-vendredi : 12 :00-14 :30 / 19 :00-22 :15 Samedi  12 :-22 :15

Les baos gagnent du terrain dans la capitale, mais rien à faire, les gua baos, buns taïwanais revisités (un peu moins sucrés que la version originale) du restaurant coréen Saam, cantine au look calibré (mur brut, mobilier dépareillé…) restent nos préférés. Pourquoi ? Leur texture moelleuse et un tout petit peu collante, des coussins douillets faits sur place, fourrées de poitrine de porc braisé cuit à basse température, concombre, coriandre et cacahuète, poulet ou tofu frits. À manger aussi : les bibimpaps rebaptisés dupbap. Le soir et le samedi toute la journée « sides » de folie comme le jijim, galettes de kimchi ; les toppokis,

PETIT PÉKIN 162 AVENUE PARMENTIER 75010

09 50 59 95 34 Lundi-samedi 12 :00-14 :30 19 :30-22 :30 Entrées-desserts 6 € Plats 12 € / Menu 15 €

C’est l’histoire de monsieur Zhao qui après des études de cuisine à Pékin dans les années 80 a été rattrapé par les aléas de la vie : barman en Chine au premier Maxim’s de Pékin (qui signait aussi l’ouverture du pays), puis à Paris, et enfin gérant d’une boutique de vêtements Huai Ching. Mais son rêve le plus fou était d’ouvrir un restaurant. Alors quand, après vingt ans, le bar en face de sa boutique s’est libéré, il s’est lancé, avec sa femme. Chez eux, il fait chaud,


GUIDE 2018

la carte est courte et, comme à Pékin, on trouve beaucoup de plats à base de blé, des raviolis maison comme ceux au porc et ciboulette, des nouilles fraîches… Et la fameuse crêpe populaire de Pékin, la chun bing, fourrée à la viande, au concombre, au navet cru, à la ciboulette pour la rouler ensuite. Mais ce qui nous fait chavirer, c’est un plat d’une modestie et d’un charme fou : une énorme boulette de porc cuite longuement et servie dans un bouillon avec des légumes al dente. Un pot-au-feu chinois, un plat de la terre tendre, populaire et aérien.

TAVERNE DE ZHAO 49 RUE DES VINAIGRIERS, 75010

01 40 37 16 21 Mardi-dimanche 12 :00-14 :30 19 :00-22 :30 Entrées 6,50-7,80 € Plats 10,80 € / Desserts 5,50 €

La Taverne de Zhao renaît enfin de ses cendres après des mois de travaux et la naissance d’un fiston Mr Zhao version street food (lire ci-dessus). Une nouvelle devanture rouge pétant et une salle toujours aussi petite mais rutilante. La carte continue, elle, à célébrer la cuisine de Xi’An, ancienne capitale de la Chine. Parmi les plats traditionnels, les pains à la viande, nommés ici momos, en différentes versions comme la très addictive canard laqué-concombre-poireau-pâte de soja sucré ou des bouchées au porc vapeur surmontés d’œufs de truite. Moins typiques de la région mais très prisés par grand froid, les « pots en terre » brûlants où fument bouillon du chef, tofu, légumes et udon, vermicelles de riz ou pain chinois. Pas de réservation, anicroche compensée par le service toujours aussi aimable.

STREET BANGKOK

FLEUR DE MAI 61 AVENUE DE CHOISY, 75013

01 44 24 37 71 Lundi-dimanche (sauf le mercredi) 12 :00-23 :00 Plats 9-13 €

13 RUE DE LA ROQUETTE, 75011

09 62 54 90 21 Lundi-dimanche 12 :00-23 :30 Menu 10-15 €

Les vrais savent que la soupe aux raviolis de crevette, le poulet fermier vapeur moelleux, le canard laqué plus grassouillet que la moyenne provenant d’un élevage allemand 100 % destiné au restaurant et les aubergines sauces XO, soit le N° 57, le N° 102, le N° 7 et le N° complémentaire, sont les bons lots à tirer dans ce restau culte du XIIIe.

Il n’y a pas à dire, Street Bangkok a vraiment su dépoussiérer la nourriture thaïlandaise, trop souvent malmenée à Paris. Tôle galvanisée, tags, casquettes à l’envers, sonorités hip hop… l’ambiance surprend également en attendant sa commande à l’entrée. Ne jouez pas au kamikaze : quand la carte vous indique trois piments, c’est que ça pique vraiment. Comme en Thaïlande. Les vrais amoureux de sensations explosives prendront donc la salade de papaye verte et cacahuète. Les moins téméraires préfèreront le poulet mariné dans du lait de coco et sa sauce satay maison. Bon, pas cher et sans prise de tête.

TIAN TIAN WANG 82 RUE BAUDRICOURT, 75013

01 45 86 63 86 Lundi-dimanche (sauf le midi du mardi au jeudi) 12 :00-14 :30 /19 :00-2 :00 Plats 8-20 €

Tiens, tiens, un restaurant ouvert jusqu’à 2 heures du mat, où les chefs des restaurant voisins viennent après le service partager des grandes assiettes de côtes d’agneau sel et poivre et de crevettes pimentées. Chez Tian Tian, plus les plats de la carte vous sont inconnus, plus il faut les commander car c’est la toute la spécificité de cette adresse du Sichuan à la déco oubliable : proposer des plats (souvent trèèèèès épicés) que vous ne goûterez nulle part ailleurs à Paris.

AN DI AN DI 9 RUE DU LIBAN, 75020

andiandi.fr / 09 81 26 97 10 Mardi-samedi 19 :30-22 :00 Jeudi-Vendredi 12 :00-14 :00 19 :30-22 :00 Déj. 15-20 € / Dîner 12-26 €

Bien que l’appellation cuisine fusion soit aujourd’hui un peu dépassée, c’est exactement ce qui attend celui qui pousse la porte d’An Di An Di. Le duo, Nhat Pham – Adeline Gobin, lui vietnamien, elle française, met au cœur de ses assiettes le plus typique de leur culture culinaire respective. On retrouve alors un nem dauphinois, un banh cuon (crêpe de riz) à la truffe ou même un congee aux clams et à la citronnelle. Côté sucré, on ne peut que conseiller la crème brûlée au sésame noir qui, comme l’ensemble de la table, a un bon goût de France et un grand goût d’ailleurs.

GUIDE 2018

SUCRÉ HUGO & VICTOR 7 RUE GOMBOUST 75001

hugovictor.com 01 42 96 10 20 Mardi-Jeudi 10 :30-19 :00 Vendredi-Samedi : 10 :30-20 :00

40, BOULEVARD RASPAIL 75007

01 44 39 97 73 Lundi-Jeudi 10 :30-19 :00 Vendredi 10 :00-20 :00 Samedi 9 :00-20 :00 Dimanche 10 :30-19 :00

Hugo & Victor, c’est l’œuvre d’Hugues Pouget et de son envie d’hommage à l’écrivain français. Dans ses boutiques, ses créations portent souvent un nom d’artiste : la tarte Gauguin envoie des fruits exotiques sous une gelée passion, la Pyrus combine pomme poire et crème d’amande et l’Homère est un mont-blanc déguisé. Classique, bien fait et sans surprise.

CASSE NOISETTE 35, AVENUE DE L’OPÉRA, 75002

09 80 62 57 72 Lundi-Samedi 8 :00-20 :00 Dimanche 10 :00-20 :00

Classico-classique, la pâtisserie de Jeffrey Cagnes est une valeur sûre. Au milieu des sentinelles de l’admiré Tchaïkovski – et de l’avenue de l’Opéra –, le pâtissier formé au Thoumieux excelle dans un style rétro-old schoolmoderniste. Il revisite l’éclair à la pistache, le Paris-Brest (un coup de cœur) ou encore et toujours ce cannelé en habit de chocolat au lait et teintes de cuivre. Au déjeuner, du salé est aussi disponible : tartes, quiches et sandwichs de haut niveau.

PÂTISSERIE TOMO 11 RUE CHABANAIS, 75002

www.patisserietomo.fr 09 67 77 96 72 Mardi-Dimanche 12 :00-19 :00

C’est d’un duo franco-japonais qu’est née Tomo. Takanori Murata et Romain Gaia (ex-Jacques Genin) ont ouvert cette adresse aux allures de « Délices de Tokyo ». Comme dans l’œuvre poétique de Naomi Kawase, la spécialité est le dorayaki préparé minute. Délicatesse japonaise au rendez-vous : le classique dorayaki Anko Tsobuan (farci de pâte de haricots rouges azuki) se décline selon les saisons en version figues, poires ou passion-citron vert-basilic.

FOU DE PÂTISSERIE 45 RUE MONTORGUEIL, 75002

foudepatisserie.fr 01 40 41 00 61 Lundi-Vendredi : 11 :00-20 :00 Samedi : 10 :00-20 :00 Dimanche : 11 :00-18 :00

Il fallait l’inventer, Fou de pâtisserie l’a fait : rassembler les créations iconiques des plus grands chefs pâtissiers en un seul lieu. Les gâteaux de Jacques Genin côtoient ceux de Cyril Lignac, les classiques de Conticini ou encore les éclairs de Christophe Adam (L’Éclair de génie). Le tarif unique des gâteaux, 5,90 €, met tout ce beau monde à égalité.

JACQUES GENIN 133 RUE DE TURENNE, 75003 27 RUE DE VARENNE, 75007

jacquesgenin.fr 01 45 77 29 01 / 01 53 71 72 21 TURENNE

Mardi-Dimanche 10 :00-19 :00 VARENNE

Mardi-Samedi 10 :30-19 :00

Jacques Genin trouve ses fans dans les gangs d’amateurs de chocolat mais pas seulement. Ce touche-à-tout (issu de la cuisine, il s’est concentré sur la pâtisserie puis plus encore sur le chocolat) autodidacte, est une référence

136

Pâtisserie du Panthéon, Paris Ve

dans le milieu. Dans sa boutique historique de la rue de Turenne, les grands crus de cacao sont exposés telles des pièces d’orfèvrerie. À côté des carrés pralinés amande, par exemple, des pâtes de fruit acidulées ou encore son fameux flan à dévorer sur place.

PÂTISSERIE YANN COUVREUR 23 BIS RUE DES ROSIERS, 75004

Tous les jours 10 :00-20 :00 137 AVENUE PARMENTIER, 75010

yanncouvreur.com Tous les jours 8 :00-20 :00

Une petite nouvelle dans la famille des pâtisseries à l’emblème de renard : celle de la rue des Rosiers. On y retrouve avec plaisir et 7/7 ses viennoiseries roulées, mais aussi son millefeuille sarrasin ou ses merveilles glacées entre meringue, pralines et douce chantilly chocolat au lait. On apprécie la recherche incessante de nouveautés, comme la pavlova aux fruits servie dans une cup, à dévorer en mode street pâtisserie.

137

PÂTISSERIE SADAHARU AOKI DU PANTHÉON

56 BOULEVARD DE PORT ROYAL,

200 RUE SAINT-JACQUES, 75005

sebastien-degardin.com 01 43 07 77 59 Mercredi-Dimanche 9 :00-20 :00

Sébastien Dégardin a cumulé les grands noms pour son apprentissage : l’exploration du monde avec les Troisgros, la rigueur de Pierre Gagnaire. Jusqu’au choix de se poser, avec son épouse Sandrine, une première fois boulevard de Reuilly avant de migrer en 2013 au Panthéon. Dans l’ambiance Art déco signée Renato Panzani, qui vaut à son adresse d’être classé au patrimoine historique, on penche pour la Diva (pâte à choux, crème d’amande, chocolat-pistache, café ou vanille) ou une riche religieuse caramel et vanille.

75005

01 45 35 36 80 Mardi-Samedi 10 :00-19 :00 Dimanche 10 :00-18 :00

35 RUE DE VAUGIRARD, 75006

01 45 44 48 90 Mardi-Samedi 11 :00-19 :00 Dimanche 10 :00-18 :00

103 RUE SAINT-DOMINIQUE, 75007

01 44 18 92 23 Mardi-Samedi 11 :00-19 :00 Dimanche 10 :00-18 :00 25 RUE PÉRIGNON, 75015

01 43 06 02 71 Mardi-Samedi 11 :00-19 :00 Dimanche 11 :00-18 :00

Pionnier de la pâtisserie japonaise en France, Sadaharu Aoki s’est aujourd’hui démultiplié. La douceur et la minutie font école. Le cheesecake est un incontournable : crème au fromage doublée d’une au citron, texture d’un crumble noisette. Le chou au matcha, au goût concentré, est aussi l’exemple parfait d’une pâtisserie pour âmes sensibles.


GUIDE 2018

UN ÀDIMANCHE PARIS 4-6-8 COUR DU COMMERCE SAINT-ANDRÉ, 75006

un-dimanche-a-paris.com 01 56 81 18 18 Lundi 14 :00-18 :00 Mardi 15 :00-22 :00 Mercredi-Samedi 12 :00-22 :00 Dimanche 11 :00-18 :30

Nicolas Bacheyre est aujourd’hui bien installé cour du Commerce. Une créativité sans cesse renouvelée et une technique hors normes donnent lieu à des pièces de saison telle la tarte mangue, onctueuse ganache à la noix de coco pimpée de gel de citron vert, d’une fraîcheur absolue.

MORI YOSHIDA 65 AVENUE DE BRETEUIL, 75007

moriyoshida.fr 01 47 34 29 74 Mercredi-Dimanche 10 :00-19 :15

À Grenelle, le grand Mori Yoshida impressionne. Que ce soit par l’épaisseur et le fondant de son flan vanillé, par la hauteur de ses mont-blanc ou par le goût de toutes ses créations. La petite dernière, galette des rois au citron tombe juste avec cet équilibre fin entre générosité et délicatesse, pâtisserie d’une rare subtilité.

PÂTISSERIES ET CHOCOLATERIES CYRIL LIGNAC 133 RUE DE SÈVRES, 75006

et en enchaînant oursons, brownies, tablettes exceptionnelles. Dans les pâtisseries, la fameuse et punchy tarte citron meringuée siège à côté de l’Equinoxe, première création de Cyril Lignac et Benoît Couvrand : du caramel au beurre salé pris en sandwich entre un spéculoos et une crème vanille, pas une fausse note.

55 BLD. PASTEUR, 75015 9 RUE BAYEN, 75017 CHOCOLATERIES 34 RUE DU DRAGON, 75006 25 RUE CHANZY, 75011

gourmand-croquant.com 01 55 87 21 40

La grande table commune au centre de la Chocolaterie annonce la couleur : les enseignes de Cyril Lignac se veulent chaleureuses. On y vit, on prend son superbe chocolat chaud en lisant le journal

PÂTISSERIE SÉBASTIEN GAUDARD 22 RUE DES MARTYRS, 75009

sebastiengaudard.com 01 71 18 24 70 Lundi-Vendredi 10 :00-20 :00 1 RUE DES PYRAMIDES, 75001

01 71 18 24 70 Mardi-Samedi 10 :00-19 :30

DES GÂTEAUX ET DU PAIN 89 RUE DU BAC, 75007

desgateauxetdupain.com 63 BOULEVARD PASTEUR, 75015

06 98 95 33 18 Lundi, Mercredi-Samedi 9 :00-20 :00 Dimanche 9 :00-18 :00

La grande Claire Damon n’a plus besoin de présentation. Dans sa boutique rue du Bac, l’Auvergnate travaille avec autant d’exigence, pain et pâtisseries. Ces dernières oscillent entre légèreté (pamplemousse rosa tout en fraîcheur, biscuit de riz et mousse à l’essence naturelle de rose et segments de pamplemousse corse) et véritable régression (mont-blanc cassis d’une puissance inédite). L’attachement au respect des saisons est toujours présent, une revendication suffisamment rare dans la sphère pâtissière pour être noté.

KARAMEL 67 RUE SAINT-DOMINIQUE, 75007

karamelparis.com 01 71 93 02 94 Tous les jours 8 :30-20 :00

24 RUE PAUL BERT, 75011 2 RUE DE CHAILLOT, 75016

GUIDE 2018

Nicolas Haelewyn a été formé au classicisme pâtissier chez Ladurée. Pour autant, la création est ici débridée. On retrouve toujours ces Kararolls déments, feuilletés surmontés de « Karamel » qui se déclinent en version pistache ou praline, par exemple. À côté, de jolies surprises comme cette poire au cœur coulant pochée au caramel, posée sur une pâte sucrée aux noix de pécan et un crémeux au chocolat.

138

Le kouglof en entrant donne la note : un hommage de Sébastien Gaudard à ses origines alsaciennes. Loin de se cantonner au régional, cet ancien apprenti de Pierre Hermé connaît ses classiques sur le bout des doigts : vacherins, religieuses, babas et autres tablettes chocolatées d’une précision exceptionnelle. Le tout à savourer dans son cadre chic aux codes de salon de thé parisien.

BOULANGERIE BO 85 BIS RUE DE CHARENTON, 75012

01 43 07 75 21 Lundi-Mardi-JeudiDimanche 7 :00-20 :00

On connaît Olivier Haustraete pour ses pains aux farines anciennes (son pain fumé est un must !) mais aussi pour ses classiques pâtissiers qui logent derrière sa vitrine d’époque. Le Paris-Brest est incontournable, les choux se déclinent selon les saisons et l’entremets chocolat se la joue épicé avec quelques baies de poivre de Sichuan. Tradi ou aventurier, le choix est vaste.

sienne. Au sein de sa boutique de Wagram, au salon ou au comptoir (à emporter), il créé (le Nutsy, mousse noisette, crème brûlée café, biscuit et crumble noisette) et interprète de grands classiques comme le millefeuille, à l’impressionnant feuilletage aérien.

sarrasin qui rompent tous deux avec le crémeux d’une chantilly aérienne qui ne s’efface pas derrière le sucre. Le lieu est beau, moderne quasi-immaculé sans tomber dans le trop, juste zen.

PÂTISSERIE GILLES MARCHAL

150 RUE DE MÉNILMONTANT,

BENOÎT CASTEL 9 RUE RAVIGNAN, 75018

gillesmarchal.com 01 85 34 73 30 Compagnie générale de biscuiterie 1 rue Constance, 75018 06 86 43 40 84

Sur le flanc de la butte, Gilles Marchal a inséré sa boutique dans l’esprit village qui lui correspond. Sa pâtisserie de quartier, bon enfant, fournit les familles venues chercher leur douceur du dimanche : tartes Bourdaloue, citron meringuée, éclairs chocolat et autres viennoiseries. À tester absolument au goûter, façon grand-mère : la tablette chocolat noir aux noix de pécan.

BORIS LUMÉ 48 RUE CAULAINCOURT, 75018

01 46 06 96 71 Mercredi-Dimanche 7 :45-20 :00

Boris Lumé pratique une pâtisserie bilingue. Sa femme, japonaise, laisse une impressionnante touche nippone dans ses créations qui font honneur au matcha (en chou avec une pointe de vanille, associé à la framboise en entremets ou en cake). Le goût est puissant, le rapport qualitéprix aussi.

KLKEVIN PÂTISSERIE/ LACOTE PÂTISSERIE DE LA GOUTTE D’OR

78 AVENUE DE VILLIERS 75017

klpatisserie.com 01 45 71 64 84 Mardi-Vendredi 9 :00 – 19 :30 Samedi 9 :30 – 19 :30 Dimanche 9 :30-18 :30

07 60 35 10 13 Mardi-Vendredi 8 :00-19 :30 Samedi 9 :00-19 :30

De son apprentissage à l’Ambroisie de Bernard Pacaud à son déclic chez Hugo & Victor, Kevin Lacote a vu du pays, des façons différentes d’appréhender la pâtisserie jusqu’à imaginer la

Yann Menguy est jeune et il a déjà tout compris. Il connaît ses classiques sur le bout des doigts et a déjà assis le gâteau de la Goutte d’or comme référence. Un biscuit au chocolat et un croustillant de

183 RUE MARCADET, 75018

75020

benoitcastel.com 01 46 36 13 82 Mercredi-Vendredi 7 :30-20 :00 Samedi 8 :00-20 :00 Dimanche 8 :00-18 :00

Pas de chichis chez Benoît Castel. On oublie les pâtisseries alignées au cordeau, le style bijouterie, ici c’est une autre ambiance : décomplexée, à la bonne franquette. Le choix des produits, en revanche, est digne d’un orfèvre. La tarte à la crème d’Isigny est un appel à la régression, il y a aussi du granola et des confitures à emporter. Mais enfin, pour le brunch, on reste volontiers.

BOULANGERIES DE BELLES MANIÈRES

aussi ses pains salés, notamment soubressade et chorizo, ou olives de Kalamata, et son pain de mie aux herbes fraîches, basilic ou estragon.

gnon (Moulin Matignon), Bruno Solques façonne en écoutant Bashung des pains bruts, grignés à la volée. Pas deux qui se ressemblent, et c’est tant mieux.

ERNEST THIERRY MARX ET VALENTIN LA BOULANGERIE 42 RUE RÉAUMUR, 75003

51 RUE DE LABORDE, 75008

www.thierrymarx laboulangerie.com Lundi-samedi 7 :30-20 :00

225 RUE DE CHARENTON, 75012 10 RUE DU COMMERCE, 75015

Lundi-Mercredi, Vendredi 7 :00-20 :30 / Samedi 7 :30-19 :30

Pas d’Ernest ni de Valentin à la tête de l’enseigne, mais Bradley et Logan Lafond. Diplômés de l’EDHEC, d’abord embarqués dans l’univers du design et de l’ameublement, les frères ont fait volte-face et se sont lancés dans la boulange. Ils rachètent une boulangerie en difficulté, se font la main et tentent d’installer un (ou deux) noms de plus à la série des boulangeries au marketing bien ficelé. Le plus est que, pour une fois, cela ne nuit pas à la qualité, à l’image du pain d’Ernest au levain naturel, une grosse pièce, a une mie moelleuse, aérée et au grignage appliqué. La petite entreprise fonctionne si bien qu’une autre adresse a été ouverte en 2017. Trois fois plus de raisons d’aller casser la graine d’un pain multi-céréales ou d’un pain nordique.

BRUNO SOLQUES 243 RUE SAINT-JACQUES, 75005

Mardi-Samedi 8 :00-20 :00

www.boulangeriesolques. com Lundi-vendredi 8 :00-19 :00

Sylvie Debellemaniere est une « boulangère à Paris », c’est écrit sur sa devanture à l’enseigne contre-éponyme. Depuis 2015, sous sa belle verrière, elle s’est mise en accord avec ses convictions, après avoir ouvert sa première boutique à Maisons-Alfort. Avec des farines bio ou CRC Label Rouge de chez Trottin (Mayenne), du levain naturel et une cuisson devant les clients, elle a élaboré une centaine de recettes, traditionnelles (seigle, campagne ou céréales) ou dans l’air du temps (petit épeautre, quinoa). On aime

Dans la galerie-boulangerie de Bruno Solques, le pain devient œuvre d’art. Dès l’entrée, le ton est donné : les céramiques du patron s’exposent par dizaines aux murs sombres mais chaleureux, sous l’œil du chat (noir) de la maison. Cet illuminé du pain formé chez Poilâne travaille la pâte afin que chacune de ses miches biscornues au goût forestier, acidulées et denses, soient le résultat unique d’un processus créatif. Mention spéciale au pain au sarrasin bio. Avec ses farines du Gâtinais, de chez Gilles Mati-

5 RUE DE TURBIGO, 75001

139

Après avoir créé Boulangerie Mode d’emploi(s), école d’insertion, Thierry Marx a logiquement ouvert sa boulangerie. Le décor est zen, silhouette du chef façon Hitchcock au mur, banquettes en cuir et demi-scooters pour s’asseoir à la table haute. Le MOF Joël Defives y prépare des pains à base de farines biologiques, de châtaigne ou de riz, des breadmakis (roulé de pain de mie maison toasté et préparé minute au teppanyaki), des gâteaux de voyage, tel la Tarte Maître, pomme et macaron, et un pain nouveau à découvrir chaque semaine.

LE FOURNIL DES CHAMPS 68 RUE PIERRE CHARRON, 75008

www.lepainquotidien.fr Lundi-Dimanche 8 :00-19 :00

Alain Coumont, fondateur du Pain Quotidien et vigneron nature dans l’Hérault, et Roland Feuillas, pionnier du pain aux farines de blés anciens, ont créé ce lieu à la fois meunerie, boulangerie et restaurant. À quelques mètres de l’avenue des ChampsElysées, la farine est moulue le matin, le pain 100 % Nature® façonné dans la journée et cuit le lendemain. Il faut tout oser mais passer à côté du pain de seigle, dense et parfumé, serait un sacrilège. Le goût du blé et rien d’autre.

HUMPHRIS 1 RUE MILTON, 75009

www.heurteloup.net Mardi-Vendredi 14 :00-20 :30 Samedi 9 :00-20 :00

Le pain d’Humphris est, littéralement, un pain fermier. La ferme en question est celle d’Heurteloup. Située à Arnouville-lesMantes, c’est en son sein que le père de Dan Humphris cultive biologiquement les blés qui seront ensuite passés à la meule de pierre du Moulin d’Auffreville, puis façonnés et cuits par M. et Mme Humphris dans le four ancien de la propriété. Dans son bazar gourmand de la rue Milton, Dan vend les miches tant attendues dès leur arrivage. À côté d’une large gamme boulangère, ne ratez pas les quelques légumes de la ferme, les rillettes et autres conserves de voisins amis.

MAMICHE 45 RUE CONDORCET, 75009

www.mamiche.fr Lundi-Vendredi 8 :00-20 :00 Dimanche 8 :00-18 :00

« Boulangerie de quartier ». C’est peu et beaucoup à la fois. Cécile Khayat, titulaire d’un CAP de pâtisserie et formée au Cordon Bleu, et Victoria Effantin, détentrice d’un CAP de boulangerie, ont voulu une boutique toute simple, lumineuse, avec un fournil ouvert et une transparence totale sur les produits utilisés. Côté pain, on n’a que l’embarras du choix entre le pain de Tradition, à la mie bien alvéolée, qui se décline au levain mais aussi aux fruits secs et graines de courge, et la miche maison au levain faite à partir de blé Rouge du Roc, « assaisonné » de miel de châtaignier. Accueil souriant et pédago en prime.


GUIDE 2018

GUIDE 2018

FARINE & O 10 RUE DES MARTYRS, 75009 153 RUE DU FAUBOURG SAINT-ANTOINE, 75011

Lundi, mercredi, dimanche 7 :30-20 :30

À croire que la boulangerie ne fonctionne qu’à deux : ici Olivier Magne et Florian Argoud. La vingtaine, Olivier Magne exerçait déjà l’artisanat dans son Cantal d’origine mais s’installer à Paris fait rayonner son savoirfaire dans cet écrin de matières brutes entre terroir et modernité, à l’image du pain. Lui aussi est brut, naturel : de la farine, de l’eau. Olivier, Meilleur ouvrier de France en 2015, et Florian ont ouvert une deuxième enseigne fin 2017, rue des Martyrs. Boulangerie Bo, Paris XIIe

CHAMBELLAND 14 RUE TERNAUX, 75011

chambelland.com Mardi-dimanche 9 :00-20 :00

Un businessman, un biologiste, du riz, de l’eau, voilà l’histoire de Nathaniel Doboin et Thomas Teffri-Chambelland. Leur adresse à succès propose de grands pains sans gluten pétris aux farines de riz et de sarrasin, assez plats et à la croûte épaisse. Pour pousser leur projet jusqu’au bout, le duo a aussi investi dans la meunerie : ils possèdent leurs propres moulins à Malijai dans les Alpes de Haute-Provence. Ce sont ces derniers, soignés par Stéphane Pichard, qui fournissent toute la farine de riz de Camargue et de la plaine du Pô nécessaire au Village (nature) ou à l’Athlète (figues, abricots, raisins et noisettes) et à leurs versions mini, les Chambellines, déclinées en graines de pavot et sésame et au chocolat. Traçabilité optimale.

TENBREAD BELLES 17-19 RUE BRÉGUET, 75011

Lundi-Vendredi 8 :30-20 :00 / Samedi-Dimanche 9 :00-18 :00

Alice Quillet et Anselme Blayney, déjà connus pour l’ex-Bal Café et

pour leur café originel Ten Belles, rue de la Grange aux Belles, ont vu grand pour cette nouvelle adresse. Façon labo, le lieu brut qui donne sur une agréable cour intérieure transformée en spot à brunch le week-end. Quant au pain à proprement parler, on est dans la qualité d’un levain aux farines de l’Yonne (Moulins Bourgeois) qui doit fermenter de longues heures avant de donner naissance à une miche à la texture bipolaire : croûte extrêmement craquante et mie à l’humidité poussée. On aime aussi la variante aux graines de sésame torréfiées et nous ne sommes pas les seuls car le labo hype de Ten Belles approvisionne quelques tables parisiennes… à vélo évidemment.

UTOPIE 20 RUE JEAN-PIERRE TIMBAUD, 75011

Mardi-dimanche 7 :00-20 :00

Sébastien Bruno et Erwan Blanche ont relevé un sacré challenge en reprenant cette boulangerie marquée du sceau de la Banette, jusqu’à devenir meilleure boulangerie de France en 2016. Baguettes, moulés, pains à la coupe sont réalisés à partir de matières premières naturelles et répondent à l’authenticité annoncée du pain star du lieu :

140

l’« Authentic », vendu à la coupe, est alvéolé, sa croûte épaisse et les arômes pleinement développés, résultat d’une maturation lente. Les versions « agrémentées » sont des réussites, en particulier celle au muesli, et étonnantes, comme la baguette de tradition au charbon actif.

DUPAIN 20 BOULEVARD DES FILLES DU CALVAIRE, 75011

www.dupain.paris Mardi-dimanche 7 :00-20 :00

Dupain est l’un des rejetons de la Vertigo Family (Pas de loup, Beaucoup, Bonvivant…). Tanguy Lahaye y travaille entre autres des miches à la farine certifiée bio de la Minoterie Suire, installée depuis près de quarante ans en Loire-Atlantique, et des Moulins Bourgeois, fondés en 1895 en Seine-et-Marne. L’une des miches en question est façonnée la veille pour le lendemain au sel de Guérande. Le levain maison lui donne une acidité a peine perceptible qui se marie élégamment à sa salinité prononcée. Et même si, contraintes légales obligent, le four est électrique, la croûte de ce pain fort en froment est bien présente, caramélisée et odorante.

BOULANGERIE BO 85 BIS RUE DE CHARENTON, 75012

Lundi, mardi, jeudi, dimanche 7 :00-20 :00

Benoît Gindre et Olivier Haustraete (d’où « BO »), à deux pas du marché d’Aligre, sont toujours aussi forts. Olivier, au fournil, est passé par Tokyo chez Alain Ducasse, puis a continué sa route de voyageur pour en rapporter diverses inspirations qui se concrétisent dans ses pains et les rend mouvants, vivants. L’emblème de BO : le pain des voisins, un rustique molosse associant seigle, sarrasin, froment au levain, naturel, forcément. Le week-end, ne passez pas à côté de leur pain fumé.

DOMINIQUE SAIBRON 77 AVENUE DU GÉNÉRAL LECLERC, 75014

www.dominique-saibron.com Mardi-Dimanche 7 :00-20 :30

La boutique de Dominique Saibron ne désemplit pas, tandis que son travail sur les farines, le levain, la fermentation, continue de séduire de nombreux restaurateurs, dont Alain Ducasse et

Christophe Saintagne. Alors que la nouvelle génération de la boulange fait parler d’elle, il poursuit une œuvre de grand artisan de précision que l’on aurait tort de négliger. Son pain de campagne aux blés anciens et son pain de châtaigne bio parlent pour lui. Son levain également, une culture à base de miel et d’épices qui lui a permis de développer des arômes sucrés et une palette d’odeurs et de saveurs authentiques.

EUGÈNE 11 RUE GUILLAUME TELL, 75017

www.eugene.paris Mardi-Vendredi 8 :00-19 :30 Samedi 9 :00-19 :30 Dimanche 9 :00-13 :30

Rattrapé sur le tard par un diabète insulino-dépendant mal pris en compte, Christophe Touchet a tout lâché, finance et immobilier, pour soigner sa gourmandise en créant la pâtisserie Eugène. Outre les goûteux gâteaux à l’indice glycémique savamment contrôlé (mention spéciale à la tarte au citron), il a aussi développé une gamme de pains au levain tout aussi sains. Le pavé complet est élaboré à partir d’un mélange de son d’avoine et de farine complète T80 meulée à la pierre, mais notre préféré, c’est le pavé aux graines de lin brun, craquantes et bienfaisantes pour le corps.

pavé comme on en voit rarement. Moulé, on l’aime pour son humidité, ses saveurs campagnardes de petit épeautre et sa longue conservation.

ÉMILE ET JULES 18 RUE DE LA TERRASSE, 75017

www.fermedemoisan.fr Lundi-vendredi 7 :30-20 :30 Samedi 8 :00-20 :30

En s’éloignant un petit peu de Paris, à la lisière de la forêt de Rambouillet, on trouve le village de Grosrouvre (Yvelines) et son Moulin des Moissons. Il s’agit d’une ferme céréalière que cinq générations ont contribué à entretenir. Aujourd’hui, la quatrième travaille en chœur avec la cinquième. Emile et Jules continuent à prodiguer la philosophie mise en place dès le départ : agriculture raisonnée et contrôle de l’ensemble du cycle céréalier, du champ au pain en passant par la meule de pierre. Le pain justement : un « oreiller » qui a longuement maturé au fort levain seigle/ miel, léger et au parfum céréalier un peu herbacé.

BENOÎT CASTEL MÉNILMONTANT 150 RUE DE MÉNILMONTANT, 75020

benoitcastel.com Mercredi-Vendredi 7 :30-20 :00 Samedi 8 :00-20 :00 Dimanche 8 :00-18 :00

date. Sourcing rigoureux et respect des saisons sont ses autres crédos. Au fil du temps, il a aussi diminué les doses de sucre, supprimé la gélatine bovine et limité les autres, trognon et peau des pommes, servent aux nappages bourrés de pectine naturelle. On vient ici notamment pour le puissant pain du coin, façonné au levain de… coing au sel gemme de Salish, fumé au bois d’aulne rouge et en provenance de Washington.

LE BRICHETON 50 RUE DE LA RÉUNION, 75020

Mardi, vendredi et samedi 17 :00-20 :00 / Dimanche 11 :00-14 :00

Vous avez déjà pu goûter les pains de Maxime Bussy il y a de cela quelques années, Au Passage (Passage Saint-Sébastien, Paris XI). Après un road trip à travers champs de blé, celui-ci s’est épris de l’art de la panification et a choisi d’ouvrir ce qui est plus un fournil ouvert qu’une boulangerie. Pas de nom sur la devanture, une simple façade couleur gris-souris. Le maître des lieux panifie en direct, devant les avertis qui se sont pointés dans le créneau des 3 heures d’ouverture pour récupérer un pain souvent commandé à l’avance par sms. Celui-ci a une croûte marquée, une odeur lactée et des arômes boisés sûrement liés à la source : des blés de population anciens récoltés dans le sud de la France. Sélection et exigence sont les maîtres mots du Bricheton.

BOULANGERIE MONTGOLFIÈRE

72 RUE JEAN-PIERRE TIMBAUD,

49 RUE LAUGIER, 75017

75011

La duConquête Pain

JOSEPHINE BAKERY

46 RUE DE LA BEAUNE,

42 RUE JACOB, 75006

www.laconquetedupain.fr Mardi-Vendredi 8 :00-20 :00 Samedi 8 :00-16 :00

www.boulangerie montgolfiere. fr Lundi-vendredi 7 :00-20 :30 Samedi 7 :00-17 :00

Avant toute chose, faisons tomber l’intrigue : « Montgolfière », car dans le pain de Thomas Paris et Grégoire Baron, les alvéoles sont assumées comme si, elles aussi, allaient soulever des nacelles. Thomas est passé par les cuisines du génie Pierre Gagnaire et a trouvé en Grégoire, un ancien financier repenti, un bon allié pour monter la maison. Le pain du voyageur est un

RÉPUBLIQUE

Mercredi-Samedi 7 :30-20 :00 Dimanche 8 :00-15 :00

93100 MONTREUIL

Fermé samedi et dimanche

De plus en plus de boulangeries font tomber les cloisons entre le laboratoire boulanger et le lieu de vente : « décomplexer le labo du boulanger » en le mettant en exergue, à la vue de tous, c’était l’objectif de Benoît Castel, le patron. C’est réussi tout là-haut à Ménilmontant comme à République, dernière ouverture en

141

La « conquête », « boulangerie bio autogérée », « fermée pour Assemblée Générale le mardi de 14 h à 16 h », on affiche clairement ses engagements, plus proche de Pierre Kropotkine que de Pierre Gattaz. Ici, pas de patron et tous perçoivent le

même salaire, 1 500  € net. C’est l’anarchie, mais pas le bordel. Et c’est avant tout une boulangerie proposant 15 sortes de pain et deux excellentes baguettes, la Baobab et la Préhistorique, que l’on peut payer au prix de crise (0,75 €), si on est trop juste.


INDEX

VILLE À VILLE Le Clos des Sens Auberge du Père Bise

ANNECY-LE-VIEUX

p 93 p 93

La Chassagnette p 93 ARLES

Le Mascaret

p 93

BLAINVILLE-SUR-MER

La ferme de la Ruchotte

BLIGNY-SUR-OUCHE

L’Auberge du Vert Mont

p 94

BOESCHEPE

Hutong Miles Madame Pang Mampuku Meatpack L’Atelier des Faures Symbiose Le Taquin Tentazionni Garopapilles Le Chien de Pavlov BORDEAUX

p 94 p 94 p 94 p 94 p 95 p 95 p 95 p 95 p 95 p 95 p 95 p 96

Le Prince Noir

p 96

Hinoki L’Imaginaire

p 96 p 96

BRICQUEVILLESUR-MER

Couleurs, saveurs

Auberge La Fenière

p 96

CADENET

L’Accolade L’Initial CAEN

p 96 p 96 p 97

La Table Breizh Café p 97 Palégrié

Le chapeau rouge

L’Ô des vignes

p 97

FUISSÉ

Le Jardin des plumes GIVERNY

p 98

Le Clair de la Plume

p 98

L’auberge Tiegezh

p 98

GRIGAN

GUER

p 97

p 98

LA MADELAINESOUS-MONTREUIL

La Grenouillère p 99 Anecdote

p 99

Bras

p 99

Empreinte

p 99

MONTREUIL-SUR-MER

LAGUIOLE

LAMBERSART

Atmosphères

p 100

LE BOURGET-DU-LAC

Restaurant Jean-Luc Tartarin p 100 LE HAVRE

Bloempot Le Coke Le Vagabond Le Gabbro Méert

p 100 p 100 p 100 p 100 p 100

La Bijouterie La Mère Brazier Le Prairial Substrat Les Apothicaires Café Sillon Le Kitchen Café

p 100

LILLE

L’idéal La Mercerie Chez Mémé Madame Jeanne Alcyone / Intercontinental Le Café des Épices Une Table au Sud La Fabriquerie Le Petit Nice Tabi No Yume AM

p 102 p 102 p 103 p 103 p 103

Flocons de sel

p 103

MARSEILLE

MEGÈVE

La Colline du Colombier

LYON

CANCALE

CORRENÇONEN-VERCORS

p 97

IGUÉRANDE

LORMONT

BREST

Toya

FAULQUEMONT

p 101 p 101 p 101 p 101 p 101 p 101

p 101 p 101 p 102 p 102 p 102 p 102

Le Pastis Leclere Anga

p 104 p 104 p 104

NANTES

L’U.NI Lulu Rouget Pickles

p 104 p 104 p 105

NICE

Flaveur

p 105

La Marine

p 105

Maison Troisgros

p 105

L’arsouille Bercail IMA Racines

p 106 p 106 p 106 p 106

L’Odas

p 107

MONTPELLIER

NOIRMOUTIER

OUCHES

RENNES

ROUEN

La Mare aux Oiseaux

PARIS Clover Grill Yam’tcha Ellsworth Uma Sur Mesure Mandarin Oriental

p 112

Saturne A Noste Racines

p 112 p 112 p 112

Carbon Soma

p 112 p 113

IER

IIE

IIIE

L’Epi Dupin Quinsou Tomy & Co KGB Ze Kitchen Galerie Sauvage

p 97

p 114 p 114

p 107

Restaurant Régis et Jacques Marcon p 107 SAINT-PIERREQUIBERON

Le Petit Hôtel du Grand Large p 108 p 108

Aux Terrasses p 108 TOURNUS

VALENCE

Maison Pic

p 109

Pertica

p 109

Jacques Decoret

p 109

VICHY

143

p 116 p 116 p 116 p 117 p 117 p 117 p 117 p 117 p 117 p 118 p 118 p 118

52 Faubourg Saint-Denis Le Mordant Le Galopin Abri A mère Les Arlots Eels Vivant Mamagoto

p 118 p 118 p 118 p 118 p 118 p 119 p 119 p 119 p 119

XIE

Botanique Fulgurances 6 Paul Bert Vantre Brutos Au passage Clamato Le Servan Clown Bar Mokonuts

p 119 p 120 p 120 p 120 p 120 p 120 p 121 p 121 p 121 p 121

Dersou Table Passerini Restaurant

p 121 p 121 p 122

Tempero

p 122

XE

XIIE

E

Epoca p 122 Le Quinzième p 122 XVE

Antoine p 122 L’Astrance p 122 Le Récepteur p 123 XVIE

Coretta p 123 Gare au gorille p 123 Papillon p 123 XVIIE

Maloka Encore Richer Orties Le Pantruche Caillebotte Belle Maison IXE

XIII

SAINT-BONNETLE-FROID

VENDÔME

p 114 p 114 p 114 p 114

Yoshinori p 114 Racines des Près p 115 Restaurant Plume p 115 Jaïs p 115 Cléo - Le Narcisse blanc p 115 Clover p 115 Restaurant David Toutain p 115 Loiseau Rive Gauche p 115 L’Arpège p 116

VIIE

SAINT-JOACHIM

L’Assiette Champenoise

E

VIE

TINQUEUX

DIJON

p 111 p 111 p 111 p 111

Kitchen Terre p 113 Alliance p 113 AT p 113 V

Pierre Gagnaire Neva Cuisine Le Grand Restaurant Le Gabriel Le Mermoz VIIIE

XVIIIE

Noun Sunset Co18 Vava Polissons

p 124 p 124 p 124 p 124 p 124

Quedubon

p 125

XIXE

Le Desnoyez p 125 Dilia p 125 Le Grand Bain p 125 XXE

BOULOGNEBILLANCOURT

Plantxa La Machine à coudes

p 125 p 125


CAHIER DE CUISINE



CLAIRE HEITZLER

Maison Ladurée CÉDRIC GROLET

Le Meurice

SUCRE CLASSE PAR KIM LÉVY PHOTOS STÉPHANIE FÜSSENICH

Pour son premier Cahier de pâtisserie, Omnivore réunit des macarons globetrotteurs et des fruits sculptés parisiens, la boutique et le restaurant, la matière et le concept. Bref, deux têtes chercheuses aux quotidiens diamétralement opposés.

Les univers sont à ce point parallèles que le rendez-vous a bien failli ne jamais arriver. Au bout du fil, Cédric Grolet s’excuse de ne pas pouvoir se rendre à Ladurée : « C’est une grosse vague en ce moment, avec beaucoup de titres et donc beaucoup de presse. On est tous pareils, on n’arrive pas à se voir... » C’est acté : la pâtisserie a pris sa revanche sur la cuisine. Après des décennies passées dans l’ombre des cuisines, les pâtissiers sont propulsés en rock stars sur le devant de la scène gastronomique et culturelle. Avec ce que cela implique de nouvelles responsabilités autant que de passerelles. Claire Heitzler, 39 ans, le cerveau de la maison Ladurée en France et à l’international, se confronte aux contraintes de volumes et de production dont elle s’ingénie à repousser les limites. Cédric Grolet, 32 ans, dirige le laboratoire du Meurice où il peaufine ses créations de palace depuis six ans et ambitionne pour elles un voyage hors les murs en ouvrant sa boutique. Au moment où tout se redessine sur les marbres et dans les économats, les défis et les aspirations de nos deux pâtissiers pourraient pourtant bien converger, et leur rencontre, mettre au jour de nouveaux horizons.

Claire Heitzler, dans le laboratoire de production de Ladurée à Morangis, dans l’Essonne. Fleur noire, recette page 171, en construction.

146

JOUR 1 LADURÉE

C’est l’heure où les écureuils commencent à jouer dans les arbres, devant les fenêtres de l’appartement boulonnais de Claire Heitzler. Celle-ci prend la route sur les coups de 7 heures, les yeux encore un peu rougis de la nuit, en direction de Morangis, où le groupe Holder a installé la production parisienne de Ladurée en 1992. Même si elle ne donne pas l’impression de s’y faire, son visage figure parmi les plus connus de la restauration en France, autant ou presque, que les macarons qu’elle conçoit aujourd’hui dans la lignée de ses prédécesseurs – avec en tête Pierre Hermé à la fin des années 90. Les coquets amalgames de meringue et ganaches aux mille parfums connaissent, quant à eux, une renommée particulière auprès des touristes, surtout ceux capables de se payer le voyage rien que pour déguster des croissants. Ce sont encore ces macarons qui ont permis à cette maison vieille de 156 ans, de prendre part à l’avènement d’une nouvelle ère sucrée, à la fin des années 2000. En 2006, le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola a fait une publicité mondiale à ces hosties païennes. Le phénomène kawaï, en marge du boom télévisuel de la cuisine,

a favorisé l’émergence d’une contreculture. Une interminable file – constituée en premier lieu de Parisiennes et d’Asiatiques avides du luxe de la capitale, puis du grand public – s’est formée devant les boutiques et les salons de thé fétiches de la capitale. Le crossover se gare dans la mal nommée rue des Froides Bouillies, au pied des 2 000 kilomètres carrés de laboratoires et bureaux. Dans ce vaste décor de zone industrielle frigorifiée, Claire Heitzler entonne un Pure imagination, telle une Willy Wonka devant l’usine de chocolat, avec ses yeux bleu azur comme Gene Wilder. En réalité, la cheffe de la création pousse la porte d’un petit bureau marquée d’un écriteau administratif « Direction », qu’elle partage avec deux collègues. Elle s’assied à son bureau, se penche, concentrée sur son iPad, parcourt quelques minutes ses croquis et ses briefs, s’enquiert des contraintes de production des prochaines gammes, et des indications de marché, des tendances. Dans son ombre, Megumi, l’attachée de presse, nous accompagne tout au long de la visite à Ladurée. Elle est le vivant symbole de l’ère de la communication : comme tous les

groupes d’une certaine taille, la marque surveille son image comme le lait sur le feu. Un coup d’œil à la ronde raconte l’univers dans lequel la pâtissière alsacienne évolue. Il y a une statuette des Bocuse d’or en papier mâché, souvenir d’une pièce montée réalisée par Angelo Musa (chef pâtissier du Plaza Athénée) à l’occasion de la Coupe du monde de pâtisserie, dont Claire fait partie du comité d’organisation. À côté, une affiche de l’émission Qui sera le prochain grand pâtissier ? – elle a été membre du jury de cette dernière saison – et une photo du dîner des grands chefs 2015. Pas de trace de ses prix de cheffe pâtissière de l’année 2012 et 2013 pour Le Chef et Gault&Millau. Assis au bureau d’en face, entouré de photos d’enfants, Bertrand Bernier, le chef de la production, bûche sur un tableau Excel taille A3, police en force de corps 9, aux lignes rouges, jaunes, bleues. Sur la porte qui mène aux autres bureaux – services hygiène et qualité, pile en face – il a affiché un mot facétieux : « Sourire libère du stress et rend heureux. Esquisser ce simple mouvement des lèvres et des yeux envoie un message positif au cerveau... etc. »


Garden Party, gâteau de Claire Heitzler pour Ladurée, à déguster à Pâques. Recette page 170

149

Trente mètres de couloirs plus loin, d’emblée, c’est un gâteau qui sortira dans la salle aux murs blancs du labo juste après Pâques. » Pour l’heure, nous Recherche et développement, les mains sommes en pleine période de Noël, « la de sa petite équipe opèrent : chacune cinquième saison des pâtissiers », et elle de ses idées prend corps ici, s’étaye, s’est attaquée à une montagne : alléger se goûte et se finalise par une série le mont-blanc. « Les classiques, ça rasde tests physiques plutôt drastiques. sure, même si je suis la première à dire L’office sert aussi à la préparation des que c’est un classique très sucré. » Elle nombreux envois presse, activité plus a donc décidé de le revoir en chromie importante qu’il n’y paraît. Une vitre de inversée : l’ovoïde monticule neigeux séparation donne sur un labo jumeau repose sur sa coque de meringue franoù quelques silhouettes en blouses im- çaise, d’une blancheur mate comme maculées bâtissent des pyramides de du papier. Le cercle s’évase en petits macarons décoratives. Anthony, Lucie, picots de la même matière, plantés Guillaume et Pierre circulent sans cesse dans un glaçage iridescent. Répondant autour du marbre, ouvre et ferme les à ce décor comme d’inspiration Fabergé, frigos, jouent de la gâchette du pisto- un disque de vermicelles en crème de let à colorant, débullent les glaçages châtaigne, grammé comme une matière au mixeur plongeant. C’est elle en per- précieuse, sert de socle à un marron glasonne qui a débauché les talents créatifs cé. En l’ouvrant en deux, la consistance des grands restaurants ou des services ferme de la crème fouettée diffuse sa en interne, condition sine qua non pour petite musique vanillée ; dans le creux qu’elle intègre la maison. de la meringue, on a étiré au pinceau Claire détaille un à un les dés de confit une marmelade concentrée pour en de fruits rouges qui viendront ponc- rafraîchir le sucre. Enfin, la Fleur noire tuer de géométriques rappels d’acidité (recette page 171), dessert oxymorique en la pelouse vert printemps de sa « Gar- forme de palet arrondi, renferme une den Party » (recette page 170). C’est une fraîche mousse de chocolat qui s’entrecomposition millimétrée de disques mêle au crémeux vanille pour ne faire très fins – sablé, confit de fruits rouges plus qu’un. « Je peux facilement en manet de pâte de pistache – sur laquelle est ger cinq à la suite, j’en raffole ! » propulsée au pistolet une poudre velou- Plus loin dans le couloir, des hommes en tée de chocolat blanc et de pistache. Elle charlotte ouvrent des boîtes de litchis. nous offre à croquer quelques margue- « La priorité, c’est revoir la composition rites en sucre. Des framboises en plein des glaces », tranche Claire. À cet égard, mois de décembre complètent le décor. Ladurée représente bien tout ce qu’il « Ce n’est pas de saison, s’excuse-t-elle reste à faire en pâtisserie : apporter un


discours clair, aller dans le sens d’une Armé de fines piques de bois qu’il plante certaine transparence qui faisait défaut dans une grande boîte de polystyrène, jusque là. « La difficulté, quand on est Guillaume immobilise la douzaine pâtissier, c’est qu’on travaille beaucoup de gâteaux réalisés pour Cédric Groles fruits déjà transformés. C’est l’une let. L’exercice met fin à l’inexorable des grandes différences avec la cuisine. machinerie à l’œuvre derrière chaque Alors on s’assure que la pâte de pistache, nouvelle sortie : une fois les pâtisseries par exemple, soit 100 % pistache, sans goûtées, approuvées et passées au feu arôme, sans sucre », explique-t-elle. du test de vieillissement – le glaçage ne On imagine bien le défi pour cette an- doit perdre ni en brillance ni en finesse cienne cheffe de palace à grands moyens, avant la dégustation –, c’est l’heure lorsqu’elle a dû laisser de côté tous les du crash test. Claire le réalise souvent petits producteurs de son répertoire. elle-même. « Je prends la voiture, je les Les quelque « 900 macarons écoulés balade. J’essaye de faire ce qu’un client chaque jour à Paris sont assemblés à la pourrait faire, ses pâtisseries à la main, main par une centaine de personnes », avant de rentrer chez lui. » mais pour mettre l’économat au dia- Elle a quitté sa veste de cuisine cinpason de l’exigence contemporaine, la trée pour une ample robe en denim cheffe a dû se retrousser les manches. et des boots à talons hauts. La menue « Dans le macaron chocolat orange, silhouette rejoint le crossover, dépose qu’on a conçu pour tous les pays, on a son chargement de pâtisseries sur la utilisé des oranges bio. Ça nous a pris banquette arrière et démarre direction six mois pour mettre en place le proces- quartier de la Madeleine. sus. Quand on veut tout bio, il faut anticiper, réserver les fruits auprès d’un maximum de producteurs de confiance. Mais on n’est jamais à l’abri d’un aléa climatique sur la production... Ça représente beaucoup, beaucoup d’anticipation. Surtout, et c’est là où ça ne va pas encore assez loin, il faut que ça arrive à l’oreille des clients, mais impossible de communiquer si on n’est pas sûrs à 100 % qu’on aura les fruits sur l’ensemble de la production. »

Cédric Grolet, solaire, au Meurice.

UNE FOIS LES PÂTISSERIES GOÛTÉES, APPROUVÉES ET PASSÉES AU FEU DU TEST DE VIEILLISSEMENT, C’EST L’HEURE DU CRASH TEST

150


LE MEURICE

Depuis son appartement du 1er arrondissement de Paris, où son écureuil domestique l’attendra jusqu’au soir, Cédric Grolet prend la route vers 8 heures. Depuis sept ans, il longe chaque jour l’infinie galerie de pierre monochrome qui tutoie le Louvre et le jardin des Tuileries. Sur son visage changeant, souligné d’une barbe taillée courte et d’une moustache noires, l’affabilité le dispute à la concentration. Il fait tourner la porte tambour, rend leur sourire aux réceptionnistes en livrée qui l’accueillent, et commence la journée sous les ors de ses salons cossus. Le palace est toujours un peu en ébullition avec ses stars, ses habitués qui déambulent à travers les salons, ornés de plafonds peints et de moulures, miroirs aux murs. Le temps a produit un peu d’habitude puisqu’il entame sa septième année de service, la cinquième au poste de chef de la pâtisserie. Dans quelques heures, de l’autre côté du hall, les clients du restaurant gastronomique Le Dali entameront, en exclusivité mondiale, la pâte sucrée, fine comme une écorce de cannelle, d’un dessert aux châtaignes. « Tous les jours, je dois changer ma carte, pour les codes VIP, parce qu’on reçoit des présidents, des personnalités, et pour les habitués, je change la carte tous les mois. » Au Dali, luxe va de pair avec exotisme : coco et mousse passion ; poire, céleri et poivre noir ;

pamplemousse et sencha. Cédric Gro- tête sont disposés les prix acquis au fil let pousse son sous-chef Ariitea, 24 ans, des années, dont l’Omnivore du pâtisà travailler autour de l’esthétique de la sier 2017, le Taittinger qui récompense fleur de Tahiti dont il est originaire. « Je son livre Fruits, et le dernier en date, veux que ce soit le dessert signature ici », celui des Grandes tables du monde qui l’encourage-t-il avant de dévaler l’esca- le sacre meilleur pâtissier de restaurant lier qui mène aux cuisines. Il passe par au monde. L’AFP, L’Obs, le Parisien, le la table des chefs, sorte d’antichambre Monde... ce dernier trophée lui a valu où transitent les visiteurs, sauf quand les visites coup sur coup des médias. elle est réservée par de riches clients qui « Demain, Instagram monde va prendre souhaitent dîner sur une table dorée à la la main sur mon compte. Je vais y consafeuille, tout en contemplant le ballet des crer toute ma journée. Mon fournisseur cuisiniers derrière un miroir sans tain. de marbre m’a donné des fonds que je vais pouvoir utiliser. C’est hyper imporSon pas alerte le mène de son labora- tant. L’article du Monde m’a ramené toire central à son bureau de la taille 20 000 followers en dix heures. Je suis d’un cagibi, où les livres, les prix, les le troisième influenceur de France, et le dossiers et les croquis emplissent premier pâtissier au monde. » La noul’espace. « On va déménager à un autre velle star du sucré ne boude pas son étage, ici les pièces sont vraiment pe- plaisir devant tant de sollicitations. Il tites, on est dans un vieux bâtiment. » fait bouger les choses, séduit les foules Lui aussi partage l’espace avec ses col- et veut le faire savoir au monde entier. lègues, Francis et Jocelyn. Les livres Ce jour de décembre, on pourrait croire mangent des mètres carrés : Johan Mar- que le corps juvénile qui court partout tin et Jean-Michel Perruchon côtoient depuis le matin carbure à la reconnaisdes tas de Thuriès. Sur son bureau, des sance publique. photos souvenirs polycopient un Cédric Grolet miniature toujours souriant. À sa droite, des photos de Rubik’s Cube, de jeux d’échecs et de dames, et des dés dont il a tiré un concept pour Dior. Sous ses pieds, un carton de flacons de parfum. « La marque veut que je développe des fragrances avec eux. De mon côté, le fait de comprendre leur métier fait évoluer le mien. Le sujet, c’est comprendre ce qui se passe. » Juste au-dessus de sa

Le Marron de Cédric Grolet, ci-contre dans son bureau-cagibi au Meurice.

153

Au labo central, le chocolat coule en Un certain nombre de chefs ont tracontinu au robinet de la tempéreuse. vaillé le fruit en trompe-l’œil, mais lui Sur les vingt-cinq membres que compte a mené l’expérience sur le temps long. la brigade sucrée du palace, une dizaine À la presse curieuse de connaître son est mobilisée cette après-midi pour la inspiration, il a pu répondre qu’il n’arproduction de petits gâteaux pour Cha- rêtait de peaufiner sa production que nel et des fruits sculptés qui ont fait le lorsqu’elle était « meilleure que le fruit ». succès de Cédric Grolet. Le premier « C’est pas de l’arrogance. La mandarine, remonte à sa promotion de chef du c’est bon mais c’est chiant, tu dois l’épluMeurice. « C’était la cerise estragon, il y cher... Il faut pousser le produit, pousser a six ans. Je l’avais faite pour la table des ce que la nature nous donne, la mâche, chefs. » Depuis ce test concluant, il n’a le parfum, la longueur en bouche, la pas lâché le thème. « Je travaille sur le pointe d’audace avec le poivre timut. » marron (recette page 175) depuis des an- Pour coller à cette ambition, les moyens nées. On prend la châtaigne, on la passe mobilisés sont bien ceux d’un palace. à la mandoline et on en fait un biscuit, « Ici, on ne congèle rien, sauf la coco et pour avoir plus les arômes fumés que le passion. Pavoni va me faire de nouceux du marron lui-même. Et on assai- veaux moules, des moules irréguliers. sonne avec un peu de gel citron pour Ils fabriquent et je les teste. Ça fait un an désucrer. Il y a un peu de praline aussi. qu’on travaille dessus. Je pars toujours La mandarine (recette page 173), ça fait sur une base neutre, parce que je veux cinq ans. Jusqu’ici elle ne marchait pas : que les pâtissiers ressentent quelque je la trouvais très douce, mais un peu chose en production. » Les fruits sculpflorale. Alors Yohann (son adjoint) a eu tés, plus encore que les autres créations une idée cette année : il a pris la manda- de la carte, se révèlent trop fragiles pour rine entière, il l’a mixée, et en a fait une être sorties des quatre murs du palace. pâte, et là, on a tout le côté agrume. »


La boutique Ladurée, rue Royale, quartier de la Madeleine.

155

LA RENCONTRE CH Tu te souviens de cette période ? Lorsque Cédric Grolet et Claire Heitz- C’était pas facile... ler se retrouvent ce jour-là, dans la CG J’en pleurais ! Heureusement qu’il y boutique historique de Ladurée, rue avait ces rendez-vous au Club des suRoyale, il y a de l’électricité dans l’air. crés. Tu m’as bien rassuré. La rencontre a bien failli ne pas se faire CH C’est super, on y rencontre beaucoup et, d’ailleurs, jamais en deux jours, leurs de monde. Contrairement à ce que tout pâtisseries ne se retrouveront dans la le monde pense, c’est pas du tout pour même pièce. Cédric Grolet arrive tout juger ce que les autres font. Ce que feu tout flamme, s’excuse d’être pris j’aime beaucoup dans ces rendez-vous, dans le tourbillon de son emploi du c’est l’échange. temps. Il est 15 heures, il n’a pas eu le CG J’ai honte, je n’y suis pas allé depuis temps de déjeuner, commande un impo- un bon moment. Quand je me disais, sant vol-au-vent qu’il finira en quelques déjà très jeune, « mon rêve, c’est d’être minutes, après s’être dégagé hâtivement pâtissier », je ne pensais pas qu’autant de son épaisse écharpe de laine. Claire de possibilités s’offriraient à moi. Parce le rassure avec une bienveillance joviale, que la pâtisserie aujourd’hui, c’est aussi faire du business, parler, avoir une comme l’aurait fait une grande sœur. Ils se connaissent un peu : leur première communication, un état d’esprit...Tout rencontre a eu lieu, à la faveur d’une ça pour dire qu’on manque de temps, réunion du Club des sucrés, institution qu’on en passe rarement ensemble. créée en 2006 par Christophe Michalak CH Moi je pensais au salé, en me disant et Christophe Adam, deux papes du « je veux être un grand chef ». Il y a métier. Les non-initiés y verront une une grosse part de travail derrière, et sorte de mystique pâtissière qui réunit aussi de choses inattendues, des collatoute la corporation sous l’égide d’un borations qui sont un privilège. Avant grand orient tournant – celui qui reçoit t’avais un magazine de cuisine, c’était le impose son thème – et les joutes gusta- Thuriès. Mais aujourd’hui, les carrières tives et architecturales, se poursuivent évoluent complètement différemment. jusqu’à épuisement du sujet. C’était il y CG La vie va beaucoup plus vite. On a quatre ans, lors du tour de François accède à des postes de haut niveau Perret au Shangri-La. Claire était en- beaucoup plus jeune, et on accumule en core cheffe pâtissière de Lasserre – elle très peu de temps énormément d’expévenait de commencer à ce poste – et rience. Cédric devait s’adapter après le départ de Yannick Alléno et l’arrivée de Christophe Saintagne en cuisine.

CH Ce qui n’est pas forcément positif...

Oui, c’est vrai. Ducasse me dit tout le temps de penser : combien de temps ça va durer ? CH Il a toujours une longueur d’avance. CG Je trouve que celui qui tient la longueur, c’est Pierre Hermé. En plus, c’est mon préféré, mon mentor. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup aidé dans ma carrière. Il est très humain. Moi je le vois sur son Instagram : il a pas peur de dire que lui, il travaille bien. CH Pierre Hermé est incroyable. Quand j’ai commencé chez Ladurée, ça faisait une semaine que j’y étais, j’ai reçu une carte de félicitations et derrière, un coup de fil pour savoir si je m’y plaisais. CG

Claire commande un cœur de saumon et fait venir ses pâtisseries sur les petites tables-guéridons du salon, niché à l’étage avec vue sur le boulevard de la Madeleine. J’aime beaucoup le côté mat et brillant de ta Fleur noire (recette page 171). Ça donne envie de croquer dedans. [Il croque] On dirait un nuage ! Tu sens la fève de cacao ? Ton biscuit, à la base, c’est tout ce que j’aime. CH C’est un sacher. CG Le glaçage n’est pas du tout épais. Tu l’as sorti il y a longtemps ? CH L’année dernière. Il a cartonné. CG La mousse, c’est un nuage. CH T’aimes ça, les macarons ? CG Pas du tout, j’ai fait une overdose

CG


chez Fauchon, à force d’en faire tout le temps pendant deux ans. Mais je vais goûter, parce que ça m’intéresse. CH Celui-là, c’est au citron, j’ai complètement changé la recette : on est sur du citron, la chair et le jus. Le vert, c’est vanille lactée et zeste de citron vert. Quand on l’a changé, on a eu des plaintes de tous les côtés. Quand tu sais qu’on s’adresse à une autre clientèle, il faut l’assumer pendant quelques mois, voir comment ça réagit. CG De toute façon, ça ne peut passer par rien d’autre que par le goût. [On débarrasse son assiette vidée du vol-au-vent.] Au fait, je n’entends jamais parler des cuisiniers. Pour moi, Ladurée, c’est toi. Mais peut-être qu’on est trop pâtissiers... CH Non, ils ont beaucoup de mal à communiquer sur la cuisine. CG Mais pareil, avant toi, on n’entendait plus parler de Ladurée... C’était qui, avant ? CH Il y a eu Vincent Lemains et puis Yann Menguy ! CG Ah oui, ils ne sont pas restés longtemps ! CH Non... CG Toi, niveau production, tu dois avoir un an d’avance... CH Ce serait super d’avoir un mois d’avance, déjà. Quand je suis arrivée, il a fallu rattraper les trois mois où il n’y avait pas de chef de création, et commencer les nouvelles gammes. Là, on vient de développer une gamme de pâtisseries pour Air France.

CG Trop bien !

CH T’aurais dû mettre un clips. Ouais, mais c’est six créas quand CG J’ai fait des événements avec Fou même, et ta pâtisserie, elle est à de Pâtisserie dans la rue, et les cent l’oblique au décollage ! Rubik’s Cubes, je les ai tous vendus en CG C’est horrible, moi je n’ai aucune une heure, pourtant c’était pas donné. contrainte, c’est l’inverse. T’arrives à Avant que son couteau n’entame – sans donner dans des volumes comme ça, à la moindre entrave – le bombé avenant jouer de ton côté créatif. Parce qu’on le d’une nouvelle Fleur noire, Claire ôte voit que c’est toi. le petit écusson en papier recourbé qui CH Même si après, j’ai envie d’aller plus lui sert à signer les créations. Quand loin. Mais il faut que ce soit joli quand on lui demande pourquoi son nom ne le client le mange. Les pâtisseries com- figure pas sur les cartes ou les gâteaux, mencent leur journée à 5 heures, quand elle rappelle que la marque a subi la fournée part de Morangis. Le plus « peut-être un petit traumatisme Pierre compliqué, c’a été le macaron, il fallait Hermé ». À la carte, l’Ispahan – macagérer plein de paramètres, et surtout ron à la rose, crème de rose et de litchi, que la ganache ne soit pas trop humide. framboises – s’affiche toujours. Est-ce CG T’avais pas fait de boutique avant. qu’elle pense que la clientèle est au couMoi, c’est l’inverse, j’ai dû découvrir rant qu’elle est aux commandes depuis la restauration. Entre mon CAP et mes bientôt deux ans ? Elle répond dans un six ans chez Fauchon, j’ai plus d’expé- sourire éloquent qu’« il faudra encore rience sur la boutique. Et je kiffe ça, un peu de temps ». parce qu’en gastro, la seule limite, c’est ton imagination. Grâce à la restauration, Claire ne fait pas partie de ceux que la j’envisage autrement le côté cuisinier, je célébrité échauffe – elle dégage tout au commence à le comprendre. Je le vois contraire une discrétion et une maîtrise tous les jours : les cuisiniers ont apporté affolantes – mais cela ne l’empêche pas énormément de choses à la pâtisserie. de déplorer le silence de Ladurée sur Je réfléchis plus du tout pareil sur mes son récent passage à la télévision (Qui achats de matières premières. Même sera le prochain grand pâtissier ? sur si on vend pas mal, nos desserts ne France 2). « C’est Christophe (Michalak) voyagent pas. On est en train de repen- qui a proposé mon nom à la production ser tout le système pour la boutique. pour cette saison. Je ne l’aurais pas fait CH Tu vas y arriver... sans ça, et surtout, pas avec n’importe CG Ouais, mais tu vois, j’ai pas pensé que qui. Mais au niveau de Ladurée, on n’asle Rubik’s Cube s’arrêtait de tourner à sume pas, rien n’a été fait en termes de un moment. communication. » CH

156


CÉDRIC rice, cette compétence le sert, lorsqu’en « À 12 ans, pendant le mois d’août, poste sous-chef, il passe le test pour j’allais faire les cafés, la plonge, dans diriger la pâtisserie du palace avec sa l’hôtel de mes grands-parents à An- cerise-estragon. drézieux-Bouthéon (près de Saint- Six ans plus tard, il analyse : « Tout vient Étienne). Mes parents m’ont appris à point à qui sait attendre. Je trouve que qu’il fallait travailler, quand on vou- les pâtissiers veulent aller trop vite. Delait de l’argent de poche. Avec, j’allais puis six ans, je bosse jour et nuit avec six faire des manèges. Dans un restaurant, à douze mois d’avance. Tout ça a été très quand on vous donne quelque chose à construit, j’ai tout réfléchi pour un jour faire, on vous le donne par confiance. faire ce que je fais aujourd’hui. » Ça se passait tellement bien, que mon « Parfois, c’est un peu dur de travailler grand-père disait que j’étais maniaque. avec moi. Je suis resté très maniaque. Là, j’ai dit à mes parents que je voulais C’est une qualité essentielle. En desen faire mon métier, et ils m’ont inscrit sin, je suis autodidacte, je tiens ce côté à l’école. J’ai commencé mon appren- artistique de mon autre grand-père. À tissage à 14 ans. Dans la boutique où 14 ans, je me disais déjà que la pâtisseje travaillais, il y avait trop de pain et rie pouvait être perfectionnée. Je voupas assez de gâteaux à mon sens. Un an lais travailler dans un palace, changer après, je suis donc entré chez Alibert, les codes, c’est-à-dire donner un nouoù il y avait un vrai rayon pâtisserie. J’ai veau souffle. Je ne suis pas en train de beaucoup bossé les grands classiques, dire que je revisite : le saint-honoré est pendant deux ans et en mention com- exactement le même que celui de mon plémentaire. Et puis, j’ai fait un brevet apprentissage, mais j’ai poussé les protechnique des métiers à Yssingeaux duits. Les classiques m’éclatent plus que (l’école aujourd’hui présidée par Alain le reste. Un fruit sculpté, en terme de Ducasse et Yves Thuriès). En tout, j’ai créativité, c’est limité. Mon rêve a toufait cinq ans d’études. » jours été d’être l’un des meilleurs pâtisSon parcours est déjà émaillé de plu- siers du monde. » sieurs prix d’apprenti quand il devient commis au Meurice. Il est embauché peu de temps après chez Fauchon où il est chargé de faire évoluer le macaron, avant de gravir les échelons jusqu’à la Recherche et développement. Avec Christophe Adam et Benoît Couvrand, il sculpte le chocolat. De retour au Meu-

En route pour un ultime moment de partage dans un salon de thé japonais, à michemin entre Ladurée et le Meurice.

158


JOUR 2

Le taxi circule à travers les beaux quartiers jusqu’au petit salon de thé japonais privatisé au débotté la veille. Sans le savoir, Claire Heitzler a trouvé l’endroit parfait pour une rencontre, à ce moment précis, quasiment à équidistance de la rue Royale et de la rue de Rivoli. Cédric revient tout juste de son premier voyage vers l’archipel nippon, « son rêve » depuis un bon moment. Il l’a réalisé en express, avec Thierry Marx, juste le temps de donner deux masterclasses et de servir « 250 personnes à Tokyo, 300 à Osaka ». Pour elle, c’est l’un des rares établissements du genre qu’elle juge « authentique » : quand on a vécu trois ans au Japon, les standards prennent de la hauteur. Debout au comptoir, parmi les céramiques de maître et le décor de bois, Cédric a commandé un matcha. Il est intrigué par la façon dont il faut manier le petit fouet de bambou – un peu à la façon d’un blaireau, en plus délicat – pour obtenir « cette texture de guimauve » qui fait mouche.

« Faut pas faire le pâtissier avec ce fouet ! » avertit, en plaisantant à moitié, la préparatrice qui brandit l’outil. Claire commande un gyokuro, une infusion qui se déguste en trois temps, en reversant chaque fois l’eau à un degré précis sur les feuilles dans le fond de la tasse. Elle en décrit le procédé, les grands théiers ombragés dont on utilise exclusivement les premières feuilles, puis raconte ce qui l’a amenée à faire ce long voyage, de Niedermorschwihr, son village natal de 400 habitants dans le Haut-Rhin, jusqu’aux palaces parisiens en passant par Tokyo.

Thé matcha pour Cédric, gyokuro pour Claire.

CLAIRE avec des trucs sans savoir ce que c’était, du Ritz, il fallait faire deux desserts gasAprès l’école hôtelière de Guebwiller, et je me suis retrouvée souvent avec les tro, deux desserts banquets, des petits elle préfère laisser de côté la cuisine cheveux tout poisseux. En cuisine, la fours et des amenities (goodies gourpour « plus de délicatesse et de préci- hiérarchie est très spéciale, on ne parle mands) pour les chambres. Et moi qui sion » et entre en apprentissage chez qu’avec son supérieur hiérarchique di- n’étais plus sur place, je n’avais aucune le pâtissier Thierry Mulhaupt, à Stras- rect. Alain Ducasse avait ouvert en plein base de faite. Dans mon propre pays, je bourg. « Le problème, c’est que je n’ai cœur de Ginza, quartier chic de Tokyo, me suis sentie totalement déconnectée. jamais été matinale, donc travailler en le Beige, en partenariat avec Chanel. Le retour en France a été une horreur. pâtisserie de boutique dès 4 heures du Ce qu’il me reste surtout, c’est la cuis- Si je devais repartir, j’y réfléchirais à matin... C’est ce qui m’a décidé pour la son des fruits, que j’ai toujours aimée, deux fois. pâtisserie de restaurant. » Thierry Mul- quelque chose de très goûteux, de très Le Ritz (2009-2010) n’a pas été une exhaupt lui ouvre les portes de Troisgros, juteux, sur les agrumes, les pêches, les périence agréable. L’établissement avait où elle décroche son premier poste de marrons. Il y en avait un peu partout en déjà envisagé de faire leurs travaux, je salariée au service du soir. En deux ans, pâtisserie de restaurant. C’est aussi là suis arrivée juste avant la fermeture, elle y apprend « l’équilibre de la recette, que j’ai commencé à apprécier échanger donc il n’y avait vraiment pas beaucoup du plat, l’amertume et l’acidité qui sont avec les cuisiniers. » de moyens. La seule chose que j’en rerestées très importantes. Il faut vraitiens, c’est Michel Roth, qui était chef ment arriver à casser le sucre. » Après « Après ça, je voulais gérer un peu plus exécutif, une personne humble, pro, un passage chez Georges Blanc à Von- qu’un restaurant. » Elle s’envole à nou- simple. Mais les équipes, qui étaient nas, et à Lorient, en Bretagne, elle part à veau pour le Park Hyatt de Dubaï, dirige déjà en place à mon arrivée, n’étaient Londres parce qu’elle veut apprendre à finalement trois établissements, plus pas forcément ouvertes au changement. parler anglais. Alors qu’elle commence les banquets et la boutique, fréquente À Lasserre, je suis restée dans le même à se faire à cette vie, grisée par cette 45 nationalités. « Là, tu apprends à cadre : Alain Ducasse et ses équipes ville qu’elle adore, le groupe Ducasse relativiser, à te rendre compte de la étaient consultantes pour le restaurant, la contacte. « Un de mes anciens chefs chance qu’on a en France. On n’est pas donc j’ai été appelée pour ce poste-là. avait travaillé pour lui. Tokyo, ç’a été forcément formés à la pâtisserie, dans Lasserre cherchait à prendre un virage, plus par obligation, parce que je savais les autres endroits du monde. Il faut avec en cuisine Christophe Moret et que je regretterais si je ne prenais ce dire qu’il n’y a pas beaucoup de pays en salle Antoine Pétrus, qui est juste poste de responsable. Ça ne se refuse où on mange un dessert en fin de repas. un homme hors norme. J’ai rarement pas. » Après, j’ai eu beaucoup de chance, j’ai connu quelqu’un d’aussi jeune avec « Quand j’atterris au Japon, j’ai 25 ans et été contactée par un chasseur de tête autant de talent. C’est ce trio qui m’a la sensation d’arriver sur une autre pla- qui cherchait un pâtissier pour le Ritz. portée. Antoine rigolait souvent parce nète. Ma mère m’avait fait acheter des Je n’avais pas du tout envie de rentrer en qu’il trouvait mes pâtisseries pas assez guides. J’ai bien souffert pendant des France, mais une fois encore, je ne pou- sucrées, et que ça l’embêtait pour trouannées avant de comprendre la culture vais pas refuser. Le hasard a bien fait les ver des accords en fin de repas. […] Au locale. Ce qui est le plus dur, c’est d’être choses : je suis partie juste avant la crise bout de cinq ans, j’avais fait le tour de illettrée. J’ai dû me laver les cheveux (pétro-financière) de Dubaï. Pour le test la maison, et quand c’est confortable,

161

c’est dangereux. J’ai démissionné. Sur la suite, j’ai tout entendu, et surtout que je voulais ouvrir une boutique, ce dont je n’en ai jamais eu envie. Je voulais faire des choses pour moi, ce que je n’ai pas fait, et depuis un an et demi, je suis à Ladurée. » CG T’es partie super longtemps à l’étranger. CH Sept ans ! Je suis rentrée en 2006. CG La pâtisserie, on commençait à en parler. Il y a eu une vague pendant bien dix ans avec notamment Pierre Hermé. T’as dû rentrer et tout avait changé. CH Tout...


Claire cherche son chemin à travers À suivre : le Paris-Brest au kasha par Yoles couloirs, poussant les portes à hann Caron, l’adjoint de Cédric. La pâte l’aveugle. C’est la première fois qu’elle à choux au goût d’œuf se concentre en découvre l’envers du Meurice. « Je t’ai une très fine épaisseur, pour laisser au mangé deux-trois mendiants », lance-t- souvenir le beurre et le sel de la crème elle quand elle le retrouve devant son mousseline pralinée, cendrée par le kabureau, en enfilant sa veste de cuisine sha torréfié. « Les clients ont envie de brodée du vert pâle Ladurée. goûter plus les petites pâtisseries que On attend Bernadette qui ne vien- les grosses pièces. Plus c’est petit, plus il dra pas. « Bernadette est comme ça », faut rééquilibrer », confirme Claire. La s’accordent les deux chefs. « C’est une mise en place du Rubik’s Cube de Noël fournisseuse exceptionnelle de toutes (recette page 174) que Cédric est en train les petites choses. Elle est bio, très na- d’assembler sur un support pivotant va ture. Moi elle m’inspire : découper des dans le même sens : « Ce n’est pas une baies de genièvre dans les champs, des bûche. C’est la reproduction de mon cacahuètes qu’on n’a jamais mangées Rubik’s Cube en blanc, pour avoir un fraîches, des passions qu’on ne connaît côté mont Blanc, ski hivernal. Il y a pas... », dit Cédric. Claire l’a connue 27 cubes, et 5 parfums, comme ça les à Lasserre. Le monde des palaces est gens peuvent s’y retrouver en terme de tout petit. Au détour des fourneaux, goûts ». Les dés de quelques centimètres elle croise Amaury, un ancien de la rue de côté se déclinent en coco, feuillanFranklin Roosevelt (Lasserre) lui aussi, tine et fleur de sel, coriandre fraîche en qui sort du rang pour la saluer. Il est grains, citron et truffe, avec une base de presque 15 heures, l’heure du déjeuner ganache au chocolat blanc. « Ça fait cinq des chefs, la cuisine va lui servir une ans que je travaille sur le Rubik’s Cube. langoustine dans le labo central. Elle Je l’avais fait pour le Club des sucrés, salue la brigade, François, Marine, Seb chez Nicolas Bernardé. Toi tu avais fait et les autres. La tarte au chocolat figure un cake à la bergamote et un cake aux au panthéon des pâtisseries du Meurice. griottes », se remémore-t-il en tendant « Cette tarte, je n’arrive pas à l’enlever un pinceau à Claire. Après avoir admiré de ma carte. Je prends du 100 % pour l’enrobage de la Mandarine, elle se prête avoir la meilleure proportion finale. Je au jeu de l’enrobage du Marron. « On est voulais le grué, le côté cacao. Je n’utilise sur une sphère, lui résume Cédric. On qu’un seul chocolat de la Manufacture, va la couper en deux, ronger les bords celui du Pérou. L’huile va développer les et l’enrober, puis brosser pour donner arômes. » Claire acquiesce en goûtant : un effet, et derrière, on remet un peu « On voit bien la larme qui sort. » de colorant pour un autre effet. L’idée,

162

163


LES FRUITS, C’EST PAS UNE MODE, ILS SONT À L’INFINI DÉCLINABLES, EN CITRON SCHWEPPES, EN CITRON ROSE... J’Y METS CE QUE JE VEUX. MES FRUITS, C’EST UNE PÂTISSERIE DE DEMAIN. C’EST LÀ OÙ JE VEUX ALLER

Rubik’s Cube de Noël, recette page 174.

164

165


c’est tu fais ce que tu veux avant que ça durcisse. » Le duo dépasse devant l’office traiteur – six toques penchées sur de menues tâches très chronophages – puis le poste des garnitures aromatiques – trois toques jouent de la sauteuse audessus de la flamme. Ils déambulent dans le dédale des escaliers de service où les appliques basses style Belle époque égrainent une lumière jaune. Ils débouchent par une porte dérobée sur la salle de réception, où des queues de pie déplacent un grand buffet à la lisière des autres tables, ajustent le gigantesque bouquet de fleurs contenu dans un vase ouvragé, au centre de la console, sous le lustre grandiose. Au passe du gastro, les desserts se montent à la minute pour les clients du Dali. « Christophe Saintagne m’a dit “tu ne dois pas être en prod, tu dois être là, au passe”. Cette partie-là, c’est elle qui me fait grandir. Ariitea a fait toute la créa. En fait, c’est les cuisiniers qui m’apprennent qu’en dessert minute, il faut se lâcher. » Claire est prise de nostalgie. « Ça me manque ! » Dans le boudoir, quelques clients se retournent sur leur passage. « Monsieur Grolet ! Comment allez-vous ? » l’interpelle un client, la quarantaine, l’allure sportive, un demi-habitué, qui connaît la carte mais saute sur le chef. « C’était exceptionnel, comme toujours. Je voudrais que vous signiez cet exemplaire. C’est pour mon fils, il est cuisinier lui aussi ».

Cédric nous emmène voir le chantier de son prochain projet : pas tout à fait une boutique, un « concept ». CG Les clients, aujourd’hui, ils connaissent le macaron. Je vais développer de toutes petites tailles. Les fruits, c’est pas une mode, ils sont à l’infini déclinables, en citron Schweppes, en citron rose... J’y mets ce que je veux. Mes fruits, c’est une pâtisserie de demain. C’est là où je veux aller.  L’état d’esprit, c’est d’aller droit au but, de parler de matière. Tu entres ici, dit-il en désignant la rue, il y a sur le côté, en vitrine, des cloches décoratives, et des gâteaux gourmands qu’on ne vendra pas en boutique. Je voulais monter une boutique depuis longtemps, j’ai même voulu partir. Il y a un an, j’avais validé tout le concept d’une boutique classique. On m’a dit que c’était risqué. CH Quand y a un doute, y a pas de doute. La séquence sucrée, on me l’avait refusée. J’ai continué à travailler dessus. Et je la leur ai servi par surprise. Ils ont adoré. Il y avait une vaisselle complètement à part, etc. CG Je suis dans le même principe. Quand ça marche pas, je pousse. Je veux une boutique à Paris, et je pense que je peux aussi en avoir dans plein de beaux pays. »

Sur le chantier de la première boutique de Cédric Grolet, qui, du Meurice, donnera sur la rue de Castiglione.

De l’autre côté de la vitre donnant sur la rue de Rivoli, un groupe de passants défile, sac Ladurée au bout des gants, et pointent du doigt, enthousiastes, la boutique en chantier.

166

167


LE CAHIER DE CUISINE DE CLAIRE HEITZLER

LE MONT BLANC Pour 10 pièces individuelles MARMELADE DE CLÉMENTINES Ingrédients — Clémentines entières 500 g — Sucre semoule 135 g — Gousse de vanille 1/2 gousse Procédé Couper les clémentines entières en petits dés. Mettre dans une casserole avec le sucre et les gousses grattées. Laisser compoter à feu doux jusqu’à ce que le liquide soit complètement évaporé. Mixer légèrement.

MERINGUE — Blancs d’œuf 200 g — Sucre semoule 150 g — Sucre glace 150 g Procédé Monter les blancs d’œufs avec le sucre semoule. Incorporer délicatement le sucre glace tamisé. Pocher sur les moules en dômes légèrement graissés, et réaliser les boudins pour le décor avec une douille de 7. Cuisson 45 min. à 70 °C puis retourner et laisser sécher au four environ 8 heures. Découper les boudins en morceaux de 0,5 cm.

GLAÇAGE BLANC Ingrédients — Eau 150 g — Sucre semoule 470 g — Crème fraîche liquide 340 g — Sirop de glucose 165 g — Sucre inverti 60 g — Sel fin 2 g — Gélatine en poudre 24 g — Eau froide 140 g — Oxyde de titane 5 g Procédé Mélanger la poudre de gélatine et l’eau froide jusqu’à ce que le mélange épaississe puis réserver au frais. Mettre la crème, le sucre semoule, le sirop de glucose, le sucre inverti et le sel dans une casserole puis porter à ébullition. Pendant ce temps cuire l’eau et le sucre à 125 °C. Verser alors doucement le mélange crème/glucose sur le sirop en mélangeant. Laisser refroidir à 70 °C, ajouter la gélatine puis l’oxyde de titane et mixer. Utiliser à 20 °C.

VERMICELLES MARRON Ingrédients — Purée de marrons 250 g — Pâte de marrons 285 g — Crème de marrons 175 g — Rhum 37 g Procédé Mixer tous les ingrédients ensemble puis passer au tamis afin d’obtenir un mélange parfaitement lisse. Étaler une très fine couche régulière sur une feuille guitare. Pocher par dessus des vermicelles en diagonale à l’aide d’une douille à vermicelles. Surgeler puis détailler des disques de 45 mm. MOUSSE MARRON Ingrédients — Crème pâtissière 70 g — Gélatine en poudre 4 g — Eau 24 g — Gousse de vanille 1/2 gousse — Crème de marrons 250 g — Pâte de marrons 50 g — Crème 225 g — Rhum 15 g Procédé Mélanger la poudre de gélatine et l’eau froide jusqu’à ce que le mélange épaississe puis réserver au frais. Lisser la crème pâtissière avec la vanille et le rhum puis incorporer la gélatine fondue. Ajouter la pâte et la crème de marrons. Incorporer la crème montée ferme.

168

169

CHANTILLY MONT BLANC Ingrédients — Crème (1) 400 g — Sucre semoule 45 g — Gousse de vanille 1/2 gousse — Crème (2) 50 g — Gélatine en poudre 4 g — Eau 24 g Procédé Mélanger la poudre de gélatine et l’eau froide jusqu’à ce que le mélange épaississe puis réserver au frais. Faire chauffer la crème à 80 °C et ajouter la gélatine. Ajouter le reste des ingrédients puis mixer. Laisser reposer 8 heures au frais avant de faire monter.

ASSEMBLAGE Garnir une coque de meringue avec un peu de marmelade de clémentines. Compléter avec de la crème chantilly et quelques brisures de marrons confits, puis lisser à ras avec la chantilly. Glacer le dôme de mousse marron avec le glaçage blanc et le déposer sur la base de meringue, bien centré. Déposer sur le dessus un disque de vermicelles de marrons. Disposer les bâtonnets de meringue sur le bord, à la jonction avec la mousse marron. Finir avec un marron confit entier.


GARDEN PARTY Photo p. 149 Pour 10 pièces individuelles SABLÉ PISTACHE Ingrédients — Beurre 175 g — Farine 150 g — Poudre d’amandes 100 g — Poudre de pistaches 50 g — Cassonade 150 g — Fleur de sel 3 g — Amandes hachées torréfiées 40 g — Pistaches hachées torréfiées 40 g Procédé Sabler le beurre, la farine, la poudre d’amande et la poudre de pistache. Ajouter la cassonade et le sel. Ajouter les amandes et les pistaches, mélanger. Laisser reposer 8 heures au frais. Étaler à 2,5 mm d’épaisseur puis détailler des disques de 100 mm de diamètre. Cuisson 150 °C. 15-20 min.

CONFIT DE FRAISE Ingrédients — Purée de fraises 500 g — Jus de citron jaune 35 g — Sucre semoule 100 g — Pectine NH 7 g — Glucose déshydraté 45 g Procédé Chauffer la purée de fraise à 40 °C. Incorporer le mélange sucre/ pectine/glucose déshydraté. Porter à ébullition puis ajouter le jus de citron. Mixer. Étaler à 3 mm d’épaisseur dans des cercles de 95 mm de diamètre. Réserver au frais.

LA FLEUR NOIRE Photo p. 147

MOUSSE PISTACHE Ingrédients — Lait entier 190 g — Jaunes d’œuf 60 g — Sucre semoule 30 g — Pâte de pistaches 100 % 75 g — Gélatine en poudre 14 g — Eau 70 g — Crème liquide 35 %MG 190 g

Pour 10 pièces individuelles BISCUIT SACHER Ingrédients — 53 g de pâte d’amandes 50 % — 17 g de sucre glace — 30 g de jaunes d’œuf — 20 g d’œufs — 30 g de blancs d’œuf — 20 g de sucre — 15 g de farine — 20 g de cacao en poudre — 15 g de beurre

Procédé Mélanger l’eau froide et la gélatine en poudre, réserver. Cuire le lait, les jaunes, le sucre à 85 °C, ajouter la pâte de pistache, la gélatine, mixer. À 25 °C, incorporer la crème montée (texture souple). Couler sur le confit de fraise à 8 mm d’épaisseur et surgeler.

Procédé Mélanger au batteur (à la feuille) la pâte d’amande, le sucre glace, les jaunes et les œufs. Lisser le tout en première vitesse. Puis augmenter la vitesse pour faire monter l’appareil. En attendant, tamiser la farine et la poudre de cacao. Une fois l’appareil monté, incorporer les blancs au mélange précédent, ajouter les poudres et le beurre fondu. Étaler à 0,8 cm – Cuisson 180 °C / 10-15 min.

FLOCAGE VERT — Beurre de cacao 100 g — Couverture blanche 350 g — Colorant vert quantité suffisante Procédé Faire fondre et mixer. Utiliser à environ 40 °C. Finition Démouler puis pulvériser avec le flocage vert. Déposer les mousses / confit sur les sablés pistache. Décorer de framboises, pistaches, cubes de confit de fraise et fleurs en chocolat.

FEUILLETINE Ingrédients — 50 g de praliné noisette — 25 g de chocolat lait — 50 g de feuilletine — 10 g de beurre Procédé Faire fondre le chocolat et le beurre. Ajouter le praliné noisette. Ajouter la feuilletine. Étaler finement sur le biscuit Sacher. Réserver au froid positif. Détailler à 5,5 cm de diamètre et déposer dans les moules.

MOUSSE CHOCOLAT NOIR Ingrédients — 70 g de lait — 80 g de chocolat noir 66 % — 135 g de crème montée Procédé Faire bouillir le lait, verser en plusieurs fois sur le chocolat mi-fondu, afin d’obtenir une masse lisse et brillante. Mixer. Quand le mélange atteint 40 °C, l’incorporer à la crème montée. Peser 25 g dans le moule sur le biscuit + feuilletine. Surgeler.

CRÉMEUX VANILLE Ingrédients — 500 g de crème — 120 g de jaunes d’œuf — 75 g de sucre — 5 g d’eau froide — 30 g de gélatine poudre — 1 gousse et demi de vanille Procédé Mélanger l’eau froide et la gélatine poudre, réserver au froid positif. Faire infuser la vanille dans la crème 8 heures minimum. Réaliser une anglaise (82-84 °C). Ajouter la gélatine puis mixer. Refroidir le crémeux à 25 °C et verser le dans les mêmes moules 65 g. Surgeler. GLAÇAGE AUX AMANDES Ingrédients — 100 g de chocolat noir 66 % — 10 g d’huile de pépins de raisin — 1 0 g d’amandes hachées torréfiées Procédé Faire fondre le chocolat et l’huile de pépins de raisin. Ajouter les amandes.

GLAÇAGE — 15 g d’eau — 40 g de sucre — 30 g de crème — 15 g de glucose — 10 g de trimoline — 10 g de cacao en poudre — 2 g d’eau froide — 12 g de gélatine poudre Procédé Mélanger l’eau froide et la gélatine poudre, réserver au froid positif. Chauffer la crème, le glucose et la trimoline. Cuire l’eau et le sucre à 124 °C. Décuire avec la crème chaude. Refroidir à 60 °C. Ajouter la poudre de cacao et la gélatine, bien mixer puis chinoiser. Utiliser à environ 32 °C.

170

171

PASTILLE CHOCOLAT NOIR Avec du chocolat noir au point (30 °C), verser un peu de masse entre deux feuilles guitares. À l’aide d’un rouleau, étaler cette masse le plus finement possible. Dès que le chocolat commence à cristalliser, utiliser un emportepièce forme calisson de 2 cm. Enrouler la feuille autour du rouleau et la scotcher pour que la feuille ne se déforme pas. Laisser cristalliser 3 heures. Finition Avec le glaçage craquant, glacer l’insert biscuit, feuilletine, mousse chocolat et le déposer sur un carton de 8 cm. Avec l’autre glaçage, glacer le palet de crémeux vanille et le déposer sur la base. Démouler les décors. Sur une des 3 pastilles utiliser du spray or pour la colorer. Déposer les 3 pastilles sur le dessus de l’entremets.


LE CAHIER DE CUISINE DE CÉDRIC GROLET

MANDARINE TIMUT

PÂTE DE MANDARINES —Q S* de mandarines

GANACHE MONTÉE POIVRE TIMUT Ingrédients —2 30 g de chocolat de couverture ivoire — 54 g de masse gélatine — 1 000 g de crème — 4 g de poivre timut mixé — 2 pièces de zestes de mandarine

Procédé Enlever leurs pédoncules, couper les fruits en 8, retirer l’intérieur en laissant juste 3 mm de chair. Mixer le tout au Thermomix.

Procédé Chauffer un quart de la crème avec le poivre timut. Laisser infuser 30 min. puis réaliser une émulsion avec le chocolat et la masse gélatine. Mixer en ajoutant progressivement le reste de la crème. Chinoiser. MANDARINE POCHÉE CONFITE Ingrédients — 500 g de mandarines — 1 000 g de sucre — 2 000 g d’eau — 1 000 g de sucre n°2 Procédé Enlever les pédoncules de mandarines, couper les fruits en 8, retirer l’intérieur en laissant 3 mm de chair. Les blanchir 3 fois dans l’eau (départ eau froide). Bouillir le sirop, y plonger les fruits et laisser frissonner à couvert sans dépasser 70 °C. Ajouter le sucre n°2 en plusieurs fois dans le sirop afin de le concentrer. Quand les fruits sont tendres, les égoutter, cuire le sirop à 103 °C. Refroidir le sirop puis y replonger les fruits et stocker.

ÉCORCES DE MANDARINES CONFITES Ingrédients — 2 500 g d’écorces de mandarine — 12 500 g de jus de mandarine — 6 250 g de sucre Procédé Mettre dans une casserole les écorces de mandarines prélevées à l’économe sans le blanc. Puis ajouter le jus et le sucre. Laisser frémir jusqu’à ce que les écorces soient suffisamment confites.

173

INSERT MARMELADE MANDARINE TIMUT Ingrédients —6 50 g de jus de mandarine — 1 00 g de jus de citron —5 1 g de sucre — 1 2 g d’agar agar —2 50 g de mandarine confite —2 50 g de mandarine fraîche —2 50 g de mandarine acide —2 50 g de pâte de mandarine —2 g de poivre timut Procédé Faire un gel à l’agar agar avec les jus de citron et mandarine. Ajouter la pâte de mandarine, les mandarines confites, la mandarine acide et le poivre timut. Garnir des moules sphère (4,5 cm de diamètre). Faire le montage dans des moules de 5,5 cm de diamètre.

ENROBAGE ORANGE Ingrédients —5 00 g de chocolat de couverture ivoire —5 00 g de beurre de cacao —5 g de colorant liposoluble orange — 1 0 g de colorant liposoluble jaune Procédé Faire fondre le chocolat et le beurre de cacao ensemble, puis mixer en ajoutant les colorants. * QS : quantité suffisante


RUBIK’S CUBE DE NOËL BISCUIT CITRON Ingrédients —2 25 g de poudre d’amandes — 1 80 g de cassonade —6 0 g de blancs d’œuf —9 5 g de jaunes d’œuf —6 0 g crème —3 0 g de sucre —3 g de sel — 1 95 g de beurre —2 40 g de blancs d’œuf —9 5 g de farine 55 —4 ,5 g de levure chimique —3 0 g de cassonade —2 pièces de zeste de citron Procédé Mélanger la poudre d’amande, les blancs d’œufs, les jaunes, la crème, le sucre et le sel. Ajouter le beurre fondu, la farine et la levure. Monter les blancs en neige et les serrer avec le sucre cassonade. Les ajouter au mélange précédent. Diviser l’appareil en 4, aromatiser les biscuits et garder du biscuit nature. Étaler à la règle basse. Cuire à 170 °C environ 7 min.

LE MARRON

INSERT MARMELADE CITRON JAUNE Ingrédients — 600 g de jus de citron jaune — 60 g de sucre — 8 g d’agar agar — 340 g de citron confit — 110 g de citron caviar — 80 g de segments citron — 10 g de menthe

CRÈME PÂTISSIÈRE Ingrédients — 225 g de lait — 25 g de crème — 2 gousses de vanille — 45 g de jaunes d’œuf — 45 g de sucre — 12,5 g de poudre à crème — 12,5 g de farine — 15 g de beurre de cacao — 30 g de masse gélatine — 25 g de beurre — 15 g de mascarpone

Procédé Chauffer ensemble l’eau, le jus de citron, puis ajouter le mélange sucre et agar agar. Bouillir 2 min. puis refroidir rapidement. Lorsque le gel est froid, mixer au Bamix en faisant attention de ne pas incorporer d’air. Ajouter le citron caviar, les segments de citron, les citrons confits hachés finement et la menthe.

Procédé Faire gonfler la gélatine dans de l’eau froide. Chauffer et verser le lait avec la crème bouillante sur le mélange blanchi sucre, poudre à crème, farine et jaunes d’œuf. Bouillir 2 min., puis ajouter le beurre de cacao. Ajouter la gélatine essorée, puis le beurre, et finir par le mascarpone. Mixer et refroidir rapidement.

ENROBAGE BLANC Ingrédients — 400 g de chocolat de couverture ivoire — 400 g de beurre de cacao — 4 g de colorant titane

CRÈME MARRON Ingrédients — 240 g de crème UHT — 50 g de sucre — 100 g de jaunes d’œuf — 4 g de gélatine — 500 g de mascarpone — 240 g de crème pâtissière — 400 g de pâte de marrons Agrimontana

Procédé Mettre à chauffer la couverture ivoire avec le beurre de cacao, puis mixer avec le colorant jaune.

SOLUTION POUR AÉROGRAPHE ARGENT SCINTILLANT Ingrédients — 10 g de kirsch — 4 g de poudre argent scintillante

Procédé Réaliser une anglaise avec la crème, le sucre et les jaunes, ajouter la masse gélatine à chaud et verser sur le mélange mascarpone, crème pâtissière et pâte de marrons. Mixer et réserver au frais. Monter au batteur avec le fouet avant de s’en servir.

Procédé Mélanger, puis chinoiser et remplir le réservoir de l’aérographe. MONTAGE ET FINITIONS Placer dans des petits cubes en inox de 3 cm de côté, un fond de biscuit citron imbibé, détaillé. Pocher dessus la marmelade de citron. Répéter l’opération une fois puis obturer avec un deuxième rond de biscuit. Surgeler et démouler. Enrober les petits biscuits avec une pique à brochette. Laisser décongeler puis floquer avec l’enrobage blanc, puis floquer avec le nappage neutre* chaud puis le scintillant argent.

PRALINÉ NOISETTE Ingrédients —2 50 g de noisettes brutes — 1 25 g de sucre —4 1,5 g d’eau —5 g de fleur de sel Procédé Torréfier les noisettes à 150 °C pendant 30 min. Cuire le sucre avec l’eau au caramel à 110 °C et caraméliser les noisettes fortement pour obtenir une praline plus poussée.

GEL MARRON Ingrédients —5 50 g de lait —4 25 g de pâte de marrons Agrimontana —2 25 g de morceaux de marrons confits —9 0 g de jaunes d’œuf — 1 5 g de sucre Procédé Faire chauffer le lait et ajouter le sucre puis réaliser une anglaise avec le reste du sucre et les jaunes blanchis. Une fois les marrons glacés rincés à l’eau pour enlever l’excédent de sucre, les ajouter avec la pâte de marrons dans l’anglaise chaude. Mixer et ajouter.

GEL CITRON Ingrédients —3 80 g de jus de citron jaune frais non chinoisé — 1 27 g d’eau —2 5 g de sucre — 1 0 g d’agar agar Procédé Chauffer le jus de citron jaune avec l’eau, puis ajouter le mélange sucre et agar agar. Bouillir 2 min. Refroidir, puis mixer.

CROUSTILLANT MARRON Ingrédients — 1 5 g de chips de marron — 1 50 g de poudre marron grains — 1 00 g de praline noisette —2 5 g de beurre de cacao Procédé Mélanger tous les ingrédients et en mettre la moitié dans des demi-sphères noires (4,5 cm de diamètre). Puis ajouter le mélange marron et le gel citron et finir par recouvrir avec le gel marron. L’autre moitié sera remplie de gel marron.

*50 g de nappage neutre

174

175

GLAÇAGE CARAMEL Ingrédients —5 68 g de sucre —2 84 g de lait —5 81 g de crème — 1 94 g de glucose —2 gousses de vanille —5 2 g de fécule — 1 81 g de sucre —2 1 g de gélatine poudre — 1 16 g d’eau d’hydratation Procédé Chauffer ensemble le lait, la crème, le glucose et les gousses de vanille grattées. Caraméliser le sucre à 185 °C, puis décuire avec la crème chaude. Ajouter le mélange sucre, fécule. Et cuire à ébullition pendant 2 min. Chinoiser puis refroidir. Ajouter la gélatine gonflée à 45 °C. Mixer. ENROBAGE LAIT Ingrédients —4 00 g de chocolat de couverture lait —4 00 g de beurre de cacao Procédé Mettre à chauffer la couverture lait avec le beurre de cacao.


OURS DIRECTEUR DE LA RÉDACTION & DIRECTEUR DE LA PUBLICATION LUC DUBANCHET DIRECTION ARTISTIQUE ATELIER MARGE DESIGN COORDINATION ÉDITORIALE AUDREY VACHER SECRÉTAIRE DE RÉDACTION AUDREY VACHER JEANNE FAVAS

RESPONSABLE COMMERCIAL & RÉGIE PUBLICITAIRE ROMAIN RAIMBAULT

T : +33 (0)4 27 82 68 91 romain.raimbault@ omnivore.fr DIRECTEUR COMMERCIAL FRANÇOIS THIERY

francois.thiery@ gl-events.com ÉDITEURS OMNIVORE

Maison de la Mutualité 24, rue Saint-Victor Paris 5e LE CONTREPOINT

29, rue des Orteaux Paris 20e

ACHEVÉ D’IMPRIMER

Ouvrage composé en Omnivore, Cameron, Ziguinchor & Fineline

CONTRIBUTEURS LUCILE ARNAUD SYLVIE BERKOWICZ LISA DANIEL VALENTINE DE LAGARDE ANETA HELEKALOVA NOÉMIE LAFON KIM LÉVY PEYO LISSARRAGUE CLAIRE LOZZA OLIVIER MARIE STÉPHANE MÉJANÈS AMÉLIE RIBEROLLE ZAZIE TAVITIAN CHARLOTTE THIZEAU DESIGN GRAPHIQUE CLÉMENT CHARBONNIER BOUET, LAURIANNE MARIETTE & VANESSA LALANDE

ADMINISTRATION, FINANCES GL EVENTS

59 Quai Rambaud 69002 Lyon

PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL OLIVIER GINON

PHOTOGRAPHES STÉPHANE BAHIC ROMAIN BASSENNE ANTHONY DEHEZ ARNOLD JEROCKI BAPTISTE LIGNEL MEYER – TENDANCE FLOUE STÉPHANIE FÜSSENICH ILLUSTRATEURS COUVERTURE : JULIEN PRIEZ — CLÉMENT CHARBONNIER BOUET JEREMY PERRODEAU PIERRE LA POLICE AMÉLIE FONTAINE

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Les erreurs ou omissions involontaires qui auraient subsisté dans ce guide malgré les soins et les contrôles de l’équipe de rédaction ne sauraient engager la responsabilité de l’éditeur.

VICE-PRÉSIDENT OLIVIER ROUX DIRECTEUR GÉNÉRAL GLEX PHILIPPE PASQUET DIRECTRICE DIVISION FOOD SERVICE MARIE-ODILE FONDEUR � WWW.OMNIVORE.COM

Imprimé par Stipa sur Munken Lynx 400 g/m2 (couverture), Munken Print White 15 115 g/m2, Munken Print Cream 15 80 g/m2 et Gprint 150 g/m2 d’Arctic Paper (intérieur)

DÉPÔT LÉGAL JANVIER 2018 © 2018 LE CONTREPOINT EAN 9782370630636 PRIX : 19,90 €

editions-lecontrepoint.com



food � book N o 9

magazine BANC D’ESSAI

SARDINES BIEN HUILÉES

dossier STYLE

T’AS DE BEAUX CHEVEUX, TU SAIS…

LA TECHNIQUE

L’IKÉJIMÉ L’INGRÉDIENT

LEVURE FRAÎCHE CHAMPIGNON HALLUCINANT LE CONDIMENT

MYSTÈRE MISO LES ESSENTIELS

SAN FRANCISCO REPORTAGE

SULAUZE DOMAINE BIEN LUNÉ

PLAYLIST

PLANER EN BALLONS AVEC DU JAZZ MINI-GUIDE

LES FLAMANDS OSENT

TENTATIVE D’INVENTAIRE AVANT ÉPUISEMENT –

LE CUISINIER MODERNE –

L’ASTRANCE RACONTÉE PAR PASCAL BARBOT

PORTFOLIO

CHASSE PRENDS GARD À TOI

guide PALMARÈS

LES 9 DE 2018 GUIDE 2018

VILLE À VILLE –

PARIS SUPPLÉMENTS

SUR LE POUCE –

GREEN –

ASIATIQUES –

SUCRÉ –

BOULANGERIES

ATLAS

BBQ RALLUMONS LE FEU

cahier de cuisine CLAIRE HEITZLER + CÉDRIC GROLET

9782370630636 19,90   €


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.