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De la forêt à l’habitation

DE LA FORÊT

À L’HABITATION

« Lorsqu’on rabote, on fait des copeaux. » Mais il ne s’agit pas de simples déchets car ils peuvent très bien être utilisés. Pour exemple pour des pellets. STR décrit la façon dont ils arrivent dans les chauffages de monsieur et madame Tout-le-Monde et le rôle endossé dans ce contexte par le transport routier.

AUTEUR ET PHOTOS : URS HÄFLIGER

Depuis des années, les chauffages à granulés de bois sont en plein essor. L’association professionnelle ProPellets a annoncé une augmentation de 20 % des ventes des systèmes de chauffage en 2020, alors que pour 2021, on parle de 45 % de plus. La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, et plus particulièrement les sanctions contre Moscou, attisent en outre les craintes d’avoir froid cet hiver en raison de la pénurie de combustibles fossiles. Il est donc presque certain que les ventes de systèmes de chauffage utilisant des sources d’énergie renouvelables comme les chauffages à granulés vont exploser. Il faudra donc à l’avenir plus que les 420’000 tonnes de granulés de bois pour répondre à la demande. Mais comment les pellets arrivent-ils de la forêt dans les chauffages de la population ?

Un four à micro-onde dans un camion

Le point de départ du voyage décrit ici est le canton de Lucerne, et plus particulièrement la forêt Höhewald entre Ettiswil, Willisau et Grosswangen. C’est là que Rinaldo se rend avec son camion pour le transport du bois. Après avoir remonté la route étroite, il s’arrête, il s’installe à la grue équipée d’un grappin à bois et il déploie la surface de chargement pour le les rondins triés. Ensuite, il commence à charger les troncs d’arbre, à première vue de manière rapide mais avec une grande précision. « Il s’agit de chablis », explique Rinaldo. Environ deux mois auparavant, une tempête s’était abattue sur la région mais les médias n’en ont pratiquement pas parlé. A peine 20 minutes plus tard, le poids maximal de transport est atteint et tout le bois est solidement arrimé. Si c’était l’heure du déjeuner, Rinaldo resterait vraisemblablement sur place sachant que grâce au four à micro-ondes installé dans le camion, il peut toujours manger chaud et profiter ainsi de l’instant présent : « D’autres

recherchent ces moments le week-end alors que moi, je peux les avoir durant la semaine. Que demander de plus ? »

Changement de propriétaire après une vérification au laser

Mais ce n’est pas l’heure du déjeuner et Rinaldo doit aller à Buttisholz, à une dizaine de minutes en remontant le Rottal en direction de Lucerne. Là, il se rend dans la zone industrielle sur le site de l’entreprise Tschopp Holzindustrie AG. Rinaldo manœuvre habilement le véhicule et son chargement, soit 40 tonnes, entre les bâtiments et il s’arrête devant un énorme tapis roulant. Peu après, les rondins sont déchargés et ils disparaissent dans les entrailles de la scierie. Roland, le directeur de cette scierie, explique qu’une fois débarrassé de son écorce, le bois est mesuré au laser et un modèle 3-D est créé : « Jusqu’à ce moment-là, le bois appartient encore à son propriétaire », explique Roland.

Du courant provenant de l’entreprise

Tout d’abord, le bois passe dans une scie. Jusqu’à 1800 rondins peuvent être sciés en planches par jour. On en fait des panneaux de coffrage pour les particuliers ou les entreprises de construction. Ce processus produit également de la sciure et des copeaux de bois, mais seulement dans la quantité nécessaire : « Seul le bois scié nous intéresse. Nous pouvons certes aussi utiliser les chutes de bois, mais plus elles sont nombreuses, moins nous pouvons utiliser de bois pour nos produits principaux et le rendement en matière de planches est moins bon », explique Roland. Le processus de production des panneaux de coffrage qui s’ensuit est complexe, il nécessite de nombreux séchages et des mesures d’assurance qualité, on encolle et on contrôle de manière automatisée et à la main. L’électricité nécessaire est en partie produite par l’entreprise elle-même. A cet effet, on utilise l’écorce précitée mais également le bois de récupération, ce qui permet de produire un quart du courant utilisé par Tschopp Holzindustrie AG. La chaleur résiduelle qui en résulte est également utilisée, d’une part pour chauffer les bâtiments de l’entreprise et des habitations situées à proximité, et d’autre part pour sécher la sciure, les copeaux de bois et les planches.

Du silo au camion

La sciure et les copeaux de bois sont livré à l’atelier de production de pellets par des lignes de transport, respectivement par des tuyaux. Roberto connaît toute l’installation. Il explique que les copeaux de bois doivent d’abord être eux-mêmes transformés en sciure et qu’après le séchage, ils sont placés dans l’une des cinq presses avec un maximum de dix pour cent d’humidité : « Ici, nous pouvons produire jusqu’à 20 tonnes de pellets par heure », indique Roberto. Ensuite, les pellets sont emballés et palettisés de façon entièrement automatique ou transportés dans le silo d’une capacité de 7000 tonnes pour être ensuite directement chargés dans les camions. C’est ici que Luca prend le relais. Il conduit un camion de l’entreprise Interspan Tschopp AG. Bien que les noms des entreprises se ressemblent, il s’agit d’entités séparées sur le plan organisationnel. Autrefois, les directeurs étaient des frères mais aujourd’hui, ce sont des cou-

420’000 TONNES

de pellets de bois ont été vendues en Suisse en 2021

sins qui dirigent les entreprises. Luca travaille depuis environ deux ans chez Interspan Tschopp AG. Auparavant, il avait fait un apprentissage chez Galliker et au début, il a également travaillé dans le domaine du transport de colis. « Mais les horaires de travail, le déroulement de la journée – ici, tout est plus décontracté. Dans le secteur des transports de détail, j’avais souvent de longues journées car je demandais toujours aux agents de transport s’il y avait encore quelque chose à faire. A un moment donné, j’en ai eu assez », raconte Luca.

Installer une natte pour éviter des dégâts

Malgré une journée de travail plus détendue, la livraison de pellets n’est pas une simple affaire : le chargement nécessite du savoir-faire ; il faut veiller à la pression dans le réservoir ainsi qu’à la température des pellets : « Lors du chargements, ceux-ci ne doivent pas dépasser 40 °C sans quoi ils pourraient s’enflammer spontanément dans le réservoir en raison de la pression négative », explique Luca. Ce jour-là, la température est de 26 °C. Après la mesure, Luca prélève encore un échantillon dans le réservoir : « Celui-ci est conservé pendant une année afin de pouvoir vérifier la qualité en cas d’éventuelles plaintes. » Ensuite, il se met en route. Le voyage ne dure pas longtemps et le trajet est relativement agréable. « Dernièrement, il m’a fallu une heure et demi pour parcourir trois kilomètres tellement le lieu était isolé et la conduite du camion compliquée », se souvient Luca qui ajoute : « Ce jour-là, j’ai vraiment transpiré. » Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, même lors de l’installation du tuyau pour remplir le local de stockage des pellets. Après quelques manipulations, la pression nécessaire est établie et les pellets sont projetés hors du tuyau.

Répondre à la demande

Cependant, avant de lancer ce processus bruyant, Luca pointe sa lampe de poche vers le mur du fond de l’entrepôt. Une partie de la peinture a déjà disparu ainsi que des morceaux de la maçonnerie. « En principe, tous les locaux de stockage des pellets doivent être munis de nattes en caoutchouc qui freinent les pellets lors du remplissage afin que ceux-ci ne détruisent pas la paroi arrière », explique Luca. Il signale donc ce problème aux propriétaires des maisons qui sont toujours heureux de recevoir des conseils pour protéger leurs biens. Luca trouve qu’il est actuellement bien occupé, ce qui est confirmé par son patron, le directeur Marcel qui ajoute : « la demande dépasse le taux d’utilisation des véhicules. » Cette demande pourrait même être couverte par du bois suisse, mais il faudrait pour cela développer des structures correspondantes, toujours selon Marcel. Ainsi, il serait possible de produire effectivement à Buttisholz les 120’000 tonnes de pellets prévus par an, ce qui n’est aujourd’hui pas possible car « on est confrontés à des craintes fondamentales en matière d’approvisionnement. De ce fait, les matériaux comme le bois de chauffage font l’objet d’une demande exceptionnelle. Cette situation se manifeste actuellement aussi de manière extrême dans la production de pellets. Nous y

faisons face et espérons qu’un jour, la situation se détendra à nouveau. » Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : grâce au transport routier, le trajet entre la forêt et les habitations sera assuré.

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