Galerie Chenel - Corpus. Sculpture Eyptienne, Grecque et Romaine.

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Galerie Chenel

CORPVS SCULPTURE EGYPTIENNE,GRECQUE ET ROMAINE

ENSEMBLE D’ŒUVRES





« Je ne veux plus prendre d’engagement, si ce n’est celui de continuer, tant que j’en aurai les moyens, à réunir des reproductions de statues et statuettes antiques, en vue de compléter ce rudiment de Corpus » . Salomon Reinach



CATALOGUE 1 8 MAI - 2 2 JU IL L E T

MMX VII



PRÉFACE

Un Corpus est un ensemble de documents artistiques regroupés dans un but précis. Ici, pour notre thème d’exposition, il est aussi la démonstration que chacune de nos œuvres présentées a sa propre histoire, son identité. Par des archives et des images regroupées, nos photographies d’un œil nouveau, des résumés détaillés, le résultat de nos expertises, notre corpus donne une nouvelle vie à ces sculptures.

Notre métier d’antiquaire nous passionne. L’ Antiquité classique s’est imposée à nous comme une évidence, une spécialité que nous souhaitions explorer, il y a encore tellement à découvrir. Ces œuvres d’art que nous avons pour un temps en notre possession nous viennent d’un autre temps. C’est un véritable privilège que d’ être en contact proche avec ces témoignages de plusieurs millénaires. De façon obsessionnelle, nous sommes à l’affût à travers le monde de la prochaine pièce qui captera notre attention. Une fois acquise, il est de notre devoir de marchand d’en apprendre le plus possible sur l’objet, c’est l’essence même de notre métier. Nous étudions l’œuvre et son passé avec enthousiasme, afin de rassembler le maximum


d’ informations pour la connaître au mieux et ainsi partager avec le prochain acquéreur ce savoir et notre regard.

Les comparaisons stylistiques sont un point de départ essentiel de nos observations et nous permettent une première analyse dans les détails, afin d’en déterminer le modèle et l’ époque. En effet, connaître la représentation ou le sujet permet d’approfondir notre critique sur l’authenticité. Les inventaires des institutions, les archives et les bibliothèques sont pour nous des viviers de documentation pour nos recherches. Certains écrits et répertoires d’historiens comme celui de Salomon Reinach nous fournissent une source précieuse de connaissances et nous aident à comprendre encore ces œuvres.

L’observation minutieuse de la sculpture vient affiner notre jugement. Nous identifions le matériau, l’aspect d’un certain dépôt, une cassure ou bien une patine laissée par le temps. Chaque détail compte pour la compréhension totale d’une sculpture antique.

Attentivement, nous examinons les anciennes restaurations, ce sont aussi des signes utiles. Certaines pièces retrouvées endommagées furent remaniées pour plaire au goût de l’ époque. Il est amusant d’ imaginer l’assemblage à la libre interprétation du sculpteur mandaté, de fragments d’une statue romaine et ceux venant la compléter.

La provenance est primordiale pour l’acquisition d’une pièce archéologique. Consciencieusement, nous la recherchons au plus lointain. Retracer le cheminement d’une œuvre a toute son importance et procure une part d’achèvement à notre investigation. Les renseignements sur son parcours et sa redécouverte apportent encore à son histoire. Notre curiosité scrute le moindre indice relatif à un passé


oublié. L’Antiquité a, de tous temps, suscité un intérêt extraordinaire. Le Grand Tour en est un exemple, ce long voyage de jeunes gens de la haute société destiné à parfaire leur éducation par une connaissance de l’art antique. Grâce à lui, de nombreuses collections inestimables ont vu le jour avec le retour des initiés. Au fil des années, nous avons aussi pu remarquer que beaucoup d’artistes collectionnaient ces sculptures, certainement source d’ inspiration dans leur création.

À ce corpus, nous ajoutons notre perception personnelle et intimiste par nos photographies contemporaines qui nous plongent au temps présent. C’est dans l’ idée de partage et de continuité que nous avons réalisé cet ouvrage. À notre tour, nous espérons laisser une empreinte marquante sur ces œuvres exceptionnelles pour les générations à venir.

À tous ceux qui nous entourent, notre belle famille toujours patiente, nos indispensables Mahaut, Violaine et Vincent, Valentin notre stagiaire de choc, professeurs Florent et Jörg, mais aussi nos amis proches, nos collectionneurs passionnés, encore mille mercis car c’est grâce à vous tous que tout ceci est possible.

Gladys, Adrien & Ollivier.


TÊTE D’APHRODITE HEL L ÉNIST IQU E, II - I er SIÈC L E AVANT J. -C . e

MARBR E B LAN C À PATIN E B R U N E

HAUTEUR : 35 CM.

LARGEUR : 17 CM.

PROFONDEUR : 24,5 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION EUROPÉENNE DEPUIS LE XVIII e SIÈCLE, D’APRÈS LES RESTAURATIONS. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE DU PEINTRE FRANÇAIS JEAN BAZAINE (1904 – 2001), ACQUISE DANS LES ANNÉES 1950.

1.   Jean Bazaine dans son atelier.

Ce beau visage d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté, est sculpté dans un marbre grec, à petits grains et au ma-

son crâne. Son expression est sereine et ses

gnifique poli. Ses cheveux sont ceints d’un

yeux, à la pupille lisse, lui confèrent la majes-

bandeau et relevés en un chignon sophis-

té d’une déesse. Ses traits sont très fins, son

tiqué, se terminant en nœud sur le haut de

expression sensuelle est accentuée par ses




petites lèvres délicates, ses jolis petits yeux

donner une âme à leur création. Sa beauté,

sont légèrement tombants et ses ravissantes

sa finesse et sa qualité d’exécution sont de

oreilles percées étaient autrefois parées de

véritables atouts pour séduire de nombreux

boucles en or.

admirateurs.

Cette qualité d’exécution la place dans la

Cette tête présente deux anciennes restau-

lignée des visages grecs classiques, et no-

rations sur sa chevelure, une sur son chi-

tamment ceux de Praxitèle, grand maître

gnon et l’autre au niveau d’une mèche côté

de la sculpture actif à Athènes au IVe siècle

droit. Elles sont le témoignage d’un goût

avant J.-C. La coiffure en nœud, que l ’on

révolu, où les collectionneurs aimaient ad-

retrouve sur nombre de représentations

mirer des œuvres complètes. Dès la Renais-

de Vénus, est associée au t ype de celle du

sance, de brillants sculpteurs étaient sollici-

­C apitole (ill. 3), sculpture romaine est issu

tés pour restaurer les sculptures antiques.

d’un original du grand maître athénien,

Aux X VIIe et X VIIIe siècles, les artistes

l ’Aphrodite de Cnide, aujourd’ hui dispa-

jouissaient d’une liberté totale dans leur res-

rue. Commandée au IVe siècle par les habi-

tauration, et parfois réinterprètaient l’œuvre

tants d’une petite cité d’Asie Mineure, elle

antique pour la mettre au goût du jour. Ici, il

prenait place au cœur du sanctuaire de la

s’agissait simplement de compléter les légers

déesse. Premier nu féminin de la grande

manques dans ses cheveux.

statuaire, elle a frappé les esprits par son audace et sa qualité d’exécution, et est ra-

Cette restauration nous permet aujourd’hui

pidement devenue l ’une des statues les plus

d’affirmer que la pièce a traversé de nom-

copiées du monde antique. Ainsi, son visage

breuses collections depuis le X VIIIe siècle,

fut maintes fois repris, comme le montre la

avant de prendre place dans celle du peintre

tête conservée au musée de ­B oston (ill. 2),

français Jean Bazaine (1904 -2001). Ce peintre

très proche de notre Aphrodite. À l ’ époque

abstrait de la nouvelle École de Paris (ill. 1),

hellénistique puis à l ’ époque romaine,

exposa dans toute l’Europe à partir des an-

l ’ image perdit de sa signification religieuse

nées 1950. Il reçut en 1964 le Grand Prix

et fut utilisée dans une perspective plus

national des arts et une rétrospective de

décorative. D’ailleurs, notre tête, dont les

son œuvre fut présentée au Grand Palais en

lobes sont percés, témoigne de ce goût et

1990. Décédé en 2001, ses tableaux furent en

de cette sensibilité chers aux sculpteurs de

grande partie légués au Centre Pompidou et

la période hellénistique, qui essayaient de

sa collection dispersée par ses héritiers.


2.   Tête d’Aphrodite dite “tête Bartlett”, Grèce, fin de la période classique ou hellénistique, vers 330 - 300 av. J.-C., H. : 28,8 cm, marbre. Museum of Fine Arts, Boston, inv. n° 03.743. © 2017, Museum of Fine Arts, Boston

3.   Pierre Bouillon, Planche figurant la Vénus du Capitole, c. 1810, gravure. Musée des antiques, dessiné et gravé par P. Bouillon, avec des notices explicatives par J. B. de Saint-Victor, 3 volumes, 1810-1821.





POIDS INSCRIT G A L L O- R OM A IN , LU GDU NU M (L YON), 2 2 6 APRÈS J.- C.

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 17 CM.

LARGEUR : 25 CM.

PROFONDEUR : 25 CM.

P R OV E N A N C E DÉCRIT POUR LA PREMIÈRE FOIS PAR SCIPIONE MAFFEI (1675-1755) EN 1734 , DANS LE PUITS D’UNE DOMUS DE LA COLLINE DE FOURVIÈRE, À LYON, DANS LE QUARTIER DE ST-JUST. DANS LA COLLECTION DE M. E. RÉCAMIER, AVOCAT, DANS LES ANNÉES 1880. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE PARISIENNE DE M. CLOUZOT.

Ce marbre de forme sphéroïdale est en réalité un poids de l’époque romaine impériale, trouvé à Lyon, sur la colline de Fourvière, et connu dès le XVIII e siècle, comme en at-

Alphonse de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, Lyon, 1846– 1854, p. 276–277.




teste la publication de Scipione Maffei en

Cette inscription date précisément le poids

1734. Il porte sur tout son pourtour une ins-

de l’année 226 ap. J.-C., année du consulat

cription :

de Lucius Aufidius Marcellus et l’empereur Sévère Alexandre. Elle précise qu’il était

.....RO ALB ......RO..IO

utilisé pour peser les lingots de la redevance

....L.AVFIDIO MARCELLO II COS

versée par les gestionnaires d’une mine de

SPLENDIDISSIMI VECTIGALIS

fer à l’Empire.

MASSAE FERRARIARVM

L’exploitation des mines dans l’Empire

MEMMIAE SOSANDRIS C . F .

Romain pouvait soit relever du domaine

QVOD

public, soit, dans de rares cas, être laissée

AGITVR SVB CVRA

à des particuliers ou des cités, en échange

AVRELI NEREI SOC . .

d’une redevance. Les mines aux mains des

VECTTIGALIS

particuliers sont peu attestées, et notre poids en est l’un des rares et précieux té-

« Severo Alexandro pio felice Augusto II

moignages. Cette mine était gérée par

et Aufidio Marcello II, consulibus, ma(trix

une certaine Memmia Sosandris, « femme

exacta) splendidissimi vectigalis massae

clarissime », certainement de la famille de

ferrariarum Memmiae Sosandridis, clarissi-

l’épouse d’Alexandre Sévère, puisqu’elle

mae feminae, quod agitur sub cura Aurelii

porte le même nom de Memmia. Etant

Nerei, socii dicti vectigalis. »

donné cette parenté, on peut se demander si elle ne devait pas la propriété de ces

Traduction de Jean-Baptiste Monfalcon

mines à la faveur du prince.

(1866) : « Sous le consulat de Sévère Alexandre pieux

Notre poids était utilisé pour la perception

heureux Auguste et d’Aufidius Marcellus,

de la redevance reversée à l’administration

consuls pour la seconde fois. Poids-matrice

impériale, qui correspondait à l’ équivalent

controlé à l’usage de la splendidissime ex-

en fer pesé à l’aide d’une balance à f léau.

ploitation de la mine de fer de Memmia

De très nombreux poids ont été retrouvés

Sosandris, clarissime personne ; exercée

en France, et on en retrouve de différentes

sous la gérance d’Aurelius Nereus, socié-

formes et matériaux  : sphérique, cylin-

taire de ladite exploitation ».

drique, pyramidal (ill. 1), en marbre comme


le nôtre mais également en bronze (ill. 2), en

Publications :

céramique… Certains de ceux qui nous sont

–  Scipione Maffei, Galliae Antiquitates Quaedam Selectae…, Vérone, 1734, p. 73.

parvenus comportent des inscriptions renseignant sur leur valeur ou leur utilisation, voire une dédicace à un dieu, mais la précision de la nôtre, qui permet de dater et de replacer l’objet dans son contexte, en fait un témoignage important.

Mentionné dès 1734, ce poids fut trouvé

– Alphonse de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, Lyon, 1846 -1854, p. 276-277. –  Jean-Baptiste Monfalcon, Histoire Monumentale de la Ville de Lyon, Paris, 1866, p. 102. – Revue Epigraphique du Midi de la France, Tome I, 1878-1883, p. 257. – Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. XIII, Part. I, 1899, n° 1811.

dans le puits d’une ancienne domus dans le quartier de Saint-Just, actuel Ve arrondissement de Lyon, situé sur la colline de Fourvière. Il est mentionné dans un ouvrage du XIXe siècle dans la collection de la demeure de M. Récamier dans la banlieue lyonnaise, à Ecully. Passionné d’archéologie, l’avocat Etienne-Louis-Marie Récamier (1833-1898) rassembla une intéressante collection de près de quatre mille plombs antiques dont le conservateur lyonnais Paul Dissard publia le catalogue en 1905. L’ introduction révèle que M. Récamier, durant une vingtaine d’années, réunit quantité d’objets archéologiques à l’occasion des travaux qu’avaient engendrés la constructions des nouveaux quais de la ville dès les années 1850.

Bibliographie : – Anne-Marie et Louis Marquet, « Les poids Gallo-Romains » in. Forum, n° 1, 1970, p. 3744. – Alfred Michael Hirt, Imperial Mines and Quarries in the Roman World : Organizational Aspects 27 BC – AD 235, Oxford Classical Monographs, 2010. – Claude Domergue, Les Mines Antiques, éd. Picard, Paris, 2008, p. 190-191. – Paul Dissard, Collection Récamier, Catalogue des Plombs antiques, Paris, 1905, p. 5.



2.   Poids sphéroïdal, IIe - IIIe siècle ap. J.-C., provenant de Feurs (Loire), antique Forum Segusiavorum, province romaine de Lyonnaise. Inscription incrustée d’argent : dédicace à la déesse gauloise Segeta. Paris, Musée du Louvre, inv. n° BR 3413. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski.

1.   Poids de forme pyramidale tronquée, avec un crochet en fer scellé au plomb en son sommet, trouvé à Lucey (Savoie) au milieu du XIXe siècle. Dédicace à Mercure. Conservé au château de Lucey.



TÊTE D’APOLLON DU TIBRE R OM E , I er SIÈC L E APRÈS J. -C .

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 33 CM.

LARGEUR : 21 CM.

P R OV E N A N C E RETROUVÉE LORS DE LA DÉMOLITION D’UNE MAISON EN ALSACE-LORRAINE EN 1900. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE FRANÇAISE. CÉDÉE À UN COLLECTIONNEUR PRIVÉ DANS LES ANNÉES 1960.

PROFONDEUR : 26 CM.

d’une bouche par la commissure des lèvres incisée, encore bien préservée. La coiffure est en excellent état : des mèches ondulantes qui naissent au sommet du crâne sont plaquées par un bandeau passant derrière ses oreilles. Sous ce bandeau, la chevelure légèrement torsadée vient caresser la nuque et adoucir un profil à la mâchoire ronde et puissante tandis que tombent sur le front et les tempes, de fines bouclettes subtilement incisées au trépan.

Ce portrait idéal est celui d’Apollon. Fils de

Pour mieux se représenter le modèle esthé-

Zeus et de Léto, « le plus grec de tous les

tique que pouvait incarner notre portrait,

dieux », il était notamment dieu des jeunes

nous pouvons observer l’Apollon dit « du

hommes. Il constituait en effet un modèle

Tibre » du musée des Termes de Rome,

parfait et absolu auquel la jeunesse tentait

datant du Ier siècle de notre ère (ill. 1). Les

de ressembler.

boucles de la coiffure et la forme du visage

Cette tête, dont le visage est altéré par le

sont en de nombreux points semblables

temps, est encore animée par des yeux aux

à notre sculpture (ill. 2). Le modèle des

épaisses paupières et l’on devine la forme

Termes fut retrouvé en 1891 au fond du




Tibre en plusieurs fragments. La forme du

Bibliographie :

visage et l’attitude du corps de la statue re-

– Fairbanks, Arthur, The mythology of Greece and Rome, Sidney, 1908, p. 48-49 et p. 122-132.

composée correspondent à un type de représentation se développant au Ve siècle avant J.-C., caractéristique du style sévère incarné par l’Apollon du type de Cassel. En effet, le visage aux traits particulièrement marqués (paupière épaisse, lèvres charnues et forme triangulaire), mais surtout la coiffure adoptée, sont autant d’ éléments probablement issus des œuvres de Phidias et de Calamis (Apollon « tueur de sauterelles » et Apollon «  vainqueur du mal  ») sculptés vers 450 avant J.-C., dont nous ne connaissons que des copies. Le modèle original grec en bronze de cet Apollon, aujourd’hui disparu, devait être un exemple de la plus haute expression de la statuaire classique, donnant lieu à de nombreuses et diverses ré-interprétations sous le règne d’Hadrien et à la période antonine, comme en témoigne notre tête. Murée au sein des fondations d’un bâtiment, notre tête fut découverte en 1900 dans la région d’Alsace Lorraine. La patine intacte du marbre témoigne de cette préservation dont certains détails, comme les mèches de cheveux finement ciselées, sont particulièrement bien conservés. Tel un sanctuaire oublié, les fondations du bâtiment renfermant cette œœœuvre l’ont ainsi préservée des intempéries et également de toute restauration de la main de l’Homme.

1.   Apollon du Tibre, Rome, IIe siècle av. J.-C., H. : 222 cm, marbre. Musée des Termes, Rome, inv. n° 608 © Jean-Pol Grandmont/CC-BY-SA-3.0


2.   Apollon du Tibre, détail, Rome, IIe siècle av. J.-C., H. : 222 cm, marbre. Musée des Termes, Rome, inv. n° 608 © Jastrow/CC-BY-SA-2.0



BUSTE D’HOMME R OM E, F IN DU II e SIÈC L E APRÈS J. -C .

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 75 CM.

P R OV EN A N C E

LARGEUR : 50 CM.

dynastie des Sévères. Sculpté dans un seul bloc de marbre veiné surmontant un pié-

ART INSTITUTE DE CHICAGO JUSQU’EN 1963.

douche, ce portrait au regard énigmatique est incontestablement un chef-d’œuvre.

OFFERT À M. RALPH WEIL PA R

Le manteau de l’homme, ou Paludamentum,

MME MARGARET GENTLES, ALORS

est attaché sur son épaule droite par une fi-

CONSERVATRICE DES ARTS ORIENTAUX,

bule. Traditionnellement associé à l’ icono-

ART INSTITUTE DE CHICAGO.

graphie des commandants militaires, des

ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE DE

aristocrates de haut rang et bien évidem-

M. WASCO ROGULA, PAR DESCENDANCE.

ment de l’Empereur, le Paludamentum ne

ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE DE

montre cependant pas exclusivement un rôle

MME ALEXANDRIA ACCARDI,

militaire avéré  : il implique de manière géné-

JUSQU’EN 2013.

rale une position de pouvoir et de commandement. Ici le manteau est très proche de celui porté par l’empereur Septime Sévère

Ce beau buste d’homme fut sculpté à la fin

(193-211 après J.-C.) sur le buste conservé au

du IIe siècle après J.-C., vraisemblablement

British Museum (ill. 2). Cela peut être un

dans les premières années du règne de la

indice pour dater notre buste de la même




1.   Portrait d’un jeune homme, Rome, 150-200 après J.-C., Palazzo Colonna, Rome.

époque, celle de l’arrivée au pouvoir de

représentation d’une masculinité urbaine,

­S eptime Sévère, en 193 après ­J.-C., époque à

civile, par opposition aux portraits plus mi-

laquelle fut créée la représentation officielle

litaires, virils et rasés de près de l’ époque de

de l’empereur.

Trajan (règne 98-117 après J.-C.). La barbe,

Sa coiffure, formée de mèches de cheveux

apparue pour la première fois sur les por-

souples, séparée en deux par une raie en

traits de l’empereur Hadrien (règne 117-138

haut du front, est proche du buste d’un jeune

après J.-C.) est en effet traditionnellement

homme du début de la dynastie antonine,

associée à un intellectualisme et une culture

conservé au Château Howard, Yorkshire,

hellénique forte. Ainsi cet homme, à travers

Angleterre (ill. 3). Typique de cette époque,

cette image, pourrait vouloir mettre en avant

ce style de coiffure aux mèches souples et

son éducation raffinée et sa connaissance

travaillées peut être interprété comme la

de la culture grecque. Nous sommes cer-


tainement face au portrait d’un homme qui

bula, les rendent plus imposants ; ce sont

affirme son appartenance à l’aristocratie ur-

de véritables œuvres d’art à part entière,

baine et cultivée de Rome, et son allégeance

des objets de prestige. L’aspect plus réa-

au nouvel empereur, Septime Sévère.

liste des portraits à cette époque procure

Le st yle de la sculpture, ainsi que sa taille,

un sentiment de plus grande intimité avec

indiquent une datation de la fin du IIe siècle

le sujet représenté, et charge l ’œuvre d’une

après J.-C. À cette époque, les bustes sont

dimension psychologique. Cela est tout à

en effet beaucoup plus importants ( jusqu’ à

fait visible dans le présent buste, dont la

deux fois et demi) que ceux de la fin de la

virtuosité de la sculpture fait apparaître

République. Les piédouches, au-dessus

un sentiment de vie à travers les yeux de ce

desquels sont insérés comme ici, une ta-

marbre antique.

2.   Septimus Severus, British Museum, Londres (Inv. n° 1805.7-3.104)




3.   Buste de jeune homme, début de la Période Antonine, Castle Howard, Yorkshire, England.


SCULPTURE DE NIKÉ HEL L ÉNIS T IQU E, F IN D U I er SIÈC L E AVANT J. -C . MARBR E B LAN C À PATIN E B R U N E

HAUTEUR : 85 CM.

LARGEUR : 36 CM.

PROFONDEUR : 26 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION EUROPÉENNE, VENDUE CHEZ SOTHEBY’S LONDRES LORS DE LA VENTE DU 6 JUILLET 1964 (LOT 176). ANCIENNE COLLECTION AMÉRICAINE DE LA FORD FONDATION (NY), DEPUIS LES ANNÉES 1970.

1.   Niké avec ses ailes, catalogue Sotheby’s Londres, vente du 6 juillet 1964, lot 176.

Cette remarquable sculpture représente la déesse grecque Niké, personnification de la Victoire, et est datée de la fin du Ier siècle avant notre ère, durant la pé-

calcaire, déposée durant les centaines

riode hellénistique tardive. Sculptée d’un

d’années d’enfouissement de la sculpture

bloc de marbre monolithe, elle a ensuite

sous terre. Des traces de pigments sont

été lissée par un poli très fin, désormais

visibles sous certaines de ces zones in-

masqué par une fine couche de dépôt

crustées.




2.   Niké, époque hellénistique, H. : 66 cm, marbre. Musée archéologique d’Istanbul, inv. n° 765. © Istanbul Archaeological Museum

La personnification de la Victoire, ou

partie du cercle rapproché des dieux de

Niké, appartient à l ’ancien répertoire

l ’Olympe.

classique de l ’ iconographie grecque.

La déesse est montrée en mouvement,

Cette femme ailée, vêtue d’une longue

les doigts de ses pieds touchant à peine

robe, descend des cieux et vient parmi

le sol, alors qu’elle est en train d’atterrir.

les mortels afin de couronner les vain-

Cet élan descendant entraîne le drapé de

queurs, faire une libation pour remer-

son vêtement en avant et le fait onduler

cier les dieux, ou bien encore voler à la

sur les côtés. Sa jambe droite s’avance,

surface de la terre et répandre au monde

presque entièrement nue, ce qui renforce

la nouvelle d’une victoire. Née du Titan

la sensualité de ses formes, à la fois mas-

Pallas et de l ’Océanide St yx, Niké fait

quées et révélées par le jeu du drapé.


Lorsque cette statue fut mise en vente chez Sotheby’s en 1964, ses ailes étaient encore en place (ill. 1). Le catalogue de la vente nous les montre déployées : la déesse est représentée dans une posture volontairement dynamique, encore en vol, en plein mouvement de descente. Les deux ailes étaient sculptées séparément dans du marbre et terminées par des tenons, qui venaient s’ insérer dans des mortaises toujours visibles dans son dos. Son bras droit, originellement levé, a aujourd’ hui disparu. Également sculpté dans un bloc de marbre séparé, il tenait probablement une couronne de victoire. Un exemple comparable, par son style et ses dimensions, est conservé au Musée Archéologique d’Istanbul (ill. 2). Également daté de l’ époque hellénistique, ce parallèle suggère que notre sculpture pourrait être le produit d’un atelier provincial établi en Asie Mineure ou bien en Afrique du Nord. Créée en 1936 par Henry Ford à Détroit, la Ford Foundation est une fondation caritative engagée dans différentes actions culturelles, et notamment artistiques à partir des années 1950-60, avec une collection située dans l’Etat de New York.

3.   Henry Ford et son célèbre «model T», The Henry Ford and Ford Motor Company. © Ford Motor Company/CC BY-SA-3.0





SARCOPHAGE DE FAUCON É GYP TE , ÉPOQU E PT OL ÉMAÏQU E, V ERS 3 3 2 - 3 0 AVANT J. -C . CALCAIR E, R ES TES DE PO LYC H RO MIE

HAUTEUR : 50 CM.

LARGEUR : 21 CM.

PROFONDEUR : 16 CM.

P R OV EN A N C E ANCIENNE COLLECTION FRANÇ AISE DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1970, DÉBUT DES ANNÉES 1980 ACQUIS AUPRÈS DE LA GALERIE RATTON-LADRIÈRE, PARIS.

Adoptant la forme d’un obélisque, comme en témoignent les quatre facettes en son sommet, ce monument en calcaire est creusé

1.   Sarcophage de faucon, XXIIe dynastie, 945 - 715 avant J.-C., Sérapéum de Saqqara, calcaire. Musée du Louvre, Paris, inv. n° AF 448. © Musée du Louvre, Dist. RMN-GP / Benjamin Soligny

d’une cavité rectangulaire. Il s’agit d’un petit sarcophage destiné à recueillir une momie de rapace, représentée sur la face principale

nous percevons encore les détails finement

en saillie. La tête est celle d’un faucon coiffé

ciselés. Le faucon est l’ incarnation d’Horus,

d’un pschent (double couronne) et orné d’un

fils d’Osiris et Isis, auquel Pharaon est assi-

bijou ousekh (collier de plusieurs rangs) dont

milé en tant que dieu préservant l’harmonie




universelle, sans cesse opposé à Seth, assas-

Nous en trouvons un exemple au musée du

sin de son père et dieu du chaos.

Louvre, de forme différente du nôtre, mais d’iconographie et de matériau similaires

Au sein du panthéon égyptien, l’ image de

(ill. 1), constituant également une offrande

l’animal est considérée comme une expres-

de prestige pour le dieu Horus.

sion terrestre et tangible de la divinité. Ainsi, là où il est l’un des éléments créés par le démiurge, chaînon indispensable pour assurer la bonne marche du monde, l’animal sacré se fait réceptacle et véhicule d’une parcelle de la puissance divine. Dans le cadre de cette croyance, il existait deux types d’animaux : certains étaient sacrés, faisant l’objet de rites durant leur vivant ; d’autres, simples images de la divinité, ne prenaient de la valeur qu’après leur mort. Le rite de la momification marquait alors leur sacralisation et permettait de faire de ces animaux des offrandes pour la divinité. Comme Hérodote en témoigne, ces rituels funéraires se développent largement durant la Basse-Époque. Sous les derniers rois de la XXXe dynastie, de nombreuses nécropoles destinées à recueillir ces momies animales, parfois magnifiées par un sarcophage, ont été créées sur tout le territoire égyptien. Notre sarcophage, dans un état de conservation remarquable et ayant gardé des restes visibles de polychromie, appartient à un type de mobilier rare représentant pourtant une part importante des pratiques funéraires durant la Basse Époque.

Bibliographie : –  Ziegler, Christiane, Bovot, Jean-Luc, L’Egypte Ancienne, Paris, 2011, p. 37-311. –  Guichard, Hélène, Des animaux et des pharaons : le règne animal dans l’Égypte ancienne, Paris, 2014, p. 224-269. –  Hérodote, Livre 1, 83, 1 : « Egyptiens vénèrent extrêmement quelques animaux, non pas seulement quand ils vivent mais quand ils sont morts aussi, tels les chats, les ichneumons, et les chiens, et encore les faucons et les animaux appelés chez eux ibis, et aussi les loups, les crocodiles et bien d’autres encore du même genre ».


HERME DE MERCURE R OM E, I er - II e S IÈC L E APRÈS J. -C .

CA LC ÉDO IN E B LEU T ÉE, AMÉT H YS T E ET B R O N ZE DO R É

HAUTEUR : 8,5 CM.

LARGEUR : 3 CM.

PROFONDEUR : 2 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION EUROPÉENNE DEPUIS LE XVII e SIÈCLE, D’APRÈS LES RESTAURATIONS. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE AMÉRICAINE DEPUIS LES ANNÉES 1950.

Ce précieux pilier hermaïque, sculpté dans un seul et même bloc de calcédoine bleutée, est très

1.   Tassie, James, 1791, p. 164.

finement travaillé. Dans cette matière laiteuse d’une densité et d’une qualité remarquables, les plis du drapé sont finement incisés, et plus par-

Si ce genre de joyau reste rare et mysté-

ticulièrement stylisés dans le dos. Tandis que

rieux, nous pouvons néanmoins présumer

l’on devine la main couverte par le tissu au ni-

qu’ il s’agissait d’un objet de prestige. En ef-

veau de la poitrine, la tête présente un profil

fet, les historiens ont recensé de nombreux

très fin se fondant dans la transparence de la

riches artéfacts faits de calcédoine bleutée,

matière, coiffée d’une chevelure au traitement

une pierre extrêmement précieuse durant

d’une modernité exceptionnelle.

l’Antiquité et particulièrement appréciée




par les Romains. On retrouve par exemple de nombreuses occurrences de phalères, insignes militaires de prestige, en calcédoine. La forme typologique du pilier hermaïque, antique par excellence (ill. 1), pourrait en outre laisser penser que l’objet avait une valeur apotropaïque. Il est ainsi probable que cet objet, dont le raffinement est l’œuvre d’un maître en gemmologie, ait pu remplir une fonction votive en ayant été par exemple présentée dans le laraire (autel religieux domestique) d’une riche demeure. Comme il est inscrit en grec sur le socle, le personnage représenté est identifié à Alcibiade, célèbre personnage de la société athénienne classique (ill. 2). Neveu de P ­ ériclès et proche de Socrate, Alcibiade était une personnalité haute en couleur et réputée, parmi ses nombreuses qualités, pour sa beauté. Une beauté vantée par de nombreux auteurs antiques comme Platon (Protagoras, 309 c.), Plutarque (Vie d’Alcibiade, I, 4) ou encore Xénophon qui écrit dans les Mémorables : « Alcibiade, pourchassé à cause de sa beauté, par une foule de grandes dames […] » (I, 2, 24). Et, suivant les écrits de Saint Clément d’Alexandrie (Cob. Ad Gent, p. 47), nous savons que : « les sculpteurs donnaient à Mercure la ressemblance d’Alcibiade, ce qui naturellement se rapporte aux meilleurs siècles de l’art, et prouve que les têtes de Mercure sont autant de por-

2.   Herme de Mercure provenant d’Herculanum, avant 79 après J.-C., marbre. Musée national archéologique, Naples.




traits de ce fameux Athénien ». Notre petit

des socles de présentation des grandes col-

herme pourrait donc être une expression de

lections riches en objets rares et précieux,

cette assimilation d’Alcibiade à Mercure,

telles que celle des Médicis ou le Tesoro dei Granduchi. Justement, nous retrouvons un objet de ce type dans le Tesoro dei­ Granduchi (ville de Florence) avec cet herme d’Hercule en calcédoine bleutée (ill. 4) daté du IIe siècle après J.-C. Entre ces deux objets, forme, équilibre, composition et finesse de la ciselure sont très semblables. Admirés par les Romains et à leur suite par les plus grands esthètes de la Renaissance et d’aujourd’hui, ces chefs-d’œuvre de pierre dure ne connaissent pas l’ érosion du temps qu’ ils traversent en conservant toute leur force artistique et énigmatique.

Bibliographie : 3.  Portrait idéalisé d’Alcibiade monté sur pilier hermaïque postérieur. Copie romaine d’un original grec du IVe siècle avant J.-C., marbre. Palazzo dei Conservatori, Rome, inv. n° MC 1160. © Marie-Lan Nguyen/CC BY-SA-3.0

l’Hermès grec, dont le portrait était généralement représenté au sommet de ces piliers qui peuplaient les espaces publics romains, dans le but d’attirer les bonnes grâces du dieu des commerçants et des voyageurs. La base en améthyste, postérieure et datable de la Renaissance tardive, est typique

– Feugère, Michel, « Phalères en calcédoine », Miscellanea di Studi Archeologici e di Antichità III, Modena, 1989, p. 31-51. – Conticelli, Valentina (dir.), Splendida minima. Piccole sculture preziose nelle collezioni medicee, dalla Tribuna di Francesco I al tesoro granducale, Sillabe, 2016, p. 330. – Padgett, Michael, “A Chalcedony Statuette of Herakles”, Record of the Art Museum, Princeton University, Vol. 54, n° 1 (1995), p. 2-22, p. 5. –  Tassie, James, Raspe, Rudolf Erich, A descriptive Catalogue of a General Collection of Ancient and Modern engraved Gems, Cameos as well as Intaglios taken from the most celebrated cabinets in Europe, Vol. 1, Londres, 1791, p. 164. (ill. 3)


4.   Herme d’Hercule, Rome, IIe siècle après J.-C., H. : 14, 7 cm, calcédoine bleutée. Galerie des Offices, Florence, inv. Gemme 1921, n° 783. Conticelli, 2016, p. 330.




URNE CINÉRAIRE R OM E, I er - II e S IÈC L E APRÈS J. -C .

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 32 CM.

LARGEUR : 52 CM.

PROFONDEUR : 32 CM.

P R OV E N A N C E COLLECTION PRIVÉE ROMAINE DU CARDINAL DOMENICO PASSIONEI (1682-1761), COLLECTION PRIVÉE ANGLAISE DU COMTE DE LONSDALE, DANS SA PROPRIÉTÉ DE LOWTHER CASTLE, WESTMORLAND, DEPUIS LE XVIII e SIÈCLE. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE

1.   Lowther Castle en 1915.

ANGLAISE ACQUISE SUR LE MARCHÉ DE L’ART DANS LA RÉGION DU KENT, DANS LES ANNÉES 1960.

Depuis l’ époque républicaine, le mode funéraire le plus largement répandu à Rome est Cette urne cinéraire quadrangulaire est ri-

l’ incinération : les cendres du défunt sont

chement ornée de bucranes aux angles, de

recueillies et déposées dans une urne de

rinceaux et d’une tête de méduse, couronnant

terre cuite, de verre ou de pierre. Certaines

un cartouche mouluré (titulus) inscrit de la

grandes familles ensevelissent leurs morts

dédicace à la défunte, prénommée Syntyche.

dans des sarcophages en pierre, mais ce





n’est qu’à partir du IIe siècle après J.-C. que

touche épitaphe, dit Tabola, dont nous li-

l’ inhumation éclipse définitivement l’ inciné-

sons l ‘évocation d’une femme défunte :

ration et que les sarcophages remplacent les

« STERTINIAE•SYNTYCHE•

urnes cinéraires. Vers la fin du Ier siècle avant

CONIVCI FIDELISSIMAE »,

J.-C., la production des urnes en marbre se

qui peut se traduire de la manière suivante :

développe et adopte un répertoire de mo-

« A Stertinia Syntyche, épouse très fidèle ».

tifs végétaux et ornementaux, ainsi que des

Syntyche est un prénom grec féminin, et

sujets mythologiques très à la mode au Ier

Stertinia le nom de la gens à laquelle elle

siècle après J.-C. Le décor des monuments

appartenait. Ainsi Syntyche était proba-

funéraires, autels, cippes et urnes, emprunte

blement un esclave affranchie de la gens

de nombreux motifs à l’ iconographie impé-

­Stertinia. La place laissée du côté gauche du

riale diffusée par les bâtiments publics. L’art funéraire privé puise en effet dans les décors officiels de l’art augustéen et se retrouve dans la production grandissante des urnes privée, tout en développant une diversité de motifs permettant de personnaliser et diversifier les modèles. Les formes et décors des urnes de l’ époque révèlent une grande inventivité comme en témoigne la cippe funéraire d’Amemptus datant de 50 après J.-C. conservée au Louvre (ill. 2). Notre exemple reprend certains ornements issus de ce répertoire de formes augustéen, tel que les guirlandes et les rubans. L’ iconographie employée autour d’une tête de Méduse n’est pas sans rappeler la portée symbolique de l’ édifice gardant les cendres du défunt. En effet, Méduse est la figure apotropaïque par excellence, gardienne de la frontière entre le monde des morts et celui des vivants. Elle surplombe le car-

2.   Autel Funéraire d’Amemptus, vers 50 après J.-C., H. : 100 cm, marbre. Musée du Louvre, Paris, inv. n° MR933 © RMN-GP (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski


(ill. 1), avant d’ être acquise par le comte de Lonsdale, William Lowther (1738-1811), dans la seconde moitié du X VIIIe siècle. Tout jeune amateur exécutant son Grand Tour était amené à se rendre en Italie, le plus souvent après avoir traversé la France et la Suisse. Herculanum et Pompéi venaient d’ être exhumés, les Anglais, à l’ instar de l’ambassadeur de Grande Bretagne 3.   Urne Funéraire, fin du Ier-début du IIe siècle avant J.-C., marbre. The Art Institute of Chicago, inv. n° 1926.621a-b. © Art Institute of Chicago, dist. RMN-GP.

à Naples William Hamilton (1730-1803), n’hésitaient pas à acquérir des marbres, des vases ou des statues antiques.

cartouche était probablement destinée à accueillir le nom de l’ époux ayant fait inscrire cet épitaphe, comme c’est le cas également sur l’urne dédiée à Iulia Prisca, conservée à L’Art Institut de Chicago, dont le cartouche de droite est laissé vierge afin de recevoir le nom d’un second défunt (ill. 3).

Le cardinal Silvio Passionei (1682-1761) (ill. 4) avait acquit une collection privée considérable qui contenait, outre des volumes anciens, d’autres œuvres d’art, parmi lesquelles des statues antiques et contemporaines, des peintures et des pièces de monnaie. L’urne cinéraire prenait place parmi ce luxueux ensemble à Lowther Castle

4.   Le cardinal Silvio Passionei (1682-1761) par Domenico et Giuseppe Duprà.


Notre urne s’ inscrit dans ce goût de la redécouverte de l’art antique dans ce qu’ il a de plus luxueux, rapportant ainsi un peu de cet art millénaire au sein des riches maisons anglaises.



STATUE DE PRIAPE R OM E , II e SIÈC L E APRÈS J. -C .

MARBR E B LA N C À PA T IN E B RU N E

HAUTEUR : 48 CM.

LARGEUR : 34 CM.

PROFONDEUR : 17 CM.

P R OV EN A N C E ANCIENNE COLLECTION CLEMENTE, CATALOGO DELLA COLLEZIONE DE CLEMENTE, PALAZZO RICASOLI FIRIDOLFI, GALLERIA CIARDIELLO, FLORENCE, 29-30 AVRIL ET 1-3 MAI 1935, LOT 125, ILLUSTRÉ PL. XXII. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE ESPAGNOLE ACQUISE EN 2001 CHEZ RAFAELLO AMATI ANTIQUES, LONDRES .

3.   Galleria Ciardiello, Catalogo della Collezione de Clemente. Palazzo Ricasoli Firifolfi, 1935, n° 125, Pl. XXII.

Notre statue représente Priape, divinité personnifiant initialement la fertilité et la

et l’amour physique. Son attribut, un phal-

fécondité du sol. Il est le protecteur des jar-

lus disproportionné, dépasse de son hima-

dins, et pendant la période romaine, il re-

tion posé élégamment sur ses épaules. Il se

présenta également la virilité, la génération

tient droit et fier, la main gauche posée sur




sa hanche, l’autre ramenée sur son torse tenant le tissu de l’ intérieur. Le sculpteur a su retranscrire l’ idée de rythme à la sculpture à travers les nombreux plis du drapé d’une grande complexité et avec beaucoup de dynamisme. Son visage barbu, au regard déterminé, est tourné vers la droite, il esquisse même un léger sourire. Cette attitude souligne qu’ il n’est pas gêné par sa difformité.

1.   Priape barbu portant une corbeille de fruits, H. : 177 cm, marbre. Musée du Belvédère, inv. n° 903 © Vatican Museums


Venu d’Asie mineure, Priape serait le fils d’Aphrodite et de Dionysos. Les légendes autour de ce personnage mythologique divergent. Il est souvent représenté tenant un panier de fruits (ill. 1), et ithyphallique (ill. 2).

Notre Priape faisait partie de la collection du peintre et marchand d’art italien Achille De Clemente (1874-1940). Une publication de notre statue se trouve dans le catalogue de vente de sa collection au palazzo ­R icasoli Firidolfi à Florence (ill. 3). Elle était alors montée sur un fragment de colonne certainement romaine. Ce montage, datant probablement du XIX e siècle, a aujourd’ hui disparu.

2.   Priape, Ier siècle av. J.-C., fresque. Maison des Vettii, Pompéi © Sudodana2048/CC-BY-SA-3.0.



MASQUE DE SARCOPHAGE É GYP TE , ÉPOQU E PT OL ÉMAÏQU E, V E RS 2 0 0 AVANT J. -C . C ALC A IR E C O MPA C T

HAUTEUR : 44 CM.

LARGEUR : 43 CM.

PROFONDEUR : 35 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE ANGLAISE DEPUIS LE MILIEU DU XX e SIÈCLE. ACHETÉ PAR MICHAEL INCHBALD (1920-2013) CHEZ SPINK & SON, LONDRES, EN 1963. DANS LA MÊME COLLECTION JUSQU’EN 2013.

1.   Michael Inchbald (1920-2013) chez lui dans sa propriété de Stanley House à Chelsea.

Ce masque, sommet d’un sarcophage égyptien, représente le visage serein du défunt en

lièrement bien détaillées ainsi que ce léger

route vers l’ éternité. Il porte une importante

sourire sont caractéristiques des produc-

perruque tripartite qui borde et laisse ap-

tions tardives de l’ancienne Égypte. On re-

paraître son visage dont les traits fins sont

trouve ce type de sarcophage à partir de la

accentués par de longs yeux en amande. La

XXXe dynastie (380-342 avant J.-C.) jusqu’à

finesse de ses sourcils, ses oreilles particu-

la Période Ptolémaïque (332-30 avant J.-C.).




Un modèle très proche sculpté dans le même matériau et daté du IIIe siècle avant J.-C. est d’ailleurs conservé au Museum of Fine Art de Boston (ill. 3).

Cette œuvre est sculptée dans une pierre très résistante appelée calcaire compact dont on trouve les principaux gisements dans le désert à l’est de la vallée du Nil. Ce type de pierre a la particularité d’ être très dense et peu friable à la différence du calcaire classique, plus courant. Ainsi, grâce à cette riche densité, le sculpteur pouvait le polir et lui donner un aspect plus brillant et précieux.

2.   Apollo Magazine, avril 1965, publicité Spink and Son’s gallery.

Ce masque a appartenu à la célèbre galerie anglaise Spink and Son’s, qui l’a utilisé comme pièce phare de sa communication dans le mensuel w en Avril 19 65 (ill. 2). Peutêtre est-ce en le feuilletant que Michael Inchbald (ill. 1), célèbre décorateur, fut séduit par ce visage au charme éternel. Il l’acquit en 1963 et l’ intégra aux nombreuses œuvres de sa collection personnelle, dans sa demeure de Stanley House, à Chelsea. 3.   Tête de sarcophage, Egypte, Époque Ptolémaïque, vers 200 avant J.-C., calcaire, H. : 48 cm. MFA, Boston, inv. n° 12.1511 © 2017, Museum of Fine Arts, Boston




STATUE DE PAN R OM E , I e r - II e SIÈC L E APRÈS J. -C . MAR B R E B LAN C

HAUTEUR : 42 CM.

LARGEUR : 19 CM.

PROFONDEUR : 15 CM.

P R OV EN A N C E ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE DU PEINTRE ALLEMAND FRIEDRICH AUGUST VON KAULBACH (1850-1920), ACQUISE VERS 1900. VENTE NEUMEISTER, MUNICH, LE 22 SEPTEMBRE 1993, LOT N° 243, PL. 36. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE VIENNOISE.

1.   Friedrich August von Kaulbach, Autoportrait, avant 1920.

Ce barbu expressif au sourire grimaçant représente le satyre Pan. Mi-homme mi-bouc, il est le dieu protecteur des bergers et des

riante, instrument de musique avec lequel il

troupeaux. Nous distinguons un fragment

est très souvent représenté (ill. 4).

de syrinx (ou f lûte de Pan) sur sa lèvre sou-

Torse nu, les épaules droites, il porte une




trouvé cette intéressante provenance grâce à une illustration (ill. 2) de Salomon Reinach (1858-1932, ill. 3), conservateur des musées nationaux, archéologue et professeur d’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre. Parmi ses nombreuses publications, il publia, au début du XXe siècle, un précieux répertoire de la sculpture grecque et romaine qui reproduit plusieurs milliers de sculptures antiques et précise leur lieu de conservation, ce qui constitue une mine d’ informations inestimable pour la traçabilité des pièces.

2.   Salomon Reinach, vol. 3, Paris, 1904, p. 20, n° 1.

peau d’animal nouée autour de sa taille. Son corps est pris d’une légère torsion, sa tête regarde vers la gauche, son regard rusé est fixe et ses oreilles sont pointues. Sa chevelure, ainsi que sa barbe, sont coiffées en boucles soignées. Sous sa ceinture se trouve un tenon qui permettait probablement de l’ intégrer à un pilier hermaïque. Cette sculpture fut publiée à maintes reprises.

Le

peintre

allemand

Friedrich

A ugust Von Kaulbach (1805-1920, ill. 1), ­ connu pour ses portraits de la haute société, fut l’un de ses propriétaires. Nous avons re-

3.   Portrait de Salomon Reinach au musée, c. 1900, Musée d’archéologie nationale. © Anonyme/CC BY-SA-3.0


Publications – Arndt, Paul, « Antike Sculpturen der Sammlung F. A. von Kaulbach », Zitschrift des Münchener Alterthums-Vereins, January 1900, p. 6. – Reinach, Salomon, Répertoire de la statuaire grecque et romaine, vol. 3, Paris, 1904, p. 20, n° 1. –  Marquardt, Nathalie, Pan in der hellenistischen und kaiserzeitlichen Plastik, Bonn, 1995, p. 80 f., n° 99.

4.   Pan, IIe siècle après J.-C. H. : 158 cm, marbre. Musée du Louvre, Paris, inv. n° MR 313.



TÊTE D’HOMME R OM E, VERS 1 3 0 - 1 40 APRÈS J. -C .

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 22 CM.

LARGEUR : 16 CM.

PROFONDEUR : 18 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE EUROPÉENNE DEPUIS LE XVIII e SIÈCLE, D’APRÈS LE BUSTE SUR LEQUEL IL ÉTAIT MONTÉ. ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE LYONNAISE DEPUIS LES ANNÉES 1950.

Cette très belle tête romaine, sculptée dans un marbre cristallin, figure le portrait d’un

1.   Antoninus Pius (138-161), Denarius, Av., 138 untel Hadrian. RIC 445. © Andreas Pangerl www.romancoins.info. Published in: Portraits - 500 years of Roman Coin Portraits, 2017, Portrait catalogue #224, also page 320, image 6.

homme dans la force de l’âge à la barbe courte et finement travaillée. Les traits de son visage, sensibles et délicats, animent ce portrait d’un fort réalisme. Ses yeux, peu creusés, regardent au loin et confèrent une

par deux petites rides que l’on distinguent

expression majestueuse au personnage. Ses

sur le front. Sa chevelure, quant à elle, est

sourcils sont froncés, son regard accentué

arrangée en de nombreuses petites boucles




courtes laissant percevoir les marques d’outils. À l’arrière, un petit groupe de mèches a été restauré et remplacé par un empiècement en marbre, typique des restaurations du X VIIIe siècle. Ce style de portrait est caractéristique de la période antonine. Sa coiffure est faite de boucles entremêlées et creusées au trépan, qui retombent légèrement sur le front. En cela, nous sommes très proches des portraits en marbre d’Hadrien (règne de 76 à 138 après J.-C., ill. 3) ou de son successeur Antonin le Pieux (138-161 après J.-C., ill. 2). Une monnaie datée très précisément de 138 après J.-C. et représentant Antonin le Pieux avant qu’ il ne devienne empereur (ill. 1) présente en effet des traits très similaires à notre portrait. De plus, la barbe dans l’art

2.   Buste d’Antonin le Pieux, marbre. Musée de l’Agora antique d’Athènes, inv. n° 2436. © Jebulon/CC BY-SA-3.0

du portrait personnel romain, n’est en vogue qu’à partir du règne d’Hadrien. Néanmoins, notre tête diffère sur certains points et ne peut être identifiée à l’un de ces empereurs,

de l’empereur. Ce type de portrait privé affi-

ce qui nous laisse penser qu’ il s’agit plutôt

chait la richesse de la famille. Le sujet est ici

d’un “Zeitgesicht”, ou portrait d’ époque, ré-

habité d’une grande sérénité, probablement

alisé vers 130 - 140 après J.-C. par un com-

due à cette période pacifiste que l’Empire

manditaire privé, tout en portant les carac-

romain connut durant le règne de ces deux

téristiques stylistiques de cette période.

empereurs.

La mode jouait un rôle essentiel dans la vie sociale des Romains et, grâce à celle-ci, de

Cette tête provient d’une collection privée

nombreux citoyens pouvaient affirmer l’ im-

lyonnaise. Elle était montée sur un buste

portance de leur statut en se faisant repré-

postérieur, probablement réalisé à la fin du

senter, à l’ instar de notre tête, sous les traits

X VIIIe siècle, à la même époque que l’em-


piècement. À cette époque, Lyon était un important pôle d’ échanges commerciaux en France, idéalememt situé géographiquement. Comme en Italie, l’archéologie et la sculpture romaine ont alors rapidement pris une place considérable au sein des collections privées de la région.

3.   Buste cuirassé d’Hadrien, Type III, dit aux mèches enroulées, Musée Saint-Raymond, Toulouse © Caroline Léna Becker/CC BY-SA-3.0



PAIRE D’URNES À DÉCOR DE GRIFFONS R O ME, NÉO-AT T IQU E, I S IÈC L E A V ANT J. -C . - I er SIÈC L E APRÈS J. -C . er

MA RB R E B LAN C

HAUTEUR : 47 CM.

LARGEUR : 28 CM.

PROFONDEUR : 28 CM.

P R OV EN A N C E PROBABLEMENT À ROME DANS LA COLLECTION DE M. ANDREA SCARPILINO DÈS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVI e SIÈCLE (DESSINS ET GRAVURES DE LA RENAISSANCE EN ATTESTANT). COLLECTION PRIVÉE EUROPÉENNE DEPUIS LA FIN DU XVIII e - DÉBUT DU XIX e SIÈCLE, D’APRÈS LES TECHNIQUES DE RESTAURATION EMPLOYÉES. COLLECTION PRIVÉE FRANÇAISE,

1.   Amico Aspertini (1475-1552), Planche de dessin (détail), Folio 44-45. In Schweikhart, Gunter, Der Codex Wolfegg. Zeichnungen nach der Antike von Amico Aspertini, Warburg Institute, University of London, Londres, 1986.

RÉGION DE SAINT-TROPEZ, PROBABLE MENT DEPUIS LE DÉBUT DU XX e SIÈCLE.

D’une panse ornée d’un décor de languettes,

COLLECTION PRIVÉE FRANÇAISE,

entrecoupée par une frise végétale à mo-

ACQUISES SUR LE MARCHÉ DE L’ART

tif d’entrelacs, surgissent trois protomes

DANS LE SUD DE LA FRANCE.

de griffon. Encadrant un couvercle fine-




ment ciselé de feuilles végétales au pinacle en pomme de pin, et dominant l’épaule de chaque urne, comme trois protecteurs dressés, ces griffons sont le témoignage de la survivance des mythologies et iconographies séculaires jusqu’à l’ère romaine. Animal associant le corps de lion, la langue du serpent et le protome d’aigle, dont on observe ici la fine sculpture, le griffon est une bête mythologique apparue en Orient 3.   Lébès funéraire à protomes de griffon, IVe siècle av. J.-C., marbre pentélique. Musée archéologique d’Athènes, inv. n° 3619. © National Archaeological Museum, Athens © Jebulon/CC BY-SA-3.0

et rapidement adoptée par l’art grec dans les chaudrons votifs en bronze des époques archaïsantes et orientalisantes (ill. 2). Ces chaudrons pouvaient être utilisés dans le cadre funéraire, initialement pour la cuisson rituelle des viandes, puis dans leur dimension symbolique héritée des temps homériques. Avec le temps, le formalisme de ces chaudrons a évolué, adoptant une forme plus décorative, assez semblable à celle de nos urnes de marbre qui sont comme un aboutissement de cette filiation formelle : les griffons, plus sereins et moins mena2.   Lébès à têtes de griffon sur son trépied en fer, tumulus de la Garenne à Sainte-Colombe-sur-Seine, vers 600-550 avant J.-C.,w bronze. Musée du Pays Châtillonnais - Trésor de Vix, Châtillon-sur-Seine. © RMN-Grand Palais/Mathieu Rabeau

çants qu’auparavant ornent des chaudrons extrêmement raffinés, décorés sur toute leur surface de motifs linéaires, à l’instar de ce chaudron funéraire d’Athènes (ill. 3).


Visibles sur le haut de certains protomes, sur l’une des pommes de pin et par les piédouches ajoutés postérieurement, des restaurations romaines typiques des ateliers des XVIII e siècles et XIX e siècles nous permettent d’affirmer que nos urnes étaient déjà découvertes à cette époque. Mais leur passage dans le monde visuel moderne est encore plus ancien. On compte très peu d’objets de ce type, encore aujourd’hui. Parmi les quelques rares exemples similaires retrouvés, l’on trouve une urne assez proche de la nôtre (ill. 4) exhumée dans 4.   Urne à protomes de griffon, Italie (Lac Nemi, Latium), Ier siècle av. J.-C. (sous Auguste ou Tibère), H. : 63,5 cm, marbre. Penn Museum, Pennsylvanie, inv. n° MS3450. © Courtesy of Penn Museum

les environs du Lac Nemi (Latium) au cours du XIX e siècle seulement. Or, plusieurs dessins de la Renaissance, comme sur cette planche du XVI e siècle (ill. 1), figurent un type d’objet semblable à nos urnes. Nous pouvons clairement observer

Nos urnes, par leur forme, leur style et leur

que la structure décorative et matérielle de

facture, sont typiques des productions de

l’objet est identique, et que seul le traite-

la région de Rome durant la période néo-­

ment du détail et des proportions est sub-

attique (période républicaine ou augustine)

jectivement arrangé par le dessinateur, une

dont le goût est caractérisé par la réinter-

liberté propre aux créateurs de typologie

prétation et la copie de modèles grecs. Elles

de la Renaissance. Ces témoignages émou-

constituent en effet une expression formelle

vants sont le signe que nos urnes ont par-

syncrétique, mêlant le formalisme grec des

ticipées de la grande entreprise qu’a été la

chaudrons et celui des urnes cinéraires ro-

redécouverte de l­ ’Antique et ornaient, avec

maines. Ces simulacres d’urnes, loin de

d’autres artefacts séculaires de référence,

l’utilitaire, ne revêtaient donc probable-

les cabinets de curiosité et collections des

ment qu’un rôle symbolique de marqueur

humanistes de la Renaissance désireux de

ou d’ornement de tombe.

réminiscences.





STATUE D’HERCULE R OM E , RÈGNE D’HADRIEN, 11 7 - 1 3 8 APRÈS J. -C . MAR B R E

HAUTEUR : 124,5 CM.

LARGEUR : 63 CM.

PROFONDEUR : 50 CM.

P R OV EN A N C E COLLECTION(S) PRIVÉE(S) EUROPÉENNE(S) DURANT LE XVII e SIÈCLE. ATTESTÉ DANS LA COLLECTION DU MARCHAND ROMAIN ALFREDO BARSANTI (1877 - 1946) EN 1935. DANS UN ENTREPÔT À NEW YORK DURANT LA SECONDE MOITIÉ DU XX e SIÈCLE.

Ce

marbre

grandeur

nature,

figurant

­Hercule, est un exemple rare de sculpture en mouvement. Le d ­ emi-dieu porte sa fameuse peau de bête, celle du lion de Nemée, animal vaincu lors d’un de ses douze travaux, couvrant sa chevelure et tombant le long du

1.   Collection d’Alfredo Barsanti, avant 1935 (D- DAI-Rom)




dos : elle est nouée par les pattes autour de son cou. Afin d’accentuer l’ idée d’ impulsion et de signifier la tension du corps, le sculpteur a pris le parti de traiter le sujet en train de marcher, la jambe gauche en avant, la droite en arrière, la poitrine bombée, chaque épaule dans une direction opposée et la tête légèrement inclinée. Cette posture éloquente et dynamique est accentuée par la peau de lion portée vers l’arrière, comme prise par le souff le du vent. L’expression de son visage semble déterminée. Dans la force de l’âge, il porte une barbe soignée. Sculpté dans le beau marbre de Paros, comme les plus admirables exemples de la sculpture grecque classique, notre Hercule conserve sa surface et patine d’origine. Une épaisse couche de vernis le recouvrait et a fortement contribué à protéger le marbre de l’ érosion du temps. Ces caractéristiques rendent

2.   Anton Raphael Mengs, Hercule Farnèse, c. 1759, gravure.

notre sculpture unique, la démarquant des exemples plus communs et plus statiques, figurant le héros au repos, debout ou encore

pression que notre sculpture est en train

accoudé à un élément.

de marcher, voire de courir. Une attention toute particulière fut portée aux détails,

Cette notion de mouvement nous fait penser

permettant au spectateur de ressentir toute

à une des sculptures les plus importantes de

la tension musculaire se développant dans ce

la Grèce classique, le fameux Discobole de

corps. Chaque membre de son anatomie est

Myron. Comme lui, le sculpteur de l’Hercule

traité avec une très grande précision, accen-

a mobilisé toute sa dextérité et son talent

tuant ainsi son réalisme et lui conférant une

pour donner vie à son œuvre. L’ illusion de

vitalité puissante. De plus, la sculpture, en

mouvement est si réelle que nous avons l’ im-

ronde-bosse, a été pensée pour être admirée




de tous points de vue. Une complexité qui

aujourd’hui. Semblable au nôtre, ce chef-

laisse penser que le sculpteur fut inspiré par

d’œuvre de l’artiste Lysippe se fonde sur

le Laocoon : la peau de lion, enroulée autour

l’hyperréalisme de la musculature, trans-

de son bras, fait en quelque sorte écho au

cendant les canons esthétiques pour trans-

puissant serpent.

former son Hercule en Puissance. À la différence du nôtre, Hercule y est montré au

À ce jour, le type d’Hercule le plus connu

repos, appuyé sur sa massue, exténué par ses

est l’Hercule Farnèse (ill. 2). Comme le

travaux.

nôtre, cette statue est inspirée d’un original en bronze, malheureusement disparu

Afin de s’ imaginer ce que fut notre statue dans sa totalité, nous pouvons observer deux sculptures du même type, elles aussi restaurées en « Hercule et Cerbères sortant de l’enfer ». La première provient de la collection Pio-Clementino au Vatican (ill. 3) tandis que la seconde est conservée à la Glyptotek de Copenhague (ill. 4). Bien que les deux exemples soient de taille plus modeste, elles nous donnent cependant une bonne idée du sujet original de notre sculpture.

Comme en témoignent les broches, les cassures, ou encore les mortaises encore visible qui accueillaient des feuilles de vigne, notre Hercule a été amplement restauré au X VIIe siècle. À cette époque, les antiquités classiques prenaient une place majeure dans les collections privées : signes d’ éducation et symbole de prestige, elles exprimaient le sta3.   Hercule conduisant Cerbère, Rome impériale, marbre. Musée Pio-Clementino, Vatican, inv. n° 488. © Vatican Museums

tut social de leurs amateurs. Néanmoins les collectionneurs appréciaient posséder leurs



sculptures dans un état complet, dévelop-

Notre sculpture n’a pas encore fini sa route,

pant par conséquent tout un foyer d’ateliers

elle continuera à inspirer les générations à

de restauration. De nombreux sculpteurs se

venir. Peut-être même prendra-t-elle une

sont même spécialisés dans cet art fructueux

nouvelle forme de vie sous l’œil d’un artiste

tel que Bartolomeo Cavaceppi (1716-1799),

du XXIe siècle.

tandis que certains sont parfois allés vers une totale réinterprétation du sujet original, donnant lieu à une toute nouvelle sculpture à partir de fragments antiques. Cependant, notre Hercule avait été pour sa part restauré de façon plus traditionnelle et fidèle, à l’ instar des deux exemples de Copenhague et du Vatican cités précédemment.

Notre statue eut plusieurs vies à travers les siècles. La première débuta lorsque les ­R omains la conçurent et l’admirèrent avec ses attributs signifiant sa puissance et l’ incarnation par excellence du concept païen du héro. Elle entama sa seconde vie pendant la Renaissance, au moment de sa redécouverte, lorsqu’elle intégra un cabinet de curiosité ou une galerie d’antiques d’un grand amateur, où elle était sans doute vue comme un symbole de force morale. Enfin, plus récemment, notre Hercule réapparut à Rome au début du XXe siècle chez les Barsanti, grande famille de marchands spécialisés en art classique. Une de leurs photographies d’alors montre notre statue largement dé-restaurée, preuve qu’au fil du temps les goûts changent.

4.   Héraklès, Rome impériale, marbre. Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, inv. n° 0504. © Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen/Ole Haupt



MONOPODIUM DE LION R OM E , II e SIÈC L E APRÈS J. -C .

MAR B R E B LAN C

HAUTEUR : 93 CM.

LARGEUR : 26 CM.

PROFONDEUR : 26 CM.

P R OV EN A N C E ACQUIS PAR JAMES CHRISTIE (1773-1831) POUR CHARLES BLUNDELL (1761-1837) À INCE BLUNDELL HALL, LANCASHIRE. LÉGUÉ À JOHN GLADSTONE, FASQUE, ÉCOSSE .

Ce monopodium prend la forme d’une patte de félin aux griffes acérées en partie basse, pour se transformer en une feuille d’acanthe d’où émerge une grappe de raisin surmontée d’un protome de lion. Celui-ci est penché en avant et ouvre la gueule pour atteindre le fruit. La crinière du félin est entremêlée de feuilles de vignes desquelles émergent deux cornes de bélier. La composition de

1.   Thomas Gainsborough, Portrait de James Christie (1730-1803), 1778, huile sur toile. Getty Center, Los Angeles, inv. n° 70.PA.16. © Kimon Berlin/CC BY-SA-3.0




cette sculpture à la fois complexe et harmo-

pour la propriété familiale, Ince Blundell

nieuse évoque le thème dionysiaque par la

Hall, dans le Lancashire. Le monopodium

présence de cervidés, de raisin et de feuille

prit place au sein de son immense collec-

de vigne, ce qui est exceptionnel pour une

tion d’antiquités, qu’ il constitua sous l’ im-

pièce usuelle tel qu’un monopodium.

pulsion de son ami collectionneur et marchand Charles Townley (1737-1805). Nous

Le terme de monopodium désigne une table

retrouvons la mention du monopodium

à un seul pied, mais ce type de piétement pouvait être plus communément appelé trapezophore du latin trapezophorum (porte table). Ces éléments de mobilier pouvaient adopter différentes formes composées d’un à quatre pieds adoptant souvent la forme d’une jambe de fauve cornu (ill. 2). Ces sculptures furent caractérisés durant la période impériale par une grande richesse de décor inspirés d’un répertoire d’ornement naturaliste symbolisé par le motif de la feuille d’acanthe, de pampre, ou celui de fruits tel que le raisin ou la grenade. Notre exemple se distingue par la richesse de sa composition, alliant la finesse de la sculpture à une fonction utilitaire. Ainsi nous pouvons imaginer ce piétement au sein d’une pièce de réception telle que l’atrium, ou bien encore dans une salle de banquet tel qu’un triclinium, dont se prête l’ iconographie dionysiaque de notre monopodium.

Commissionné par James Christie (ill.1), fondateur de la célèbre maison de vente, cette sculpture fut acquise par Charles Blundell

2.   Trapézophore à tête de chèvre, Rome, Ier-IIe siècle après J.-C., marbre. Museum of Fine Arts, Boston, inv. n° 2010.372. © 2017, Museum of Fine Arts, Boston


dans le catalogue de la collection présentée dans le temple et le Panthéon, extensions construites par les Blundell durant le dernier tiers du X VIIIe siècle (ill. 3). À sa mort, H. Blundell légua une grande partie de sa collection à John Gladstone (1764-1851), père du premier ministre William Ewart Gladstone (1809 -1898).

3.   Vue de la collection dans le Panthéon d’Ince Blundell Hall. Photo : A. E. Henson, 1958. © Country Life

Publications : – Mentionné en 1851 in. Inventory, Mainster Hall : « Marble Antic stand with stands £15.0.0’ ». – Ashmole, B., A Catalogue of the Ancient Marbles at Ince Blundell Hall (the collection formed by H. Blundell), Oxford, 1929, n° 400 p. 413.



STATUE DE SILVANUS R OM E , I er SIÈC L E APRÈS J. -C .

MARBRE G RE C - R ES TA U RATIO N S AN C IEN N ES

HAUTEUR : 185 CM.

LARGEUR : 72 CM.

PROFONDEUR : 33 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION VINCENZO CAMUCCINI (1771-1844), ROME. ACHETÉ EN 1824 À ROME PAR L’INTERMÉDIAIRE DE KARL FRIEDRICH SCHINKEL (1781-1841) POUR LE MUSÉE ROYAL DE BERLIN. VENDU PAR LE MUSÉE DANS LES ANNÉES 1920. ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE SUISSE DEPUIS LES ANNÉES 1950.

Cette majestueuse sculpture de marbre, grandeur

nature,

représente

le

1.   Wilhelm Hensel, Portrait de Karl Friedrich Schinkel (1781-1841), 1824, dessin.

dieu

­Silvanus. Sa tête, restaurée dans le passé,

latin Sylva, « la forêt », est le protecteur des

évoque ­D ionysos. Divinité tutélaire des fo-

bergers et des laboureurs, assurant leur

rêts, Silvanus, dont le nom dérive du mot

santé et la prospérité de leurs troupeaux. À




côté des Lares, Faunes et autres divinités champêtres, il était l’un des protecteurs des domaines ruraux et son culte était répandu dès la fin de l’ époque républicaine (509-44 avant J.-C.), bien qu’ il n’eût pas de culte officiel organisé par le clergé à Rome. De nombreux monuments, inscriptions et écrits témoignent de cette croyance domestique. Au IIe siècle de notre ère, l’auteur ­Horace (65-8 avant J.-C.), dans ses Epîtres, décrit l’un des cultes qui lui étaient rendus : « Les cultivateurs d’autrefois, vaillants et contents de peu, après avoir engrangé le blé, délassaient, aux jours de fête, leur corps et leur esprit, que soutenait dans leurs fatigues l’espoir d’en finir. Avec les compagnons de leurs travaux, enfants et fidèle épouse, ils offraient un porc à la Terre, du lait à Silvain, des f leurs et du vin au Génie qui n’oublie pas la brièveté de la vie. À la faveur de cette coutume naquit la licence fescennine, déver-

2.   Priape barbu (détail) portant une corbeille de fruits, H. : 177 cm, marbre. Musée du Belvédère, inv. n° 903. © Vatican Museum

sant en vers alternés de rustique injures. » Horace, Épîtres, II, I, v. 139-146 La très bonne facture de notre statue laisse

chlamyde retenue par une fibule sur l’ épaule

cependant penser qu’ il ne s’agissait pas

droite, qui retombe sur son dos, sa poitrine

d’une sculpture votive rurale, mais plutôt

et son bras gauche. Des sculptures conser-

d’un ouvrage décoratif qui venait orner bos-

vées de Silvanus, beaucoup nous montrent

quets et jardins d’une riche demeure, aux cô-

le dieu nu (ill. 4) mais quelques exemples

tés d’autres Pan, satyres et faunes, comme il

cependant le représentent vêtu du même

était d’usage à l’ époque impériale.

t ype de chiton court (ill. 3), le costume

Le dieu se tient debout, vêtu d’un chiton à

traditionnel des travailleurs des champs.

manches courtes ceinturé, recouvert d’une

Il porte à son bras gauche un ensemble de


fruits – pommes, poires, figues, raisins et

les mollets ainsi que la base et le tronc d’arbre

d’ épis de blés – renvoyant à son rôle agri-

et semble dater de la fin du X VIe siècle ou du

cole, et sa main droite tient un manche, pro-

début du X VIIe siècle. La tête s’ inspire d’un

bablement celui de la serpe qui le caracté-

visage de Dionysos barbu, à la chevelure or-

rise bien souvent.

née de vigne, et rompt donc avec la repré-

La statue a été restaurée en deux temps,

sentation traditionnelle de ­Silvanus. Elle fut

d’abord avec du marbre de Paros puis avec

très probablement exécutée d’après celle du

du marbre de Carrare. La restauration la

Priape conservé au Vatican (ill. 2), datant de

plus ancienne, de meilleure qualité, concerne

l’ époque romaine. Le bras droit, ainsi que

3.   Torse de Silvanus, Rome, H. : 39, 20 cm, marbre. Staatliche Kunstsammlungen, Dresde, inv. n° 312. © Skulpturensammlung, Staatliche Kunstsammlungen Dresden. Fotografen H.-P. Klut / Elke Estel




de petits éléments, notamment au niveau des genoux, ont été réalisés en marbre de Carrare plus tardivement. Cette pièce est attestée dans la collection du peintre Vincenzo Camuccini (1771 - 1844) à Rome au début du XIXe siècle. Ce grand amateur d’antiques occupait la fonction de directeur des collections d’art de la Papauté et des Bourbons de Naples, en plus d’avoir développé sa propre collection, vendue en grande partie par ses héritiers au duc de Northumberland en 1856. Notre ­Silvanus fut lui, cependant, acheté du vivant de Camuccini, en 1824, par l’Allemand Karl Friedrich Schinkel (1781-1841 – ill. 1), mandaté par le prince de Prusse pour former les collections des musées royaux de ­B erlin, alors en plein essor. Notre sculpture fut donc exposée dans les musées de Berlin jusque dans les années 1920, où elle fut vendue par le musée.

Bibliographie : – Daremberg C. et Saglio E., Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, t. 1, éd. Hachette, Paris, 1877. Article « Silvanus ». – Dorcey, Peter F., The Cult of Silvanus. A Study in Roman Folk Religion, éd. Brill, 1992.

4. Silvanus, IIe siècle après J.-C., H. : 195 cm, marbre. Stadtmuseum Berlin, inv. n° Sk 282. © RMN - Grand Palais


Publications : –  Gerhard, E., Berlins antike Bildwerke [Sculptures antiques de Berlin], Berlin, 1836, p. 83, cat. n° 125. – Conze, A., Königliche Museen zu Berlin : Beschreibung der antiken Skulpturen mit Ausschluss der pergamenischen Fundstücke [Musées Royaux de Berlin : Description des sculptures anciennes à l’exception de celles trouvées à Pergame], Berlin, 1891, p. 120, n° 283. –  Reinach, S., Répertoire de la statuaire Grecque et Romaine, t. II, Paris, 1908, p. 44, n° 3. – Fendt, A., Archäologie und Restaurierung. Die Skulpturenergänzungen in der Berliner Antikensammlung des 19. Jahrhunderts [Archéologie et restauration. Les ajouts en sculpture dans la collection d’antiquités de Berlin au XIX e siècle], Berlin, 2012, p. 2­ 66-268, n° 61, Pl. 91.



SATYRE DANSANT R OM E, I er - II e S IÈC L E APRÈS J. -C .

MAR B R E

HAUTEUR : 55,5 CM.

LARGEUR : 28 CM.

PROFONDEUR : 28 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE DE M. ET MME JACQUES VETTIER, BRUXELLES ET PARIS, ACQUIS À BRUXELLES DURANT LA FIN DES ANNÉES 1970 - DÉBUT DES ANNÉES 1980.

1.   Satyre, Rome Vente Sivadjan, 1er juin 1927, n° 93 (in. Reinach).

Ce fragment de statue représente la partie inférieure d’un satyre dansant. Avec ses deux jambes tendues et élancées, il se tient sur la pointe de son pied droit, avec une

Un des attributs du sat yre, la peau de bouc,

légèreté semblable à celui de la Villa des

y repose au sommet. Sa tête a de longues

faunes (ill. 2). Ses orteils finement détaillés

cornes remontant le long du tronc et les

sont sculptés avec une grande précision tan-

yeux, comme les narines, sont évidés pour

dis qu’au dos, le contrepoids de la sculpture

accentuer l ’expression de l ’animal. La sculp-

prend la forme habituelle d’un tronc d’arbre.

ture se termine sur une base concentrique à




double évolution t ypique de la sculpture romaine du IIe siècle après J.-C. dont on peut observer un archét ype dans le répertoire de Salomon Reinach (ill. 1). À l ’origine, notre fragment devait probablement représenter aussi un sat yre tenant un lagobolon (bâton de jet) et jouant du syrinx (f lûte).

Les sat yres, avec les nymphes, ménades et Silène, prenaient part au cortège dionysiaque, dit thiase, accompagnant D ­ ionysos lors des parades, fêtes bucoliques et fêtes initiatiques telles que les Dionysies et autres Mystères. Hésiode les décrit comme des êtres vils, passant leur temps à boire et à effrayer les gens. Le nôtre, certainement enivré après avoir trop bu d’ambroisie, danse frénétiquement sur la pointe des pieds.

Cette pièce a été restaurée et comblée au X VIIe ou X VIIIe siècle comme en témoigne la partie supérieure de la sculpture, disparue, et clairement polie pour pouvoir emboiter un nouveau torse. De même, le mollet et le pied gauche avaient certainement dû être remplacés. Aujourd’ hui toutes ces restaurations ont disparu. La sculpture fut découverte par un collectionneur averti et trôna sur son bureau pendant une trentaine d’année.

2.   Satyre dansant de la Villa des faunes (Pompéi), IIe sièccle av. J.-C., bronze. © Internet Archive Book Images/CC-BY-SA-3.0




STATUE CUBE ÉGYP TE , B ASSE ÉPOQU E, DÉBU T DE L A X X V I e D YN A ST IE, VERS 664 - 52 5 AVANT J. -C . B A S ALT E

HAUTEUR : 17 CM.

LARGEUR : 10 CM.

PROFONDEUR : 10 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE PARISIENNE DEPUIS 1940 (D’APRÈS LA TECHNIQUE DU SOCLE). ANCIENNE COLLECTION AMÉRICAINE, RUTLAND V.T, COLLECTION JUSQU’EN 2010. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE PARISIENNE DE M. G. LADRIÈRE JUSQU’EN 2016.

Cette sculpture représente un homme assis, jambes ramenées contre le torse et avantbras maintenant ses genoux. Ce type de forme se nomme « statue-cube », d’après la forme du corps prenant cette position. Le visage finement sculpté esquisse un léger

1.   Détail du dos de la statue, sur son socle en bois des années 1940.



sourire. Portant la barbe postiche et la coiffe

dévoilées. Un nouveau type de visage appa-

masculine, cet homme avance une effigie

raît : la bouche souriante, des joues rondes

du dieu Osiris – reconnaissable à ses attri-

accentuant des pommettes marquées et des

buts – sous la protection duquel il semble se

yeux rieurs confèrent une certaine expressi-

placer. Notre figure s’appuie contre un pi-

vité au visage. Avec sa silhouette élancée,

lier dorsal sur lequel sont inscrits des signes

notre statue offre ainsi un bel exemple de

hiéroglyphiques dont on peut partiellement

ce nouveau traitement dont une statue si-

lire : « le prêtre Semsou […] ».

milaire à la nôtre se trouve au Cabinet des

La statue-cube est apparue sous la XIIe dynas-

Médailles (ill. 2). Cette dernière permet de

tie, durant le Moyen Empire. Les interpréta-

dater notre pièce au début de la période

tions sont variées concernant son rôle dans

saïte durant laquelle les premiers exemples

les contextes funéraires. Déposée dans une

du type sont attestés, précisément sous le

tombe, elle était destinée à recueillir le ka du

règne de Psammétique I er (règne de 664 à

défunt (son énergie vitale). Dans un temple,

610 avant J.-C.).

elle lui permettait de participer au culte de la

Enfin, l’inscription du pilier dorsal nous

divinité et de bénéficier de sa protection dans

renseigne sur la provenance géographique

l’au-delà, profitant ainsi des offrandes faites

de notre statue. « Le prêtre Semsou », qui

aux dieux. Ces objets connurent un grand

désigne sans doute la figure ici représentée,

succès au Nouvel Empire.

est l’appellation du principal prêtre spéci-

D’un point de vue formel, la statue-cube

fique du VII e nome (circonscriptions admi-

adopte le même principe de représentation

nistratives de l’Egypte ancienne) de Basse

depuis son origine, malgré quelques évolu-

Egypte aussi nommé « Harpon de l’Ouest »,

tions dont témoigne notre exemple. En effet,

situé non loin du désert libyque à l’ouest du

la statue-cube du début de la XXVI e dynas-

royaume. Durant la Basse Époque, il existe

tie rompt avec le caractère géométrique du

au sein des nomes des cultes de divinités lo-

modèle traditionnel tel qu’on pouvait l’ob-

cales, et le prêtre Semsou était celui d’une

server dans la statue-cube de Hor du Mu-

divinité qui pourrait être le dieu Ha. Ce der-

sée national de Berlin. Au cours de la Basse

nier était associé aux déserts, et repoussait

Époque, nous remarquons une évolution au

les ennemis de l’Ouest, à savoir les Libyens.

sein des statue-cubes, comme pour celle de

Ces précieuses informations permettent de

Padichahédédet (Musée du Louvre) dont

replacer précisément notre pièce dans son

les formes corporelles sont plus nettement

contexte historique et géographique.


Bibliographie : – Perdu, Olivier (dir.), Le crépuscule des pharaons. Chefs d’œuvre des dernière dynasties égyptiennes, Musée JacquemartAndré et Fonds Mercator, Bruxelles, 2012, p. 39. –  Ziegler, Christiane, Bovot, Jean-Luc, L’Egypte Ancienne, Paris, 2011, p. 73, p. 178.    – Yoyotte, Jean, « Religion de l’Égypte ancienne », École Pratique des Hautes Etudes, 5e section, Sciences religieuses. Annuaire 1971-1972, Tome 79. 1970, p. 157-195, (p. 177-178).

2.   Statue-cube de Pa-Akh-Ra, chef de bateau, présentant une statue de Ptah, basalte, Basse Époque, H. : 41 cm. BnF, Richelieu, Monnaies, médailles et antiques. Inv. 53.14 © Bibliothèque nationale de France.


ACROTERION R OM E , I er - II e S IÈC L E APRÈS J. C .

MAR B R E

HAUTEUR : 31 CM.

LARGEUR : 25 CM.

PROFONDEUR : 12 CM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION EUROPÉENNE AVANT 1969. VENDU CHEZ SOTHEBY’S LONDRES LE 17 MARS 1969, LOT 143. ANCIENNE COLLECTION PRIVÉE ANGLAISE JUSQU’EN 2016.

1.   Lot 143, vente Sotheby’s Londres du 17 Mars 1969.

Ce visage de forme oblongue est encadré par de longues mèches de cheveux ondulées. Ses yeux en amande finement sculptés sont évi-

Munich (ill. 2). Notre masque date certaine-

dés. Ils étaient certainement ornés de verre

ment de la même période. Sculpté dans un

ou d’un marbre de couleur pour approfondir

marbre cristallin, il a conservé son dépôt et

son expression. Cette technique d’ incrusta-

acquis une jolie patine.

tion était coutumière des Romains. Un buste d’Athéna, lui aussi ayant perdu ses yeux in-

Ce visage immuable, qui rapelle les masques

crustés, est conservé à la Glyptothèque de

de la tragédie, est ce qu’on nomme un acro-



masques de théâtre comme la nôtre, ou bien encore de têtes de satyres tel que le couvercle du sarcophage conservé au Walters Art Museum aux États Unis (ill. 3). Celui-ci faisait partie d’un ensemble de trois masques vendus chez Sotheby’s le 17 mars 19 69 sous le lot 143 de la vente (ill. 1). Certainement achetés par un marchand à l’ époque, tous trois ont pris des directions différentes. Notre masque à fait partie de nombreuses collections avant de réapparaître récemment. Un deuxième fut vendu chez ­S otheby’s NYC le 4 juin 2009, lot 122.

Qui sait où se cache le troisième, peut-être finiront-ils un jour réunis ? 2.   Buste d’Athéna, du type de la « Pallas de Velletri », IIe siècle après J.-C, marbre. Glyptothèque de Munich, Inv. n° 213 © Bibi Saint-Pol/CC BY-SA-3.0

terion, élément architectural destiné à décorer les angles ou les sommets des bâtiments funéraires, monuments et sarcophages. Le nôtre, au vu de ses proportions et de sa forme convexe, provient d’un angle de sarcophage. Les angles étaient décorés avec des visages expressifs et parfois fort envoûtants certainement pour repousser les mauvais esprits. Cette notion d’un art apotropaïque, tellement importante à Rome, a donné lieu à la représentation de têtes de gorgones, de

3.   Sarcophage représentant le triomphe de Dionysos, Rome, c. 190 après J.-C., marbre. The Walters Art Museum, Baltimore, inv. n° 23.31. © The Walters Art Museum



VÉNUS VICTRIX R OM E, I er - II e S IÈC L E APRÈS J. -C .

IN T AILLE EN S AR DO IN E MO N T U RE EN O R 2 4 C A RAT

DIAM È TRE : 15 MM.

P R OV E N A N C E ANCIENNE COLLECTION DE SIR JAMES CARNEGIE, IX e COMTE DE SOUTHESK (1854-1 941), ACQUISE EN 1885 AUPRÈS DE WILLIAM TALBOT-READY (1857-1914). ANCIENNE COLLECTION VERNON, LOT N° 97. VENDUE CHEZ SOTHEBY’S LONDRES LE 11 JUILLET 1977, LOT N° 130. ANCIENNE COLLECTION PRIV ÉE NÉERLANDAISE, PAYS-BAS, DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1960

1.   James Carnegie, IXe comte de Southesk (1827-1905). In Reid, Alan, The bards of Angus and the Mearns. An anthology of the counties, J. and R. Parlane, Paisley, 1897.

DÉBUT DES ANNÉES 1970.

Cette intaille antique, montée sur un anneau

le est orné d’une intaille en agate rubanée

moderne, est une belle expression du goût

à trois couches, taillée de manière convexe

romain pour la gemmologie. Le chaton ova-

et gravée en son centre. Cette pierre, en



l’occurrence de belle qualité et aux veines

certain statut social. Des siècles plus tard,

bien régulières, permet un jeu subtil, dans

l’ important marchand et collectionneur de

son épaisseur, avec ses différentes teintes de

glyptique William Talbot-Ready (1857-1914),

couleurs.

qui fit don d’une grande partie de sa collection au British Museum, jeta son dévolu sur

Le motif gravé figure une femme, identi-

cette intaille dont il décela, en connaisseur,

fiable à Vénus, montrée de trois-quarts ar-

la finesse de la gravure et l’ intemporalité de

rière.

ses cercles de couleur pétrifiés.

À moitié nue, son himation forme un drapé ne lui couvrant que les jambes. Avec son bras droit elle s’appuie gracieusement sur une petite colonne. Dans ses mains, elle tient une lance ou une palme, dans l’autre un objet que l’on pourrait identifier à la pomme

Publication : – Lady Helena Carnegie, Catalogue of the Collection of Antique Gems Formed by James, Ninth Earl of Southesk, 1908, c. 21.

du jugement de Pâris. Une telle représentation de Vénus renvoie à l’ iconographie de la Vénus Victrix, déesse qui apporte et annonce la victoire. Ce sujet iconographique est largement répandu à l’ époque impérial, bon nombre de dirigeants romains se plaçant sous sa protection, voire sous sa filiation, pour s’attirer bonne fortune. Le style modelé exprimé dans la grâce du corps et la technique de gravure, sans doute au forêt arrondi, permettent de dater cette intaille du Ier -IIe siècle après J.-C.

Cette intaille a pu appartenir à un citoyen romain soucieux d’ajouter, comme la coquetterie était de coutume, une autre pierre colorée aux nombreuses intailles qui ornaient ses mains et surtout d’afficher un

Bibliographie : – Maaskant-Kleibrink, Marianne, Catalogue of the engraved gems in the royal coin cabinet the Hague. The Greek, Etruscan and Roman Collections. Plates, Government Publishing Office, The Hague, 1978, p. 98, 221-222. – Padgett, Michael, “A Chalcedony Statuette of Herakles”, Record of the Art Museum, Princeton University, Vol. 54, n° 1 (1995), p. 2-22.


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Textes Mahaut Portier - Violaine Barthélémy - Valentin Bec dit “Pius” Gladys & Ollivier Chenel Photographies & Conception Adrien Chenel Maquettiste Jean-Christophe Darolle Imprimerie Burlet Graphics

Tous droits d’adaptation ou de reproduction, sous quelque forme que ce soit, sont réservés pour tous pays.

Edition limitée à 1200 exemplaires




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