CAFÉ RÉFLEXIONS 25, 26, 27 & 28

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CAFÉ RÉFLEXIONS #25
Claudia Chan Tak
MARÍA GARZA

Je garde dans mes souvenirs des instants de mouvements, des fragments dansés, des spectacles vécus et contemplés. À certains moments, ma pensée se souvient d’un mouvement ; à d’autres, c’est le mouvement qui réveille ma pensée, mon passé.

Tout comme les souvenirs quotidiens, ces fragments dans ma mémoire et mon corps m’aident à reconstruire tout ce qui accompagne l’avant et l’après d’un moment dansant. Ces instants me rappellent ma fascination pour les micromouvements et pour les gestes quotidiens, ceux qu’on répète inlassablement jusqu’à les questionner et les transformer chorégraphiquement.

Comme un mot visuel ou comme l’évocation d’une référence qui devient une image, je prends et je cite les mouvements d’un autre corps, moment ou contexte pour les adopter dans mon processus de création. Ce mouvement qu’immigre à mon corps, cette citation corporelle que j’emprunte devient à chaque fois une rencontre (una cita en espagnol) : éphémère, imaginaire, atemporelle, avec le créateur de ce mouvement, avec son corps. En fait, plus je plonge dans le geste évoqué, celui de ma mère ou d’un musicien que j’aime, par exemple, plus j’ai l’impression d’assister à une rencontre avec cet autre, de me connecter avec son corps à travers l’exploration du mien. Pendant cette rencontre, métaphorique, cette citation se transforme en une itération latente, capable de transformer mon corps, ma pensée, mon imaginaire.

Peut-être, cette rencontre est un précédent pour lequel la danse est, pour moi, un art vivant en collectivité ; un rendez-vous pour lequel quand je danse avec un autre, quand je répète, quand j’enseigne, je donne et reçois en même temps.

Peut-être, c’est une raison pour laquelle quand je suis avec ceux qui contemplent, qui dansent, qui ressentent en multiples sens, temps et dimensions avec moi, j’assiste à un échange avec eux : infini, commun, vivant, exponentiel, dansant.»

«Over and over again, the next phrase comes to the surface of my thoughts: “The old world is dying and the new world is struggling to be born. Now is the time for the monsters.” (attributed to Gramsci, but a contemporary reworking of the original, and very popular these days). I recognize in this phrase a great clarity to describe the nature of the current vertiginous processes of transmutation we live, both at a personal and collective level, on the local and global. It also helps me to locate the starting points and aims of my practice.

I constantly think of how harsh and necessary it is to recognize one’s monstrosity, of the danger of complacency in pointing out the monsters of our peers, and of the importance of satisfying the needs of finding oases, mirrors and guides to resist the turbulence during these times of destruction and dehumanization. I am interested in working on processes that bring to light what is -between- one event and another, in the instant that there is -between- inhalation and exhalation, -between- the “on” and “off”, in that space of the process in which the prodigy of monstrosity arises. The search for that -between- has translated into working with the disciplinary intersections that are neither one thing nor the other, into consciously inhabiting contradiction and indefiniteness, and happily failing to shed light on my own monsters, building oases, by revealing deformed mirrors in which perhaps someone else can recognize themselves, and by following clues within the labyrinth of personal mythology that draws from the collectivity.»

SEBASTIÁN SOLÓRZANO

CAFÉ RÉFLEXIONS #26
Ricardo
Ramirez Arriola

LILA GENEIX

CAFÉ
#27
RÉFLEXIONS
Nanne-Springer

«L’espace comme terrain fertile de l’imaginaire.

Quand j’étais enfant, je voulais avoir un super pouvoir : celui de pouvoir lire dans les pensées d’autrui. Aujourd’hui c’est une invitation dans ma mémoire.

J’étais en studio il y a quelques mois. Une première plongée fébrile. La machine s’échauffe doucement, je confesse.

Dans cette grande pièce vide, blanche, le vent passe à travers les rideaux. À la genèse, un terrain vague. Le sol craque, se déchire, mue pour faire apparaitre un labyrinthe. En son centre, la fragilité.

Elles, âmes de passage, traversent le dispositif, errent, déposent leurs mémoires. L’espace en est gardien. Les mains comme des yeux, sculptent des frontières invisibles. Le corps s’arrime au dispositif et absorbe son écho. Une longue ascension circulaire ponctuée de rencontres : les souvenirs se percutent pour faire des naître des formes étranges mais familières. Au loin, j’aperçois mon voisin, en haut le monstre de mon enfance.

Mettre la table pour mieux régner : voilà ce que pensent tout bas les félins qui se prélassent au soleil. Pourtant, Elles sont toujours là, en plus grand nombre. L’une ferme la porte, l’autre ouvre un placard. Le purgatoire se dissout dans mes poumons. Le vent s’engouffre dans le dédale de verres, se cristallise et disparait dans un dernier soupir.»

«Je pense souvent les danses comme des mondes à porter, à incarner dans la chair, les os, la peau, les tremblements. Les motifs s’impriment, les intuitions se sédimentent.

D’abord, il y a les discours, les langages, les jargons, les récits. Puis, il y a les lexiques, les ponctuations, les hoquets, l’abandon. Lorsque je me pose, vibrent encore en moi les précipitations, les oscillations, la désarticulation, la mutation douce d’une écriture à dissoudre. Car, il s’agit surtout d’une recherche soluble, d’une mémoire de la disparition.

Mon corps est une documentation, je deviens l’artéfact.

D’aucuns voudraient en venir à l’oubli. Ainsi, le corps s’éprend d’une plasticité, tangue entre les lieux, tresse à bon escient la courbe, la tension, la rupture. Ne sont-ils pas savants, ces corps ? Empreints d’espaces ouverts, de mélodies plurielles, de poésies intimes, se meuvent-ils par amoncellement, convoquant l’opacité et la transparence.

Toutes ces créations se déposent dans nos corps comme des dates d’anniversaire, précieuses. J’en garde la chaleur : celle qui trahit la fugue du présent.

le corps s’embrase par défaut par petit rave intime par deuils souvent

L’impromptue fulgurance nous abstrait à la répétition. On se remplit de porosité et doucement s’embossent les danses.»

Photo de couverture : Samuel Graveline et Penélope Desjardins

CAFÉ RÉFLEXIONS #28
PÉNÉLOPE DESJARDINS
Johanne Lussier

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