HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 91 - janvier 2018

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HISTOIRE & PATRIMOINE RÉGION

NAZAIRIENNE

PRESQU’ÎLE GUÉRANDAISE

L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise

Les lancements de navires à Saint-Nazaire Une forme écluse pour les géants des mers

Un Nazairien passionné de cyclisme

Souvenirs d’un enfant mendulphinin

Commando sur Saint-Nazaire - Le film

Qui étaient les Mitaods ?

Fontaines et lavoirs de Mesquer A.P. H.R.N - n° 91 - février 2018 - 10 €


Lancement du paquebot France - Navire entrant dans l’eau, le 11 mai 1960. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme - Écomusée-Fonds Chantiers de l’Atlantique


L Éditorial

a ville de Saint-Nazaire, située, à la fois, sur la côte atlantique et à l’embouchure de la Loire, ne pouvait que connaître un destin maritime, marqué, en particulier, par l’activité de construction navale. Son développement a généré, pendant plus d’un siècle, de nombreux lancements de navire. C’est le sujet de l’article qui ouvre le présent numéro, avec, notamment, le récit des mises à l’eau de deux paquebots mythiques : le Normandie et le France. La Forme Joubert fut construite pour accueillir ces géants des mers. C’était un atout, pour Saint-Nazaire, mais ce fut, aussi, une cible, visée et atteinte par les Britanniques de l’audacieuse Opération Chariot, en 1942. Dix ans plus tard, un film, intitulé « Commando sur Saint-Nazaire », tourné, en totalité, en studio, en Grande-Bretagne, est sorti, au Royaume-Uni, d’abord, puis, l’année suivante, en France et, en particulier, à Saint-Nazaire. Dans l’intervalle, en 1947, un monument commémoratif était érigé dans la ville, face à la mer, avec, simultanément, l’émission d’un timbre-poste. Nous restons dans le domaine maritime avec un texte sur les objets et animaux échoués dans l’estuaire de la Loire, établi d’après des chartes du XIIIe siècle, qui nous montre que le droit maritime était, déjà, très élaboré au Moyen-Âge. L’histoire locale c’est aussi, et surtout, celle des hommes. Ainsi, est évoqué le portrait d’un Nazairien, très connu dans les années 50/60, qui a beaucoup œuvré pour le développement du sport à Saint-Nazaire, et, en particulier, du cyclisme. Dans un tout autre domaine, nous est contée, et expliquée, l’histoire du Pardon de saint Corneille, qui a marqué la vie des habitants de La Chapelle des Marais, de la fin du XIXe siècle au milieu des années 1960. Un peu plus au nord, du côté de La Roche-Bernard, nous découvrons les « Mitaods » et les rivalités entre populations voisines. En redescendant vers le sud, nous suivons le quotidien d’un enfant d’une commune rurale, dans les années 50, à Saint-Molf, et, dans la commune voisine, à Mesquer, nous revenons au temps des fontaines, des lavoirs, des seaux et des baquets. Le décryptage des détails d’un vitrail de la collégiale de Guérande ne manque pas d’attiser notre curiosité et ce numéro s’achève, comme il a commencé, par le domaine maritime, avec la vie à bord de deux navires forts différents, à 167 années d’intervalle : en 1850, sur la frégate à roues l’Eldorado, et, de nos jours, sur le bateau de croisières Meraviglia. Notre revue se donne pour mission d’explorer le temps, avec une vision complexe et variée. Le présent numéro, par la qualité de ses articles et la diversité des sujets traités, nous paraît bien s’inscrire dans ce cadre. Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN

1ère page de couverture : Le lancement du Normandie. Peinture de Jules Lefranc. Collection du Musée d’Art Naïf et d’Arts Singuliers de Laval.

Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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A . P. H . R . N

Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr - Tél. 06 62 58 17 40 HISTOIRE & PATRIMOINE n° 91 - janvier 2018 Editeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 1er trimestre 2018 N° ISSN : 2116-8415 Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145

Contribuez à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Vous vous intéressez à l’histoire, et, en particulier, à l’histoire de notre région ? Vous souhaitez apporter votre témoignage sur une époque, aujourd’hui révolue ? Vous possédez des documents, ou objets, anciens (écrits, photos, dessins, peintures, tableaux, sculptures, objets divers), qui pourraient faire l’objet d’une publication ? Vous aimez écrire, raconter, transmettre, ce qui vous intéresse, ou vous tient à coeur, et qui a trait à l’histoire locale ? L’APHRN vous propose de publier vos écrits, ou documents, ou de transcrire vos témoignages, dans la revue HISTOIRE & PATRIMOINE. Téléphonez-nous, au 06 62 58 17 40, ou écrivez-nous, à l’adresse ci-dessous, ou, tout simplement, adressez-nous, directement, votre texte, sous forme numérique. Vos propositions seront examinées avec la plus grande attention et soumises au conseil de direction de l’APHRN, qui vous répondra dans un délai d’un mois, maximum. Adresse électronique : aphrn.asso@gmail.com - Adresse postale : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

Abonnez-vous à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Un abonnement à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE, c’est l’histoire de la région nazairienne/guérandaise, tous les quatre mois, dans votre boîte aux lettres, en mars, juillet et novembre (votre abonnement vous permet, de plus, de bénéficier d’un tarif préférentiel sur les numéros hors-série, qui paraissent à différentes périodes de l’année). C’est l’histoire locale, dans toute sa diversité, écrite, à la fois, par des historiens professionnels, connus et reconnus, et par des amateurs éclairés, dans la tradition des publications de notre association, depuis sa création, par Fernand Guériff, il y a 49 ans. C’est, aussi, un support en constante évolution, d’un graphisme soigné, richement illustré, composé de près de cent pages à chaque livraison. Nous vous proposons cet abonnement avec une réduction de 10 % par rapport au prix public, frais de port compris (trois numéros par an, parution en mars, juillet et novembre).

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SOMMAIRE HISTOIRE & PATRIMOINE n° 91 — janvier 2018 01

P. 30

Éditorial

Christiane Marchocki

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Les lancements de navires à Saint-Nazaire

18

Forme Joubert, une forme-écluse pour les géants des mers

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Commando sur Saint-Nazaire - Le film

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Daniel Sicard

Patrick Pauvert

Daniel Sauvaget

Saint-Nazaire 1947-2017

Un timbre-poste au carrefour des mémoires Grégory Aupiais

36 P. 45

Un Nazairien passionné de cyclisme, qui aimait aussi les chevaux... Paul Correc

45

Choses et animaux échoués sur les îles de l’Estuaire Le Droit maritime dans les chartes du XIIIe siècle Claude Thoméré

54

Le Pardon de Saint Corneille à La Chapelle des Marais 1883-1966 - Vie et mort d’un pèlerinage Marcel Belliot

P. 54

64

Qui étaient les Mitaods ?

74

Saint-Molf, 1941-1956 - Souvenirs d’un enfant mendulphin

82

Hervé Dréan

Bernard Texier

Fontaines, lavoirs et bouillons publics de Mesquer XVe-XXe siècle

Jocelyne Leborgne P. 90 90

Le vitrail de Saint Vincent Ferrier,

ou la présence de l’Église de Benoît à Guérande ? Michel Barbot

98

Journal d’un aumônier breton - 1850 (22e partie)

Christiane Marchocki

L’HISTOIRE AU PRÉSENT 102 Et si nous parlions de notre patrimoine itinérant ? - Bernard Tabary P. 98

À LIVRE OUVERT 106 - La Wekusta 2 au combat (Pierre Babin) - Christiane Marchocki 106 106 - Michel Hervoche, du réel à l’imaginaire - Christiane Marchocki 107 - L’Autre Rive (Bernard Tabary) - Christiane Marchocki SORTIES CULTURELLES 108 108 - Du manoir de Kerminguy aux traces de Napoléon Élisa Baciocchi - Christiane Marchocki 110 - Balade en estuaire (Canal de la Martinière - Couëron) - Bernard Tabary

P. 102

112 L’ASSOCIATION

Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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Lancement du paquebot Georges Philippar, le 6 novembre 1930, à Saint-Nazaire.

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Source : Archives Municipales de Saint-Nazaire


Les lancements de navires à Saint-Nazaire Daniel Sicard

Pendant plus d’un siècle, le jour de lancement d’un navire a correspondu à des instants remplis de joies, d’émotions et de fiertés collectives, pour les populations nazairiennes et nantaises si proches de leurs industries navales.

D

epuis les années 1970, les cales inclinées de lancements ont fait place à des formes de construction à plat, où juste une mise en eau de celles-ci permet à la coque du navire de prendre contact avec l’élément liquide. Cet évènement là reste confidentiel, loin des foules. Il faut aujourd’hui attendre le départ définitif du navire de son chantier pour que les spectateurs s’agglutinent le long des rives de l’estuaire de la Loire et adressent un émouvant adieu dans son sillage.

Une tradition plus que centenaire La disparition du lancement correspond également à la fin de la technique de la construction « pièce à pièce » de la coque, supplantée par la préfabrication et l’assemblage de blocs avec la soudure1. Cette disparition est aussi le reflet du résultat de tout un processus capitalistique dans le regroupement, sinon dans la disparition de la plupart des chantiers navals en France. Nantes a été rythmé par ses lancements au XVIIIe siècle avec 1 - Jean Coune, « Les principales mutations technologiques dans l’industrie de la construction navale », dans les actes du colloque Saint-Nazaire et la construction navale, pages 9 à 15, 1991, éditeur : Écomusée de Saint-Nazaire.

les chantiers Crucy, puis avec ceux issus de la révolution industrielle au siècle suivant : Gouin, Jollet et Babin, Renaud et Lotz, Sevestre, Guibert, et surtout Dubigeon en 1846. Au XXe siècle, seuls avaient survécu, jusqu’en 1967, les Chantiers de la Loire, les Ateliers et Chantiers de Bretagne, avec les Chantiers Dubigeon. Ces derniers ont fermé leurs ateliers en 1987. La tradition de la Navale est plus condensée à Saint-Nazaire avec ses petits chantiers de la marine en bois du XVIIIe et du début du XIXe siècle le long du cours d’eau du Brivet en Bière, à Rosé et à Méan2, puis avec le chantier John Scott3 et ses successeurs, La Loire4 et Penhoët5, jusqu’aux célèbres Chantiers de l’Atlantique6 en 1955.

2 - Fernand Guériff, « La marine en bois du Brivet », 1977. 3 - À la demande des banquiers Pereire, le constructeur écossais John Scott de Greenock a édifié le premier chantier naval industriel de Saint-Nazaire, à la pointe de Penhoët, entre 1862 et 1866. 4 - « Ateliers et Chantiers de la Loire », créés à Saint-Nazaire en 1882, à l’initiative du constructeur nantais Babin-Chevaye. 5 - « Chantiers et Ateliers de Penhoët », créés en 1881 par la Compagnie Générale Transatlantique. 6 - Les chantiers de La Loire et de Penhoët ont fusionné en 1955 pour créer les Chantiers de l’Atlantique.

La puissance de production d’un chantier naval se démontrait par le nombre de ses cales inclinées vers les eaux de la Loire. Au début du XXe siècle, les chantiers nazairiens de La Loire et de Penhoët en possédaient chacun huit7. Chaque cale était constituée d’une fondation en maçonnerie dont l’inclinaison à la base vers l’estuaire de la Loire permettait la glisse des navires lors de leurs lancements. Les cales étaient les lieux où convergeaient les principales activités industrielles du montage de chaque tôle des coques de navires. Ainsi la coque de navire s’élevait peu à peu jusqu’à son pont supérieur, la quille centrale reposant sur la cale, à l’aide d’un berceau en bois parfois, et l’ensemble de la construction était maintenu des deux côtés par des rangées symétriques de grosses billes de bois appelées les accores8. 7 - Daniel Sicard, « L’espace industriel des chantiers navals de Saint-Nazaire : caractéristiques d’un aménagement estuarien entre 1862 et 1942 », article dans la revue du CILAC, L’archéologie industrielle en France, n° 14, pages 29 à 50, décembre 1986. 8 - Certains contenus de cet article proviennent de l’exposition « Le jour du lancement, Chantiers navals en Basse Loire, XIXe et XXe siècle » présentée en 1982 au musée du Château des ducs de Bretagne de Nantes, réalisée par le CDMOT Centre d’Histoire du Travail de Nantes. Conception : Daniel Sicard. À la suite de cette exposition, Yannick Guin, président du CDMOT, avait rédigé un article, Culture et rituels ouvriers, les lancements de navires en Basse Loire, dans la revue Ethnologie française, tome XIV, 1984, pages 161 à 176.

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Forme Joubert Une forme-écluse pour

les géants des mers 18

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Noël 1856 : le premier navire fait son entrée dans le tout nouveau bassin à flot de Saint-Nazaire. L’accès s’effectue par deux écluses ; l’une, large de 25 mètres, sans sas, munie de porte d’ebbe (recouverte, en 1944, par les fortifications pour la protection des sous-marins allemands) ; l’autre, large de 13 mètres, comporte un sas de 60 mètres de longueur. Elle est toujours en service à ce jour.

L

e 8 mai 1881, un second bassin dit de « Penhoët » est inauguré en présence de Sadi Carnot, alors ministre des Travaux publics. Le tonnage des navires ne cesse

d’augmenter et les grands paquebots ne disposent que de deux heures à marée haute pour accéder ou sortir des bassins par la Vieille Entrée et son écluse de 25 mètres de large.

Patrick Pauvert Page de gauche et ci-dessus : Vue aérienne de la Forme Joubert en construction (vers 1930). Ci-contre : Le paquebot France, en cale sèche, dans la Forme Joubert, en 1960.

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Commando sur Saint-Nazaire Le film

Daniel Sauvaget

Un des principaux évènements survenus à Saint-Nazaire, dans les salles de cinéma des années 1950, a été la programmation du film britannique Commando sur Saint-Nazaire.

C

’était le 16 juin 1953, dans une des deux plus grandes salles de la ville1. Annoncée avec emphase « en première mondiale », la séance était bien la première séance publique en France puisque le film n’est sorti à Paris que dix jours plus tard – il avait été diffusé au Royaume-Uni dès juillet 1952.

De l’histoire à la production cinématographique On connaît le sujet, le fameux raid de mars 1942, cette opération Chariot destinée à empêcher les énormes vaisseaux allemands (en l’espèce : le Tirpitz, car le Bismarck avait été déjà coulé) de faire irruption sur le front de l’Atlantique, en le privant d’abri et de cale de réparation. Le film, qui n’a pas marqué l’histoire du cinéma, a été rapidement oublié en France, bien que la copie doublée en français ait refait surface à la télévision dans les années 1990, sur une des premières chaînes câble et satellite spécialisées dans le cinéma. Récemment 1 - Cf. notre article Petite histoire des cinémas nazairiens Histoire et Patrimoine N° 84, juillet 2015 – et hors-série N° 9, spécial Loisirs populaires. La séance de gala s’est déroulée en présence du contre-amiral Lemonnier qui dédicaçait son livre Raid sur mer (d’après la presse : il s’agissait plus vraisemblablement de Combats sur mer).

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restauré, il est disponible en vidéo, du moins dans son pays natal, et il a été rediffusé en 2017 en France en novembre 2017, sur une de nos chaînes cinématographiques spécialisées, en version originale sous-titrée et sur une durée d’environ 1 h 40. Gift Horse (titre original) a été tourné pour l’essentiel en studio, un studio expérimenté depuis les années 1930 dans les trucages – trucages qui font pâle figure en comparaison des techniques actuelles. Ce studio est celui d’Isleworth, fondé en 1914 dans une localité de la banlieue ouest de Londres. Le réalisateur est Herbert William Compton Bennett (1900-1974), un technicien britannique spécialisé tout d’abord dans le montage, puis dans les films de propagande

pendant la guerre, et dont l’œuvre la plus connue, tournée à Hollywood l’année précédant Gift Horse, est une version des Mines du roi Salomon. Bien que la Ville de Saint-Nazaire soit remerciée dans les dernières lignes du générique de fin, aux côtés de la Royal Navy qui a fortement soutenu matériellement la production, on a beau scruter l’écran, on n’observe aucun plan susceptible d’avoir été réalisé sur les lieux mêmes2. Ce qui n’est pas sans logique, compte tenu de l’état de la ville à l’époque du tournage. Le film a bénéficié d’acteurs connus, au premier rang desquels le digne Trevor Howard dans le rôle du commandant. La tâche des scénaristes 2 - C’est aussi le cas du documentaire télévisé de Joseph Balderrama, produit pour le National Geographic Channel en 2014.


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Saint-Nazaire 1947-2017

un timbre-poste au carrefour des mémoires

Grégory Aupiais

L’imagerie postale n’a pas attendu la publication de la somme de Pierre Nora sur les lieux de mémoire pour ouvrir le cadre étroit de ses figurines aux célébrations mémorielles de la nation1.

A

utant d’images parallèles, pour paraphraser Marc Ferro, qui constitueraient aujourd’hui comme autant d’objets d’étude, pour peu que les historiens s’en emparent. En effet, les premières initiatives en la matière intervinrent 1

1 - Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque illustrée des histoires »), 3 vol., 1997.

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dès la Première Guerre mondiale, parallèlement au retrait de la symbolique monétaire. Des expériences plutôt réussies d’ailleurs, qui accédèrent vite à une forme de récurrence dont l’iconographie postale est vite devenue coutumière. Fragiles témoins d’un consensus parfois révolu, il arrive également qu’elles ressurgissent soudainement du passé, témoignant de débats tout à fait actuels.

En 2017, le 31 juillet, le timbre-poste commémorant l’opération « Chariot » a fêté son soixante-dixième anniversaire (fig. n° 1)2. Cet épisode, aussi secondaire qu’héroïque, de la Seconde Guerre mondiale a ainsi fait l’objet d’un timbre-poste dès l’immédiate après-guerre et un tel choix 2 - Les figures sont extraites du site Internet créé par Bernard L e L ann : http://www.phil-ouest. com/.


semble presque relever de l’évidence, notamment pour les 166 commandos canadiens et écossais embarqués. Un anniversaire postal parmi d’autres cependant pour la ville de Saint-Nazaire qui, tout du moins pour une agglomération de cette importance, semble pouvoir prétendre au titre de fille aînée de l’imagerie postale. En effet, elle a fait l’objet d’un nombre plutôt conséquent de timbres-poste. Pas de moins de treize, ce qui est considérable compte tenu de sa dispersion thématique pour ainsi dire structurelle. Néanmoins, il ne s’agit dans la plupart des cas que d’évocations indirectes, car ces allusions philatéliques

2 Toutefois, dès l’année suivante, les photographies aériennes et sans doute également l’activité de renseignement de la résistance locale permirent d’accéder à une connaissance de plus en plus fine du site et ce raid ne semblant nécessiter en définitive que des moyens limités, il redevint d’actualité. De plus, cela participait à créer une zone d’insécurité afin d’entretenir l’incertitude autour du choix géographique d’un futur débarquement, tout en éparpillant les forces allemandes. Toutefois, le peu de moyens matériels engagés, une armada hétéroclite composée de navires dont certains étaient proches de la réforme ainsi que la quasi-absence de couverture aérienne, permettent de s’interroger sur sa finalité véritable et son caractère suicidaire

symbolique, de portée nationale, voire même internationale, peut surprendre. La valeur d’affranchissement correspondait en effet à celle d’une lettre courante pour le régime intérieur et d’une carte postale pour l’étranger. Certes, dès l’année 1941, l’État-major britannique et notamment l’amiral de la flotte, sir Roger Keyes, avait envisagé la possibilité d’un débarquement à Saint-Nazaire afin de détruire d’une part la base sous-marine et d’autre part la formeécluse Joubert, la seule capable d’accueillir les navires de très gros tonnages de la Kriegsmarine sur cette portion du littoral atlantique. Un double objectif stratégique dont l’impact réel demeurait cependant flou. Raison pour laquelle, sans doute, le projet un temps envisagé fut vite abandonné.

3

4 sont très majoritairement intervenues à travers le prisme technologique des constructions navales et aéronautiques. Certes, les paquebots comme le Normandie, le France ou plus récemment le Queen Mary (fig. n° 2, n° 3 et n° 4) suscitent localement beaucoup d’intérêt et participent assurément à la construction de l’identité nazairienne contemporaine. Les foules toujours denses qui se massent sur la côte pour les voir partir en témoignent. Ils ne sont pas associés cependant dans les représentations collectives et, nationales celles-là, à l’image de la ville, mais plutôt centrés sur l’objet et la célébration du génie français. Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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Un Nazairien passionné de cyclisme

qui aimait aussi les chevaux... Paul Correc

Né le 26 juin 1931 à Saint Nazaire et fils de commerçant, le très jeune Maurice Léac quittera la ville, avec ses parents, après l’attaque du commando anglais du 27 mars 1942, à l’instar des très nombreux Nazairiens qui, ne supportant plus les bombardements, les restrictions, les nombreux contrôles d’identités et le chômage, se réfugieront dans les villages et les bourgades de la région.

C

’est à Quilly, que la famille Léac se retirera jusqu’en 1945, avant de regagner Saint-Nazaire presque totalement détruite, puis d’y ouvrir un commerce de fruits et légumes, au 175 de la rue de Pornichet.

Pour le jeune Maurice, une nouvelle vie commençait. En effet, très tôt plongé dans un milieu actif et ne souhaitant pas poursuivre ses études, il préféra travailler avec ses parents. Le métier lui plut immédiatement et d’emblée, il y montra des dispositions pour le contact humain.

Du magasin de ses parents, situé face au Café des Tennis, siège du Vélo Club Nazairien, Maurice côtoyait les dizaines de coureurs cyclistes qui venaient s’engager chaque mardi pour courir le dimanche. Déjà intéressé par ce sport, il aimait se mêler à ceux qui lui étaient déjà familiers et qu’il allait encourager sur le bord de la route. Il y avait évidemment ces jours-là beaucoup d’animation devant le Café des Tennis, mais également à l’intérieur, où les coureurs racontaient, qui leurs exploits du dimanche, qui leurs malchances, ponctués de rires et de plaisanteries, tandis que des dizaines de superbes machines de course attendaient à la porte du café. Intéressé de plus en plus par ce sport, qui lui semblait correspondre à son besoin de se dépenser physiquement, il informa ses parents qu’il souhaitait devenir, lui aussi, coureur cycliste ; lesquels acceptèrent sans aucune difficulté.

La famille Léac, au magasin, rue de Pornichet.

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Ci-dessus : Maurice Léac, dans les années 1960. Ci-dessous, à gauche : Le bar du Café des Tennis. Ce bar existe toujours et est visible au Fort de Villès-Martin, à Saint-Nazaire. Ci-dessous, à droite : Les débuts de Maurice Léac, en tant que coureur cycliste.

Le jeune Maurice n’avait, cependant, pas imaginé combien il lui faudrait souffrir lors des préparations, en hiver par tous les temps, et combien il lui faudrait sacrifier de loisirs pour avoir une petite chance d’obtenir des résultats. Après quelques essais infructueux, il renonça à la compétition, mais décida de s’investir dans le rôle de dirigeant actif.

Atteignant sa vingtième année, il rejoignit Akerne, en Allemagne, pour effectuer le service militaire où il fit la connaissance d’un autre jeune homme, Paul Verroken, passionné de chevaux et de sport hippique. Libéré de ses obligations, en 1952, il retrouva ses parents à Saint-Nazaire et le commerce de fruits et légumes, ainsi que le Café des Tennis et son animation des mardis soirs.

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Choses et animaux échoués sur les îles de l’Estuaire Le Droit maritime dans les chartes du XIIIe siècle

Claude Thoméré

Les chartes du XIIIe siècle concernant l’Estuaire nous fournissent une documentation très utile sur l’émergence des nouvelles notions et règles maritimes à la fin du MoyenÂge. Ces notions seront plus tard reprises du droit local dans les droits nationaux [chez nous, dans l’Estuaire, le droit en vigueur était le droit ducal à cette époque], par la suite internationaux.

C

ertaines notions ont aujourd’hui été complètement oubliées. D’autres ont traversé les siècles et sont pourtant encore valides. Nous nous intéressons aux chartes qui mentionnent dans les textes le gayf de la mer et donc les choses gaives, une notion concrète de droit maritime ancien qui désigne les choses rejetées au rivage. Les endroits qui nous intéressent sont les îles de l’estuaire de la Loire rive gauche. Au XIIIe siècle ces îles ne sont pas encore rattachées aux rives de Loire : qu’il s’agisse des îles de Corsept, de Paimbœuf et surtout en ce qui nous concerne, les îles de Vue, celles du golfe de Rouans.

Les chartes des îles de l’Estuaire Le Cartulaire des sires de Rays Trois chartes1 mentionnent ce droit de gaif dans notre zone de l’Estuaire : La première datée de janvier 1265 1 - Tome II du cartulaire des sires de Rays mention gaif n° CCXVI de 1265 p. 241 ; mention gayf n° CCXVII 241/2/3/4 puis mention guayf de la mer n° CCXIII de 1266.

concerne la donation de la seigneurie de Vue, la seconde du 13 juin 1265 précise l’échange entre Vue et Nogent-le-Rotrou [28400] ; la dernière de janvier 1266 est la donation

Carte géologique, représentant le lit majeur de la Loire au Moyen-Âge. En gris clair : les étendues submersibles. La coupe Vue/la Baie est figurée par un trait. Extrapolation de la carte de France IGN géologique. Retravaillée en format et précisée par l’auteur. Muséum de Nantes & Association vendéenne de géologie, avg85.

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entre les époux Chabot (seigneurs du lieu). Ces trois chartes se retrouvent dans le cartulaire des sires de Rays, un ouvrage documentaire réalisé par l’archiviste de la ville de Nantes, René Blanchard. Les deux premières chartes sont en latin, la troisième dans une langue romane ancienne. Début 1265, le duc Jean I2 de Bretagne offre le territoire de Vue à son fils Pierre en exerçant son droit de suzerain. Le duc Jean y joint le droit d’épave qu’il avait sur les côtes du pays de Retz. Quelques mois après, Pierre échange avec Emma Chabot le territoire de Vue et ses droits, etc… contre Nogent-le-Rotrou dans le Perche.

Les droits en question [mentionnés comme droits de gaif] débordent des limites la seigneurie de Vue pour s’étendre sur toutes les côtes du pays de Retz. Les limites des droits commencent depuis ″certaines bornes et fins de Loyre″ pour aller ″jusques au port de Beauvoir-sur-mer et environs″. On peut donc penser que les droits de gaif commencent à une extrémité du golfe de Rouans (vers Saint-Jean de Boiseau) pour terminer du côté de l’île des Monts3. Précisément, au XIIIe siècle, notre paroisse de Vue était située au fond de ce golfe, golfe lui-même placé au milieu de l’estuaire moyen de la Loire et donc soumis au régime des marées. La zone de marais

Les côtes du Pays-de-Retz et le golfe de Rouans, vers l’an Mil. Carte retravaillée par le CRDP de Nantes (d’après la carte « Rivages oubliés », Jean Mounès, Éd. Pays de Retz), et remise en forme par l’auteur.

Celle-ci était devenue dame de Retz ou Rais après avoir épousé Girard Chabot, le seigneur du pays. Emma, initialement Emma de ChâteauGontier tenait Nogent-le-Rotrou d’avant son premier remariage avec Geffroy de Pouancé, seigneur de la Guerche avec qui elle avait eu un fils Thibaud. Elle préférera donner cette terre de Vue et les droits liés à son époux, ce que le duc de Bretagne, en tant que suzerain de Chabot, validera.

à Vue était donc largement contiguë à l’estuaire. On peut penser également que le marais actuel de Buzay n’occupait que le fond du golfe de Rouans. Le travail d’édification par l’abbaye Notre-Dame de Buzay des levées cisterciennes visant à canaliser les eaux n’avait été encore que débuté, abbaye voisine à l’est de notre paroisse de Vue.

2 - Jean-le-roux fut duc de Bretagne de 1217 ou 18 à 1286, il était le fils de Pierre Mauclerc de la maison de Dreux.

3 - L’île des Monts est aujourd’hui une dune et la commune de Saint-Jean de Monts rattachée à la terre ferme.

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L’abbaye de Buzay et les îles de Vue L’abbaye ND de Buzay, fondée par Saint Bernard en deux époques distinctes [en particulier à la famille ducale bretonne] deviendra bientôt – après un départ difficile vers 1100 – immensément riche grâce au commerce du sel de la Baie. Plus tard, cette même abbaye de Buzay, grâce à ses moyens considérables, trustera tous les marais de Loire sur les deux rives du fleuve, et ce à quoi il faut ajouter les îles situées dans le lit de ce fleuve. L’abbaye, ensuite vendra grâce au système des morts gages et vifs gages4 quelques-unes de ses possessions sur ces marais, drainées et endiguées par ses soins à des laïcs pour constituer des prairies d’élevage. Sur le golfe de Rouans, les terres de la seigneurie de Retz et celles de l’abbaye de Buzay étaient adjacentes, mais séparées par le Tenu, une rivière qui canalisée, va devenir l’Acheneau5. Le marais rive gauche de Loire sur Buzay sera quadrillé par des chaussées-digues ne laissant passer que l’eau des étiers de drainage qui termine en Loire. L’abbaye gardera son cœur de domaine, sur le côté Buzay, jusqu’à la Révolution. La République procédera plus tard à la réalisation des biens de l’abbaye, un patrimoine considérable. Celle-ci avait en effet des terres sur au moins une dizaine de communes actuelles6 du moyen Estuaire. La commune de Vue est aujourd’hui un petit bourg dans l’estuaire moyen dont les habitations sont relativement éloignées du trait de côte sur l’estuaire. On a du mal à imaginer que l’Acheneau7 actuel [héritier canalisé du Tenu, la rivière locale qui traverse Vue] ait pu servir de voie d’eau dès l’époque mérovingienne 4 - Systèmes de vente avec prêts, proches du leasing autorisé aux abbayes par les pouvoirs religieux à l’époque. 5 - Acheneau est issu de l’ancien mot anglonormand chanel venant du latin canalis qui donne en français canal. 6 - L ors de la rectif ication des limites communales [anciennement paroissiales], le partage n’a pas été facile sans doute, mais des communes à cette époque ont été particulièrement lésées en ce qui concerne les îles de Loire. 7 - Variante locale du mot chenal désignant le Tenu canalisé.


Le Pardon de Saint Corneille à La Chapelle des Marais 1883-1966 - Vie et mort d’un pèlerinage Marcel Belliot

Le Pardon de saint Corneille a été célébré à La Chapelle des Marais, pour la dernière fois, en 1966. Durant près d’un siècle, chaque dimanche suivant le 16 septembre, une grande procession a parcouru les rues du petit bourg briéron pour honorer le second patron de la paroisse1.

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récédé par une vingtaine d’attelages de bœufs revêtus d’un velours pourpre piqué de roses et frangé de dentelles blanches et suivi par les reliques de saint Corneille, un char supportant la statue du saint était trainé par une paire de bœufs magnifiquement décorés. Venus des paroisses voisines et parfois de beaucoup plus loin, des milliers de pèlerins participaient chaque année à la « fête des bœufs ». Comment est né, a vécu et est mort un des pèlerinages les plus populaires du pays ? Appuyé sur des documents d’époque, cet article témoigne des soucis et des joies d’un monde paysan où la santé des troupeaux était une préoccupation quotidienne. Il rend compte aussi d’une atmosphère religieuse où l’Église catholique, grâce au culte de ses saints, à la richesse de ses rites et à la pompe de ses cérémonies s’efforçait de répondre aux attentes de ses fidèles.

Le Pardon de saint Corneille à La Chapelle des Marais n’a pas surgi de nulle part et il s’est inscrit dans un long passé de dévotion envers le saint protecteur des troupeaux. « Pour certains, le saint vétérinaire serait présent à cet endroit depuis fort longtemps. En 1641, il avait déjà son autel à gauche de l’oratoire de la vieille chapelle (emplacement de l’église actuelle). Plus tard, l’historien Grégoire 2 nous rapporte « qu’une épizootie terrible s’étant abattue sur les bœufs du pays breton, des pèlerinages à saint Corneille des Marais eurent lieu aux jours les plus sombres de la Révolution » 3 . Autre témoignage sur le rôle particulier de saint Corneille dans la paroisse des Marais (nom originel de la commune de La Chapelle) : la plus grosse des quatre cloches installées en grande pompe en avril 1876 dans le clocher de l’église fut baptisée « Marie-Corneille », associant le nom de sa marraine Marie Perraud à celui

1 - La Patronne principale de la paroisse est la Vierge Marie, Notre Dame de Toutes Aides. La frairie des Marais, longtemps dépendante de la paroisse de Missillac, ne devint paroisse autonome qu’en 1771.

2 - Abbé Grégoire, Le diocèse de Nantes pendant la Révolution. 3 - Pierre Yves Gaudard, Un clientélisme mythique ou le culte de Saint Corneille à La Chapelle des Marais, Université Paris V, 1987.

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L’origine du Pardon

du saint vétérinaire… En 1981 enfin, la Sacrée Congrégation des Rites déclara officiellement saint Corneille patron secondaire de la Paroisse. Mais l’évènement véritablement fondateur du Pardon de saint Corneille fut la marche du 2 janvier 1882. En 1881, une épizootie redoutable sévissait dans la région de Saint-Gildas des Bois, à une vingtaine de kilomètres de La Chapelle des Marais. L’abbé Blais, curé de La Chapelle de 1927 à 1939, a raconté l’événement dans son Bulletin paroissial4 : « L’an du Seigneur mille huit cent quatre-vingt-deux, le deuxième jour du mois de janvier, vers huit heures moins le quart, entraient dans l’église environ trois cents hommes de la paroisse de Saint Gildas des Bois. Cruellement éprouvés par une épidémie qui sévissait dans leurs bestiaux puisque les pertes étaient portées de 17 à 18 000 francs. Plusieurs fois, ils avaient sollicité M. Philippe Perigaud, natif de La Chapelle des Marais et vicaire de Saint-Gildas, de les conduire en pèlerinage à saint Corneille. Cédant à leurs pressantes sollicitations, enfin le deux janvier fut le jour fixé pour 4 - Texte recueilli par Pierre Yves Gaudard dans Ethnographie en Brière, L’Harmattan 2005.


Attelages, prêts pour la procession, en 1962. Photo Guy Belliot

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Le marché à La Roche-Bernard. Carte postale - Coll. H. Dréan

Qui étaient les Mitaods ? Hervé Dréan

Aujourd’hui, dans la région proche de La Roche-Bernard, les mots mitaud ou mitaod ne sont plus compris par les jeunes générations et ne sont que très rarement mentionnés dans les conversations. ertes, il est toujours communale, là celui d’une associaLes Mitaods possible de ret rou- tion dédiée à la danse traditionnelle. ver quelques traces à Pourtant, il y a à peine deux généra- et leurs voisins

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Théhillac et Saint-Dolay où leur souvenir s’est perpétué plus longtemps qu’ailleurs. Ici, le nom d’une salle polyvalente

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tions, les Mitaods étaient encore bien au centre de toute la vie locale.

Pour retrouver la trace des Mitaods, ma recherche, commencée en 1975, a consisté à recueillir les témoignages de très nombreux informateurs dont


certains étaient nés dans la dernière décennie du 19e siècle. L’objectif était en premier lieu d’obtenir une carte détaillée des appartenances locales la plus complète possible. J’ai pu ainsi comprendre rapidement que les Mitauds et les Mitaudes - en gallo Mitaods et Mitaodes - habitaient sur la rive gauche de la Vilaine. En face se trouvaient les Bretons et les Bretonnes - en gallo : Bertons, Bertonnes [BeRt7, Be+ton]1. Le territoire où habitaient ces populations était désigné par les expressions : le Mitaod, le Berton. On allait ainsi « chez les Mitaods », « dans l’Mitaod », dans le « pays mitaod », « chez les Bertons » ou encore « dans l’Berton ». Plus au sud, dans les marais de Brière, les Beuriérons [BeRiéR7] pour qui ceux du pourtour immédiat des marais étaient des Naquets. Les Briérons étaient considérés par les Mitaods comme « une race à part ». Réputés bagarreurs et violents, on cherchait le moins possible à communiquer avec eux. D’ailleurs, disait-on, « ils vivaient et se mariaient entre eux. ». Les relations étaient réduites aux échanges commerciaux : les achats de motte, de paniers, de manches d’outils… Les Berirérons venaient en outre dans l’Mitaud réparer les toits de chaume, d’où leur surnom de « borgneurs de rats », mais on les 1 - Côté Berton, certains chercheurs signalent aussi des appellations « Bas Pays » ou « Pays d’A-Bas », « Pays d’en-Bas » qui désigneraient un grand territoire allant d’Arzal et Marzan au sud à Le Cours et Molac au nord, englobant Muzillac et Questembert (voir par exemple [Couëdel, 2007 ; 4]). Je n’ai jamais entendu dans mes enquêtes de références à ce pays. Selon les définitions plus anciennes, les bas pays se trouvaient près de la mer et cette définition se trouverait confortée par la description qu’en donne Jean Choleau qui mentionne ainsi le « pays bas » vers Damgan et Pénestin. (Choleau, 1907 ; 51). Mais à Pénestin, les plus anciens de mes informateurs ne connaissent pas cette dénomination. Pour eux, ils sont Mitaods. Toutes ces dénominations me paraissent être tout d’abord à relier avec les points cardinaux : le haot étant le secteur nord ou nord/nord-est, le bas, le secteur ouest/sud-ouest, ce qu’on retrouve fréquemment d’ailleurs dans les noms locaux des vents. Ainsi, lors d’une conversation entre plusieurs informatrices de Marzan et Péaule, « en haut » désigne les communes de Noyal et Questembert (novembre 1985 – entretien chez Hélène Riallant, agricultrice, Bois Marzan, Marzan, née en 1906). « Du côté de Péaule là-haut » dit aussi une autre informatrice d’Arzal (février 1980 – Lucie Bourse, Le Bourg, Arzal, née en 1904). D’autre part, à une échelle territoriale moindre, la commune d’Arzal, d’où précisément était originaire Marcel Couédel, était coupée traditionnellement elle aussi en deux parties : le coin d’haot et le coin d’bas respectivement coin du nord et coin du sud. Ce chercheur aurait-il voulu, en extrapolant, caractériser ainsi « son » territoire de recherches ?

surnommait plutôt généralement les « Canards ». Toutefois, lorsque je tentai de tracer à l’aide des témoignages oraux une limite éventuelle au territoire mitaud, mes informateurs m’ont expliqué que, dans leur jeunesse, les déplacements étant en effet moins courants qu’aujourd’hui, leur espace familier était de taille relativement réduite. En conséquence, ils ne pouvaient pas toujours m’indiquer si telle ou telle commune était considérée comme mitaud ou pas. À cet égard, le témoignage de cette informatrice nivillacoise est très représentatif de la forme dans laquelle j’ai pu recueillir ce genre d’informations : « (Les Mitauds) c’est tout ce côté-ci de la Vilaine. Les Bertons sont en face. Les Mitauds : c’est Nivillac, Saint-Dolay. Théhillac ?… Je ne sais pas. Je ne sais pas non plus plus loin que La Roche. Férel, je ne peux pas vous dire. Mais, c’était la Vilaine qui séparait. /…/, Mais j’ai jamais passé la Vilaine ! » (Novembre 2011 – Simone Le Hur, agricultrice, la Ville Roux, Nivillac, née en 1924). Pour les habitants de La Chapelledes-Marais par exemple, les Mitauds

Le Berton et le Mitaod autour de La Roche-Bernard, au 20e siècle, d’après les témoignages oraux.

sont souvent limités aux seuls « gars de Saint-Dolay » 2 ou éventuellement ceux de Nivillac, car c’est là que les vanniers allaient chercher leur bourdaine. La question de l’appartenance de La Roche-Bernard est elle aussi un peu floue. Quoiqu’étant située sur La rive gauche de la Vilaine, la ville n’est pas considérée par tous comme mitaud, car ses habitants sont en majorité des commerçants. « La Roche ? C’était des Rochois. » (Octobre 1981 – Marie Crusson, agricultrice, Kertalet, Férel, née en 1904). Même idée chez (Septembre 1981 – Émile Le Gal, Marzan, né en 1918). « La Roche, c’était à part. C’était la ville, pas paysan… que des commerces. » (Septembre 1981 – Marie Leray, agricultrice, Kerribèche, Marzan, née en 1896 et Anne-Marie Riallant, agricultrice, Kerribèche, Marzan, née en 1904). 2 - L et t r e de M . B er n a r d G er vot, L a Chapelle-des-Marais, 1985. Archives personnelles H. Dréan.

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Saint-Molf, 1941-1956

Souvenirs d’un enfant mendulphin Bernard Texier

M

endulphin de la première heure, je suis né dans le centre du bourg, à deux pas de l’église, pendant l’occupation allemande. Leur PC, la Kommandantur, était à 50 mètres d’un côté de notre maison, et leur cuisine à 20 mètres de l’autre côté : nous vivions en permanence avec eux, leurs voix, leurs bruits, leurs aller et retour. Ainsi, un jour où ma sœur aînée n’était plus devant la maison, ma mère partie à sa recherche, l’a retrouvée dans la Kommandantur, installée sur les genoux d’un gradé et elle dégustait du pain et du saucisson... Il est vrai que les temps étaient durs, on ne mangeait pas toujours à notre faim ; et les Allemands étaient aussi des pères de famille. Je ne me rappelle pas cette anecdote, car j’étais alors trop petit, mais ma mère me l’a racontée bien après, avec encore autant d’émotion et la même angoisse dans la voix.

À l’école À cinq ans, je suis allé à l’école libre Saint-François dans Saint-Molf, plus tôt que les autres enfants qui habitaient dans les villages, souvent loin du bourg ; j’ai toujours pu, même après, conserver cette avance, cette différence de deux et même trois ans par rapport à mes camarades. Dans

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cette école, dans le niveau le plus jeune, j’étais le seul garçon au milieu de cinq filles et j’avais à cœur de tenir mon rang ! Les sœurs nous ont vite appris à lire. En même temps, dans le bourg, je côtoyais beaucoup d’adultes, là l’esprit était plus ouvert ; chaque jour, je rencontrais le maire et le curé, on se saluait et ils s’adressaient à moi comme à leur petit-fils dans un français toujours correct. Chaque année, le premier janvier, on assistait à la messe. Il fallait, dès la fin de l’office, respecter une hiérarchie immuable : tout d’abord, présenter nos vœux à monsieur le curé qui nous distribuait la solde de l’année écoulée pour les services rendus en

tant qu’enfants de chœur. Puis c’était monsieur le Maire. On récitait une seconde fois consciencieusement la formule des bons vœux entendue et apprise avec nos parents ; on était fiers et aussi... intéressés ! Il nous fallait des sous qu’on gardait précieusement pour aller s’amuser plus tard à la fête foraine, en été au beau milieu des vacances scolaires. Un premier janvier, le maire m’a offert un couteau de grand, un beau couteau rouge à deux lames. J’y tenais beaucoup ; les copains admiratifs le soupesaient un moment, mais je le reprenais bien vite, car j’y tenais comme à la prunelle de mes yeux, il avait une grande valeur sentimentale et ne me quittait jamais. Hélas ! mon pantalon avait les poches percées, je l’ai perdu un jour, et ce jour-là j’en ai pleuré. Après le curé et le maire, venait le tour de la famille, le parrain, la marraine, et les autres oncles et les tantes et les cousins, et enfin les voisins. C’étaient autant de salutations qui nous transformaient en petits perroquets, mais peu importait, nous respections la coutume afin de ne pas avoir ensuite de reproches « alors, comme ça, tu n’es pas venu me souhaiter la bonne année... et bien tant pis pour toi, tu n’auras pas de petit cadeau ! ». Avec ma grande sœur, on devait aussi aller rendre visite à la famille hors du bourg ; c’étaient de grands tours


Alphonse Drogueux, maire de Saint-Molf, de 1935 à 1953. (Collection Daniel Drogueux)

L’abbé Alfred Giraudeau curé de SaintMolf, de 1931 à 1956. (Collection Bernard Texier)

en vélo, sans gants, et pour moi en culottes courtes ; voilà un souvenir un peu désagréable, je ressens encore le pincement du froid sur mes genoux et la sensation étonnante et pénible de ne plus avoir le bout de mes doigts. Et le vélo, parlons-en ! Une vieille mécanique, presque hors d’âge, que je rafistolais de bric et de broc, en suivant les conseils du mécanicien du bourg (et par-delà les années, je le remercie encore !). Donc, ma sœur et moi, on quittait Saint-Molf par la route vers Saint-Lyphard, puis vers Guérande, et on

bifurquait à gauche jusqu’à Bouzaire, chez le parrain de ma sœur pour aller lui souhaiter la bonne année. Pas question de l’oublier ! Son accueil était affectueux et on échangeait quelques nouvelles, essentiellement sur nos progrès à l’école, que l’on enjolivait un peu. Comme j’étais curieux, en permanence à l’affût de toute nouveauté, le parrain me disait « Tiens té qu’aimes ben, viens don ver » et avec un sourire bienveillant, il me montrait quelque chose de nouveau. Les habitants des villages éloignés parlaient différemment, à la mode d’autrefois, alors que le curé, le maire, les commerçants et les artisans du bourg parlaient à la façon des gens de la ville et des Parisiens ; aussi, dès

que je le pouvais, en observant le travail du forgeron, ou celui du mécanicien, je les écoutais dialoguer avec les clients de passage, et il n’était plus question de parler le « patoé » pour mieux faire affaire !

Nos premiers jeux À l’âge de huit ans, j’ai dû changer d’école, afin d’éviter une proximité trop prolongée, et sans doute néfaste aux yeux des parents, avec les demoiselles de l’école Saint-François. Et me voilà à l’école de garçons SaintHenri, de l’autre côté de Saint-Molf, tous entre hommes ! J’étais le seul de mon âge, avec les mêmes contraintes, les mêmes devoirs que les autres élèves plus vieux. Ci-dessus : La rue de la Duchesse Anne (rue principale de Saint-Molf), au début du XXe siècle. Dans les années 1950, la maison de droite, au fond de la rue (face à l’actuelle mairie) existait encore, mais elle gênait la circulation. Elle fut rasée, au début des années 60. (Collection Bernard Texier)

Ci-contre : Bernard Texier, à l’âge de 8 ans, avec sa soeur, Huguette. Page de gauche : Bernard Texier, à l’âge de 10 ans. (Collection Bernard Texier)

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Fontaines, lavoirs et bouillons publics

de Mesquer - XV -XX siècle e

e

Jocelyne Leborgne

Il nous est difficile aujourd’hui d’imaginer de vivre sans le service d’eau à domicile et pourtant l’eau courante est arrivée à Mesquer, il y a seulement un peu plus d’un demi-siècle… suivie, quelques années plus tard, par le service du « tout-à-l’égout » . Ce qui coulait de source autrefois…

D

ès le XVe siècle et jusqu’au XVIII e, des « aveux de dénombrements » révèlent la présence de fontaines multiséculaires à Mesquer ainsi que le vocable sous lequel elles étaient désignées.

Fontaine Colin (Kergollinet, Kergoulinet…)

La première mention de fontaine se trouve dans deux aveux rendus par les héritiers Kerderian demeurant à Villesneuve (Rostu). La fontaine Colin leur sert de repère pour signaler une terre qu’ils possèdent en 1412 « entre le chem(in) qui maint de l’ostel be(r)nartzic a la fontaine Colin d’une p(a)rt et les vign(es) Oliv(ier) Detroffiguet d’autre » et en 1419, est mentionné « le chemin qui maint de lostel be(r)nartzic a la fontaine colin ». Mais il faut attendre un « aveu » des seigneurs de Tréambert, daté 1540, pour localiser exactement cette fontaine « près du village de Kergollinet, entre un chemin qui conduict de la fontaine colin au vieil lieu compte ».

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Fontaine de Breharen (breheren, Bréhérin)

Elle était à proximité d’un chemin « qui conduict de la dicte fontaine de Breharen a la maison dudict Garet d’un couste », le document évoque plus loin « le chemin qui conduict de la fontaine breharen au maroys de morice lecodz ». Utilisée jusqu’à la guerre 39-45 comme abreuvoir pour le bétail, elle se situait à environ cent mètres à l’ouest du village, dans un champ qui borde le marais séparant Kervarin, de Bréhérin, elle est aujourd’hui scellée sous une dalle de béton.

Fontaine Bigot (Bigon, Bigorn, Bigord) Signalée successivement par les seigneurs de Campsillon en 1572 « en la tenue au Maistre, en la fontenne Bigot […] une piece de terre contenant environ deux journaux » et par les héritiers de Tréhembert en 1586 « Le chemyn conduisant de la maison des Flochz a la fontaine Bigon d’un bout à dom guill(aum)e Lecoincte d’aultre… la venelle descendant de la fontaine Bigon à la fontaine de Mesquer ».

Cette fontaine, aujourd’hui disparue, se trouvait à l’est, à la lisière du bourg qui était alors moins étendu qu’aujourd’hui.

Fontaine de Treven (Trévin) Au bord du « chemin qui va de la fontainne de trevin à Keroué », elle est aujourd’hui dissimulée sous une pierre

Fontaine au veau (aux veaux) À environ 150 mètres, à l’est « du moulin dudict lieu de keruhel » proche du ruisseau du Coiré qui rejoint l’étier de la Barre, elle se trouve aujourd’hui sur une propriété privée et est en cours de restauration.

Fontaine Trevigar (trevigal) ou Fontaine Berenic (prapenic, pratpernic, pratpirni) Sous ces deux appellations Trevigar et Berenic, se cache probablement une seule et même fontaine au bord d’un « chemin qui conduit dudict lieu de Lannic a Coet Vache et droict à la fontenne Prat Berenic ». Cet extrait d’un aveu rendu par le seigneur de Campsillon en 1572, évoque également


L’une des fontaines de Kervarin, située devant le jardin de la famille Fohanno-Camaret. Les enfants en vacances remplissent le « baquet » qui servait d’abreuvoir pour le bétail. Photo Henri Fohanno - Année 1937

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Le vitrail de Saint Vincent Ferrier ou la présence de l’Église de Benoît à Guérande ?

Michel Barbot

L’abbé Joseph-Marie Plormel, curé-prévôt de Guérande de 1861 à 1890, chanoine honoraire de Nantes et de Roseau dans les Antilles, apparait comme le principal acteur de la restauration de la Collégiale Saint-Aubin.

L

’édifice, suite à l’effondrement de la flèche avait souffert, ainsi qu’il le rapporta à l’évêque : « Le 28 novembre 1876, à 18 heures 15, pendant la prière du soir, la flèche s’écroule, […] entraînant avec elle dans sa chute, jusqu’à

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la base, une grande partie de la façade. (La) porte, si riche en sculptures, est à peu près anéantie ; le toit est brisé dans toute la partie qui touchait à l’entrée de l’église […] ». Pour l’abbé Plormel, Guérande, hautlieu de la chrétienté de Bretagne, apparaissait comme l’antichambre

du Ciel, car ainsi qu’il aimait à le clamer : « Après Guérande, le Ciel… ». Ce cri du cœur de l’abbé nous rappelle qu’au temps des princes bretons, Guérande, cité sainte de la Bretagne, était considérée comme une « Jérusalem céleste »…


La façade occidentale fut reconstruite puis l’on posa la verrière. De grands maîtres-verriers, tels Léopold Tolbin de Tours, furent approchés. Certains auteurs ont affirmé que le Tourangeau était le créateur de ce grand vitrail, mais, ainsi que le confirment les inscriptions figurant sur cette verrière, ce fut le projet des célèbres verriers Megnen, Clamens et Bordereau qui fut retenu après de mures réflexions. Les ateliers commodes de ce trio d’artistes, de renommée internationale, se trouvaient au n° 1 boulevard du Roi-René à Angers. Bien qu’il ne soit guère possible d’affirmer que l’abbé Plormel porta dès sa présentation le choix du projet des ateliers angevins, nous pouvons penser, à défaut d’en être l’instigateur, qu’il l’approuva fortement. Ce projet rendait hommage à la venue à Guérande le 8 avril 1418 du prédicateur saint Vincent Ferrier. Le célèbre dominicain aurait guéri sur le parvis de la Collégiale Notre-Dame, un possédé. Bien que plusieurs centaines de miracles lui fussent attribués, celui-ci apparait à géométrie variable, presque insaisissable. Certains auteurs présentent le miraculé sous les traits d’un homme, d’autres encore sous les traits d’une femme. Pareillement, si le miraculé apparait dans le vitrail comme un possédé, certains auteurs évoquent un paralysé… La verrière retenue par l’abbé Plormel et son équipe, illumine la Collégiale Saint-Aubin depuis l’année 1885.

qu’Urbain VI est reconnu en Italie, en Angleterre, en Scandinavie, en Europe centrale. À la mort de Clément VII (1394), les cardinaux avignonnais élisent l’espagnol Pierre de Lune qui prend le nom de Benoît XIII. Le nouveau pape avignonnais, rapidement reconnu comme un antipape, favorisa dès son élection le duché de Bretagne, territoire frontalier de la Normandie soumise à l’Angleterre et donc à Rome… L’historien B.-A. Pocquet du Haut-Jussé nous apprend1 « Benoît XIII, successeur de Clément VII, fit effort pour se concilier Jean IV. Il lui notifia avec empressement son élection et son couronnement. » Le 27 juillet 1398, Charles VI, roi de France par ordonnance, se retira de l’obédience du pape d’Avignon, sans se rallier à celle de Rome « dans l’espoir d’incliner, par cet acte d’intimidation, l’esprit de Benoît XIII vers la conciliation. Cet espoir fut déçu. » Le clergé breton quant à lui resta fidèle au pape d’Avignon.

Le monastère Saint-Yves L’année 1378 marque le début du Grand Schisme d’Occident. L’année précédente, le pape Grégoire XI quitte Avignon pour Rome et meurt l’année suivante. Les cardinaux électeurs traditionnels du souverain pontife se divisent et élisent successivement, en cette année 1378 un pape italien, Urbain VI qui résidera à Rome et un pape français, Clément VII qui, n’ayant pu s’installer à Rome, se retire à Avignon. Ainsi l’Église devient une Église à deux têtes bien séparées, telle fut l’origine du Grand Schisme qui secoua l’Occident. Clément VII reçoit l’appui de la France des Valois, de l’Écosse et des États ibériques, tandis

Ci-dessus : Sceau de Jean V de Bretagne, duc de Bretagne. Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois, dit Dom Morice (1693-1750)

Page de gauche : Saint Vincent Ferrier guérissant un possédé. Vitrail de la collégiale de Guérande. Réalisé par les peintres verriers Megnen, Clamens et Bordereau (1885)

Jean IV duc de Bretagne mourut la nuit de la Toussaint 1399. Son fils Jean V, né le 24 décembre 1389 n’a pas encore dix ans. Il succède à son père le jour de la Toussaint, mais régna tout d’abord sous la tutelle et le gouvernement de sa mère Jeanne de Navarre. 1 - Les Papes et les Ducs de Bretagne, Coop Breiz.

Placé sous la tutelle du duc de Bourgogne, il réside en France jusqu’à sa majorité de quinze ans puis rentre en Bretagne après avoir prêté hommage, le 7 janvier 1404, à Charles VI. Ainsi que nous l’apprend B.-A. Pocquet du Haut-Jussé : « Dès les premiers mois de son gouvernement, il envoya une ambassade saluer Benoît XIII. Le pape d’Avignon lui envoya une lettre le 18 octobre 1404 pour l’exhorter à soutenir sa cause auprès de Charles VI qui menait la politique de la soustraction d’obédience qui consistait à retirer son obédience au pape d’Avignon, mais aussi à celui de Rome, afin de les inciter à abdiquer. » L’abbé Nicolas Travers dans son « Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes – Tome I page 468 » écrit : « Au lendemain de la soustraction d’obédience Benoît XIII s’efforça par des faveurs spirituelles de s’attirer les bonnes grâces du duc de Bretagne dont l’appui près de la cour de France lui était nécessaire et dont les sujets lui avaient montré un attachement profond non moins que désintéressé. Jean V profita des heureuses dispositions du pape pour lui représenter qu’à Guérande où à quatorze lieues à la ronde il n’existait aucune maison dépendant d’un ordre mendiant. Et pourtant le pays d’alentour était très habité, fertile et riche ; située à courte distance de la mer, la ville était devenue un centre florissant de commerce si bien qu’on évaluait sa population à plus de trois mille âmes. N’y avait-il donc pas place pour un couvent de Dominicains qui porteraient la bonne parole aux habitants et desserviraient une église que le duc désirait élever en l’honneur de Dieu le Père, de Notre Dame et de Saint Yves ? « Benoît XIII jugea en effet que les conditions requises à la fondation d’une maison de mendiants étaient observées et permit au duc d’accomplir son pieux dessein. Mais, lorsque Jean V voulut établir les Dominicains vers 1406, le chapitre de la collégiale Saint-Aubin lui fit une telle opposition que la première pierre du couvent ne put être posée que le 16 mars 1409 et encore fallut-il verser aux chanoines une indemnité de 4 000 livres. Le couvent des Jacobins ou Dominicains de Guérande fut fondé en 1408, par le duc Jean V, qui en posa la première pierre ce 16 mars 1409, après avoir obtenu du pape Benoît XIII des bulles qui furent adressées à Gratien, Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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Journal d'un aumônier breton - 1850 (22e partie)

Christiane Marchocki

Comment imaginer un voyage aussi lent, une impatience contrôlée, l’isolement, le désert marin qui donne tant d’importance au moindre fait comme le passage d’un oiseau ?

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e que nous ne remarquons plus prend un relief oublié maintenant. C’est une image, on peut dire un « reportage » de la vie en mer que nos ancêtres connaissaient sur les

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grands voiliers. Pour qui connait la haute mer, ce texte est évocateur. Texte unique, personnel et inédit, si ce n’est dans cette revue. Les terres découvertes après de si longues traversées prenaient un relief et une saveur

intenses. Le contraste était saisissant en arrivant. Ci-dessus : La côte, près de Harper, au Libéria. Photo blk24ga

(CC BY 3.0)


24 novembre 1850 C’est le dimanche le plus mauvais jour de la semaine. Le roulis se faisant un peu fortement sentir pendant la messe, quoique j’eusse pris la précaution de demander à Mgr un petit missel et un petit pupitre, ils se renversaient dès que je cessais d’y tenir la main. La brise était assez fraîche et il y avait un tel courant d’air, que j’ai été contraint, pour qu’il ne m’arrivât un accident, de couvrir l’hostie de la patène. Mon assistance est toujours aussi peu nombreuse, et c’est pour moi chaque fois une peine nouvelle. Nous continuons notre navigation tranquille. Il n’y a presque rien à faire depuis deux jours si ce n’est que nous diminuons la toile tous les soirs et que le matin nous remettons nos bonnettes. La brise est égale, le temps un peu sombre, la température est douce. Quelque gaité revient aux matelots. Ils ont dansé hier. Leurs mousses ont joué au « saut-de-mouton » et, ce soir, tandis que les autres chantaient « il court, il court le furet » certains

avaient imaginé de faire une sorte de chameau avec trois hommes à la suite et recouverts d’une couverture. Ils se sont promenés en cet équipage accompagnés de grands éclats de rire provenant du gaillard d’avant et même du gaillard d’arrière. L’homme à la mer change : on s’inquiétait du sort du petit oiseau qui suivait la frégate depuis trois jours. On n’avait pas pu le prendre et on n’avait pas voulu le tuer. On craint que la fatigue, le froid et la pluie ne l’aient fait mourir. Un officier l’avait remarqué l’autre jour, le voilà mouillé et pouvant à peine voler. Il a eu tort de ne pas se confier à nous.

25 novembre 1850 Rien absolument de nouveau. Belle mer, bonne brise, température excellente. J’ai été surpris ce soir, quand, disant à un officier que c’était la température d’un beau jour d’été à Lorient, il me fit remarquer qu’elle était de 24à 25 degrés centigrades. Nous nous sommes donc déjà bien acclimatés. Nous n’avons vu aucune voile

depuis que nous avons quitté SaintPaul. C’est absolument comme si nous étions dans un désert.

26 novembre 1850 Même navigation. Le ciel était gris, mais la mer continuait d’être belle, la brise bonne, quoiqu’un peu plus faible, et, si nous avons perdu ce soir un peu de notre marche de ce matin qui était jusqu’à 7 nœuds, nous en filons 5, et cela, sans roulis, sans tangage, presque comme si nous étions mouillés dans une belle rade. Je fais ma petite classe aux matelots volontaires et désireux de s’instruire, puis je travaille le reste du temps dans ma chambre. Le temps ne me parait pas absolument lourd. Les occupations que je me suis données en diminuent le poids. Puissions-nous être à pareille époque, l’année prochaine, en France. Femmes et jeunes filles du Libéria, en costume de fête (1910). Photo Harry A. McBride

(Wikimedia Commons)

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L’HISTOIRE AU PRÉSENT

Et si nous parlions de notre patrimoine itinérant ? Aujourd’hui est la feuille de papier à cigarette entre hier et demain. L’Histoire est une vis sans fin : aujourd’hui devient hier, demain est presque aujourd’hui.

Bernard Tabary

i Saint-Nazaire possède un patrimoine essentiel, indiscutable, énorme, c’est bien celui de la construction navale. Saint-Nazaire a toujours vécu pour les bateaux. Petite paroisse coincée sur son rocher, puis commune à partir de 1789, sa population était composée principalement de pilotes de Loire et de lamaneurs. Dans les années 1860, Napoléon III décide d’en faire un port et un chantier de construction navale. Il n’imagine absolument pas l’ampleur que va

prendre cette activité, qui fera connaître Saint-Nazaire dans le monde entier et produira les navires les plus gigantesques. Les fleurons, quasiment mythiques : le Normandie en 1932, le France en 1960... Dans les années 1970, Saint-Nazaire se lance dans la course au gigantisme avec les quatre pétroliers sisterships – les quadruplés – Batillus, Bellamya, Prairial et Pierre Guillaumat, aux mensurations folles : longueur 412 m, largeur 63 m, charge 550 000 tonnes de pétrole, tirant d’eau 28 m. pour cette charge… !

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Des monstres ! Qui ne peuvent pas emprunter le canal de Suez ! Qui ne peuvent évidemment pas accéder à tous les ports… Et en cas de naufrage, que se passerait-il ? Une marée noire cataclysmique ? On se rend compte que la construction des supertankers est une fausse bonne idée. Une impasse.

Les Oasis

Mais un supertanker, qu’est-ce que c’est ? Une impressionnante quantité de tôles soudées. Ça se construit très vite, trop vite. Saint-Nazaire va alors opter – bonne pioche – pour la construction de navires beaucoup plus complexes, des paquebots (quelques-uns, dont le Queen-Mary II en 2003) et surtout, surtout, des bateaux de croisière : la croisière a le vent en poupe ; c’est une véritable frénésie. Cette frénésie est mondiale. Pour la satisfaire, il faut des bateaux de plus en plus nombreux – de plus en plus

grands : la course au gigantisme reprend, pour aboutir à la série des Oasis : longueur 362 m, largeur 63 m, 2700 cabines, jusqu’à 6300 passagers pour 2200 membres d’équipage. Près de 9000 personnes ! De véritables villes flottantes – je n’emploie pas l’expression par hasard ; elle est le titre d’un roman de Jules Verne paru en 1871. Une ville flottante s’inspire du géant Great Eastern, lancé en 1858, mais qui eut une carrière courte et chaotique (seulement 4 traversées de l’Atlantique). Ses concepteurs envisageaient (déjà !) 4000 passagers – ce qui n’est jamais arrivé ! Les deux premiers Oasis – Oasis of the Seas et Allure of the Seas – sont construits à Turku, en Finlande. Mais c’est Saint-Nazaire qui obtient la construction des deux suivants. Le troisième, Harmony of the Seas, commence sa carrière en mai 2016. Je l’ai vu sortir du port et passer derrière l’immeuble du Grand Large. Absolument impressionnant. Le quatrième,

Symphony of the Seas, a déjà quitté la forme de construction pour le bassin d’armement. Sa croisière inaugurale est prévue pour le printemps 2018. Demain…

Le Meraviglia (La Merveille)

J’ai été longtemps allergique – très allergique – à la croisière. Trop peu de temps aux escales, un cadre de vie assez guindé, plus ou moins snob, bon pour les riches ou pour ceux qu’avec condescendance on appelle les « anciens »… Jusqu’au jour où j’ai essayé, nous avons essayé… sur la pointe des pieds ! Je n’étais pas devenu riche, j’étais par contre en train de

Page de gauche : Le Meraviglia à quai - (La Valette - Malte). Ci-dessous : La piscine principale du Méraviglia - pont 12. Photos Bernard Tabary

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À LIVRE OUVERT

La Wekusta 2 au combat

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et ouvrage est remarquablement bien documenté, tant en cartes qu’en photos. C’est la guerre de 39-45 vécue par des aviateurs allemands dont l’action consistait à faire des relevés précis et fournir des indications scientifiques permettant des prévisions météorologiques, précisions nécessaires pour préparer des interventions militaires, selon les différents théâtres d’opérations. Toutes ces informations : pression atmosphérique, couches nuageuses selon l’altitude, direction et force des vents, degré d’humidité, nécessitaient la présence de spécialistes. Actuellement, la technologie permet des prévisions à plus long terme, les satellites jouent un grand rôle à grande échelle. Ils ont remplacé les « chasseurs de nuages » ainsi qu’on les nommait. La zone d’action des appareils de la Wekusta 2 était vaste, située en Atlantique, au large des côtes ouest-européennes. La présence et la position de convois maritimes alliés, ravitaillant le royaume uni, étaient aussi signalées.

Le texte n’est pas purement celui d’un documentaire. Lorsqu’on en commence la lecture, on est entraîné, on va jusqu’au bout, qu’il s’agisse d’un crash ou d’un atterrissage, on reste à bord. L’auteur, Pierre Babin, a effectué ses recherches dans les archives officielles aussi bien que privées, en Allemagne et auprès des pays alliés. Les références sont nombreuses. Il a retrouvé quelques anciens pilotes. Beaucoup d’entre eux ont disparu pendant le conflit. Pierre Babin

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a contacté leurs descendants, ceux-ci lui ont confié des photos et des récits, qui, sans lui, seraient restés ignorés. On peut suivre des biographies et des faits d’armes, les différentes procédures des atterrissages en catastrophe, les différentes manœuvres pendant les combats aériens. Qui dit Luftwaffe pour l’aviation allemande dit aussi RAF (Royal Air Force), qui avait créé le Météorological Flight, pionnière en 1925. Ils étaient tous destinés à se confronter dans les airs. Pour ceux qui ont vécu cette période, pas seulement entendue ou lue, les photos publiées dans ce livre rendent les acteurs réels, ils ne sont plus seulement des identités abstraites, anonymes, de celles dont on n’entendait que les moteurs au-dessus de la tête. Ces escadrilles étaient basées à Brest, Nantes, Mont-de-Marsan, Bordeaux. On retient le sauvetage de deux équipages d’aviateurs allemands, abattus, dérivant sur des canots pneumatiques, l’un troué de balles, à 500 km de la pointe de Penmarc’h, sauvetage réalisé par deux thoniers à voile, immatriculés à Concarneau, le « Laure Annic » et le « Raguenès ». Ceci entraîna la libération de cinq prisonniers français en Allemagne, habitant la bourgade de Nevez. Ce n’est qu’un aperçu, raccourci à l’extrême, d’un fait ponctuel. La lecture de ce livre apporte bien d’autres éléments qui incitent à la réflexion au sujet de l’humain capable du pire et du meilleur. C’est une découverte qui permet d’élargir l’approche historique de cette guerre de 39-45. Il en aborde un aspect peu connu. Cet ouvrage est important sur le plan local et international. L’un n’allant pas sans l’autre pendant une guerre mondiale. Retenons le nom de l’auteur : Pierre Babin.

Christiane Marchocki La Wekusta 2 au combat Pierre Babin Éditions Heimdal - 2016 - 200 pages Prix : 39,50 €

Michel Hervoche

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ichel Hervoche, auteur nazairien, a été, par la force des choses et l’irresponsabilité d’adultes, pupille de l’État, lui, ses deux frères et leur sœur, tous âgés d’un à sept ans. Le temps de la retraite venu, Michel Hervoche se consacre à l’écriture. Son ouvrage, Les trois pupilles de la Nation, nous révèle son enfance, les conditions matérielles, et, par-dessus tout, le manque de protection et d’affection familiales, les conséquences qui en découlent. Il nous révèle les souffrances morales endurées à ce jeune âge privilégié, celui de l’insouciance. D’où la nécessité de cette institution qu’est l’Assistance Publique offrant une sécurité relative. Les abandons d’enfants ne sont pas rares. Michel Hervoche publie d’autres livres. Son œuvre dépeint des récits de notre société assez peu connus, sinon par des spécialistes. On a tendance à ne pas trop vouloir s’y appesantir. C’est dérangeant. On y découvre des humains dignes d’estime et bien d’autres au comportement méprisable. Ces évènements se déroulent pendant les années 50 et au-delà. Les mentalités encore étroites, austères, sans pardon, dominent. Gare aux jeunes filles qui « commettent une erreur » souvent victimes d’adultes sans scrupules. Michel Hervoche dans son ouvrage Derrière les murs, nous fait pénétrer dans l’univers clos d’une sorte de refuge, le château d’Issé, où, désarmées, déshonorées, à l’écart de leur famille, elles donnent le jour à des enfants qui seront abandonnés dès leur naissance. L es plus chanceux sont adoptés, leurs mères biologiques étant dans l’incapacité de les élever. Le texte est dur, sans concession. Réaliste. L’inceste est évoqué, sans distinction de classe sociale. Michel Hervoche a aussi le goût des romans policiers, Saint-Nazaire l’égorgée en est un. On suit volontiers l’enquête de son personnage. Elle se déroule à Saint-Nazaire, qu’il connait bien, pendant la guerre de 39-45, sous l’occupation


L’Autre Rive

Du réel à l’imaginaire

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allemande. Les temps troublés sont favorables aux criminels. Il aborde, là aussi, les pires comportements humains. On apprécie la description, la peinture de Saint Nazaire et de sa région, son histoire, celle des chantiers de l’Atlantique, au cours de La croisière du commissaire, intrigue policière à bord d’un paquebot, qui y est né. Un autre roman, La loi du marais, nous promène, non seulement d’un suspect à l’autre, mais aussi de l’étang du Bois Joalland à celui de Guindreff, en passant par la grande Brière. On est chez soi en quelque sorte. Si vous êtes amateurs de faits historiques, de narrations d’un réalisme sans ménagements, ou si vous aimez, dans un labyrinthe, trouver la solution d’une énigme inquiétante, le réel et l’imaginaire se mêlant, et vous promener dans cette région que vous connaissez bien, Michel Hervoche saura vous accompagner au long de ses récits.

o n s e u l e m e n t B e r n a rd Tabary signe des articles pour Histoire et Patrimoine, mais il signe aussi des livres. L’autre Rive, apologue, fable pour nous, est un ouvrage hors du commun. Bernard Tabary nous transporte, au sens propre comme au figuré, en un lieu imaginaire, un îlot non identifiable, perdu dans l’océan indien, où se déroulera l’action : recherche de l’absolu, pendant un temps indéterminé, puisque pour les deux personnages en présence, le temps n’existe pas. Lama bouddhiste, venu du Tibet et moine dominicain, embarqué à Séville, apportés par la tempête, chacun la sienne, conduits par leur parcours philosophique, chacun le sien, échoués là pour toujours, vont, dans un dialogue mystique, échanger, comparer sans fin. On peut penser à cette règle des trois unités, préconisée au XVIIe, âge du classicisme. Dès les premières lignes, le ton est celui d’un conte. Puis il évolue, devient sérieux. Au fil du récit, l’histoire se précise, nous entraîne dans un monde immatériel.

Le style, à la fois, léger et savamment raffiné, laisse transparaitre un sourire, humour bienveillant que permet un certain recul avec le thème. L’exotisme, les couleurs, un halo poétique peignent le cadre de cette introspection et confrontation. L’aspect romanesque s’estompe, devient anecdotique. La spiritualité, la théologie, l’analyse, prennent le dessus. La méditation l’emporte. Le titre de l’ouvrage L’autre Rive prend tout son sens. Tous deux issus et venus de leur continent, aux antipodes l’un de l’autre, leur civilisation, leur pensée, le sont aussi. Ils se retrouvent dans la même soif de savoir, la même quête d’absolu. Leurs méditations don nent l ieu à des écha nges passionnants. Partant l’un et l’autre de leur propre univers de pensée particulier, ils se rejoignent sur une autre rive. Le lecteur attentif n’en sort pas indifférent.

Christiane Marchocki

L’Autre Rive Bernard Tabary Les impliqués Éditeur 220 pages - septembre 2017 Prix : 20,50 €

Christiane Marchocki Opéra Éditions Prix : de 15 à 18 €

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SORTIES CULTURELLES

Du manoir de Kerminguy aux traces de Napoleon Élisa Baciocchi Sortie, à la journée, du dimanche 1er octobre 2017

Christiane Marchocki

I

maginez un manoir en partie écroulé, les traces d’un incendie encore apparentes, des ronces et des arbustes prêts à l’envahir, un air de noblesse, une beauté surannée, planant sur ces vestiges : c’est ce que découvrirent M. et Mme Hertmann, en arrivant au manoir de Kerminguy.

Il faut une grande patience, soutenue par ce sentiment irrationnel qu’est la passion, pour, non seulement désirer, mais entreprendre la restauration complète d’un monument historique plus ou moins oublié. Nous, adhérents de l’APHRN, motivés par la curiosité, par l’attachement aux lieux anciens, tout empreints de leur histoire, nous nous dirigeons vers le manoir de Kerminguy, situé à GrandChamp dans le Morbihan. Accueillis avec chaleur et amabilité, nous pénétrons dans cette vénérable habitation. Nos hôtes la connaissent pierre par pierre pourrait-on dire. Nous les écoutons attentivement. Il serait difficile de tout retenir. Le XVe siècle est la date de naissance de cette seigneurie qui avait droit de haute justice. En réalité, ce domaine est plus ancien. Il ne peut pas tout à fait cacher son âge : il existe une motte féodale à un kilomètre d’ici. Par les étroites ouvertures, qui n’ont pas été modifiées, Une vue du manoir de Kerminguy. nous apercevons les vestiges d’un fournil, un bois Photo Dominique Sénéchal occultant un étang, une fontaine, bien entendu

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une fuie, et, émergeant d’une période encore plus reculée, une stèle gauloise. C’est un endroit fréquenté. Un grand âge sous-entend toujours de nombreux épisodes vécus il y a longtemps. À la tête de ce domaine apparaissent de grands noms : Geoffroy de Lanvaux, Alain 1er de Rohan au XIIe siècle, André de Laval au XVe. Une porte d’origine nous laisse pénétrer dans la salle basse assez sombre, mais réchauffée par une magnifique et grande cheminée, ceci, pour la tradition et le respect de la vie d’antan. De chaque côté de l’étroite fenêtre des « coussièges » intégrés dans l’épaisseur de la construction, invitent à s’assoir. Actuellement, le chauffage moderne se fait par le sol et les murs. Un escalier à vis, construit simultanément avec la tour qui l’abrite, travaux grandioses, mène au niveau supérieur. Une petite tour de guet a été ajoutée à son sommet. Dehors, notre attention est attirée par les marques de l’incendie, cause de la destruction d’une aile. Dans la grange, des plans, des photos, des commentaires, un historique aussi complet que complexe sont exposés. Cependant, chose plus prosaïque, notre appétit nous incite à nous diriger vers un bon restaurant, choisi par les organisateurs. Ce n’est pas sans regret que nous nous séparons de tous ces murs anciens et évocateurs. En route pour Colpo. Colpo, bien curieuse petite agglomération de 1809 habitants. C’est une rencontre inattendue, imprévisible. Ce ne sont pas les petites rues sinueuses que l’on pourrait imaginer, c’est une large avenue rectiligne, arborée, calme, une avenue faite pour des défilés officiels que nous remontons. Ici, ce sont les terres d’une princesse : Napoléon Élisa Baciocchi, nièce de Napoléon Ier et cousine de l’Empereur Napoléon III, née en 1806 en Italie. 1857, son oncle, l’Empereur, lui demande de partir pour la Bretagne afin de préparer le prochain voyage des souverains. Préparation psychologique, colorée de politique, ainsi qu’il est coutume. Napoléon Élisa Baciocchi, de tempérament dominateur, libre de mœurs et directe en paroles, sa personnalité marquante détonne parmi les


Ci-contre : Le groupe de l’APHRN écoute, dans l’église de Colpo, les explications de Jean-Étienne Picaut. Ci-dessous, à gauche : La mairie de Colpo. Ci-dessous, à droite : Le tombeau de Napoléon Élisa Baciocchi, dans l’église de Colpo, réalisé à l’image de celui de son oncle, Napolén Ier, aux Invalides. Photos Dominique Sénéchal

dames de la Cour, plus discrètes, apparemment. Elle découvre et achète, sur la commune de Grand-Champ, quelques centaines d’hectares de terres incultes, marécageuses où vit une population pauvre et démunie. Elle décide de s’y établir. Colpo nait. Soutenue per l’Empereur, elle construit, sur des troncs d’arbre enterrés pour les fondations, l’église N.D. de l’Assomption, la chapelle méridionale du chœur abrite son mausolée : un aigle impérial monte la garde. Elle construit un hôpital qui deviendra l’école de filles, une gendarmerie, une ferme expérimentale impériale… Au milieu d’un parc aux essences rares, venues du jardin des plantes de Nantes, elle plante son château, de style Louis XIII, relié directement aux Tuileries par le télégraphe. Que ne lui doit-on pas… Pour disposer de main d’œuvre, elle verse des salaires une fois et demi plus élevés que ceux en vigueur : la population augmente. Le droit de grève est accordé. Elle fait

en sorte de fournir l’outillage et les techniques les plus modernes de son temps, améliorant le niveau de vie des paysans. Elle crée des concours agricoles, encourage l’élevage, rien ne lui résiste, elle encourage l’ostréiculture, le reboisement… En résumé, elle donne une impulsion nouvelle à l’économie bretonne. Nous parcourons Colpo, la seule commune, v ra isemblablement, arborant l’aigle royal, entouré de lauriers, au fronton de la mairie. Sur la place, le buste de la princesse voisine une fontaine. Nous terminons notre passage par la visite d’une exposition permanente, où sont conservés des souvenirs de cette époque, en particulier, des photos de cette dame hors du commun qui portait bien le nom de Napoléon Élisa. Elle avait les qualités d’un chef. 15 000 personnes l’accompagnèrent le jour de ses obsèques. Nous, nous rejoignons notre région nazairienne et presqu’île guérandaise, heureux de cette nouvelle escapade originale, organisée par Nicole et Claude, que nous ne manquons pas d’applaudir.

Christiane Marchocki Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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SORTIES CULTURELLES

Balade en estuaire

(Canal de la Martinière – Couëron) Sortie, à la demi-journée, du vendredi 20 octobre 2017

Bernard Tabary

N

ous ne sommes qu’une petite vingtaine à nous garer sur le parking de la machinerie. Contents de l’état du ciel : la météo n’était pas très rassurante ; mais le temps va être excellent tout l’après-midi – et il y aura une jolie cerise-surprise sur le gâteau ; il faudra attendre la fin de l’article pour la découvrir.

La Martinière

Pourquoi La Martinière ? La Martinière est un village tranquille, rattaché à la commune du Pellerin, sur la rive sud (gauche) de la Loire. Mais ce village se trouve au bout d’un canal d’une quinzaine de kilomètres qui relie Le Carnet (entre Paimbœuf et Frossay) au Pellerin. Son nom officiel est Canal Maritime de Basse-Loire ; la plupart du temps, on dit Canal de La Martinière… Ah ! Un canal ? Pour quoi faire ? Amandine, employée de l’Estuarium (un organisme qui s’intéresse à l’estuaire de la Loire sous tous ses aspects), est là pour répondre à nos questions ; et elle le fait bien. On l’a creusé, paraît-il, à cause de Nantes – mais Nantes est situé à une vingtaine de kilomètres de La Martinière, loin du canal ! Revenons en arrière, au XVIIIe siècle, vous allez comprendre. Nantes est alors l’un des plus L’écluse de la Martinière. importants ports de France ; un port fluvial, un carrefour : l’Erdre au nord, la Loire à l’est, Photo Bernard Tabary

la Sèvre au sud, l’estuaire à l’ouest. Des voiles partout, une circulation intense. Mais on voit déjà venir des problèmes à l’ouest : l’estuaire, dont la forme a beaucoup évolué au cours des siècles, s’envase, s’envase inexorablement, et la circulation y devient de plus en plus délicate et même dangereuse. Bientôt les bateaux ne pourront plus passer et ce sera l’asphyxie du port de Nantes. C’est que l’estuaire est l’ouverture sur le monde. Sans cette ouverture – importations, exportations – Nantes ne pourra plus commercer avec les provinces maritimes françaises ni avec l’étranger... À moins que… L’idée d’un canal commence à poindre au XVIIIe siècle – prospections, études, projets : il y faut du temps. Elle éclot au XIXe. La décision est prise en 1879 et les travaux commencent en 1882. C’est un gros chantier de 1200 ouvriers, qui va durer dix ans. Le canal est ouvert en 1892, sauvant le port de Nantes : les bateaux peuvent désormais parcourir l’estuaire, dans un sens et dans l’autre ; Nantes retrouve sa vigueur. Le trafic sur le canal est intense jusqu’en 1913, où tout s’arrête brusquement. C’est absurde ! Non, c’est le progrès : on a trouvé un moyen efficace pour rendre l’estuaire navigable : le dragage. On en a les outils, qui vont évidemment se perfectionner très vite. Résultat : le chenal remplace le canal. Définitivement. Le trafic continue, s’intensifie, par le chenal régulièrement dragué. Le canal, lui, est devenu obsolète. Désormais le canal de La Martinière va servir de lieu de stockage, de cimetière pour les grands voiliers (on passe au bateau à vapeur) ; au milieu du XXe, il accueille du matériel militaire de l’OTAN. Aujourd’hui, il est devenu une zone de divertissement : promenades, espaces verts… Et il participe à la régulation hydraulique du Pays de Retz…

La machinerie

En fait, nous ne visitons pas l’ensemble du canal, mais son extrémité est : l’écluse et sa machinerie (Fives–Lille 1891), très moderne pour l’époque et qui fonctionnait à la vapeur. L’installation est toujours en place, mais, évidemment, la partie extérieure ne fonctionne plus. L’écluse est impressionnante ; elle était capable d’accueillir des

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bateaux de 123 m de long ! On y remarque aujourd’hui un étrange bateau mou (titre officiel : misconceivable – inconcevable), reste, parmi d’autres, d’un Parcours de Loire de l’art contemporain. La partie intérieure est remarquablement conservée – comme neuve malgré ses 126 ans. Repeinte régulièrement, avec des cuivres qui étincellent… Vous aimez les cuivres rutilants ?Pour éviter leur oxydation rapide, ne les touchez pas.Si vous y tenez vraiment, nous vous fournirons chiffons et produits.L’huile de coude restant à votre charge. On a l’impression que la machine à vapeur va se mettre en route… Une pièce à part, remplie de panneaux bien illustrés, donne tout un tas de renseignements sur le passé et le présent du lieu. Si vous n’avez pas participé à la demi-journée, n’hésitez pas à vous rendre sur les lieux et à visiter tout le secteur du canal, y compris Buzay, Le Migron et Le Carnet, où nous ne sommes pas passés. Si vous voulez vous attarder sur la machinerie, il faut être un groupe entre 10 et 20 personnes et réserver au 09 83 00 71 80 ou envoyer un mail à estuarium@estuarium.fr.

habilitation. Le fleuron en est l’étonnante Tour à plomb – Monument historique, 69 m de haut. On y fabriquait (ne me demandez pas comment) des plombs de chasse. Le vieux bâtiment qui la jouxte a été tout récemment transformé en vaste médiathèque – on a su faire du neuf avec du vieux – dont l’entrée donne sur la place des Douze Femmes en colère, rappel des luttes ouvrières de la fin du XXe… Puis une petite balade sur le bord de l’estuaire nous amène juste en face de la Maison dans la Loire, de Jean-Luc Courcoult, une autre œuvre originale du Parcours de Loire de l’art contemporain. D’abord installée à Lavau, elle s’est finalement ancrée, à Couëron.

Ci-dessus : La cheminée de la machinerie de l’écluse de la Martinière. Ci-contre : En attendant le passage du bac, au Pellerin. Ci-dessous : Le Belem remonte la Loire, à Couëron. Photos Bernard Tabary

La cerise…

Couëron

Pour aller à Couëron, il faut franchir la Loire. Et, bien sûr, nous prenons le bac au Pellerin. C’est très vite fait, l’attente est modérée. Et on ne paie pas ! Pas seulement nous, privilège d’historiens en herbe : tout le monde. Les Bacs de Loire Le Pellerin/Couëron et Indret/Basse-Indre, sont devenus propriété du Conseil Départemental et sont mis gratuitement au service du public. Nous faisons un petit arrêt à Port-Launay (c’est déjà la commune de Couëron) pour prendre conscience des fluctuations de l’estuaire de la Loire. Port-Launay n’est plus un port : il se trouve à un demi-kilomètre de la Loire. Son titre de gloire est d’avoir accueilli, de trois à dix-huit ans, le très célèbre Jean-Jacques Audubon, remarquable ornithologue et peintre animalier, né en Haïti 1785 et mort aux USA – New York 1851. À Couëron, nous nous arrêtons assez longuement sur une friche industrielle en cours de ré-

C’est alors que notre – excellent(e) – guide, Amandine, nous signale que le Belem est en train de remonter la Loire et va passer devant la Maison à 18 H 15. Il fait beau, il fait bon ; évidemment, nous restons à l’attendre. Et le fameux trois-mâts fin comme un oiseau, hisse et ho !, passe devant nous à l’heure dite. Pas toutes voiles dehors quand même. Le ciel est tout bleu. Ça valait la peine de patienter un peu.

Bernard Tabary

Histoire & Patrimoine - n° 91 — janvier 2018

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Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne

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Les articles sont publiés sous l’entière responsabilité et propriété de leurs auteurs. La publication partielle, ou totale, des articles et illustrations parus dans HISTOIRE & PATRIMOINE est interdite.

Illustration : Vue de la place Fernand Guériff, près de l’étang du Bois Joalland, non loin du bourg de l’Immaculée, à Saint-Nazaire.

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— Histoire & Patrimoine - n° 91 janvier 2018


Le monument commémoratif de l’Opération Chariot et la place du Commando, à Saint-Nazaire, au début des années 60. Collection Patrick Pauvert


Impression Pixartprinting - Réalisation Tanguy Sénéchal

HISTOIRE & PATRIMOINE n° 91 - janvier 2018 - 10 €

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ISSN : 2116-8415

Panneau décoratif réalisé par Jacques Cardin. Il était directeur de l’École de peinture décorative, sise au 16 rue Charles Brunelière, à Saint Nazaire, créée par lui en 1958, qui a fonctionné jusqu’en 1963 (6 promotions). Ce travail artistique a été effectué à la peinture glycérophtalique, sur papier kraft de 100 x 65 cm. Il était utilisé comme modèle, pour les exercices pratiques, par les élèves de la 3e promotion de l’école (1960/1961).


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