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CHRONIQUE JURIDIQUE

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ARTICLE 1

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La garantie de qualité en matière immobilière

Avec la surchauffe immobilière qui règne depuis plusieurs mois déjà, il est devenu pratique courante d’acheter ou de vendre une propriété sans la garantie légale afin d’être compétitif sur le marché. Cette garantie qui est prévue par la loi protège les acheteurs de toute défectuosité anormale et rend le vendeur de la propriété responsable de la valeur des travaux correctifs. Cette garantie légale prévoit deux couvertures possibles: la garantie légale de qualité1 et la garantie légale de propriété2. Les impacts d'une renonciation à une telle garantie peuvent être considérables et il est important d’en comprendre les implications afin de prendre une décision éclairée pour l’une des transactions les plus importantes d’une vie.

La garantie légale de qualité

Cette garantie vise des déficiences qui affectent la qualité même de la propriété. Il peut s’agir par exemple d’une fissure sur le solage, d’une toiture qui coule et des moisissures sous le plancher flottant. En présence de tels vices, un acheteur ayant acquis une propriété avec la garantie légale pourra réclamer à son vendeur la valeur des travaux correctifs si le problème se qualifie de vice caché selon la définition qu’en fait le Code civil du Québec3 , lequel prévoit quatre critères afin de qualifier un problème de « vice caché ». Le problème découvert doit être : 1) Grave : le vice doit réduire considérablement l’utilité ou l’usage du bien. 2) Antérieur à la vente : le vice doit être existant avant que le nouveau propriétaire ait fait l’acquisition de la propriété. 3) Inconnu de l’acheteur lors de la transaction. 4) Non apparent pour un acheteur prudent et diligent. Il est important de noter que la connaissance ou non du vice par le vendeur lors de la vente n’est pas pertinente dans le cadre d’un recours en vice caché fondé sur la garantie légale. Ceci veut dire qu’il est fort possible qu’un vendeur ne soit pas au courant d’un problème affectant la qualité de la propriété, mais sa responsabilité sera tout de même engagée si ce problème respecte les quatre critères du vice caché ci-haut mentionnés. En vendant la propriété avec la garantie légale, le vendeur se porte donc automatiquement garant de la qualité de l’immeuble, et ce, peu importe s’il était au courant des vices découverts ou non.

1 Article 1726 du Code civil du Québec, ci-après « C.c.Q. » 2 Article 1725 C.c.Q. 3 Idem, supra note 1.

La garantie légale de propriété

Ce deuxième volet de la garantie légale vise le droit de propriété de l’acheteur. Elle assure notamment que l’immeuble soit libre de tous droits, autres que ceux déclarés par le vendeur et qu’il ne fasse l’objet d’aucun empiètement ni de limitations de droit public. Il peut s’agir par exemple d’une situation où les nouveaux propriétaires d’une maison apprennent que leur piscine creusée est trop proche des voisins et déroge ainsi aux limites de distance imposées par la municipalité. Un autre exemple est celui de nouveaux propriétaires d’une maison bigénérationnelle qui reçoivent un avis de non-conformité de la Ville voulant que le deuxième logement ne respecte pas certaines restrictions règlementaires. Un vendeur ayant vendu la propriété avec la garantie légale sera responsable des frais correctifs dans ces cas de violation au droit de propriété. Afin de réclamer de tels frais, l’acheteur devra démontrer les mêmes quatre critères vus précédemment. Pour cette raison, le notaire responsable de la transaction immobilière pourrait proposer une assurance-titre. Cette assurance pourrait couvrir certains frais en cas de telles irrégularités.

Les impacts juridiques d’un achat sans garantie légale

Les parties à une transaction peuvent renoncer à la garantie légale. Dans ce cas, l’acte de vente notarié devra stipuler que la transaction est effectuée « sans garantie légale et aux risques et périls de l’acheteur ».

Pour un acheteur, une difficulté majeure s’ajoute dans le cadre de ce type de transaction. Le vendeur sera responsable des vices de qualité ou des irrégularités au niveau de la propriété uniquement s’il était au courant desdites déficiences et qu’il a volontairement omis d’en aviser l’acheteur. Il s’agit alors d’une situation où le consentement de l’acheteur a été vicié par la mauvaise foi et les mensonges du vendeur. Le recours juridique dans ce cas n’est plus un recours en vice caché pur tel que vu précédemment, mais plutôt un recours en vice de consentement causé par le dol4. Un acheteur devra supporter le fardeau de prouver que le vendeur était bien au courant de la situation et a manifestement camouflé le problème afin de l’induire en erreur. La démonstration de la connaissance du vendeur peut être un lourd fardeau. Il ne suffit pas de présumer que le vendeur était nécessairement au courant du problème puisqu’il habitait dans la propriété avant de la vendre. Cette présomption ne serait pas suffisante pour alléguer un vice de consentement causé par le dol. La preuve doit être concrète, en voici quelques exemples. Il peut s’agir d’un vendeur qui aurait fraîchement peinturé par-dessus des tâches d’efflorescences sur un mur afin de camoufler un problème d’infiltration d’eau. Également, un acheteur qui découvre des trappes à souris et du poison dans le grenier pourra aisément prouver la connaissance de l’ancien propriétaire d’un problème non déclaré d’infestation de rongeurs. Dans le cas, par exemple, d’un nouveau propriétaire qui reçoit un avis de non-conformité de la municipalité concernant l’emplacement de son garage, il aura tout à gagner de vérifier avec celle-ci si des avis similaires avaient été envoyés à l’ancien propriétaire et si des échanges à cet effet avaient eu lieu. Dans l’affirmative, cela pourrait constituer une démonstration de la connaissance du vendeur de l’irrégularité et de son défaut volontaire de ne pas la déclarer. Dans le cadre d’une transaction effectuée sans la garantie légale, c’est donc uniquement en présence d’une telle démonstration d’omissions et de mensonges par l’ancien propriétaire que l’acheteur pourra lui réclamer la valeur des travaux correctifs pour remédier à la problématique. Considérant qu’une majorité de transactions sans garantie légale sont effectuées dans le cadre d’une succession, il est quasi-impossible dans ce cas de démontrer que les vendeurs étaient au courant des irrégularités, puisqu’il s’agit souvent des héritiers ne vivant même pas dans la propriété. Considérant les implications d’une transaction sans garantie légale et la réalité du marché immobilier actuel, les acheteurs ont la lourde tâche de décider si leur coup de cœur pour une propriété est assez important pour accepter de vivre un risque financier dans les prochaines années.

Si vous avez des questions sur ce sujet ou sur toute autre question juridique, vous pouvez contacter les avocats de votre ligne d’assistance téléphonique juridique gratuite du lundi au vendredi de 8 h à 18 h en composant le 1-877-579-7052.

4 Article 1401 C.c.Q.

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