animan 232 français

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Japon

LA PETITE SIBÉRIE NIPPONE

France CORDOUAN, DERNIER PHARE GARDÉ D’EUROPE

Polynésie

LES JARDINIERS DU CORAIL

Soudan

AU PAYS DES PHARAONS NOIRS

Suisse SUR LA TRACE DES BERGERS TRANSHUMANTS

LES BEAUTÉS DU MONDE

9771660102007 00232
N° 232 DÉCEMBRE 2022-JANVIER
Portfolio PREMIÈRE NEIGE DE JÉRÉMIE VILLET
2023 CHF 17.–

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RÉTROSPECTIVE UNE BELLE ANNÉE SUR LES ROUTES DU MONDE

Chères lectrices, chers lecteurs, L’approche des Fêtes est traditionnellement un moment où l’on aime regarder en arrière pour mesurer le chemin parcouru et se remémorer les moments marquants de l’année. Je me livre à l’exercice au moment d’écrire ces lignes, repensant à tous les beaux sujets publiés dans Animan au cours des douze mois qui se sont écoulés. L’étau de la pandémie s’étant enfin desserré, les voyages vers de nombreux pays restés fermés au tourisme ont pu reprendre. À la rédaction, nous avons accueilli avec bonheur la nouvelle et reçu un nombre important de propositions de reportages venues des quatre coins du globe, du Portugal au Botswana en passant par l’Arabie saoudite, sans oublier bien sûr la Suisse, qui ne cessera jamais de nous surprendre. Le plaisir de partager nos coups de cœur et de vous raconter des histoires originales montrant le lien fort qui unit encore l’homme à la nature sont notre moteur au quotidien.

S’il est temps de dire sereinement au revoir à 2022, c’est aussi celui de se réjouir de la nouvelle année sur le point de commencer. Espérons que malgré un contexte marqué par l’incertitude, 2023 sera un beau millésime, riche de voyages et de découvertes.

Meilleurs vœux à vous et à vos proches au nom de toute l’équipe d’Animan!

Troupeau de moutons transhumants dans le Jura.

© Jérômine Derigny

GRAND ANGLE • • 3
Grand angle

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JAPON

Hokkaido, la petite Sibérie nippone

Carnet de route

Loin des métropoles de l’archipel, l’île du nord dévoile ses charmes en hiver, lorsque le gel et la neige y composent des paysages d’une élégance absolue.

Par Marie Paturel et Hemis

FRANCE

Les derniers gardiens du phare de Cordouan

Surnommé le «Versailles des mers», ce phare au large de l’estuaire de la Gironde est le dernier d’Europe à bénéficier d’une présence humaine à l’année.

Par Thibaut Vergoz et Zeppelin

PORTFOLIO

RÊVES DE NEIGE

Arpentant les contrées les plus reculées, Jérémie Villet se sert de la neige pour créer des compositions poétiques magnifiant la faune sauvage.

Par Jérémie Villet

POLYNÉSIE

L’appel du récif

À Moorea, le collectif des Coral Gardeners s’engage pour la sauvegarde des récifs coralliens, essentiels aussi bien pour la vie dans les océans que sur la terre. Par Julien Girardot

SOUDAN

Dans l’ancien royaume des pharaons noirs

Des temples de Méroé aux dunes du désert de Nubie, le nord du pays abrite des merveilles naturelles et culturelles dont certaines sont inscrites à l’Unesco. Par Laurent Nilles

SUISSE

Sur la trace des bergers transhumants

L’hiver dernier, deux bergers ont parcouru 150 kilomètres à travers les montagnes du Jura pour faire paître leur troupeau de 400 moutons.

Par Arnaud Guiguitant et Jérômine Derigny • Collectif Argos

Légende de la couverture: Harfang des neiges. © Jérémie Villet

4 • • CARNET DE ROUTE
35 52 72
22 62

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POLYNÉSIE FRANÇAISE

LA FACE CACHÉE DU SURF

Cette image spectaculaire a valu à Ben Thouard de remporter le premier prix du concours The Ocean Photographer of the Year 2022. Basé en Polynésie française, le photographe français documente depuis plusieurs années le quotidien des surfeurs, une communauté à laquelle il appartient de longue date et qui le fascine. Le cliché montre le moment où un surfeur est malmené par les turbulences de l’une des plus grosses vagues du monde, celle de Teahupo’o, à Tahiti. «C’est la partie invisible du surf», souligne le natif de Toulon qui a reçu sa première planche à l’âge où la plupart des enfants apprennent à faire du vélo. Ben Thouard a également commencé très jeune à peindre l’océan et les vagues, avant de se tourner vers la photographie. Ce médium lui permet aujourd’hui de représenter son milieu de prédilection avec une maîtrise et un sens artistique qui n’ont pas tardé à le faire connaître dans le monde entier. Paru en 2021, son livre Turbulences, entièrement consacré à la mythique vague de Teahupo’o, révèle l’étendue de son talent, donnant à voir 75 images d’une beauté surnaturelle, dans la droite ligne de celle qui lui vaut de remporter ce prix, un de plus dans sa carrière.

www.benthouard.com

6 • • ZOOM
L’IMAGE INSOLITE
Zoom

Nous soutenons l’agriculture et la production dans les pied et lui avons offert un débouché pour ses produits.

Se 48/22

Tendances

Le temps de l’actualité

SWISS PRESS PHOTO 2022

Pour la neuvième année consécutive, le Château de Prangins propose conjointement deux expositions consacrées à la photographie de presse: Swiss Press et World Press Photo. Ces éditions 2022 offrent une rétrospective en images de l’actualité mondiale de 2021. Au travers des clichés présentés, le public pourra découvrir une multitude de perspectives et de points de vue sur les événements marquants survenus tout au long de l’année dernière. Les œuvres primées racontent des histoires courageuses, évoquent des actions remarquables et traduisent une grande diversité dans l’appréhension de la réalité. Exposition World Press Photo à voir jusqu’au 18.12.2022, exposition Swiss Press Photo à voir jusqu’au 26.02.2023, informations et horaires sur www.chateaudeprangins.ch

Le temps de photographier UN ZOOM À TOUT FAIRE

Le temps de concourir QUAND LES OISEAUX PRENNENT LA POSE

Référence mondiale de la photographie naturaliste, le concours de la Station ornithologique suisse de Sempach a pour but de montrer la beauté et la diversité de la gent ailée pour attirer l’attention du public et ainsi faire aboutir ses efforts de protection et de conservation. Près de 9800 clichés ont été soumis au jury lors de l’édition 2022, ce qui constitue un record absolu. La photo de Mateusz Piesiak, qui a remporté le premier prix, montre une grande aigrette immobile au milieu d’une nuée de mouettes. Ce cliché magistral présente trois plans de lecture composés de plusieurs niveaux de netteté et de flou artistique, une prouesse technique difficile à maîtriser. www.vogelwarte.ch

Le SIGMA 100-400 mm F5-6,3 DG DN OS | Contemporary est le premier ultra-téléobjectif de la marque pour les appareils photo plein format sans miroir. Offrant des performances optiques exceptionnelles tout en demeurant léger et compact, il permet d’atteindre une qualité d’image équivalente à celle des objectifs zoom standard, comme le SIGMA 24-70 mm F2,8 DG DN | Art dont il est le complément télé idéal. Les technologies de pointe en matière de conception optique

garantissent une qualité d’image haute résolution et riche en contrastes sur toute la plage de focales. Le bokeh et l’effet de compression propres à un ultratéléobjectif ouvrent de nombreuses possibilités de création passionnantes, que ce soit dans les scènes de la vie quotidienne, les randonnées photographiques ou encore la photo animalière. www.sigma-romandie.ch

8 • • TENDANCES
© Mateusz Piesiak
© Sigma
© Gaëtan Bally © Niels Ackermann/Lundi13

Tendances

Le temps d’admirer

SAGAS ISLANDAISES

Grand reporter, photographe et journaliste, Olivier Joly, qui a signé le magnifique article sur la transhumance en Islande dans le numéro 231, est un inconditionnel de cette île battue par les vents dont il arpente les pistes et les sentiers depuis dix ans avec son appareil photo en bandoulière. Adepte de la photographie en noir et blanc, il vient de publier Sagas, un nouvel ouvrage édité par la maison Hemeria, spécialisée dans la photographie, au rendu à la fois artistique et brut comme un champ de lave. Ce bel objet (140 photographies N&B, impression en trichromie, effet tirage photo baryté) séduira bien sûr les amoureux de l’Islande, mais aussi les amateurs de photographie et de grands espaces, de voyages intérieurs et de mythologie nordique. Pour commander le livre: www.hemeria.com

Le temps de s’évader

QANGA LE VOYAGE AU FIL DU TEMPS

Les Musées cantonaux regroupés au sein du Palais de Rumine (histoire, géologie et zoologie) à Lausanne présentent dans leurs grandes salles une exposition originale sur le Groenland. Intitulée «Qanga», qui signifie «autrefois» en kalaallisut, celle-ci donne un vaste aperçu de l’histoire du Groenland, traitant aussi bien de l’époque des premiers chasseurs-pêcheurs qui ont immigré du Canada actuel il y a 4500 ans que des enjeux du XXIe siècle, sans oublier bien sûr l’arrivée des Vikings puis des premiers missionnaires et colons danois. L’exposition se fonde sur quatre bandes dessinées réalisées par l’artiste groenlandais Konrad Nuka Godtfredsen, en collaboration avec des archéologues et des historiens danois, et qui sont associées à une extraordinaire sélection d’objets historiques et archéologiques, de minéraux, d’animaux et d’œuvres d’art du Groenland. Issus des réserves de musées suisses et danois, beaucoup n’ont jamais été présentés au public. Exposition à voir jusqu’au 29 janvier 2023, informations et horaires sur www.palaisderumine.ch

Le temps de s’interroger EXPOSITION HELVÉCIA

Dans son exposition photographique «Helvécia. Une histoire coloniale oubliée», le Musée d’ethnographie de Genève lève le voile sur un aspect peu connu de l’histoire helvétique. Si la Suisse n’a jamais eu de pays placés sous sa domination, elle a néanmoins collaboré avec des puissances coloniales à l’appropriation de terres étrangères et à la pratique esclavagiste. Helvécia est une ancienne colonie germano-helvétique nommée à l’origine Leopoldina et dont le nom actuel garde le souvenir de l’une de ses plantations baptisée ainsi par un colon suisse. Fondée en 1818, la bourgade se développe avec la culture du café dont elle produit plus de 90% pour l’État de Bahia jusqu’à devenir l’un des plus importants exportateurs de café du Brésil au milieu du XIXe siècle. Cette réussite est due à l’exploitation à grande échelle de personnes esclavisées, une pratique soutenue par le gouvernement fédéral de l’époque, comme le révèlent certains documents d’archives. En 1888, la loi abolissant l’esclavage au Brésil sonne le glas de la colonie. Depuis leur rencontre fortuite avec ce village, le photographe Dom Smaz et la journaliste Milena Machado Neves se sont attelés à faire connaître l’histoire d’Helvécia en jetant un pont entre son passé colonial et le présent.

Exposition à voir jusqu’au 8 janvier 2023, informations et horaires sur www.meg.ch

TENDANCES • • 9
© Olivier Joly © DR © Dom Smaz © Johnathan Watts

Tendances

Le temps de s’adapter LE CAMP DE BASE DE L’EVEREST DÉPLACÉ

D’ici à 2024, le Népal se prépare à déplacer le camp de base de l’Everest, le réchauffement climatique et l’activité humaine ayant fini par rendre le site dangereux. Accueillant jusqu’à 1500 personnes durant la saison de printemps, ce dernier est situé sur le glacier du Khumbu, qui perd quelque 9,5 millions de mètres cubes d’eau par an. Situé à une altitude de 5364 mètres, le camp sera aménagé entre 200 et 400 mètres plus bas, ce qui rallongera d’autant l’ascension vers la plus haute montagne du monde, qui culmine à 8850 mètres.

Le temps de voyager

LE JAPON OUVRE GRAND SES PORTES

L’annonce attendue depuis des mois par les professionnels du secteur du voyage et des loisirs est tombée en octobre: l’archipel coupé du monde depuis le début de la pandémie accueille à nouveaux tous types de visiteurs, après avoir entrouvert la porte, en juin dernier, aux groupes de touristes dans le cadre de voyages organisés puis aux voyageurs individuels mais via des agences. Les nouveaux arrivants devront se plier aux règles sanitaires strictes restées en vigueur à travers le pays, où le port du masque est systématique dans les transports ainsi que les commerces, et beaucoup observé en extérieur également.

Le temps de renouer avec le train

LE «TÅGSKRYT», TENDANCE SUÉDOISE

Les compagnies de trains européennes peuvent remercier la Suède. Après avoir popularisé le terme de «flight shame», utilisé pour désigner la honte de prendre l’avion, on voit désormais émerger celui de «tågskryt», soit la fierté de prendre le train. Le hashtag correspondant #tagskryt fleurit depuis plusieurs mois sur les réseaux sociaux et ceci pas uniquement en Suède où l’urgence climatique est au cœur des préoccupations depuis de nombreuses années. Cet engouement ferroviaire semble gagner une bonne partie de l’Europe, notamment grâce à plusieurs initiatives qui ont pour but de rendre le train plus abordable, plébiscitées par un public plus jeune qui ne souhaite plus prendre l’avion.

10 • • TENDANCES
© Nikola Johnny Mirkovic/Unsplash © Daniel Oberhaus/Wikimedia © David Edelstein/Unsplash

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HOKKAIDO, LA PETITE SIBÉRIE JAPONAISE

Photos: Hemis • Texte: Marie Paturel
JAPON

Mer du Japon

HOKKAIDO

Asahikawa

Parc national de Daisetsuzan

Sapporo

Mont Moiwa 531

Mer d’Okhotsk

Péninsule de Shiretoko

Oakan-Dake 1370

Meakan-Dake 1500

Parcnational Parc national d’Akan

LacMashu Lac Mashu

Tsurui

Parc national

deKushiro de Kushiro

Océan Pacifique

14 • • JAPON

Hokkaido est réputée dans le monde entier pour sa neige poudreuse. Les montagnes de l’île sont jalonnées de stations de ski et d’itinéraires sauvages qui attirent les amoureux de sports d’hiver.

Au lever du soleil, le lac Mashu devient un tableau empreint d’une grâce toute orientale. Le tanchô, l’emblématique grue japonaise, offre un spectacle émouvant en dansant sous la neige.

Loin des métropoles trépidantes, des temples impériaux et des geishas, Hokkaido, la grande île du nord, dévoile sa personnalité profonde en hiver, lorsque le gel et la neige composent des paysages d’une pureté et d’une élégance absolues.

Elles dansent avec une grâce émouvante: leurs cous s’enchevêtrent, leurs becs s’effleurent, leurs regards se croisent. Au gré de cette savante chorégraphie, l’ovale vermillon qui couronne leur tête se laisse apercevoir. Leurs interminables pattes d’échassiers se plient tour à tour en un jeu de jambes dont elles seules connaissent les subtilités. Elles, ce sont les tanchô, les grues japonaises du parc national de Kushiro,

fondé en 1987 à l’est d’Hokkaido. Près d’un tiers de la population mondiale y trouve refuge, notamment grâce aux initiatives nées dans les années 1920. Alors que les habitants pensaient la grue emblématique du Japon disparue de leur pays, quelques individus ont été observés dans la plaine marécageuse entourant le village de Tsurui. Des actions ont alors été menées pour nourrir et protéger les oiseaux et leur habitat dans ce qui est devenu un sanctuaire pour l’espèce.

HOKKAIDO, LA PETITE SIBÉRIE JAPONAISE • • 15

Un bateau brise-glace permet aux touristes d’aller à la rencontre de la faune qui peuple la banquise. L’hiver est quasi sibérien à Hokkaido: il crée des paysages glacés comme au lac Mashu (au milieu), près de la station de Kiroro (page de droite, en haut) ou encore sur le lac Akan avec des fleurs de glace. Les généreuses chutes de neige sont particulièrement propices au ski.

SKIER LA POUDRE PARFAITE

Aux confins septentrionaux du Japon, non loin de la Sibérie et baignée par l’océan Pacifique, la mer du Japon et la mer d’Okhotsk, Hokkaido a su préserver son animal emblématique. L’île veille aussi à la qualité de ses espaces naturels, sans nul doute protégés par un climat subarctique qui rend l’hiver rudement glacial. De mi-novembre à début janvier, le neyuki s’empare de nombreuses régions d’Hokkaido, enveloppant vallées et montagnes d’un épais manteau neigeux durant plusieurs mois. Entre Hokkaido et les côtes russes, la mer d’Okhotsk se couvre de glace venue de Sibérie. Ce phénomène, baptisé ryuhyo, compose d’impressionnants paysages de glace flottante, ballottée au gré des marées et heurtant les falaises de la péninsule de Shiretoko. Au large, un bateau brise-glace navigue dans les eaux figées, permettant aux touristes de découvrir l’univers fascinant de la glace flottante sans s’aventurer à des latitudes polaires bien plus hostiles. Épaisse d’une cinquantaine de centimètres, cette dernière dérive depuis la Sibérie et se forme sur place grâce à des températures flirtant avec les moins 25 degrés. Sa concentration saline étant relativement faible, la mer d’Okhotsk gèle rapidement et une banquise s’y forme de fin janvier à fin mars. C’est aussi à la faveur de températures négatives des mois durant que la neige d’Hokkaido atteint sa finesse légendaire: skieurs de randonnée,

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snowboarders et freeriders de toute la planète connaissent aujourd’hui les pentes d’Hokkaido nappées de ce que le magazine américain National Geographic Traveler nomme joliment «the absolute powder», la poudre parfaite. Sapporo, ville principale d’Hokkaido, a d’ailleurs accueilli les Jeux Olympiques en 1972, consécration suprême pour une île qui s’efforce, depuis, de jouer la carte du ski et de promouvoir les sports d’hiver en Asie.

LE FROID, DÉNOMINATEUR COMMUN DES CULTURES

Si les stations colonisent les pentes des montagnes d’origine volcanique (on compte 117 domaines skiables et près de 500 km de pistes), les vastes espaces préservés sont restés légion. Le parc national d’Akan, situé au cœur d’une chaîne de montagnes au nord-est de l’île, offre des ambiances d’une pureté à couper le souffle et un silence absolu.

Le train à grande vitesse Shinkansen relie les îles de Honshu et Hokkaido. Sapporo, capitale de la préfecture, s’étend au pied des montagnes dont elle partage l’enneigement. Hokkaido reste très marquée par la pêche, comme en atteste l’importance du marché aux poissons de Sapporo.

Lacs gelés, sources chaudes vaporeuses, vastes forêts de pins sur les pentes du Meakan-Dake (1500 mètres d’altitude) et de l’Oakan-Dake (1370 mètres), beauté du lac Mashu niché dans la caldeira d’un volcan ou encore village aïnou exposant l’ancien mode de vie du peuple indigène colonisé sur ordre de l’empereur japonais au XIXe siècle. Appelés les «fermiers de la mer», les Aïnous ont longtemps vécu de la pêche et de l’agriculture, coupés du reste du monde par la géographie et le climat rigoureux de l’île. Ce n’est qu’à l’ouverture du Japon à l’Occident, au début de l’ère Meiji en 1868, que la colonisation d’Hokkaido a été encouragée. Contre la promesse de terres, des samouraïs et paysans de l’île voisine d’Honshu ont débarqué, fondant notamment Sapporo en 1871.

Avec son plan en damier et ses buildings rutilants, la plus grande agglomération de l’île offre un cadre de vie agréable entre centres d’affaires, commerces et loisirs. Depuis les années 1950, l’une de ses attractions touristiques phares est le populaire Festival des Glaces, qui voit des sculptures somptueuses jalonner la cité, attirant des visiteurs du monde entier. Sapporo dévoile aussi son charme depuis le mont Moiwa (531 mètres) tout proche. De ce sommet accessible à pied ou en funiculaire, la vue s’étire à perte de vue sur la ville et la vallée. Le regard embrasse la capitale préfectorale, campée entre mer et montagnes. Le soir venu, la station de ski de Teine, implantée sur les hauteurs voisines, s’illumine pour d’insolites sessions de ski sous les étoiles.

HOKKAIDO, LA PETITE SIBÉRIE JAPONAISE • • 19

VILLAGE DE GLACE

À Asahikawa aussi, deuxième plus grande ville d’Hokkaido, la nature est toujours à portée de main. En témoigne le célèbre Blue Pond, photogénique étang artificiel d’un bleu étincelant. En amont de la retenue d’eau, les cascades de Shirahage offrent un spectacle surréaliste: l’eau chaude ruisselle dans un écrin glacé aux pierres immaculées et rejoint une vasque d’un bleu vif. Ces teintes étonnantes, liées à la concentration en aluminium et en sulfure de la source sont aussi synonyme d’une extrême toxicité. À l’est d’Asahikawa, s’étend encore

Daisetsuzan, le plus grand parc national du Japon. Des dizaines de volcans émaillent cette immensité indomptée de plus de 220000 hectares, où s’épanouit le fameux hibou de Blakiston, considéré comme le dieu protecteur de ce territoire. Au cœur de l’hiver, le lac de Shikaribetsu se transforme en village de glace. Éphémères sont les igloos, les chapelles aux vitraux sculptés, la salle de concert aux bancs glacés ou encore le bar où sont servies des boissons givrées. Pépite au cœur de l’île, tout proche de la vallée où se love la ville d’Asahikawa

avec son aéroport, ses silos en tôle et ses bâtiments aux couleurs éclatantes, le parc Daisetsuzan incarne la dualité d’Hokkaido: empreinte d’une modernité plaquée sur la culture aïnoue ancestrale, l’île jadis appelée «Ezo» et rebaptisée sous l’ère Meiji «Hokkaido» (littéralement, «le chemin des mers du Nord») reste une terre sauvage où la nature s’exprime dans toute sa beauté et son âpreté, en particulier en hiver, lorsque la mer devient banquise et lorsque la terre se drape d’une neige aussi aérienne que les tanchô en vol.

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Hokkaido cultive l’art de la glace grâce à divers festivals, comme à Sapporo où d’immenses sculptures se dressent dans les rues. D’autres festivités célèbrent la glace sous toutes ses formes, à l’image du village construit de toutes pièces sur le lac Shikaribetsu (page de droite, en haut et en bas).
HOKKAIDO, LA PETITE SIBÉRIE JAPONAISE • • 21

FRANCE

LES DERNIERS GARDIENS DU PHARE DE CORDOUAN

Texte et photos: Thibaut Vergoz/Zeppelin

Photos aériennes par drone: Sammy Billon

Surnommé le «Versailles des mers», ce phare situé à 7 km au large de l’estuaire de la Gironde, en Nouvelle-Aquitaine, est le dernier d’Europe à être encore gardienné à l’année.

LES DERNIERS GARDIENS DU PHARE DE CORDOUAN • • 23

Le phare de Cordouan a été bâti sur un haut-fond rocheux immergé à marée haute. C’est le dernier d’Europe à être gardienné à l’année, notamment par Mickaël (à gauche) et Benoît, qui y effectuent des relèves d’une à deux semaines avant de passer le témoin à un autre duo durant leurs périodes de repos à terre.

«Pas de réseau…», grommelle Mickaël qui tente vainement de connecter son smartphone à Internet. Épaisse de 2,5 mètres, la muraille qui protège la base du phare bloque le passage de tout signal. Fraîchement recruté par le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (SMIDDEST), Mickaël découvre l’isolement en mer. Heureusement, en cas d’urgence, il y a le téléphone satellite. Cordouan est le seul phare d’Europe, et l’un des rares au monde, à être encore habité en permanence par deux gardiens. Tout au long de l’année, ceux-ci effectuent des relèves d’une ou deux semaines en mer, suivies d’un temps équivalent à terre.

«Soit 26 semaines de congés par an», plaisante Benoît.

UN JOB PAS COMME LES AUTRES

Dreadlocks et cigarette roulée aux lèvres, ce bricoleur de génie est électricien de formation. Benoît est l’exemple parfait des «couteaux suisses» que recrutait le SMIDDEST il y a encore quelques années. Originaire de l’île d’Oléron toute proche, où il vit avec sa femme et sa fille, il entame sa huitième année de garde au phare. Peu bavard, il tranche avec son collègue Mickaël qui déborde d’enthousiasme. Âgé de 42 ans, ce Breton amoureux de la nature était chef de secteur dans la grande distribution. «Il y a 3 mois, je n’ai pas hésité une seconde quand j’ai vu passer l’annonce pour ce job. J’ai été pris et cela a changé ma vie.»

24 • • FRANCE
LES DERNIERS GARDIENS DU PHARE DE CORDOUAN • • 25

LE PHARE DES ROIS

Construit sous les règnes d’Henri III puis d’Henri IV, le chantier du phare de Cordouan aura duré 27 ans. Mis en service en 1611, sa puissance architecturale et technologique avait d’abord vocation à asseoir la réputation du royaume de France en impressionnant les navires étrangers. Il sera rehaussé à la Révolution pour atteindre sa hauteur actuelle, l’occasion de construire un escalier à vis au-dessus de la chapelle aux vitraux. Autant de caractéristiques qui ont justifié l’inscription de ce «phare des rois» au Patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2021.

L’entretien d’embauche portait sur la vie en isolement et la polyvalence, mais ce sont ses qualités d’animateur qui ont fait la différence. Les visites touristiques du phare, possibles d’avril à octobre, sont une source de revenus importante pour le SMIDDEST, et la principale raison du maintien du poste de gardien à l’année, depuis l’électrification de la lanterne en 1948 puis son automatisation en 2006. C’est cette présence humaine constante qui assure au phare de Cordouan son exceptionnel état de conservation.

«Quand j’ai débarqué ici pour la première fois, il y a huit ans, j’avais apporté plein de bouquins pour m’occuper… Mais en réalité, impossible de s’ennuyer! Il y a toujours un problème à régler, de la plomberie, de l’électricité, de la mécanique, un meuble à réparer ou une peinture à refaire.» Sans parler de l’une des tâches principales qui consiste à balayer l’omniprésente poussière de calcaire, due au délitement des pierres de l’édifice, sur le sol des 7 étages et des 301 marches d’escalier. Somptueuse, la tour en pierre de taille richement ouvragée domine l’embouchure de la Gironde. À 67,5 mètres

Les journées s’écoulent entre la promenade quotidienne à marée basse autour du phare, les corvées de nettoyage des escaliers et l’entretien du phare lui-même. Ci-dessous, une messe est célébrée dans la chapelle de Cordouan, la seule qui a été consacrée dans un phare en pleine mer.

de haut, la monumentale «lentille de Fresnel» qui équipe la lanterne mérite aussi d’être astiquée car dès que de la poussière s’y dépose, la visibilité du phare diminue de façon notable. Avec seulement 250watts, l’ampoule de cette balise est d’ailleurs beaucoup moins forte qu’on pourrait l’imaginer. Sa puissance est en fait décuplée par la géniale «lentille de Fresnel» qui la rend visible à 36kilomètres à la ronde, d’où l’importance de la garder aussi propre que possible.

INTENDANCE BIEN RODÉE

Ce matin-là, c’est un Notre-Père qui résonne dans la chapelle Notre-Dame de Cordouan, la seule qui ait été consacrée dans un phare en pleine mer. Le père Jérôme Grondona, du diocèse de Bordeaux, a initié une messe exceptionnelle avec une vingtaine de fidèles: «Si vous regardez bien, la Vierge tient un petit phare dans sa main… c’est un symbole fort car elle guide les croyants comme le phare le fait avec les navires.»

LES DERNIERS GARDIENS DU PHARE DE CORDOUAN • • 27
28 • • FRANCE

Mickaël observe l’océan depuis le sommet du phare, à 67 mètres de hauteur, qui présente un secteur rouge et un secteur vert pour guider les différents types de navires dans leur approche nocturne des terminaux portuaires de Bordeaux. Si les gardiens effectuent la plupart de leurs tâches seuls, ils se retrouvent pour les repas dans la cuisine commune.

Les derniers visiteurs partis, Mickaël se contorsionne pour fermer la colossale «porte des marées», faite de bois et de bronze, qui permet d’accéder à l’enceinte du phare. Submergée à marée haute, elle a été conçue de manière à ce que ses deux battants, solidement maintenus par des ridoirs en acier, ne soient pas parfaitement ajustés. Ainsi l’eau peut passer à travers, ce qui dissipe la pression des coups de boutoir imposés ce soir par la houle. Le vent souffle à près de 100 km/h et déjà, les vagues se lancent à l’assaut du bâtiment. «J’ai préparé un rôti de bœuf avec des pommes de terre», annonce Benoît, que la fureur de la tempête n’émeut guère.

Deux groupes électrogènes au bon fonctionnement de la partie «vie» et offrent aux gardiens toute l’énergie dont ils ont besoin, tandis que trois autres générateurs rechargent des batteries dédiées à la partie «feu» du phare. Pour l’eau, un ingénieux système de gouttières en pierre court dans les murs et achemine l’eau de pluie vers des cuves de décantation. «On s’en sert pour les douches et les robinets. Pour les toilettes, on pompe l’eau de mer, et pour boire, on apporte des bouteilles d’eau, détaille Benoît. Un phare en mer, c’est comme un navire immobile. On est soumis aux mêmes contraintes que les marins: l’isolement, le confinement, la monotonie, le manque d’intimité ou encore la vie en petite communauté.»

Mais les gardiens de phare n’ont jamais eu le statut de marin, ce qui le désole.

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30 • • FRANCE

Surnommé le Versailles des mers, le phare de Cordouan a été construit en plusieurs phases successives à partir de 1584.

Novatrice pour son temps, son architecture est un véritable tour de force technique. Elle conjugue à la fois des coupoles à caissons, des chapiteaux composites et de riches sculptures.

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32 • • FRANCE

Le jour de la relève, des victuailles sont débarquées, les déchets de la semaine sont évacués et la nouvelle équipe relève celle en place. Le navire des Phares et Balises ne pouvant pas s’amarrer au phare, il faut réaliser la jonction à pied, en profitant d’une fenêtre favorable dans la marée, ce qui est parfois acrobatique selon la houle.

L’HEURE DE LA RELÈVE

«Il reste 5 yaourts.» Téléphone à l’oreille, Mickaël renseigne les stocks de nourriture encore présents dans le frigo à gaz. C’est vendredi, jour de la relève. Pierrot doit venir remplacer Benoît aux côtés de Mickaël, qui enchaîne quant à lui sept jours supplémentaires. Après avoir collecté les déchets de la semaine, Benoît se met à scruter l’horizon, guettant l’arrivée du bateau des Phares et Balises dont l’annexe s’amarre enfin à 30 mètres de la

porte des marées. C’est le bon moment: il y a suffisamment d’eau pour se frayer un chemin dans les hauts-fonds, mais pas trop pour pouvoir traverser à pied la distance qui sépare la plate du phare, avec de l’eau jusqu’à la taille et si possible sans se faire balayer par la houle toujours présente. Les déchets sont montés à bord, les bouteilles d’eau et les victuailles déchargées. Benoît et Pierrot échangent une

poignée de main et quelques dernières plaisanteries, pendant que Mickaël pilote la nacelle pour acheminer le matériel par-dessus la muraille. Sans plus de courtoisies, la plate repart vers le baliseur qui mouille au-delà du plateau. Benoît ne se retourne pas pour regarder son phare. Il sait qu’il sera toujours là dans une semaine, depuis quatre siècles qu’il veille silencieusement sur l’estuaire de la Gironde.

LES DERNIERS GARDIENS DU PHARE DE CORDOUAN • • 33

DÉSERTS ET MONTAGNES D’ARABIE

VOTRE GUIDE FRANCOPHONE

RACHEL MAN

Après les montagnes valaisannes, Oman est la deuxième passion de Rachel. Elle a parcouru le pays du Nord au Sud et possède un vaste réseau de connaissance qu’elle vous ouvrira à l’occasion de ce voyage. Elle vous fera apprécier la beauté des montagnes et le silence du désert.

JOURS 1 À 3

La côte omanaise

Arrivée à Oman et direction la région côtière qui rappelle que le pays a une forte tradition maritime : village de pêcheurs, salines, fabrique de bateaux traditionnels… Mais la montagne n’est jamais loin à l’image des deux canyons que vous visiterez : les wadis Bani Khalid et Al Arbeieen.

JOURS 4 À 5

Forts omanais et le Jebel Akhdar

Arrivée dans les massifs montagneux avec leurs élégants villages en terrasse, leurs forts et châteaux en pisé (Nizwa, Jabrin). Balade sur le plateau du Jebel Akhdar et rencontre avec des producteurs d’eau de rose.

JOURS 5 À 7

Palmeraies et montagnes

Assistez au marché aux bestiaux de Nizwa, qui anime chaque vendredi cette ville au pied des montagnes. Puis, poursuite vers deux beaux villages palmeraies (Misfat Al Arbeyeen et Bilad Sayt) avant de rejoindre le Grand Canyon d’Arabie aux points de vue époustouflants.

JOUR 8

Mascate

Visite de la capitale omanaise : son souk, son marché aux poissons et son patrimoine architectural raffiné (l’opéra royal, la grande mosquée, le musée national).

Du 28 février au 12 mars 2023 (13 jours)

Un voyage en deux ambiances : les régions montagneuses aux palmeraies, villages oasis et canyons, et le majestueux désert du Rub Al Khali, le plus grand désert de sable continu au monde.

JOURS 9 À 11

Le désert des déserts

Vol pour Salalah dans la région du Dhofar, connu pour être le pays de l’encens. Direction le Rub Al Khali pour trois jours d’exploration du « désert des déserts ». Expérience hors du temps : balades dans ces paysages de dunes géantes, moments de contemplation, observation des levers et couchers de soleil …

JOURS 12 À 13

La route de l’encens

Derniers instants dans le Sud omanais pour découvrir son patrimoine archéologique avec le site méconnu d’Al Baleed. Vol retour pour Genève.

LES EXPÉRIENCES ANIMAN

• Plusieurs rencontres avec des connaissances locales de votre guide, tout au long du voyage

• L’exploration du Dhofar, une région omanaise confidentielle

• Quelques balades accessibles dans des décors grandioses : canyons, palmeraies, villages…

•Découvrir le «désert des déserts» et ses dunes géantes, dans un camp confortable

• Assister au marché aux bestiaux du vendredi, à Nizwa

Circuit en petit groupe de 8 à 12 participants maximum

• Prix abonné : CHF 6’450.- par personne •Supplément non abonnés : CHF 250.-

•Supplément chambre individuelle : CHF 1’300.-

Circuit au départ de Genève avec guide francophone, hébergement, transferts en 4x4 (3 voyageurs par véhicule), pension complète sauf 2 repas laissés libres, entrée des sites, excursions. Boissons et assurance voyage non comprises.

Programme et informations

Au Tigre Vanillé

Hubert Vereecke - 022 817 37 39 hubert@autigrevanille.ch

LES GRANDS VOYAGES OMAN

JÉRÉMIE VILLET PREMIÈRE NEIGE

Par Jérémie Villet ParJérémieVillet

PREMIÈRE NEIGE

Jérémie Villet a développé sa propre approche, aussi personnelle que poétique de la photographie animalière. Passionné par la nature dès son plus jeune âge, ce natif des Yvelines, qui a grandi dans une ferme isolée entourée de champs et de forêts, entreprend des études de lettres et de journalisme, doutant de pouvoir faire de la photographie son métier. Au moment d’obtenir son diplôme de fin d’études, en 2013, un de ses clichés représentant la silhouette d’un bouquetin qui se découpe sur une mer de nuages lui permet de remporter le Wildlife Photographer of the Year. Il se donne alors un an pour essayer de vivre de la photographie animalière et commence à voyager durant l’hiver, notamment en Norvège, en Islande, au Japon, en Alaska ainsi que dans les Alpes. Pour Jérémie Villet, le blanc immaculé qu’il recherche permet de conserver l’essentiel, formant une toile sur laquelle il peut coucher ses visions et où, le temps d’un déclenchement, notre imagination devient réalité.

1.

2.

3.

6 6.

7 7.

11 11. «Contemplation» Chèvre

12 12. «Little horn» Ibex asiatique.

8 8.

4.

5.

9 9.

10 10. «Toundra»

13 13. «Face to face» Bœuf musqué.

14 14. «Sauvage» Loup gris.

15 15. «Catch me if you can» Lièvres variables.

«White peace» Mouflons de Dall. «Pure» Hermine. «Serenity» Renard roux. «The myth» Panthère des neiges. «Chocolate» Renard polaire. «Yellow eyes» Harfang des neiges. «Snow landing» Pygargue à tête blanche. «Singer» Macareux moine. «White swan» Cygne chanteur. Renne sauvage. des montagnes.

VOTRE GUIDE FRANCOPHONE

CHRIS SCHMID

Grand spécialiste de la photo animalière, Chris Schmid publie ses clichés dans de célèbres magazines internationaux. Alimenté par un amour sans concession pour la nature, il aura à cœur de partager avec vous son expérience de la photographie en contrées sauvages !

SAFARI-PHOTO ENTRE TERRE ET EAU

Du vendredi 13 au jeudi 26 janvier 2023 (14 jours)

JOURS 1 À 2

Arrivée au Botswana

Atterrissage à Maun où vous serez conduits à votre lodge situé le long d’une rivière. Plusieurs excursions possibles, dont un survol panoramique, mais vous pourrez aussi en profiter pour vous reposer !

JOURS 3 À 7

Delta de l’Okavango

Embarquez à bord d’un avion-taxi pour le delta de l’Okavango ! Depuis votre lodge de charme bénéficiant d’un des meilleurs emplacements, au cœur du delta, votre guide vous emmènera découvrir la faune de toutes les façons possibles : safari de nuit, de jour, à pied, en voiture, balades en pirogues… l’occasion de chasser des yeux zèbres, lions, hippopotames et autres animaux emblématiques du Botswana.

JOURS 8 À 11

Concession privée de Kando / Linyanti

Vol pour la région de Linyanti et ses vastes étendues sauvages. De nombreux animaux y abondent créant un spectacle onirique où se côtoient troupeaux de grands herbivores et prédateurs… Observez et photographiez éléphants, lycaons, léopards ou girafes

en mettant en pratique les conseils avisés de votre accompagnateur photographe.

JOURS 12 À 14

Chutes Victoria

Dernière étape autour des célèbres chutes Victoria, certainement l’une des curiosités naturelles les plus spectaculaires au monde ! Sur 1.6 km de large et sur plus de 100 mètres de hauteur, des millions de litres d’eau s’engouffrent dans les gorges du Zambèze. Une scène époustouflante pour clore votre voyage avant votre vol retour pour Genève.

LES EXPÉRIENCES ANIMAN

•Séjour dans des concessions privées jouxtant les plus belles réserves.

•Activités avec guide/véhicule 4x4 privé permettant une totale flexibilité au niveau des horaires

•En pleine saison verte, des paysages grandioses lors de safaris sur l’eau et sur terre, à pied et/ou de nuit

•Séjours dans des lodges de charme somptueux au cœur de la brousse

•Accompagnateur photographe animalier passionné et… romand !

DERNIÈRES PLACES

Circuit en petit groupe

Prix abonné : CHF 10’500.- par personne

Supplément non abonnés : CHF 250.Sup. chambre individuelle : CHF 900.(max. 2 tentes)

En petit groupe de 6 à 8 participants.

Circuit guidé au départ de Genève, lodges dans des concessions privées au Botswana, pension complète y compris un vaste choix de boissons, déplacements principalement à bord d’avions-taxis.

Programme et informations

Au Tigre Vanillé

Michel Hoffer - 022 817 37 35 michel@autigrevanille.ch

LES GRANDS VOYAGES BOTSWANA
Immortalisez les scènes de la vie sauvage dans les plus belles réserves africaines, sous l’œil expert de votre guide photographe animalier.

POLYNÉSIE

L’APPEL DU RÉCIF

Texte et photos: Julien Girardot

Depuis Moorea, une petite île du Pacifique sud, le collectif des Coral Gardeners, formé d’ingénieurs, de scientifiques et d’activistes, s’engage pour la sauvegarde des récifs coralliens, essentiels aussi bien pour la vie dans les océans que sur la terre.

Les Coral Gardeners portent bien leur nom. Mêlant approche scientifique, communication et activisme, les jardiniers du corail se sont donné pour mission de sauver les récifs qui se meurent à un rythme alarmant. Au cours des trente dernières années, la moitié d’entre eux se sont éteints. Rien qu’entre 2009 et 2018, 11700 km2 de coraux, soit plus d’un million de terrains de football, ont disparu. Un déclin qui pourrait même monter jusqu’à 90% d’ici à 2050 si la hausse des températures à l’échelle du globe de 1,5° C se confirme, un scénario plus que probable selon la dernière évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

54 • • POLYNÉSIE
Haapiti Afareaitu
Océan Pacifique Nord
Océan Pacifique Sud TAHITI
MOOREA Papeete
Baie deCook de Cook

Leader des Coral Gardeners, Titouan Bernicot (à gauche sur la photo de groupe) a créé sa première nurserie de coraux à 16 ans (ci-contre en bas). Si l’île de Moorea possède un lagon d’une grande résilience, cela ne l’a pas empêchée de subir plusieurs épisodes de blanchiment massif au cours des dernières années.

DU CORAIL DANS L’ADN

Alors que s’ouvre la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, de jeunes scientifiques emmenés par Titouan Bernicot ont décidé de se mobiliser. Âgé de 23 ans, le leader des Coral Gardeners a eu une idée de génie: une donation sur internet permet à l’association d’obtenir le budget nécessaire pour planter des boutures. En échange de son versement, chaque contributeur reçoit un certificat d’adoption avec point GPS. En cinq ans, plus de 15000 boutures ont ainsi pu être adoptées puis replantées sur le récif. Boostée par une popularité croissante sur les réseaux sociaux,

l’organisation, pour laquelle travaillent désormais 20 personnes, s’appuie sur des influenceurs, des sportifs ou des chanteurs célèbres pour relayer leur message:

«Il faut rendre la conservation marine sexy et branchée pour sensibiliser un maximum de gens.»

Comme beaucoup de ses amis, Titouan Bernicot est un pur produit du lagon. Son père était gérant d’une ferme perlière, pêchant au harpon dans une autre passe, celle de l’atoll de Ahé dans l’archipel des Tuamotu, au nord-est de Tahiti. «Le corail est dans mon ADN, mes premières protéines, c’était du poisson de récif!»

Lorsqu’il a 3 ans, ses parents déménagent à Moorea, face à Tahiti, où ils ouvrent une boutique de perles. Au lycée, Titouan rencontre Mathieu Kerneur, un biologiste local qui l’initie et lui permet de planter sa toute première bouture de corail sur le récif. Il retourne la voir plus tard. Elle a grandi, une petite communauté s’y est installée, peuplée de crabes, de poissons et de coquillages. Titouan est émerveillé de voir qu’on peut «jardiner» sous l’eau. Un jour, en surfant, il découvre le corail qui blanchit sous ses pieds. Il sait désormais à quoi il veut consacrer sa vie sans perdre un instant de plus.

L’APPEL DU RÉCIF • • 55

L’ELDORADO DE LA RECHERCHE

Depuis les années 1970, Moorea est un centre mondial réputé pour l’étude des coraux. L’île compte deux institutions de renom qui réunissent des chercheurs américains, français et européens autour du même récif, ce qui fait de son lagon l’un des plus étudiés au monde. Les chercheurs que Titouan Bernicot rencontre l’encouragent à entreprendre des études pour devenir à son tour un spécialiste du sujet. Mais dix ans c’est trop long, il veut passer à l’action. Avec des amis, il fabrique une première table de bouturage et partage l’expérience avec

de nombreuses personnes. Le Jamaïcain Thomas J. Goreau, un grand spécialiste de la restauration corallienne, est surpris par l’énergie et les premiers résultats de cet ado plein de fougue qu’il décide de soutenir en lui envoyant du matériel adéquat, qui lui permet de monter sa première nurserie de corail comme un pro.

En avril 2017, Titouan fonde les Coral Gardeners. Les débuts ne sont pas faciles mais grâce aux adoptions et à une stratégie de communication originale, le projet connaît une évolution spectaculaire. Face

au lagon, dans la baie de Cook, la maison des Coral Gardeners est aujourd’hui le quartier général de l’association. Dès 8 heures du matin, des jeunes de tous horizons s’y activent dans un climat d’effervescence. Dans la cuisine, Taumata prépare du café tandis que dans l’atelier, Kyra, une jeune Californienne, range du matériel avec Tehaps, un Tahitien passionné de biologie marine. Pendant ce temps, Yohann, jeune marin-pêcheur venu de France, tond la pelouse en attendant d’aller planter des coraux.

56 • • POLYNÉSIE

Située sur la plage, la maison des Coral Gardeners est leur QG. C’est ici notamment que sont préparées les actions du collectif dont la notoriété ne fait que grandir, relayée par des médias qui viennent du monde entier pour documenter leur quotidien, comme ici une équipe de la télévision espagnole TVE.

L’IA À LA RESCOUSSE

Inspiré depuis toujours par Space X, Google et d’autres grandes startups, Titouan Bernicot entre en contact avec Drew Gray, une des stars de l’intelligence artificielle dans la Silicon Valley, engagé par Elon Musk pour plancher sur son concept de voitures sans chauffeur. Ce dernier vient de quitter Tesla avec un rêve: aider les océans grâce à ses connaissances. En 2020, Titouan lui présente son projet de nurseries connectées. L’ingénieur est immédiatement partant. «Nous avons reçu un financement de 400000 dollars pour deux ans. La première technologie que nous avons développé est Reef OS, un ensemble de capteurs et caméras connectées qui enregistrent des données 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.»

Les membres des Coral Gardeners effectuent un important travail de sensibilisation auprès des écoles et des lycées locaux. Ce qui se passe sous l’eau est filmé ou photographié puis rediffusé sur les différents canaux de communication du collectif, que ce soient les boutures prêtes à retrouver leur habitat naturel (à gauche) ou celles qui ont été adoptées (page de droite, en bas).

58 • • POLYNÉSIE
L’APPEL DU RÉCIF • • 59
© Killian Domingo/Coral Gardeners

L’HARMONIE GRÂCE AU RAHUI

Outre leur intérêt écologique, les récifs coralliens ont une importance économique, sociale et culturelle majeure pour les pays qu’ils bordent. Ils sont liés à un savoir ancestral, fruit d’une observation minutieuse de la biodiversité: le rahui, qui consiste à bannir l’accès à un espace maritime en instaurant un tapu (tabou temporaire) afin de permettre à la faune et à la flore de se régénérer. Contrairement au «PGEM» (Plan de Gestion de l’Espace Maritime), venu de France, ce dernier est mieux accueilli par la population et respecté. Certains scientifiques, alliés aux pêcheurs, poussent aujourd’hui pour rétablir les codes traditionnels du rahui.

https://labs.coralgardeners.org/reefos

Reef OS est un ensemble de capteurs et de caméras connectées qui enregistrent des données en temps réel. Celles-ci sont traitées, nettoyées et archivées puis redirigées vers un dashboard permettant de voir les nurseries immergées dans le lagon de Moorea en direct.

Sur le site des Coral Gardeners, un «live stream» permet de voir en temps réel la température, le nombre de poissons, la croissance des coraux, et bien d’autres paramètres. Reef OS permet de lire l’état de santé du système récifal bien plus rapidement qu’un plongeur humain. «On peut désormais monitorer les résultats de notre programme de restauration et améliorer nos méthodes, s’enthousiasme Titouan. On aimerait mettre cette technologie à disposition d’un maximum de projets de restauration dans les années à venir autour du monde. D’ici 2025, l’objectif est de planter un million de coraux. Nous allons révolutionner la conservation marine!»

60 • • POLYNÉSIE
L’APPEL DU RÉCIF • • 61

SOUDAN

DANS L’ANCIEN ROYAUME DES PHARAONS NOIRS

Textes et photos: Laurent Nilles

Des temples du royaume de Méroé aux tombeaux islamiques du Vieux Dongola en passant par les dunes du désert de Nubie ou les rives du Nil, le nord du Soudan abrite des merveilles naturelles et culturelles, dont certaines inscrites à l’Unesco, qui enchanteront les amateurs de voyages aventureux.

Port Sudan Temple de Soleb

Nouri Vieux Dongola

Khartoum Nil Suakin Kassala Abou-Haraz

SOUDAN

Omdurman Mussawwarat

Un paysage asséché, brûlant depuis les temps immémoriaux sous l’acharnement du soleil jusqu’à se teindre lui-même des mille nuances de la palette de couleurs de feu de l’astre suprême: telle est la vision, marquée par le rouge, l’orange et le jaune, qui s’offre au voyageur à l’approche de l’aéroport de Khartoum, la métropole soudanaise, entourée de déserts arides mais florissante grâce à son artère de vie, le Nil. Ce fleuve mythique, rythmant la vie locale depuis des millénaires, a vu naître et s’effondrer des civilisations

puissantes, aux impressionnantes prouesses architecturales dont les vestiges ornent aujourd’hui encore ses rives. Plus de 200 pyramides sont dispersées dans le désert nubien du Soudan, un nombre étonnant, supérieur même à l’Égypte. En escaladant au coucher du soleil les dunes de sable fin de Méroé, en admirant la grandeur des mausolées royaux de l’empire de Koush, en compagnie uniquement de quelques chameliers soudanais, il n’est pas difficile de s’imaginer au temps des aventuriers occidentaux du XIXe siècle à la découverte des trésors de l’Antiquité.

64 • • SOUDAN

Le Soudan compte des constructions sans pareil de toutes les époques, que ce soient les tombeaux islamiques du XVIIe siècle du Vieux Dongola (à gauche), les habitations nubiennes actuelles, la chambre funéraire du pharaon Tantamani à El-Kourrou ou encore l’impressionnant temple de Soleb (à droite de haut en bas).

EXPLORATIONS

À LA LAMPE DE POCHE

Cette sensation d’exploration pionnière se répètera tout au long du voyage, que ce soit lors de la visite du petit temple d’Apedemak à Mussawwarat, des pyramides aux briques effritées de Nouri, des tombeaux islamiques en forme de ruche d’abeille au Vieux Dongola, ou encore en suivant Mansour, le gardien local du site, dans les sombres chambres funéraires souterraines au parfum légèrement moisi de la nécropole d’El-Kourrou. La descente dans les ténèbres est récompensée par la découverte, sous la lumière modeste d’une lampe de poche, de peintures murales bimillénaires aux couleurs naturelles magnifiquement préservées. Les ruines du très ancien temple de Soleb, construit sur ordre du pharaon Amenhotep III au XIVe siècle av. J.-C. gisent encore plus isolées, traversées uniquement par quelques jeunes bergers conduisant leur troupeau de chèvres dans la palmeraie avoisinante.

66 • • SOUDAN

SUR LES TERRES DES NOMADES BEJA

Seul site significatif sur la rive ouest du Nil, il faut prévoir, faute de ponts, deux traversées en ferry pour s’y rendre. Une croisière partagée avec les voyageurs locaux qui s’y pressent, à pied, à cheval ou à dos d’âne, vêtus de jalabiyas en coton blanc. C’est d’ailleurs cet échange humain qui rend tout voyage au Soudan unique. Fiers de leur héritage culturel et désireux de démentir l’image négative du pays après des décennies d’instabilité politique et sociale, les habitants couvrent le voyageur occidental de toutes sortes d’attentions. Au gré des occasions, ce dernier se voit invité à partager cafés et repas, gratifié de petits présents offerts spontanément comme des fruits frais ou encore sollicité pour participer à des festivités locales.

Après huit heures de route teintées de sables jaunâtres, de roches grises et de ciels bleus, Port Soudan, le principal port maritime du pays, apparaît à l’horizon. Construit au début du XXe siècle par l’administration britannique, l’architecture et l’ambiance y sont fonctionnellement pragmatiques. On ne s’y attarde guère, préférant la bourgade historique de Suakin, dont les origines peuvent être retracées jusqu’à l’Antiquité. Partiellement en ruine, cette petite agglomération regorge de charme: mosquées centenaires, dont les façades blanches s’écaillent dans la brise maritime au goût salé, anciens palais marchands en pierre de corail qui rappellent les richesses d’une époque longtemps

révolue, hommes se baladant fièrement à dos de chameau dans les rues poussiéreuses.

L’est demeure une terre tribale, habitée par les réputés Beja, qui conservent leur mode de vie nomade et sillonnent le terrain vallonné aride de la côte et de la région frontalière avec l’Érythrée à la recherche de pâturages pour leurs bêtes. Les impressionnants sabres médiévaux qu’ils arborent leur donnent une apparence guerrière, mais ils souffrent du manque flagrant d’eau, qui s’aggrave depuis quelques années. En dépit de leur situation de vie accablante, ils accueillent, fidèles à la coutume bédouine, tous les voyageurs avec un sens inné de l’hospitalité.

DANS L’ANCIEN ROYAUME DES PHARAONS NOIRS • • 67
Un jeune homme Beja n’est pas peu fier de montrer son habileté lors d’une danse d’épée traditionnelle. Les nomades parcourent les paysages désertiques à la recherche de pâturages et d’eau pour leurs bêtes.

Après Kassala, les tombeaux d’Abou Haraz (à gauche au milieu) rappellent les temples birmans de Bagan, à quelques minutes de la route vers Khartoum. Pas loin de la capitale, le marché de bétail bat son plein: des milliers de sabots soulèvent une tempête de poussière éclipsant le soleil, des chameaux sont chargés dans des camions pour l’exportation.

BAGAN SOUFI

Située non loin de la frontière érythréenne, Kassala vaut bien un détour. Dans les ruelles animées de ses souks, on esquive des charrettes d’âne transportant sacs d’oignon et faisceaux de paille, on entend les forgerons marteler des dagues pointues, on sent l’odeur âcre des tanneurs travaillant des peaux animales – un voyage de tous les sens. Hormis cet affairement marchand, cette ville commerçante est aussi la capitale spirituelle de la confrérie soufie Khatmiyah, dont la fascinante mosquée construite en briques de terre, située au pied des monts Taka, réunit en période de Mawlid (l’anniversaire du Prophète) des centaines de fidèles pour la prière commune.

68 • • SOUDAN

La religion joue un rôle important dans le quotidien soudanais, encore plus en période de fêtes, notamment à l’occasion de l’anniversaire du prophète. Si la mosquée de Khatmiyah, à Kassala (ci-dessus) est un haut-lieu du soufisme, un plus grand nombre de personnes se réunit à proximité de la tombe du Mahdi à Omdurman.

70 • • SOUDAN

L’ANNIVERSAIRE DU PROPHÈTE, ÇA SE FÊTE

Moment fort du calendrier soudanais, l’anniversaire du prophète, ou Mawlid, est célébré en grande pompe. Pendant douze jours, les confréries soufies du pays organisent processions, prières et lectures du Coran, et vivent publiquement leur foi par la pratique collective du dhikr. Celui-ci consiste en des incantations rythmiques des 99 noms de Dieu lors d’un rituel énergétique s’apparentant à une sorte de danse. Les célébrations les plus importantes ont lieu à Omdurman, capitale spirituelle, mais des places de fête sont aménagées dans toutes les villes du pays.

À mi-chemin du voyage de retour vers la capitale, le petit village oublié d’Abou Haraz abrite également une attraction insolite. La plaine parsemée par les nombreux qoubbas, édifices funéraires que les croyants soufis y ont érigés, rappelle le paysage birman de Bagan avec ses milliers de temples bouddhistes. À Khartoum, c’est le jour de la foire au bétail. Des milliers de sabots soulèvent un nuage de poussière qui occulte le ciel et s’infiltre partout. Dans la cacophonie de meuglements, blatèrements et hurlements, des éleveurs du Darfour négocient avec des marchands égyptiens le prix de chameaux destinés à l’exportation. D’autres bêtes se retrouvent, quelques heures plus tard déjà, sur les comptoirs flétris des bouchers du grand marché d’Omdurman. Les affaires continuent, aujourd’hui comme à l’époque des pharaons.

DANS L’ANCIEN ROYAUME DES PHARAONS NOIRS • • 71

SUISSE

SUR LA TRACE DES BERGERS TRANSHUMANTS

Photos: Jérômine Derigny

Texte: Arnaud Guiguitant • Collectif Argos

L’hiver dernier, le canton du Jura a servi de décor à une transhumance unique durant laquelle deux bergers ont parcouru 150 kilomètres à travers les montagnes pour faire paître leur troupeau de 400 moutons.

Avant de traverser Soubey, le Doubs se contorsionne en un curieux méandre dont la forme ressemble à un gros champignon. La rivière dessine une courbe qui épouse la côte de l’Omène. Celle-ci est boisée d’une forêt d’érables et de frênes dont les frondaisons rouge vif flamboient jusqu’à son sommet. Telle une muraille infranchissable, elle a dévié le cours d’eau d’où émerge, à cet endroit-là, un îlot de végétation servant de repaire à un couple de hérons.

PRÉPARATIFS AVANT LE DÉPART

Assise au bord de la rivière, Gianna Spänhauer le regarde prendre son envol. Il est 17h30 en ce soir de novembre 2021, et la bergère de 27 ans s’apprête à enclore les 400 moutons dont elle a la garde. Le troupeau a passé la journée à brouter sur un pâturage abrupt, au cœur de cette vallée du Clos-du-Doubs. «Guidou, guidou, guidou», crie soudain la jeune femme d’une voix stridente. Cette étrange onomatopée que certains bergers prononcent pour rassembler leurs moutons suffit à provoquer un branle-bas de combat. Il faut toute la vivacité de Ninja, un border collie de 2 ans, pour regrouper le bétail.

«Lay down! (couché, NDLR)», intime en anglais la bergère à son chien. Devant elle, des moutons de race suffolk, texel ou valaisanne qu’elle conduit vers le bas de la prairie. «D’habitude, ils sont moins agités. On sent qu’ils sont impatients de partir en transhumance.»

Le départ est prévu pour le lendemain. Gianna Spänhauer et Daniel Marti, un autre berger, vont conduire le troupeau durant quatre mois. Un voyage de 150 kilomètres sur les chemins de trois régions vallonnées et montagneuses du Jura: le Clos-du-Doubs, Delémont et le Val Terbi. «On est autorisés à circuler jusqu’à la mimars, précise Gianna. Chaque jour, ce sera l’aventure: selon les conditions météo et

le comportement des animaux, on ne sait jamais ce qui nous attend.» Bâton à la main, Daniel ne quitte pas des yeux les moutons, occupés à brouter dans un pré à Montfavergier. Les compte-t-il? «Non, je les surveille. Le brouillard est épais et il y a un bois plus bas où ils pourraient aller», répond le berger de 49 ans qui, il y a cinq ans, travaillait dans la restauration à Bâle. «C’est ma troisième transhumance hivernale. J’ai voulu changer de vie, me rapprocher de la nature et des animaux. Il y a un côté méditatif à suivre son troupeau.»

Gianna se met soudain à courir pour éloigner le troupeau du bois. Elle l’effarouche en faisant de grands gestes avec les bras.

Cette transhumance hivernale a beau être sa première, son expérience l’été en alpage l’a préparée aux imprévus: «Je ne peux pas relâcher mon attention, ne seraitce qu’une seconde. Si l’un s’en va, tous les autres vont suivre», confie la jeune femme. Les déplacements d’un pâturage à un autre ont lieu tous les trois ou quatre jours et excèdent rarement les quatre kilomètres. Sur des cartes topographiques du canton, Daniel a tracé en rouge la trentaine d’étapes du périple. Chaque chemin emprunté mène à un pâturage communal ou privé, traité sans pesticides. «Avant de partir, j’ai demandé des droits à pâturer aux propriétaires des terrains. Sans ces sésames, on ne peut pas s’arrêter.»

SUR LA TRACE DES BERGERS TRANSHUMANTS • • 75
Le système de «FlexiNet» permet de monter un enclos mobile le soir ou la journée lorsque le berger doit s’absenter et qu’il ne peut veiller sur le troupeau composé de 400 moutons, qui forme comme de petites vagues laineuses dans le paysage du Jura.
76 • • SUISSE

Daniel a 49 ans et en est à sa troisième transhumance hivernale. C’est lui qui a organisé le voyage et dessiné avec l’éleveuse le parcours. Un sacré défi car il faut trouver de l’herbe disponible pour le troupeau à chaque halte. La roulotte qui suit les bergers permet de prendre les repas du soir au chaud et de se reposer la nuit.

AFFRONTER LES ÉLÉMENTS

Les premiers flocons tombent au moment de traverser la forêt de Cerneux. Une neige fine et tourbillonnante qui marque l’entrée de la caravane dans l’hiver. Quelques brebis s’attardent sur des souches de mousse, mais elles sont vite rappelées à l’ordre: «Yoshi, va derrière, va les chercher», crie Daniel à son chien. La brume donne l’impression oppressante de ne pas avancer. C’est pourtant vers midi, deux heures après le départ, que le troupeau atteint un pâturage à Saint-Brais, battu par les vents. «Le froid fait partie de notre quotidien. Pour le supporter, j’ai superposé les couches sous mon manteau», confie-t-il. En marchant le long de la combe de Tabeillon, Gianna et Daniel achèvent trois semaines d’errance dans les forêts du Clos-du-Doubs. Le ruisseau, qu’ils suivent jusque dans le bas de la vallée, les conduit vers Glovelier. «Cela va nous faire du bien de voir du monde», sourient-ils. Pas question pour autant d’entrer dans le village: le troupeau pâturera, en lisière d’un bois, sur des prés à l’herbe bien grasse.

La neige s’invite régulièrement dans le quotidien des bergers durant leur périple. Le troupeau a été divisé en deux, et les brebis gestantes rentrent à bergerie une quinzaine de jours avant les autres, marquant la fin de la transhumance.

«Plus on avance dans l’hiver, plus on descend dans la vallée pour éviter de paître sur des parcelles trop enneigées», souligne Daniel. À la nuit tombée, les lumières des villes voisines de Bassecourt, Courfaivre et Courtételle brillent à l’horizon. Il les observe, silencieux: «Dans les évangiles, les bergers sont représentés comme des humbles qui vivent en marge. Deux mille ans après, l’image n’a pas changé. Nous sommes là, à guider notre troupeau sans bruit», philosophe-t-il.

LA QUÊTE VITALE DE L’HERBE

En s’arrêtant à Vicques, jamais le troupeau ne s’est approché si près des habitations. «On va rester sur ce terrain une demi-heure le temps de trouver un pré plus haut», explique Daniel. Angoissé, le berger n’a pas fermé l’œil de la nuit: «Aucun des paysans de la commune n’a répondu à mes demandes. Pour l’instant, on est bloqués», s’inquiète-t-il en se dirigeant vers la maison d’un des fermiers. L’agriculteur qui lui ouvre semble surpris. Sa réponse est expéditive: «On a déjà semé là-haut. Si vous y allez, vous ferez des dégâts.» Douche froide. «Certains refusent qu’on s’arrête dans leur champ. Pourtant, les moutons amendent ces pâturages qu’il est souvent impossible de faucher l’hiver.» Dernière solution: appeler un par un les propriétaires des parcelles agricoles. Premier coup de fil.

78 • • SUISSE

UNE TRANSHUMANCE UNIQUE EN EUROPE

La transhumance hivernale telle qu’elle est pratiquée en Suisse est inspirée des voyages au long cours que les bergers de Bergame, ces nomades originaires de Lombardie, faisaient avec leurs troupeaux dès le XIIe siècle. En hiver, faute de pouvoir les nourrir, ils se déplaçaient de la plaine du Pô jusqu’aux confins de la Suisse orientale pour trouver de l’herbe. Une vie rude et solitaire qu’une quarantaine de bergers mènent encore chaque hiver, faisant paître selon les années 10 000 à 20 000 moutons à travers le massif du Jura, les Grisons et le Plateau romand.

En raccrochant, Daniel est soulagé. «On a la permission de rester sur ce pré deux ou trois jours, en attendant de trouver un autre endroit», sourit-il. Trois semaines plus tard, à Devélier… Assis dans l’herbe, Daniel dessine ses moutons qui paissent à l’ombre du bois de Chaux. Il esquisse leur silhouette, éclairée ce jour-là de mars par un soleil généreux. «Le printemps arrive, cela fait du bien. On entend à nouveau le chant des oiseaux», dit-il. Le Clos-du-Doubs n’est plus qu’à quelques jours de marche. La séparation du troupeau, dans une étable à Montmelon-Dessus, signe la fin de la transhumance: «Les brebis rentrent à Froidevaux pour y être tondues, tandis que les agneaux poursuivent leur route pour finir l’engraissement», précise Gianna qui prendra, seule, la tête du cortège. Daniel, lui, range la roulotte, «fatigué» par quatre mois d’immersion. «Pendant la pandémie, se rappelle-t-il, j’étais le seul autorisé à rester dehors alors que tout le monde devait rester dedans. C’est finalement ce qu’un berger recherche le plus en transhumance: la liberté.»

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Après plusieurs mois de transhumance, le troupeau arrive à Froidevaux. À la bergerie, Johanna ramasse la laine fraîchement tondue, tandis que Diego travaille à la tannerie pour le commerce des peaux.

SUR LA TRACE DES BERGERS TRANSHUMANTS • • 81

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LA COMMUNAUTÉ OUTDOOR S’ENGAGE POUR LE CLIMAT

Protect Our Winters est né de l’initiative du snowboardeur américain Jeremy Jones. Témoin direct des conséquences du changement climatique sur son terrain de jeu favori, il décide en 2007 d’allier passion pour la montagne et protection du climat en créant une organisation pensée directement pour et par la communauté outdoor. Depuis, POW est devenu un mouvement mondial comptant plusieurs centaines de milliers de sympathisants et plus de 200 ambassadeurs et ambassadrices. L’organisation non gouvernementale est représentée dans plusieurs pays d’Europe (France, Autriche, Allemagne, Italie, Norvège, Finlande, Suède, Royaume-Uni), ainsi qu’au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Japon. En Suisse depuis 2017, POW s’est, en l’espace de quelques années, imposé comme la principale organisation de protection du climat au sein de la communauté outdoor helvétique. Sa particularité: miser sur une communication positive et émotionnelle pour transformer la passion pour le grand air et la montagne en mesures concrètes de protection du climat. Soutenue par Suisse Tourisme, Mammut et Transa, #POWTakeTheTrain est le nom de la nouvelle campagne qui a pour objectif d’encourager la communauté outdoor à modifier ses habitudes de mobilité et à utiliser davantage le train. Pourquoi? Parce qu’en Suisse, 45% des déplacements sont liés à des activités de loisir et les trajets en voiture sont responsables de la majorité des émissions de CO2 des destinations touristiques. www.protectourwinters.ch

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