
« Démarche participative autour du réaménagement de la rue du Tir et de la place des Quilles à Goersdorf : le retour d’expérience de Freddy CUNTZ, maire de Goersdorf. »
« Adopter une approche plus démocratique de la gestion de la ville »
En 2024, la commune de Goersdorf-Mitschdorf a bénéficié du programme « Villages d’avenir » porté par l’Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires (ANCT), lui permettant d’avoir un accompagnement pour la réalisation d’un diagnostic de centralité.
Ce diagnostic de centralité a été réalisé par l’équipe Urbitat+ et IupS (architectes, urbanistes et paysagistes) et SEGAT (experts en commerce et attractivité territoriale) afin de mettre en cohérence les différents projets et réflexions en cours sur la commune, tels que la rénovation de bâtiments communaux, les liens piétons et cycles, l’avenir de certains bâtiments sous-occupés et le réaménagement des espaces publics. La fusion Goersdorf et Mitschdorf, datant des années 70, est en toile de fond de cette démarche, le conseil municipal souhaitant engager une réflexion sur les centralités, les flux et l’identité de la localité. Durant 4 à 5 mois, l’équipe d’Urbitat+ est ainsi allée à la rencontre des acteurs de terrain – élu.e.s, agent.e.s et habitant.e.s.




A l’issue de l’étude Village d’Avenir et des différentes propositions faites par l’équipe d’Urbitat+, le conseil municipal a souhaité mettre la priorité sur l’enjeu de la centralité de la commune de Goersdorf avec la mise en place d’une démarche participative sur l’évolution du secteur de la place des Quilles (rue du Tir, place des Quilles et rues aux alentours). Ce site s’est révélé pertinent à interroger du fait de la présence de la Mairie, de l’agence postale communale et de l’école.


Une approche « essentielle pour répondre au mieux aux attentes des administrés »
En conviant les habitants et habitantes à un atelier participatif, la municipalité et Urbitat+ ont pour ambition, tout d’abord, de partager les résultats de la mission « Village d’avenir », notamment de présenter et de mettre en débat le réaménagement de la place des Quilles et son rôle de centralité.
En leur permettant de contribuer, par leur expertise d’usagers et usagères, à l’élaboration d’un diagnostic partagé, il s’agit également de répondre au mieux à la pluralité des besoins. Pour Freddy Cuntz, maire de la commune, : « Trop souvent, les habitants sont mis devant le fait accompli. Or, nous pensons que les citoyens ont des idées, une expertise d'usage, et qu'ils sont les premiers concernés par les décisions que nous prenons. En les impliquant en amont, nous nous assurons que les projets correspondent réellement à leurs besoins et à leurs attentes. »
Si la majorité du conseil municipal était acquise à cette démarche, « convaincu[e] que l'intelligence collective est une force pour notre commune [et de la nécessité] de rompre avec les méthodes traditionnelles de gouvernance pour co-construire l'avenir de notre village avec ceux qui y vivent au quotidien ». Certaines inquiétudes étaient toutefois présentes, relatives au « temps nécessaire pour mener une telle démarche et [au] risque de susciter de fausses attentes chez les habitants ». Des inquiétudes que le maire juge « légitimes » et auxquelles il a souhaité répondre en « insistant sur la clarté et la transparence dès le départ : nous avons expliqué que le processus serait cadré et que toutes les propositions ne pourraient pas forcément voir le jour ».
La concertation a eu lieu sur une demi-journée, dans l’école située place des Quilles. Après une introduction et une présentation des résultats tirés de la mission « Village d’Avenir », deux ateliers se sont succédés : le premier a permis d’identifier les déplacements piétons et voitures actuels et à venir en relation avec des évolutions dans la commune ; le second s’est centré sur le réaménagement de la rue du Tir et de la place des Quilles. En interrogeant collectivement ce qui fonctionne et ne fonctionne pas, à l’échelle de ce site, en s’autorisant à convoquer également le rêve et l’imaginaire, les participants et participantes ont contribué à préfigurer les transformations possibles et à faire émerger des éléments de programmation utiles à la future équipe de maîtrise d’œuvre.
« Les habitants ont une véritable expertise de leur quotidien, qu'ils sont heureux de partager »
Cette démarche participative a suscité, selon Freddy Cuntz, « une réelle curiosité et un engagement croissant » de la part des personnes présentes. Ces dernières ont fait part de leur « besoin d'être écouté[e]s et informé[e]s » et de leur « volonté de comprendre les décisions ».
Pour autant, ainsi que le maire ne manque pas de le souligner, « il n'y a pas eu une demande explicite de la part des administrés pour ce genre de démarche » et le nombre de participant.e.s reste faible (« seulement un peu plus 3% de la population »). Incitant les élus et agents à s’interroger sur leurs moyens de communiquer et de toucher un public plus large.
Nous souhaiterions interroger toutefois cette absence de demande, qui est l’une des limites souvent observées des démarches participatives. Pourquoi finalement cette demande existerait-elle ? Les citoyens ont bien peu de dispositifs et de moyens pour s’impliquer dans les projets d’aménagement des territoires, ils ne font pas ou si peu l’expérience de cette démocratie participative pourtant largement plébiscitée. Comment, dès lors, pourraient-ils formuler la demande d’une démarche qu’ils ne connaissent pas ?
Si, à l’inverse, nous prenons acte de cette absence, il s’agira alors plutôt de chercher à faire vivre cette expérience de la participation, expérience qui suscite fierté, confiance et engagement selon les mots du maire Freddy Cuntz : les habitants « sont prêts à s'investir si on leur en donne les moyens et l'opportunité ». Il ajoute : « l'expérience a été perçue comme un geste de confiance de notre part », « J'ai vu sur les visages une certaine curiosité au début, qui s'est rapidement transformée en engagement et en fierté. »


Le savoir-faire, le format et les méthodes déployés par l'équipe d'Urbitat+ et d'IupS ont « facilité l'adhésion des participants et ont permis de structurer des échanges complexes ». Nous avons ressenti, témoigne le maire de la commune, le fait que « les habitants ont apprécié qu'on leur donne l'opportunité de s'exprimer. Ils n'étaient pas de simples spectateurs, mais des acteurs impliqués dans la construction de l'avenir de leur ville ».
Si les démarches participatives apparaissent parfois compliquées à mettre en œuvre, notamment par le temps qu’elles exigent –temps de la longue durée qui entrent fortement en tension aujourd’hui avec les rythmes politiques et ceux du marché qui ne cessent d’accélérer – il semble pourtant que du temps, la commune de Goersdorf-Mitschdorf en a gagné : « Nous n'avons pas perdu de temps, nous en avons gagné », « Je suis certain d'avoir pris le temps nécessaire pour bien faire. Prendre le temps de la concertation, c'est l'assurance d'avoir un projet qui fait consensus et qui répond réellement aux attentes. »
Laissons à Freddy Cuntz le soin de conclure ce retour d’expérience : « Une réflexion essentielle concernant la temporalité des projets est qu'il faut inverser la logique traditionnelle. Plutôt que de voir la démarche participative comme une contrainte de temps, il faut la considérer comme un investissement initial qui garantit l'efficacité du projet à long terme. »
(Propos recueillis en août 2025)