Composer avec le son

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COMPOSER AVEC LE SON La prise en compte des sons et des ambiances sonores, dans le processus d’aménagement de la ville et de la conception architecturale, peut-elle contribuer à une pratique renouvelée des lieux ?

par : Alexandre Gouret MEMOIRE DE RECHERCHE ENSAN – 2018 Encadré par : François Fleury Co encadré par : Anne Philippe & Yannick Sutter

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SOMMAIRE 1 – Résumé

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2 – Introduction

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3 – État de l’art : La prise en compte du son dans les ambiances urbaines / architecturales p8 3.1. Paysage Sonore 3.2. Pollution Sonore 3.3. Expérimentations Sonores 3.4. Approches Transdisciplinaires 3.5. Approche de certains architectes 3.5.1. Bernard Tschumi 3.5.2. Christian De Portzamparc 3.5.3. Peter Zumthor 3.6. Conclusions

p8 p8 p 10 p 10 p 12 p 12 p 12 p 12 p 14

4 – Proposition d’une nouvelle approche sensible de caractérisation des ambiances sonores p 15 4.1. Contexte p 15 4.2. Méthodologie p 17 4.3. Paramètres & indicateurs des ambiances sonores p 20 4.3.1. Test d’une grille d’analyse sur des références p 20 4.3.2. Paramètres et indicateurs propres à l’acoustique p 22 4.3.3. Approche sensible p 25 4.4. Nouvelle représentation de caractérisation et perception des ambiances sonores urbaines et architecturales. p 32 4.4.1. Plein et vide p 32 4.4.2. Temporalités d'usages p 38 4.4.3. Parcours et séquencement p 43

5 – Conclusions

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6 – Bibliographie

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« Le savoir occidental tente, depuis vingt-cinq siècles, de voir le monde. Il n’a pas compris que le monde ne se regarde pas, il s’entend. Il ne se lit pas, il s’écoute. Notre science a toujours voulu surveiller, compter, abstraire et castrer les sens, en oubliant que la vie est bruyante et que seule la mort est silencieuse : bruits du travail, bruits de fête, bruits de vie et de nature ; bruits achetés, vendus, imposés, interdits; bruits de révolte, de révolution, de rage, de désespoir… Musique et danses. Complaintes et défis. Rien ne se passe d’essentiel dans le monde sans que le bruit ne s’y manifeste. Aujourd’hui, à un moment où le regard semble faire faillite, où l’on se contente d’un présent fait de spectacles, de vacarmes et de marchés, il faut apprendre à juger une société à ses bruits, à son art et à ses fêtes plus qu’à ses statistiques. A tendre l’oreille aux bruits du monde, on comprendra où l’entraîne la folie des hommes, quelles espérances sont encore possibles, quelles renaissances sont déjà à l’œuvre. » Jacques Attali, 19771.

1 - Attali Jacques, J. 1977, Bruits : essai sur l’économie politique de la musique, Paris, éd. Fayard.

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1 – RESUME La ville se présente à l’usager comme un environnement sonore complexe. Elle est composée d’une multitude d’espaces sonores qui se caractérisent par des ambiances aussi bien variables que cycliques. Cette diversité offre une certaine profondeur de champ, une épaisseur de significations, un enrichissement perceptif et dynamise l’espace urbain. C’est ainsi que d’un point de vue métaphorique, on pourrait comparer la ville à un instrument de composition sonore. Ceci pose l’hypothèse que le traitement sonore de l’espace peut contribuer au déploiement d’une attention sonore accrue. Poser la question du rapport entre l’espace et les sons ne se veut nullement une réponse à l’architecture, mais plutôt un nouvel angle d’attaque pour la problématique de la perception dans la conception des espaces. Ainsi la prise en compte des sons et des ambiances sonores, dans le processus d’aménagement de la ville et de la conception architecturale, peut contribuer à une pratique renouvelée des lieux. Aujourd'hui, les instruments de mesure acoustiques ne suffisent plus à rendre compte des ambiances sonores de la ville. Les indicateurs sonores du bâtiment caractérisent souvent une gêne et non un agrément. Mon travail tente d'apporter des réponses à ce verrou. Pour cela, je développe une nouvelle approche sensible de caractérisation des ambiances sonores en intégrant de nouveaux paramètres et indicateurs. En s’inspirant des disciplines artistiques telles que la peinture, la photographie et le cinéma, j'expérimente de nouvelles représentations de caractérisation et perception des ambiances sonores urbaines et architecturales. Afin de tester et d’expérimenter l’intérêt de cette approche, je me suis intéressé aux villes de taille moyenne et plus particulièrement la ville de Saint-Brieuc, en Bretagne. Ces villes semblent être un terrain d’expérimentation très riche, car elles sont en pleine mutation et témoignent d’un dérèglement urbain. L’une des conséquences majeures est la perte de la pratique du centre-ville et de l’espace public au profit de zones artisanales périphériques. Les pouvoirs publics mettent en place aujourd’hui un programme de revalorisation qui vise à redynamiser les centres-villes appelés « Action cœur de ville ». Nous pouvons dresser l’hypothèse qu’une approche sensible de caractérisation des ambiances sonores pourrait apporter des informations sur la perception du centre-ville par ses usagers et donc donner des indications pertinentes et nécessaires aux aménageurs de l’espace public.

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2 – INTRODUCTION IMPORTANCE DE LA DIMENSION SONORE DANS LA VILLE Poser la question du rapport entre l’espace et les sons ne se veut nullement une réponse à l’architecture, mais plutôt un nouvel angle d’attaque pour la problématique de la perception dans la conception des espaces. Le son est le témoin des interactions entre l’homme et son environnement. Il peut rendre compte des dysfonctionnements et des qualités de l’environnement urbain. La ville se présente à l’usager comme un environnement sonore complexe. Elle est composée d’une multitude d’espaces sonores qui se caractérisent par des ambiances aussi bien variables que cycliques. Cette diversité offre une certaine profondeur de champ, une épaisseur de significations, un enrichissement perceptif et dynamise l’espace urbain. C’est ainsi que d’un point de vue métaphorique on pourrait comparer la ville à un instrument de composition sonore. Ceci pose l’hypothèse que le traitement sonore de l’espace peut contribuer au déploiement d’une attention sonore accrue. Cependant cette richesse acoustique s’accompagne de gênes (la pollution sonore) qui renvoient à une multitude de facteurs culturels et humains telles que l’habitude, la sensibilité, l’éducation, rendant la ville plus ou moins audible. Ceci invite donc les architectes à développer des qualités d’écoute et de conception pour fabriquer des ambiances de la ville, et à être sensibles aux infinies nuances que nos oreilles peuvent entendre et apprécier. La conception architecturale peut ainsi prendre appui sur une sensibilité aux qualités musicale et acoustique des matériaux, du vivant, sur une écoute sensible des lieux, sur une connaissance de l’acoustique et déployer un imaginaire sonore des lieux propice à une poétique de l’existence. Cette connaissance sensible mais aussi technique fait écho à ce que l’on nomme l’écologie urbaine. L’intérêt se porte sur le devenir des espaces publics urbains et notre capacité à vivre dans un monde partagé. Articuler une esthétique des ambiances et une meilleure connaissance des milieux physiques, construits ou naturels permettrait sans doute de construire des espaces vivables, dans l’écoute et le respect des pulsations de la terre. Les ambiances sonores nous apportent des indices sensibles sur la santé de notre société, de la planète et fonctionnent tel un guide pour l’attention. D’autre part les problématiques de l’environnement urbain ont, le plus souvent, engendré des politiques de contrôle des nuisances (bruit, pollution, etc.). Plus encore, aujourd'hui, dans la démarche Haute Qualité Environnementale, le son est lui-même considéré comme nuisance. Peuton imaginer un avenir réduit à des aspects sociaux, économiques ou environnementaux, négligeant l’importance esthétique des vies quotidiennes ?

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PREMIERS TRAVAUX ET EXPERIMENTATIONS Mes premiers travaux, basés sur une approche sensible et expérimentale de l’environnement sonore1, m’ont amené à développer des méthodologies spécifiques à partir de l’expérimentation visuelle et sonore d’une traversée d’espaces du quotidien. La méthode montre comment tendre l’oreille et y prêter attention nous informe sur la composition de l’espace pratiqué. Les sons issus des usages induits par le bâti, les matières et autres éléments définissant notre environnement sonore sont une manifestation du vivant. La poursuite de ce travail s’est déployée sous la forme d’une mise en scène d’expérimentations à différentes échelles, de l’objet à l’architecture. Le but était de mettre en tension dans l’espace d’une galerie d’exposition différents environnements sonores et visuels qui invitaient le spectateur à prendre conscience des espaces sonores traversés et de les expérimenter. Il s’agissait d’évaluer l’hypothèse selon laquelle les sons insignifiants, parfois imperceptibles nous apportent des informations sur l’espace pratiqué. Les mettre en évidence engendre une plus grande qualité d’écoute. Afin de produire ces expérimentations, je me suis associé à Antoine Piel, étudiant en architecture qui expérimente et requestionne la question de la représentation architecturale et artistique. La première expérimentation consistait à interroger à partir de quel moment le son devient-il musique. Pour cela, nous sommes passés par la mise en scène d’un son a priori « non-musical » d’un objet du quotidien, de prime abord insignifiant : un grille-pain. Nous avons produit une autopsie de cet objet sous une série photographique intitulée « Autopsie d’un instrument de musique ». On y voit des éléments, a priori constituant un instrument a en lire la légende associée : grille de résonance, plaque de réverbération, lampes, etc. Le spectateur s’est ainsi laissé bercer par la mise en scène de ces éléments et du champ lexical de la musique. Prenons l’exemple d’une guitare : c’est un assemblage de mécanismes qui produisent du son que l’on considère comme musique. Mais le grille-pain est lui aussi un assemblage similaire ! Il participe à l’imaginaire sonore du matin et le fait de le considérer comme instrument produisant de la musique ne tient qu’à des détails de considération, de rythme, de variation de hauteur de son et de mise en scène des éléments. À la suite de cette série photographique travaillant sur l’imaginaire sonore, nous avons détourné cet objet du quotidien en instrument de musique intitulé « Orgue mécanique ». On y voit une boîte noire sur un socle en bois. Le spectateur est invité à actionner le bouton-poussoir devenant ainsi musicien. Un micro piezo (transformant les vibrations en sons) est dissimulé à l’intérieur, relié à un amplificateur présent dans le socle, au sein d’un caisson et capte le son du grille-pain lorsqu’on l’actionne et qu’il se met en route. Le son est modulé grâce à des effets sonores propres aux instruments de musique électronique (réverbération, écho, distorsion, mastering, etc). Ainsi, nous n’y percevons plus le son spontané du grille-pain, mais un séquencement de sons : une partition. Le grille-pain devient un élément de cet instrument.

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Produire cette exposition sur le son et l’espace sonore nécessite de traiter l’espace même dans lequel l’exposition se passe. Pour ce faire, avec une équipe pluridisciplinaire (architectes, maîtres d’œuvre, artistes, artisans) nous avons transformé deux conteneurs de bateau en galerie d’art éphémère. Par leur connotation liée à leur fonction et par leur matérialité, les conteneurs deviennent mon sujet d’expérimentation au même titre que le grille-pain. Afin de travailler sur l’imaginaire sonore et sur l’écoute j’ai dissimulé des micros piezo partout dans l’espace d’exposition. Le spectateur parcourt l’exposition en y découvrant mon court métrage « La ville-chante-t-elle ? », la série photographique « Autopsie d’un instrument de musique » ainsi que l’objet détourné « Orgue mécanique ». Durant les déambulations des spectateurs, les micros captent les vibrations des mouvements et déplacements. Ceux-ci sont centralisés sur une table de mixage et renvoyés à l’extérieur de la galerie à l’aide de haut-parleurs dissimulés dans une assise. Il s’agit de rendre audible l’espace sonore intérieur vers l’extérieur. Ceci n’aurait pas eu d’intérêt s’il s’agissait de micro d’ambiance. Le but réside dans le fait que, face à cette boîte (les conteneurs) nous percevons les sons imperceptibles de l’intérieur. Ce sont les sons qui fabriquent l’espace sonore de l’exposition. Le spectateur est amené en sortant de cette exposition à écouter les sons produits par le public encore présent au sein de la galerie. Cette prise de recul réinterroge son rapport aux sons du quotidien tout comme aux sons que lui-même produit. Cette exposition fait référence à l’écrivain Milan Kundera et son ouvrage La fête de l’insignifiance, ainsi qu’à John Cage et son œuvre 4’33, mais aussi l’ensemble des grands acteurs de la musique concrète d’hier ou d’aujourd’hui. Ces expérimentations sonores ont mobilisé la créativité et des moyens d’expression. Ceux-ci cherchent à qualifier l’espace sonore pour générer des compréhensions, des échanges, une prise en compte de l’environnement qui nous entoure et ainsi découvrir la richesse d’émotions que nous activent les sons. Ce travail de sensibilisation a également touché de nombreuses personnes, qui ne prêtaient pas forcément attention aux sons qui les entourent. Certains sont revenu me voir pour me dire qu’après cette exposition, ils ont remarqué toutes sortes de sons durant leur quotidien. Cette attention particulière les a rendus curieux et intéressés au monde qui les entoure.

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3 – ETAT DE L'ART 3.1. PAYSAGE SONORE2 D’importants travaux ont posé des jalons. C’est le cas du travail de R.Murray Schafer qui présente le concept de paysage sonore comme environnement acoustique. Au sein de son ouvrage Le Paysage Sonore3 il dresse dans un premier temps l’historique de l’évolution de notre paysage sonore allant des premiers paysages sonores au paysage post-industriel. Il conduit l’analyse en traitant différents thèmes tels que la notation, la classification ou encore le symbolisme du son. En nous offrant une compréhension du monde à travers le son comme témoin de notre société, l’auteur nous dirige vers des questions de design et d’esthétique sonore. Ces pistes sont des éléments de réponse aux problématiques sonores contemporaines. Cet ouvrage est précurseur dans la compréhension et la connaissance concernant la prise en compte du paysage sonore dans la conception de l’urbain. Cela nous permet d’appréhender le son non plus comme ornement mais comme réel constituant du monde

3.2. POLLUTION SONORE4 En présentant sa conception de paysage hi-fi et lo-fi 5, l’auteur nous apporte une prise de conscience d’une certaine pollution sonore. Il intègre des termes tels que l’écologie sonore 6 et esthétique sonore. Cet ouvrage est à mettre en parallèle avec deux autres ouvrages : Écologie Urbaine d’Olivier Coutard et Jean-Pierre Lévy ainsi 2 - Le paysage sonore est un terme développé par R.Murray Schafer au sein de son ouvrage Le paysage sonore : « Le terme s’applique aussi bien à des environnements réels qu’à des constructions abstraites, telles que des compositions musicales ou des montages sur bande, en particulier lorsqu’ils sont considérés comme faisant partie du cadre de vie ». 3 - Raymond Murray, Schafer, The Soundscape, our sonic environment and the tuning of the world, paru en 1977. 4 - Le terme de « pollution sonore » s’applique aux effets provoqués par des phénomènes acoustiques, bruits, ayant des conséquences sur la santé des personnes. D’une manière plus sensible, la pollution sonore traduit un surplus d’informations sonores ne permettant pas de distinguer la perspective sonore et donc notre environnement. 5 - Termes développés par R.Murray Schafer dans son ouvrage Le Paysage Sonore. Il nous explique que dans l’environnement hi-fi, le rapport signal-bruit est satisfaisant. Le paysage sonore hi-fi est celui dans lequel chaque son est clairement perçu, dans un faible niveau sonore ambiant. De ce fait la campagne est généralement plus hi-fi que la ville, la nuit l’est plus que le jour et le passé plus que le présent. Dans un paysage sonore hi-fi, les sons se chevauchent moins fréquemment. La perspective existe, avec un premier et un arrière-plan. Ainsi, précise-t-il, le calme du paysage sonore hi-fi permet d’entendre plus loin, de même qu’un paysage rural offre des panoramas plus vastes. Et donc au contraire, nous indique-t-il, dans un paysage sonore lo-fi, les signaux acoustiques individuels se perdent dans une surpopulation de sons. Un son clair disparaît dans le bruit général. La perspective s’évanouit. Cela a pour autre conséquence que la distance est abolie. Nous ne percevons plus ce qui est au loin. Seule reste la présence. Ce paysage lo-fi est apparut notamment avec la révolution industrielle et grandit avec la révolution électrique qui suivit. Schafer nous indique que la lo-fi naît de la congestion sonore. 6 - L’écologie sonore, ou écologie acoustique, est l’étude de la relation entre les organismes vivants et leur environnement sonore.C’est un concept formulé à l’origine par R.Murray Schafer dans son livre de 1977 Le Paysage sonore. Il y voit là le croisement d’une multitude de disciplines : musique, géographie, urbanisme, sociologie, acoustique, et bien d’autres. Mais il parle aussi d’une manière d’apprendre à écouter les « paysages sonores » pour mieux percevoir et lutter contre la pollution sonore.

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qu’Avant-Garde sonores en architecture7 de Carlotta Daro. L’ouvrage Écologie Urbaine coordonné par Olivier Coutard et Jean-Pierre Lévy réunit des contributions de chercheurs membres et associés au groupe de préfiguration du Programme de recherche interdisciplinaire Ville et Environnement (PIRVE), programme du CNRS qui coordonne des recherches sur le thème de la ville et de l’environnement dans le cadre de trois appels à projets lancés depuis 2008. L’ensemble de l’ouvrage nous offre un état de la recherche sur les écologies urbaines, à partir de thématiques qui croisent différentes disciplines. C’est donc un état des lieux particulièrement large, incluant des approches originales telles que les sensorialités ou l’ambiance urbaine, ou encore des inégalités écologiques. Il ne s’agit donc pas d’illustrer telle ou telle approche par une étude de cas plus ou moins approfondie, comme cela est fait généralement, mais de rendre compte de l’état de connaissances scientifiques dans le champ dans son ensemble. Les auteurs approfondissent les thèmes que ceux développés dans le livre de R.Murray Schafer, Le Paysage Sonore. Ces deux ouvrages s’organisent d’une manière similaire : croisement de thématiques autour de deux termes : Écologie et Urbain pour l’un, Paysage et Son de l’autre. Habituellement, les termes d’urbanité et d’environnement sont placés en opposition. Ici, la ville est présentée comme un site stratégique. En effet, la ville permet certaines interactions entre la société et son environnement naturel et bâti. Les espaces urbanisés ne sont plus uniquement perçus comme des nuisances pour l’environnement mais comme un ciment permettant de créer un lien entre la société et l’environnement. Cette approche est à mettre en relation avec le travail sur la théorie générale sur les ambiances architecturales développée notamment par les théoriciens du laboratoire du CRESSON au travers de leurs recherches sur l’espace sonore. Ce laboratoire a mis au point une série de méthodes spécifiques pour rendre compte des ambiances sonores. Ainsi des cartographies de l’espace vécu ont été développé par Olivier Balaÿ décrites au sein des Chorographie de l’urbanité sonore. Il défend le fait qu’aujourd’hui, face aux bruits urbains, et lié à un fantasme de maîtrise, le discours négatif sur les bruits a pris le pas sur le discours attentif à la culture sonore des citadins. Cette recherche de maîtrise, réalisé par des études de quantification acoustique, émet la dimension sonore de la ville d’une façon sensible. Il développe ainsi des cartographies sonores sensibles de l’espace vécu afin que cette dimension soit intégrée par les aménageurs. « Si l’on se dit que les sonorités de la ville n’existent pas au départ, mais qu’elles sont créées par les usages, que la matière sonore d’un quartier ou d’une rue est à la fois donnée et à obtenir, nous pensons que l’on rétablit une véritable et authentique démarche créatrice. Dans ce cadre, n’est-il pas tentant de se mettre à nouveau à l’écoute des cultures citadines, pour décrire leurs spécificités, évoquer leurs rôles créatifs dans le vécu quotidien et le sentiment de confort ». On ne se place pas comme un correcteur acoustique de la ville mais comme compositeur d’ambiance sonore.

7 - Carlota, Daro, Avant-gardes sonores en architectures, les presses du réel, Paris, 2013.

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Ces ouvrages nous encouragent à adopter un comportement d’attention et d’identification des sources sonores. Agir de la meilleure façon dans notre monde induit une très bonne compréhension de ce qui nous entoure. Le son, délaissé face à la domination rétinienne, constitue un outil indispensable de conception architecturale et urbaine.

3.3. EXPERIMENTATIONS SONORES De nombreuses expérimentations sonores et conceptions architecturales originales ont été produites que l’on peut trouver au sein du recueil Avant-gardes sonores en architecture. L’ouvrage de Carlotta Daro interroge l’architecture du point de vue du sonore, à la fois comme dimension acoustique de l’espace et comme matière sensible perçue. Son domaine de recherche s’étend elle aussi aux origines de la problématique de la dimension sonore de l’architecture dans l’Antiquité, aux très nombreuses questions culturelles, techniques, artistiques et sociales actuellement posées par les expériences liées au « paysage sonore », en passant par les avant-gardes musicales du XXe siècle. Au sein de son ouvrage, Carlotta Daro questionne le rôle que joue la musique, et plus largement le son, dans la perception d’un espace. Elle présente le travail produit par Iannis Xenakis pour le Pavillon Phillips lors de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. L’auteur souligne le fait que l’emplacement des sources sonores agit sur la propagation et la circulation du son. La position du spectateur dans l’espace est également un facteur important de cette transformation de perception. Placé en immersion dans l’espace sonore, celui-ci se retrouve envoûté. Ainsi les codes traditionnels de la musique acoustique sont bouleversés. La position fixe de l’interprète et du public est changée. La structure immobile d’une architecture est sublimée par le son. Il permet et provoque des interprétations multiples de l’espace. De plus, au-delà de son rôle d’ornement et de remplissage, la musique devient générateur spatial. Le progrès des techniques électro-acoustiques a permis la reproduction de sons en différents points. Ces avancées technologiques ont révolutionné l’écoute. Les expérimentations sonores telles que le parcours et plus largement la scénographie ont permis de revoir la façon d’écrire la musique. La musique peut être donc écrite dans de nouveaux buts tels que sa mise en scène dans l’espace. Il y a une transposition de l’écriture musicale au plan d’architecture. On arrive donc à un rapprochement, de ces deux disciplines.

3.4. APPROCHES TRANSDISCIPLINAIRES Le croisement de la musique et de l’architecture se met au service d’un objectif plus profond. L’ouvrage Musique de l’architecture8 retrace la vie de Iannis Xenakis, dans sa profession 8 - Iannis, Xenakis, Sharon Kanach, Musique de l’architecture, Editions Parenthèse, 2004.

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d’architecte, de compositeur et de mathématicien . Il exprime le travail quasi obsessionnel du rapport existant entre l’architecture et la musique. Il tend à faire comprendre l’ambition que cet homme avait de franchir les frontières entre les arts, par l’abstraction. Pour cela, il entrevoit ce qui les unit, révèle leurs éventuelles correspondances et ce qui rend une œuvre universelle et totale. Xenakis laisse apparaître des similitudes dans la représentation de la musique et de l’architecture à travers les correspondances entre la partition, le plan, le diagramme. Celles-ci peuvent se montrer capital dans la composition d’un bâtiment. La spatialisation du son et la musicalisation de l’espace. La métaphore musicale et la réalité sonore. À travers travers son texte Note sur un Geste Électronique9, Xenakis analyse le côté novateur du Pavillon Phillips de l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1958. La première partie de l’article explique le concept de geste visuel et la seconde partie, le concept de geste sonore. Le geste visuel consistait en des projections lumineuses sur les surfaces arrondies du bâtiment. Le geste sonore était basé sur les mouvements des sons des différents hauts-parleurs installés dans le bâtiment. Xenakis défend le fait que pour saisir et interpréter le mieux possible une œuvre musicale, celle-ci doit devenir concrète et donc se matérialiser. L’expression et la maîtrise de formes nouvelles ne se cantonnent pas au simple outil, guide qu’est l’instrument de musique. Cela passe par une abstraction complète. Afin que celle-ci soit effective, il faut prendre en compte deux dimensions : l’espace et le temps. Effectivement la musique ne se transmet pas de façon directe et immédiate. Elle agit plutôt comme un catalyseur. Pour la rendre physique et effective, la musique doit devenir visuelle tout d’abord. C’est là que l’intervention de la projection visuelle (cinéma, lumière) vient matérialiser la musique en imprégnant l’espace d’une atmosphère. Cette projection nécessite l’intervention de l’ordinateur et du progrès technologique. Mais la musique ne se matérialise pas seulement visuellement mais aussi spatialement. Avec l’aide de haut-parleurs et d’une disposition précise dans l’espace, le spectateur se retrouve imprégné. Le son l’entoure. La distance entre le spectateur et les haut-parleurs ainsi qu’entre les haut-parleurs modifie la perception du son. Xenakis défend le concept de mariage entre l’architecture et la musique. Avec les Polytopes et le Diatope, il tente de réunir les dimensions spatiales particulières propres aux arts sonores avec celles plus habituelles du visuel et de la kinesthésie. Cet extrait s’inscrit également sur le raisonnement premier de Iannis Xenakis qui s’efforça de franchir les frontières entre les arts. Il projette un nouveau type d’artiste concepteur qui « devra posséder des connaissances et de l’inventivité dans des domaines […] variés, en somme, une sorte d’universalité, mais fondée, guidée, orientée par et vers les formes et les architectures »10.

9 - Iannis, Xenakis, Note sur un Geste Électronique, Séguier, Paris, 1996. 10 - Iannis, Xenakis, Art/Sciences : Alliages, Tournai, Casterman, 1979, p.19.

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3.5. APPROCHE DE CERTAINS ARCHITECTES Pour compléter cet état des lieux, des architectes contemporains, tel que Bernard Tschumi, Christian De Portzamparc ou encore Peter Zumthor ont tenté, par un croisement interdisciplinaire, d’intégrer les ambiances architecturales et urbaines dans le processus de conception architectural, tout comme la notion de temps.

3.5.1. BERNARD TSCHUMI Tout comme Iannis Xenakis, Bernard Tschumi, cinéaste et architecte, a valorisé la complémentarité des arts. En recherchant de nouveaux moyens de représentation des environnements architecturaux et urbains, il défend une approche transdisciplinaire qui mêle le cinéma à l’architecture. La pertinence de son travail réside dans l'interdépendance de deux moyens de représentations « objectifs » et « subjectifs ». L'inscription de son travail sous les règles scientifiques (trame, mesure, etc.) offre une fondation solide à l'approche sensible. A la manière d'un film, il questionne le mouvement, le déplacement, le séquencement, intègre la temporalité et donc le parcours.

3.5.2. CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Tout comme Bernard Tschumi, Christian De Portzamparc perçoit l'architecture comme une expérience de la découverte et du mouvement. Il compare l'architecture à la musique du fait que sa perception est liée au parcours et à la durée : « Il ne s’agit pas de construire un labyrinthe, mais plutôt d’équilibrer les repères et les surprises, d’enchaîner des expériences contrastées qui, dans la perception, vont se succéder et communiquer une sorte d’euphorie à vivre à l’intérieur du bâtiment. Ces notions de parcours, de durée, d’espace et d’expériences émotionnelles contrastées sont pour moi fondamentales et me ramènent naturellement à la musique. La musique concentre en elle-même une sorte d’énergie primordiale impressionnante. »11 Cette question de la découverte et du mouvement renvoie à la notion d'ambiance développée par Peter Zumthor.

3.5.3. PETER ZUMTHOR L’ouvrage Atmosphère de Peter Zumthor est basé sur une conférence donnée le 1er juin 2003 dans la Grange des arts au château Wendinghausen, où il définit en neuf chapitres le processus d’observation et les références qu’il a à l’esprit quand il crée l’atmosphère de ses bâtiments. De la composition, au choix des matériaux en passant par le traitement des dimensions et de la lumière, cette poétique d’architecture nous permet de comprendre ce qui est important et essentiel dans le processus de conception. Dans le cas présent l’atmosphère symbolise l’esprit du lieu, matérialisé par la maîtrise des 11 - Michel Jacques, Armelle Lavalou, Portzamparc, Editions Arc en rêve, p.130-132.

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ambiances. Peter Zumthor utilise le souvenir comme élément constitutif de projet. Cette image, de mémoire, nécessite un bon traitement des ambiances afin d’éveiller la sensibilité du public visé. Au sein de son chapitre intitulé « le son de l’espace ». Zumthor travaille les sons produits par le bâtiment et ses usagers. Il explique : « […] que les bâtiments produisent un son par eux-mêmes […] c’est peut-être le vent, ou quelque chose d’analogue. Mais c’est seulement lorsqu’on va dans une chambre sourde qu’on sent que quelque chose est différent. Je trouve ça beau ! Je trouve ça magnifique de construire un bâtiment en le pensant à partir du silence »12. Ces bruits sont influencés par la nature des matériaux qui composent l’espace, par leur forme et par la manière dont ils sont assemblés. L’auteur l’intègre dans son chapitre « entre sérénité et séduction ». A la manière de l’écriture musicale, Zumthor tente une expérience de déplacement, en donnant du rythme et des séquences. La notion du temps est ici prise en compte puisque l’architecture est l’art de l’espace mais aussi l’art du temps. L’expérience d’un bâtiment se vit par le déplacement du visiteur comme une succession de séquences. Dans son deuxième ouvrage, Penser l’Architecture, Peter Zumthor approfondit son explication du processus de conception architecturale. Pour lui, la réflexion de projet doit dépasser la forme de la construction. Il nous explique que l’architecture doit être en liens étroits avec la vie. Pour cela il place la mémoire, le souvenir comme élément pionnier dans l’acte de bâtir. L’atmosphère et la maîtrise des ambiances sont les médiums essentiels de composition. L’un des éléments intéressants dans cet ouvrage est la façon dont la construction fait partie intégrante du mode de conception de Peter Zumthor. Il s’appuie sur un objet ayant une dimension physique et qui est influencée par ses souvenirs, l’âme du lieu pour penser à l’atmosphère qui convient au bâtiment. « Lorsque je travaille à un projet, je me laisse guider par les images et les atmosphères qui me reviennent en mémoire et que je peux associer à l’architecture que je recherche […] »13. Les souvenirs ne sont pas une image fidèle à la réalité. Ils évoquent une matérialité et une ambiance qui font appel aux sens. Pour lui, la qualité architecturale d’un bâtiment se traduit par la capacité qu’a le bâtiment d’émouvoir. L’image permet de conserver une démarche artistique s’inscrivant dans une réalité concrète. Lors de l’élaboration d’un projet, il prend garde à ne pas oublier pourquoi celui-ci est élaboré, puisque le bâtiment contribue à la production d’expériences. Celui-ci est conçu pour participer à la vie par sa présence physique. Pour ce faire, Peter Zumthor accorde une grande importance à la fonction. Il fait en sorte que le bâtiment réponde parfaitement à l’usage pour lequel il a été conçu. Pour cela il s’assure de produire une consonance. C’est-à-dire un agencement de toutes les composantes du projet qui sont exactement comme elles doivent être pour former un tout complet. Penser le bâtiment dans sa totalité implique de songer que celui-ci participe à un environnement, 12 - Peter, Zumthor, Atmosphères : éléments architecturaux, ce qui m’entoure, Bâle : Birkhäuser, 2008, p.31. 13 - Peter, Zumthor, Atmosphères : éléments architecturaux, ce qui m’entoure, Bäle : Birkhäuser, 2008, p.59.

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qu’il devient lieu de vie. « […] Quand des choses se sont trouvé elles-mêmes, qu’elles forment une consonance. Alors tout renvoie à tout et vous ne pouvez plus rien ôter. Le lieu, l’usage et la forme. La forme renvoie au lieu, le lieu est comme cela et l’usage renvoie à ceci et cela »14. Ainsi Perter Zumthor laisse à penser que la musique, et plus particulièrement le son, associé à l’architecture pourraient être force créatrice d’atmosphères. En basant la conception sur l’imaginaire et le souvenir, le bâtiment serait le témoin de la mémoire, vivante.

3.6. CONCLUSIONS En développant le concept de paysage sonore, R.Murray Schafer laisse supposer que l’espace sonore peut apporter une approche plus fine et plus sensible du réel ainsi qu’une plus grande attention à notre capacité à percevoir. Schafer nous donne à penser qu’un comportement plus attentif à notre environnement sonore et aux sources sonores nous permettrait d’approcher d’une certaine vérité sur le monde. En croisant des disciplines écologiques et urbaines, nous pourrions, de la même manière, croiser l’architecture et la musique afin de mieux concevoir l’espace urbain. Cette recherche de transdisciplinarité a été développé par une figure telle que Iannis Xénakis. De nombreuses expérimentations sonores ont été menée. Elles laissent supposer que la maîtrise des ambiances sonores pourrait révéler la poésie d’un lieu et permettrait de concevoir des espaces propices à la vie. Mais la maîtrise croissante de l’environnement sensoriel des villes peut produire des espaces de plus en plus conditionnés. Cette nouvelle maîtrise des ambiances ne prend-elle pas le risque de produire des espaces publics trop neutralisés? Mais encore, un environnement excessivement artificiel ne conduit-il pas une relative perte de contact avec la réalité se traduisant par un sentiment d’étrangeté? Le laboratoire du CRESSON tente, par un travail de représentation des espaces vécus, de révéler les ambiances sonores urbaines. Il pourrait être intéressant de s’inscrire en continuité de cette démarche en croisant d’autres discipline telles que l’a fait Bernard Tschumi avec le cinéma. A cet égard, la marche est souvent prise comme point de départ de la réflexion et permet de problématiser le rapport sensible du citadin à son environnement proche. C’est ainsi que l’on peut rendre compte des manières d’habiter la ville et mettre en évidence le pouvoir affectif des lieux en cultivant un questionnement sur l’imaginaire social. Ce sont les matérialités mêmes de la ville qui sont passées au crible de la perception sensible, révélant et spécifiant les qualités vécues des environnements construits. A travers ce travail de recherche, je propose une expérimentation d’une approche sensible de caractérisation des ambiances sonores, en intégrant de nouveaux indicateurs et paramètres ainsi qu’en tentant de développer de nouveaux moyens de représentation. 14 - Peter, Zumthor, Penser l’architecture, Bâle : Birkhäuser, 2010, p.26.

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4 - PROPOSITION D’UNE EXPERIMENTATION D’UNE APPROCHE SENSIBLE DE CARACTERISATION DES AMBIANCES SONORES Afin de tester et d’expérimenter l’intérêt d’une approche sensible de caractérisation des ambiances sonores, je me suis intéressé aux villes de taille moyenne. Elles concentrent aujourd’hui 23% de la population française et 26% de l’emploi. Leur vitalité est indispensable car elles profitent à l’ensemble de leur bassin. Ces villes semblent être un terrain d’expérimentation très riche car elles sont en pleine mutation et témoignent d’un dérèglement urbain. L’une des conséquences majeures est la perte de la pratique du centre-ville et de l’espace public au profit de zones artisanales périphériques. Les pouvoirs publics mettent en place aujourd’hui un programme de revalorisation qui vise à redynamiser les centres villes appelé «Action cœur de ville». Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, définit le cœur de ville comme «le creuset où se noue à la fois la vie civique, la vie économique, la vie sociale». Nous pouvons dresser l’hypothèse qu’une approche sensible de caractérisation des ambiances sonores pourrait apporter des informations sur la perception du centre-ville par ses usagers et donc donner des indications pertinentes et nécessaires aux aménageurs de l’espace public.

4.1. CONTEXTE

UN TERRITOIRE FRAGMENTE ET UN CENTRE-VILLE QUI SE DESERTIFIE Saint-Brieuc est une ville de taille moyenne faisant partie de ce programme «Action cœur de ville». Située en Bretagne, elle est le chef-lieu des Cotes d’Armor et rassemble les grands acteurs du département. C’est aujourd’hui une ville qui présente une grande richesse géographique, entre terre et mer, mais son développement vers des pôles périphériques tend à fracturer la ville en son centre. Son passage de ville rurale d’hier à centre urbain de demain souligne des incohérences avec lesquelles il faut composer. La population briochine décrit depuis plus de quarante ans et son centreville se désertifie. La désertification du centre-ville entraîne avec elle une perte de la pratique de l’espace public. Pour pallier ce phénomène, cela nécessite de nouvelles manières d’aménager le centre-ville et apporter de nouveaux usages, nouveaux lieux de rassemblement. Une caractérisation des ambiances sonores du centre-ville peut-être un outil intéressant, car il permettrait de rendre compte de la perception des espaces vécus de sa population et cibler les lieux de la ville à améliorer, valoriser ou souligner des zones d’intervention. La ville de Saint-Brieuc présente un certain potentiel pour devenir une ville dynamique. Elle 15


accueille, une fois par an, le festival Art Rock. Élue cette année «Meilleur festival urbain de France», il rassemble plus de 70 000 spectateurs le temps d’un week-end pour une ville comprenant un peu plus de 47 000 habitants. La réussite de ce festival réside dans le fait qu’il se déploie sur l’ensemble du centre-ville, exploitant l’ensemble de l’espace public, et produit des espaces aux ambiances sonores diverses et variées. Ce potentiel n’est pas exploité au quotidien et laisse à penser que la valorisation de la pluralité sonore pourrait entraîner avec elle une plus grande pratique de l’espace public et ainsi redynamiser le centre-ville.

SAINT-BRIEUC, UN TERRITOIRE FRAGMENTE ENTRE DIFFERENTS POLES

1 - Cartographie du territoire de Saint-Brieuc

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4.2. METHODOLOGIE - Identification des paramètres définissant une ambiance sonore à partir d’un cadre théorique. Dans un premier temps je tenterai d’identifier les paramètres définissant une ambiance sonore. La musique et l’architecture sont deux disciplines qui, par leur nature, peuvent être mises en opposition : d’une part la musique, phénomène immatériel et invisible a priori, d’autre part l’architecture, phénomène relatif au construit où le visible primerait sur les autres sens. En apparente opposition, ces deux phénomènes entretiennent pourtant un rapport indissociable. Les sons se propagent et atteignent leurs destinataires en traversant l’espace. Le triptyque «émetteur milieu de transition – récepteur» est donc la clef du lien qu’entretient la musique avec l’espace architectural. Il est aussi intéressant de noter que le vocabulaire employé dans l’une ou l’autre des disciplines précitées est souvent très proche, voire similaire. En effet, faisant souvent appel à des faits difficilement quantifiables ou mesurables, l’architecture ou la musique sont deux domaines où les sensations et les sentiments ont un rôle crucial et qui, dans leur description, font appel au même registre émotionnel. Ces deux disciplines possèdent chacune leur propre système d’écriture et de représentation tel que la partition pour la musique. D’une manière plus générale le son peut se lire à travers des spectrogrammes ou encore des courbes d’intensité. L’architecture s’exprime à travers la représentation 2D (plan, coupe, etc) et 3D (perspectives, isométries, axonométries, etc). La recherche d’une représentation commune peut mettre en lien certains paramètres architecturaux et effets sonores. Les paramètres que j’expérimente dans la prise en compte des impacts et effets sonores sont : - la nature des matériaux de construction et de revêtements - la distance et la forme des surfaces réverbérantes ou absorbantes par rapport au sujet - la position de l’usager et ses déplacements. Je développe ainsi une approche de l’architecture liée à la perception sonore des lieux en m’appuyant sur des études notamment sur les espaces de représentation artistique. Mais également, je m’appuie sur les cours d’acoustique de l’École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle (cinéma, son, animation) de Rennes.

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Utilisation d’une grille pour analyser des exemples architecturaux.

Après avoir identifié des paramètres définissant une ambiance sonore je tenterai de développer une grille permettant de croiser différentes analyses d’exemples architecturaux, puis d’en faire la critique et de la faire évoluer pour proposer une méthode de représentation opérante pour la conception. Cette grille permettrait de mettre en lien l’implantation du bâtiment, son organisation programmatique, sa structure, la technique de construction et ses impacts sonores pour ainsi mettre en évidence un rapport existant entre son et espace. Je présenterai ici seulement les conclusions de cette étape Le premier exemple étudié est l’agora antique. En grec moderne cela signifie «lieu de marché». En grec ancien (du verbe ageirein - AGEIREIN- se rassembler) cela signifie un lieu public situé dans le centre de la ville où les citoyens se rendaient pour échanger leurs opinions concernant les affaires publiques et privées. Les questions de l’amplification de la parole et de l’organisation programmatique liée au rapport usage-son y sont déjà posées de façon particulièrement lisibles. S’agissant d’un des premiers exemples de la prise en compte du son dans la conception de l’espace public, on peut penser qu’il peut servir de référence à partir de laquelle d’autres variantes sont générées. Mais également, c’est un modèle intéressant car il mêle le récit avec la démocratie dans sa source et tout cela passe par la mise en scène de l’espace sonore. Les agoras étaient des lieux où le sonore agissait sur la forme, la matière et l’usage. Ces espaces étaient organisés pour l’usage de la parole et les activités sociales. Elle favorisait la rencontre, l’échange, le débat. La forme de l’agora est régularisée par une géométrie précise qui sera la règle pendant la période hellénistique et romaine. Désormais le type ordinaire est un espace dégagé, de forme généralement, mais pas toujours, régulière, bordé d’un double rang de colonnes, au fond desquelles sont disposés des locaux de petite dimension destinés à diverses affectations. Les autres exemples que j'étudie sont des bâtiments entretenant un lien avec le son et plus particulièrement la musique : Le pavillon Phillips de Iannis Xenakis, le Corps Sonore de Peter Zumthor et la Cité de la Musique de Christian de Portzamparc. Tout comme les agoras, ces bâtiments ont été conçus par rapport aux qualités acoustiques de leurs espaces. Ces exemples permettent ainsi de comprendre ce qui conditionne la perception sonore d'un espace et ainsi affiner la grille d'analyse. Je l'applique ensuite à un bâtiment conditionnant particulièrement l'espace public qui l'entoure : le Centre Georges-Pompidou de Renzo Piano et Richard Rogers.

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Sur la base des résultats précédents, proposition d’une méthodologie d’analyse de – l’espace urbain, basée sur des représentations originales et opérantes, qui permet de croiser une description des dispositifs et une qualification de l’ambiance sonore. Dans un premier temps je ferai une analyse urbaine du centre-ville de Saint-Brieuc en utilisant les paramètres et indicateurs propres à l'acoustique et en dresserai les limites. Puis dans un second temps j'expérimenterai une analyse plus sensible des ambiances sonores du centre-ville en définissant différents paramètres afin de rendre compte de la perception sonore des espaces vécus. Enfin je développerai un système de représentation de caractérisation et perception des ambiances sonores urbaines et architecturales

Utilisation de ces paramètres, outils d'analyse sensible et les conclusions des études de cas – pour conduire des expérimentations qui consolident les hypothèses extraites des phases précédentes. Dans cette partie, décliner des expérimentations artistiques, architecturales (projet) et physiques, et expliquer comment elles se complètent ou se nourrissent. Il s'agit de développer une méthodologie théorique de conception architecturale prenant appuie sur la composition sonore. Cette étape n'est pas mise en œuvre dans ce développement mais serait nécessaire pour un programme de recherche complet et cohérent. Ce travail consisterait à développer des expérimentations sonores permettant de générer un projet d'architecture.

Extraction de ces différents résultats la validation d'une méthodologie d'analyse de – l'espace urbain. Je dresserai le bilan de cette méthodologie d'analyse urbaine, ses limites et les perspectives que cela ouvre.

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4.3. PARAMETRES ET INDICATEURS DANS AMBIANCES SONORES L’étude sonore peut-elle enrichir l’analyse urbaine et architecturale classique ?

4.3.1. EVALUATION D’UNE PREMIERE GRILLE D’ANALYSE

La première grille d’analyse a pour objectif de mettre en évidence les effets de l’implantation d’un bâtiment, l’organisation programmatique et la technique structurelle sur la perception sonore, puis de dresser la posture du rapport son - espace. Elle a été testée dans un premier temps sur l’agora antique. Grille d'analyse sonore des agoras Description spatiale

Conséquences sonore

Implantation : Intériorisation et concentration du son Situé au centre de la ville, peut-être bordé par une rue, le reste cloisonné. Espace central ouvert. Organisation programmatique : Chaque usage correspond à un espace sonore - Place libre et généreuse comprenant des qualifié gradins pour le théâtre et l'assemblée, une fontaine et bâtiments liés aux marchés - Portiques formant des galeries périphériques - Accolés aux portiques se trouve des locaux servant aux institutions et aux rassemblements informels Technique structurelle : Hiérarchisation des espaces suivant leurs - Terrasses permettant d'associé à chaque niveau qualités sonores une fonction : artisanale / commerciale et La structure spatiale, sa morphologie influencent civique /administrative la perception sonore - Portiques formant des galeries - Niches formant des locaux Conclusion sur la posture son / espace Les usages nécessitant des qualités sonores particulières sont génératrices d'espaces. Les autres exemples que j'étudie sont des bâtiments entretenant un lien avec le son et plus particulièrement la musique : Le pavillon Phillips de Iannis Xenakis, le Corps Sonore de Peter Zumthor et la Cité de la Musique de Christian de Portzamparc. Tout comme les agoras, ces bâtiments ont été conçus par rapport aux qualités acoustiques de leurs espaces. Ces exemples permettent ainsi de comprendre ce qui conditionne la perception sonore d'un espace et ainsi affiner la grille d'analyse. Je l'applique ensuite à un bâtiment conditionnant particulièrement l'espace public qui l'entoure : le Centre Georges Pompidou de Renzo Piano et Richard Rogers. Je ne présente ici que les conclusions de cette étape.

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Apports scientifiques : Ces études de cas ont montré la nécessité d’intégrer à la description des phénomènes – d’autres paramètres tels que le statut des espaces, la forme ou encore l’organisation spatiale. La mise en œuvre de cette grille à mis en évidence l'impact d'un bâtiment sur la perception – sonore des espaces attenants. Et de dresser une posture sur le rapport son – espace. Limites : Cette grille doit être complétée par une représentation de l’espace sonore mesurée d’un côté – et vécu de l’autre. Perspectives : –

Elle sera utile pour concevoir les expérimentations sur l’influence des dispositifs spatiaux.

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4.3.2. PARAMETRES ET INDICATEURS PROPRES A L’ACOUSTIQUE Problématique : La mesure acoustique suffit-elle à rendre compte de l’environnement sonore de la ville ? OUTILS DE MESURE ACOUTIQUE Afin de réaliser une analyse sonore du centre-ville de Saint-Brieuc (figure 2), j’ai utilisé les outils de mesure propres à l’acoustique tels que le sonomètre, l’enregistreur de bande sonore et un logiciel d’analyse de spectre et de fréquence audio. Après avoir relevé l’intensité sonore de lieux précis de la ville à différents moments de la journée et différents jours de la semaine, il est apparu que l’intensité sonore était plus ou moins constante. La différence d’intensité est remarquable entre la nuit et le jour, mais les variations sont très faibles en période nocturne.

2 – Terrain d'expérimentation : Le centre ville de Saint-Brieuc 22


DYNAMISME SONORE Les changements ne sont pas quantifiables uniquement par leur intensité et sont davantage liés à des changements de qualité du son, des changements d’usage. Prenons par exemple un rue isolée dans le centre-ville de Saint-Brieuc présentant un niveau sonore moyen de 70dB en journée. Son niveau d’intensité sonore semble satisfaisant, les sources sonores provenant principalement des flux autoroutiers. D’autre part prenons la place de la Résistance, où se déroule chaque jour le marché. Le niveau sonore moyen est équivalent en journée. L’intensité sonore semble donc identique. Cependant, la place de la Résistance rassemble peu de flux autoroutier et au contraire des flux humains importants, de grandes variations de temporalités d’usages et des ambiances sonores différenciées. La mesure de l'intensité sonore ne nous informe pas sur la composition sonore et ne permet donc pas de qualifier l'environnement sonore. CONFORT AUDITIF D’autre part, j’ai enregistré des bandes sonores au sein de ces deux lieux avec l’aide d’un enregistreur sonore TASCAM. Puis j’ai étudié la répartition des hautes et basses fréquences avec l’aide d’un logiciel de visualisation sonore AUDACITY (figure 3). Au niveau de la rue étudiée il en ressort la forte présence de hautes et basses fréquences produites par le passage régulier de mobylettes, camion de poubelles et automobiles. Au contraire, la place du marché présente des spectres équilibrés entre hautes et basses fréquences mettant en évidence un certain confort auditif. La visualisation en spectrogramme apporte des informations complémentaires permettant d’interpréter pourquoi une même intensité peut constituer une gêne ou un agrément.

3 – Spectrogramme représentant la composition sonore de deux espaces (à gauche la place, à droite la rue).

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Apports scientifiques : Les outils de mesure acoustique classique nous donnent des informations sur – l’environnement sonore. L'intensité sonore permet de rendre compte du dynamisme sonore. – La lecture en spectrogramme permet de représenter le son et nous donne des indications sur – sa composition entre hautes et basses fréquences. Limites : – –

Ces outils ne qualifient pas les ambiances sonores perçues. Ils ne nous informent pas des paramètres conditionnant les ambiances sonores.

Perspectives : – – –

Quel peuvent-être les autres paramètres d'analyse sonore ? Comment rendre compte des qualités des ambiances sonores ? Une approche sensible peut-elle enrichir l'analyse acoustique des lieux ?

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4.3.3. APPROCHE SENSIBLE Problématique : Quels peuvent-être les autres paramètres d’analyse sonore ? Nous avons pu voir d’une part, que l’ensemble des choix architecturaux conditionnaient le son dans un espace et pouvaient avoir des effets sur la perception sonore d’un espace. Ainsi le statut de l'espace, son organisation programmatique, la forme de ses espaces ou encore la technique structurelle d'un bâtiment conditionnement l'environnement sonore. D’autre part, nous avons pu voir que l’analyse sonore classique ne permettait pas de qualifier correctement les lieux de la ville. A intensité égale, il est difficile de différencier deux ambiances sonores. Nous pouvons donc nous demander si la morphologie, la matière de revêtement, le comportement humain ou technologique, la présence de la nature, ou encore le climat local peuvent influer sur la perception sonore. Ces éléments précités ont deux influences : Elles influent sur les caractéristiques du son, indépendamment de la présence d’un auditoire. – Le son est produit, atténué, réfléchi, modifié par ces éléments. Elles influencent la perception qu’on a de ce même son (la signification que l’on donne au – son notamment, le fait d’être partie prenante ou non, etc. MORPHOLOGIE En isolant chaque typologie d’espace présent en ville, nous pouvons nous rendre compte que la morphologie de l’espace est un paramètre générant les ambiances sonores de la ville. La circularité du son n'est pas la même partout. Ce que nos oreilles captent sont en fait des vibrations qui se déplacent dans l'air. La diffusion du son dépend de la constitution du lieu dans lequel celui-ci évolue. Prenons par exemple la place du marché : si celle-ci est cloisonnée de chaque côté par de grands bâtiments aux façades lissent et droites, il y a un effet d'écho alors, l'intensité augmente. Il y a un effet de réverbération. Si au contraire, cette place est très ouverte, le son s'évapore de toute part, il n'y a pas d'effet de réverbération et l'intensité sonore régresse. STATUTS DES ESPACES Un espace public ou un espace privé ne vont pas générer les mêmes sonorités, intensité et pluralité sonore. Les sons produits dans un lotissement pavillonnaire (enfants jouant dans un jardin, chien qui aboie, repas collectifs par exemple) ne vont pas être les mêmes que sur une place de marché (brouhaha collectif de personnes faisant leurs provisions, commerçant élevant la voix afin d'attirer les clients ou encore le crépitement des grils rougissants). MATIERE Nous pouvons nous demander si, au même titre que la morphologie des espaces, la matière peut influer sur l’environnement sonore. Pour le cas de la ville de Saint-Brieuc, les façades des bâtiments de la ville sont en grande majorité constituées de pierre. Nous relèverons ainsi les matériaux 25


constituant le sol : le bitume, les matières organiques, les pavés. La matière a des effets sur la perception sonore d'un lieu. Par exemple les interactions entre un sol constitué de pavés et les roues d'une voiture, les chaussures talons d'une passante ou encore une poussette pour enfants émet une sonorité particulière. Celle-ci est différente si le sol est en bitume. NATURE ET CLIMAT De la même manière, la nature et le climat peuvent influer l’environnement sonore : le vent transporte avec lui le son, mais il fait bouger les arbres également, le bruit de la pluie tombant sur les pavés, le chant des oiseaux dans les arbres, etc. Les espaces publics du centre-ville de Saint ne présentant pas beaucoup de végétation. Située au nord de la Bretagne, la ville accueille beaucoup de précipitations et de vent, à majorité suivant l’axe nord-est /sud-ouest. FLUX La présence d'axes piéton ou automobile s'accompagne avec elle des sonorités conditionnant l'environnement sonore. Les flux autoroutiers par exemple, produisant de fortes intensités sonores ont tendance à masquer les autres sons de la ville. Les coups de klaxons des automobilistes, le bruit des freins et des moteurs influencent l'ambiance sonore perçue. Ces éléments d’analyse permettent ainsi d’orienter le travail de composition sonore. Elles nous permettent d’avoir un panel de paramètres de modulation des sons de la ville. On ne se place pas comme un correcteur acoustique de la ville mais comme compositeur d’ambiance sonore. SOCIO-ACOUSTIQUES Olivier Balaÿ a développé des cartographies de l'espace vécu en prenant en compte des paramètres socio-acoustiques. Il dresse ainsi une analyse sonore à partir des particularités locales. Des quartiers comportant des rues semblables ont en effet des ambiances sonores différentes. Le type de vie sociale qui s’y développe et les exigences morales que se donnent ceux qui les habitent peuvent énormément varier. Cette analyse apporte une dimension sonore qualitative et se décline en quatre cartographies pouvant s'appliquer au centre-ville de Saint-Brieuc : Découverte sonore à partir des lieux et parcours remarquables (figure 4). – Fonds sonores dominants (figure 5). – Type de sociabilité (figure 6). – Types spatio-acoustique (figure 7). –

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.

4 – Découverte sonore du quartier à partir des lieux et parcours remarquables

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5 – Fonds sonores dominants repérés par l'observateur

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6 – Types de sociabilités repérés par l'observateur

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7 – Types spatio-acoustiques repérés par l'observateur

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Apports scientifiques : – – – –

De nouveaux paramètres sensibles permettant de rendre compte des ambiances sonores. Étude complémentaire à l'analyse acoustique. Analyse considérant la perception de l'usager. Analyse permettant de qualifier l'environnement sonore.

Limites : – – –

Nécessite de trouver des moyens de représentation. Système de représentation scientifique. Subjectivité des cartes sociaux-acoustiques.

Perspectives : Travail de composition dans l'aménagement urbain. – Trouver un système de représentation permettant de rendre compte de ces paramètres en – faisant appel à une mémoire sémantique d'une part et à des caractéristiques mesurables d'autre part. Quantifier les paramètres d'analyse. –

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4.4. NOUVELLE REPRESENTATION PERCEPTION DES AMBIANCES ARCHITECTURALES

DE CARACTERISATION SONORES URBAINES

ET ET

4.4.1. PLEIN ET VIDE Problématique : La question du plein et du vide peut-elle enrichir la retranscription et l’analyse ? Afin de rendre compte des ambiances sonores il s'agit de trouver un moyen de représentation. Pour en rendre compte, j’utilise l’ouvrage L’enseignement de Las Vegas de Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour afin de développer une manière de représenter le centre-ville de Saint-Brieuc. Ce livre présente une étude très précise des rues de Las Vegas en expérimentant des représentations de la ville questionnant le rapport à l'image. La technique de représentation se fait en plan schématique monochrome. L'intérêt de cette représentation réside dans le fait que l'information est tout de suite perceptible et convoque des codes universels. Cette représentation informe sur la forme, la localisation mais aussi la proportion de l'information traitée dans le secteur donné. Le choix d'une représentation monochrome renvoie à la question du plein et du vide. Cette question interroge même la profession de l'architecte : l'architecte créé-t-il le plein ou le vide ? Ce que l'architecte conçoit ne se résume pas au plein mais bien au vide. Il crée l'espace, le contenu, ce qui se passe entre les murs. De ce fait nous pouvons considérer le vide comme un plein. Le plein et le vide entretiennent un rapport de complémentarité. Si le vide fait exister le plein et lui donne sens, il le révèle et entretient des rapports dialectiques de transformation et d'identité. Cette technique de représentation sensible n'utilise pas de codes scientifiques, à proprement dit, où l'information binaire permet une clarté, une évidence de l'information. L’intérêt de dissocier et isoler les informations réside dans le fait que cela permet une liberté d'interprétation permettant à chacun de se les approprier. Cette recherche d’objectivité, de ne pas orienter le regard, apporte une information entière, pure, alors que la synthèse correspond déjà à la vision de celui qui la fait. Ainsi, libre à chacun d'extraire de cette information ses conclusions personnelles, pouvant procéder à des comparaisons. La perception du son est très personnelle car elle renvoie, certes, à une mémoire collective, mais aussi et surtout à une mémoire personnelle liée à ses souvenirs, son vécu.. Le son, le sens et l'imaginaire sonore se conjuguent. Ce moyen de représentation met en association la mémoire sémantique et la perception esthétique d'un son. Ainsi nous pouvons appliquer cette technique à l'analyse du centre-ville de Saint-Brieuc. Dans la figure 8, nous considérons le blanc comme la présence de l'information et noir comme absence. Ici, il s'agit de la présence de surfaces bitumée dans le centre-ville de Saint-Brieuc. Nous distinguons un 32


rapport de proportion et les surfaces bitumées représentent 10% du total des surfaces au sol du secteur observé.

8 – Proportion des surfaces au sol bitumé dans le centre-ville de Saint-Brieuc Nous pouvons ensuite, à partir d'un plan et d'un relevé du centre-ville, venir répartir et dessiner les formes de ces espaces bitumés pour avoir une information complète et précise (figure 9).

9 – Présence de surfaces au sol bitumé dans le centre-ville de Saint-Brieuc.

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Ici nous pouvons observer que le centre-ville de Saint-Brieuc possède peu de surfaces au sol bitumé et que celles-ci sont reparties dans l'ensemble du secteur en des espaces plus ou moins homogènes et de grande taille et déconnectés les uns des autres. Si l'on observe ensuite la présence de sols pavés (figure 10), nous pouvons voir que les surfaces au sol constituées de pavés sont omniprésentes. Nous pouvons imaginer une des caractéristique des ambiances sonores de Saint-Brieuc sera celle des interactions entre les usages et ce type de sol (cf Approche sensible, matière).

10 – Présence de surfaces au sol des espaces publics constitué de pavés dans le centre-ville de Saint-Brieuc. Cette méthode de représentation peut être déclinée sur chaque critère étudié. Ainsi nous pouvons observer les espaces autoroutiers (figure 11), les espaces piétons (figure 12), les revêtements de sol organiques, (figure 13) et la présence de la végétation (figure 14). Pour les deux cartographies qui suivent (figure 11 et 12) nous pouvons constater que le centre-ville de Saint-Brieuc donne une très grande place à la présence de la voiture. Les espaces publics piétons sont regroupés dans un petit secteur ou répartis en trottoirs bordant les axes autoroutiers. Nous pouvons imaginer que le bruit des voitures peut-être le fond sonore dominant.

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11 – Présence d'espaces publics piétons dans le centre-ville de de Saint-Brieuc

12 – Présence d'espaces autoroutiers dans le centre-ville de Saint-Brieuc

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13 – Présence de surfaces au sol organique dans le centre-ville de Saint-Brieuc.

14 – Présence de la végétation dans le centre-ville de Saint-Brieuc. Pour ces deux cartographies (figures 13 et 14), nous pouvons constater qu'il y a une faible présence de la nature dans le centre-ville de Saint-Brieuc. La végétation a la particularité de jouer un filtre sonore mais aussi, de source sonore : la présence d'oiseaux chantant dans les arbres, le vents agitant les branches, etc.

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Apports scientifiques : Permet de représenter les paramètres des ambiances sonores de la ville. Compréhension objective Quantification des paramètres par un travail de proportionnalités

– – –

Limites : Ne prends pas en compte les temporalités d'usage. – Il est nécessaire de dresser des comparaisons pour dresser des conclusions sur la – qualification des ambiances sonores.

Perspectives : –

Développement complémentaire d'un document traduisant les temporalités d'usages

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4.4.2 TEMPORALITES D’USAGES Problématique : Les temporalités d’usage peuvent-elles mettre en évidence les bienfaits et les dysfonctionnements au sein de l’espace public ? Nous avons pu voir que les ambiances sonores pouvaient varier suivant différents paramètres tels que la morphologie de l'espace, les matières présentes au sol, la présence ou non de végétation, etc. Mais les ambiances sonores sont aussi cycliques dans le temps. Les ambiances varient en fonction du jour et de la nuit mais aussi suivant les activités se déroulant aux différents moments de la journée et de la semaine. Pour rendre compte au mieux des ambiances sonores de la ville, évoluant dans le temps, il s’agit de prendre connaissance des différentes temporalités d’usages. Ce paramètre socio-acoustique place l'homme au centre des observations. Afin de retranscrire les différents usages présents au sein d’un espace nous identifions les différents espaces publics du centre-ville de Saint-Brieuc et pour rendre compte des temporalités d’usages, j’ai formé une grille iconographique (figure 15). Sept cases horizontales représentant chaque jour de la semaine, sur trois cases verticales représentant les différents moments de la journée : matin, après midi, soir. Les iconographies correspondent à des photographies de l'espace lorsqu'un usage se produit et font appel à la mémoire sémantique. Par exemple, un espace où des personnes sont assises en terrasse correspond à l'usage du bar. Ainsi nous pouvons remarquer si une place, un espace public, présente une grande diversité d’usages et ainsi des ambiances sonores riches et contrastées. Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

Dimanche

Matin

Après-midi

Soir 15 – Calendrier hebdomadaire des temporalités d'usages de la place du Chai à Saint-Brieuc.

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Également, la composition de la photographie renvoie au type d'ambiance sonore produite. Par exemple, sur la figure 16 nous distinguons une petite place au premier plan, un second plan divisé entre des maisons de centre-ville et une fuyante vers un espace attenant. Cette petite place renvoie à un espace de repos sonore, les maisons renvoient à une typologie sonore particulière au centre-ville ancien tandis que la fuyante dresse l'arrière-plan de la ville en fond sonore.

Figure 16 – Photographie d'une petite place publique du centre-ville de Saint-Brieuc

De plus, nous pouvons remarquer qu'une approche sensible du document peut mettre en évidence une corrélation sensible entre le grain de la photographie et l'aspect texturé que peut prendre le son. Ainsi dans les figures 17 et 18 nous pouvons comparer l'aspect texturé d'une foule qui rappelle le tumulte (figure 17) à celui d'un aplat plus lisse (figure 18) produit par un usage bien défini.

17 – Photographie des halles de Saint-Brieuc lors d'une après-midi où les terrasses de bar sont bondées. 39


18 – Photographie d'une messe à Saint-Brieuc.

Le fait de passer ici sur un mode de représentation lieu par lieu permet de définir et qualifier les espaces publics de la ville. En faisant un listing exhaustif des différents usages, cela permet de rendre compte de la diversité des ambiances sonores et ainsi donne la possibilité de produire des comparaisons. La retranscription de l'ensemble des jours d'une semaine donne des informations sur l’usage mais aussi permet de le quantifier et mettre en évidence sa récurrence ou sa rareté.

Ainsi nous pouvons observer le cas de deux espaces publics : la place du Chai (figure 19), composée de nombreux bars et restaurants, propose une activité – quasi omniprésente.

19 – Calendrier hebdomadaire des temporalités d'usages de la place du Chai à Saint-Brieuc.

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les halles (figure 20), sont un espace public très riche par sa forme et son implantation – centrale dans la ville, elles offrent une flexibilité d’usage et la possibilité pour les citadins de se l’approprier. Le marché, les terrasses de restaurants, les concerts, les spectacles urbains. Une multiplicité d’usages générant des ambiances sonores diverses.

20 – Calendrier hebdomadaire des temporalités d'usage des halles à Saint-Brieuc. Si ce document permet de remarquer des espaces publics très pratiqués, il souligne les espaces publics et places pouvant être considéré résiduels de la ville où l’usage est unique et de ce fait l’ambiance sonore monotone. C’est le cas pour deux places publiques : La place du Martray (figure 21), est un véritable carrefour urbain avec le passage de l’axe – principal autoroutier du centre-ville, le bus, et le croisement de l’axe piéton reliant la place du chai et les halles. Cette place est encore très récente suite à la démolition d’une halle commerciale. C’est un espace libre, pratiqué uniquement en sa périphérie. Son ambiance sonore est composée principalement des flux autoroutiers.

21 – Calendrier hebdomadaire des temporalités d'usage de la place du Martray à Saint-Brieuc. 41


Le parking Poulain Corbion (figure 22), a la particularité, une fois par an, d’accueillir le – festival Art Rock, où la ville est en éphervécence. Élu meilleur festival urbain de France, le festival représente la seule diversité d’usage de cette grande place. Cet usage ponctuel révèle une des limites de ce calendrier hebdomadaire, où la représentation de cet usage n'est pas censée apparaître.

22 – Calendrier hebdomadaire des temporalités d'usage parking Poulain Corbion à Saint-Brieuc.

Apports scientifiques : Nous informe des usages et leurs temporalités présents dans un espace. Ainsi nous pouvons – distinguer si l'espace présente de grandes variations d'ambiances sonores ou non. – Limites : Calendrier hebdomadaire ne permet pas de rendre compte des événements ponctuels – annuels. Les iconographies représentant un usage propre à une espace nécessiterait d'avoir une – codification commune entre les différents espaces publics de la ville. Perspectives : – – –

Ce calendrier hebdomadaire pourrait être décliné de manière mensuelle et annuelle. Un document synthétique annuel pourrait venir compléter ces informations et ainsi caractériser plus largement un espace. Mise en relation avec les autres paramètres afin de qualifier les ambiances sonores présentes dans chaque espace. 42


4.4.3. PARCOURS SEQUENCEMENT Après avoir identifié des paramètres permettant de qualifier les ambiances sonores de la ville puis en intégrant la temporalité d'usage il a semblé nécessaire de questionner le rapport qu'entretiennent ces espaces entre eux. Cela permettrait de rendre compte de l'orchestration des différentes ambiances sonores et en quoi ces différents « mouvements urbains » créent une partition sonore de la ville et ainsi de les concevoir comme un parcours séquencé. Ce document synthétise l'analyse sonore du centre-ville de Saint-Brieuc et permet de saisir les perceptions sonores d'une traversée de la ville que peut avoir un citadin. Afin de produire ce document synthétique je me suis intéressé au travail de Sergueï Eisenstein. Ce cinéaste a développé un type de document permettant de montrer la structure de montage d'une séquence filmique (figure 23).

23 – Structure de montage d'une séquence filmique issue du film Alexander Nevsky (1939). Ce document est composé de 6 lignes horizontales mettant en corrélation une photographie du cadrage (ligne 1), les phrases musicales (lignes 2) et la partition musicale (ligne 3), la longueur du plan en mesure (ligne 4) et le diagramme de composition picturale (ligne 5), le diagramme des mouvements de la scène (ligne 6). L'architecte Bernard Tschumi a tenté de transposer ce document, propre au cinéma, sur un parcours architectural (figure 24). Il se décline en 4 lignes mettant en lien une photographie des actions (ligne 1), un diagramme d'une coupe de l'espace (ligne 2), un diagramme d'un plan de l'espace (ligne3), le comportement et le mouvement de la traversée de cet espace (ligne 4). La transdisciplinarité des représentations mises en exergue par ces deux recherches nous informe sur la traduction picturale alliée à une représentation scientifique en diagramme peut donner une compréhension totale des sujets d'études.

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24 – Hommage à Eisenstein produit par Bernard Tschumi en 1977, correspondant à la structure d'un parcours d'une partie du jardin Joyce.

Sur cette base le document synthétique (figure 25) comprends 5 lignes horizontales : La première ligne correspond aux représentations photographiques de l’espace traversé. – La deuxième ligne représente, en plan schématique, la morphologie des espaces traversés – ainsi que les déplacements piéton (trait continu) et automobile (trait discontinu). La troisième ligne représente, en coupe schématique, la morphologie des espaces traversés. – La quatrième ligne correspond au temps moyen en minutes nécessaires pour traverser – l’espace et souligne ainsi des séquences. La cinquième ligne correspond à la perception et la composition sonore de l’espace. En – rouge la présence de sons liés à la technologie (voitures), en jaune la présence de sons liés à la nature (arbre, oiseaux), en bleu la présence humaine, en blanc la présence du fond sonore de la ville. Cette traduction se base sur la description scientifique d'une traduction picturale (premier plan, second plan, arrière-plan). Elle prend également appui sur la connaissance des temporalités d'usages présents au sein de l'espace concerné.

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1

2

3

4

Photographie

Plan et mouvements

Coupe

Mesure

Composition sonore

25 – Frise chrono-morphologique sonore d'un parcours urbain

45

5


Apports scientifiques : – – – –

La production de frises chrono-morphologiques nous donne des indications sur les lieux et les possibilités d’intervention, sur la manière d’agir. Permet de voir comment la mise en séquencement de ces places permet de créer des parcours sonores dynamiques. Ce document montre le lien qu’entretiennent les espaces urbain entre eux Rend compte des ambiances sonores de la ville et de la composition de celles-ci.

Limites : – –

Pourrait intégrer plus de lignes et ainsi rendre compte de chaque paramètre étudié. Ces documents nécessitent un bagage scientifique afin de les lire correctement.

Perspectives : –

Applications potentielles : – Ce type de document peut permettre de dresser un diagnostic des ambiances sonores urbaines pouvant être utile au service d'urbanisme de la ville concernée. Ce diagnostic pourrait être intégré aux documents directeurs liés à l'urbanisme (Plan Locaux d'Urbanisme). – Ce document peut être nécessaire pour un projet d'aménagement permettant de s’inscrire dans la composition sonore urbaine et s’adapte au mieux à son environnement. Il donne des indications sur la forme que peut prendre cet aménagement. – Cette étude peut permettre la création de parcours de sensibilisation sonore attractifs.

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5 - CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Afin de tester et d’expérimenter l’intérêt d’une approche sensible de caractérisation des ambiances sonores j'ai développé une grille d'analyse comparative mettant en lien les choix architecturaux et leurs effets sur la perception sonore des espaces. Nous avons pu voir que l'étude sonore pouvait enrichir l’analyse urbaine et architecturale classique. Ces études de cas ont montré la nécessité d’intégrer à la description des phénomènes d’autres paramètres tels que le statut des espaces, la forme ou encore l’organisation spatiale. La mise en œuvre de cette grille a mis en évidence l'impact qu'a d'un bâtiment sur la perception sonore des espaces attenants. Et ainsi de dresser des postures sur le rapport son – espace. Cette grille analytique peut être utile pour concevoir des expérimentations sur l'influence des dispositifs spatiaux. Cependant elle doit être complétée par une représentation de l’espace sonore mesurée d’un côté et vécu de l’autre. Après avoir réalisé une analyse sonore du centre-ville de Saint-Brieuc à l'aide des outils de mesure acoustique classique, nous avons pu voir que la mesure acoustique ne suffit pas à rendre compte de l’environnement sonore de la ville. Certes ces outils de mesure nous donnent des informations sur l'environnement sonore tel que l'intensité sonore ou encore la composition sonore entre hautes et basses fréquences mais ne permettent pas de qualifier les ambiances sonores perçues et ne nous informent pas des paramètres qui les conditionnent. Il est donc nécessaire de compléter cette analyse avec une approche plus sensible. Nous avons pu voir que de nouveaux paramètres sensibles permettent de qualifier et rendre compte des ambiances sonores urbaines. Ainsi, la morphologie, la matière de revêtement, le comportement humain ou technologique, la présence de la nature, le climat local, les temporalités d'usages ou encore les paramètres socio-acoustiques peuvent influer sur la perception sonore. Ces éléments précités ont deux influences : – Elles influent sur les caractéristiques du son, indépendamment de la présence d’un auditoire. Le son est produit, atténué, réfléchi, modifié par ces éléments. – Elles influencent la perception qu’on a de ce même son (la signification que l’on donne au son notamment, le fait d’être partie prenante ou non, etc.). Ces éléments ouvrent des possibilités de composition dans l'aménagement urbain. Pour ce faire, il est nécessaire de trouver un système de représentation permettant de rendre compte de ces paramètres en faisant appel à une mémoire sémantique d'une part et à des caractéristiques scientifiques mesurables et quantifiables d'autre part. Afin de développer une nouvelle méthode de représentation de caractérisation et perception des ambiances sonores urbaines et architecturales je me suis intéressé dans un premier temps à la question du plein et du vide. La technique de représentation se fait en plan schématique monochrome. L'intérêt de cette représentation réside dans le fait que l'information est tout de suite perceptible et convoque des codes universels. Cette représentation informe sur la forme, la localisation mais aussi la proportion de l'information traitée dans le secteur donné. Elle permet de 47


représenter les paramètres générant les ambiances sonores de la ville, de les quantifier et favorise une compréhension objective et subjective. Cependant, cette technique de représentation ne rend pas compte du paramètre de temporalités d'usages et nécessite le développement d'un document complémentaire. Les ambiances sonores sont aussi cycliques dans le temps. Les ambiances varient en fonction du jour et de la nuit mais aussi suivant les activités se déroulant aux différents moments de la journée et de la semaine. Pour rendre compte j'ai développé un calendrier hebdomadaire composé de photographies de l'espace lorsqu'un usage se produit et fait appel à la mémoire sémantique. De plus la composition de la photographie renvoie au type d'ambiance sonore produite avec un premier, un second et un arrière-plan. Ce document informe des usages et leurs temporalités présents dans un espace. Ainsi nous pouvons distinguer si l'espace présente de grandes variations d'ambiances sonores ou non. Ce calendrier hebdomadaire pourrait être décliné de manière mensuelle et annuelle. Après avoir identifié des paramètres permettant de qualifier les ambiances sonores de la ville puis en intégrant la temporalité d'usage il a semblé nécessaire de questionner le rapport qu'entretiennent ces espaces entre eux. L'orchestration des différentes ambiances sonores créée une partition sonore de la ville et permet de les concevoir comme un parcours séquencé. En s’inspirant de travaux transdisciplinaires, j'ai développé un document qui synthétise l'analyse sonore du centre-ville de Saint-Brieuc et permet de saisir les perceptions sonores d'une traversée de la ville que peut avoir un citadin. La production de frises chrono-morphologiques nous donne des indications sur les lieux et les possibilités d’intervention, sur la manière d’agir. Elles pourraient-être complétées et intégrer plus de lignes et ainsi rendre compte de chaque paramètre étudié. Ce type de document peut permettre de dresser un diagnostic des ambiances sonores urbaines pouvant être utile au service d'urbanisme de la ville concernée. Ce diagnostic pourrait-être intégré aux documents directeurs liés à l'urbanisme (Plan Locaux d'Urbanisme). Mais aussi ce document peut être nécessaire pour un projet d'aménagement permettant de s’inscrire dans la composition sonore urbaine et s’adapte au mieux à son environnement. Il donne des indications sur la forme que peut prendre cet aménagement. Enfin cette étude peut permettre la création de parcours de sensibilisation sonore attractifs. Ainsi la prise en compte des sons et des ambiances sonores, dans le processus d’aménagement de la ville et de la conception architecturale, peut contribuer à une pratique renouvelée des lieux. Le prolongement de ce travail pourrait consister à la validation de cette méthodologie d'analyse et affiner les représentations graphiques rendant compte des ambiances sonores urbaines. Il peut intéressant de la tester sur d'autres études de cas et ainsi voir sa pertinence.

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Audio - CAGE John, 4:33 - JACQUES, Tout est magnifique - JACQUES, L’incroyable vie des choses - KALKBRENNER PAUL, Train - STOCKHAUSEN Karlheinz,Gesang Der Jünglinge, Kontakte - XENAKIS Iannis, Metastasis Sitographie - http://www.universalis.fr/encyclopedie/architecture-et-musique/ - http://www.iannis-xenakis.org/ - http://www.vice.com/fr/read/a-la-decouverte-des-clubs-radicaux-italiens-291 - http://www.eisenmanarchitects.com/ Filmographie - BUNUEL Luis, Un chien andalou, 1929 - IOSSELIANI Otar, Avril, 1961 - STÖHR Hannes, Berlin Calling, 2008 - RUTTMAN Walter, Berlin, symphonie d’une grande ville, 1927 - TATI Jacques, Trafic, 1971

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