Syndicaliste n°965

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BIMENSUEL ÉDITÉ PAR LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS CHRÉTIENS | CHAUSSÉE DE HAECHT, 579 | 1031 BRUXELLES | BUREAU DE DÉPÔT GAND X | P 912043 LE RENDEZ-VOUS DES DÉLÉGUÉ.E.S ET DES MILITANT.E.S DE LA CSC / 30 NOVEMBRE 2022 / N° 975 Arrêtez de nous enfumer! complique l’action collective PENSIONS LE TÉLÉTRAVAIL LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES Changement de voie nécessaire pour la SNCB MOBILITÉ c’est l’affaire de tous!

VOTRE AVIS COMPTE!

Pensions

Arrêtez de nous enfumer!

Les cheminots ont fait grève en front commun le 29 novembre parce que cela ne peut pas continuer comme ça. > p. 4-5.

© Kristof Vadino

Supposons que vous siégiez au sein d’un gouvernement et que vous soyez confronté à une loi qui se révèle inapplicable dans la pratique. Que feriez-vous? Fort logiquement, vous modifieriez cette loi. C’est une question de bon sens, non? Or, manifestement ce n’est pas ainsi que fonctionne ce pays.

SYNDICALISTE

PB 10, 1031 Bruxelles Tel. 02 244 34 83 RÉDACTION dcoppieters@acv-csc.be www.lacsc.be Donatienne Coppieters

Pour la deuxième fois, le gouverne ment doit contourner la loi «sué doise» sur la norme salariale. Vous vous souvenez? Cette loi de 1996 qui, en 2017, a été truffée de logiciels tronqués afin de manipuler la marge salariale dispo nible. Au détriment des travailleurs, enten dons-nous bien! Sur la base de cette loi, ce gouvernement refuse donc à nouveau les aug mentations salariales pour les travailleurs du secteur privé et des entreprises publiques au tonomes. En guise d’emplâtre sur une jambe de bois, il propose une nouvelle prime.

Lors des précédentes négociations de l’AIP, le gouvernement avait également décidé que les entreprises qui avaient enregistré de bons ré sultats pendant la crise sanitaire pouvaient accorder un chèque de maximum 500 euros à leurs travailleurs. À l’époque, il n’avait pas été possible non plus de mener librement de véri tables négociations.

En résumé, le gouvernement n’adaptera pas cette loi inique et totalement inapplicable. Il trouve à nouveau le moyen de contourner sa propre loi. Cette prime prouve une fois de plus le caractère inapplicable de la loi sur la norme

salariale. La CSC entend pouvoir négocier li brement les salaires bruts. L’Organisation in ternationale du travail (OIT) frappe également vigoureusement sur les doigts de la Belgique pour l’absence de négociations salariales libres.

La prime corona s’est également avérée être un précédent très instructif. À peine la moitié des travailleurs du secteur privé, soit quelque 1,5 million de personnes, ont perçu une prime corona de seulement 280 euros en moyenne, à répartir sur deux ans. Les critères d’octroi de la nouvelle prime «énergie» sont encore plus stricts. Ces primes ne constituent qu’une prime unique alors que les travailleurs ont droit à une amélioration structurelle. Chaque centime est le bienvenu certes, mais cet emplâtre est beaucoup trop léger. Même si les travailleurs recevaient cette prime, pour beaucoup d’entre eux le mois compte plus de jours que ce que leur salaire ne leur permet de couvrir.

Cette prime «énergie» pose d’autres problè mes. Il ne s’agit pas d’un montant brut. Elle ne permet donc pas de se constituer des droits sociaux et rapporte moins à la sécurité sociale.

11Dans le même temps, les responsables politiques s’étonnent de la difficulté de financer les pensions, les soins de santé, l’assurance maladie et l’assurance chô mage. Bizarre, vous avez dit bizarre?

Autre élément tout aussi fondamental: cette prime met à mal notre modèle de concertation sociale. La force de notre concertation réside dans le fait que des accords interprofessionnels et sectoriels permettent d’enregistrer des avancées sociales pour bon nombre de citoyens. Cette concertation est désormais de plus en plus souvent menée au niveau de l’en treprise. Le taux de couverture des CCT menace de s’éroder. Les travailleurs des PME, et ils sont nombreux, sont abandon nés à leur sort.

Le pouvoir d’achat est crucial pour tous! C’est pourquoi des actions seront menées dans les mois à venir..

/ Marc Leemans, président de la CSC /

Le pire patron au monde

en 2022

Les violences faites aux femmes, c’est l’affaire de tous!

QUESTION / RÉPONSE

PAROLES DE MILITANTE

20
ZOOM 2 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 3 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
1
en couverture
Mylène Demeure, Pascal
Riccardo Riva,
La loi sur la norme salariale est inapplicable: en voici une nouvelle preuve! 4 TAPE À L’ŒIL «Il n’y a pas de vision à long terme pour les chemins de fer» 6 BON À SAVOIR 8 L’ACTU Blocage salarial et amélioration de la liaison au bien-être! 11 PENSIONS Pour une réforme de la pension minimum non sexiste 12 CLIMAT Conférence sur le climat: résultats mitigés 14 NOIR SUR BLANC Le régime hebdomadaire alterné en pratique Travailler à temps plein sur 4 jours: les points d’attention 16 À TABLE Comment se porte votre entreprise? Demandez un rapport financier! 17
TRADUCTION Ilse Cambier,
Drèze,
Anne Scieur, Isabelle Tuteleers, Hilde van Lancker LAY-OUT Gevaert Graphics IMPRIMERIE ‘t Hooft ÉDITRICE RESPONSABLE Dominique Leyon
Quand l’employeur doit-il annoncer les horaires de travail variables? 18 EN DÉBAT Le télétravail complique l’action collective 20 FACE À FACE Les violences faites aux femmes, c’est l’affaire de tous! 22
Automne de mobilisations partout en Europe 24
EUROPE
Jacobs,
Isabelle
éducatrice spécialisée au CHN William Lennox à Ottignies.
mail
© Shutterstock
Toutes vos remarques et sugges tions concernant Syndicaliste et la communication à l’égard des délégués et des militants sont les bienvenues. N’hésitez pas à envoyer un
à syndicaliste@acv-csc.be.

soupire Koen De Mey, le président de la CSC Transcom à la veille de la grève des cheminots organisée en front commun. «Si l’on veut que le train soit l’épine dorsale de notre mobilité et attrayant pour les passagers, il faut investir beaucoup plus qu’aujourd’hui dans l’infrastructure et le personnel.»

«Ce train est exceptionnellement supprimé.» Les navetteurs qui attendent leur train l’entendent trop souvent. «Cette “exception” masque la situation car il s’agit d’un problème structurel, explique Koen De Mey. En réalité, si les trains ne circulent pas, c’est parce qu’il n’y a pas assez de rames, parce qu’il y a des problèmes techniques qui ne peuvent pas être résolus rapidement, ou parce que le personnel (chefs de train, personnel technique...) n’est pas disponible. La pénurie de personnel est affligeante. Les uns après les autres, les collègues tombent malade, parce qu’ils n’y arrivent plus. Les conditions de travail dissuadent les nouveaux arrivants, ce qui signifie qu’ils abandonnent souvent pendant la formation. Nous n’avions jamais vu cela auparavant. Afin de faire fonctionner les choses, les membres du personnel doivent faire beaucoup d’heures supplémentaires. S’ils veulent prendre congé, leur demande de congé est souvent refusée.»

Parce que cela ne peut pas continuer ainsi, la CSC Transcom, la CGSP Cheminots et la SLFP Cheminot ont lancé un mot d’ordre de grève du 28 novembre à 22h au 29 novembre à la même heure. «Dans mon entourage, il y avait peu de compréhension des grèves, témoigne Patricia Frison, conductrice de train. Mais maintenant, ma famille et mes amis réalisent qu’on ne peut plus se voir parce que mon travail est trop lourd et ils comprennent déjà mieux pourquoi nous menons des actions.»

TEXTE Patrick Van Looveren | PHOTO Kristof Vadino
BRUXELLES 28.11.2022
«Il n’y a pas de vision à long terme pour les chemins de fer»,
4 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 5 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | TAPE À L’OEIL

L’autre coup d’envoi du Mondial

Le 20 novembre à 17h, au moment où, à Al-Khor, était donné le coup d’envoi de la 22e Coupe du monde de football, sur le boulevard Saucy, à Liège, des bougies formant le nombre de 6.500 ont été allumées et une minute de silence respectée en hommage aux plus de 6.500 travailleurs décédés sur les chantiers des diverses infrastructures du Mondial au Qatar.

Sur écran géant , des films ont été projetés montrant l’envers du décor et retraçant le travail des mouvements sociaux pour dénoncer cette «Qatarstrophe» et les actions syndicales notamment de la CSC pour sortir les travailleurs migrants du système d’es clavage moderne ayant cours au Qatar. Grâce à ces actions, les conditions salariales et de travail ont été améliorées et l’État qatari a aboli la kafala, instauré le salaire mini mum, etc.

La CSC continue sa campagne de sensibilisation «pour que le travail décent devienne la norme partout!» a insisté Salvador Alonso, secrétaire régional CSC BIE. En Belgique aussi, il y a encore du boulot à accomplir. Ponctuellement, des cas d’exploitation survi ennent mais ne sont pas ou peu médiatisés en raison de l’irrégularité de séjour des travailleurs. Du 21 novembre au 18 décembre, les délégués CSC de la construction vont sillonner les chantiers pour informer de la situation du Qatar et présenter nos revendi cations en faveur du travail décent en Belgique dont les principales sont l’enregistre ment des présences sur les chantiers et la limitation de la chaîne de sous-traitance.»

Ce 20 novembre, la CSC a distribué à tous ceux qui ont rejoint le boulevard Saucy des brassards «Supporter des Diables rouges et du Travail décent»

Le pire patron au monde en 2022

Le titre de «pire patron au monde en 2022» a été décerné le 21 novembre à Melbourne par des travailleurs du monde entier (qui ont voté en ligne) lors du congrès de la Con fédération internationale du travail (CSI).

Les affiliés syndicaux à travers la planète ont dû démarquer six candidats:

• Peter Hebblethwaite, PDG de P&O Ferries

• Jeff Bezos, président exécutif d’Amazon

• Alan Joyce, directeur général de Qantas

• Ahmed bin Saeed Al Maktoum, PDG de la compagnie aérienne et du groupe Emirates

• Howard Schultz, PDG de Starbucks

• Gina Rinehart, présidente exécutive de Hancock Prospecting

Le titre a été décerné à Peter Hebblethwaite. P&O Ferries a licencié illégalement 786 ma rins en mars via une vidéo Zoom préenregis trée, ce qui constitue une violation de la législation britannique en matière de consul tation et de notification. Interrogé par des législateurs, Peter Hebblethwaite a admis avoir enfreint la loi et a même déclaré qu’il serait prêt à le refaire, alors que son affaire est toujours en cours d’enquête!

Les lauréats des années précédentes étaient Jeff Bezos d’Amazon (2014) et Michael O’Leary de Ryanair (2018).

Source: www.ituc-csi.org

Des slogans choc pour faire réagir

«Respect au travail. On n’est pas du bétail!», «Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme si!», «Donnez de l’amour pas des coups!», «Diminuer les pensions des femmes, c’est de la violence économique», «Enchaînée par un mini salaire, je ne peux pas fuir! Il le sait», «Ta main sur mon cul, ma main dans ta gueule», «Bas les pattes, ou je t’éclate!»… La 6ème mobilisation nationale dénonçant les violences faites aux fem mes était un festival de slogans chocs. Nous étions des milliers de fem mes et d’hommes à battre le pavé bruxellois ce dimanche 27 novembre à l’appel de la plateforme Mirabal Belgium, dont la CSC fait partie.

Cette manifestation était une mobilisation de solidarité avec celles et ceux qui subissent en silence toutes les formes de vio lences. Il n’existe pas de petites violences faites aux femmes. El les font partie d’un système de domination et sont toutes à combattre avec la même force et conviction. Trop de plaintes sont classées sans suite bénéfi ciant d’une relative impunité.

Depuis la naissance de la plateforme Mirabal Belgium, il y a 6 ans, les lignes bougent. Mais pas assez rapidement vu la gravité des faits! Il est temps que les pouvoirs publics mettent en œuvre une politique volontariste, cohérente, pérenne et correctement budgétisée pour lut ter efficacement contre toutes les formes de violences faites aux fem mes. Pour Myriam, Teresa, Meryeme, Delphine, Madisson… mortes par ce qu’elles étaient des femmes, nous ne lâcherons rien!

Voir les revendications de Mirabal: https://mirabalbelgium.wordpress.com

Les syndicats et l’environnement

Les enjeux environnementaux et de transition écologique vous inquiètent?

En tant que délégué ou déléguée, vous aimeriez disposer de ressources et d’outils pour les aborder dans le cadre de votre mandat? Vous souhaitez y voir plus clair par rapport aux notions de transition juste, d’éco nomie circulaire, de développement durable, de neutralité carbone, de mobilité?

Inscrivez-vous aux formations Rise!

Consultez les dates et les programmes en scannant le code QR et sur le site www.rise.be

Infos: veronique.thirifays@acv-csc.be phanny.moray@acv-csc.be

Ryanair va beaucoup trop loin!

Lettre ouverte aux Ministres Dermagne et Van Quickenborne, le 21/11/22

Depuis qu’elle s’est installée en Belgique, la compagnie aérienne ne cesse de bafouer les lois. Les choses se sont peut-être améliorées en 2018 suite aux premières grèves de ses travailleurs, et ce sans aucune aide des pouvoirs publics. Cependant, Ryanair continue de bafouer les lois sans que personne ne fasse rien.

Même si les services de l’inspection sociale et de l’ONSS essaient de faire leur travail en constatant des infractions, le relais n’est pas pris par les autorités judiciaires. Cela est tout à fait incompréhensible.

MANIFESTATION

La CSC en radio et TV

«Opinions CSC» est l’émission TV et radio de la CSC diffusée sur la RTBF.

Écoutez les émissions CSC sur www.lacsc.be/la-csc/radio-tv www.lacsc.be/la-csc/radio-tv/opinions-csc-tv

Consultez les offres d’emploi de la CSC www.lacsc.be/job

20Pour les naissances qui ont lieu à partir du 1er janvier 2023, le congé de naissance passe de 15 à 20 jours pour le père ou le coparent.

Infos: https://emploi.belgique.be/fr/themes/jours-feries-etconges/conge-de-naissance

Récemment, Ryanair a décidé de fermer (provisoirement selon eux) la base de Bruxelles: il avait été proposé aux travailleurs de la base de prester à Charleroi. Mais pour la suite, Ryanair a changé d’avis et décidé de les faire travail ler par blocs de quelques jours dans d’autres bases euro péennes. Cela est parfaitement illégal.

Le Monopoly joué par l’entreprise doit cesser.

Les membres du personnel de Ryanair ne sont pas des pions. Certains sont même de jeunes parents.

Nous vous appelons donc à exercer votre autorité afin que cela cesse.

Les fêtes de fin d’année approchent, et si rien ne bouge, il y a de grandes chances pour que le personnel exprime sa colère à cette occasion.

Didier Lebbe, secrétaire permanent CNE Hans Elsen, secrétaire permanent ACV-Puls

FORM ACTIONS 6 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 7 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
Isabelle Debroux
BON À SAVOIR
Vous cherchez un boulot qui a du sens?
© Isabelle Debroux © Stéphanie Siegels

En Égypte, la 27ème Conférence mondiale sur le climat (Cop 27) s’est achevée au moment du coup d’envoi de la Coupe du monde de football au Qatar. Ni l’Égypte ni le Qatar ne figurent en bonne place au hit-parade des pays qui respectent les normes fondamentales du travail. La Belgique a d’ailleurs aussi perdu quelques places en raison du carcan qu’elle maintient autour de la loi sur la norme salariale. La polémique autour du Qatar a déjà été largement évoquée dans le n° 973 de Syndicaliste. Dans le n° 974, vous avez découvert comment le Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail a vertement critiqué la Belgique pour sa loi sur la norme salariale. Dans ce numéro de Syndicaliste, vous lirez une analyse syndicale de la Cop 27. Dans le présent article, nous abordons de nouveaux points d’actualité.

La Chambre et le gouverne ment fédéral ne semblent pas vouloir se hâter de mettre la loi sur la norme salariale en conformité avec les normes de l’Orga nisation internationale du travail (OIT) en matière de liberté de négociation collective. Ce dossier, qui était blo qué au sein du gouvernement, reste dans l’impasse. Le 28 novembre, le gouvernement a confirmé que la norme salariale reste fixée à 0,0% pour 2023-2024. En guise de lot de consolation, les secteurs ont toutefois la possibilité de négocier une prime unique. En 2021, il s’agissait de la prime corona de maximum 500 euros nets, non taxée, avec seulement 16,5% de cotisations patronales pour l’ONSS et limitée aux entre prises qui avaient enregistré de bons résul tats.

En 2023, il s’agira d’une prime énergie allant jusqu’à 750 euros nets (plus 16,5% de cotisa tions patronales). Toutefois, sous la pression des employeurs, l’octroi de la prime par voie de CCT sectorielle sera beaucoup plus stric tement réglementé. Une telle CCT doit d’a bord définir ce qu’il faut entendre par «en treprise qui a réalisé des bénéfices élevés ou exceptionnellement élevés en 2022». Les entreprises qui ont réalisé des bénéfices élevés peuvent accorder une prime énergie allant jusqu’à 500 euros. En cas de bénéfi ces exceptionnellement élevés, cette prime peut aller jusqu’à 750 euros. Alors que pour une CCT d’entreprise, tout bon résultat suffit pour bénéficier d’une prime énergie. Il y a toutefois un nouvel élément: le gouverne

ment ne veut instaurer cette mesure qu’après accord des syndicats, d’ici au 1er décembre 2022, sur la norme salariale de 0,0% et la paix sociale pour 2023-2024.

Nous continuerons à contester très ferme ment la loi sur la norme salariale, aussi au niveau européen. D’ici quelques semaines, conjointement aux autres syndicats et à la Confédération européenne des syndicats (CES), nous lancerons une procédure auprès du Comité européen des droits sociaux (CEDS) afin de dénoncer l’incompatibilité de cette loi avec la Charte sociale européenne.

plets (y compris les bénéficiaires du RCC), alors que le gouvernement lui-même avait d’abord annoncé des augmentations de 2 à 3,5%. Ces 40,4 millions sont désormais transférés aux travailleurs, afin d’augmenter le bonus social à l’emploi pour les bas sa laires. L’engagement pris dans l’accord de gouvernement en 2019 de respecter 100% du budget de la liaison au bien-être n’a mani festement pas beaucoup de valeur. Notons que, hormis pour les minima du chômage, le gouvernement reprend en grande partie les mesures de 2021-2022 pour 2023-2024.

Deal pour l’emploi sur les rails

La loi portant diverses dispositions relatives au travail, soit le principal volet du deal pour l’emploi, a enfin été publiée au Moniteur belge. Plusieurs chapitres sont entrés en vigueur le 20 novembre: la possibilité pour le travailleur de demander une semaine de quatre jours ou une semaine de travail en alternance (voir pp. 14-15), les parcours de transition pour les travailleurs licenciés (voir Syndicaliste n° 972 p. 13) ainsi que le travail de nuit dans l’e-commerce (voir n° 973 p. 12).

Liaison au bien-être: le gouvernement renie sa parole

Un accord au sein du gouvernement sur la norme salariale à 0,0% était la condition préalable des libéraux pour débloquer les fonds pour la liaison au bien-être en 20232024.

Il apparaît à présent que le budget initiale ment prévu pour les chômeurs (99,8 millions d’euros) est raboté de 40,4 millions d’euros, en limitant encore à 1,3% les augmentations prévues pour les minima des chômeurs com

Les autres mesures n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2023, notamment le droit individuel à la formation pour tout travail leur à l’égard de son employeur (voir pro chain numéro de Syndicaliste). D’ici au 1er janvier 2023, cette loi stipule qu’il faut éga lement conclure des accords d’entreprise sur la concrétisation du droit à la déconnexion (voir Syndicaliste n° 973 p. 14). Un peu à la dernière minute! Dans l’intervalle, le mi nistre du Travail, Pierre-Yves Dermagne, a décidé de reporter le délai au 1er avril 2023.

Une version antérieure du projet de loi men

L’AC TU 8 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 9 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | ET AMÉLIORATION DE LA LIAISON AU BIEN-ÊTRE! BLOCAGE SALARIAL
Nous continuerons à contester très fermement la loi sur la norme salariale

UN ACCORD AU SEIN DU

GOUVERNEMENT

SUR LA NORME SALARIALE À 0% ÉTAIT LA CONDITION PRÉALABLE DES LIBÉRAUX POUR DÉBLOQUER LES FONDS POUR LA LIAISON AU BIEN-ÊTRE EN 2023-2024.

tionnait également l’introduction d’un compte de formation individuel auprès de l’ONSS. Il obligerait les employeurs à tenir un registre du nombre de jours de formation auxquels le travailleur a encore droit. Ce chapitre a cependant été supprimé. Depuis, un nouveau projet de loi a été soumis au CNT à ce sujet. Il ne serait plus seulement ques tion des droits prévus dans le deal pour l’emploi, mais aussi des droits à la formation mentionnés dans les CCT sectorielles, afin de développer un instrument pratique pour les interlocuteurs sociaux sectoriels. Par ail leurs, l’ONSS a déjà commencé à tout prépa rer. La date d’entrée en vigueur sera fixée en fonction des avancées dans cette institution. Le projet de loi prévoit toutefois qu’elle ne peut être postérieure au 1er janvier 2024.

D’autres lois et arrêtés régissent d’autres parties du deal pour l’emploi, notamment l’inscription obligatoire des chômeurs tem poraires comme demandeurs d’emploi. Cet arrêté a déjà été publié. Il prévoit qu’en cas de chômage économique ou de chômage pour force majeure, l’inscription doit interve nir dans un délai de trois mois, le compteur étant activé le 1er septembre. En d’autres termes, les premières inscriptions doivent être enregistrées le 1er décembre. Aucune sanction n’est prévue à ce stade en cas de non-inscription.

Congé de vaccination pro forma Au chapitre des lenteurs décisionnelles, signalons que le 10 novembre, le Parlement a enfin adopté le texte relatif au congé de vaccination pour les vaccinations d’automne contre le Covid-19. Il a été publié le 21 no

vembre, alors que les vaccinations d’au tomne sont quasiment terminées. Les em ployeurs à l’esprit étriqué ont donc pu continuer à refuser le congé de vaccination pendant toute cette période.

15% de précompte professionnel bis

Les employeurs n’ont pourtant pas attendu le vote et la publication pour mettre massi vement les travailleurs en chômage «éner gie», à hauteur de 70% du salaire plafonné et avec un supplément de l’employeur ou du secteur d’au moins 6,10 euros par jour (en brut, bien entendu). Rappelez-vous qu’un taux réduit de précompte profession nel avait également été instauré pour les chômeurs temporaires dans le cadre du chômage corona: 15% au lieu de 26,75%.

Cette mesure n’a plus été prolongée après

le 30 juin, dernier jour où le chômage coro na était possible.

À la surprise générale, le site du Fisc a publié un communiqué précisant que ces 15% seront rétablis pour le chômage tempo raire, de novembre 2022 à mars 2023. Un arrêté royal doit encore réglementer cette mesure, mais tous les organismes qui versent des allocations de chômage tempo raire sont invités à agir en conséquence.

Cette mesure vaut pour les allocations de l’Onem ainsi que pour le supplément de 6,10 euros du nouveau régime temporaire de chômage «énergie». Nous insistons à nou veau sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une réduction d’impôts, mais d’une diminution des «avances». Moins il y a d’avances, plus l’impôt final sera élevé et plus nous devrons conseiller aux travailleurs de mettre de côté quelques poires pour la soif (fiscale).

0,0 %

La norme salariale reste de 0 % pour 2023-2024. Les secteurs et les entre prises peuvent négocier une prime énergie pouvant aller jusqu'à 750 € nets.

La notion de «travail effectif» va pénaliser plus durement les femmes dans le calcul de leur pension. Les syndicats ont organisé une action en front commun pour demander au gouvernement d’arrêter d’enfumer les futurs pensionnés et pensionnées.

Le relèvement de la pension minimum était une urgence sociale, obtenue dans l’accord gouvernemental. La pension minimale aug mentera, en plus de l’inflation, de 15% entre 2020 et 2024. Jusqu’à ce jour, les salariés et les indépendants avaient d’office droit à un minimum garanti après 30 ans de carrière, soit 30/45 ème de la pension minimale (1.021,88 euros brut).

Le gouvernement fédéral a introduit l’été dernier une condition supplémentaire de 20 ans de travail effectif. Seuls le congé de maternité, le congé d’allaitement, le congé palliatif et l’inactivité due à un handicap seront assimilés à un emploi effectif. Il exis tera un régime limité et complexe pour les malades de longue durée.

Perte de 440 euros

Cette réforme est incompréhensible: l’accord de coalition fédéral précisait que la réforme des pensions devait «tenir compte des inéga lités entre les hommes et les femmes». Or, la notion de travail effectif va pénaliser plus durement les femmes dans le calcul de leur pension et coûter à une future bénéficiaire de la pension minimum sur sept (soit 3,9% de toutes les femmes qui seront pension nées à l’avenir) jusqu’à 440€ par an.

Pour certaines d’entre elles seulement, la revalorisation (limitée) du travail à temps partiel, presté avant 2002, compense tant bien que mal cette perte.

Retour de fumée

Face à cet enfumage gouvernemental, une centaine de militants, réunis en front com mun, se sont donnés rendez-vous devant la Tour des Pensions à Bruxelles le 28 no vembre. À leur tour, ils ont enfumé le parvis de l’institution avec des fumigènes de cou leur violette, couleur symbole des violences faites aux femmes. Ils ont appelé à une ré forme qui ne les discrimine pas. «Les

«On a énormément de collègues qui auraient besoin de diminuer leur temps de travail pour s’occuper de leurs jeunes enfants ou soigner un membre de leur famille. Malheureusement, cela aura un impact énorme sur leur pension. C’est inacceptable.»

Isabelle, déléguée CSC au CHN William Lennox (lire son témoignage en p. 24).

Avec la réforme des pensions, une femme sur sept perdra jusqu’à 440 euros par an.

femmes ont encore la plus grande part de la charge familiale. Elles connaissent les temps partiels imposés pour plus de flexibilité. Ne pas prendre en compte les congés paren taux, les crédits- temps de soin pour enfants ou en fin de carrière pour compenser la péni bilité des métiers, c’est mépriser la réalité des femmes et des homme.» a déclaré Anne Léonard, secrétaire nationale CSC lors des prises de paroles qui ont rythmé l’action. Exclure des travailleurs de la pension mini mum, c’est ajouter de la précarité aux futurs pensionnés. Nous exigeons une prise en compte de la réalité des femmes dans toute réforme de pension. Améliorer nos pensions, préserver les périodes assimilées, penser les mesures sous l’angle du genre, c’est notre priorité. » Et Anne Léonard de conclure, s’adressant au gouvernement: «Revoyez votre copie!». 

L’AC TU PENSIONS 10 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 11 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
Pour une réforme de la pension minimum non sexiste
TEXTE David Morelli / PHOTO Guy Puttemans
©
DonatienneCoppieters

CONFÉRENCE SUR LE CLIMAT

Résultats mitigés

Lors de la 27e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Sharm-elSheikh, en Égypte, les leaders mondiaux ont convenu de la nécessité de créer un fonds pour aider les pays en développement qui subissent des dégâts liés aux conséquences du changement climatique, comme des sécheresses ou des événements climatiques extrêmes. Mais aucun accord n’a toutefois été possible sur la sortie progressive des énergies fossiles. Thomas Vaels, conseiller au service d’études, a représenté la CSC à Sharm-El-Sheick. Il était l’une des 114 personnes sur la liste officielle de la délégation belge à cette Cop 27.

Comment évaluez-vous ce Sommet sur le climat?

La création d’un fonds pour soutenir les victimes du changement climatique est une avancée importante. Des pays comme le Pakistan ont fortement insisté dans ce sens. Selon l’Indice mondial des risques climatiques, le Pakistan est l’un des pays de la planète les plus durement touchés par le changement climatique. 33 millions de personnes ont été victimes des pluies de mousson dévastatrices et des inondati ons qui ont touché le pays ces derniers mois. Plus de 1.500 personnes ont perdu la vie. Les dégâts sont estimés à plus de 30 milliards de dollars. Les pays qui souffrent le plus de la crise climatique sont souvent ceux qui y contribuent le moins. Le fonds sur les dégâts climatiques doit surtout être alimenté par les plus grands pollu eurs, les pays qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre. À ce stade, on ne sait toutefois pas qui financera ce fonds. L’Uni on européenne et quelques autres pays à industrialisation précoce estiment qu’ils ne doivent pas assurer seuls le finance ment du fonds. Des pays comme la Chine, le Qatar et les Émirats arabes unis qui, formellement, sont encore des pays en développement mais qui émettent au jourd’hui beaucoup de gaz à effet de serre refusent de contribuer. La question est loin d’être tranchée. On ignore encore aussi quelle sera l’ampleur du fonds et

dans quelles circonstances il sera sensé intervenir. Il a été décidé qu’une commissi on spéciale négocierait ces aspects l’an prochain.

Un fonds sur les dégâts climatiques, c’est une chose, mais il est plus important en core de stopper concrètement le change ment climatique. On peut donc déplorer qu’aucun progrès n’ait pu être enregistré pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce sommet n’a pas permis de créer une nouvelle dynamique. Il est toute fois positif que les négociateurs se soient engagés à élaborer des mesures concrètes pour les secteurs à fortes émissions lors des sommets futurs.

Avec les mesures actuelles, nous ne pourrons donc pas limiter le réchauffement de la planète au plafond critique de 1,5 degré?

Non. Des rapports récents du Giec mont rent que si nous maintenons la tendance actuelle, nous nous dirigeons vers un réchauffement mondial avec des consé quences dramatiques. Il faut d’urgence passer à la vitesse supérieure et aller plus loin que les décisions prises dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015. L’an dernier, au Sommet de Glasgow, on avait décidé d’une sortie progressive du charbon. Nous espérions donc que, cette fois, on poursui vrait les discussions sur une sortie pro

gressive d’autres combustibles fossiles, y compris le pétrole et le gaz, mais ce n’est (provisoirement) pas le cas. L’UE et les États-Unis disent vouloir atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, mais d’autres grands pays émetteurs deman dent plus de temps, ce que nous n’avons pas.

Comment se sont positionnés les gou vernements belges, tant fédéral que régionaux?

La cheffe de la délégation belge- la mi nistre fédérale du Climat, Zakia Khattabi (Écolo) – n’a pas caché sa déception. montagne a accouché d’une souris» a-t-elle déclaré. Elle regrette qu’aucun accord n’ait été conclu pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Zuhal Demir ((N-VA), la ministre flamande com pétente pour le Climat, était aux abonnés absents, sous prétexte que l’Égypte ne respecte pas les droits humains, mais elle s’est insurgée en coulisses contre l’accord cosigné par la Belgique. Selon elle, un fonds supplémentaire pour les dégâts climatiques n’est pas nécessaire.

Les syndicats mettent fortement l’ac cent sur la transition juste. Qu’est-ce que cela signifie précisément? A-t-on pu progresser à ce niveau?

La transition juste est un concept introduit par les syndicats dans

la politique climatique. L’idée est qu’on ne peut pas abandonner les travailleurs qui sont impactés par cette transition. Il faut veiller à leur offrir une perspective, à créer pour eux de nouveaux emplois (verts) et à les préparer. Les travailleurs doivent avoir la maîtrise de leur avenir. L’Organisation internationale du travail (OIT) a défini des «principes directeurs pour une transition juste» qui soulignent l’importance d’un bon dialogue social entre les syndicats et les organisations patronales, du travail décent et de bons droits du travail, de la création d’emplois verts et d’une protection sociale

pour les travailleurs impactés. Il est positif que l’on ait pu se mettre d’accord pendant cette conférence sur l’élaboration d’un plan de travail autour de la transition juste mais, en termes de contenu, les textes se limitent à mentionner le dialogue social et la protection sociale. Le droit du travail, la formation et le recyclage professionnel des travailleurs, les négociations collectives et les conditions du travail n’ont malheureu sement pas été assez mis en avant. Force est aussi de constater que le terme transi tion juste devient de plus en plus une noti on fourre-tout. Certes, il est positif que ce

terme ait été largement utilisé lors de la Cop 27, mais souvent juste comme une notion vague que d’autres parties prenan tes s’approprient. Nous devons veiller à ce que le travail, les travailleurs et les syndi cats gardent une place centrale dans la définition de ce concept. L’an prochain, la Cop 28 aura lieu à Dubai qui, comme l’Égypte, n’est en aucun cas un exemple de la transition juste telle que nous la défen dons.

décennie

passe

Le commissaire européen Frans Timmermans, qui pilote la politique climatique de l’Union européenne, est conscient qu’il faut d’urgence faire beaucoup plus.

Parmi les 40.000 participants accrédités à la Cop 27, 656 étaient des lobbyistes de l’industrie fossile, un quart de plus que lors de la Cop 26 à Glasgow. Il va sans dire qu’ils étaient là avant tout pour saboter au maximum les ambitions climatiques.

INTERVIEW Patrick Van Looveren | PHOTO Inne Wyns & Shutterstock
L’AC TU CLIMAT
«C’est la
du «ça
ou ça casse». Ce que nous avons là est un pas en avant trop court.»
656
«ON NE PEUT PAS ABANDONNER LES TRAVAILLEURS QUI SONT IMPACTÉS PAR LA TRANSITION.»
12 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 13 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
THOMAS VAEL

LE RÉGIME HEBDOMADAIRE ALTERNÉ EN PRATIQUE

Le deal pour l’emploi permet aux travailleurs à temps plein de demander à leur employeur de prester plus d’heures une semaine, et d’en prester moins la semaine qui suit. L’employeur peut ainsi davantage tenir compte de la situation personnelle du travailleur, dans un cas de coparentalité par exemple.

Ce régime de travail alterné doit être organisé en cycles de deux semaines successives. Les pres tations excédentaires de la première semaine – pouvant atteindre 9 heures par jour et 45 heures par semaine –sont immédiatement compensées par des prestations moins longues la semaine sui vante. La durée du travail hebdomadaire normale doit ainsi rester garantie sur une période de deux semaines. Dans ce cadre, le terme «semaine» doit être compris comme une période de sept jours consécutifs, qui ne doit pas nécessairement commencer un lundi pour finir un dimanche.

Dans deux cas de figure, le cycle peut être organisé sur une période de quatre semaines consécutives: durant le troi sième trimestre (pour tenir compte des vacances scolaires) et dans le contexte d’un événement imprévu.

Le règlement de travail devra être adapté pour rendre ce régime hebdomadaire alter né possible pour les travailleurs à temps plein. Dans le cadre de cette modification du règlement de travail, on peut veiller à prévoir un système comparable pour les travailleurs à temps partiel, en instaurant à leur attention des horaires de travail avec un rythme similaire.

Le travailleur occupé dans un régime hebdo madaire alterné peut prester des heures supplémentaires, normales ou volontaires. Il ne pourra toutefois prester des heures sup

plémentaires volontaires que durant les semaines où il travaille davantage.

Droit de faire la demande

Le travailleur a le droit de demander un tel régime hebdomadaire alterné. Il doit intro duire sa demande par écrit – par courriel par exemple – pour une période (renouvelable) de maximum six mois. Si l’employeur marque son accord, il établit un avenant au contrat de travail. L’employeur peut égale ment refuser la demande. Le refus doit être communiqué par écrit au travailleur dans le mois suivant la demande du travailleur et doit être motivé. Un refus peut par exemple se justifier par des motifs organisationnels, parce que la fonction ne se prête pas à un régime alterné ou pour assurer la continuité du travail dans l’entreprise.

Le travailleur a le droit de mettre fin au régime hebdomadaire alterné de façon anticipée et de revenir à son régime de travail initial. Il doit toutefois en avertir l’employeur deux semaines avant le début d’un nouveau cycle.

Points d’attention

Premier point: le régime ne s’applique qu’aux travailleurs à temps plein. Lors de l’adaptation du règlement de travail, il peut toutefois être judicieux de prévoir des ho raires alternés similaires pour les travail leurs à temps partiel. Pour tous les travail leurs, y compris à temps plein, il faut savoir également que les demandes ne peuvent être honorées que dans le cadre de ce qui est prévu par le règlement de travail. L’adaptation du règlement de travail nécessite donc toute l’attention requise.

Travailler plus une semaine et moins l’autre devient possible. Intéressant en cas de coparentalité.

Travailler à temps plein sur 4 jours Les points d’attention

Deuxième point d’attention: l’application d’un tel régime hebdomadaire alterné peut avoir pour conséquence que le travailleur ne tra vaille plus 5 jours par semaine, par exemple dans le cadre du cycle de 4 semaines. Le tra vailleur pourrait ainsi rencontrer des pro blèmes par la suite s’il souhaite demander un crédit-temps pour 1/5e temps. Pour éviter ces problèmes, le travailleur doit mentionner dans sa demande que celle-ci s’inscrit en outre dans le cadre du droit de demander un régime de travail flexible, tel que prévu par la CCT n° 162 du Conseil national du travail (cf. Syndicaliste n° 972). La période d’occupation dans un ré gime hebdomadaire alterné sera ainsi neutrali sée pour un crédit-temps.

Troisième élément: sur demande, l’employeur doit transmettre une copie des avenants aux contrats de travail au comité pour la préven tion et la protection du travail (CPPT) ou, à défaut, à la délégation syndicale. C’est là une bonne manière de lancer la discussion sur l’utilisation (ou non) de ce régime dans l’entre prise.

Cette mesure est entrée en vigueur le 20 no vembre 2022. 

Le deal pour l’emploi donne le droit aux travailleurs de demander à leur employeur de travailler à temps plein pendant quatre jours par semaine. À quoi faut-il faire attention?

Tout d’abord, travailler à temps plein sur quatre jours implique de longues journées de travail. Sur une semaine de 38 heures, travailler 9,5 heures par jour peut être physiquement et/ou mentalement éprou vant. Discutez-en au sein du CPPT pour savoir si la nature du travail s’y prête, le cas échéant avec des mesures adaptées telles que des pauses plus longues ou une variété dans le travail à accomplir. Au sein du CPPT, vous avez le droit de demander des copies de l’annexe au contrat de travail des travailleurs qui sont entrés dans ce système. Vous pourrez ainsi en assurer le suivi.

Si le temps de travail hebdomadaire dépasse les 38 heures par semai ne, la semaine de quatre jours sur base volontaire ne peut être in troduite que par convention collective (ordinaire). Insistez pour que la CCT soit la plus large possible.

Si des chèques-repas sont distribués dans l’entreprise, demandez la mise en place du «comptage alternatif», c’est-à-dire un comptage basé sur les heures plutôt que sur les jours, afin que les travailleurs concernés ne perdent pas leurs chèques-repas. Informez les travail leurs qu’ils conservent le droit à (au moins) 10 jours fériés payés, et que les droits aux congés sont à calculer au prorata. Quatre semaines de congés pour une semaine de quatre jours signifie 16 jours de con gés. II

NOIR SUR BLANC
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TEXTE Piet Van den Bergh | PHOTO
Sur une semaine de 38 heures, travailler 9,5 heures par jour peut être physiquement et/ou mentalement éprouvant.

Comment se porte votre entreprise? Demandez un rapport financier!

Les affiliés et les militants de la CSC peuvent demander un rapport gratuit sur la situation financière et économique de leur entreprise. Ce service intéressant proposé par la CSC est surtout destiné aux militants des entreprises qui n’ont pas de conseil d’entreprise (CE). La CSC propose à ses militants et affiliés un rapport gratuit concernant la situation financière de leur entreprise. Ce rapport présente un intérêt particulier pour les entreprises dépourvues de CE.

Le rapport passe en revue les prin cipaux chiffres: bénéfices, chiffre d’affaires, effectifs du personnel, etc. Face aux incertitudes de la situation économique actuelle, il est certainement important de bien pouvoir analyser ce qui se passe: les comptes annuels de l’exercice 2021 sont désormais disponibles. Même s’il s’agit des chiffres de l’année précédente, ils donnent quand même une idée des performances de l’entreprise, de l’existence de réserves éventuelles et de la mesure dans laquelle elle peut, ou non, surmonter cette période difficile.

Pour quelles entreprises?

La CSC peut vous fournir un rapport si votre entreprise est une entreprise ou une ASBL belge qui a déposé des comptes an nuels à la Banque nationale. Les écoles, les mutualités, les CPAS et les organismes du secteur public n’y sont pas tenus. Nous ne sommes pas en mesure non plus de pro duire un rapport pour les banques et les compagnies d’assurance, les hôpitaux et les maisons de repos qui sont autorisés à utiliser un schéma de comptes annuels distinct.

Quels sont les rapports actuellement disponibles?

Vous avez le choix entre trois rapports à trouver sur www.lacsc.be/csc-militant/ themes/connaitre-mon-entreprise

Chaque rapport s’accompagne d’une expli cation des notions:

• un rapport succinct de 8 pages, le mini-rapport (utile pour les affiliés CSC)

• une version plus détaillée du rapport, le midi-rapport : vous recevez une ex plication séparée des termes utilisés (utile pour les militants CSC)

• le rapport «Finalyse» ou maxi-rap port une version détaillée reprenant des tableaux et des graphiques, ainsi que l’explication des termes utilisés (utile pour les militants CSC).

Comment demander un rapport?

• Allez sur www.connaitremonentre prise.be et cliquez sur «Demandez le rapport de votre entreprise en complé tant le formulaire».

• Indiquez le nom juridique exact ou le numéro d’entreprise (format 0xxx xxx xxx) de votre entreprise

• Si vous ne le connaissez pas, communi quez-nous l’adresse exacte du siège social, en précisant les activités et d’autres informations éventuelles qui nous aideraient à retrouver l’entreprise adéquate auprès de la Banque natio nale.

• Vous avez aussi besoin de votre matri cule d’affiliation. Conservez-le donc à portée de main lorsque vous remplissez le formulaire

Un rapport fourni dans la semaine

Nous faisons de notre mieux pour vous fournir le rapport demandé endéans la semaine. Nous en remettons également une copie au(x) permanent (s) syndical(aux) qui assure(nt) le suivi de votre entreprise et aux experts en informations économiques et financières (experts IEF) de votre fédéra tion et de votre centrale. Les accords conclus dans votre fédération et votre cen trale prévoient que vous pouvez également les contacter pour obtenir des informations individuelles ou collectives supplémen taires sur ce rapport et sur la situation financière et économique de votre entre prise.

© Shutterstock

Quand l’employeur doit-il annoncer les horaires de travail variables?

La situation des travailleurs à temps partiel avec des horaires variables est peu enviable. Souvent, ils ne sont infor més que quelques jours à l’avance des jours et des heures auxquels ils devront travailler. Fort heureusement, le deal pour l’emploi apporte quelques avancées en la matière.

Depuis le 20 novembre 2022, l’employeur doit notifier en effet les horaires de travail va riables au moins sept jours ouvrables à l’avance, au lieu de cinq. Le dimanche n’étant pas un jour ouvrable, ce délai correspond à huit jours civils. Si un jour férié tombe dans cette pé riode, il prolonge le délai d’un jour.

Dans les secteurs de l’horeca (CP n° 302) et de l’entretien du textile (CP n° 110), le délai de notification est porté à trois jours ouvrables à compter du 1er janvier 2023, si le secteur ne conclut pas de nouvelle CCT avant le 31 décembre 2022.

Les CCT actuelles restent d’application après le 31 décembre 2022 dans les secteurs de l’hor ticulture (CP n° 145), du nettoyage (CP n° 121) en cas de nécessité imprévue après accord du travailleur et de la commission paritaire auxiliaire des employés (CP n°200) et uniquement pour les activités des auto-écoles, même si ces CCT ont un délai de notification inférieur à trois jours ouvrables.

Dans les secteurs autres que les cinq secteurs susmentionnés, qui ont une période de notifi cation inférieure à trois jours ouvrables, cette période réduite restera d’application jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard. Les nouvelles CCT sectorielles doivent prévoir un délai de notification d’au moins trois jours ouvrables. Si aucune nouvelle CCT sectorielle n’est conclue dans un secteur donné, ce secteur reviendra à un délai de notification de sept jours ou vrables à partir du 1er janvier 2023.

Malheureusement, une longue période transitoire a été prévue pour toutes les mesures susmentionnées dans les entreprises dont le règlement de travail, en date du 19 novembre 2022, stipulait des délais de notification: ces entreprises auront 9 mois + 1 jour pour adapter leur règlement de travail, soit pour le 21 août 2023 au plus tard. D’ici là, l’entreprise pourra continuer d’appliquer les anciens délais. © Shutterstock

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VOTRE QUESTION NOTRE RÉPONSE
Piet Van den Bergh, conseiller juridique CSC

LE TÉLÉTRAVAIL COMPLIQUE L’ACTION COLLECTIVE

Les possibilités accrues de télétravailler signifient souvent pour les travailleurs des opportu nités de trouver un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale. Mais quelles en sont les conséquences pour le travail syndical et pour la possibilité d’obtenir ensem ble des changements sur le lieu de travail?

Nica Morlesin, délégué CSC au siège d’IPG Solutions à Hasselt, un centre de services télép honiques, partage son vécu. Maarten Hermans, conseiller au service Entreprise de la CSC, commente des recherches récentes qui font réfléchir.

« «

«On ne peut pas tout organiser depuis un écran d’ordinateur. Il n’y a alors plus d’action syndicale possible.»

Les centres de services téléphoniques ont largement opté pour le télétravail depuis la pandémie. Nica Morlesin: «Avant la pandémie, 90% du personnel travail lait en permanence sur le site. Aujourd’hui, tout le mon de télétravaille et un opérateur n’est attendu dans l’en treprise qu’un seul jour par semaine.»

Avant la pandémie, le tra vail syndical était plus facile. Je faisais le tour de l’entreprise chaque jour, je parlais avec les gens et je pouvais réagir rapide ment. Si les gens se posaient des questions sur leur fiche de paie, je l’examinais rapidement et je l’empor tais au service RH si je découvrais quelque chose qui ne me semblait pas correct. En général, tout était rapide ment réglé. Aujourd’hui, il faut prendre rendez-vous en ligne avec le service RH ou avec un manager et il faut par fois attendre des semaines avant que le problème soit résolu. Cela nous frustre, tout comme les travailleurs. Du point de vue syndical, nous es sayons d’anticiper, mais nous avons moins de prise sur ce qui se passe dans l’entreprise. Nous disposons d’une boîte e-mail distincte qui nous permet de contacter le personnel, ain si que d’un canal Teams, mais il n’est pas possible de tout organiser à partir d’un écran d’ordinateur. Dans ce cas, il

n’est plus question d’action syndicale. Avec le télétravail, il n’est pas évident d’organiser des actions. Pourtant, ce n’est pas le travail syndical qui manque. Les salaires ne sont pas très élevés et les exigences de flexibilité sont là. Il faut être disponible 7 jours sur 7. Les travailleurs ne restent pas très longtemps. S’ils ont de meilleures opportunités, ils partent.

Le stress est élevé. Le personnel est très surveillé. Les agents qui n’effec tuent pas d’activité pertinente pour l’entreprise pendant plus de 4 minutes reçoivent un appel d’avertissement. De plus, l’indemnité versée en cas de télétravail n’est que de 5 euros par jour (ce qui est plutôt beaucoup pour le secteur). Avec l’hiver qui s’annonce, certains se demandent s’ils ne peuvent pas revenir à temps plein dans l’entreprise. Mais ce n’est pas possible, parce que nous n’avons plus assez de locaux pour accueillir beau coup de monde.»

ET VOUS

Ressentez-vous le télétravail comme un élément qui com plique l’action sociale? L’emploi dispersé est-il une pra tique fréquente dans votre entreprise? Comment agis sez-vous syndicalement face à ce phénomène?

Nous attendons vos réactions via syndicaliste@acv-csc.be

Télétravail un bilan

Beaucoup de choses ont déjà été écrites à propos du télétravail. Les préoccupations des employeurs, telles que les effets du télétravail sur la productivité et les heures travaillées, par exemple, ont déjà été analysées en détail. Par contre, la signification de tout ce travail (collaboratif) accompli via Teams ou Zoom pour le pouvoir des travailleurs et l’action collective sur le lieu de travail restent largement méconnues. Les résultats d’une nouvelle étude de l’Université de Berkeley à ce propos nous incitent peut-être un peu au pessimisme.

Les chercheurs ont organisé une expérience de terrain en faisant appel à 128 étudiants jobistes. Ceux-ci étaient chargés d’encoder des données pendant une semaine, par équipes de 4 à 5 personnes. Pour ce travail, ils ont été arbitrairement affec tés soit à une équipe qui partageait un espace de coworking en présentiel, soit à une équipe dont tous les membres collaboraient séparément de façon vir tuelle. Chaque équipe était dirigée par un manager et un acteur était présent. À un moment convenu à l’avance, cet ac teur interpellait ses étudiants jobistes au sujet de la charge de travail et de la rémunération, et il leur proposait d’orga niser tous ensemble une pétition ou une discussion avec le manager sur ce sujet.

Ce qui intéresse les chercheurs, c’est la probabilité qu’une équipe entreprenne une action collective de ce type. Cette probabilité varie fortement selon que les étudiants jobistes ont la possibilité de travailler en présentiel. Si chacun colla bore séparément de façon virtuelle et sans “locomotive”, cela ne débouchera pas sur une action collective. Si tout le monde travaille en présentiel et s’il y a une “locomotive», il y a 80% de chances

que les étudiants jobistes entreprennent une forme d’action collective.

Défi stratégique

Ce type d’expérience de terrain est natu rellement confrontée à des contraintes de transposabilité à la réalité de l’entre prise, mais ses résultats confirment ce que tout représentant syndical pressent: l’action collective est un processus so cial. Elle exige que les travailleurs puissent se réunir en présentiel, de pré férence dans ce que les chercheurs ap pellent des espaces libres: dans un ré fectoire, près de la machine à café, là où ils peuvent s’exprimer ensemble à pro pos de leur situation de travail, sans être soumis à une surveillance directe.

Pour les syndicats qui luttent à juste titre pour un accès égal et large au télé travail en vue d’un meilleur équilibre entre vies professionnelle et privée, son extension constitue certainement aussi un défi stratégique. La tendance n’est pas irréversible. Mais elle exige au moins une utilisation réfléchie des méthodes numériques et «classiques» pour réunir les travailleurs, ainsi que la défense de ces méthodes.»

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Fiche Rise

Le télétravail a-t-il un bilan environnemental positif?

Télétravailler, locaux de l’entreprise satellite, dans la crise du coronavirus, appelé structurel) la crise, en 2018, télétravaillaient par semaine . estimé à 42% été atteint pendant jours de télétravail le plus souvent, mais, le télétravail sation de travail

Depuis la crise du Covid, le télétra vail structurel fait partie de la vie de beaucoup d’entreprises. Mais est-ce une pratique positive pour l’environnement?

Des études réalisées en France montrent que le télétravail permet de réduire les impacts environne mentaux associés aux trajets domi cile-travail d’environ 30%. Mais certaines pratiques et conséquences du télétravail (déplacements autour du domicile, visioconférences, consommation d’énergie à domicile, etc.) viennent amoindrir ce bilan positif.

Dans cette fiche n°27 éditée par le Réseau intersyndical de sensibilisa tion à l’environnement (Rise), vous découvrirez quels sont les effets du télétravail qui permettent d’alléger l’impact sur l’environnement et ceux qui, au contraire, alourdissent le bilan environnemental. Elle contient également une série de pistes d’ac tions syndicales pour organiser une pratique du télétravail qui puisse avoir globalement un effet positif sur l’environnement.

Mais le télétravail ronnemental positif 17% de télétravailleurs Réduction donc des Réduction Réduction Effet Réduction Diminution et Réduction vu le Gain de pouvoir

Possibilité accrue (mêmes si moins du nombre

«Télétravail: comment obtenir un bilan environnemental positif?» fiche n°27, à télécharger sur www.rise.be/ressources

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Nica Morlesin, délégué CSC IPG Contact Solutions Hasselt Maarten Hermans, conseiller au service Entreprise de la CSC
EN DÉBAT
«L’action collective est un processus social»

Les violences faites aux femmes, c’est l’affaire de tous!

La manifestation contre les violences faites aux femmes a eu lieu le 27 novembre (voir p. 6). Comme chaque année, la CSC y était parce que ces violences concernent aussi le monde du travail. Ayla Serbest fait le point sur cette violence sexiste et sur le rôle que les déléguées et délégués peuvent jouer en entreprise.

Dans le monde, une femme sur quatre est victime de violen ces conjugales et 64% de fem mes sont assassinées par leur partenaire intime ou un membre de leur famille. Nous devons nous mobiliser aujourd’hui pour que le monde de demain soit plus sûr! Depuis le lancement du mouvement ≠MeToo en 2017, 152 femmes ont été tuées en Belgique. En 2022, il y a déjà eu 20 féminicides (1). Des femmes qui meu rent par le simple fait «d’être une fem me». Personne ne peut ignorer au jourd’hui l’étendue des violences machistes que toutes les femmes con naissent au cours de leur vie sous des formes multiples: violences conjugales, sexuelles, économiques, psychologiques, institutionnelles, dans la sphère privée comme dans l’espace public. Grâce aux différentes mobilisations (grève des fem mes du 8 mars, dénonciation des fémini cides, manif Mirabal, mobilisations loca les…), nous pouvons constater à quel point notre solidarité est notre force!

La lutte contre toutes les formes de vio lences machistes est une responsabilité collective, qui ne doit pas reposer que sur les épaules des femmes. Il est temps que les hommes et les pouvoirs publics prennent la mesure de leurs rôles dans ces violences et agissent en consé quence pour, eux aussi, contribuer acti vement à y mettre fin.

Les politiques d’austérité, le racisme et le sexisme continuent à faire reculer les

droits fondamentaux de la majorité de la population. Il est temps de renverser radicalement la vapeur si on veut réelle ment se donner les moyens de garantir l’autonomie et la sécurité de toutes les femmes avec ou sans papiers, avec ou sans emploi, quelle que soit leur origine, leur âge ou leur orientation sexuelle.

Pourquoi se mobiliser en tant que syn dicaliste?

Comme syndicaliste, il est essentiel de se saisir de cette question car nos affi liés et nos collègues en entreprise ont besoin de nous, délégués et perma nents, pour les défendre, pour construire des entreprise qui soient des lieux de travail sécurisés et pour conser ver leur autonomie économique et finan cière - donc leur travail - même lors qu’elles sont victimes de violences sexistes ou sexuelles. Depuis des an nées, nous menons avec les délégations syndicales un travail de sensibilisation car nous considérons que les violences sexuelles et sexistes dans les entre prises sont aussi une responsabilité syn dicale. Que ces violences se passent entre collègues ou qu’il s’agisse d’une travailleuse victime de violences domes tiques conjugales, cela peut avoir des conséquences sur leur travail: pro blèmes relationnels, problèmes d’atten tion, fatigue… Or, il est important que les femmes gardent leur travail afin de conserver leur autonomie économique et financière. Par ailleurs, pour les femmes victimes de violences domes

tiques conjugales, se rendre sur leur lieu de travail constitue un vrai bol d’air pour faire diminuer la pression, la généralisa tion du télétravail constituant un pro blème à cela. Les déléguées et délégués peuvent jouer un rôle important dans l’identification de ce que vivent leurs col lègues et dans leur soutien.

Ma collègue subit des violences sur le lieu de travail, qu’est-ce que je peux faire en tant que déléguée ou délégué dans mon entreprise?

Vous devez avant tout prendre très au sé rieux la collègue qui ressent un fait/un propos comme une violence et ne pas être dans le jugement. Lui expliquer la confi dentialité et la protection dont elle peut bénéficier. Utiliser le circuit «informel » en faisant part du problème à l’équipe syndi cale. S’adresser directement à la personne de confiance ou à la direction, avec l’ac cord de la collègue évidemment, et tenter de résoudre le problème de manière confi dentielle et/ou en interne sans déposer une plainte motivée. Ou utiliser le circuit «formel» en s’adressant au conseiller en prévention aspects psychosociaux interne ou externe à l’entreprise, soit vous-même en tant que délégué, soit la personne di rectement si elle le souhaite. Attention, s’il y a eu des faits graves d’agressions sexuelles, comme un viol, vous devez conseiller à la personne de porter plainte auprès de la police.

C’est la responsabilité des délégués syn dicaux de regarder le contexte dans le

Serbest

Ayla Serbest est collaboratrice «Égalité des Genres» au sein de l’équipe Animation francophone de la CSC. Elle gère l’action de la CSC sur les questions de genre. Pour plus d’informations sur ces sujets, consultez le site www.femmes-csc.be

Des outils sont à votre disposition auprès des permanentes Femmes CSC de votre région et sur notre site web www.femmes-csc. be pour y travailler. Ma collègue subit des violences sexistes ou sexuelles: quel est mon rôle en tant que délégué.e?

quel un cas de violence survient afin de prévenir et solutionner des situa tions qui peuvent dépasser le cadre individuel. Rendre collectif un pro blème individuel est essentiel pour améliorer le bien-être de toutes et tous dans l’entreprise. C’est aussi la responsabilité de l’employeur d’offrir un lieu de travail sécurisé pour toutes et tous.

En quoi la convention n°190 de l’Or ganisation internationale du travail est-elle utile?

En juin 2019, l’OIT a adopté la conven tion n°190 qui reconnait le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèle ment. À ce jour, la Belgique n’a tou jours pas ratifié cette convention! Comme nous sommes en Belgique,

elle doit d’abord être ratifiée par les différents niveaux de pouvoir. C’est pourquoi nous nous activons via nos différents mandats pour faire pression et montrer l’urgence de faire adopter au plus vite cette convention afin que la Belgique puisse jouer un rôle de premier plan dans la lutte pour une plus grande égalité de genre. Nous avons des lois, nous savons où agir. Il faut maintenant donner des moyens pour lutter contre les vio lences et appliquer ces lois pour qu’on ne doive plus, l’an prochain, citer une liste de prénoms des femmes victimes de féminicides en 2023 dans notre pays.

(1)Recensement par le blog http://stopfeminicide.blogspot.com/

9% des travailleuses ont été agressées physiquement au bureau (Jump, 2016).

1 travailleuse sur 3 dans les titres-services et les aides familiales a été victime de violences sexuelles sur son lieu de travail (CSC-Alimentation et Services, 2017).

1 couple sur 5 connaît des problèmes de violences!

20 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 21 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
INTERVIEW Donatienne Coppieters | PHOTO Aude Vanlathem
FACE À FACE
«9% DES TRAVAILLEUSES ONT ÉTÉ AGRESSÉES PHYSIQUEMENT AU BUREAU. AGIR CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, C’EST L’AFFAIRE DE TOUS. IL EXISTE PLUSIEURS FAÇONS D’AGIR, INDIVIDUELLEMENT ET COLLECTIVEMENT. LES DÉLÉGUÉS ET DÉLÉGUÉES ONT UN RÔLE IMPORTANT À JOUER.»
Ayla BIO La brochure «Violences sexistes ou sexuelles: mon rôle en tant que délégué.e» présente les bons réflexes, les sources d’information et les contacts utiles.

Les prix d’énergie comme les taux d’inflations flambent. Les revenus ne suivent pas. Plus de 20% d’inflation dans les pays baltiques, entre 10 et 20% dans les pays de l’Europe de l’Est et plus de 10% dans la zone Euro depuis le début de 2022, très souvent sans indexation des revenus. Les travailleuses et les travailleurs manifestent de plus en plus partout en Europe contre ces immenses pertes de pouvoir d‘achat. Depuis début octobre, la Confédération européenne des syndicats (CES) propose un plan en six points qui est au centre des revendications syndicales auprès des institutions européennes.

CRISE DU COÛT DE LA VIE: AUGMENTEZ LES SALAIRES, TAXEZ LES PROFITS!

Le plan a été présenté le 5 octobre au Parlement européen à Stras bourg. Il souligne avant tout que «cette crise est due aux profits excessifs, et non aux salaires». Il demande des mesures spécifiques concernant l’énergie pour toute l’Europe, mais plus largement des mesures aussi par rapport aux revenus car la crise énergétique est avant tout une crise d’iné galités profondes. C’est le coût de la vie qui est devenu inabordable.

Au centre de la présentation devant les dé putés présents au Parlement européen, des témoignages, comme celui de Nancy Seutin, travailleuse liégeoise en titres-services et déléguée CSC Alimentation et Services «Il faut choisir quelles factures payer. Le logement est bien sûr prioritaire au risque de se retrouver à la rue. Viennent ensuite le chauffage et l’es sence pour la voiture pour me rendre au travail. De nombreux collègues ont fait le choix de ne pas chauffer leur maison cet hiver. En ce qui concerne la nourriture, ici aussi c’est très difficile. Les produits ali mentaires de base sont pratiquement inabordables, mais il faut choisir. Il faut donc faire avec ce qu’on a mais il est im possible pour moi de tout payer.» (1)

Javier Pizzaro, ouvrier agricole en Es pagne depuis 30 ans est dans une situation semblable: «Aujourd’hui, le salaire minimum en Espagne est de 1.150 euros. C’est ce que je gagne. Une famille normale est au seuil

de pauvreté avec ce revenu. Le mois dernier, mes dépenses incluaient: l’électricité: 130 euros; ma mensualité hypothécaire: 350 eu ros; l’eau: 40 euros; l’essence pour me rendre au travail: 150 euros; d’autres dé penses comme les frais de gestion de l’ap partement et le téléphone: 150 euros; sans oublier les taxes indirectes que je dois évi demment payer aussi.»

Victor Tila, policier en Roumanie ex plique: «Je fais ce métier depuis 20 ans maintenant. Quand j’ai commencé, en 2002, mon salaire n’était pas très élevé mais il était suffisant. Au cours des années sui vantes, le gouvernement a considéré que la police n’était pas une priorité et les sa laires ont commencé à diminuer en même temps que l’inflation montait. Les salaires ont été réduits de 25% durant la crise de 2009. Cela a été une période très difficile pour les policiers et pour de nombreux tra vailleurs roumains. Actuellement, un poli cier gagne environ 700 euros et je pense que ce salaire est un peu trop bas compte tenu de la situation. L’hiver approche et les prix de l’énergie augmentent en Roumanie. Je m’attends à ce que ma facture de gaz et d’électricité représente bientôt la moitié de mon salaire, ce qui est un gros pro blème.»

Des parlementaires de différents groupes étaient présents lors de cet événement, très critiques à l’égard de la Commission et du Conseil par rapport à leurs positions ac

tuelles. Ils regrettent que la Commission tarde à présenter des propositions euro péennes pour un plafonnement des prix au niveau européen. Ils appellent à plus de solidarités européennes et à une taxation effective des surprofits. Force est de constater que certains s’opposent à des initiatives pour le pouvoir d’achat, même dans ce contexte dramatique. C’est no tamment le cas de l’extrême droite et de la NVA qui ont voté contre une résolution ce même 5 octobre.

L’Europe en actions

Convaincu que les solutions sont en grande partie européennes, la CES a lancé une ini tiative rendant de plus en plus visibles les initiatives de mobilisations de cet automne au niveau sectoriel, national et local, avec un très impressionnant calendrier. Il s’agit de plusieurs pages d’annonces d’événe ments de syndicats partout en Europe, avec des objectifs toujours identiques ou très semblables: manifestations à Rome pour la dignité du travail, le pouvoir d’achat et contre le fascisme, initiatives décentralisées d’un automne solidaire en Allemagne, actions des syndicats bul gares et lettons pour plus de salaires… la page permet de se retrouver davantage dans les actions syndicales européennes de cet automne et pour les mois à venir. 

(1)Lire les témoignages complets sur www.etuc. org/fr/pressrelease/se-nourrir-est-devenuhors-de-prix-les-travailleurs-parlent-de-leurlutte-contre-le

Un plan européen en six points

Les travailleurs et leurs syndicats à travers l’Europe appellent à un plan en six points pour s’attaquer à la crise du coût de la vie et à construire une économie qui réponde aux besoins des travailleurs en Europe.

Nous demandons:

1. Des augmentations de salaire pour faire face à l’aug mentation du coût de la vie et garantir que les travail leurs reçoivent une part équitable des gains de pro ductivité, ainsi que des mesures visant à promouvoir la négociation collective comme le meilleur moyen d’obtenir des salaires équitables et une économie du rable.

2. Des paiements ciblés pour les personnes qui ont du mal à payer leurs factures d’énergie, à mettre de la nourriture sur la table et à payer le loyer. (…)

3. Des plafonds de prix, en particulier sur le coût des fac tures d’énergie, et une taxe étanche sur les bénéfices excessifs des entreprises d’énergie et autres, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas autorisées à spéculer sur cette crise, ainsi que d’autres mesures pour mettre fin aux profits, comme la limitation des dividendes, et pour empêcher la spéculation sur les prix des denrées alimentaires.

4. Des mesures nationales et européennes de soutien anticrise pour protéger les revenus et les emplois dans l’industrie, les services et le secteur public. (…)

5. Réformer le fonctionnement du marché européen de l’énergie. Reconnaître que l’énergie est un bien public et investir pour s’attaquer aux causes profondes de la crise, telles que le sous-investissement dans les éner gies vertes et les conséquences de la privatisation.

6. Un siège à la table pour les syndicats afin de concevoir et de mettre en œuvre des mesures anti-crise par le biais du dialogue social. Il s’agit de la méthode éprou vée pour gérer la crise avec succès. (…) Le prix de l’inaction ou l’adoption d’une mauvaise réponse, comme l’augmentation des taux d’intérêt, le gel des salaires ou le retour à un agenda d’austérité ratée, sera catastrophique.

www.etuc.org/fr/document/mettre-fin-la-crise-ducout-de-la-vie-augmentez-les-salaires-taxez-les-bene fices

EUROPE
22 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 | 23 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
Nancy Seutin, travailleuse belge en titres-services, a témoigné du coût de la vie devant les parlementaires européens. AUTOMNE DE MOBILISATIONS PARTOUT EN EUROPE Signez la pétition destinée aux décideurs européens avec la demande de mettre fin à la crise du coût de la vie, sur la base du plan en six points de la CES. bit.ly/3OJG42g Signez la pétition

ISABELLE

ÉDUCATRICE SPÉCIALISÉE AU CENTRE HOSPITALIER NEUROLOGIQUE WILLIAM LENNOX À OTTIGNIES.

Isabelle Jacobs a témoigné des conséquences de la dernière réforme des pensions lors de l’action en front commun le 28 novembre devant la Tour des pensions à Bruxelles (voir p. 11).

«Je suis déléguée et j’ai tous les mandats dans l’hôpital. Ces derniers temps, je suis beaucoup interpellée par mes collègues qui sont épuisées. Dernièrement, l’une d’entre elles est venue me dire «Isabelle, moi je diminue mon temps de tra vail à 50% parce que je n’en peux plus, c’est inte nable.» Le problème est qu’il y a une importante pénurie de personnel et la charge de travail est encore pire pour celles qui sont là. Quand je l’ai informée des conséquences sur sa pension, elle m’a dit d’un air dépité: «Je vis aujourd’hui. Pour la pension, je ne sais pas si finalement il nous restera quelque chose, alors je verrai...» Les gens sont tel lement mal dans leur boulot, dans leur charge de travail qu’ils ne se projettent plus dans l’avenir. Il faut des solutions pour pouvoir mener sa carrière

jusqu’à la fin, avoir des pensions respectables et qu’on puisse vivre dignement.

Le crédit-temps de fin de carrière a été reporté à 60 ans, mais ce n’est pas possible. Le métier d’in firmière est fatigant physiquement et mentalement. Elles ont en plus les responsabilités de gérer les médicaments, les traitements, plein de choses déléguées par les médecins. S’il y a des er reurs, ça leur retombe dessus. Mais dans les hôpi taux, il y a aussi des aides-soignantes, des bran cardiers, des éducateurs, du personnel de nettoyage qui ont tous des horaires compliqués et ce sont majoritairement des femmes qui occupent ces postes. Il est grand temps que les métiers de soins, essentiels, soient reconnus comme des mé tiers pénibles pour avoir des fins de carrière ac ceptables. Travailler à temps plein jusque 67 ans dans ce domaine, ce n’est pas possible!»

«ON VA GALÉRER TOUTE NOTRE CARRIÈRE POUR GALÉRER ENCORE PLUS LORS DE NOTRE PENSION.»
PAROLES DE MILITANTE
Isabelle Jacobs (55)
24 SYNDICALISTE 975 | 30 NOVEMBRE 2022 |
TEXTE ET PHOTO Donatienne Coppieters

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