L'Intelligence artificielle - Interview Rob Heyman

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Citation

«Vous devez poser vous-même des questions sur l’IA à votre employeur, sans attendre qu’il vous donne l’information»

Rob Heyman

Rob Heyman est coordinateur du Kenniscentrum Data & Maatschappij. Ce centre rassemble des connaissances et des expériences sur le thème de l’intelligence artificielle, en fonction des besoins de l’industrie, de la sphère politique, de la société civile et du grand public.

30/11/22

Rob Heyman montre l’impact de l’intelligence artificielle sur le lieu de travail et soulève les questions à se poser dans ce contexte.

L’intelligence artificielle (IA) est partout. Votre smartphone, par exemple, est un véritable «foyer» de nouvelles technologies: GPS, réseaux sociaux, etc. Votre lieu de travail aussi regorge – aujourd’hui déjà – d’applications basées sur l’intelligence artificielle. Rob Heyman, coordinateur du Kenniscentrum Data & Maatschappij, s’intéresse principalement aux aspects juridiques, sociaux et éthiques des applications pilotées par les données et des applications de l’IA.

Nombreux sont ceux qui pensent que l’IA ne les concerne pas. Qu’est-ce au juste?

Il est très difficile de parler de l’intelligence artificielle de manière générale. C’est un peu comme parler d’une population: lorsque l’on parle des Belges, on évoque un tas de préjugés. C’est une notion complexe. Personne ne sait vraiment ce que c’est. J’utilise à dessein une définition très large: un système autonome capable de prendre une décision à partir de données provenant de l’environnement et qui peut sembler humainement intelligent. Toutefois, avez-vous besoin de connaître cette définition pour en dire quelque chose d’utile? Pas vraiment. Vous ne savez pas non plus comment fonctionne un train mais vous savez comment l’utiliser. C’est exactement la même chose avec l’IA: vous n’avez pas besoin de savoir comment elle fonctionne, mais comment elle interagit avec vous. Devons-nous craindre l’IA?

Disons que la réponse académique est oui et non. La technologie n’est pas une mauvaise chose en soi, mais c’est souvent la manière dont les citoyens l’utilisent qui peut la rendre mauvaise. Prenons l’exemple des trottinettes partagées: c’est une innovation fantastique, mais les utilisateurs devraient apprendre qu’ils ne peuvent pas les abandonner partout. Sur ce plan, l’IA pourrait apporter un autre fonctionnalité. Si vous abandonnez une trottinette à un endroit où c’est interdit, le compteur pourrait par exemple continuer à courir et ne s’arrêter que lorsque la trottinette est correctement garée.

Technologie et éthique sont-elles toujours conciliables?

La principale valeur éthique de notre société est le gain d’efficacité: faire des bénéfices ou réduire les coûts. Tous ceux qui prétendent le contraire mentent. Nous devons fournir des systèmes plus efficaces, mais veiller aussi à aider tout le monde. Si une personne subit la fracture numérique, il doit toujours y avoir une personne pour l’aider.

L'IA est déjà partout, y compris sur le lieu de travail?

De fait! Prenez votre application Microsoft Teams sur votre ordinateur: si vous êtes inactif sur votre PC pendant un certain temps, votre employeur voit directement que vous êtes absent. Microsoft estimait que c’était une bonne idée, de même que le service informatique et

«Il ne faut pas savoir comment fonctionne un train pour l’utiliser!»

votre employeur trouvent que c’est pratique de voir qui est au travail. Cette fonctionnalité figure dans les paramètres par défaut de Teams mais elle donne l’impression que l’on est observé.

En tant que collaborateur, comment devez-vous réagir face à l’IA?

Vous disposez de la fameuse CCT n°39 sur l’information et la concertation sur les conséquences sociales de l’introduction de nouvelles technologies qui vous promet le paradis. Cette CCT ne fonctionne cependant pas comme elle le devrait. Elle prévoit l’obligation de diffuser certaines informations. Toutefois, je n’en attendrais rien en tant que travailleur car c’est l’employeur qui choisit les informations qu’il diffuse. Si vous voulez savoir comment le système influence le fonctionnement de l’entreprise, vous devez savoir qui a intérêt à le mettre en œuvre. Sur ce point, il y a encore du pain sur la planche car l’employeur a une approche différente de celle du travailleur. L’Allemagne dispose déjà d’un excellent portail (www.unding,de, ndlr.) qui rassemble les informations sur les différents systèmes d’IA car en fait, il n’existe que peu de systèmes différents. Ce site vous permet déjà de connaître les réserves émises à l’égard de certains systèmes Quelle tâche attend donc nos militants?

Il faut oser poser les questions difficiles et chercher soi-même l’intelligence artificielle au travail. Comme je l’ai dit, vous ne devez pas savoir comment ça marche mais comment il interagit avec les individus. Vous pouvez demander à votre employeur comment le système interagira avec vos collègues. Le piège principal réside dans le fait que toutes nos connaissances sont transposées en systèmes automatisés, ce qui nous rend superflus. À Bruxelles, un supermarché doit déjà payer une taxe supplémentaire parce qu’il travaille avec des caisses automatiques. Nous devons donc chercher des solutions similaires. C’est une problématique très complexe.

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