Syndicaliste n°973

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BIMENSUEL ÉDITÉ PAR LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS CHRÉTIENS | CHAUSSÉE DE HAECHT, 579 | 1031 BRUXELLES | BUREAU DE DÉPÔT GAND X | P 912043 LE RENDEZ-VOUS DES DÉLÉGUÉ.E.S ET DES MILITANT.E.S DE LA CSC / 26 OCTOBRE 2022 / N° 973 Tous en grève! Danse-t-on sur le Titanic? LE 9/11 CLIMAT PAUVRETÉ «Plus jamais de Qatarstrophe!» COUPE DU MONDE Agir avant l’explosion

La Coupe du monde de foot au Qatar rime avec esclavage moderne. La société civile appelle les politiques à voter une loi sur le devoir de vigi lance. > pp. 4, 22, 23.

La situation d’une grande partie de la population reste très préoccupante.

Pour celles et ceux qui n’ont pas un salaire élevé et ne peuvent pas prétendre au tarif social de l’énergie. Pour celles et ceux qui doivent effectuer de nombreux déplacements professionnels très onéreux et exercer un deuxième, voire un troisième emploi pour joindre les deux bouts. Pour les célibataires et les ménages monoparentaux qui doivent se débrouiller avec un seul salaire. Pour les tra vailleurs qui doivent payer des factures éle vées depuis des mois en attendant la pro chaine indexation. Pour les travailleurs témoins des attaques constantes sur l’indexa tion alors que leur entreprise engrange de bons résultats. Pour les travailleurs qui

risquent d’être mis au chômage temporaire. Pour les pensionnés, malades, chômeurs, invalides qui reçoivent une allocation sociale très basse, parfois sous le seuil de pauvreté.

Les entreprises ne sont pas si mal loties

On fait moins grise mine du côté des entre prises. Selon un récent rapport de la Banque nationale, jamais les entreprises de notre pays n’ont réalisé autant de profits. Pas toutes évidemment, mais certainement les entre prises énergétiques, pharmaceutiques ou immobilières. Ces entreprises n’ont pas besoin de réduction de cotisations contrairement aux boulangers et aux bouchers. Elles peuvent en outre facilement dégager de l’espace pour augmenter les salaires. Dans ce contexte, il est insupportable d’entendre les employeurs remettre en question, via différentes proposi tions, l’indexation automatique des salaires.

Nécessité d'un changement de cap fondamental

Nous le rappellerons lors de notre journée d’actions et de grève générale du 9 novembre. Mais une crise, c’est aussi l’occasion de chan ger fondamentalement d’orientation. En plus du nécessaire plafonnement des prix du gaz et

de l’électricité, le gouvernement doit s’atteler à formuler rapidement des pro positions de long terme. Parmi celles-ci, une réforme fiscale ambitieuse qui fera enfin contribuer les épaules les plus larges. C’est de cette ambition dont nous avons cruellement besoin.

Vous voulez participer à la journée d’actions et de grève générale le 9/11?

Toutes les infos, y compris celles sur l'augmentation de l'indemnité de grève, sur www.lacsc.be/9novembre

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nous

22 20 Les
coulisses de la Coupe du monde
Le
9/11 : tous en grève!
Climat Danse-t-on sur le Titanic? Pour bon nombre de personnes, l’hiver ne s’arrêtera pas au mois de mars. Les mesures bud gétaires de court terme proposées par le gouvernement sont nécessaires mais ne suffiront pas à soulager les ménages en difficulté. TEXTE Marie-Hélène Ska PHOTO Donatienne Coppieters
ZOOM 2 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 3 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |
© Dieter Telemans 1 en couverture
Vous
militants en
envoyant un courrier à syndicaliste@acv-csc.be! Pour beaucoup, l’hiverne s’arrêtera pas en mars! 4 TAPE À L’ŒIL 6 BON À SAVOIR 8 L’ACTU Le budget fédéral bouclé pour deux ans! 11 NOIR SUR BLANC 11 Améliorer ses conditions de travail? Un droit 12 E-commerce: travailler jusqu’à minuit sans concertation 14 À TABLE À aborder au CE: le droit à la déconnexion 16 PAUVRETÉ Agir avant l’explosion 18 CLIMAT 18 Ensemble pour un avenir durable et juste 20 François Sana: «J’ai parfois l’impression qu’on danse sur le Titanic» 22 FACE À FACE Les coulisses de la Coupe du monde 24 PAROLES DE MILITANTE Brigitte, militante TSE SYNDICALISTE Boîte Postale 10, 1031 Bruxelles Tel. 02 244 34 83 syndicaliste@acv-csc.be SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Donatienne Coppieters dcoppieters@acv-csc.be TRADUCTION Ilse Cambier, Mylène Demeure, Pascal Drèze, Riccardo Riva, Anne Scieur, Isabelle Tuteleers, Hilde van Lancker LAY-OUT Gevaert Graphics IMPRIMERIE ‘t Hooft ÉDITRICE RESPONSABLE Dominique Leyon SITE INTERNET www.lacsc.be Une crise, c’est aussi l’occasion de changer fondamentalement d’orientation.

«Plus jamais de Qatarstrophe!»

La société civile appelle les politiques à voter une loi sur le devoir de vigilance.

Un mois avant le coup d’envoi de la Coupe du monde, des militantes et militants ont joué un match de foot symbolique au stade du Crossing à Schaerbeek. En bleu, les multinationales, en rouge, les travailleurs de la construction.

En jouant sans règles équitables, ils voulaient dénoncer les violations des droits humains et du travail dans le secteur de la construction des infrastructures de la Coupe du monde au Qatar. Les conditions de travail éprouvantes ont provoqué au minimum 6.750 décès d’ouvriers de différentes nationalités depuis dix ans. Cette action était organisée par WSM, l’ONG du Moc, avec notamment la CSC et le CNCD-11.11.11, sous le nom de #MadeWithRespect.

Bart Verstraeten, directeur de WSM: «Le Qatar n’est pas une exception. Ce jeu déloyal envers les travailleurs et les travailleuses se produit dans le monde entier et dans tous les secteurs. Les entreprises fixent les règles, les travailleurs et l’environnement en pâtissent. Pensez notamment aux minerais contenus dans nos téléphones ou aux travailleurs ouïgours forcés qui produisent, entre autres, des vêtements et des panneaux solaires pour le marché mondial... Les entreprises doivent prendre leurs respon sabilités! Pour les y contraindre, la Belgique doit adopter une loi sur le devoir de vigilance qui oblige toutes les entreprises à prendre en compte les droits humains, les normes du travail et les normes environnementales dans leurs chaînes d’approvision nement. L’Europe doit aussi adopter une directive»

Depuis les tribunes, les militants ont crié avec insistance: «Responsables politiques: mettez en place ces règles du jeu équitables. Adoptez la loi sur le devoir de vigilance. Faites-le maintenant et évitez ainsi les abus à l’avenir. MadeWithRespect! Plus jamais de Qatarstrophe!»

Regardez et partagez la vidéo du match www.facebook.com/watch/?v=814688939849475&ref=sharing Lire l’interview de la syndicaliste népalaise Smritee Lama sur les abus au Qatar en pp. 22-23.

Soutenez la loi sur le devoir de vigilance www.madewithrespect.be Plus d’infos: www.wsm.be

SCHAERBEEK 20.10.22
4 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 5 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | TAPE À L’OEIL

4ème manif de l’enseignement

Les personnels de l’enseignement ont manifesté pour la 4 ème fois cette année, le jeudi 13 octobre à Namur. Une fois de plus, des milliers de personnes (entre 10.000 et 13.000) ont accepté de sacrifier leur traitement et de se mobiliser pour manifester leur colère et leur mécontentement. Elles ont répété les motifs qui fondent leurs principales inquiétudes actuelles et qui les fâchent: la taille des classes, l’augmentation de la charge de travail induite par les plans de pilotage, la future évaluation des enseignants et l’avenir de l’enseignement qualifiant.

À ces dossiers vient se greffer la triste actualité de la crise énergétique. Ils la ressentent au quotidien dans leur vie privée et professionnelle, mais égale ment au travers du mal-être des élèves dont les familles sont en souffrance.

D’autres actions sont d’ores et déjà pro grammées par le front commun syndical.

l’impact de l’intelligence artificielle au travail et échangerons avec des délégués au sujet de son utilisation dans les entreprises.

Programme, infos et inscription: www.lacsc.be/IA

Le 9/11 Journée d’actions et de grève générale!

De trop nombreux travailleurs rencontrent de grosses difficultés financières et craignent d’affronter un hiver glacial. La situation devient catastrophique pour beaucoup. Et les réponses structurelles du gouvernement se font attendre. C'est pourquoi, la CSC a décidé d'or ganiser, en front commun, une journée nationale d'actions et de grève générale le 9 novembre afin de re donner rapidement de nouvelles perspectives d'avenir.

• Les prix du gaz et de l’électricité doivent être plafonnés de toute urgence.

• Le tarif social doit être étendu. Les frais de déplacement doivent être mieux remboursés.

• Les employeurs doivent cesser d’attaquer l’indexation et conclure un accord avec les syndicats afin d’augmenter les salaires dans les secteurs où cela est possible, en plus de l’indexation.

• Le gouvernement doit instaurer rapidement une réforme fis cale pour que les travailleurs et travailleuses disposent de plus de revenu et que les épaules les plus larges contri buent davantage.

Le 19/11 > 27/11

Réduire et valoriser les déchets

La Semaine européenne de réduction des déchets (SERD) est la plus grande campagne de sensibilisation à la prévention des déchets en Europe. Sous l'impulsion des pouvoirs publics locaux et régionaux, elle soutient citoyens, écoles, entreprises, ONG, associations qui organisent des actions de sensibilisation à la réduction des déchets. Cette année, elle s’étale du samedi 19 au dimanche 27 novembre 2022 et se focalise sur les textiles circulaires et durables avec pour slogan: «Les déchets ne sont plus à la mode!»

Des pistes d’action? La cellule intersyndicale Rise vous propo se un quiz d’une dizaine de questions afin de sensibiliser à la pollution engendrée par les textiles. Vous pouvez notamment informer les travailleurs en mettant en évidence les affiches de la SERD 2022 à des endroits bien fréquentés. Et mettre le point à l’ordre du jour du CPPT.

En savoir plus: www.rise.be/actualites/environnement/c-est-reparti-pour-la-semaine-europeenne-dereduction-des-dechets-serd-qui-aura-lieu-du-19-au27-novembre-2022.htm

www.lacsc.be/csc-enseignement

«Vous avez raison»

Mercredi 19 octobre, à la tombée de la nuit, la CSC a mené une opération d’affichage massif dans le centre-ville liégeois. Les slogans étaient évocateurs: «Marre d’être plumés? Le 9 novembre, tous en grève», «Se chauffer ou se nourrir, pas question de devoir choisir!», «Ils s’enrichissent, on s’appauvrit, ça suffit! Il faut taxer fortement les superprofits», «La vie est de plus en plus chère. On veut de meilleurs salaires» et «Touche pas à l’index». Les passants ont applaudi l’initiative: «Vous avez raison, on doit bouger, on ne s’en sort plus. Merci pour votre action», a-t-on notamment entendu.

Trouvez les infos sur les actions, les indemnités de grève, les affiches… sur www.lacsc.be/9novembre

40L’indemnité de grève de la CSC passe de 30 à 40 euros et ce, dès la journée d’actions et de grève du 9 novembre. Pour les grands événe ments, le transport collectif est généralement assuré depuis chaque région et chaque participant reçoit un pique-nique ou un montant de 10 euros maximum pour le repas de midi.

Renseignez-vous dans votre fédération ou auprès de votre permanent.

6 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 7 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |
BON À SAVOIR
Pour plus d’informations ww w.ewwr.eu Ensemble, réduire c’est agir! SEMAINE EUROPÉENNE DE LA RÉDUCTION DES DÉCHETS 19-27 NOVEMBRE 2022 ICI, ON PARTICIPE ! Supported

Le 11 octobre, après une nouvelle nuit de travail pour l’équipe gouvernementale, le Premier ministre, Alexander De Croo, a pu présenter au Parlement le budget pour 2023-2024. Cet exercice budgétaire comportait à nouveau de nombreux risques pour les travailleurs. Le patronat et la droite ont vivement critiqué l’indexation automatique des salaires. Ils ont en outre appelé à des réformes structurelles, principalement pour réduire les droits des travailleurs. Nous y avons échappé pour l’essentiel, notamment parce que le gouvernement a donné la priorité à la gestion de la crise, avec un nouveau train de mesures énergétiques. Nous avons sélectionné pour vous quelques éléments qui concernent les droits des travailleurs.

Le gouvernement ne cède rien sur la demande des syndicats d’assou plir la loi de 1996 sur la norme sa lariale. Toutefois, il n’a rien concé dé non plus face aux attaques des emplo yeurs contre l’indexation automatique. En contrepartie, les employeurs obtiennent une réduction et un report des cotisa tions patronales pour 974 millions. Ils sont autorisés à ramener leurs cotisations à 7,07% pour le premier semestre de 2023.

Pour le second semestre, le paiement des 7,07% de cotisations peut être reporté jusqu’en 2025. La mesure s’applique au sec teur privé, au secteur public des soins et aux entreprises publiques autonomes. Les entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux en sont exclues. Pour le reste, il n’y a aucune restriction. Pas même pour les entreprises qui n’appliquent pas l’indexation automatique.

Les employeurs se voient également pro mettre une prolongation du chômage tem poraire énergie jusqu’au 31 mars 2023. Ce qui signifie que les entreprises dont les coûts énergétiques sont élevés ou dont la facture énergétique a doublé pourront mettre leur personnel en chômage tech nique sans interruption pendant six mois.

Pour les secteurs des soins, et en partie pour l’enseignement , les récentes me sures temporaires contre les pénuries de personnel seront prolongées jusqu’au 31 mars 2023.

Trophées libéraux

Les libéraux ont obtenu une nouvelle exten sion du nombre d’heures de travail pour les étudiants jobistes: de 475 à 600 heures par

an. Provisoirement jusqu’à la fin de 2024, mais avec une prolongation éventuelle après évaluation.

Le carcan se desserre une fois de plus au tour des flexi-jobs Ce régime est étendu à six nouveaux secteurs l’agriculture (com mission paritaire n° 144), l’aménagement de jardin (CP n° 145-4), les arts du spectacle (CP n° 304 mais pas pour les fonctions artis tiques), les salles de cinéma (CP n° 303.3) et

Coupe claire dans les crédit-temps

Les mesures les plus douloureuses concer nent les régimes de crédit temps, qui sont sérieusement réduits:

• Le crédit-temps à temps plein pour prendre soin des enfants est limité aux enfants de moins de 5 ans au lieu de 8 ans pour les nouveaux bénéficiaires.

• Ce régime est également réduit de trois mois, passant de 51 à 48 mois. Pour l’in terruption de carrière dans les pouvoirs publics fédéraux, il passe de 60 à 48 mois.

• Les allocations de crédit-temps, de congé thématique ou d’interruption de carrière pour les travailleurs à partir de 5 ans d’ancienneté ou à partir de 50 ans dispa raissent pour les nouveaux bénéficiaires.

• Le crédit-temps et les emplois de fin de carrière à mi-temps ne seront possibles qu’à partir d’une occupation à temps plein et non plus d’une occupation à 3/4-temps minimum.

les services de santé (CP n° 330, mais pas pour les fonctions de soins de santé) et, last but not least, les sportifs profession nels rémunérés (CP n° 223). Pour les services de soins de santé, et uniquement ceux-ci, on prévoit un salaire horaire minimum ma joré: 14 euros indexés. Le régime des flexijobs ne sera pas instauré dans le secteur funéraire: le régime du travail occasionnel y sera étendu sur proposition du secteur.

Autre ingrédient classique des budgets: l’augmentation des cotisations patronales sur le RCC et les régimes de fin de carrière avec suspension des prestations, sauf pour le RCC en cas de restructuration.

• Une condition d’occupation de 12 mois avant la notification écrite sera instaurée pour le crédit-temps à temps plein.

Nous devons encore attendre les détails et les dispositions transitoires mais, pour ceux qui hésitent encore à introduire une deman de, il est préférable de ne plus trop attendre. Notons que pour le crédit-temps et les em plois de fin de carrière, le gouvernement ne réduit que le droit aux allocations d’interrup tion, pas le droit au congé à l’égard de l’em ployeur, car cet aspect est régi par des CCT.

Enfin, une politique quelque peu sociale du marché de l’emploi

Tout n’est pas négatif en matière de poli tique de l’emploi. Par exemple, les autorités

«Des coupes considérables sont réalisées dans les régimes de crédit­temps.
LE BUDGET FÉDÉRAL BOUCLÉ POUR DEUX ANS! L’AC TU 8 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 9 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | AVEC DES COUPES CLAIRES DANS LES CRÉDIT-TEMPS

fédérales prennent enfin une initiative pour soutenir les projets locaux de création d’em ploi pour les chômeurs de longue durée dans des zones bien définies (Territoires zéro chômeur de longue durée): ces chô meurs continueront à percevoir une partie de leurs allocations. Dans le même temps, les ateliers sociaux flamands bénéficient en fin des mêmes réductions de cotisations so ciales que les entreprises de travail adapté, à condition que les autorités flamandes ré investissent intégralement ces fonds dans le secteur.

Après les sanctions infligées aux malades et aux entreprises qui ne coopèrent pas suf fisamment au plan de retour au travail, le gouvernement adopte à nouveau une série de mesures positives:

• un supplément de participation au travail pour les travailleurs qui, par mesure de précaution, réduisent leur temps de tra vail sans tomber malade, à titre expéri mental pendant deux ans;

• une prime pour les employeurs qui re crutent des malades dans le cadre de la reprise partielle du travail;

• une alternative à l’outplacement obliga toire en cas de rupture de contrat pour cause de force majeure médicale: les 1.800 euros de l’employeur ne sont pas versés à un bureau d’outplacement (sou vent incompétent) mais à l’Inami pour un accompagnement spécialisé;

• pour les malades, les invalides et les han dicapés, les possibilités de cumul d’un re venu du travail avec une indemnité sont encore assouplies;

• 20 coordinateurs seront recrutés pour le trajet de retour au travail.

Autres mesures intéressantes en matière de sécurité sociale:

• Pour les moins de 65 ans bénéficiant

d’une pension de survie, le plafond an nuel du cumul avec un revenu profes sionnel est majoré de 5.000 euros par en fant bénéficiant d’allocations familiales.

• Enfin, le congé de maternité est neutrali sé pour la dégressivité dans l’assurance chômage.

• Si des employeurs fraudent en matière de chômage économique, les allocations seront récupérées auprès de l’employeur, y compris après 2022.

• L’accord conclu entre les interlocuteurs sociaux pour verser une cotisation so ciale supplémentaire en cas de recours excessif aux contrats journaliers pour le

travail intérimaire sera mis en œuvre.

• Le bonus pension décidé avant l’été sera désormais de 2 euros par jour.

• Moins intéressant, pour la sécurité so ciale en tout cas: le secteur artistique sera exonéré des cotisations sociales sur les droits d’auteur et les droits connexes, en sus d’une réforme profonde du régime fiscal qui doit limiter les abus.

Nous attendons toujours la grande ré forme fiscale. Le gouvernement reviendra sur ce dossier à la fin de cette année, sur la base d’une proposition concrète du mi nistre des Finances, Vincent Van Peteghem, qu’il formulera avant le 1er décembre. 

Améliorer ses conditions de travail? Le droit de demander

La CCT n° 161 du Conseil national du travail reconnaît aux travailleurs qui ont au moins six mois d’ancienneté le droit de demander des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres.

Adoptée le 27 septembre 2022, la CCT n° 161 prévoit par exemple la possibilité de demander un CDI plutôt qu’un CDD, un contrat à temps plein plutôt qu’à temps partiel ou du moins un temps partiel avec un nombre d’heures plus élevé, un contrat à temps partiel avec un horaire fixe plutôt qu’un horaire variable et, last but not least... un contrat hebdomadaire ou mensuel pour le travail intérimaire plutôt qu’un contrat jour nalier.

D’autres demandes qui peuvent conduire à des conditions de travail plus prévisibles méritent également que l’on s’y intéresse. Prenons l’exemple de travailleurs qui exercent leur travail en différents lieux et pourraient demander d’être informés plus rapidement du lieu d’occupation ou d’avoir un lieu de travail plus stable.

La CCT du Conseil national du travail prévoit explicitement qu’il est possible de préciser ces dispositions au niveau du secteur ou de l’entreprise. Cela permet de régler certains problèmes d’instabilité dans les conditions de travail, que ce soit par voie de CCT ou éventuellement par le biais du règlement de travail.

Réponse motivée

motiver sa réponse afin que le travailleur connaisse les raisons concrètes qui ont conduit au refus de la demande.

Il existe une protection supplémentaire contre le licenciement de 2 à 3 mois de salaire pour le travailleur qui est licencié en raison de sa demande. Il importe ici que le travailleur mentionne explicitement la CCT n° 161 dans sa demande d’amélioration des conditions de travail.

Les travailleurs dont le contrat de travail à durée déterminée n’a pas été renouvelé parce qu’ils ont demandé de meilleures conditions de travail ont également droit à l’indemnité de protection.

Formations obligatoires

La loi portant sur des conditions de travail transparentes et prévisibles a également été adoptée. La mesure la plus marquante oblige les employeurs à proposer aux tra vailleurs des formations obligatoires (p. ex. des formations à la sécurité, à la conduite, etc.) entièrement gratuites. En outre, les heures de ce type de formations doivent être rémunérées comme du temps de travail et organisées autant que possible pendant les heures normales de travail. Pour ces formations, il n’est plus autorisé non plus d’appliquer une clause de formation qui engage le travailleur à rembourser une partie du coût de la formation s’il quitte prématurément l’entreprise. Ces clauses seront donc invalidées si elles sont encore imposées.

bonus pension par jour

Il s’agit du «droit de demander». Le travail leur introduit sa demande par écrit, par exemple en envoyant un courriel, au moins trois mois à l’avance. La procédure peut être accélérée de commun accord. L’employeur est tenu de répondre. S’il refuse, il doit

Les travailleurs intérimaires peuvent également réclamer cette indemnité, même si nous sommes bien conscients que cela ne sera pas évident à faire valoir sur le terrain. Néanmoins, cette CCT fournit un argument supplémentaire pour plaider en faveur d’une adéquation entre la durée du contrat du travailleur intérimaire et le motif invoqué par l’entreprise. Ainsi, occuper un travailleur avec des contrats journaliers pour remplacer un travailleur absent pendant de longues périodes est indéfendable.

L’AC TU 10 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 11 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |
«EN CONTREPARTIE DU MAINTIEN DE L’INDEXATION AUTOMATIQUE DES SALAIRES, LES EMPLOYEURS OBTIENNENT UNE RÉDUCTION ET UN REPORT DES COTISATIONS PATRONALES.»
2 euros
NOIR SUR BLANC

Travailler jusqu’à minuit sans concertation

Selon la législation sur le travail, la nuit commence à 20 heures. Hormis quelques exceptions, l’employeur ne peut demander d’effectuer des prestations après 20 heures que moyennant l’accord de tous les syndicats présents dans la délégation syndicale. Le deal pour l’emploi permet toutefois de faire l’impasse sur cette concertation dans l’e-commerce.

La loi portant des dispositions diverses relatives au travail met en œuvre toute une série d’élé ments du deal pour l’emploi que le gouvernement a conclu l’année der nière. Nous abordons ici le chapitre le plus problématique, celui relatif à l’e-com merce et, plus concrètement, la partie consacrée au travail de nuit pour la réali sation de tous les services logistiques et de soutien liés au commerce électronique de biens mobiliers. L’e-commerce de biens immobiliers ou de services (comme les services financiers) ne relève pas de cette loi.

Autorisé avec l’accord d’un seul syndicat

L’obligation de négocier le travail de nuit avec tous les syndicats est assouplie. Pour le travail effectué de 20 heures à minuit, il suffit dorénavant de conclure une CCT avec un syndicat. Lorsqu’une telle CCT est conclue, le régime de travail peut être intégré dans le règlement de travail, sans nouvelle concertation. C’est un élément nouveau. Cette possibilité existait déjà sous le gouvernement Michel, mais elle était provisoire. À partir de maintenant, les règles sont adaptées structurellement.

Pendant 18 mois, sans CCT

Un autre problème, bien plus important, se pose: dorénavant, les employeurs peuvent mettre en place des «expériences» dans le cadre desquelles ils peuvent mettre du

personnel au travail en fin de soirée jusqu’à minuit et ce sans CCT.

Ce type d’expérience:

• ne peut être mise en place qu’une seule fois au sein de l’unité technique d’exploitation;

• ne peut excéder 18 mois;

• doit être signalée au service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale (SPF ETCS) et à la (sous-)com mission paritaire compétente en men tionnant les informations suivantes: durée, motif de l’introduction du travail en fin de soirée, critères qui seront utilisés pour évaluer l’expérience;

• n’est possible que si les travailleurs l’acceptent individuellement et sur une base volontaire.

Ce dernier aspect doit évidemment être nuancé. La loi stipule que chaque travail leur doit, individuellement et par écrit, demander de pouvoir faire partie de l’ex périence. D’après la loi, l’employeur ne peut défavoriser ces travailleurs. Les travailleurs qui ne font pas cette de mande ne peuvent pas non plus être licenciés, à moins que l’employeur n’ap porte la preuve que le licenciement porte sur un autre motif. L’employeur doit le notifier par écrit si le travailleur en fait la demande. Ces modalités donnent-elles pour autant une garantie que les travail leurs agiront sur une base volontaire? Quel choix le travailleur aura-t-il en réali

té, surtout s’il se voit présenter un formu laire de demande lors de son embauche?

Implication des travailleurs

Le conseil d’entreprise (CE) doit être as socié à la mise en œuvre de l’expérience. Les modalités (lieu, temps, manière) ne sont pas précisées. On stipule unique ment que l’employeur doit apporter la preuve qu’il a associé le CE à la procé dure. En l’absence de CE, c’est le CPPT qui est compétent. S’il n’y a pas de CPPT non plus, c’est la délégation syndicale qui est compétente. En l’absence d’organes de concertation, les travailleurs eux-mêmes doivent être associés d’une manière ou d’une autre à la procédure.

Au terme de l’expérience, le même organe de concertation doit procéder à une éva luation en concertation avec l’employeur, en particulier pour ce qui concerne les motifs invoqués lors de la mise en place de l’expérience. Cette évaluation doit être transmise au SPF ETCS et à la (sous-)com mission paritaire compétente dans les trois mois suivant la fin de l’expérience.

Le travail de nuit a de sérieuses répercus sions sur les travailleurs, tant au niveau de leur vie privée que pour d’autres enga gements. Il a également un impact sur la santé. L’absence de concertation digne de ce nom risque de nuire au climat social dans l’entreprise. On ignore pour l’instant combien d’employeurs tenteront une telle expérience en faisant l’impasse sur une concertation sérieuse. Si le gouvernement accorde aux employeurs le droit d’instau rer unilatéralement le travail de nuit jusqu’à minuit, les travailleurs conservent quant à eux le droit de s’y opposer ou d’exiger des garanties sérieuses: base volontaire individuelle, possibilité de sortir du système, rémunération, horaires, bien-être et santé, sécurité, mobilité. 

CCT travail de nuit en grande partie applicable

Un accord devrait donc être conclu avec tous les syndicats. En ne respectant pas cette condition, les pouvoirs publics portent attein te unilatéralement à la CCT n° 45 du Conseil national du travail. Pour le reste, toutes les autres dispositions de cette CCT restent d’ap plication. Pour le travail effectué entre 20h et minuit, cela signifie donc:

• que les travailleurs entrant en considérati on sont en principe des travailleurs ayant un contrat à durée indéterminée, sauf si les contrats fixes ne sont pas courants dans le secteur ou dans l’entreprise ou s’il s’agit d’activités temporaires;

• que l’horaire de travail journalier ne peut pas être inférieur à celui des autres travail leurs, avec un minimum de 6 heures, sauf s’il existe d’autres accords collectifs en la matière;

• que les travailleurs atteignant l’âge de 55 ans peuvent demander de sortir du travail de nuit. C’est également possible à partir de 50 ans, mais pour des raisons médicales sérieuses. Les femmes enceintes peuvent également demander une exemption tem poraire du travail de nuit. Tout travailleur peut d’ailleurs en faire la demande pour des raisons sérieuses;

• que si le travailleur est éloigné de son do micile pendant plus de 12 heurs ou si les déplacements domicile-lieu de travail sont supérieurs à 4 heures, l’employeur doit prévoir le transport, à moins qu’une CCT prévoie des avantages équivalents;

• qu’une indemnité financière doit être prévue pour ce travail en fin de soirée. S’il n’y a pas de CCT sectorielle ou d’entreprise à ce sujet, l’indemnité est de minimum 1,34 euro par heure et de 1,61 euro pour les tra vailleurs de 50 ans et plus (montants in dexés).

Vous êtes confronté à une telle expérience en tant que délégué? Dans ce cas, contactez immédiatement votre permanent afin de met tre en place la stratégie la plus appropriée.

NOIR SUR BLANC
«LE TRAVAIL DE NUIT A DE SÉRIEUSES RÉPERCUSSIONS SUR LES TRAVAILLEURS, TANT AU NIVEAU DE LEUR VIE PRIVÉE ET SOCIALE QUE DE LEUR SANTÉ. L’ABSENCE DE CONCERTATION DIGNE DE CE NOM RISQUE DE NUIRE AU CLIMAT SOCIAL DANS L’ENTREPRISE.»
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Droit à la déconnexion

Comment le mettre en place dans votre entreprise?

L’une des nouvelles mesures présentes dans le deal pour l’emploi concerne le «droit à la déconnexion», à savoir le droit du travailleur de ne pas être connecté à ses outils numériques professionnels en dehors de ses heures de travail. Pour fin 2022, dans les entreprises occupant 20 travail leurs ou plus, une CCT d’entreprise concrétisant ce droit devra être conclue ou une partie du règlement de travail devra y faire référence.

• Indiquer quels sont les moyens de com munication à disposition des travailleurs, en précisant qu’il n’est pas admis de contacter un travailleur via un autre ca nal;

• Pas de communication vers des adresses de courriels ou des numéros de téléphone personnels.

Le droit à la déconnexion existait déjà bien avant l’arrivée de cette législation. En vertu de la loi sur le travail, les travailleurs ont déjà le droit de facto de ne pas travailler en de hors de leur horaire normal. En dehors du temps de travail, l’employeur n’a aucune autorité sur les travailleurs et ne peut donc pas les forcer à répondre à des appels ou à envoyer des courriels liés au travail. Par ail leurs, sur la base de la législation sociale déjà existante, l’employeur doit être res ponsable de la prévention des risques psy chosociaux au travail. S’il apparaît que l’uti lisation de la technologie ou du télétravail augmente le risque de stress lié au travail, l’employeur doit procéder à une analyse des risques et prendre les mesures préven tives appropriées.

Néanmoins, la consécration du droit à la déconnexion dans la législation est une nouvelle dont nous ne pouvons que nous réjouir en tant que syndicat.

Quoi de neuf?

Le droit à la déconnexion est présent dans la législation depuis 2018. L’employeur était tenu d’organiser régulièrement une concer tation sur la déconnexion et l’utilisation des moyens de communication numériques dans les CPPT, c’est-à-dire dans les entre prises occupant 50 travailleurs et plus. Cette concertation était obligatoire lorsque les représentants des travailleurs en fai saient la demande. L’employeur n’était ce

pendant pas obligé d’arriver à des accords en la matière. Cette problématique restait donc généralement lettre morte chez les employeurs qui refusaient de considérer la déconnexion comme un point d’attention.

Dans le deal pour l’emploi, le droit à la dé connexion devient un principe qui doit être reconnu explicitement dans chaque entre prise. Ainsi, pour fin 2022, dans les entre prises occupant 20 travailleurs ou plus, une CCT d’entreprise concrétisant le droit à la déconnexion devra être conclue ou une par tie du règlement de travail devra y faire ré férence, à moins que le droit à la décon nexion n’ait été inscrit dans une CCT sectorielle ou nationale.

Cette CCT devra au moins comprendre les éléments suivants:

• les modalités pratiques pour l’application du droit du travailleur de ne pas être joi gnable en dehors de ses horaires de tra vail,

• les consignes relatives à un usage des outils numériques qui assure que les pé riodes de repos, les congés, la vie privée et familiale du travailleur soient garantis,

• des formations et des actions de sensibi lisation aux travailleurs ainsi qu’aux per sonnels de direction quant à l’utilisation raisonnée des outils numériques et les risques liés à une connexion excessive.

Voici quelques exemples de modalités pratiques à convenir au cas par cas:

• Consignes pour ne pas répondre aux cour riels ou à des appels sur son téléphone portable;

• Dispositifs de mise en veille des serveurs informatiques en dehors des heures de travail;

• Activation des messageries d’absence qui précisent qui contacter en cas d’absence du travailleur;

• Mise en place d’une signature automa tique dans les courriels indiquant le ca ractère non impératif d’une réponse im médiate;

• Mise en place de messages d’avertisse ment lorsque vous essayez d’envoyer des courriels en dehors du temps de travail;

• Mise en place d’envois décalés de cour riels pour les courriels envoyés en soirée afin qu’ils ne soient délivrés que le matin;

• Mise en place d’un système qui ne per mette pas de prévoir des réunions en de hors du temps de travail (ex: pendant le temps de midi);

• Mise en place d’un système de monitoring des prestations/communications en de hors des heures de travail habituelles;

• Organisation de formations sur l’utilisa tion des outils numériques pour tous les membres du personnel, y compris les cadres;

• Organisation d’une formation sur la ges tion «saine» des courriels (par exemple: prévoir des moments sans lecture de mails pour se concentrer sur des tâches précises);

• Mise en place d’une campagne de préven tion et de sensibilisation sur l’hyper connexion;

LE POINT DE DÉPART: LA CONVENTION COLLECTIVE

• Prévoir des moments d’évaluation et de suivi des mesures dans les organes de concertation.

En fonction du contexte

Le contexte doit être pris en compte lors de l’introduction d’un droit à la déconnexion. Il faut commencer par analyser la situation actuelle, en identifiant les habitudes d’utili sation de tous les membres du personnel. Combien de courriels sont envoyés en de hors des heures de travail? Qu’en est-il des appels et autres messages? Y a-t-il des dif férences entre les différents services ou dé partements?

Il convient également d’envisager d’éven tuels problèmes organisationnels sousjacents sur le lieu de travail. Si vous ne le faites pas, l’introduction d’un droit à la dé connexion n’aura pas de réelle plus-value. Un problème structurel peut être une charge de travail trop élevée. Les travail leurs qui ne sont pas en mesure de terminer le travail qui leur est confié pendant la jour née de travail normale peuvent alors se sentir obligés de continuer à travailler en dehors des heures normales de travail. L’organisation du travail et la charge de travail, y compris le débat sur le nombre de travail leurs, sont donc des aspects im portants qui doivent être discu tés, traités et évalués conjointement.

Enfin, les managers jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre réussie d’une politique de droit à la décon nexion. L’introduction de ce droit à la décon nexion est susceptible de si gnifier un changement de culture de l’entreprise, l’implication de l’en semble du personnel est donc primordiale, à commencer par les managers qui doivent faire preuve d’exemplarité en la matière. 

Le service Entreprise de la CSC a dévelop pé un modèle de convention collective de travail (CCT) pour le droit à la décon nexion. Si dans votre entreprise, vous n’avez pas encore lancé cette CCT, un modèle peut être un bon point de départ pour commencer.

Un modèle de CCT vous est proposé sur www.lacsc.be/deconnexion Vous pouvez aussi le demander par mail ond-ent@acv-csc .

Les travailleurs qui ne parviennent pas à effectuer leur travail pendant leur horaire normal peuvent se sentir obligés de continuer à travailler en dehors.
TEXTE Manon Van Thorre | ILLUSTRATION Eucalyp
14 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 15 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | À TABLE À ABORDER AU CE

Agir avant

l’explosion

Près de 2.000 personnes se sont rassemblées à Namur, le 17 octobre dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté pour exiger plus de justice sociale.

Les Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC avaient donné ren dez-vous au public, avant la mani festation, pour un atelier de dis cussions où se sont alternés témoignages et échanges sur la précarité grandissante dans notre pays.

Luc Vandormael, président de la fédération des CPAS de Wallonie, a présenté ses ré flexions sur la croissance de la vulnérabili té et les risques d’exclusion sociale. Il a dressé un tableau sombre d’une société en crise structurelle depuis 1975 dans laquelle «on assiste à une dérive ininterrompue qui nous éloigne de la lutte pour l’égalité pour

nous confiner dans la lutte, voire le contrôle, de la pauvreté». Face à un mo dèle CPAS arrivé au bout de ses limites, il a évoqué des pistes de solutions, parmi lesquelles on retrouve l’individualisation des droits ou l’allocation minimum au seuil de pauvreté.

Moment fort de cette matinée, des travail leurs et travailleuses, avec ou sans em ploi, sont venus témoigner des conditions précaires (en matière de logement, de santé, de conditions de travail, d’insertion professionnelle, de finances…), de leurs craintes et de leurs angoisses pour les mois qui viennent. Lors des discussions

GAETANO

avec le public, il est apparu que personne n’était à l’abri de tomber dans la précarité.

«La pauvreté est un choix politique sur lequel nous ne pouvons pas grand-chose individuellement. Par contre, ensemble, nous pouvons peser de tout notre poids pour le changement» a rappelé Khadija Khourcha, responsable nationale des TSE. Elle a invité les participants et partici pantes à envoyer une lettre au ministre de l’Emploi pour augmenter les allocations et supprimer la dégressivité des allocations de chômage, mais également pour définir la revendication prioritaire qu’ils souhaitaient voire mise en avant dans la lutte contre la pauvreté.

MARIE-CLAUDE

«Je travaille comme animatrice dans une maison de repos. Orpea a augmenté ses tarifs de 9%. Une résidente a dû quitter parce qu’elle ne pouvait plus payer. En plus de cela, ils ont mis des res trictions partout: l’alimentation, l’eau… Les techniciennes de sur face, qui ne sont pas remplacées, sont amenées à faire des toi lettes quand il manque du per sonnel.»

«On est là pour soutenir les travailleurs sans emploi, ex plique Gaetano, délégué chez GSK. On sait que les coûts de l’énergie sont de plus en plus élevés et demain, on peut tous tomber dans la précarité mal gré qu’on travaille. Engie doit baisser ses prix pour aider tous les travailleurs à avoir des fins de mois moins diffi ciles.»

À l’issue de cette assemblée, les partici pants ont rejoint les quelque 2.000 mani festants qui, munis de calicots ou équipés symboliquement de couvertures de survie, ont rejoint la place d’Armes de Namur. Là, les couvertures ont été jetées pour exiger des droits structurels qui leur permettront de ne pas tomber dans la misère… 

CHRISTELLE

FARID

CARINE

«Comment vivre décemment avec un salaire de 1.200 euros par mois alors que nous devons faire des pleins de plus de 100 euros 2 à 3 fois par mois? En tant que déléguée syndicale dans les titres-services, je n’ai jamais eu autant d’appels à l’aide que ces derniers mois. Les filles ne s’en sortent plus, ne savent plus mettre un peu d’essence à la fin du mois. Dans notre secteur, le véhicule est indispensable car le service de proximité n’a de proximité que le nom. Nous fai sons entre 300 et 400 km par semaine. Nos employeurs nous remboursent à tout casser 70 euros par mois. Les aides ménagères travaillent majoritairement à temps partiel, c’est vrai, mais la plupart d’entre nous ont travaillé à temps plein pendant une quinzaine d’années et après, le corps dit merde.»

«J’ai 52 ans, 2 enfants. Je travaille chez Entranam depuis 33 ans et suis déléguée en CE, CPPT, DS. Pour aller travailler, j’ai un trajet de 90 km aller-retour. Je prends du carburant tous les dimanches soir. Mon salaire est de 1.500 euros. En ETA, nous sommes parmi les plus bas salaires des entreprises. On se bat pour avoir des augmentations en fonction du coût énergétique mais c’est mal barré. J’ai une fille de 26 ans qui est malentendante à 99%. Elle a un appareil auditif qui coute 3.000 euros et qui doit être remplacé tous les 5 ans. Nous avons un rem boursement de 300 euros de la mutuelle. Nous avons aussi des problèmes de vue. Les lunettes, c’est presque 2.500 euros. Nous faisons énormé ment de sacrifices pour payer ces besoins de santé malgré 2 salaires. Mes seuls jours de vacances, c’est un jour ou deux à la mer, et encore. La seule solu tion pour moi c’est d’augmenter les petits salaires.»

«Je travaille dans l’horeca de puis près de 30 ans. C’est un secteur où les salaires sont très bas alors que le travail est pé nible et de plus en plus. Je com mence à 23h et je n’arrête pas: je fais la réception des clients, je réponds à leurs demandes, je vérifie, les factures de la jour née et je fais les rapports pour la comptabilité, je réponds au téléphone et je dois également nettoyer le coin VIP. À 57 ans, je fais tout ça pour un salaire de +/-1800€ net. C’est un vrai scan dale car ce sont ceux qui font vraiment tourner l’hôtel qui sont les moins bien payés. Depuis quelques mois, quand je fais les courses, je vois que le prix de tout a augmenté.»

16 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | PAUVRE TÉ
17 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |

Ensemble pour un avenir durable et juste

Le 23 octobre, la Coalition climat or ganisait sa 15ème marche pour le cli mat à Bruxelles. Depuis 2008, la CSC y réclame une transition juste pour ne laisser personne de côté.

En ce dimanche anormalement chaud pour la saison, à la veille de la 27ème conférence mon diale sur les changements climatiques (Cop 27) qui se déroulera en Égypte du 7 au 18 novembre, nous étions 30.000 dans les rues de Bruxelles avec des slogans divers et variés. Ensemble, jeunes et moins jeunes, parents et enfants, asso ciations de tous horizons - syndicats, environne mentalistes, ONG, associations de jeunesse, grands-parents pour le climat… - se sont réunis d’une même voix pour porter des vœux pour un futur soutenable et respectueux de la planète, et pour dénoncer l’immobilisme politique.

Pour la Coalition climat, organisatrice de la marche, il y a deux priorités: accélérer la rénova tion des bâtiments de manière coordonnée et réfléchie pour lutter contre la pauvreté énergé tique, et faire en sorte que chaque citoyen ait accès à une alimentation durable, saine et de qualité.

Les militantes et militants de la CSC ont une fois de plus montré que climat et emplois vont de pair: la transition écologique doit être équitable et personne ne doit être laissé pour compte. Nous devons préparer les travailleuses et les travailleurs à l'évolution du monde du travail de demain. De cette façon, nous veillerons à ce que les droits durement acquis ne soient pas perdus.

choix que d’arrêter leurs activités, alors que d’autres réalisent des bénéfices records.

La CSC a proposé une animation autour d’un jenga géant: un jeu de construction déséquilibré était proposé aux manifestants afin de dénoncer que l’avenir ne peut se construire sur des bases qui s’écroulent et que nous voulons des plans climatiques ambitieux. Ils étaient aussi invités à écrire leurs propres slogans sur le climat.

Dans la foule, un immense tissu vert porté de tous côtés transbahutait deux terres.

Les Jeunes CSC étaient aussi de la partie avec des chants et une bannière pour rappeler qu’«il n’y a pas d’emplois sur une planète morte». 

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CLI MAT Bruxelles, 23 octobre
PHOTOS Paul Corbeel
Climat et emplois vont de pair: la transition écologique doit être équitable et personne ne doit être laissé pour compte.

«J’ai parfois l’impression qu’on danse sur le Titanic»

La CSC marche chaque année pour le climat depuis 2008 et on a l’impres sion que les responsables politiques ne prennent pas leurs responsabilités. À quoi ça sert de continuer à manifes ter?

Le but est toujours le même depuis qu’il y a des mobilisations, c’est de mettre la pression sur le politique. L’histoire syndicale est remplie de luttes sociales. Certaines ont marché, d’autres pas et on revient en arrière sur certains droits qu’on croyait acquis. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a jamais fait avancer les droits sans se battre. On peut faire le parallèle avec le droit pour l’égalité des genres. Est-ce qu’il faut arrêter de se mobiliser parce qu’on n’est toujours pas à salaire égal?

Où en est la Belgique par rapport à l’Europe?

Avec seulement 13% de production d’énergies renouvelables, la Belgique est un des pires élèves de la classe euro péenne avec certains pays de l’ancien bloc de l’est. Plusieurs pays européensdont la Norvège, la Suède, l’Autriche et le Portugal - ont des mix énergétiques où plus de 50% de l’électricité est produite de façon renouvelable. La Belgique est néanmoins forte sur les éoliennes offshore, en mer. Au niveau mondial, nous faisons partie des pays ayant le plus de capacités offshore installées et il y a des projets pour continuer à les développer. Mais il y a plusieurs questions qui se posent: quelle est la qualité des emplois des travailleurs qui installent ces éoliennes et qui travaillent dans leur maintenance? Doit-on laisser

ces éoliennes aux mains des grandes multinationales ou faut-il les nationali ser ou les socialiser en permettant aux citoyens d’investir dans des éoliennes off-shore?

Quel est le problème belge?

Un des plus gros problèmes que nous avons, c’est la gouvernance et le morcellement des compétences. Le fédéral est compétent pour certaines

choses. Les Régions ont de plus en plus de leviers et il n’y a pas de coordination entre les niveaux de pouvoir.

Il y a bien une commission nationale pour le climat, mais elle se réunit très peu et est très peu transparente. Il n’y a pas non plus en Belgique un responsable absolu du climat qui pourrait imposer notam ment une meilleure coordination entre les entités qui composent notre pays.

Il y a des visions et des stratégies au niveau des trois Régions et du fédéral, mais il n’y a pas de vision, ni de stratégie nationales. Ça fait 10 ans que la CSC, avec la Coalition climat, demande une intégration plus poussée des politiques climatiques.

Comment faire avancer les choses en Belgique?

Nous proposons la création d’un codéco pour le climat, un comité de concertation qui devrait se réunir régulièrement pour faire discuter ensemble les cabinets ministériels des quatre niveaux de pouvoir. Ça permettrait d’avancer, de se parler de façon structurelle.

Y a-t-il une Région meilleure qu’une autre?

C’est difficile à dire parce qu’il y a les objectifs sur papier et puis il y a la concrétisation sur le terrain. La Région de Bruxelles-capitale et la Région wallonne ont revu récemment à la hausse leurs ambitions de réduction de gaz à effet de serre (-55% à l’horizon 2030), avec un engagement de neutralité climatique en 2050. La Flandre reste à l’objectif de moins 40% de GES à l’horizon 2030.

Le ministre wallon de l’Énergie a proposé un plan air-climat-énergie à l’horizon 2030 qui est aligné sur les moins 55%. C’est la première fois qu’on a un plan qui est véritablement aligné avec l’objectif politique. La Région bruxelloise s’est également dotée d’un plan air-climat-énergie dont les objectifs sont alignés sur les objectifs internationaux. Il faudra s’assurer que la concrétisation suivra de façon socialement juste.

Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sont chaque année de plus en plus alarmants et alarmistes. N’est-il pas déjà trop tard pour enrayer le réchauffement climatique?

La question de savoir si on est trop tard, ça fait des années qu’on se la pose, et ça dépend trop tard pour qui, pour quoi. Pour ceux qui ont subi les inondations l’été dernier en Belgique, pour eux c’est trop tard. Une partie des changements en cours est irréversible et il faut le dire claire ment. Tout l’enjeu maintenant, c’est de freiner le réchauffement clima tique. Une chose est d’avoir un réchauffement à 4° qui explose tout, qui crée des guerres, des famines et un monde complètement chaotique en 2100 pour nos enfants et petits-en fants. Une autre chose est de freiner au maximum le réchauffement. L’objectif actuel mondial reste quand même de le limiter à 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle. On est à 1,2° de réchauffement pour l’instant, donc mathématiquement, c’est toujours jouable. Les progrès technologiques, dont les énergies renouvelables, peuvent maintenant faciliter cette transition. Le problème, c’est que ça devient de plus en plus une course contre la montre. L’objectif de 1,5 degré risque d’être compliqué à atteindre, mais si on n’y arrive pas, chaque 10ème de degré compte parce qu’à chaque 10ème de degré de température qui augmente, ce sont des dégâts en plus qu’on crée. Il convient donc d’agir dès maintenant avec le maximum de force.

3/4 des pays de la planète ont à présent l’objectif d’atteindre la neutralité carbone. Les planètes commencent à s’aligner. Les dégâts et les catastrophes climatiques de viennent de plus en plus effrayants, mais ça peut créer une émulation positive et un soutien politique de plus en plus fort vers des mesures de plus en plus à la hauteur des enjeux.

C’est notre rôle en tant que syndicat d’exiger que ces mesures soient des mesures de transition juste, qui bénéficient à la population la plus fragilisée et à la classe moyenne , qui réduisent les inégalités et qui créent de l’emploi de qualité. Il faut continuer à maintenir la pression politique pour que ça se passe de cette façon-là

La crise énergétique actuelle ne risque-t-elle pas de remettre en question les objectifs climatiques?

C’est la grosse question. Aujourd’hui, on pourrait dire que la sécurité d’approvisionnement en énergie semble plus importante que l’urgence climatique et que tout est bon pour devenir indépendant du gaz russe.

L’Allemagne rouvre des centrales à charbon alors qu’elle a des objectifs énergétiques et climatiques très ambitieux. Ce n’est évidemment pas ce que nous défendons. Il faut veiller à ce que les mesures qui sont prises pour nous sortir de cette crise énergétique ne nous condamnent pas à de plus graves crises à l’avenir en nous enfermant dans les énergies fossiles à long terme.

Nous avons besoin d’une articulation entre des mesures à court terme d’urgence sociale tout en gardant le cap sur la neutralité carbone en 2050. 

20 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 21 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |
François Sana est conseiller transition juste au service d’études de la CSC. Dans la foulée de la marche pour le climat du 23 octobre, il fait le point sur les politiques climatiques.
INTERVIEW et PHOTO Donatienne Coppieters
CLI MAT «IL
Y A DES VISIONS ET DES STRATÉGIES AU NIVEAU DES TROIS RÉGIONS ET DU FÉDÉRAL, MAIS IL N’Y A PAS DE VISION, NI DE STRATÉGIE NATIONALES.
» Interview
rapports François Sana
© PaulCorbeel

Depuis 10 ans, au moins 6.750 travailleurs migrants sont morts au Qatar suite aux conditions de travail inhumaines sur les chantiers de la Coupe du monde.

Changer les règles du jeu Les coulisses de la Coupe du monde

La Coupe du monde de football débute le 20 novembre au Qatar. Des équipes issues de 32 pays vont se disputer le titre mondial. Cette fête du foot est toutefois ternie par les violations des droits du travail que subissent les ouvriers étrangers et par les nombreux décès survenus lors de la construction des stades. «Si un footballeur venait à décéder en faisant son travail, l’attention serait immense. Bien plus que pour les 237 Népalais qui ont perdu la vie au Qatar en 2021», souligne la syndicaliste népalaise Smriti Lama.

Smriti Lama est responsable de l’ac tion internationale du syndical népalais Gefont. «Des progrès ont été réalisés mais qui dit que les droits acquis resteront garantis? Il est im portant que les stars du foot utilisent leur influence médiatique pour défendre les droits du travail partout dans le monde.»

3,5 millions de travailleurs migrants népalais

Le Népal est un énorme pays de migration, qui tire 20% de son revenu national de la «vente» de travail dans des pays lointains. Sur une population de 29 millions d’habi tants, le Népal compte 3,5 millions de tra vailleurs migrants entre 17 et 40 ans. 80% d’entre eux travaillent dans les États du Golfe ou en Malaisie. «Il s’agit de personnes peu qualifiées et plus vulnérables qui paient 200.000 roupies (plus de 1.500 euros) pour se rendre à l’étranger et y travailler. Les travailleurs empruntent souvent cette som me et doivent la rembourser avec le travail qu’ils effectuent», explique Smriti Lama.

Gefont, le syndicat népalais, aide les travailleurs occupés à l’étranger. Là où les syndicats sont admis, Gefont conclut des accord avec les syndicats locaux, de manière à également épauler les Népalais.

Au Qatar, par contre, il n’y a pas de liberté syndicale. Il y était par conséquent impossi ble de conclure de tels accords de collabora tion. De ce fait, les travailleurs migrants se trouvaient en position de faiblesse. Les

employeurs avaient tout pouvoir sur eux. «Souvent, le contrat que les travailleurs avaient signé au Népal était déchiré lors de leur arrivée au Qatar et remplacé par un nouveau contrat prévoyant des conditions de travail plus pénibles

Les employeurs confisquaient les passeports de leurs travailleurs et pouvaient décider s’ils pouvaient ou non changer d’emploi ou quitter le pays. Cette pratique, connue sous le nom de kafala, est à l’origine de nombreux abus. Une personne qui se risquait à changer d’emploi sans en avoir obtenu l’autorisation pouvait être arrêtée par la police. Il n’était ainsi pas rare que des travailleurs migrants soient totalement coincés, sans travail et sans revenu, sans possibilité de retourner travailler chez leur employeur initial et sans pouvoir quitter le pays.

Des conditions de travail inhumaines

Les conditions de travail dans la construction et dans les stades étaient inhumaines. Les fameux «morts dormants» dont parle Smriti Lama sont de jeune ouvriers qui sont décédés la nuit, dans leur lit. « meurent pas de cette façon, à moins d’avoir eu à fournir des efforts trop importants la journée. Ils sont morts parce qu’ils ont dû travailler sous des températures de 45 degrés, voire plus interdit de travailler à l’extérieur au Qatar mais cette règle n’a, au départ, pas été respectée pour la construction des stades. « fallait faire vite Roskams de l’ONG WSM.

Les pressions payent

Gefont a créé des groupes de soutien pour ses affiliés qui travaillent au Qatar. «Ils prennent la forme d’organi sations socio-culturelles et ainsi, nous pouvons donner des formations et apporter une aide sur place. Ce sont en fait des syndicats, mais comme ceux-ci sont interdits au Qatar, nous les avons rebaptisés», explique Smriti

En 2016, l’OIT avait transmis une série de recommandati ons au Qatar. Le pays avait initialement opposé une certaine résistance mais comme il organisait la prochaine Coupe du monde, il voulait faire bonne figure dans le reste du monde et s’épargner une mauvaise publicité. Mis sous pression, cet État du Golfe s’est alors montré disposé à apporter des changements. L’OIT a ouvert un bureau à Doha, la capitale du Qatar, ce qui a permis de mettre ces changements sur les rails.

Tous ces efforts ont contribué à supprimer le système de la kafala. Les travailleurs peuvent aujourd’hui changer plus facilement d’employeur ou quitter le pays. En 2021, un salaire mensuel minimum de 1.000 rials qataris – en viron 240 euros – a été introduit. Des indemnités peuvent également être payées pour le logement et l’alimentation. L’inspection du travail a également été renforcée au Qatar. Smriti Lama: «La situation s’est surtout améliorée pour les travailleurs de la constructi on. Dans d’autres secteurs, comme le personnel domestique qui est un groupe particulièrement vulnérable, il n’y a eu que peu de changements. Il est difficile de changer la mentalité des employeurs du jour au lendemain. Certains d’entre eux continuent de considérer leur personnel comme des citoyens de troisième ordre, voire même comme des esclaves.»

Et après la Coupe du monde?

Si des progrès sont clairement visibles au niveau du droit du travail au Qatar, de nombreux migrants restent fort vulnérables, surtout dans les secteurs qui sont un peu plus éloignés de la Coupe du monde. Que restera-t-il de ces changements après la Coupe du monde? C’est là la grande question. «Les dirigeants qataris peuvent à nouveau apporter des changements, confirme Smriti . Il ne s’agit pas d’accords internationaux contraig nants, mais de lois nationales qui peuvent facilement à nouveau être levées dès que l’attention médiatique faiblira. Si le Qatar avait approuvé la convention 155 de l’OIT sur la sécurité et la santé, nous aurions plus de recours. Ce n’est malheureusement pas le cas». 

TEXTE John Vandaele | PHOTO Guy Puttemans
FACE À FACE
«ON NE CHANGE PAS LA MENTALITÉ DES EMPLOYEURS DU JOUR AU LENDEMAIN. UNE PARTIE D’ENTRE EUX CONTINUE À CONSIDÉRER LE PERSONNEL COMME DES CITOYENS DE TROISIÈME ORDRE, VOIRE MÊME COMME DES ESCLAVES.»
22 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 | 23 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |

MILITANTE CSC TRAVAILLEUSE SANS EMPLOI (TSE)

«J’ai commencé à travailler en 1980 chez UCB à Braine-l’Alleud sans avoir fait d’études supérieures, j’avais 19 ans. Pendant plus de 30 ans, j’ai évolué dans la société et j’ai toujours atteint mes objectifs. J’ai terminé au contrôle de gestion de la R&D. Je connaissais toutes les procédures financières et j’étais devenue une personne de référence. En 2011, j’ai été licenciée suite à une réorganisation de l’entreprise. J’ai été appelée à 10h et à 10h30 j’étais dehors. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps car je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. La seule consolation qui m’a été remise, c’est 45 mois de préavis. Cela a été un cauchemar!!! Le jour de mon inscription au Forem, j’ai posé la question de savoir si j’allais retrouver du travail. La réponse a été: «avoir 50 ans, c’est un handicap pour la recherche d’emploi ». Je n’ai pas supporté mon licenciement et je suis tombée dans une

grave dépression allant jusqu’à vouloir me suicider. Je suis toujours en traitement de thérapie avec médication. C’est ce qui me maintient. Il y a des hauts et des bas. Un jour en 2014, une ex-collègue, licenciée également, m’a demandé de l’aider et de l’accompagner à son rendez-vous avec le permanent UCB à la CSC de Nivelles. J’en ai profité pour demander s’il existait du volontariat au sein du syndicat. C’est ainsi que j’ai rencontré Frédéric Vanlerberghe, le permanent des TSE du Brabant wallon, et je suis devenue militante CSC. Le bénévolat et le militantisme, c’est vraiment ce qui me sauve: aider les autres, apprendre et transmettre l’information. J’ai besoin de communication, j’adore ça.»

«LE BÉNÉVOLAT ET LE MILITANTISME, C›EST CE QUI ME SAUVE»
BRIGITTE PAROLES DE MILITANTE
Brigitte Elshocht (61) TEXTE Donatienne Coppieters / PHOTO Dominique Botte
24 SYNDICALISTE 973 | 26 OCTOBRE 2022 |

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Syndicaliste n°973 by ACVCSC - Issuu