LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS
Sue Black est une anatomiste et anthropologue médicolégale de renommée internationale. Elle a dirigé l’équipe médicolégale britannique dans l’enquête sur les crimes de guerre au Kosovo et a été l’une des premières de sa discipline à se rendre en Thaïlande après le tsunami de 2004 pour aider à identifier les victimes. Elle a fait l’objet de plusieurs documentaires et a conseillé la série à succès History Cold Case diffusée sur la chaîne télévisée BBC Two.
ISBN : 978-2-330-17546-7 DÉP. LÉG. : JANV. 2024 XX € TTC France www.actes-sud.fr
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Illustration de couverture : © Getty images, 2024
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Lucie Modde
L’HISTOIRE ABERRANTE DE L’ALIMENTATION
MARK BITTMAN
“Je n’ai jamais aimé les pieds, ceux des morts comme ceux des vivants. Je déteste les disséquer. Mais les pieds sont souvent négligés pendant l’autopsie, un comble car ils peuvent se révéler une véritable mine d’informations. De quoi leur accorder un minimum de respect.” La plus célèbre médecin légiste britannique explore le squelette humain, son développement et son fonctionnement, en élucidant une multitude d’énigmes policières parfois vieilles de plusieurs siècles. Du sommet du crâne jusqu’aux plus petits orteils, Sue Black sait comme nul autre “faire parler les os” qui lui révèlent bien des secrets de la vie intime des corps, et n’hésite pas à traverser l’Europe incognito avec la tête d’un cadavre dans ses valises… Un récit passionnant et digne des meilleures intrigues policières, où la réalité dépasse souvent la fiction.
Mark Bittman
L’histoire
aberrante de
l’alimentation
10000 ans d’impacts sur la santé et l’environnement
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L’HISTOIRE ABERRANTE DE L’ALIMENTATION
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Titre original : Animal, Vegetable, Junk. A History of Food, from Sustainable to Suicidal. Éditeur original : Houghton Mifflin Harcourt Publishing Company © Mark Bittman, 2021 publié avec l’accord de Folio Literary Management, LLC.
© ACTES SUD, 2024 pour la traduction française ISBN 978‑2-330-18556-5
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MARK BITTMAN
L’HISTOIRE ABERRANTE DE L’ALIMENTATION 10 000 ans d’impacts sur la santé et l’environnement
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Véronique Gourdon
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Introduction.......................................................................................
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Première partie La naissance de l’agriculture 1. La boucle de rétroaction alimentation-cerveau............................. 2. Sol et civilisation.......................................................................... 3. La mondialisation de l’agriculture................................................ 4. Création de la famine................................................................... 5. L’agriculture selon le modèle américain........................................
15 33 51 65 85
Deuxième partie Le xxe siècle 6. L’exploitation agricole devient une usine...................................... 7. Poussière et dépression................................................................. 8. Alimentation et marques.............................................................. 9. La vitamania et “le problème agricole”......................................... 10. Soja, poulet et cholestérol............................................................ 11. Gavés à la malbouffe.................................................................... 12. La prétendue “révolution verte”...................................................
105 123 145 165 185 201 219
Troisième partie Le changement 13. La résistance................................................................................. 14. Là où nous en sommes................................................................. 15. La voie à suivre............................................................................
241 265 289
Conclusion. Nous mangeons tous.......................................................
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Bibliographie........................................................................................ Remerciements......................................................................................
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INTRODUCTION L’alimentation affecte tout. Non seulement elle est nécessaire à la vie, mais sa qualité peut nous changer, pour le meilleur ou pour le pire. Pourtant, au cours de l’histoire moderne, l’agriculture et la production de notre plus important moyen de subsistance ont été bouleversées. De plus en plus d’êtres humains se nourrissent d’aliments industriels qui n’ont plus grand-chose en commun avec les produits à partir desquels ils ont été conçus. Les terres employées pour leur production ont été dégradées et les humains exploités de façon impitoyable. Cela fait par‑ tie des nombreuses erreurs du passé qui perdurent encore aujourd’hui. Bien avant Homo sapiens, l’alimentation a opéré de profonds chan‑ gements évolutifs. Jusqu’à il y a environ 540 millions d’années, les ani‑ maux broutaient aveuglément matières végétales ou animaux morts, souvent sans même se déplacer (pensez à la façon dont une huître filtre les nutriments de l’eau qui l’entoure et la traverse). Cette ère a vu l’ap‑ parition des premiers animaux que nous pourrions reconnaître aujourd’hui, tels que des vers, des poissons et des crabes. Avec le déve‑ loppement de pattes, de nageoires et d’yeux, les animaux ont commencé à réellement interagir les uns avec les autres. Ils ont notamment amélioré leur capacité à se tuer et à se manger les uns les autres, ainsi qu’à se défendre contre les prédateurs cherchant à les exterminer et les dévorer. Dès lors et jusqu’à récemment, trouver de la nourriture et éviter de devenir de la nourriture est devenu la princi‑ pale préoccupation de tout animal. Tout le monde n’en a peut-être pas conscience, mais les plantes créent de la biomasse qui est ensuite consommée par les animaux. Les végé‑ taux transforment la lumière du soleil, l’air, l’eau et la terre en d’autres choses, notamment de la nourriture. Dépendants, et parfois même parasites, les animaux ne font rien de tout cela : nous ne pouvons créer de la biomasse qu’en aidant et en encourageant le travail des plantes
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– ou au minimum en évitant de l’entraver ou de le réduire à néant. Pourtant, nous sommes si lamentables à cet égard que nous sommes devenus les créatures les plus puissantes de l’histoire. Nous pourrions même détruire la majeure partie du monde. Ce pouvoir a commencé à se développer il y a environ dix mille ans, lorsque les humains se sont mis à cultiver des plantes et à élever des animaux. Avec le développement de l’agriculture – l’association de deux mots latins signifiant “champ” et “culture” – sont apparues diverses sociétés, et l’invention de couteaux, de haches, de canoés, de roues, comme de tant d’autres choses, a eu des effets profonds sur la marche de l’histoire. Les êtres humains ont bâti des industries – et des civilisa‑ tions entières – sur leur capacité à soumettre la terre et ses fruits à leur volonté. La terre est devenue le socle de la richesse. Mais l’agriculture avait un côté obscur : elle a généré de nombreux conflits relatifs à la propriété foncière, à l’utilisation de l’eau et à l’extraction des ressources. Cela a entraîné l’exploitation et l’injustice, l’esclavage et la guerre. Et, paradoxalement, elle a même engendré la maladie et la famine. Autrement dit, au cours de l’histoire de l’humanité, l’agriculture a agi en toute impunité. Les siècles passant, elle est devenue de plus en plus efficace à ce jeu de dupes, jusqu’à incarner l’impérialisme et le génocide. Jusqu’à récemment, pratiquement tous les êtres humains partici‑ paient à la production de leurs aliments. Il est probable que vous, cher lecteur, n’ayez aucun lien quotidien avec la terre – et que vous consi‑ dériez la nourriture comme acquise. Elle se présente simplement dans votre magasin ou votre restaurant, souvent prête à être consommée. Très peu d’entre nous assistent aux étapes nécessaires à la production, à la transformation, au transport et à la préparation de cette nourriture. Manger nécessite d’abord de la terre, de l’eau, de l’énergie, de nom‑ breuses ressources et beaucoup de travail. Le but ultime, nous dit-on, est de “nourrir les 7 milliards d’individus1”. Pourtant, dans la majorité des pays du monde, la mainmise de l’industrie agricole sur la production ali‑ mentaire échoue à assurer le minimum de calories nécessaires à une part importante de l’humanité. Sans compter que de nombreux produits trans‑ formés parmi les plus récents rendent malades des milliards d’individus. Dans le dictionnaire, la définition du mot “aliment” correspond la plupart du temps à “une substance qui permet de se nourrir”. Et jusqu’à 1. Désormais 8 milliards d’individus au moment de la traduction de ces lignes. (N.d.T.)
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INTRODUCTION
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il y a un siècle, nous avions deux types d’aliments : les végétaux et les animaux. Mais à mesure que l’agriculture et la transformation des ali‑ ments sont devenues des industries, elles ont créé un troisième type d’“aliment”, plus proche du poison – “une substance pouvant entraî‑ ner la maladie ou la mort”. Ces substances comestibles transformées, que l’on peine à reconnaître comme des produits de la terre, sont qua‑ lifiées de “malbouffe1”. La malbouffe s’est introduite partout dans notre alimentation, créant une crise majeure de santé publique qui diminue l’espérance de vie de près de la moitié des humains. Et cela dépasse largement le seul cadre du problème alimentaire. L’agriculture industrialisée qui a engendré cette malbouffe – une agriculture qui, avec ses industries dérivées, se concentre sur la maximisation du rendement des cultures les plus ren‑ tables – a davantage porté atteinte à la Terre que l’exploitation minière, l’urbanisation et même l’extraction de combustibles fossiles. Elle demeure malgré tout non seulement sous-réglementée, mais également subventionnée par les gouvernements de la plupart des pays. Pendant des décennies, les Occidentaux ont été persuadés d’avoir le régime alimentaire le plus sain et le plus sûr au monde. Nous ne nous inquiétions pas de ses effets sur la santé, l’environnement, les ressources, la vie des animaux ou même sur les travailleurs dont il dépend. Nous ne nous préoccupions pas non plus de sa capacité à perdurer – autre‑ ment dit, de sa durabilité. Nous avons été encouragés, et même contraints, à ignorer les coûts de l’agriculture industrielle, mais aussi les alternatives plus saines, non destructrices de l’environnement. Cependant, si des terroristes volaient ou empoisonnaient une grande partie de nos terres, de notre eau et de nos autres ressources naturelles, s’ils sous-alimentaient jusqu’à un quart de la population et semaient la maladie chez la moitié d’entre nous… S’ils menaçaient notre capacité à nous nourrir dans un avenir proche, s’ils nous trompaient, nous mentaient et empoisonnaient nos enfants, torturaient nos animaux et exploitaient sans pitié bon nombre de nos concitoyens, nous considé‑ rerions cela comme une menace à la sécurité nationale et réagirions en conséquence. Et pourtant, c’est bien ce que font l’agriculture contemporaine, l’in‑ dustrie agroalimentaire et le marketing, avec le soutien des gouverne‑ ments et sans aucune sanction. 1. Junkfood, littéralement “aliment-poubelle”.
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Cela doit cesser. Pour relever ces défis humains et environnemen‑ taux, nous devons nous demander : à quoi devrait ressembler un sys‑ tème alimentaire juste ? Je pense que nous pouvons répondre à cette question (et je tente ici de le faire) – et même s’il ne sera pas facile d’y parvenir, c’est absolu‑ ment crucial – car rien n’est plus important que la nourriture. On ne peut pas imaginer transformer notre alimentation toxique sans réfor‑ mer en même temps la propriété foncière et la législation du travail. On ne peut parler d’agriculture sans parler d’environnement, d’éner‑ gie propre et de ressources en eau. On ne peut parler du bien-être ani‑ mal sans évoquer le bien-être des travailleurs du secteur alimentaire. Et on ne peut parler de ces travailleurs sans aborder les questions de l’iné‑ galité des revenus, du racisme et de l’immigration. En fait, on ne peut avoir de conversation sérieuse sur l’alimentation sans aborder la question des droits de l’homme, du changement clima‑ tique et de la justice. Non seulement l’alimentation affecte tout, mais elle représente tout. Mon objectif est de vous montrer comment nous en sommes arri‑ vés là, de décrire les menaces que notre alimentation et notre agriculture font peser sur nos existences et – sans doute plus important encore – d’esquisser les pistes d’une voie nouvelle. Il est incontestable que l’in‑ dustrie alimentaire comme l’industrie du pétrole ne sont pas durables, ne serait-ce que parce que l’énergie et la matière sont limitées, et que l’extraction de ressources restreintes est précaire. Tout comme pour la crise du climat – à laquelle la production alimentaire contribue pour une large part –, il est encore temps de revenir à la raison et de chan‑ ger le cours des choses, dans le sens du progrès. Ce n’est pas un pari gagné d’avance, mais c’est possible. L’état des lieux commence par la compréhension des origines, de l’évolution et de l’influence de l’alimentation. Ce livre tente d’appor‑ ter des éléments de réflexion et d’imaginer un avenir meilleur. Il s’agit d’un récit chronologique qui mêle analyses scientifiques, historiques et sociétales. (Il reflète aussi parfois mon expérience personnelle.) Beaucoup de ceux qui me liront ne me connaissent que comme auteur de livres de cuisine et, après en avoir produit une trentaine, je peux le comprendre. Mais j’ai également été journaliste dans de nom‑ breux domaines pendant quarante ans. J’ai régulièrement écrit des articles non culinaires pour le New York Times et d’autres journaux pen‑ dant dix ans ; j’y ai même tenu une chronique hebdomadaire.
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INTRODUCTION
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L’Histoire aberrante de l’alimentation est mon livre le plus sérieux ; il est né de mes compétences particulières et uniques. Il est ambitieux, mais aussi d’une importance capitale, et je me devais de l’écrire. J’espère qu’il changera votre façon d’envisager l’alimentation, et tout ce qui la touche de près ou de loin. Mark Bittman Philipstown, New York, septembre 2020
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