Extrait "Procrastiner pour mieux créer"

Fleur Daugey a suivi une formation en psychologie et en éthologie puis a consacré le début de sa carrière à plusieurs ONG œuvrant pour la conservation de la nature avant de se tourner vers l’écriture et le journalisme. Elle a publié de nombreux livres pour la jeunesse, dont Les Oiseaux globe-trotters, Elle court, la rivière, La Vie amoureuse des animaux, Les Papas animaux, aux éditions Actes Sud junior. Elle a également publié Animaux homos. Histoire naturelle de l’homosexualité (Albin Michel) et L’Intelligence des plantes (Ulmer).

Marie de Monti dessine pour la jeunesse et la vieillesse aussi. Elle travaille en tant qu’illustratrice dans des domaines très variés, allant du livre documentaire au roman illustré, et en tant qu’autrice pour ses bandes dessinées. En quinze ans d’activité, elle a illustré une soixantaine de livres pour enfants et a participé à de nombreuses revues. Vous pouvez retrouver ses Aventures des Wapitos tous les mois dans le magazine pour enfant sur la nature Wapiti.

Dép. lég. : avril 2021 10 € TTC France www.actes-sud.fr 978-2-330-14751-8

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PROCRASTINER POUR MIEUX

CRÉER je passe à l’acte

je passe à l’acte

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ourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut faire demain ? Vous avez bien lu : Fleur Daugey se propose d’inverser cet adage populaire contre l’oisiveté pour célébrer la procrastination.

Procrastinatrice patentée, l’autrice nous inculque les secrets de la procrastination créative avec un seul mot d’ordre : déculpabiliser ! À l’aide d’études scientifiques et de références philosophiques, elle montre que remettre au lendemain peut être une manière intuitive de laisser travailler sa créativité jusqu’à maturation. Considérer cette attitude comme une défaillance prend d’ailleurs source dans notre modernité historique et son obsession pour la productivité, au prix d’un épuisement, voire d’un mal-être accru. Se réconcilier avec la procrastination nous permet d’envisager un rapport plus paisible au travail et de développer des méthodes en phase avec nos propres limites et aspirations. Une invitation à procrastiner pour mieux créer, mais aussi pour mieux se connaître et se comprendre.

PROCRASTINER POUR MIEUX CRÉER

Fleur Daugey

ACTES SUD

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ar une multitude de petites (r)évolutions dans notre quotidien, chacun de nous a le pouvoir de construire le monde de demain. Un monde écologiquement et socialement responsable, équitable, respectueux du Vivant et en symbiose avec lui.

Face à l’urgence de cette profonde transition, nous sommes nombreux à vouloir faire notre part, à notre façon, avec nos aspirations et talents multiples, en nous faisant davan­ tage confiance tout en restant reliés aux autres.

L’envie est là, le sentiment qu’il n’y a plus de temps à perdre aussi. Oui, mais comment faire ?

C’est pour répondre à cette demande d’outils inspirants et pratiques, pour oser passer à l’acte qu’est née cette collec­ tion. Elle s’adresse à tous : débutants ou initiés, hésitants ou convaincus. Elle aborde tous les domaines d’action possibles avec un objectif : vivre ce désir de changement, l’étayer et l’aider à aboutir. Tant sur le plan individuel que collectif.

En six étapes progressives, les titres “Je passe à l’acte” vous accompagnent vers une présence au monde plus significative et vous guident tout au long de votre propre (r)évolution.

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SOMMAIRE

6 POURQUOI

16 S’ENTOURER

24 S’ÉQUIPER

32

SE LANCER

40

TENIR BON

50

ET APRÈS

57

POUR EN SAVOIR PLUS

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POURQUOI Dimanche soir. Demain, je dois commencer l’écriture de Procrastiner pour mieux créer. C’est marqué sur mon agenda. Cette date a été calculée, réfléchie. C’est la bonne date. Le lundi arrive. Et vous pouvez être sûr que je n’y arrive pas. Le premier jour prévu pour l’écriture, je n’écris jamais rien. Pourquoi ? Parce que, ce jour-là, j’ai des tas de courriels auxquels il faut répondre urgemment et une commande tout aussi impérative à faire sur Internet. Vous dites que cela peut attendre ? Que l’écriture est plus importante ? Ma fille n’a rien à se mettre sur le dos pour cet hiver, je ne vais quand même pas la laisser mourir de froid ! Je vais l’écrire, ce livre. Mais pas tout de suite.

Demain. Oui voilà, demain. Demain est toujours un bon jour.

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réparez-vous à découvrir la procrastination sous un nouvel angle.

Car ce petit livre prend le contrepied de ce que l’on entend généralement sur le sujet. D’abord, voici une idée toute simple, mais qui n’est pas anodine : la procrastination est un phénomène naturel et normal. Ce n’est pas une tare dont il faudrait se débarrasser à tout prix. L’habitude de remettre au lendemain ce qu’on pourrait faire aujourd’hui touche la plupart des êtres humains à des degrés divers, dans un ou plusieurs domaines de leur vie. Quels que soient leur âge, leur sexe ou leur culture. Certains procrastinent peu ou jamais tandis que d’autres sont chroniquement paralysés à l’idée d’agir. Entre les deux naviguent la majorité d’entre nous*.

La procrastination est traditionnellement considérée comme une mauvaise habitude synonyme de paresse, de mollesse et de faiblesse de caractère. Elle est donc généralement vue comme l’ennemi à abattre. La majorité des livres traitant du sujet filent la métaphore guerrière et nous exhortent à nous lancer dans un combat au cours duquel nous devons nous montrer sans pitié pour enfin terrasser le monstre procrastination. Il doit être vaincu, détruit, anéanti !

Avant de chercher à nous débarrasser de quelque chose qui semble désagréable, peut-être devrions-nous d’abord l’observer pour mieux le comprendre. Comme tout ce qui fait partie de l’expérience humaine.

Car il en va de la procrastination comme de nos émotions. Nous verrons d’ailleurs que ces deux domaines sont liés.

Nous cherchons couramment à éviter les émotions négatives, car avoir peur, être triste ou en colère n’est pas une partie de plaisir.

Mais tenter de les fuir ne les fait pas disparaître, car elles ont leur raison d’être. Les reconnaître et les écouter sans les juger permet de comprendre ce que nous vivons et ce que nous aimerions changer dans notre vie*.

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Par exemple, on dit souvent que la colère est mauvaise conseillère, car elle peut pousser à des actions impulsives que l’on peut regretter par la suite. Mais si l’on écoute ce qu’elle a à nous dire, elle peut nous alerter en disant : “Stop ! Cette situation ne me convient plus, je veux changer !” La procrastination, tout aussi naturelle que nos émotions, a elle aussi une place dans notre vie.

Je postule notamment que remettre au lendemain peut être source de créativité, et vous propose de mieux comprendre cette tendance afin de l’utiliser à bon escient. Après cette lecture, vous procrastinerez probablement toujours, peut-être un peu moins, mais surtout, de manière plus consciente. Et vous serez, je l’espère, moins tourmenté par l’une de ses conséquences majeures : la culpabilité.

Alors, qui est donc le monstre procrastination ? Son nom vient du français des années 1540, né du latin pro, qui signifie “en avant”, et crastinus, “de demain”. Dans “procrastination”, il y a donc l’idée d’aller de l’avant ! Mais pas tout de suite, plutôt demain. Ou après-demain.

L’idée d’action n’est pas annulée pour autant. Procrastiner ne veut pas dire “ne jamais faire”. Même si, je vous l’accorde, cela peut arriver dans les cas les plus graves. Mais, de manière générale, quand on procrastine, on finit par faire. Un jour, demain par exemple. Le tout est d’utiliser le délai entre “ne pas faire” et “faire” de manière positive, c’est-à-dire, sans se culpabiliser.

“N’importe qui peut accomplir n’importe quelle tâche, aussi lourde soit-elle, pourvu que ce ne soit pas celle qu’il est censé accomplir à ce moment-là1.”

Robert Benchley, humoriste

Le mot apparaît donc au xvie siècle. Et avant ? Ne procrastinait-on pas ? À l’aube de l’humanité, la procrastination n’était probablement pas un souci très saillant dans la vie des chasseurs-cueilleurs puis 1. Robert Benchley, Remarquable, n’est-ce pas ?, Monsieur Toussaint Louverture, 2008.

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dans celles des premiers paysans. Nos ancêtres suivaient souvent les troupeaux pour se nourrir. Rater le coche du départ entraînait des conséquences rapides et graves : on risquait de mourir de faim.

Quand le moment arrivait de récolter des céréales ou de faire les foins, il ne fallait pas lambiner non plus sous peine de famine prochaine.

Le rapport au temps n’était pas le même. Les limites temporelles étaient imposées par la nature, à laquelle on ne pouvait pas demander de délai supplémentaire. Les temps de repos aussi étaient dictés par la durée du jour, le climat et les saisons. Cette dépendance envers la nature rendait la procrastination sans objet.

L’humanité a donc évolué dans des conditions de vie où le présent et l’immédiateté primaient l’avenir2. Il fallait survivre ici et maintenant, car on ne savait même pas si on serait encore vivant demain. Il est donc très difficile pour nous d’agir aujourd’hui en vue de récolter des bénéfices qui n’apparaîtront que dans un avenir plus ou moins lointain.

2. Daniel Gustavson et al., “Genetic relations among procrastination, impulsivity, and goal-management ability: Implications for the evolutionary origin of procrastination”, Psychological Science, n° 25(6), p. 1178-1188.

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Nous sommes des êtres happés par le court terme. Notre esprit est naturellement tourné vers la possibilité de nous reposer ou de prendre du plaisir maintenant plutôt que de récolter les fruits de notre labeur plus tard. Le psychologue Hal Hershfield soutient même que nous considérons notre moi de l’avenir comme un étranger. Ainsi, nous avons tendance à considérer, inconsciemment, que les conséquences de notre procrastination sont le problème de quelqu’un d’autre3.

Dans les temps anciens, certains devaient tout de même se laisser aller à musarder au lieu de moissonner puisque le poète grec Hésiode en parlait déjà en des termes peu élogieux en 800 av. J.-C. : “Ne remettez rien au lendemain ni au surlendemain : l’homme qui néglige son travail ne remplit pas sa grange, celui qui le diffère, non plus.

C’est le soin qui fait prospérer l’ouvrage. Toujours l’homme qui diffère sa tâche lutte contre la misère4.”

Aujourd’hui, on risque rarement la famine en reportant la révision d’un examen ou l’écriture d’une saga familiale en dix tomes. Ce qui laisse beaucoup de place à la procrastination.

“Ne jamais remettre au lendemain ce qu’on pourrait faire le surlendemain5.”

Mark Twain

La procrastination présente des facettes multiples et variées. Nous remettons au lendemain des tâches ingrates et néanmoins nécessaires, telles que les déclarations de revenus, le ménage, le remplacement des balais d’essuie-glace ou le transport d’un vieux matelas à la déchetterie.

Nous nous trouvons des excuses pour repousser un rendez-vous chez le dentiste alors que cette fichue molaire nous fait mal depuis déjà trois semaines.

3. Hal E. Hershfield, “Future self-continuity: How conceptions of the future self transform intertemporal choice”, Annals of the New York Academy of Sciences, n° 30, p. 1235.

4. Élie Bergougnan, Hésiode, traduction nouvelle avec des notices, des notes et un index, Librairie Garnier Frères, 1940, p. 70.

5. Citation de Mark Twain en exergue de John Perry, La Procrastination. L’art de remettre au lendemain, Autrement, 2012.

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PROCRASTINATION ET CAPITALISME La préoccupation autour de la procrastination ne date donc pas d’hier.

Mais elle semble avoir pris de l’ampleur depuis l’avènement de la révolution industrielle et du capitalisme. Depuis que le temps, c’est de l’argent. Il est compté,

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mesuré, alloué. Les moments d’action ne sont plus imposés par la nature, mais par l’entreprise, qui décide arbitrairement des dates butoirs. Pour l’économiste Mireille Bruyère, “quand le temps n’est pas mesuré, on ne voit pas ce qui n’a pas été fait1”.

1. Guillaume Podrovnik, On verra demain. Excursion en Procrasti-Nation, Arte/Imagissime, 2019.

Plus étonnant, nous procrastinons ce que nous avons envie de réaliser : au quotidien, dans notre travail ou nos études, mais aussi dans nos choix de vie. Cette forme de procrastination touche le fameux dossier dont nous rêvions et qu’on nous a enfin confié, la thèse de doctorat qu’il faut rédiger, l’écriture d’un roman, l’étude du piano ou du japonais, un voyage en Patagonie, un changement de métier ou de région. Nous repoussons parfois aux calendes grecques ce qui nous fait vraiment envie, ce qui a du sens et dont l’accomplissement peut représenter pour nous un avenir plus épanouissant.

80 à 95 % des étudiants procrastinent l’étude de leurs leçons, la préparation de leurs mémoires et de leurs examens6.

6. Piers Steel, “The nature of procrastination: A meta-analytic and theoretical review of quintessential self-regulatory failure”, Psychological Bulletin, n° 133(1), p. 65-94.

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Fleur Daugey a suivi une formation en psychologie et en éthologie puis a consacré le début de sa carrière à plusieurs ONG œuvrant pour la conservation de la nature avant de se tourner vers l’écriture et le journalisme. Elle a publié de nombreux livres pour la jeunesse, dont Les Oiseaux globe-trotters, Elle court, la rivière, La Vie amoureuse des animaux, Les Papas animaux, aux éditions Actes Sud junior. Elle a également publié Animaux homos. Histoire naturelle de l’homosexualité (Albin Michel) et L’Intelligence des plantes (Ulmer).

Marie de Monti dessine pour la jeunesse et la vieillesse aussi. Elle travaille en tant qu’illustratrice dans des domaines très variés, allant du livre documentaire au roman illustré, et en tant qu’autrice pour ses bandes dessinées. En quinze ans d’activité, elle a illustré une soixantaine de livres pour enfants et a participé à de nombreuses revues. Vous pouvez retrouver ses Aventures des Wapitos tous les mois dans le magazine pour enfant sur la nature Wapiti.

Dép. lég. : avril 2021 10 € TTC France www.actes-sud.fr 978-2-330-14751-8

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ourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut faire demain ? Vous avez bien lu : Fleur Daugey se propose d’inverser cet adage populaire contre l’oisiveté pour célébrer la procrastination.

Procrastinatrice patentée, l’autrice nous inculque les secrets de la procrastination créative avec un seul mot d’ordre : déculpabiliser ! À l’aide d’études scientifiques et de références philosophiques, elle montre que remettre au lendemain peut être une manière intuitive de laisser travailler sa créativité jusqu’à maturation. Considérer cette attitude comme une défaillance prend d’ailleurs source dans notre modernité historique et son obsession pour la productivité, au prix d’un épuisement, voire d’un mal-être accru. Se réconcilier avec la procrastination nous permet d’envisager un rapport plus paisible au travail et de développer des méthodes en phase avec nos propres limites et aspirations. Une invitation à procrastiner pour mieux créer, mais aussi pour mieux se connaître et se comprendre.

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