Chaîne de montage/entretiens musiciennes

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Compagnie A Corps d'Elles

ChaĂŽne de montage CrĂŠation 2017

composition musicale et vocale


entretiens avec fanny l’héritier et marine loriot musiciennes Qui se souvient des disparues de Juàrez? Qui se souvient des femmes de Juàrez? Ces petites ouvrières sur les chaînes de montage.


marine loriot

fanny l’héritier

Marine commence sa vie en hurlant et prend goût

Issue d’une famille de musiciens, elle commence

à expérimenter ce son qui sort d’elle même. Un

très tôt le piano (6 ans) et le violoncelle (10 ans)

son propre à chacun, un son reproductible, imi-

classique au conservatoire. Elle poursuit des

table, modifiable et instable. Elle commence l’ap-

études en neurosciences et obtient un master en

prentissage du piano, d’abord classique puis jazz

2013 avant de se consacrer entièrement à la mu-

et chante dans différents groupes (jazz, soul, rock,

sique. Elle débute la guitare et le chant en autodi-

funk).

dacte et reprend des études au conservatoire de

En parallèle de la musique, elle entreprend des

Lyon en chant jazz et en violoncelle baroque.

études de médecine. Elle se forme au conserva-

Depuis, elle travaille sur deux projets musicaux :

toire de Lyon en chant jazz depuis la rentrée 2013

en groupe avec le trio Odessey and Oracle et en

et continue sa formation en piano jazz.

solo avec Bess of Bedlam.

Depuis, elle tâtonne et cherche sa voix. Elle se dit

Le trio Odessey and Oracle explore les voies tra-

influençable et influencée.

çées à la fin des années 60 par des groupes psy-

La musique qu’elle compose est le produit de

chédéliques anglais et américains parfois qualifié

questionnements, d’hésitations, de réflexions

de «pop baroque». Puisant leurs influences autant

sur son monde intérieur et surtout sur le monde

dans le répertoire classique que dans les mu-

contemporain.

siques électriques/électroniques contemporaines,

En 2014, elle début son projet solo et prend le nom

les compositions aux arrangements élaborées

d’Olga Bost:

laissent une grande place au contrepoint et à des

Elle interprète ses compositions en solo (chant/

instrumentations hybrides, mobilisant instruments

clavier/loop/) et monte actuellement un duo chant/

anciens et spécimen plus modernes.

clavier/loop/batterie.Les textes de ses compo-

Bess of Bedlam donne à ses chansons d’inspira-

sitions sont écrits, pour certains, en français par

tions folk un goût particulier et très personnel, aux

Céline Grisoni. D’autres en anglais. le tout dans un

surprises harmoniques et mélodies parfois alam-

style Jazz vocal - Folk – Pop/World – Composition.

biquées.

Elle rejoint la compagnie A Corps d’Elles en 2015 pour une performance danse/musique/texte et est invitée sur le projet Mon Corps Est. Elle rejoint l’équipe de Chaîne de montage comme compositrice, chanteuse, musicienne et intègre l’ENM de Villeurbanne à la rentrée 2016.


Quel est pour vous la place et le rôle de la musique dans Chaîne de montage ? Fanny : « Le texte se raconte sur plusieurs plans différents et voix différentes. Le texte et les voix de ces femmes sont portées par trois voix féminines sur scène avec des médiums différents: le texte porté par Maud Chapoutier ; et la musique, surtout le chant, porté par Marine et moi même. » Marine : « Céline voulait faire en sorte que ce ne soit pas seulement un monologue mais la voix de plusieurs femmes, montrer la pluralité de ce qu’on peut porter dans ce texte. la voix passe par aussi par la musique et le chant. » Fanny : « Dans le texte, il y a le jeu de la narratrice, Suzanne Lebeau, et se rajoute le jeu qu’on met en place dans la pièce, à travers lequel on fait parler, chanter, danser ces femmes».


Comment avez vous composé les musiques communes? Marine : « La chanson La llorona de Chavela Vargas nous a été proposée par Céline, elle nous a demandé de faire une adaptation musical de ce qu’on ressentais, tout en mêlant nos deux univers pour en créer un nouveau. Depuis le début de ce projet, pendant les résidences, on a travail sur un texte lourd, donc le choix de musique douce sert aussi à alléger la pièce. Cette musique reste dans la continuité de la compo de Fanny. C’est un univers enfantin... » Fanny : « Oui, on pourrait même dire un univers faussement naïf . Pour le texte en espagnol, on a pris un temps toutes les deux pour faire une adaptation musical, l’interpréter à notre manière. Le fil conducteur est la mélodie du chant, on a décliné la chanson, on a changé l’harmonie, on en a fait des variations.. On a proposé à Céline 5 ou 6 versions de cette chanson, avec différents chemins harmoniques. On superposait les voix, les sons ; Céline aime cette idée de couche, qu’on peut avoir quand Maud joue le texte et qu’on chante en même temps. » Marine : « Cette idée de répétition, est aussi la répétition des meurtres de ces femmes. La répétition dans la pièce sert à marquer la lourdeur de l’histoire, c’est dense; le moyen instrumental sert et ouvre cette lourdeur, il aère le discours. »


Fanny, comment as-tu composé la chanson d’Alma ? «C’est le seul moment uniquement musical. Dans le spectacle on trouve en permanence ce mélange de texte, danse, musique. Pour la composition, je me suis inspirée de ce que j’avais déjà travaillé avec Marine. Céline avait envie d’une chanson dans le même esprit que Bess of Bedlam, mon projet solo. C’est un univers où je met un voile doux sur des sujets plus profonds, plus sinueux, plus torturés. Je me suis inspirée de l’histoire vraie d’Alma. Avec les mots, j’ai tendance à composer toujours dans la douceur des choses dures émotionnellement. J’aime beaucoup l’imagerie de « disloquée comme une poupée », qu’on trouve dans la chanson, j’ai cette image d’automate, de marionnette, de la femme objet. Et à la fois, le jouet, la poupée fait appel aux enfants donc à l’innocence.» Alma, le maquillage a coulé sur Alma Disloquée comme une poupée Alma, le soleil a volé ses yeux, Alma Défigurée comme un jouet Dans les ruelles du désert, son ombre se balance De sa mort, deux âmes soeur embrassèrent le même sort Alma, le maquillage a coulé sur Alma Disloquée comme une poupée Alma, les vautours ont mordu ses lèvres, Alma Dévorée comme un mets sucré Le souffle d’Alma résiste encore au silence du désert Sa voix murmure un secret aux oiseaux qui souhaitent savoir Alma, le sable a recouvert la peau d’Alma Décomposée, évaporée Alma, le maquillage a coulé sur Alma Disloquée comme une poupée I Texte et composition I I Fanny L’Héritier I


Sur la pluridisciplinarité de la pièce, comment vivez-vous, en tant que musiciennes, le fait d’être mises en mouvement par une chorégraphe? Marine: « On prend conscience de notre être, notre présence scénique. On est obligé d’assumer notre corps sur scène, ce qui n’est pas forcément évident pour un musicien. Je le vis encore comme un apprentissage, et en même temps c’est riche, on est amené a danser, à réagir, à parler comme un comédien. » Fanny : « On fait des choses qu’on a pas l’habitude de faire. Le rapport au corps me plaît, devoir faire de la gestuelle me plaît. Ensuite, par rapport à la présence scénique, je suis une musicienne qui fait des concerts, quand je suis en concert, je suis moi même, je ne joue pas de personnage, je ne suis pas dans un rôle. D’ailleurs ce n’est pas naturel pour moi de jouer un rôle sur scène. Dans Chaîne de montage, je ne joue pas de la musique dans un spectacle, je fais un spectacle avec des artistes, avec des compétences très différentes; on est trois à incarner ces voix féminines, et on apprend à croiser les disciplines. Je me sens plus alaise avec Céline je pense, qui est danseuse et chorégraphe, qu’avec un metteur en scène formé par le théâtre et pour créer du théâtre. Il y a quelque chose d’horizontal dans ce spectacle, de nos trois disciplines. Elle propose une création assez ouverte, la création est un dialogue entre nous. » Marine : « Le fait qu’elle soit danseuse, et nous musiciennes, ça nous permet de donner des idées et de pouvoir s’échanger nos différents points de vues de notre propre perception et domaine artistique. » Fanny : « J’imagine aussi qu’elle apprend, de plus elle a un rôle libre car elle n’est pas dans quelque chose de conventionnel. »


La première lecture du texte de Suzanne Lebeau « Chaîne de montage » Marine : « Lors de ma première lecture, se pose question mon quotidien de femme occidentale. A notre première résidence on l’a lu autour d’une table et c’est vrai qu’on s’est demandé comment porter ce texte. » Fanny : « Quand je l’ai lu j’ai trouvé le texte terrifiant mais je me suis dit que ça parlait de choses qui me questionnes, sur le rapport des femmes dans la société... et ça m’a donné envie de créer la dessus. »

Comment vivez vous le texte en tant que femme ? Dans le spectacle, quel rôle avez- vous l’impression de jouer ? Porte-parole? Interpète? Marine : « C’est plutôt la femme occidentale qui découvre l’histoire de ces femmes, et c’est aussi le parti pris de l’auteur. Dans la musique on se sent en hommage à ces femmes et du coup porte parole. » Fanny : « Je me sens porte parole, je me sens très investis dans le spectacle mais je raconte l’histoire ; mon interprétation reste distante de l’histoire. Je n’ai pas vécu en tant que femmes de choses qui pourrait me faire ressentir le malheur de ces femmes. Et en même temps on incarne une femme. Sur le plateau il n’y a pas d’homme, on est trois femmes guidées par une femme. J’apporte ce que je suis en tant que femme aujourd’hui. » Marine : « On apporte ce qu’on est en tant que femme dans notre pays et dans notre condition social actuelle.Après en travaillant en improvisation pour la création : à un moment Maud a regardé sous ma robe, et c’est assez violent comme geste, c’est une violence que je pourrait vivre dans ma vie actuelle. » Fanny: « On reste assez loin de ces femmes, mais on est touchées, par contre la question des femmes au sens politique on la porte toutes. Sur le plateau ça ne prendrai pas la même dimension si il y avait un homme.Céline elle est très féministe, et c’est clair que c’est central dans sa démarche artistique, la position de la femme dans la culture, dans l’art et dans la société en général. » Marine : « Je pense que Céline trouve dans l’art comment prendre la parole en tant que femme. »


Compagnie A Corps d'elles CCO jean-pierre lachaize 39 rue georges courteline 69100 villeurbanne acorpsdelles@gmail.com 07. 68.58.04.91 association loi 1901 siret 789 971 462 00021 APE 9001Z licences 2-1076161 & 3-1076162

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