société
Diana d’Anniviers La faune en héritage
L
a chasse est une activité de l’homme aussi ancienne que lui, qui a contribué à sa survie. Elle fait dès lors partie de notre culture, de notre identité, de notre patrimoine et de notre histoire. Elle est la base alimentaire de première nécessité jusqu’au moment où l’agriculture et l’élevage ont pris le relais. Puis au Moyen Âge, elle sert surtout de divertissement à la noblesse qui aménage de grandes réserves destinées à assouvir sa passion. Enfin la Révolution française démocratise la chasse dont la dérive par le braconnage conduit à une diminution drastique des effectifs.
Un retour à l’authentique En découvrant la chasse, l’homme retrouve ses racines et s’immerge dans le passé. Il réapprend à lire dans la nature la flore et la faune. Il expérimente dans la simplicité et l’humilité un autre mode de vie à l’écoute du gibier et communie avec le vrai. Quel plaisir de quitter l’espace de quelques jours les tracas d’une vie trépidante et le confort, pour plonger dans la solitude, la liberté et le plein air. Quel privilège de pouvoir partager des moments inoubliables de convivialité et d’abolition des classes sociales si tant est qu’elles existent en montagne, pour vivre en intimité avec un gibier qu’on aime et qu’on veut voir perdurer. Par ailleurs, accuse-t-on un éleveur de ne pas aimer ses bêtes alors qu’il fait pourtant boucherie le moment venu ? La passion ne réside pas tant dans celle de tuer du gibier que dans celle: - de parcourir un paysage sans cesse renouvelé
- de ressentir le frisson à l’approche d’un chamois aux aguets - de retenir son souffle au bruit causé par les sabots d’un cerf martelant le sol - de vibrer à l’émotion que génèrent la détection d’une bête aux jumelles, la découverte d’une empreinte ou la fuite et la ruse d’un animal. La chasse n’est en réalité pas faite pour développer des instincts sanguinaires ou pour assouvir des pulsions originelles de brutes. Elle ne se résume pas au plaisir de prélever des animaux sauvages. Elle implique non seulement le devoir de surveiller et de réguler le gibier, d’assurer la santé, l’équilibre et la diversité des espèces mais encore de préserver le cadre de vie et de se comporter en protecteur de la nature. Pour connaître la chasse et donc pour la juger, il faut l’expérimenter sur le terrain, en apprendre les enjeux. Comme le rappelle Joseph Kessel dans Le lion : « Pour bien tuer les bêtes, il faut les bien connaître. » C’est dans la nature que le nemrod puise ses classiques, pas dans les écrits, les médias ou les expositions. La chasse est belle par le contexte qui l’entoure; le naturel qu’elle ressuscite, l’amitié qu’elle entretient, l’effort qu’elle comporte, les connaissances qu’elle implique ainsi que la justification qu’elle peut mettre en avant. Un maillon de la chaîne Le chasseur est un maillon essentiel de la gestion rationnelle d’un capital mis à sa disposition pour qu’il en fasse un usage modéré et respectueux. Contrairement aux grands prédateurs, le chasseur a conscience de ce qu’il fait, de ce qui est bon ou pas pour la nature, laquelle
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répond à des règles de fonctionnement que les prédateurs ignorent et ne sauraient dès lors respecter. Il ne se résout à tuer que parce qu’il sait pourquoi il le fait, quel équilibre il assure. Finalement, il associe la mort à la reprise d’une autre vie, à celle d’un animal plus jeune, plus sain, d’un autre sexe ou d’un autre troupeau. Il sait que sans son intervention dans la nature : - certaines espèces proliféreraient au détriment d’autres espèces - un déséquilibre généralisé serait programmé - des maladies infectieuses décimeraient certaines espèces - la consanguinité finirait par réduire voire anéantir certains effectifs - la forêt verrait ses jeunes pousses être broutées par des hardes de cerfs, de chevreuils ou de sangliers en pleine expansion - les friches progresseraient à un rythme encore plus soutenu qu’actuellement à cause de la déprise agricole menaçant la biodiversité dans l’Arc alpin où l’agriculture est déjà à l’agonie à cause de l’aridité des sols, de la topographie des lieux, du morcellement des terres, des coûts d’exploitation, du peu de rendement ou des manques d’accès - les rares prés fauchables disparaîtraient faute d’entretien par les agriculteurs découragés par les attaques incessantes des prédateurs. D’autre part, le chasseur a non seulement maintenu une faune sauvage attractive et équilibrée, mais encore réintroduit des espèces qui avaient quasiment disparu en Valais : le cerf réintroduit en 1926 au Val Ferret de provenance de Ulm en