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Chronique du développement durable

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environnement

Chronique du développement durable réfléchir à sa mobilité

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Avec ses 220’000 véhicules de tourisme, soit 640 véhicules pour 1’000 habitants, le Valais n’est peut-être plus le canton le plus motorisé de Suisse, mais il demeure dans le classement de tête, et reste surtout le premier de Suisse romande. La voiture constitue un tel ancrage en Valais que fatalement, lorsqu’on parle de mobilité alternative, arrive l’argument nécessairement péremptoire de l’exception topologique valaisanne ; le fameux « tu sais, en Valais, sans voiture, tu vas nulle part. »

Il est amusant pourtant de penser que cet objet si utile à notre vie demeure à 95% de son temps inutilisé, pour un taux d’occupation, malgré une capacité de cinq places en principe, de seulement 1,56 personne par trajet. Inversement, le véhicule de tourisme, en matière de gaz à effet de serre, s’avère nettement plus efficace, en étant notamment responsable de 24% de l’ensemble des émissions suisses. Et pour sombrer définitivement dans le cynisme, ces gaz d’une mobilité libre qui mettent en péril notre futur ne sont que le produit de combustibles originaires de pays qui ne se révèlent clairement pas des exemples quant aux droits de l’homme. De là à dire qu’à chaque plein, c’est du sang des martyrs de la liberté dont on remplit son réservoir, c’est un pas que l’on ne franchira pas ! L’idée, bien entendu, n’est pas de vous démoraliser, mais plutôt, à partir de ce constat certes peu réjouissant, d’entreprendre un petit bout de chemin ensemble afin d’entrevoir quelques alternatives à notre mobilité actuelle, d’observer les opportunités qu’elles offrent ainsi que leurs limites. Le premier réflexe si l’on devait changer son véhicule polluant pour une mobilité plus propre serait d’investir dans un véhicule électrique. Après tout, même l’Etat du Valais s’est engagé à créer une prime de Fr. 3’000 pour tout achat de véhicule électrique dès 2021 au plus tard. Une mesure qui ravira sûrement ceux qui ont déjà les moyens de s’acheter une voiture électrique, un peu moins les autres. Alors oui, les mauvaises langues vous diront qu’une voiture électrique n’est pas propre et elles auront raison, en partie du moins. C’est lors de sa production que le véhicule va engendrer le plus de nuisance, notamment à cause de la batterie et des éléments qui la composent comme le lithium et le cobalt dont l’extraction et la transformation s’avèrent particulièrement polluantes; de fait, comme l’ensemble de l’industrie minière. Mais dès lors qu’on l’utilise, son impact devient quasi nul dans la mesure où l’énergie utilisée pour la recharge de la batterie s’avère également

Source : ADEME // 2

propre. Ainsi, plus on l’utilise, plus son impact diminue, simplement parce qu’on dilue sur des kilomètres celui inhérent à sa production. Inversement, l’impact d’une voiture à combustion demeurera constant, incontestablement lié à sa consommation de carburant. 1

Bien entendu, il serait également possible de se passer de véhicule en optant

pour la marche ou le vélo, du moins pour les courtes distances. Il semble en effet évident qu’en vivant dans le Val d’Anniviers, n’avoir qu’un vélo ou ses pieds pour descendre et remonter de la plaine tient bel et bien de l’illusion, excepté pour les sportifs accomplis. Mais au sein même de la vallée, des villages, il s’agit d’une solution déjà plus envisageable. Le Val d’Anniviers possède d’ailleurs déjà un réseau de borne de charge pour le E-bike qui pourrait parfaitement être élargi et utilisé pour la mobilité interne à la vallée.

Et pour les trajets un peu plus longs, il reste le bus et les transports en commun. Une aubaine, car le Valais vient d’augmenter pour l’année 2020 de trois millions son budget pour les transports en commun, impliquant une augmentation des cadences pour le Val d’Anniviers. Cependant, même si le bus demeure plus durable qu’un véhicule individuel, il faudra compter entre un tiers, voire le double de temps de trajet, sans compter les horaires pas toujours adéquats. Et malheureusement, la situation géographique du Val d’Anniviers rend difficile l’intégration d’autres modes de transports en commun plus efficients en termes de durée. De fait, il s’agit avant tout de la manière dont on considère le trajet, entre temps à disposition ou temps perdu, entre avoir les mains plaquées sur un volant et les yeux sur une ligne interminable de bitume, ou s’asseoir confortablement sur un siège-passager pour finir un travail, lire les nouvelles ou simplement rêvasser.

Mais au-delà de ces précédentes alternatives qui découlent avant tout d’une démarche individuelle, il s’avère également possible de penser la mobilité de manière collective, simplement avec ce que l’on possède déjà. A tout hasard, le covoiturage. On pourrait parfaitement imaginer, simplement à l’aide des réseaux sociaux existants, de se constituer des communautés de covoitureurs, où lorsque l’un des membres doit descendre en plaine, il propose à sa communauté de partager son trajet en échange d’une modeste compensation, dont la plus belle sera de réduire son impact carbone. Et d’une pensée collective peuvent naître des projets politiques tels qu’investir dans des bus électriques qui pourraient profiter de la topographie des lieux pour recharger leur batterie à chaque descente comme un dynamo sur vélo qui alimente le phare3 . Ensemble, notre seule limite s’avère notre imagination ; et les finances de la commune, accessoirement.

Finalement, quelle que soit l’alternative proposée, aucune ne risque véritablement de constituer à elle seule la solution. Il s’agira plutôt d’un mix plus ou moins équilibré dans lequel s’entrechoqueront des éléments liés à l’aménagement du territoire, à la consommation de ressource, aux impacts environnementaux et sanitaires ainsi qu’au droit à une certaine mobilité. Or, la mobilité va devenir un enjeu de plus en plus important pour les villes et bien plus encore pour les communes de montagne qui risquent l’isolement. Alors si le changement doit se faire, autant tirer son épingle du jeu aujourd’hui. Repenser la mobilité du Val d’Anniviers revient à créer de nouvelles opportunités pour un meilleur vivre ensemble ainsi que pour le tourisme, à devenir un lieu d’innovation en matière de transport durable, à faire du Val d’Anniviers une commune résolument tournée vers l’avenir. Et quitte à retenir une chose sur le transport de demain, à défaut de le prendre en commun, commençons par le penser en commun.

Par Dylan Beaupied, Jonathan Favre, Joel Favre Amin, Bastien Pedroni, Pierre Théoduloz, Michaël Zuber et le Prof Dr Stéphane Genoud de la HES-SO Valais-Wallis

1Voir http://www.energyscope.ch/100questions/efficacite-energetique/la-voiture-electrique-est-elle-une-option-pertinente

2Voir https://www.ademe.fr/sites/default/ files/assets/documents/avisademe-vehicule-electrique.pdf

3En 2016, 2 très bons travaux de bachelor ont été faits sur ce sujet, par Blerta Bega (économiste) et Stéphane Masserey (ingénieur), travaux qui ont été faits pour les cars postaux d’Anniviers (TSAR). La conclusion de Blerta était « L’analyse comparative des moyens envisagés a révélé qu’une motorisation 100% électrique combinée d’une batterie au lithium pourrait être la meilleure alternative dans le cas d’une transition énergétique de la société TSAR, à court terme. »

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