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L’invitée
L’invitée Sophie Jaccard
Je suis née à Sion, d’une maman valaisanne et d’un papa glaronnais, d’origine italienne. Je suis arrivée en Anniviers un peu par hasard. Avec une amie nous avions envie d’acheter un mayen pour les vacances. Nous avons répondu à une annonce, qui nous a conduites aux Barmes. Le confort rudimentaire du logement convenait pour y passer quelques jours de temps en temps. Par la suite mon amie, désireuse d’acheter un autre bien, me vendit sa part. C’est alors que je décidais de m’établir aux Barmes à l’année. Des entreprises de la vallée ont apporté au bâtiment un minimum de modernité et, en 2012, je me suis installée en Anniviers avec mes douze brebis, mes deux ânes et une dizaine de poules. Le premier hiver fut difficile. J’avais gardé mon poste d’enseignante de musique à l’Ecole de Commerce et de Culture Générale de Martigny et je pensais poursuivre ainsi ma vie tranquille de célibataire. À cette époque, j’ai appris à mieux connaître Stéphane qui, depuis, est devenu mon mari. Il a commencé par passer de plus en plus de temps aux Barmes, pour finalement quitter son emploi en plaine et se consacrer au développement du domaine afin de le rendre viable. Nous y élevons des brebis et fabriquons des fromages, que nous livrons dans divers magasins de la vallée, avec des œufs et quelques légumes. Nous avons à cœur de nous inscrire dans le tissu économique anniviard en soutenant les commerces locaux au lieu de faire de la vente directe à la ferme. Avec deux petits garçons, la vie que nous menons aujourd’hui est rude et plutôt compliquée, mais nous ne pourrions pas envisager de vivre différemment. D’un autre côté, je n’aimerais pas arrêter l’enseignement, car j’apprécie vraiment le contact avec les jeunes. J’y consacre un jour par semaine. De temps en temps, j’anime aussi des modules de didactique de la musique destinés aux futurs enseignants du secondaire.
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Paysanne et musicienne La musique a toujours été très présente dans ma famille. Après quelques incursions dans divers domaines (j’ai par exemple obtenu un CFC en viticulture), je me suis formée aux Conservatoires de Sion et de Genève pour pouvoir l’enseigner. J’ai longtemps joué du violon. Mais à cause d’une épaule récalcitrante, je me suis tournée vers la mandoline : celle-ci a l’indéniable mérite de me permettre de chanter en jouant. L’association entre terre et musique prend, dans mon cas, ses racines chez le poète Virgile. Au cours de mes études, le professeur de chant grégorien nous a fait chanter des hexamètres. J’ai trouvé cela très beau et je me suis intéressée alors aux vers latins et à la prosodie. Cela m’a amenée à lire, puis à apprendre des œuvres de Virgile, en particulier les Bucoliques, recueil de poèmes pastoraux faisant dialoguer des bergers, et les Géorgiques, poèmes de la terre.
D’ailleurs, en forme de clin d’œil, j’ai fait graver sur notre mayen les deux vers suivants:
Stant et oves circum nostri, nec paenitet illas Nec te paeniteat pecoris, divine poeta
Immobiles, tout autour, se tiennent les brebis, elles ne nous dédaignent pas Ne les méprise pas non plus, divin poète (Buc. X, 16-17)
Belle leçon d’humilité et de respect à l’égard des animaux… bien loin des clichés sur la brutalité des Romains et qui n’a pas attendu le XXIème siècle pour affirmer que les humains ne sont pas les seuls à posséder une âme empathique.
Le confinement Pour notre famille, le confinement n’a finalement pas changé grand-chose, car nous sommes habitués à vivre isolés et avons pu être dehors tout le temps. Il nous a cependant fallu faire face à l’absence de l’aide extérieure que nous recevons chaque année au moment où il y a le plus de travail. Cela n’a pas été simple de tout mener de front. En plus d’aider au mieux mon mari, j’ai dû assurer l’enseignement à distance et faire travailler mes enfants pour l’école. Mais tout s’est bien terminé.
Aujourd’hui et demain J’ai envie de davantage m’intégrer socialement dans la vallée. J’ai donc accepté de m’investir pour la paroisse de Vissoie et d’animer musicalement certaines messes. Quant à notre avenir, je le vois ici. Avec mon mari, nous voulons continuer à défricher et développer le domaine. Nous dési-

rons redonner vie à un endroit que nous aimons, même s’il est rude. Nous souhaitons développer la culture biodynamique, faire pousser des arbres fruitiers. Nous aimerions que les Barmes redeviennent un vaste verger, comme au temps où la famille Gillioz y vivait. Nous espérons avoir la santé et l’énergie pour poursuivre nos projets. Evidemment nous serions heureux que plus tard un de nos enfants ait envie de continuer ce que nous entreprenons, même si nous respecterons leurs choix, aussi éloignés des nôtres soient-ils.
Propos recueillis par Janine Barmaz
Le numéro 26, d’avril 2017, des 4 Saisons d’Anniviers, p. 27-29, raconte comment le hameau des Barmes a repris vie, grâce à Sophie et Stéphane Jaccard-Largo.


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