Numéro Droit

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LE

MAGA ZINE

DES

AFFAIRES

AU

FÉMININ

LIBREÉCHANGE À QUOI DOIVENT S’ATTENDRE LES ENTREPRISES? GRANDES TRANSACTIONS : LES FEMMES AUX PREMIÈRES LOGES LES 8 AVOCATES INCONTOURNABLES DU QUÉBEC -

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JUIN-JUILLET 2015

LOUISE OTIS DROIT AU COEUR MÉDIATEURE, ARBITRE ET JUGE ADMINISTRATIVE INTERNATIONALE

CONVENTION POSTES CANADA 41502021


MAGAZINE : ÉDITRICE ET RÉDACTRICE EN CHEF : Margarita Lafontaine ÉDITRICE ASSOCIÉE AFFAIRES PUBLIQUES : Liza Frulla DIRECTRICE DE PRODUCTION : Sara Leblanc RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Marine Thomas RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT  MÉDIAS ÉLECTRONIQUES : Francis Halin DIRECTEUR ARTISTIQUE : Yannick Jacob RÉALISATEUR VIDÉO : Roch-Denis Gagnon COORDONNATRICE, SERVICE CLIENT : Isabelle Sauvé RÉVISEUR-CORRECTEUR : Vincent Dupuis PHOTOGRAPHES : Phil Bernard Bénédicte Brocard JOURNALISTES : Marie-Josée Cardinal Colin Côté-Paulette Mariève K. Desjardins Charline-Ève Pilon IMPRESSION : Impart Litho Imprimeur

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Margarita Lafontaine Crédit : MOCAphoto / Vêtements : KAREN PERRY DESIGN à Montréal.

Imaginez un monde où, dans les bureaux de services professionnels, les femmes rapporteraient deux fois plus d’argent que les hommes. Qui alors détiendrait une plus grande influence sur les conditions de travail? Depuis quelques décennies, les femmes sont de plus en plus nombreuses sur les bancs d’école et sur le marché du travail, mais le leadership dans les grands cabinets demeure majoritairement masculin. Certes, il peut y avoir des exceptions... mais celles-ci demeurent des exceptions! Et malgré les demandes répétées des femmes pour une plus grande flexibilité des horaires, les changements tardent à venir. J’imagine que c’est l’argent qui parle, et que pour l’instant, c’est encore généralement les hommes qui en rapportent. Qu’est-ce qui empêche les femmes de devenir des « Rainmakers »? Je vois très bien les obstacles auxquels elles font face, mais les raisons évoquées pour expliquer cette situation sont probablement différentes de la réalité puisque l’augmentation de la valeur des contrats n’est pas une question d’heures travaillées, mais de contacts, d’intérêt envers les problèmes à régler et enfin, de ne pas avoir peur de demander la business. Les femmes sont-elles suffisamment généralistes pour s’intéresser aux enjeux d’affaires de leurs clients, de sorte que ces derniers leur confient leurs grands dossiers? Est-ce un inconfort avec l’argent? Ont-elles peur d’être vues comme étant trop compétitives ou agressives ? Puisque les femmes sont compétentes dans tout ce qui est relationnel, pourquoi ne pas mettre ces talents à contribution en ce qui concerne le développement des affaires? Il est clair que la structure, les méthodes et les heures de travail dans les grands cabinets doivent évoluer afin de permettre aux femmes de se réaliser pleinement dans leur vie professionnelle et familiale. Les femmes ne peuvent pas et ne veulent pas reproduire l’ancien modèle selon lequel l’homme s’investissait corps et âme à son travail, au point de négliger sa famille sous prétexte que cette responsabilité incombait à la femme. Le monde a changé, les hommes sont plus présents à la maison et les femmes sont requises au bureau. C’est désormais l’affaire de tous. Dans ces conditions actuelles, nos huit avocates Incontournables ont d’autant plus de mérite. Celles-ci montrent bien qu’il est non seulement possible de gagner ce pari, mais d’aller plus loin encore : de briller parmi les meilleurs de cette profession hautement convoitée aujourd’hui. En ce sens, le parcours de Louise Otis, pionnière du domaine du droit est éloquent. De sa Gaspésie natale, celle-ci est devenue une référence mondiale. Les plus grands organismes de la planète lui ont demandé conseil. Affirmons-le : seule une détermination de fer peut mener aussi loin. La première moitié de l’année s’achève déjà. Beaucoup en profiteront pour prendre une pause estivale bien méritée. Profitez-en bien! De notre côté, notre équipe vous prépare déjà un automne haut en couleur avec notre numéro portant sur la Finance. Bon été à tous! Margarita

DÉCOUVREZ NOS ÉVÈNEMENTS DE L’AUTOMNE sur : premieresenaffaires.com/-Billetterie-Evenements-


SOMMAIRE JUIN-JUILLET 2015

| VOLUME 8, NUMÉRO 3

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LES INCONTOURNABLES

LOUISE OTIS Droit au coeur

DE PREMIÈRES EN AFFAIRES

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Portrait de 8 femmes en Droit

CONSEILS D’EXPERTS 6

L A CHRONIQUE DE LIZA Hillary, Take two

8 L A CHRONIQUE DE NORMA

Les ressources naturelles peuvent faire prospérer le Québec

Dossier DROIT 10 Libre-échange, à quoi doivent

s’attendre les entreprises?

DROIT

DROIT DE LA FAMILLE

42 Une main de fer dans un gant de velours : comment deux jeunes avocates en litige envisagent leur carrière Blakes

54

44 Droit de l’environnement, un domaine en pleine effervescence Sodavex 45 Comment se protéger dans le cadre d’une transaction immobilière? De Grandpré Chait 46 Les frais d’exploitation dans les baux commerciaux : l’ambigüité ne sert personne Miller Thomson

FINANCE

15 Jean Charest : « C’est le

Québec qui a porté l’idée de ces négociations »

16 Grandes transactions : les

modèle des heures facturables ne garantit pas la qualité du travail »

20 Laura Codruța Kövesi, la dame

anticorruption de Roumanie

COACHING 56

Comment un leader doit-il gérer son énergie?

SANTÉ 58

Pollution atmosphérique : respirer, mais à quel prix?

PHILANTHROPIE 60

48 L’innovation de l’information, un impact positif sur la chaîne d’approvisionnement PwC

Un couple de millionnaires au secours des migrants

49 Médiation fiscale : une innovation pour favoriser l’accès à la justice fiscale Richter

femmes aux premières loges

18 Deborah Epstein Henry : « Le

Peut-on réussir la réorganisation familiale sans recourir aux tribunaux?

STRATÉGIE

CRÉATRICE D’ICI

50 Promouvoir les femmes dans des postes de direction...avec l’aide des hommes EY

62

ARTS & CULTURE

IMMOBILIER

64

Mouna Andraos, Daily tous les jours

52 Dois-je exercer l’option de renouvellement de mon bail? Lafontaine Immobilier

66

Un livre, un leader : le choix de Lise Tremblay

Marie-Josée Richer, Prana


LA CHRONIQUE DE LIZA -

HILLARY, TAKE TWO Crédit: Bénédicte Brocard / photo@work.com

C’est fait. Hillary Clinton est pour la deuxième fois candidate à l’investiture démocrate en vue de l’élection présidentielle américaine de 2016. On se rappelle qu’en 2008, elle s’était fait dépassée à mi-course par un sénateur charismatique, mais inconnu, qui avait redonné espoir aux Américains. Le « Yes We Can » de Barack Obama avait réussi à soulever les foules, pendant qu’elle s’embourbait dans une campagne erratique et peu convaincante.

PAR LIZA FRULLA, ÉDITRICE ASSOCIÉE, AFFAIRES PUBLIQUES, PREMIÈRES EN AFFAIRES

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne? De sénatrice à secrétaire d’État, sans compter l’expérience accumulée à titre de Première Dame, cette femme estelle celle qui donnera aux Démocrates une autre occasion d’écrire une page d’Histoire? Après le premier président noir, verra-t-on la première femme présidente des États Unis? Lors de sa venue à Montréal en 2014, elle avait raconté que, deux mois auparavant, à l’occasion d’une allocution donnée dans un collège de jeunes filles ayant pour sujet « Dare to compete », elle avait reçu une leçon de vie. Au moment de la période de questions, toutes voulaient savoir si elle se présenterait à l’investiture démocrate en vue des présidentielles de 2016. De son propre aveu, elle hésitait encore. Quand fut venu le temps de la remercier, une jeune fille mandatée pour lui remettre un bouquet de fleurs lui glissa à l’oreille « Dare if you can », lui rappelant le conseil qu’elle venait tout juste de donner aux étudiantes. En avril 2015, à 68 ans, elle annonce sa décision formelle. Elle sera de la course. D’abord à l’investiture démocrate, pour ensuite briguer l’élection présidentielle. Fait important : ses deux conseillers les plus proches sont Bill Clinton, et dans une moindre mesure sa fille Chelsea. Les observateurs de Washington laissent entendre qu’en 2004, alors qu’elle se présentait pour devenir sénatrice de l’État de New York, l’ex-président des États-Unis a joué un rôle majeur en mettant au service de son épouse, son charisme, sa notoriété et son réseau. Même scénario en 2008 lors de l’investiture démocrate.

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Or, au cours des dernières années, Hillary Clinton a acquis une réputation et une stature comparables à celles de son célèbre mari, réduisant aujourd’hui son influence. Quant à sa fille Chelsea, docteure en philosophie et maintenant âgée de 33 ans, elle en a surpris plusieurs en assumant le leadership de la fondation mise sur pied par ses parents et en restructurant celle-ci pour en maximiser le rôle au sein du milieu philanthropique américain. Elle devrait jouer un rôle significatif durant la prochaine campagne de sa mère, en assurant notamment une présence accrue sur les médias sociaux. Signe des temps, se pourrait-il que la mère et la fille soient collectivement plus fortes que le mythique Bill? Tout comme Hillary, qui malgré les critiques de l’époque, avait transformé le rôle traditionnel de Première Dame en un rôle de stratège et de conseiller politique, une première dans l’histoire américaine, Chelsea pourrait devenir la principale conseillère de la campagne de sa mère. On se souvient que Robert Kennedy avait joué ce rôle lors de l’élection de son frère John, mais jamais une fille ne l’avait fait pour sa mère. D’ailleurs, Chelsea, très visible durant la course à l’investiture démocrate de 2008, déclarait avoir eu la piqûre de la politique. Les circonstances ont beaucoup changé depuis 2008. L’omniprésence des médias sociaux exige une stratégie très raffinée non seulement sur le Web, mais aussi sur le plan des médias traditionnels, qui souvent relayent de fausses vérités et des rumeurs.

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En 2008, la stratégie de campagne de Hillary Clinton – qui par ailleurs déteste les journalistes – était de répondre coup sur coup aux médias afin de les contrôler. Cette fois-ci, son équipe de stratèges, composée de vétérans et de nouveaux venus, veut s’assurer de ne pas se laisser distraire et de maintenir le contrôle de l’agenda. On se rappelle aussi qu’on lui reprochait son agressivité, sa froideur, son manque de proximité envers les militants et l’électorat. Cette fois, la proximité sera au coeur de sa campagne. Elle va directement à la rencontre des gens. Elle multiplie les tables rondes et les assemblés informelles qui lui donnent l’image d’une candidate humble et à l’écoute. Grâce à son réseau chez les Démocrates, son avance est énorme, que ce soit en termes financiers, d’appuis ou d’influence. Mais la question se pose encore aujourd’hui : se fera-t-elle dépassée comme la dernière fois par un candidat démocrate de dernière minute? Même si cela paraît peu probable, en politique, on ne sait jamais. Autre question : pourra-t-elle maintenir les Démocrates au pouvoir après les deux mandats du président Obama et malgré les résultats des dernières élections législatives de 2014 qui ont donné aux Républicains la majorité du Sénat? Ce n’est que le début d’une campagne qui s’annonce longue et passionnante.

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LA CHRONIQUE DE NORMA -

LES RESSOURCES NATURELLES PEUVENT FAIRE PROSPÉRER LE QUÉBEC

Crédit: Phil Bernard

Plusieurs intervenants l’ont déjà souligné : la performance économique du Québec laisse à désirer lorsqu’on la compare à celle d’autres provinces et pays développés, notamment en ce qui a trait au revenu par habitant. Pourtant, le gouvernement continue d’offrir une gamme de services publics plus étendue qu’ailleurs. Ces deux situations sont difficilement conciliables à long terme. Heureusement, le Québec dispose de richesses naturelles considérables et variées : forêts, minéraux et métaux, en plus de l’énergie et des réserves d’eau douce.

PAR NORMA KOZHAYA, VICE-PRÉSIDENTE À LA RECHERCHE ET ÉCONOMISTE EN CHEF, CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC

Les ressources naturelles sont des atouts qu’il faudrait pouvoir exploiter de façon responsable afin d’assurer une plus grande croissance économique et de contribuer au financement de nos services publics. L’exploitation de ces ressources participe à la création d’emplois directs et indirects de qualité dans l’ensemble des régions de la province, générant des exportations et des revenus gouvernementaux. Elle contribue aussi à l’innovation, comme en témoignent les exportations de machinerie reliée aux ressources naturelles. EXPLOITATION SALUTAIRE L’exploitation responsable des ressources naturelles peut même réduire les inégalités. En effet, selon des chercheurs de la Vancouver School of Economics* , les inégalités auraient diminué dans les provinces touchées par le boom des ressources naturelles (mines, pétrole et gaz). L’exploitation de ces ressources a eu un impact considérable sur la croissance rapide des salaires à Terre-Neuve, en Saskatchewan et en Alberta par rapport aux autres provinces depuis la fin des années 1990 (à lui seul, le boom expliquerait les deux tiers de l’écart en matière de croissance des salaires). Ainsi, en prenant l’Ontario comme référence, les salaires moyens dans ces trois provinces ont connu une augmentation de 23 %. Non seulement ce boom a élevé les revenus de tous (« lifted all boats »), mais il a aussi contribué à réduire la disparité salariale entre les travailleurs.

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La prospérité québécoise s’est édifiée sur l’exploitation responsable de ses ressources naturelles, dont les ressources énergétiques, et elle pourrait continuer de l’être. Le Québec détient 3 % des réserves d’eau douce de la planète, 25 % de l’hydroélectricité

« Le potentiel québécois en matière de ressources naturelles reste largement sous-exploité. » en Amérique du Nord et 45 % de son territoire est recouvert d’une forêt productrice de fibres de haute qualité. De plus, d’importants potentiels de développement demeurent, notamment dans le secteur de l’hydroélectricité, de l’éolien, dans le secteur minier ainsi que dans les réserves d’hydrocarbures contenues dans le bassin d’Anticosti et le golfe du Saint-Laurent. Le Québec est ainsi privilégié par la présence de ressources diversifiées, ce qui diminue sa dépendance envers une seule ressource, comme c’est le cas par exemple en Alberta. Toutefois, le potentiel québécois en matière de ressources naturelles reste largement sous-exploité. Le secteur des ressources naturelles non-transformées

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représentait 6 % du PIB réel en 2013, comparativement à 14,1 % pour le secteur de la fabrication. Si l’on exclut la production, le transport et la distribution de l’électricité, la part des ressources naturelles non-transformées est réduite à 2 % seulement! Bien entendu, l’exploitation des ressources doit se faire de façon responsable et durable, dans le respect de l’environnement et des communautés, de même qu’en pensant aux générations futures. La réglementation dans les juridictions a évolué et s’est adaptée. Plusieurs États se sont enrichis et ont amélioré le niveau et la qualité de vie de leurs citoyens grâce à l’exploitation de leurs ressources naturelles, comme par exemple la Norvège et l’Australie, et plus près de nous l’Alberta. Ces derniers peuvent servir d’exemple, autant pour les bonnes pratiques dont nous pouvons nous inspirer que pour les erreurs qu’il faut éviter. Le gouvernement du Québec a jusqu’à présent démontré une ouverture à aller de l’avant en ce qui concerne l’exploitation du potentiel de nos ressources naturelles. Poursuivre dans cette direction serait crucial pour la prospérité du Québec.

* Changes in Wage Inequality in Canada: An Interprovincial Perspective http://econ.sites.olt.ubc.ca/files/2014/12/Inequalityprovinces-Nov12_1.pdf

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De la viande au fromage, en passant par les lits de bébé, ou encore les pièces automobiles, les produits que nous consommons chaque jour sont influencés par les accords de libre-échange. Ces derniers font d’ailleurs la pluie et le beau temps. Nos politiciens en parlent constamment, tandis que leurs détracteurs leur reprochent d’être difficiles à comprendre. Premières en affaires a voulu mesurer les impacts que pourraient avoir sur les entreprises d’ici la ratification de l’accord Canada-Europe signé l’automne dernier et qui mobilisent l’énergie de nombreux avocats. PAR FRANCIS HALIN

L

es accords de libre-échange sont des ententes que les pays signent entre eux afin de faciliter les échanges commerciaux. Jusque-là, rien de bien sorcier. Ni de bien controversé. Plus les marchés sont grands, plus les possibilités d’exportations de nos produits sont grandes. De tels accords sont donc généralement d’excellentes nouvelles pour les entreprises canadiennes, qui souhaitent vendre leurs biens et services à l’étranger.

échange qui sont importants », tient d’ailleurs à rappeler Armand de Mestral, professeur émérite titulaire de la Chaire Jean Monnet en intégration économique internationale à l’Université McGill. « En plus des accords de libre-échange, il y a des accords de commerce, d’investissements, de double fiscalité, d’aviation, etc. », insiste celui qui a agi comme arbitre pour le compte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

L’Accord économique et commercial global (AECG), signé le 26 septembre 2014, devrait entrer en vigueur bientôt, même si certaines voix s’élèvent en Europe en ce moment pour manifester encore quelques hésitations. De leurs côtés, les entrepreneurs canadiens aimeraient beaucoup avoir accès au marché gigantesque de 500 millions de consommateurs et dont le PIB frôle les 18 000 milliards de dollars. « Ces accords-là représentent un immense potentiel! Nous ne pouvons plus nous contenter des marchés nationaux », affirme d’emblée Stéphane Forget, vice-président stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) qui voudrait que celui-ci entre en vigueur.

Le Canada a beau signer de multiples accords à ces grandes tables de négocitations mondiales, au fil des ans, notre pays a souvent préféré discuter avec un pays à la fois pour ouvrir son marché. « Depuis, les années 1980, les accords de l’OMC sont bloqués. Le multilatéralisme ne marche pas, donc le Canada et les États-Unis ont décidé d’aller plus vite en emboîtant des zones de liberté commerciale comme des blocs LEGO », tranche pour sa part Mathieu Arès, professeur d’économie politique internationale à l’Université de Sherbrooke. « C’est un piège à ours, cette affaire-là! », renchérit-il.

Richard Ouellet, professeur titulaire en droit international économique à la Faculté de droit de l’Université Laval à Québec, nuance toutefois ces propos : « Dans les accords de libre-échange, il y a trois types d’entreprises : celles qui gagnent vite, celles qui perdent tout aussi vite et celles qui doivent saisir cette occasion pour ajuster leur stratégie d’affaires pour espérer faire des gains. » D’autant que les accords de libre-échange ne sont que la pointe de l’iceberg. Tous les pays du monde signent des tonnes d’ententes afin de faciliter les échanges commerciaux entre eux. « Il n’y a pas que les accords de libre-

DÉDOUANER LES PROFITS « À court terme, les accords de libreéchange ont pour effet d’éliminer les droits de douane immédiatement ou progressivement. Les droits de douane sont des taxes à l’entrée qui s’appliquent à chacun des produits qui franchissent nos frontières », poursuit Richard Ouellet, spécialiste en droit des investissements. « Aujourd’hui, ces tarifs sont assez bas. Jusque dans les années 1970, ils étaient d’environ 12 % de la valeur du produit, mais en ce moment, ils sont de deux ou trois pour cent, voire nuls grâce aux accords de libre-échange en vigueur », rappelle-t-il. « Cet aspect est très important pour les entreprises qui ont de petites marges », affirme avec aplomb l’avocat Bernard Colas de Colas Moreira Kazandjian

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Zikovsky. Jean-Marc Clément, avocat de BCF, note que ce sont les industries les plus traditionnelles, comme celles des produits agricoles, alimentaires ou textiles qui ont de hauts tarifs douaniers. Les secteurs plus modernes, comme celui de l’informatique, ont déjà fait l’objet de négociations.

« À l’arrière de votre ordinateur, vous trouverez la mention “CE”. Cette certification est nécessaire pour un joyeux paquet de produits! Grâce à l’entente avec l’Europe, les entreprises d’ici pourront aussi certifier leurs produits au Québec. » Richard Ouellet, avocat et docteur en droit dont les recherches portent sur les accords de l’OMC, sur l’intégration économique nord-américaine et sur le droit des investissements.

« J’utilise ces accords pour établir des stratégies d’affaires », illustre Bernard Colas, qui a œuvré comme conseiller juridique auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Par exemple, vous voulez vendre vos biens dans tel ou tel pays? Je m’assure que ceux-ci se conforment aux règles d’origine. » Son travail? Vérifier minutieusement que les règles d’origine et l’ensemble de l’arsenal législatif soient respectés. Accords de libreéchange, d’investissements ou encore de propriété intellectuelle, chacun des aspects doit être fidèle aux termes des ententes. Un défi en soi, car les entreprises ont la fâcheuse habitude d’accorder moins d’importance à ces détails techniques. « Les entreprises doivent gérer les aspects techniques et légaux avec autant de rigueur que les aspects financiers », assure-t-il. « Beaucoup de gens d’affaires ont l’impression que ces accords de libreéchange ont éliminé les frontières, mais ce n’est pas le cas », met en garde Jean-Marc Clément, qui dirige les services-conseils en douane et en commerce international de BCF à Montréal. « C’est une patate chaude! Les entrepreneurs ne savent pas trop à qui donner ce dossier au sein de leur boîte. Est-ce un dossier qui va aux ventes, aux finances ou à la production? », explique l’avocat qui avise les gens d’affaires. En outre, le droit commercial n’est pas enseigné dans les facultés de droit de la province : « Notre PIB dépend de plus de 60 % du commerce extérieur et les avocats ne sont même pas formés pour faire face à cette réalité », déplore-t-il. CERTIFICATION : BON MARCHÉ « La PDG d’une entreprise de Laval va désormais pouvoir prendre le métro pour se rendre au bureau de Montréal afin de faire certifier ses produits plutôt que de devoir se rendre en Europe pour le faire », explique Thierry Warin, professeur associé à HEC Montréal et spécialiste des affaires internationales, en parlant de l’accord Canada-Europe. Un exemple d’apparence banale qui illustre pourtant

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bien les avantages d’une telle entente. L’entreprise qui veut vendre ses produits en Europe n’aura plus besoin de débourser des milliers de dollars pour défrayer les coûts d’un déplacement sur le Vieux Continent (avions, hôtels, etc.). Les entrepreneurs d’ici pourront bientôt faire tout cela à partir du Québec. Des économies de coûts substantielles. « Les Européens sont extrêmement tatillons sur tout ce qui est réglementation et normalisation », ajoute avec un sourire en coin Richard Oulette. Selon lui, la mise sur pied d’un bureau de certification à Montréal est un immense gain pour les entreprises québécoises dans le secteur manufacturier et des produits de façon générale. « Ces traités de libre-échange rendent possible un assouplissement des règles, ils sont donc plus qu’une bonne nouvelle », résume-t-il. « Les petites et moyennes entreprises qui ont eu beaucoup de difficulté à percer le marché européen ces dernières années à cause des problèmes de certification pourront le faire plus aisément. » CONCURRENCEZ, INNOVEZ Cependant, tout n’est pas rose. Les entreprises d’ici devront se retrousser les manches pour se préparer à ces ouvertures de marchés provoquées par les accords de libre-échange puisque ceux-ci vont… dans les deux sens! Plusieurs entreprises européennes salivent à l’idée de conquérir notre marché et sont impatientes de vendre leurs produits chez nous. Est-ce donc une menace pour l’économie québécoise? « Non, puisque nos entreprises seront condamnées à innover. Elles devront par ailleurs faire face à des enjeux de compétitivité et à d’énormes défis de productivité », souligne Stéphane Forget de la FCCQ.

DIPLÔMES D’OR D’ici quelques années, il sera également possible de faire le commerce de services professionnels en Europe de façon beaucoup plus facile, puisque les diplômes seront reconnus de part et d’autre de l’océan. « Difficile de dire quelles industries seront touchées par ces changements, car ceux-ci sont loin d’être complétés », précise Richard Ouellet. « Avec l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, pour la première fois les divers corps professionnels devront s’asseoir ensemble. Canadiens et Européens détermineront si les qualifications professionnelles s’équivalent et donc si les diplômes peuvent être reconnus », explique pour sa part Armand de Mestral. Les ordres professionnels devront s’entendre. Il faudra que chaque acte professionnel fasse l’objet de la même reconnaissance. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Rien ne garantit cependant que les ministères de l’Immigration des différents pays accepteront cette maind’œuvre, ajoute le diplômé de l’Université Harvard. En revanche, la recherche de talent sera plus simple. Sans parler des nombreux immigrants québécois qui verront peut-être enfin leur diplôme reconnus au Canada. AVOCATS SANS FRONTIÈRE Il va sans dire que ces ententes ont des répercussions juridiques. Auparavant, les entreprises avaient souvent besoin de recourir à des avocats bien formés en rédaction de contrats ou en gestion des ressources humaines, mais cette situation est sur le point d’évoluer. « Les avocats doivent désormais bien comprendre les accords de libre-échange pour savoir dans quelle aventure les entreprises se lancent. Dans quelle mesure leur marché est-il vraiment ouvert? À quelles contraintes ces compagnies sont-elles exposées si elles veulent pénétrer

LES TROIS GÉNÉRATIONS D’ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE

1 e GÉNÉRATION Abolition totale ou partielle des barrières tarifaires aux frontières (droits de douane) 2e GÉNÉRATION Inclusion des facteurs de production du capital de la main-d’œuvre et des services 3 e GÉNÉRATION Harmonisation des législations entre gouvernements et reconnaissance des diplômes

« Les grands perdants seront ceux qui n’innoveront pas. La clé, c’est d’innover. Nos entreprises doivent affronter la concurrence en innovant. Or, pour y arriver, il doit y avoir plus de capital », observe aussi Bernard Colas, qui conseille des entreprises manufacturières et de services ainsi que des gouvernements étrangers. Cette nécessité d’innover, ce stress entrepreneurial, Stéphane Forget pense qu’il fait partie de l’ADN des gens d’affaires : « Quand on est entrepreneur, il faut accepter la concurrence. Nous n’avons pas à être gênés au Québec. Nous avons le savoir et l’expertise. La compétitivité doit nous forcer à améliorer notre productivité ».

PREMIÈRES EN AFFAIRES

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d’autres marchés? Est-ce que la concurrence s’en vient sur son marché? Si oui, qu’est-ce qu’elle va pouvoir faire? » : voilà autant de questions que se posent les avocats pour leurs clients. Les activités des entreprises devenant beaucoup plus internationales, il importe de bien connaître les règles de droit des pays avec lesquels on fait affaire. Parfois, il s’agit d’une question de vie ou de mort pour l’entreprise. « Sans banaliser le système, disons que les règles de droit ne sont pas compliquées, c’est plutôt la démarche administrative et les conséquences juridiques du non-respect des lois qui le sont! », conclut Gilles Levasseur, membre fondateur de l’association Coopératives des mutuelles du Canada, dont les revenus dépassent les 300 milliards de dollars. Un avis que ne partage pas Richard Ouellet : « Non seulement c’est complexe, mais ça peut être illégal! Moi, à titre de membre du Barreau du Québec, je n’ai pas le droit de donner mon opinion sur le droit allemand! Je dois trouver un avocat en Allemagne et faire valider mon avis juridique par lui, puisque les compétences des avocats sont seulement reconnues par mon Barreau. Donner mon opinion peut être illégal ». D’où l’intérêt pour les entreprises de consulter un avocat.

PIERRE MARC JOHNSON : « NOUS AVONS TRAVAILLÉ FORT POUR OBTENIR LA CERTIFICATION, ET NOUS L’AVONS OBTENUE!»

« C’est le Québec qui a amorcé cette négociation », se souvient l’ancien premier ministre du Québec Pierre Marc Johnson qui a agi à titre de négociateur en chef du gouvernement du Québec dans le projet d’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG). « Le Québec a su tirer avantage du fait que son négociateur soit un ancien politicien; les représentants des autres provinces étaient plutôt des fonctionnaires spécialisés », précise-t-il d’emblée. « Sirop d’érable, fruits et légumes frais congelés, nourriture pour chien et pour chats, huile de canola, préparations alimentaires… de nombreux secteurs de l’industrie de la transformation alimentaire verront leurs tarifs douaniers sauter, explique-t-il. Parfois des tarifs aussi élevés que 22 % vont fondre d’ici

la mise en vigueur de l’accord dans environ deux ans. D’autres disparaîtront d’ici cinq à sept ans ». « Le Canada n’est pas un marché de grande envergure pour les Européens... car il représente seulement 35 millions de population. En matière de biens donc, le grand gagnant, c’est le Canada qui aura désormais accès à un marché de 500 millions! Là ou l’Europe gagne, c’est en matière d’accès aux marchés publics », estime celui qui a siégé à titre d’administrateur ou de membre de comités aviseurs auprès d’une vingtaine d’importantes sociétés, dont dans le secteur biopharmaceutique, cinématographique et minier. Rappelons par ailleurs que certains groupes, comme le Syndicat canadien de la fonction publique, affilié à la FTQ (SCFP-Québec), demandent toujours au premier ministre du Québec Philippe Couillard de ne pas ratifier cet accord parce qu’ils craignent que l’ouverture des marchés publics (les secteurs municipaux, les villes, les hôpitaux, l’éducation) aux compagnies européennes entraîne une privatisation de services publics canadiens et québécois.

« C’EST LE QUÉBEC QUI A PORTÉ L’IDÉE DE CES NÉGOCIATIONS » JEAN CHAREST, ANCIEN PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC

L’ancien premier ministre du Québec Jean Charest est sans conteste une figure marquante de la diplomatie économique canadienne. Principal instigateur de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, il en serait même le père, selon certains experts. Entretien exclusif avec celui qui se consacre aujourd’hui au droit du commerce et de l’investissement international chez McCarthy Tétrault. PAR FRANCIS HALIN

PREMIÈRES EN AFFAIRES (PEA) : Parlez-nous du rôle du Québec dans cet accord de libre-échange. JEAN CHAREST (JC) : C’est le Québec qui a porté l’idée de ces négociations. Pas seulement moi. J’ai proposé ce projet à Peter Mandelson, qui était le commissaire européen au Commerce en 2007. À l’époque, j’avais aussi été approché par la table ronde de l’économie entre le Canada et l’Europe présidée par Roy McLaren. Roy est un ancien ministre du Commerce international sous Jean Chrétien, un homme formidable. Il y avait également Christos Sirros à Bruxelles, notre délégué à ce moment-là. C’est nous qui avons porté le projet, c’est nous qui l’avons proposé, et le gouvernement du Canada a par la suite endossé l’idée. Alors oui, le Québec a été un déclencheur. L’ancien premier ministre du Québec, PierreMarc Johnson, que nous avons recruté comme négociateur, a été un acteurclé dans la réussite de la négociation. Ne perdez pas de vue que c’est la première fois de l’histoire du pays que les provinces participaient directement aux négociations! Et ça c’est très bien passé. PEA : En quoi cet accord est-il historique? JC : L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne est fondateur, car il oriente notre économie. Il va nous permettre de

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diversifier notre économie, trop concentrée sur le marché américain. En outre, il fait partie d’une nouvelle génération d’ententes qui vont au-delà de la question de l’élimination ou de la réduction des tarifs et qui touchent à l’harmonisation des normes et à la réglementation commune. Cet accord contient aussi une clause d’arbitrage qui oblige chacune des parties à offrir un traitement national aux entreprises étrangères. Essentiellement la règle est la suivante : vous devez traiter les entreprises étrangères de la même façon que vous traitez vos propres entreprises. Cela dit, cette clause est contestée par certains groupes de gauche qui y voient un abandon de la souveraineté des pays signataires. PEA : Comment le Québec parviendrat-il à tirer son épingle du jeu? JC : Dans toutes ces ententes-là, il y a une règle générale : le plus petit des deux joueurs est toujours en meilleure position pour gagner. La loi du nombre joue en notre faveur. L’autre marché est plus grand que le nôtre ; le potentiel est alors plus grand pour nous. C’était vrai pour l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA), ce l’est tout autant pour l’entente Québec-France sur la mobilité de la main d’œuvre, comme pour la nouvelle entente CanadaEurope. PEA : Pourquoi était-il important de traiter de la mobilité de la maind’œuvre?

PREMIÈRES EN AFFAIRES

JC : C’est l’une des clauses de l’entente dont je suis le plus fier. La mobilité de la main-d’œuvre est un enjeu complexe pour les parties, parce que ça relève de la compétence des provinces et de celle des États membres. Or, il y a dans cette entente un signal très important qui favorise la mobilité de la main d’œuvre entre l’Europe et le Canada. C’est important pour nous, car le Canada a des besoins très importants en main d’œuvre. Nous, Canadiens, devons être stratégiques et bouger vite, car il y aura bientôt une très forte compétition dans le monde pour avoir accès à des cerveaux et à des bras… PEA : Mais ne craignez-vous pas justement un exode des cerveaux québécois? JC : Pas du tout, parce que notre nouvelle vie, c’est ça! Il n’y a pas un chercheur de renom sur la planète qui passe sa vie dans le même laboratoire. Ça n’existe plus! Et on le voit dans nos vies personnelles, autour de nous. Ma fille est née canadienne, elle a habité à New York avec son mari qui est d’origine française. Leur fille, ma petite-fille, est Américaine. Ils habitent à Hong Kong maintenant où mon gendre travaille pour une banque néerlandaise. Bref, tournez la question de bord. Si on vous disait : « Non, il ne faudrait pas que vous voyagiez », quelle réaction auriez-vous? Vous diriez : « Il est fou lui! ». Quelqu’un peut-il vraiment dire aux jeunes aujourd’hui : « Arrêtez d’aller ailleurs, restez donc ici »?

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GRANDES TRANSACTIONS

LES FEMMES AUX PREMIÈRES LOGES Elles se sont hissées au sommet de leur profession en accomplissant ce que peu réussissent à faire dans l’un des domaines du droit les plus compétitifs. Parties prenantes de grandes transactions qui ont défrayé les manchettes et fait couler beaucoup d’encre, ces avocates de renom ont bien voulu s’arrêter quelques instants pour partager leur expérience avec Premières en affaires. PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCIS HALIN

CHRISTINE DUCHAINE

LISE ROCHETTE

NATHALIE GAGNON

JULIE HIMO

TRANSACTION : Sodavex est embauché par le bureau torontois McMillan, qui représentait les acheteurs des actifs de la faillite de la Montreal Maine & Atlantic (MMA) après la catastrophe ferroviaire du 6 juillet 2013 qui a fait 47 morts à Lac-Mégantic.

TRANSACTION : Elle a représenté un groupe de propriétaires de l’un des plus importants projets de développement immobilier commercial au Canada, le Lifestyle Quartier Dix30 de Brossard

TRANSACTION : Elle a représenté le Groupe BMR qui a été vendu à La Coop fédérée, via sa bannière Unimat au mois d’octobre 2013.

TRANSACTION : Elle a représenté Yamana Gold Inc. qui a acheté la Corporation Minière Osisko (dans cette transaction Yamana Gold Inc. était acheteur avec Mines Agnico Eagle Limitée). Transaction conclue au mois de juin 2014.

PRÉSIDENTE, SODAVEX, MONTRÉAL

COÛT : Non Disponible Au moment de cette transaction, tout était très secret, mais aujourd’hui nous pouvons en parler, car c’est du domaine public. Disons-le : celle-ci a créé un précédent. La principale difficulté était de négocier avec les représentants des différents paliers de gouvernement. À l’époque, les gens se rendaient bien compte que ce que nous faisions pourrait ensuite être utilisé par d’autres personnesr. Contrairement aux grandes firmes qui offrent des services dans tous les domaines, notre cabinet-boutique est spécialisé en environnement. Nous intervenons lorsqu’il s’agit de traiter les aspects environnementaux d’un litige ou d’une transaction. Dans ce cas-ci, nous travaillions avec le bureau torontois McMillan, qui représentait les acheteurs des actifs de la faillite de la Montreal Maine & Atlantic (MMA). D’ordinaire, nous regardons la situation environnementale d’un terrain et nous convenons d’un partage des responsabilités entre l’acheteur et le vendeur. Dans ce cas-ci, non seulement y avait-il eu une faillite et des ordonnances de la Cour, mais nous devions aussi tenir compte de certaines garanties figurant dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Notre rôle était moins de superviser la transaction que d’être impliqué dans la portion de l’analyse environnementale. Il fallait négocier avec le gouvernement du Québec, principalement avec le ministère de l’Environnement. Concrètement, une grande partie du travail était de la rédaction. Notre lettre d’entente devait protéger au maximum les acheteurs contre une responsabilité actuelle et future, tant sur le plan législatif que sur l’interprétation que font les tribunaux de tels enjeux.

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AVOCATE ASSOCIÉE, FASKEN MARTINEAU, MONTRÉAL

COÛT : Un peu plus d’un demi-milliard de dollars Dans cette transaction, je représentais les vendeurs. Étant donné que je travaille avec eux depuis plus de dix ans, je connais très bien leur entreprise. Ce qui était particulier dans ce cas-ci, c’était que nous n’avions pas vendu 100 %, mais 50 % du projet. C’était assez complexe parce que le partenariat regroupait plusieurs entités : le fonds de pension d’Hydro-Québec, le fonds de pension de la Ville de Québec, un fonds privé qui ultimement appartenait à la famille Bombardier, ainsi que le groupe Dynamite qui est dans le commerce de détail. Enfin, le Groupe Thabet de Beauce et Aldo faisaient aussi partie de l’entité en question. Nous avons pris soin de bien structurer toute la détention avant de procéder afin d’avoir de la souplesse lors de son exécution. L’acheteur était le fonds de pension des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), et plus précisément l’une de leur filiale immobilière (Oxford). Pour ce qui est de la gestion, celle-ci était partagée entre deux entités, soit le groupe Oxford et le Groupe Carbonleo. Dans ce cas-ci, il s’agissait d’une propriété en développement. Il fallait donc estimer les coûts de la partie nondéveloppée du bâtiment. En général, les développeurs vont à la vitesse grand V. Il faut donc effectuer un travail de qualité dans des délais très serrés en demeurant toujours à l’écoute de nos clients. J’ai remarqué un rétrécissement des délais ces dernières années… il faut aller vite.

AVOCATE ASSOCIÉE, DROIT DES AFFAIRES COMMERCIAL ET CORPORATIF, BCF, MONTRÉAL

COÛT : Les ventes annuelles du Groupe BMR sont évaluées à 1,4 milliards de dollars J’aime les secteurs qui touchent Monsieur et Madame Tout-le-monde. Pour moi, il est important que les dossiers sur lesquels je travaille aient un impact direct sur la vie des gens et dans l’économie québécoise en général. Avant tout, je suis une femme de projets. Dans cette transaction, il fallait s’assurer que le Groupe BMR ne perde pas son identité dans La Coop fédérée. Tant la direction de BMR que leurs actionnaires et leurs marchands souhaitaient préserver leur modèle d’affaires. Comme c’est courant dans ce type de dossier, les avocats interviennent normalement pour que les parties se rapprochent. Quand il y a volonté de réaliser un projet, nous produisons une lettre d’intention pour établir les grands paramètres. Cette lettre peut comporter de cinq à dix pages, mais elle peut aussi en faire vingt. Plus le travail est effectué en amont, plus il est facile d’éviter les embûches. Dans un projet comme celui-ci, tout est dans la planification. Il vaut toujours mieux penser à l’avance aux embûches qui peuvent survenir. Si tu règles un problème à la semaine 1 du projet, c’est mieux que de le faire à la semaine 10. J’adore le transactionnel, car j’y retrouve l’esprit d’équipe qui me passionne tant. J’aime comprendre la stratégie des dirigeants. Dans cette transaction, La Coop fédérée voyait une synergie possible pour élargir la portée de leur marché en quincaillerie. De leur côté, le Groupe BMR cherchait à assurer la pérennité de l’entreprise.

AVOCATE ASSOCIÉE ET ADMINISTRATRICE DU GROUPE LITIGES, NORTON ROSE FULLBRIGHT, MONTRÉAL

COÛT : 3,9 milliards de dollars Nous étions plusieurs à faire partie de l’équipe qui a conclu cette grande transaction. Pour ma part, j’ai participé à celle-ci vers la fin, lorsqu’il fallait la faire approuver par la Cour. Je suis intervenue au moment de l’approbation de la transaction, car ma collègue Sophie Melchers, qui avait préparé la requête, n’était pas disponible pour aller la présenter. Il y a donc eu une importante partie de négociations que mes collègues associés en droits des affaires de Toronto ont effectuées en amont. L’approbation du plan d’arrangement est une étape qui se déroule normalement sans trop de difficultés. Or, dans ce cas-ci, nous avons fait face à un défi de taille, car une semaine avant l’audition, nous avons reçu une requête en injonction signifiée par une partie qui disait être affectée par ladite transaction. Cette procédure nous a évidemment forcés à intervenir rapidement pour négocier avec cette partie et nous assurer que le plan d’arrangement pouvait être approuvé malgré cette demande d’injonction. J’ai dû prendre connaissance de la prétention de la partie adverse, analyser la documentation, obtenir les instructions du client, négocier afin de trouver un terrain d’entente et préserver la transaction qui était sur le point d’être approuvée. Ça a été un défi en soi, puisqu’il fallait faire intervenir plusieurs personnes d’horizons différents avec des expertises variées. J’aime la restructuration financière d’entreprise insolvable. J’espère donc avoir encore la chance de m’occuper de tels dossiers au cours des prochains mois et des prochaines années.

PREMIÈRES EN AFFAIRES

NATALIE BUSSIÈRE AVOCATE ASSOCIÉE, BLAKES, MONTRÉAL

TRANSACTION : Elle a représenté la société écossaise Standard Life plc dans le cadre de la vente de ses activités canadiennes à la société ontarienne Société Financière Manuvie. COÛT : 4 milliards de dollars Dans le cadre de cette transaction, annoncée à la fin de l’été 2014 et dont la clôture a eu lieu au début du mois de février dernier, mon équipe et moi représentions Standard Life plc, dont les activités canadiennes ont été acquises en grande partie par la Société Financière Manuvie. Il s’agissait d’une très belle transaction! Il n’y avait pas beaucoup d’obstacles, car ces compagnies sont très bien organisées et leurs équipes sont ultrasophistiquées. Il y a évidemment eu plusieurs négociations, étant donné le grand nombre d’employés et de régimes sociaux devant faire l’objet d’ententes, mais d’un point de vue légal, nous n’avons rencontré aucun heurt majeur ou problème particulier dans ce dossier. Tout s’est très bien déroulé. Bien entendu, quand les entreprises sont inscrites en bourse, il faut faire très attention pour respecter la confidentialité des parties. Les équipes qui ont accès à l’information au sein des entreprises sont souvent très restreintes. J’appelle ça le « Cone of Silence ». Il faut éviter de poser une question à quelqu’un qui n’est pas au courant de ladite transaction. En outre, dans ce cas-ci, il s’agissait du secteur des services. Et qui dit services dit main d’œuvre : une dimension à laquelle on doit accorder une grande importance. C’est en grande partie pour cette raison que j’ai aimé mon expérience, car je me spécialise dans la question des régimes de retraite et des avantages sociaux

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« LE MODÈLE DES HEURES FACTURABLES NE GARANTIT PAS LA QUALITÉ DU TRAVAIL » Deborah Epstein Henry est cofondatrice et directrice générale de Bliss Lawyers, un modèle de cabinet nouveau genre qui regroupe sur sa plateforme virtuelle des avocats de haut calibre issus de plusieurs départements juridiques et des clients provenant d’une douzaine d’États. Experte de renommée internationale, elle s’est penchée sur l’avenir de la profession juridique, le rôle des femmes et l’équilibre travail-vie personnelle. Elle est l’auteure de Finding Bliss: Innovative Legal Models for Happy Clients & Happy Lawyers.

PAR MARINE THOMAS

PREMIÈRES EN AFFAIRES (PEA) : Quels sont les changements structurels que subissent actuellement les cabinets d’avocats?

« En tant qu’avocat, nous sommes même incités à ne pas régler rapidement une situation, car plus celle-ci se prolonge, plus nous sommes payés. »

DEBORAH EPSTEIN HENRY (DEH) : Richard Susskind évoque quatre grands changements dans l’industrie des services juridiques. Le premier est la mondialisation du travail. Celui-ci est de plus en plus compétitif, car la concurrence est désormais mondiale, et non plus uniquement locale. Le deuxième est la ségrégation. Auparavant, les cabinets d’avocats s’occupaient d’une représentation ou d’un litige, du début à la fin. Aujourd’hui, les clients disposent de différents types de fournisseurs de services juridiques qui abordent et gèrent les différentes parties des représentations, ce qui a pour conséquence une baisse des revenus des cabinets d’avocats. Le troisième changement concerne l’automatisation. Une grande partie du travail, auparavant accompli par des avocats débutants, peut maintenant se faire d’une manière beaucoup plus automatisée avec la technologie. Enfin, le nombre de collaborateurs juniors a été réduit afin de maintenir les revenus des partenaires élevés. PEA : Pourquoi optez-vous pour un modèle différent de celui des autres cabinets en délaissant l’évaluation des coûts en heures? DEH : C’est ce que j’appelle l’« évaluation de valeur » (Value Mesure). Il s’agit en fait de redéfinir la valeur selon trois critères : la qualité du travail, l’efficacité et les résultats obtenus. La manière dont ces trois facteurs interagissent est l’élément

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déterminant de la valeur, bien plus que le temps écoulé. Certains cabinets ont même adopté ce qu’on appelle des « structures tarifaires alternatives ». Imaginons que vous êtes un cabinet d’avocats spécialisé en litiges de la responsabilité des produits depuis trente ans. Vous devriez être en mesure d’estimer combien de temps prendra chacune des étapes du règlement d’un litige. Mais les cabinets sont réticents à adopter cette méthode, car ils ne veulent pas assumer les risques s’ils se trompent. Or, quand la confiance règne entre un client et un cabinet d’avocats, ils peuvent établir ensemble des points de contrôle pour s’assurer qu’aucune partie ne soit injustement lésée.

de dépassement. Or les femmes, historiquement, ne cumulent pas autant d’heures de travail, elles sont donc désavantagées, même si leurs résultats sont bien souvent meilleurs. PEA : Quelles mesures peuvent implanter les cabinets afin de mieux reconnaître la valeur des femmes? DEH : Les cabinets d’avocats ont une façon traditionnelle de reconnaître le développement de l’entreprise, qui consiste à valoriser la personne qui a eu le premier contact avec le client. Plus vous ramenez de clients, plus on vous valorise et plus vous devenez compétitif. Beaucoup de femmes sont très efficaces pour le réseautage et savent bien comment entretenir les relations avec les clients. Néanmoins, elles ne scellent pas d’accords, et les systèmes de rémunération ne tiennent pas compte de toute l’importance des compétences d’entretien de la relation et du service au client. Elles ne sont conséquemment pas récompensées à la hauteur de leurs efforts. J’encourage donc les cabinets à adopter des programmes afin d’aider les femmes à améliorer leurs compétences en réseautage, mais aussi à les rémunérer de manière plus appropriée.

PEA : Vous avez mené une enquête nationale Best Law Firms for Women afin de sélectionner les 50 meilleurs cabinets d’avocats pour les femmes. D’après vous, quelles sont les meilleures initiatives qui favorisent la promotion des avocates? DEH : Le « parrainage » est l’une des formules que nous préconisons. L’idée, c’est de développer des alliances stratégiques. Ce n’est pas forcément le cas pour les autres industries, mais, pour les cabinets d’avocats, je pense vraiment que le parrainage doit se faire par l’entremise du processus d’affectation. La plupart du temps, les collaborateurs sont prêts à soutenir des gens seulement s’ils ont personnellement travaillé avec eux et s’ils peuvent témoigner de leur expérience. Donc, si on accorde plus d’attention au processus d’affectation et si on donne la chance aux individus de travailler avec des collaborateurs et des clients influents, cela peut être une façon très efficace de développer des relations de parrainage.

« Les systèmes de rémunération ne tiennent pas compte de l’importance des compétences d’entretien de la relation et du service au client. »

PEA : Pensez-vous vraiment que ces changements répondent mieux aux besoins des clients? DEH : Oui, car le modèle des heures facturables ne garantit pas la qualité du travail ni l’efficacité. D’ailleurs, en tant qu’avocat, nous sommes même incités à ne pas régler rapidement une situation, car plus celle-ci se prolonge, plus nous sommes payés. Il y a donc un conflit d’intérêts avec le client qui, lui, souhaite résoudre le problème le plus vite possible. Ces changements sont avantageux pour le client, mais si cela est fait convenablement, ils devraient l’être aussi pour le cabinet, qui encourage alors l’efficacité et les bons résultats. Quand vous fonctionnez sur le modèle des heures facturables, plus vous facturez d’heures, plus vous générez de l’argent pour le cabinet, ce qui favorise indûment les temps

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INDÉTRÔNABLE CORRUPTION En décembre 1989, la Roumanie se débarrasse brutalement de son dictateur Nicolae Ceaușescu. Les Roumains, privés de tout, découvrent alors avec stupéfaction que la famille régnante vit dans une opulence digne des plus grandes fortunes mondiales. Cette prise de conscience, conjuguée à la chute du communisme, ouvre toute grande la porte à la corruption, qui, depuis les années 1990, ne cesse de gangréner la sphère politique. Or, en 2007, l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne force le pays à entreprendre une longue série de réformes dans le domaine de la justice. La création de la Direction nationale anticorruption amorce son opération « mains propres ». Avec la nomination de la procureure Laura Kövesi à la tête de la DNA, le nombre de condamnations explose.

LAURA CODRUȚA KÖVESI

LA DAME ANTICORRUPTION DE ROUMANIE Six ministres et parlementaires, 34 maires et vice-maires ainsi que dix chefs d’entreprises sont tombés sous son couperet. En à peine un an, elle a réussi à faire condamner près de 1 000 personnes dans l’un des pays les plus corrompus d’Europe, la Roumanie. La juriste Laura Codruța Kövesi à la tête de la puissante Direction nationale anticorruption (DNA) ne cesse de faire trembler l’échiquier politique de son pays. Et elle n’a pas dit son dernier mot. PAR MARIE-JOSÉE CARDINAL

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ongtemps considérée comme l’un des pays les plus corrompus d’Europe, la Roumanie donne aujourd’hui une leçon de courage et d’intégrité au monde entier. À la tête de la Direction nationale anticorruption depuis 2013, Laura Codruța Kövesi (prononcer Kovèche) prend rarement la parole. La journaliste Julia Beurq, qui couvre l’actualité roumaine pour les médias français, l’a rencontrée : « C’est une femme brillante, nous confie-t-elle. La Roumanie est une société qui demeure assez patriarcale.

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Les femmes qui ont autant de pouvoir sont rares! » Mais à 41 ans, cette ancienne championne de basketball, dont le père était procureur sous Ceaușescu, possède une solide expérience dans la lutte anticorruption. Après des études de droit à l’université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, elle occupe la fonction de procureure au sein de la Direction d’investigation des infractions du crime organisé et du terrorisme (DIICOT) pendant six ans. Nommée procureure générale de Roumanie, elle devient, en 2006, la plus jeune candidate et la première femme à occuper ce poste.

« MICROSOFTGATE » Depuis, pas une semaine ne passe sans qu’éclate un nouveau scandale lié à la corruption. Les journalistes font même le guet en permanence devant les bureaux de la Direction nationale anticorruption pour connaître la dernière prise de Laura Kövesi. L’an dernier, les 86 procureurs ont traité plus de 9 000 dossiers de corruption : le plus grand nombre de cas depuis la création de la DNA.

Accusé de corruption et de trafic d’influence, le député Viorel Hrebenciuc, éminence grise du Parti socialdémocrate, aurait ainsi mis la main sur 120 kilomètres carrés de forêt, l’équivalent de la moitié de la surface de Bucarest. Mais il n’y a pas que la classe politique qui soit visée par la DNA. Plusieurs hommes d’affaires, dont le milliardaire Ioan Niculae, sont également poursuivis pour des infractions allant du blanchiment d’argent à des tentatives pour « saper l’économie nationale ». L’INDÉPENDANCE DANS LA LOI Si les choses commencent à changer en Roumanie, c’est grâce à une autre femme qui a fait de la lutte anticorruption son cheval de bataille, Monica Macovei. Bien que créée en 2002, la Direction nationale anticorruption ne peut réellement fonctionner qu’à partir de 2005, alors que Monica Macovei, ministre de la Justice de 2004 à 2007, lui donne son indépendance et ses pouvoirs. La journaliste Julia Beurq dit d’elle qu’il s’agit de « quelqu’un de très droit, qui détonait vraiment à l’époque dans le paysage politique. » L’année dernière, une loi qui aurait empêché la DNA de mener des enquêtes contre des députés, sénateurs ou maires suspectés de corruption a failli être votée. Mais l’opposition s’est manifestée avec force. Pas question de revenir en arrière.

L’an dernier, les 86 procureurs ont traité plus de 9 000 dossiers de corruption : le plus grand nombre de cas depuis la création de la DNA.

À l’automne 2014, dans l’affaire baptisée « Microsoftgate », neuf anciens ministres sont accusés d’avoir reçu d’énormes pots-de-vin en échange de l’achat de logiciels à des prix jusqu’à cinq fois supérieurs à ceux du marché pour informatiser les écoles roumaines. Deux semaines plus tard, une autre enquête secoue la vie politique, alors que la DNA révèle que des forêts entières appartenant à l’État ont été cédées de façon illégale à des investisseurs privés.

Palace de Nicolae Ceaușescu

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En janvier 2014, l’ex-Premier ministre Adrian Năstase a été condamné à quatre ans de prison ferme pour corruption.

Le travail de la DNA a sonné le glas de la culture de l’impunité héritée de l’État communiste.

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« C’est précisément l’indépendance des procureurs qui a contribué à augmenter l’efficacité du combat contre la corruption, précise Laura Kövesi, dans une entrevue à la revue Regard. Si les procureurs étaient sous la direction du ministère de la Justice, je ne pense pas qu’ils auraient pu aller jusqu’au bout d’une enquête dans laquelle peut avoir été impliqué un membre du gouvernement ou un parlementaire. » La réforme de la justice a clairement ébranlé l’impunité dont jouissaient nombre de responsables politiques avant 2005. La condamnation définitive, en janvier 2014, de l’ex-Premier ministre Adrian Năstase à quatre ans de prison ferme pour corruption et celle de Dan Voiculescu, ancien collaborateur de la Securitate (police politique secrète sous l’ère communiste) devenu milliardaire, à cinq ans d’emprisonnement, sont devenus les symboles d’une justice qui se veut la même pour tous. C’est également à Monica Macovei que les Roumains doivent la création, en 2007, de l’Agence nationale pour l’intégrité (ANI), chargée de surveiller le patrimoine des élus et des fonctionnaires de l’administration centrale et locale. Tous les ans, le chef de l’État et le chef du gouvernement, ainsi que tous les ministres, les chefs des services de renseignement, les maires et les conseillers régionaux et locaux sont tenus de faire une déclaration de leur patrimoine rendue publique par l’ANI. Cette institution, qui n’existe nulle part ailleurs, impose un véritable examen de transparence aux élites roumaines. À elle seule, l’ANI a mené plus de 7 000 enquêtes, dont plus de la moitié ont abouti devant les tribunaux.

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IMPUNITÉ : SUITE ET FIN Le 16 novembre 2014, les Roumains élisent Klaus Iohannis à la présidence. Dans ce pays de quelque vingt millions d’habitants, le plus pauvre de l’Union européenne après la Bulgarie, l’élection de Klaus Iohannis, qui avait axé sa campagne sur la lutte contre la corruption et la consolidation de l’État de droit, est un véritable espoir pour le peuple. Le fléau de la corruption est encore loin d’être éradiqué en Roumanie, mais le travail de la DNA a sonné le glas de la culture de l’impunité héritée de l’État communiste. « Les citoyens ont pris leur courage à deux mains. Désormais, ils dénoncent les faits de corruption, a confié Laura Kövesi à Julie Beurq. Selon moi, c’est la preuve d’un changement de mentalité. » On ne s’étonnera donc pas que Laura Kövesi vive en permanence avec une protection rapprochée. Qu’à cela ne tienne, aucune menace ne semble pouvoir ralentir son ardeur. Laura Kövesi est d’autant plus déterminée à poursuivre son combat que l’Union européenne, dans son dernier rapport sur la lutte anticorruption, vient de lui accorder une reconnaissance en classant la DNA et la Roumanie parmi les cinq pays montrant l’exemple à suivre. « Les Roumains ont beaucoup d’espoir dans l’institution que représente Laura Kövesi, conclut la journaliste Julia Beurq. Je ne sais pas ce que ça va changer pour les femmes. Mais une chose est sûre, ça va changer beaucoup au niveau de la corruption. »

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LOUISE OTIS MÉDIATEURE, ARBITRE ET JUGE ADMINISTRATIVE INTERNATIONALE

DROIT AU COEUR

« DANS SEULEMENT 5% DES CAS, NOS JUGEMENTS VONT DEVENIR DES GRANDS ARRÊTS QUI ORIENTERONT LA SOCIÉTÉ ; 95% DU TEMPS, UN JUGE RÈGLE LES PROBLÈMES CONCRETS DES INDIVIDUS. IL FAUT DONC ÊTRE HUMBLE. ON EST LÀ POUR SERVIR LA PERSONNE HUMAINE D’ABORD ET AVANT TOUT. »

INSPIRING JUSTICE “ONLY 5% OF THE JUDGEMENTS WE RENDER WILL BECOME LANDMARK CASES THAT WILL HELP STABILIZE SOCIETY; THE OTHER 95% OF THE TIME, JUDGES SOLVE AN INDIVIDUAL’S CONCRETE PROBLEMS. SO, IT IS IMPORTANT TO BE HUMBLE. FIRST AND FOREMOST, WE ARE HERE TO SERVE PEOPLE.” Par Marine Thomas

NOUS TENONS À REMERCIER L’HÔTEL ALT MONTRÉAL D’AVOIR ACCUEILLI NOTRE ÉQUIPE

Crédits Photos : Bénédicte Brocard/photoatwork.com ; Assistant photo : Phil Bernard ; Maquilleuse : Amélie Bertrand Traduction : TRSB

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AVOCATE SYNDICALISTE Après son Barreau, elle entre dans un petit cabinet de droit du travail. On est dans le Québec des années 70, l’époque des grands combats pour de meilleures conditions de travail. Tout juste adopté en 1964, le Code du travail laisse de nombreuses zones grises à explorer. « En grandissant, j’ai vu la vie des gagnepetit, des travailleurs non-couverts par une assurance collective qui, après un accident, ne pouvaient plus nourrir leur famille. Lorsque je suis arrivée dans le droit du travail pour les salariés, j’ai senti que j’étais chez moi. »

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mpressionnée. Comment ne pas l’être, en découvrant la biographie de cette médiateure que se disputent les plus grandes instances internationales? Ancienne juge à la Cour d’appel, actuelle présidente du tribunal administratif de l’OCDE, elle a implanté un système de médiation révolutionnaire chez les juges, reproduit un peu partout dans le monde, et a réformé le système judiciaire de l’ONU, du FMI et de la Banque mondiale... pour ne nommer que cela! Pourtant, c’est une femme d’une grande simplicité qui m’accueille avec chaleur et partage son parcours avec beaucoup de générosité. Née à Matane, elle est la dernière et seule fille d’une famille de six garçons. Son père, travailleur forestier, part neuf mois par année dans les forêts de la Côte-Nord. Sans instruction, mais doté d’une grande curiosité intellectuelle, il emporte toujours avec lui une section de l’encyclopédie. À son retour, il passe de longues heures à raconter autour de la table tout ce qu’il a appris. Pour se faire une place dans ce milieu familial masculin, Louise apprend très vite à maîtriser l’art de la rhétorique. C’est donc sans surprise qu’elle se dirige vers une carrière d’avocate.

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mpressed. How not to be when you discover the biography of this mediator that the largest international bodies compete for? Former judge at the Court of Appeal, current president of the Administrative Court of the OECD, she has implemented a revolutionary system of mediation among judges, later reproduced by the rest of the world and reformed the judicial system of the UN, IMF and World Bank ... to name a few! Yet it is a woman of great simplicity who welcomes me warmly and shares her journey with great generosity. Born in Matane, Louise Otis was the youngest of seven children and the only girl. Her father, a forestry worker, was away for nine months out of every year in the North Shore forests. Uneducated but intellectually curious, he always took a volume of the encyclopedia with him. Once back home, he would spend many hours at the table telling his family what he had learned about Nigeria, if he had taken the letter N. To carve out a place in this man’s world, Louise quickly mastered the art of rhetoric. So it’s no surprise that she chose a career in Law.

Avec une passion totale, Louise va passer les quinze prochaines années à négocier les premières accréditations des travailleurs du secteur public et parapublic, des forêts et des communications et défendre les intérêts des grands syndicats comme la CSN et de la FTQ. Elle vit à un rythme effréné et demeure disponible de jour comme de nuit. Elle est aux côtés des ouvriers lors des grandes luttes syndicales qui ont marqué l’histoire québécoise. Elle n’hésite pas à apporter de la nourriture aux leaders emprisonnés au moment des grands conflits du Front commun, ou à voler à la défense des travailleurs lors des saccages de la Baie-James, alors qu’elle est enceinte de huit mois. Même quand elle se retrouve mère monoparentale avec un fils âgé de sept mois, son implication ne diminue pas. Seule, sa famille étant restée en Gaspésie, elle peut compter sur le soutien de ses collègues avocats, mais surtout sur une santé de fer et une capacité à enchaîner les journées de 22 heures! « Je rentrais chez moi m’occuper de mon fils, préparer mon contre-interrogatoire pendant qu’il était au lit, je le promenais dans l’appartement toute la nuit lorsqu’il faisait ses dents, avant de prendre une douche puis de retourner à la Cour », se remémore-t-elle.

UNION LAWYER After joining the Bar, she joined a small labour law firm. The 70s in Québec was an era when workers united to fight for better working conditions. There were many grey areas in the recently-adopted (in 1964) Labour Code that needed to be explored. “Growing up, I saw how the working poor lived, workers who had no group insurance and could no longer feed their families if they were injured in an accident. When I arrived in labour and employment law, I felt right at home. ”Louise would spend the next fifteen years single-mindedly negotiating the first certifications of workers in the public and para-public sectors, forestry and communications, and defending the interests of big unions such as the CSN and the FTQ. Her schedule was extremely demanding as she was on call 24/7, supporting workers in the major trade union disputes that marked Québec history. She even brought food to labour leaders imprisoned as a result of the big Common Front strikes, and rushed to defend workers after the James Bay project was vandalized; she was eight months pregnant at the time. Even when she ended up a single mother with a seven-month-old son, she did not cut back her involvement. Alone, since her family was in Gaspésie, she could count on the support of her colleagues but, first and foremost, on an iron constitution and an ability to work 22-hour days back-toback! “I used to go home, put my son to bed and prepare my cross-examination while he slept; when he was teething, I would walk him up and down the apartment all night, then take a shower and head back to Court,” she recalls.

Tout bascule lorsqu’elle est nominée pour siéger à la Cour supérieure. L’avocate engagée doit céder la place au juge neutre. Afin de bien marquer son nouveau statut, elle invite tous les présidents des syndicats le jour de sa prestation de serment. « Dans ma tête, ce rite de passage a été très important, car c’était une transformation totale dans ma vie », évoque-t-elle, encore émue.

Everything changed when she was appointed to the Québec Superior Court. The committed lawyer now had to give way to the neutral judge. To mark her new status, she invited all the union presidents to her swearing-in ceremony. “I thought this rite of passage was very important because it was a turning point in my life,” she says, moved by the memory of that moment.

PREMIÈRES EN AFFAIRES

« En grandissant, j’ai vu la vie des gagnepetit, des travailleurs non-couverts par une assurance collective qui, après un accident, ne pouvaient plus nourrir leur famille. Lorsque je suis arrivée dans le droit du travail pour les salariés, j’ai senti que j’étais chez moi. » 27


LA SOLITUDE DU JUGE Cette transition ne se fait pas sans heurts. Louise souffre du changement de rythme et de l’isolement propre à sa nouvelle fonction. Le téléphone ne sonne plus. Elle mange seule. « Je me posais de sérieuses questions, je me demandais ce que je faisais là. C’était très difficile... j’ai même songé à quitter la magistrature! », confie-t-elle. Finalement, le juge en chef lui donne la coordination de la Gaspésie, ce qui lui permet de retrouver le contact avec les gens. Ce nouvel équilibre lui permet d’apprécier les grandes réflexions sur des problèmes de droit complexes et de s’épanouir dans son nouveau rôle. Loin d’être rebutée par la dimension abstraite du droit, Louise s’en nourrit, notamment parce qu’elle n’oublie jamais d’y replacer l’humain au centre. « Dans seulement 5% des cas, nos jugements vont devenir des grands arrêts qui orienterons la société ; 95% du temps, un juge règle les problèmes concrets des individus. Il faut donc être humble. On est là pour servir la personne humaine d’abord et avant tout. »

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THE JUDGE’S SOLITUDE The transition was not without its challenges. Louise suffered from the change of pace and the solitary nature of her new position. The telephone was silent. She ate alone. “I was asking myself some serious questions, wondering what I was doing there. It was very difficult. I even considered leaving the judiciary,” she admits. Finally, the Chief Justice entrusted her with coordinating the Gaspé Peninsula, which put her back in contact with people, and she flourished in her new role. This new balance in her career also enabled her to delve into complex legal issues. Far from being put off by the abstract nature of law, Louise was nourished by it, because she never forgot that it is essentially all about people. “Only 5% of the judgements we render will become landmark cases that will help stabilize society; the other 95% of the time, judges solve an individual’s concrete problems. So, it is important to be humble. First and foremost, we are here to serve people.”

En 1993, après seulement trois ans, elle est appelée à siéger au plus haut tribunal du Québec, la Cour d’appel. Elle est alors l’une des plus jeunes femmes à y accéder. Mais là encore, elle doit s’adapter à un nouveau rythme. « Je pensais que la Cour supérieure, c’était l’isolement...là, j’entrais au monastère! », raconte-t-elle en riant.

In 1993, after only three years, she was called to sit on the highest court in Québec, The Court of Appeal. At that time, she was one of the few female judges to serve on the appellate court, and also among the youngest. But there again, she had to adapt to a new rhythm. “I thought the Superior Court was isolating but there, it was like I was entering a monastery,” she notes, laughing.

UNE RÉVOLUTION JUDICIAIRE Pendant les premières années, elle doit rendre des jugements sur des décisions concernant aussi bien le droit criminel que le droit civil ou le droit familial. Ce dernier la préoccupe particulièrement. Consciente de l’importance fondamentale de l’accès à la justice au plus grand nombre, elle regarde, impuissante, ces citoyens qui n’hésitent pas à hypothéquer leur maison pour régler leur conflit devant la Cour. « Je me disais que cela n’avait pas de sens. C’était des problèmes qui auraient dû être réglés par des négociations à un autre échelon. » Pendant un an, elle mûrit sa réflexion. Un soir de Noël, alors qu’elle est seule, elle a une illumination : une médiation judiciaire portée par les juges eux-mêmes. « C’était une révolution dans la mission traditionnelle du juge. Il était un agent de solution des litiges, il pouvait devenir un agent pacificateur de la société. » Mais l’idée est loin de faire l’unanimité. « J’ai été perçue comme la personne qui voulait enlever le prestige de la magistrature », explique-t-elle. Face à la véritable fronde de tout le milieu, elle peut compter sur le précieux soutien de Pierre Michaud, juge en chef de la Cour d’appel, qui accepte de la laisser développer un projet-pilote. Elle met alors les bouchées doubles.

A JUDICIAL REVOLUTION During the early years, she handed down judgements in criminal, civil, and family law cases, though the latter were of particular concern to her. Recognizing the fundamental importance of universal access to justice, she nevertheless had to watch helplessly as ordinary people mortgaged their homes to settle their disputes in court. “I said to myself, this simply doesn’t make sense. These issues should be settled through another kind of process.” For a year, she pondered the matter. Then, alone one Christmas night, she had an inspiration: why not offer a judicial mediation service? “It revolutionized the traditional role of judges. They already played a role resolving disputes, why could they not be peacemakers as well?” But her idea was not welcomed with open arms, to say the least. “People thought I was undermining the prestige of the judiciary,” she explains. Faced with the displeasure of the entire community, she could nevertheless count on the invaluable support of Pierre Michaud, the Chief Justice, who agreed to let her develop a pilot project. During this time, she worked overtime: as the only one involved in the project, she mediated in the evening, in addition to her usual court schedule.

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En collaboration avec des architectes, elle dessine la conception des espaces où doivent se dérouler les médiations. Elle place les parties en conflit autour de tables ovales roses qui se rejoignent presque. Afin de différencier le juge d’un médiateur privé, elle surélève celui-ci sur un petit podium. Elle établit ensuite qu’un juge médiateur ne pourra jamais entendre une cause si la médiation échoue et que lui seul pourra garder le dossier sous verrou dans son cabinet. Le greffier ignorera qu’il y a eu une médiation. Enfin, le projet de jugement ne circulera pas auprès du médiateur. « Les deux premières années ont été très difficiles sur le plan émotionnel, parce que la communauté n’était pas prête. Mais c’est grâce aux critiques dures, parfois injustes, mais aussi sensées et légitimes, que j’ai pu développer un outil solide. » Finalement, le programme devient permanent. Les juges, d’abord réfractaires, finissent par l’adopter. La Cour supérieure l’approche alors pour qu’elle développe un système similaire de réglements à l’amiable. Devant ce succès, son modèle de conciliation judiciaire devient rapidement une source d’inspiration au-delà des frontières québécoises, et au cours des années suivantes, Louise va former des cohortes de juges médiateurs partout au Canada. Puis, c’est au tour de la Belgique et de la France de faire appel à elle, et par la suite, Haïti, le Brésil, la Russie et la Chine.

In collaboration with architects, she designed the mediation rooms. She had the conflicting parties sit at separate pink oval tables that almost touched. To differentiate judges from private mediators, she placed them on a small podium. She then determined that a mediating judge could never hear a case if the mediation failed, and had to keep the file locked away in his or her office. Mediation sessions were not filed with the court registry. And, the draft judgement was not to be given to the mediator. “The first two years were very difficult emotionally, because the community wasn’t ready. But the feedback I received, sometimes harsh and unfair but also appropriate and well-thought-out, enabled me to develop a solid tool.” In the end, the program became permanent, and the judges who initially resisted ended up adopting it. The Superior Court next approached her to have her develop a system for out-of-court settlements. The success of this initiative meant that her model of judicial conciliation quickly became an inspiration beyond Québec’s borders, and in the coming years, Louise would train groups of mediating judges across Canada. Belgium and France also called on her, and then she was off to Haiti, Brazil, Russia and China.

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« C’était une révolution dans la mission traditionnelle du juge. Il était un agent de solution des litiges, il pouvait devenir un agent pacificateur de la société. »

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RÉFORMER L’ONU C’est par le fruit du hasard que se produira ce qu’elle décrit comme le plus grand et le plus exaltant mandat de sa vie : la réforme du système de Justice administrative de l’Organisation des Nations unies (ONU). De passage au Québec, l’avocat et fonctionnaire pour l’ONU, André Sirois, capte une entrevue de Louise Otis à la radio. À son retour à New York, il parle de son programme de médiation unique au monde. À ce moment-là, l’ONU cherche un spécialiste en résolution de conflits pour faire partie du comité chargé de la réforme de la Justice administrative. En décembre 2006, elle reçoit une invitation du Secrétaire Général des Nations unies. Malgré ce grand honneur, elle n’est pas libérée de sa fonction de juge. Bien que ses collègues récupèrent une partie de ses dossiers, elle continuera de faire des allers-retours entre le Québec et les États-Unis, ratant plusieurs voyages organisés par l’ONU, notamment la visite du Tribunal international au Rwanda.

REFORMING THE UNITED NATIONS It was pure coincidence that she was offered what she described as the most important and exciting mandate of her life: reforming the United Nations’ Administrative Justice System. Passing through Québec, UN lawyer and official André Sirois, heard an interview with Louise on the radio. On his return, he talked to people about her unique mediation program. It just so happened that, at that time, the UN was looking for a conflict resolution specialist to join the committee responsible for reforming their Administrative Justice System. In December 2006, she was invited by the UN Secretary General to be a part of that committee. Despite this great honour, she had to continue to fulfill her responsibilities as a judge. Her colleagues took some of her files, and she made non-stop return trips, thereby missing many of the organized treks, such as a visit to the International Criminal Tribunal for Rwanda.

Ce mandat est surtout pour elle l’occasion de faire une des rencontres qui marquera sa vie : Mary Gaudron, première femme juge de la Cour suprême d’Australie. « C’était un personnage. Une petite bonne femme qui doit mesurer 4’11’’, qui boit du vin blanc bouteille après bouteille, qui part en pleine réunion pour fumer une cigarette...mais qui est un vériable génie! » Cela fait un mois que le comité se réunit. Un soir, elle se retrouve assise en face de Mary et elles se mettent à discuter. La chimie opère immédiatement entre les deux anciennes avocates syndicalistes. Ensemble, elles vont travailler jour et nuit pour créer un système judiciaire qui n’existe nulle part ailleurs. Louise imagine les contours d’un service d’ombudsman et de médiation, avec des juges volants qui se déplacent et un greffier pour entendre les causes. Mary conçoit un tribunal de première instance et un autre d’appel. « Elle a écrit les statuts et les lois des deux tribunaux en deux nuits. Je la vois encore écrire seule, jusqu’à cinq heures du matin », se remémore-t-elle avec affection.

Above all, this mandate provided her with the opportunity to make one of the most significant encounters of her life: Mary Gaudron, the first female Justice of the High Court of Australia. “She was a character! A tiny woman who stood no more than 4’11” tall, who drank bottle after bottle of white wine, who would leave in the middle of a meeting to have a cigarette ... and who was an absolute genius!” The committee was a month old. One evening, she found herself sitting in front of Mary and the two women began to talk. There was immediate chemistry between these two former union lawyers. As a result, they would work together day and night to create a unique judicial system. Louise outlined an ombudsman and mediation service, with judges who travel with a clerk to hear cases. Mary conceived of a court of first instance and an appellate court. “She wrote all the statutes and laws for those two courts in just two nights. I can still see her, all alone drafting a piece of legislation until five in the morning,” she recalls affectionately.

Le comité soumet son rapport, et les recommandations sont pratiquement toutes mises en application. À son retour, elle est épuisée. « Mes proches m’ont dit que j’avais changé. J’ai cassée, j’étais à ma limite physique. » Un an après, avec un mélange de sérénité et de tristesse, elle annonce son départ de la Cour d’appel.

The committee submitted its report and almost all the recommendations were implemented. But when she returned, she was exhausted. “My close friends told me that I had changed. I was broken, at the limit of my physical endurance.” One year later, determined but sad, she announced her departure from the Québec Court of Appeal.

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L’ART DE LA MÉDIATION L’Université McGill est la première à la contacter afin qu’elle donne les tout premiers cours de médiationnégociation. « Je dis souvent à mes étudiants : la médiation, c’est d’abord un art. Il faut avoir la capacité de lire très rapidement une salle et savoir à quel moment entrer dans la fissure qui vous est offerte. Enfin, il faut être ferme sur le sujet, mais doux avec la personne. » Après son rapport à l’ONU, son nom circule rapidement auprès des plus grandes instances internationales. L’OCDE en fait le plus grand arbitre de commerce international en la nommant présidente de son tribunal. L’Organisation internationale de la Francophonie et l’EUMETSAT, l’agence satellitaire européenne, l’invitent également à présider leur tribunal. Après le coup d’État à Haïti qui a chassé Aristide, elle passe quinze jours enfermée avec cinq autres personnes, surveillée par des Casques bleus, afin de redessiner un nouveau système de justice. Elle enchaîne depuis les grandes réformes de systèmes judiciaires dans des pays comme le Mali et au sein d’autres instances comme le Fonds monétaire international et la Banque Mondiale. Lorsqu’on lui demande où elle trouve l’énergie pour accomplir autant de choses, elle confie : « Je ne l’ai jamais avoué à personne, même pas à moimême. Mais j’ai travaillé sept jours par semaine pendant quarante ans, et j’ai toujours eu l’impression d’être paresseuse! » Ce constat est à mettre en parallèle avec les deux qualités qu’elle admire et qu’elle incarne certainement le plus : l’humilité et la discrétion.

« La médiation, c’est d’abord un art. Il faut avoir la capacité de lire très rapidement une salle et savoir à quel moment entrer dans la fissure qui vous est offerte. Enfin, il faut être ferme sur le sujet, mais doux avec la personne. » THE ART OF MEDIATION McGill University was the first institution to ask her if she would give the very first courses in mediation and negotiation. “I often tell my students: mediation is primarily an art. Mediators must be able to quickly read a room and judge the best moment to enter the crack that one of the people there gives you. Finally, we must be tough on the topic, but soft on the people.” After her report to the UN, her name quickly circulated among the major international bodies. When she was appointed President of the OECD Administrative Tribunal, she became the most important commercial mediator in the world. She sat on the tribunal of EUMETSAT, the European satellite agency, and was also appointed President of the IOF Appeal Court. After the coup in Haiti that ousted Aristide, she spent fifteen days locked up with five other people, guarded by UN peacekeepers, to redesign the Haitian justice system. She followed this up with major reforms to the judicial systems of countries like Mali as well as to other bodies such as the International Monetary Fund and the World Bank. When asked where she finds the energy to accomplish so much, she says, “I’ve never admitted this to anyone, maybe not even to myself, but … I’ve worked seven days a week for the past forty years, yet I still think of myself as a lazy person!” This admission is motivated in part by the two qualities she admires the most, and certainly also personifies: humility and discretion.

PREMIÈRES EN AFFAIRES

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PORTRAIT DE 8 FEMMES Elles se distinguent par leur pouvoir de persuasion et leur talent d’oratrice. Elles défendent et représentent les intérêts de leurs clients et sont sollicitées par les entreprises en tant que conseillères. Possédant un grand esprit de synthèse, une grande rigueur et une éthique irréprochable, elles assurent le rôle de médiatrices et cherchent à concilier les parties adverses.

LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES

Voici ces Incontournables du droit que vous voudrez absolument connaître.

présentées par

Photos  : Bénédicte Brocard/photoatwork.com • Assistante : Josée Lecompte Maquilleuses : Marianne Simard et Amélie Bertrand Textes des Incontournables : Charline-Ève Pilon

Retrouvez les 8 Incontournables sur notre Web TV http://premieresenaffaires.com/-Web-TV-


LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES PRÉSENTÉES PAR

LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES PRÉSENTÉES PAR

DOMINIQUE BÉLISLE

JOËLLE BOISVERT

ASSOCIÉE, LAVERY

ASSOCIÉE-DIRECTRICE, GOWLINGS

Dominique Bélisle commence sa carrière d’avocate en 1986 en droit des affaires au cabinet Bélanger-Sauvé, avant de se joindre en 1994 à Desjardins Ducharme où elle devient associée. En 2007, avec 34 de ses collègues, elle se joint à Lavery de Billy. Depuis janvier 2011, elle y est également devenue co-coordonnatrice du grand groupe Droit des affaires. De par son expérience en commercial, financement et immobilier, elle a développé au cours des années un intérêt marqué pour le développement de projets industriels et commerciaux. « Je souhaite accompagner le client dans la réalisation de son projet, y participer à toutes les étapes dans sa partie intégrante et de mettre à profit mes qualités intrinsèques pour qu’il se réalise. »

Sa grande écoute l’amène d’abord à bien cerner les enjeux, à les analyser pour ensuite établir un plan d’action. Là où elle se sent le mieux, c’est en négociation. « Ce que j’aime par-dessus tout, c’est de conduire les deux parties, qui ont souvent des visions opposées, vers des pistes de solutions et à trouver un terrain d’entente. » Investie, elle participe et encourage différents regroupements, notamment l’Association des femmes en finance du Québec. Elle a jusqu’à tout récemment fait partie du conseil d’administration de la Fondation Farha et s’est jointe récemment au conseil du Festival de musique de chambre de Montréal. Comme passetemps, elle s’adonne au yoga, une activité qui lui permet de rester centrée et de marquer une pause dans un horaire bien chargé.

Riche d’une carrière de 25 ans, Joëlle Boisvert travaille dans différents bureaux avant de rejoindre Gowlings, il y a dix ans. Avocate chevronnée en litige, elle a développé une grande expertise en matière de franchisage, de recours collectifs et de droit commercial. Elle représente des sociétés nationales et internationales dans le cadre de différends complexes. En 2014, elle est nommée associéedirectrice chez Gowlings, devenant la première femme à la tête du bureau de Montréal. Le respect, l’intégrité et l’écoute sont pour elle des valeurs fondamentales. « C’est mon instinct qui m’a menée à faire des études en droit, et je ne l’ai jamais regretté. Même si ma profession exige la prise de décisions réfléchies, je réalise qu’il faut toujours écouter son instinct. »

Passionnée et innovatrice, elle mise sur le travail d’équipe et la communication pour trouver des solutions élaborées en fonction des enjeux qui se présentent. « Tous les jours, ma priorité est d’être une complice et une alliée d’affaires pour nos clients afin de les aider à trouver des solutions efficaces et adaptées à leurs besoins. La façon de faire, c’est de comprendre nos clients et de saisir comment ils voient les choses, et non l’inverse. » Elle a siégé sur le Comité de formation professionnelle du Barreau du Québec de 2000 à 2006. Impliquée dans divers projets sociaux, elle est d’avis qu’elle a une obligation de donner au suivant. Elle tient particulièrement au développement de la relève et à l’avancement des femmes ainsi qu’à leur leadership dans toutes les sphères d’activités.


LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES PRÉSENTÉES PAR

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SYLVIE BOUVETTE

MARIE-LOUISE DELISLE

ASSOCIÉE, BORDEN LADNER GERVAIS

ASSOCIÉE, WOODS

Sylvie Bouvette a été admise au Barreau du Québec en 1986 après avoir complété un baccalauréat en droit à l’Université de Montréal. Elle œuvre depuis plus de 30 ans chez Borden Ladner Gervais en droit immobilier commercial. Elle jouit d’une expertise approfondie dans la mise en valeur et le financement de projets de centrales hydroélectriques et de parcs éoliens. Me Bouvette s’occupe de tous les aspects du droit immobilier, que ce soit l’acquisition, le développement et le financement d’immeubles pour le compte d’acheteurs, de vendeurs ou de coentreprises. Elle a supervisé plusieurs transactions immobilières d’envergure, dont la vente du complexe multirésidentiel La Cité et de l’hôtel Hilton Bonaventure à Montréal ainsi que l’acquisition de 50 % de la propriété du Quartier DIX30MC. « Continuer à offrir

un service exceptionnel à nos clients et en convaincre de nouveaux de faire affaire avec nous sont des défis constants pour tous les avocats d’affaires. » Elle apprécie la grande diversité des mandats qui lui sont confiés. Dynamique, engagée, elle est toujours à la recherche de solutions innovantes au meilleur coût possible pour ses clients. « Chaque dossier présente ses propres défis. J’aime résoudre de manière constructive et profitable pour toutes les parties en cause les difficultés qui se présentent inévitablement dans le cadre des négociations. » Passionnée de voyages et d’art contemporain, elle siège aussi à différents comités, dont le conseil d’administration de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (« AQPER »).

Après avoir fait son droit à l’Université de Montréal suivi du Barreau, Marie-Louise Delisle a complété une maîtrise en droit à l’Université McGill. Par la suite, elle a œuvré auprès d’un grand bureau d’avocats, Fasken Martineau, puis est passée chez Woods en 2006. En 2012, elle est nommée associée. Elle pratique dans le domaine de l’arbitrage et du litige commercial et civil depuis plus de dix ans. Elle travaille sur des dossiers d’envergure, notamment en valeurs mobilières, responsabilité professionnelle et recours collectif. Elle possède également une grande expérience en procès. Elle apprécie l’aspect compétitif et les défis intellectuels au quotidien. « J’aime être saisie d’une question complexe et trouver une solution. Cela m’anime de prendre un dossier et d’aller au front. »

Cette femme d’équipe aime aller chercher le meilleur de chacun. L’excellence, la persévérance et l’éthique sont importantes à ses yeux et ce sont des valeurs qu’elle retrouve dans son quotidien. « Les idées et les initiatives sont valorisées. C’est un cabinet qui est à l’écoute et qui prend des mesures pour répondre aux préoccupations de tous. » Me Delisle est reconnue pour ses collaborations à diverses publications sur des sujets qui touchent le litige commercial. Responsable du comité des ressources humaines à l’interne, elle a mis en place une politique de congé de maternité pour les associées et a assuré la refonte du programme de mentorat. Mère de trois enfants en bas âge, elle arrive à concilier travail et famille, en plus de la course à pied.


LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES PRÉSENTÉES PAR

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PASCALE DIONNE

LILY GERMAIN

ASSOCIÉE, BCF

ASSOCIÉE, LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Pascale Dionne est membre du Barreau du Québec depuis 1996. Elle débute sa pratique en financement bancaire puis travaille chez Pratt & Whitney en droit commercial, à l’intérieur d’une équipe multidisciplinaire avant de retourner à la pratique privée. Elle se joint à BCF en 2007 à titre d’associée. Elle oeuvre en droit des affaires avec une spécialisation en financement, en fusion et acquisition et en droit commercial. Comme conseillère stratégique, elle est impliquée dans divers types de transactions, telles des acquisitions d’actions ou d’actifs dans des domaines règlementés. Elle a également participé à l’élaboration d’acquisitions et de financements concurrents dans divers dossiers d’acquisitions complexes. « Mes conseils permettent à mes clients d’établir un plan d’attaque

pour réussir à atteindre leurs objectifs d’un point de vue développement et stratégique. » Une des choses qui est importante pour elle, c’est toute la portion coaching de son travail. « Je me suis toujours fait un devoir d’agir comme mentor auprès des professionnels avec qui je travaille pour leur apprendre à se surpasser et à se développer pleinement. » Inspirante et possédant un grand leadership, elle a d’ailleurs été décorée du titre de Rising Star en 2013, une mention décernée par Lexpert. Très active à l’interne, Pascale Dionne est membre du conseil d’administration du cabinet depuis 2009 et présidente du Comité des ressources humaines. À l’extérieur du bureau, elle est très impliquée dans les activités parascolaires de ses enfants et consacre son temps à la famille et aux voyages.

Titulaire de deux baccalauréats de l’Université Laval, Lily Germain devient membre du Barreau en 1996. Elle œuvre pendant plusieurs années en droit des affaires au sein d’un important cabinet national. Il y a plus de deux ans, elle s’est jointe à Langlois Kronström Desjardins. En plus d’être associée, elle est nommée chef du secteur droit des affaires en septembre dernier. Elle opère notamment à titre de conseillère juridique dans le cadre de transactions d’achat, de vente et de fusion d’entreprises ainsi que dans de nombreux dossiers de financement et capital de risque. « J’aime l’aspect constructif de ma pratique, que ce soit du conseil stratégique, la rédaction d’une convention, le soutien à un projet important… Être partie prenante du processus me fait vibrer. »

Stricte et exigeante envers elle-même et les autres, Me Germain reste orientée vers la solution. La rigueur, l’éthique, le respect des autres sont des valeurs qui lui sont hautement importantes. Et surtout, elle souhaite faire les choses avec le sourire. « Je suis celle qui veut désamorcer les choses. C’est essentiel que le travail reste convivial dans une atmosphère agréable. » Elle s’implique activement à l’Association des femmes en finance du Québec et sur le comité Gala, dont elle est co-directrice cette année. Adepte du marathon depuis des années, elle fait de ses courses des occasions de voyages en famille. Fière maman d’un jeune garçon, trouver son propre équilibre entre famille et travail demeure une priorité pour elle.


LES INCONTOURNABLES DE PREMIÈRES EN AFFAIRES PRÉSENTÉES PAR

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SYLVIE RODRIGUE

FRANZISKA RUF

ASSOCIÉE, TORYS

ASSOCIÉE, DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG

Après avoir été admise au Barreau du Québec en 1993, Sylvie Rodrigue commence sa carrière chez Ogilvy Renault et y reste pendant 20 ans. En 2013, elle se joint à Torys lors de l’ouverture de leur bureau à Montréal pour en devenir l’associée-directrice. Elle partage sa pratique en litige commercial entre leurs bureaux de Montréal et Toronto. Elle détient une grande expérience en matière de recours collectifs à travers le Canada. Partager son temps entre les deux provinces est un défi majeur. « La gestion du bureau de Montréal et le développement des affaires s’ajoutent également à ma pratique du droit. C’est exigeant, mais j’adore ça. J’ai une pratique unique au Canada. Avec une bonne gestion de mon temps et une équipe formidable, il est encore possible d’avoir une excellente qualité de vie. »

Femme énergique et rassembleuse, elle privilégie avant tout l’esprit d’équipe, la qualité des services rendus et la relation privilégiée avec les clients. « Je considère les membres de mon équipe extrêmement importants. Il est fondamental pour moi que les gens avec qui je travaille soient motivés et heureux. Rien ne se bâtit seul. » Présidente du Groupe de travail national sur les recours collectifs de l’Association du Barreau canadien, elle est très impliquée auprès de diverses associations nationales et internationales ayant pour but de développer la législation et l’état du droit en matière de recours collectifs. En septembre 2014, elle a reçu la distinction « Ad. E. » (Advocatus Emeritus) du Barreau du Québec.

Après avoir été reçue au Barreau en 1987, elle commence sa carrière chez Davies. Pendant une vingtaine d’années, elle travaille auprès de différents cabinets avant de retourner en 2009 là où elle a fait ses premières armes. Elle a toujours été en pratique privée et principalement en droit des affaires dans le domaine des valeurs mobilières, puis celui des fusions et acquisitions. Elle fait des recommandations à des sociétés, des entreprises de capital-investissement et des conseillers financiers relativement à des acquisitions et investissements. Elle conseille également des émetteurs et des placeurs dans le cadre d’appels publics à l’épargne et de placements privés. « J’ai horreur de la routine et ce que je fais est tout sauf répétitif. C’est probablement ce qui m’anime le plus. »

Cette femme pétillante est une véritable « dynamo » pour les gens qui l’entourent. Son énergie est inspirante et le fait qu’elle a été nommée Avocate de l’année en valeurs mobilières à Montréal pour l’année 2015 par The Best Lawyers in Canada n’est pas étranger à sa façon de travailler. « Je suis passionnée par ce que je fais et les gens extraordinaires avec qui je le fais. » La cause des femmes lui tient particulièrement à cœur et elle tente de redonner à son tour. Franziska donne du temps au centre d’hébergement pour femmes en difficulté, Le Chaînon. Par ailleurs, elle est membre de l’American Bar Association. Mère de deux garçons, elle occupe ses temps libres à l’entraînement, la cuisine, la lecture et les voyages.


CONSEILS D’EXPERTS DROIT

Une main de fer dans un gant de velours

COMMENT DEUX JEUNES AVOCATES EN LITIGE ENVISAGENT LEUR CARRIÈRE Percer quand on est jeune, ce n’est jamais facile. Mais percer quand on est une jeune femme dans un milieu historiquement masculin, ça relève du défi. C’est pourtant celui que relèvent chaque jour de nombreuses jeunes avocates qui pratiquent en litige. Discussion autour du thème avec Ariane Bisaillon et Caroline Dion, deux jeunes avocates aux dents bien affûtées.

PAR CAROLINE DION AVOCATE, BLAKES caroline.dion@blakes.com ET ARIANE BISAILLON AVOCATE, BLAKES ariane.bisaillon@blakes.com

LES TÉLÉSÉRIES AMÉRICAINES ET QUÉBÉCOISES GLORIFIENT SOUVENT LE RÔLE D’AVOCAT PLAIDEUR. MAIS PUISQUE CERTAINS DISENT QU’IL S’AGIT D’UN SPORT DE COMBAT, AVEZ-VOUS L’IMPRESSION D’ÊTRE À VOTRE PLACE? CAROLINE DION (CD) : Dans les premières années de pratique, je pense que c’est normal de ressentir le « syndrome de l’imposteur ». Par contre, une fois en Cour, on n’a pas le choix de mettre nos doutes de côté et de se faire confiance. Au final, les meilleures armes sont la préparation et la maîtrise du dossier. ARIANE BISAILLON (AB) : On y dépeint souvent le type flamboyant et agressif. En réalité, chacun trouve son propre style. Pour ma part, je préfère une approche plus posée et rigoureuse, qui me convient mieux. Une main de fer dans un gant de velours!

LA PRATIQUE DU DROIT EST-ELLE UNE CARRIÈRE OÙ LES DÉFIS SONT LES MÊMES, PEU IMPORTE L’ÂGE OU LE SEXE? CD : On ne peut pas nier que l’âge et le sexe jouent un rôle important. Pour ce qui est du développement des affaires, par exemple, l’approche client ne sera pas la même si l’on est une femme dans la vingtaine ou un homme en fin de carrière. Même chose en Cour : on ne peut pas adopter le même ton qu’un plaideur émérite, sinon la crédibilité risque d’en prendre un coup! AB : Il y a des défis intrinsèques à la pratique du droit, comme la défense des intérêts de nos clients qui placent toute leur confiance en nous. Évidemment, lorsqu’on est une jeune femme, il peut être plus difficile de convaincre un entrepreneur de placer l’avenir de sa compagnie entre nos mains. La clé est de savoir bien s’entourer et de connaître ses limites. COMMENT ALORS ÉTABLIR SA CRÉDIBILITÉ? CD : Bien connaître ses dossiers et être bien préparée. La crédibilité ne se gagne

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pas du jour au lendemain, mais avec chaque dossier, on gagne en expérience et, conséquemment, en crédibilité. Je mise aussi beaucoup sur mon réseau de contacts : les recommandations de clients satisfaits m’ont souvent aidée à gagner en crédibilité auprès de clients nouveaux ou potentiels. AB : Chaque présence en Cour, chaque article publié est une occasion de faire bonne impression et d’établir sa réputation. Il faut faire preuve de constance et saisir les occasions qui s’offrent à nous pour se faire connaître. S’associer à des mentors et à des avocats dont la réputation n’est plus à faire offre aussi un certain rayonnement. Le plus beau compliment est quand un adversaire est impressionné par ton travail et te recommande. SENTEZ-VOUS QU’IL Y A DES DOMAINES OÙ VOUS AVEZ L’AVANTAGE SUR VOS AÎNÉS? CD : La technologie… AB : Et l’énergie pour travailler toute la nuit! ET ÊTRE FEMME, ÇA COMPLIQUE ENCORE LES CHOSES? CD : Il y a certainement des défis et toujours place à l’amélioration. Avec le nombre grandissant de femmes en litige, on constate que des changements se mettent en place, notamment pour concilier le travail et la famille. Le télétravail, par exemple, gagne en popularité et on voit de plus en plus d’avocats demander congé de Cour pour aller chercher les enfants à la garderie. AB : Il y aurait certainement beaucoup à dire sur le sujet. Les cabinets sont conscients des défis que les avocates doivent relever pour avancer dans leur carrière, mais les solutions ne sont pas toujours évidentes. Par exemple, l’accession au titre d’associé a généralement lieu au moment où les avocates fondent leur famille, ce qui exige d’importants sacrifices et une organisation hors pair!

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CONSEILS D’EXPERTS DROIT

Droit de l’environnement

UN DOMAINE EN PLEINE EFFERVESCENCE

CONSEILS D’EXPERTS DROIT

De nos jours, les ventes de propriétés immobilières sans garantie légale sont à la mode. Les vendeurs n’entendent plus faire les représentations et garanties comme auparavant. Ils préfèrent que les acheteurs se chargent eux-mêmes des vérifications préachat requises afin de déterminer s’ils sont satisfaits de l’état de la propriété. En tant qu’acheteur, comment peut-on se protéger et minimiser les dommages potentiels, surtout dans le cadre d’un financement avec un prêteur hypothécaire?

Âgé de quelques décennies à peine, le droit de l’environnement s’avère un droit complexe et en pleine expansion, dont les champs d’application se densifient au gré des avancées sociales, scientifiques et technologiques. C’est un droit en constante évolution qui occupe un espace prédominant au sein de notre société.

PAR CHRISTINE DUCHAINE AVOCATE ET PRÉSIDENTE, SODAVEX cduchaine@sodavex.com ET NICOLAS DUBÉ AVOCAT, SODAVEX ndube@sodavex.com

Force est de constater que les cabinets juridiques spécialisés (aussi connus sous le vocable de « cabinets boutiques ») sont de plus en plus nombreux au Québec. Particulièrement bien adaptés à la pratique du droit de l’environnement, ce dernier s’avère un domaine attrayant aux yeux de nombreux juristes, qui y voient une multitude d’enjeux de société et autant de défis à relever. DOMAINE EN PLEINE EXPANSION Au cours des dernières années, nos tribunaux ont élargi la notion d’environnement, de manière qu’elle ne se limite plus à l’eau, à l’air, au sol ou à la faune et la flore, et qu’elle englobe désormais divers aspects sociaux, communautaires et économiques. Le droit à un environnement sain, garanti par notre charte, incite plusieurs citoyens à s’impliquer dans les diverses étapes d’un projet, ce qui influence considérablement la manière d’obtenir les autorisations requises. Quiconque exploite une industrie sait à quel point l’environnement est un domaine fortement réglementé, comportant des normes et des règles imposées par tous les paliers de gouvernement. Cette pratique nécessite de connaître les joueurs et de comprendre les enjeux économiques, scientifiques et sociaux liés à tout projet. Contrairement à d’autres champs de pratique, les avocats et les professionnels œuvrant dans ce domaine (tels ingénieurs, chimistes, biologistes, hydrogéologues et géologues) collaborent et conjuguent leurs expertises afin de mener à bien les projets de leurs clients. Un client pourra solliciter un juriste spécialisé, que ce soit pour mener à terme un projet susceptible d’altérer la qualité de l’environnement ; pour

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se défendre contre une poursuite pénale ou civile découlant de la législation environnementale ou pour instituer une telle action civile ; pour assister une partie prenante dans une transaction à teneur environnementale ; pour évaluer la conformité environnementale d’un projet ou d’une activité ou tout simplement pour bénéficier de conseils juridiques relativement à l’interprétation et à l’application du corpus législatif et réglementaire en matière de droit de l’environnement. Pour les juristes, la constante évolution du droit de l’environnement constitue sans aucun doute l’attrait premier de ce domaine et, plus particulièrement, d’une spécialisation dans celui-ci. Les enjeux et les applications étant très variés et la réglementation connaissant présentement des mouvements importants, chaque jugement forge un peu l’avenir du droit de l’environnement et le fruit du travail des juristes s’en retrouve d’autant plus satisfaisant. Qui plus est, puisque le domaine connait un essor depuis seulement quelques années, les experts dans la matière sont encore peu nombreux, offrant aux juristes l’opportunité de se démarquer et de bâtir une carrière longue et prospère. Nul ne peut nier aujourd’hui la nécessité de protéger notre environnement. Les nouvelles générations apprennent maintenant dès leur tout jeune âge l’importance de recycler, de protéger nos ressources naturelles, d’éviter le gaspillage, etc. Il est donc normal de croire que les générations futures d’experts aborderont les sujets environnementaux avec une vision nouvelle. L’évolution du droit de l’environnement ne fait que commencer.

COMMENT SE PROTÉGER DANS LE CADRE D’UNE TRANSACTION IMMOBILIÈRE?

PAR AUDREY MULHOLLAND AVOCATE, DE GRANDPRÉ CHAIT amulholland@dgclex.com

Voici les trois éléments clés d’une vérification diligente lors d’une acquisition immobilière sans garantie légale. 1- RECHERCHE DE TITRES - Estce que le vendeur est le véritable propriétaire? Quels sont les droits qui grèvent la propriété et leurs impacts sur l’acquisition? Tout d’abord, une bonne analyse de l’index aux immeubles et des différents actes obtenus auprès du Bureau de la publicité foncière est primordiale, entre autres afin de vérifier quelles sont les charges qui grèvent la propriété. Existe-t-il des prêts hypothécaires? Doivent-ils être remboursés ou assumés? Si on achète « tel quel », on doit se satisfaire des charges qui grèvent le titre de la propriété avant de conclure la transaction. En cas de doute, l’assurancetitres est une excellente forme de protection pour un acheteur et son prêteur hypothécaire. Cette assurance protège l’acheteur contre le risque de certains vices de titres de propriété qui pourraient entraîner un dommage très coûteux à l’acheteur ou au prêteur. 2- RECHERCHE HORS TITRES - Avezvous obtenu toutes les autorisations requises (de la part du vendeur) afin de transmettre les lettres de demande d’accès à l’information aux entités gouvernementales? Quelles sont les autres recherches qui pourraient avoir un impact sur l’acquisition d’une propriété? Les lois en vigueur relativement à l’accès à l’information permettent d’obtenir accès, sous réserve de l’autorisation écrite du vendeur, à une panoplie d’informations à propos du vendeur et de la propriété concernée. En adressant des demandes écrites auprès de différents organismes gouvernementaux, y compris la ville et/ou l’arrondissement où se trouve la propriété, vous pouvez vérifier s’il existe dans leurs dossiers tout document

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ou renseignement relativement à un montant dû, une enquête, une infraction, une plainte ou la non-conformité avec une loi, un règlement ou une norme, que ce soit de nature environnementale ou réglementaire. Ces renseignements vous donnent un aperçu de l’historique de la propriété et peuvent révéler des détails importants qui pourraient vous dissuader de compléter la transaction. De plus, gardez à l’esprit que le prêteur hypothécaire s’intéresse également à ces recherches et en obtiendra habituellement copie. Parmi les autres recherches utiles, vérifiez le Registre des droits personnels et réels mobiliers, le Registre des dossiers de faillite et d’insolvabilité (LFI), le Système d’enregistrement des garanties (Loi sur les banques) et les plumitifs du Québec. Ces recherches visent plus particulièrement le vendeur et les réclamations contre ce dernier. Prenez note que ces recherches se font conjointement avec une inspection physique ainsi qu’une évaluation environnementale de la propriété réalisées par un professionnel qualifié qui soumettra un rapport contenant toutes les informations pertinentes. 3- RECHERCHE DE ZONAGE - Est-ce que l’usage de la propriété est conforme aux normes réglementaires en vigueur? Que faut-il vérifier? Le zonage est un élément fondamental régi par la municipalité. Le règlement de zonage permet de déterminer si l’usage qui est fait de la propriété ou si la typologie du bâtiment est conforme à la réglementation municipale en vigueur. De plus, l’acheteur prudent devra considérer la gamme des usages permis. Un zonage trop limitatif pourra diminuer la valeur de la propriété. Il vaut donc mieux savoir dès le départ si la propriété est conforme à cette réglementation, ce qui permettra à l’acheteur de prendre une décision éclairée relativement à la transaction.

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CONSEILS D’EXPERTS DROIT

PAR CHANTAL JOUBERT ASSOCIÉE, MILLER THOMSON cjoubert@millerthomson.com

Les frais d’exploitation dans les baux commerciaux

L’AMBIGÜITÉ NE SERT PERSONNE Le loyer payable aux termes de baux commerciaux de type « net » est constitué en règle générale de deux composantes. La première, que l’on qualifie de « loyer de base » ou de « loyer minimum », est la plupart du temps fixée d’avance et représente le rendement du locateur sur son investissement. La seconde composante représente le « loyer additionnel », c’est-à-dire les taxes foncières et les frais engagés par le locateur pour l’exploitation et l’entretien de son immeuble. La définition de ce qui constitue les frais d’exploitation et d’entretien d’un immeuble se trouve au cœur de nombreux litiges, en raison de la rédaction souvent ambiguë de cette définition. Avant tout, précisons qu’il est erroné de croire que, parce qu’un bail est qualifié de « net », « net net » ou « triple net », toute ambigüité ou imprécision quant à ce qui compose les frais d’exploitation s’en trouve bonifiée ou corrigée. Les tribunaux et la doctrine ont fait à maintes reprises le constat que les qualificatifs de « net » n’ont pas en soi une valeur juridique. D’ailleurs, on trouve dans la doctrine différentes variantes de ce qui constitue un bail « triple net ». En ce sens, les différents qualitatifs de « nets » ne peuvent combler les lacunes d’une définition ambigüe du terme « frais d’exploitation », tant pour le locateur que pour le locataire. Ce sont principalement les dépenses importantes qui ont tout intérêt à être précisées, telles les réparations à la structure ou les dépenses de nature capitale et ce, qu’elles soient inclues ou non dans les frais d’exploitation. À titre d’exemple, l’identification claire des composantes non structurelles du toit d’un immeuble, dans les cas où les dépenses qui touchent la structure sont exclues, permettra au locateur d’inclure dans les frais d’exploitation des réparations ou le remplacement de certaines composantes du toit (telle la membrane), qui, en l’absence d’une telle précision, pourraient être contestées par le locataire. En ce qui a trait aux dépenses de nature capitale, une définition précise rend possible leur inclusion dans les frais d’exploitation. Pour le locataire, cependant, c’est la différence entre payer un montant important dans l’année où cette dépense est engagée par le locateur par opposition au paiement d’une fraction de ce montant en raison de son amortissement sur un certain nombre d’années.

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Un autre exemple intéressant est celui des complexes commerciaux formés de plusieurs terrains. Les parties auront tout intérêt à préciser sur quels terrains le locataire est appelé à prendre en charge une quote-part des frais d’exploitation, surtout en ce qui concerne les complexes commerciaux en voie de développement. Est-il souhaitable qu’un locataire doive payer une portion des frais d’exploitation, y compris les taxes foncières d’un ensemble de terrains composant le complexe commercial, alors qu’il ne tire aucun bénéfice de ceux-ci? À l’inverse, l’obligation du locateur d’agir de bonne foi et de manière raisonnable ne metelle pas en péril les dispositions du bail conclu avec l’ensemble des locataires, lesquelles lui permettent par ailleurs d’inclure dans les frais d’exploitation ceux engagés à l’égard de terrains faisant partie du complexe mais étant sans intérêt pour ceux-ci? La contestation par l’un des locataires pourrait mener à la contestation de cette façon de faire par l’ensemble des locataires, laissant ainsi le locateur dans une situation délicate. C’est dans cette perspective qu’un problème d’ambiguïté a été abordé dans l’affaire Iberville Developments Leasing Ltd. c. Golf Town Operating, LP (2014 QCCS 1428) (réglé hors cour), dans laquelle le locataire se voyait imposer une quote-part des taxes foncières à l’égard de terrains vacants rattachés au complexe commercial. L’argument principal voulant qu’une obligation, pour qu’elle soit exécutoire, soit, sinon déterminée, du moins déterminable, n’a pas été retenu par le tribunal de première instance. Il est à prévoir cependant que cet argument sera à l’avenir plus souvent invoqué afin de rejeter une composante des frais d’exploitation jugée trop imprécise.

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CONSEILS D’EXPERTS FINANCE

L’innovation de l’information

UN IMPACT POSITIF SUR LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

CONSEILS D’EXPERTS FINANCE

Aujourd’hui, même si les chaînes d’approvisionnement sont passées à une nouvelle ère, ce phénomène demeure. Face à une augmentation de la demande, la chaîne d’approvisionnement est trop souvent gérée indépendamment (ou en silo) par chacun des acteurs, la plupart du temps sectorisés ou sans liens entre eux. Ce manque d’intégration amplifie les pressions déjà existantes sur celle-ci et les désynchronisations possibles. Comment alors gérer ce chaos programmé? Les innovations technologiques, environnementales et sociales peuvent offrir des pistes de réflexion. PARTAGE VIRTUEL EN TEMPS RÉEL L’innovation, particulièrement dans le domaine de la technologie, a envahi notre quotidien. Elle est tellement présente qu’elle ne nous surprend plus : elle est attendue, créée et stimulée par l’imaginaire. La mobilité et le web ont lié les consommateurs. Une mouvance à l’échelle planétaire se fait ressentir : il y a de moins en moins de barrières pour l’accès à l’information. Le consommateur a évolué : il n’est plus captif de son marché local. L’entreprise, elle, s’est intégrée d’un point de vue organique. L’évolution organisationnelle de plusieurs entités indépendantes se dirige vers une gestion collaborative et unifiée de la chaîne d’approvisionnement. Des solutions apparaissent sur le web, avec des partages d’information entre entreprises en temps réel. Toutes les communications et activités d’approvisionnement ne répondent qu’à une seule visée : parvenir au consommateur et répondre efficacement à ses besoins. PLUS QUE PRÉVOIR : PRÉDIRE Les diverses pressions exogènes à l’entreprise se font ressentir mondialement en réponse à une clientèle connectée, liée et informée. Par les réseaux sociaux, nous pouvons

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détecter les intentions d’achat et dès lors influencer le consommateur vers sa destination commerciale. Avec des outils d’aide à la décision basés sur les consommations quotidiennes réelles, il est possible d’interagir avec le consommateur et de mieux prévoir sa demande, de réagir quotidiennement à l’achalandage en magasin et à l’offre de ce dernier. Cette évolution a des répercussions sur la chaîne des flux de marchandises en provenance du fournisseur de matières premières, jusqu’aux produits de consommation. Ce mouvement impose aux entreprises une réflexion sur les stratégies futures et sur les investissements en capitaux qui relèvent de la chaîne d’approvisionnement. INÉVITABLE MONDIALISATION Il faut apprendre de l’histoire dès maintenant. Il semble clair qu’un effondrement des barrières entre entreprises est à venir. Celles qui n’avaient pas pignon sur rue accèdent désormais à des marchés qui traditionnellement étaient desservis exclusivement par des magasins de proximité. On entrevoit une innovation basée sur l’intégration verticale de l’information. L’information commerciale n’est plus la propriété d’un seul organisme, mais d’un ensemble d’organismes liés par une unique motivation : la promesse client. L’innovation gagne maintenant l’organisation de l’information (son accès et son usage) et nécessite la mise en œuvre de processus « multi-entreprises ». En matière de chaîne d’approvisionnement, bien que la technologie soit très développée, la résistance des entreprises à synchroniser leurs opérations sur une même plateforme est encore colossale et prouve que même si l’innovation fait constamment évoluer les manières de faire, l’amorce du changement demeure un défi.

UNE INNOVATION POUR FAVORISER L’ACCÈS À LA JUSTICE FISCALE Dans leur lutte à l’évasion fiscale, Revenu Québec et Revenu Canada ont au fil des ans multiplié les projets de vérification fiscale qui s’inscrivent parfaitement dans la complexification de nos régimes fiscaux. Les droits des contribuables sont mal définis et le rapport de force est généralement favorable aux administrations fiscales. Le système actuel est fondé sur une série d’oppositions qui dominent depuis plusieurs décennies les différends en matière fiscale. Est-il possible de faire évoluer ce système afin d’y introduire une approche plus respectueuse et collaboratrice, tout en réduisant les coûts pour les contribuables et les gouvernements? Oui, selon la proposition développée par les cinq femmes cofondatrices de l’Association de médiation fiscale.

Une augmentation de 10% de la consommation se traduit six mois plus tard par une augmentation de 40% des activités de fabrication, concluait une étude de Jay Forester et de son équipe d’étudiants du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiée en 1958 qui avait fait grand bruit à l’époque. Forester avait ainsi entrevu pour la première fois les liens naturels entre les différentes composantes de la chaîne d’approvisionnement, un phénomène de nos jours bien connu et largement documenté sous le nom « d’Effet Bullwip ». PAR NATHALIE BRUNET DIRECTRICE PRINCIPALE, CONSEILS ET TRANSACTIONS, PwC nathalie.brunet@ca.pwc.com

Médiation fiscale

PAR NATALIE ST-PIERRE ADM. A., PRÉSIDENTE, ASSOCIATION DE MÉDIATION FISCALE, ASSOCIÉE, FISCALITÉ, RICHTER nst-pierre@richter.ca EN COLLABORATION AVEC L’HONORABLE LOUISE OTIS, PROFESSEURE ADJOINTE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL, MÉDIATEUR ET DISTINGUISHED FELLOW DE L’INTERNATIONAL ACADEMY OF MEDIATORS DENISE DÉRIGER, CPA, CGA, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE GAZ MÉTRO MARTINA KRUMMEN, CPA, CA, GROUPE SNC-LAVALIN INC. CHRISTIANE MAURICE, AVOCATE, LL.M. FISC, RICHTER

UN CHANGEMENT DE CULTURE DANS LE DOMAINE DE LA FISCALITÉ Au fil de nombreuses discussions et rencontres, un projet inspiré de la réforme du Code de procédure civile du Québec prend forme. Les cofondatrices partagent la même conviction que tout système peut évoluer et que l’accès à la justice dans le domaine fiscal est difficile et coûteux, particulièrement pour les PME qui doivent composer avec un environnement fiscal complexe. La médiation fiscale permet la préservation des liens entre les parties plutôt que de contribuer à accentuer les conflits déjà existants, comme c’est souvent le cas avec les modes traditionnels de résolution de conflits fiscaux. Il faut se rappeler que la relation « contribuable/État » est incontournable, contrairement aux autres relations d’affaires d’une entreprise. Cette nouvelle approche vise un changement de culture nécessaire pour favoriser le développement économique des entreprises québécoises, lesquelles sont particulièrement défavorisées face aux procédures judiciaires en matière fiscale. UN MÉCANISME DE PRÉVENTION DES CONFLITS INUTILE ET COÛTEUX Les éléments fondamentaux de la médiation fiscale sont la neutralité et l’impartialité des médiateurs, la recherche de faits admis en commun, la confidentialité, l’autodétermination, la bonne foi, et ce, tout en respectant les lois fiscales. Le médiateur fiscal est un tiers impartial et indépendant qui a pour fonction de guider la communication entre les parties impliquées dans un conflit concernant la fiscalité. C’est un professionnel accrédité spécialisé en fiscalité ainsi qu’en résolution de conflits qui utilise différentes techniques de communication pour aider les parties

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à faire valoir leurs perspectives et à déterminer les montants réellement payables par les contribuables – à ne pas confondre avec la négociation! La médiation fiscale est introduite dès l’étape de la vérification, avant l’émission d’une cotisation. Elle constitue une méthode alternative de prévention des conflits judiciaires coûteux et procurera des économies à l’État et aux contribuables. Une recette formidable en somme! POUR QUE JUSTICE FISCALE SOIT RENDUE DANS UN CLIMAT DE CONFIANCE Nos services sociaux sont soutenus par les perceptions fiscales, et payer notre juste part d’impôts et de taxes est une obligation morale qui ne souffre pas la négociation. Mais il faut que cette part demeure effectivement « juste ». La PME étant le ferment de l’activité économique du Québec, il est primordial que les entreprises honnêtes puissent exercer leurs activités sans craindre des factures fiscales indues, et puissent compter sur la bienveillance de l’État. Ce message est d’ailleurs porté haut et fort par Mme Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Le rapport de la Commission d’examen sur la fiscalité du Québec recommande d’ailleurs que le gouvernement évalue la mise en place d’un mécanisme de résolution des conflits dans le cadre des vérifications fiscales (recommandation 55). Les cofondatrices de l’Association de médiation fiscale sont prêtes à travailler de concert avec les intervenants gouvernementaux afin que le Québec et le Canada se dotent d’un tel mécanisme et puissent assumer leur rôle de leader mondial dans le domaine fiscal. Revenu Québec et Revenu Canada, nous attendons votre appel!

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CONSEILS D’EXPERTS STRATÉGIE

PROMOUVOIR LES FEMMES DANS DES POSTES DE DIRECTION… AVEC L’AIDE DES HOMMES Nous avons entendu bien des histoires inspirantes sur la réussite grandissante des femmes en entreprise au Québec. Par contre, trop de femmes talentueuses occupent des postes qui ne les amènent pas à réaliser pleinement leur potentiel. Nous pouvons améliorer ce tableau et continuer de faire avancer les femmes dans un plus grand nombre de postes de direction. Mais cela ne se fera pas sans l’aide des hommes.

PAR CAROLINE COLONGO CHEF D’ÉQUIPE, SERVICES CONSULTATIFS, EY caroline.colongo@ca.ey.com ET KIMRANG TE CHEF D’ÉQUIPE SENIOR, FISCALITÉ, EY kimrang.te@ca.ey.com

Un rapport d’EY intitulé The Corporate Sponsor as Hero : Advancing Women into Leadership Roles laisse entendre que, pour peu qu’on les encourage, les hommes et les femmes sont plus susceptibles de demander des promotions et d’avancer dans leur carrière. Or, tandis que les femmes trouvent ce soutien dans des réseaux externes, les hommes l’obtiennent généralement auprès d’un parrain à l’intérieur de l’organisation. C’est là une distinction importante : plus que de simples mentors, ces parrains aident activement leurs collègues à gravir les échelons en voyant jusqu’où ils peuvent monter. Et c’est ce dont les femmes qui aspirent à devenir leaders ont véritablement besoin : un parrain membre de la direction. L’APPUI DES HOMMES EST ESSENTIEL Dans la plupart des cas, ce parrain sera un homme – ce qui n’a rien d’étonnant, puisque ce sont les hommes qui occupent encore la plupart des postes de direction. Ce parrainage peut prendre bien des formes. Par exemple, il peut commencer par l’accueil d’une femme à son retour de congé de maternité. Il peut se poursuivre par un appui significatif lors d’une nouvelle initiative, un nouveau service, une nouvelle division, etc. APPLIQUER LES PRINCIPES DU PARRAINAGE L’expérience et les recherches chez EY confirment que les parrains remarquables ont en commun plusieurs attributs : 1- ENGAGEMENT INDÉFECTIBLE : Les parrains croient fermement au potentiel des personnes qu’ils supportent. Ils sont conscients des risques : ils sont disposés à mettre leur propre carrière en jeu pour défendre leurs convictions, et ils savent quand ils doivent redoubler d’efforts. 2- BON RÉSEAU DE RELATIONS : Pour être efficaces, les parrains doivent entretenir d’excellentes relations au sein de l’organisation et comprendre les

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gens, les personnalités et l’ensemble des compétences. Ils connaissent les règles non écrites, les valeurs de l’organisation et les gens qu’il importe d’y connaître. 3- PERSÉVÉRANCE : Lorsqu’un parrain détermine qu’une personne a les talents requis, il n’hésite pas à faire fi des objections et obstacles qui se dressent devant elle et à promouvoir son avancement professionnel. Il a aussi des contacts réguliers avec elle pour s’assurer qu’aucun obstacle majeur ne menace sa réussite. 4- VOLONTÉ D’OUVRIR LA VOIE : Lorsqu’il est appelé à présenter la personne qu’il parraine, le parrain s’assure d’optimiser l’événement. En l’absence de canaux menant à des hauts dirigeants, il s’emploie à les créer. 5- FRANCHISE : Il s’agit de dire à la personne quand elle a fait un travail remarquable et quand elle ne satisfait pas aux attentes. Celle-ci a besoin de savoir qui sont ses défenseurs et ses détracteurs, même si cela est difficile à entendre. Selon nous, ce n’est pas qu’une question de moralité, d’équité ou de «souci de bien faire les choses». C’est un impératif d’affaires. La main-d’œuvre change rapidement et la population vieillit. Pour conserver un avantage concurrentiel, nous devons puiser dans notre bassin de talents et promouvoir les femmes au sein de la direction. Les femmes et les hommes doivent travailler de concert afin d’atteindre cet objectif, et chacun de nous en récoltera les fruits. « L’Effet A » vise à stimuler l’ambition et à provoquer un changement durable dans la vie professionnelle des femmes. EY a eu le plaisir de relever le défi d’Isabelle Hudon et a donné la chance à deux professionnelles de participer aux activités de la haute direction pendant 100 jours. Caroline et Kimrang ont été parrainées par Sylvain Vincent, associé directeur pour le Québec chez EY Montréal.

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CONSEILS D’EXPERTS IMMOBILIER

DOIS-JE EXERCER L’OPTION DE RENOUVELLEMENT DE MON BAIL? Vous voulez demeurer dans vos espaces actuels et vous savez que votre bail commercial contient un droit de renouvellement. La clause est suffisamment précise en ce qui a trait aux délais d’exercice et aux modalités d’établissement du nouveau loyer pour que vous songiez à envoyer votre avis de renouvellement à votre propriétaire. Est-ce toutefois la bonne chose à faire?

PAR MARGARITA LAFONTAINE COURTIER IMMOBILIER LAFONTAINE IMMOBILIER margarita@lafontaineimmobilier.ca

De nos jours, les clauses qui décrivent les modalités d’un renouvellement sont de plus en plus détaillées. Il faut se rappeler qu’au départ, le bail est rédigé par le propriétaire et celui-ci veut s’assurer d’augmenter ses revenus… le plus possible. Lors d’un renouvellement, le propriétaire veut éviter toute dépense car, au début du bail initial, il vous a déjà accordé des rabais comme des montants d’argent pour vos améliorations locatives et peut-être même vous a-t-il offert un ou des mois de loyer gratuits. Pour un propriétaire, les renouvellements sont une opportunité d’augmenter les profits de façon importante si la clause est bien rédigée. Pour le locataire, il y a des avantages à rester en place afin d’éviter les coûts directs ou indirects reliés au déménagement. En théorie, le locataire existant devrait aussi avoir droit aux mêmes bénéfices que son voisin qui vient juste d’arriver. Évidemment, la négociation a pour but d’atteindre un certain équilibre dans la répartition des profits générés par un loyer.

garder vos anciens espaces vides? Et ce n’est pas parce que votre propriétaire est un fonds de pension ou une compagnie d’assurance qu’ils peuvent tout se permettre. Selon leurs objectifs d’affaires respectifs à un moment en particulier, tout propriétaire peut préférer négocier.

MINE D’OR La première chose à évaluer, c’est le taux (au pied carré) que vous aurez à payer si vous exercez votre clause de renouvellement, par rapport au taux offert par un même propriétaire à un nouveau locataire. Par exemple, il se peut que le bail contienne une clause de renouvellement qui spécifie que le nouveau loyer ne pourra jamais être inférieur au loyer que vous aurez payé lors de la dernière année du terme initial. Ainsi, il arrive assez fréquemment que cette obligation vous force à payer un loyer plus cher que celui offert à un nouveau locataire, en plus de ne bénéficier d’aucun incitatif à la location.

NÉGOCIATION CORSÉE Une bonne négociation vise à atteindre un juste équilibre. Vous aurez peutêtre tout avantage à accepter de payer un peu plus cher pour ne pas avoir à déménager. De son côté, le propriétaire sera aussi gagnant en vous donnant de meilleures conditions, tout en gardant son local occupé. À vous de décider lorsque vous aurez la meilleure offre sur la table. Chaque transaction est différente et doit prendre en compte la situation qui prévaut à un moment en particulier, dans la ville, dans le secteur géographique et surtout dans l’immeuble en question.

Un autre point important à considérer c’est la situation financière de votre propriétaire. Peut-il se permettre de

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Ce n’est pas parce qu’un droit de renouvellement existe que vous devez absolument l’exercer afin de demeurer dans vos espaces actuels. Comme vous, le propriétaire ne veut pas subir de pertes et préférera négocier avec vous. Si vous quittez votre emplacement, celui-ci risque de subir des pertes de revenu pendant les mois où il cherchera un nouveau locataire. Et ce nouveau locataire lui coûtera beaucoup plus, car il se verra sans doute offrir quelques mois de loyer gratuit, de même qu’un montant d’argent pour des améliorations locatives, sans parler des dépenses de démolition et de remise à neuf de votre ancien local.

Posez-vous la question suivante : même si vous voulez rester dans vos bureaux actuels, est-ce que votre option de renouvellement vous avantage ou vous nuit?

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Droit de la famille

PEUT-ON RÉUSSIR LA RÉORGANISATION FAMILIALE SANS RECOURIR AUX TRIBUNAUX? PAR ME BRIGITTE GAUTHIER, AVOCATE ET MÉDIATRICE ACCRÉDITÉE ALEPIN GAUTHIER AVOCATS INC. b.gauthier@alepin.com

Les cas de séparation, un peu comme les procès en matière criminelle, retiennent l’attention du public. En 2013, les médias nous relataient les détails du litige amoureux entre Éric et Lola, un richissime Québécois, une ex-mannequin originaire du Brésil représentée par une avocate colorée, des arguments de Charte, bref une trame factuelle et des demandes hors du commun. Ces temps-ci, il est question d’une maison de grande valeur à Westmount dans un état délabré dû à un litige matrimonial entre un homme d’affaires montréalais prospère et son ex-femme demandant une pension alimentaire s’élevant à 230 000 $ par mois. Selon les dernières études de Statistique Canada, la majorité des causes de divorce actives (80 %) n’était pas contestée. Les avocats œuvrant en droit familial jouent un grand rôle dans la diminution des dossiers devant être plaidés à la Cour. Nous avons un petit nom pour ces méthodes alternatives de règlement des conflits : MARC. Les MARC sont des moyens de résoudre les différends. En droit familial, ils comprennent la négociation, la médiation, le droit collaboratif et la

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conférence de règlement à l’amiable (« CRA »). Ils ont trois grands avantages : ils sont plus efficaces que le système judiciaire en termes de délais, ils sont moins coûteux que d’aller à procès et pour les clients, ils sont moins difficiles sur le plan émotif. En effet, le premier MARC est également le plus vieux, soit la traditionnelle négociation entre avocats. Cette négociation peut avoir lieu dès le début du dossier, et c’est à l’avantage des clients. Toutefois, la pression ressentie par les clients la veille ou le matin même d’un procès facilite souvent la négociation. La médiation en matière familiale est encouragée par le gouvernement. En effet, l’État paie des millions de dollars par année pour offrir aux justiciables, dans certains cas, des séances de médiation, et ce, gratuitement. Il s’agit de cinq heures pour une première expérience de médiation et de 2,5 heures par la suite, annuellement. Les clients ne pourront être accompagnés par leurs avocats durant les séances. Ils sont toutefois encouragés à consulter un avocat indépendant avant de conclure l’entente de médiation. Notre MARC préféré : la conférence de règlement à l’amiable, aussi appelée médiation judiciaire. Offerte depuis 2001, elle est un MARC disponible gratuitement aux parties consentantes dès l’introduction d’une procédure judiciaire et à toute étape de celle-ci. Elle a des similarités avec la médiation, mais ici c’est un juge de la Cour supérieure, ou de la Cour d’appel, qui agira comme conciliateur, et les parties pourront être accompagnées de leurs avocats. Tel que la Loi l’indique « la conférence a pour but d’aider les parties à communiquer, à négocier, à identifier leurs intérêts, à

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évaluer leurs positions et à explorer des solutions mutuellement satisfaisantes. Elle a lieu à huis clos, sans frais ni formalités ». Ce MARC a un taux de succès hors du commun, soit d’environ 80 % à travers le Québec. Finalement, le droit collaboratif est également un MARC intéressant en droit familial. Dans le cadre de cette méthode, les parties sont représentées par des avocats qui s’entendent pour les aider à résoudre leurs différends à l’amiable dans un cadre de collaboration. Si les parties n’arrivent pas à une entente complète, il peut y avoir une entente partielle ou une cessation du mandat des conseillers juridiques. Dans l’éventualité où le conflit n’est pas réglé par le droit collaboratif, les avocats cesseront d’agir pour leur client. Si les clients désirent poursuivre la résolution du conflit, ceuxci pourront procéder par un autre mode de résolution. Réalité La médiation, le droit collaboratif et la conférence de règlement à l’amiable sont des moyens de plus en plus fréquemment utilisés en cas de séparation. En terminant, le dicton « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » est bien connu et souvent utilisé afin de justifier le recours aux MARC. Nous sommes toutefois d’avis que lorsque toutes les méthodes ci-haut ont été considérées et qu’aucune d’entre elles ne se prête au dossier ou a porté fruit, il ne faut jamais régler à l’amiable en y laissant sa chemise alors que le client a des droits à faire valoir. Les tribunaux existent toujours, et c’est dans ce type de situation qu’il faut tout de même y avoir recours pour que justice soit rendue.

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Coaching

COMMENT UN LEADER DOIT-IL GÉRER SON ÉNERGIE? Le leader prend-il assez le temps de gérer son énergie? C’est une question fondamentale à laquelle les leaders doivent réfléchir. Souvent source de motivation pour son équipe, le leader doit toujours être à son meilleur. Mais pour être un catalyseur, il doit se donner les moyens de se ressourcer, et ainsi maintenir sa « bombonne d’énergie » bien pleine. PAR CATHERINE PRIVÉ, M.A.P., CRHA, PRÉSIDENTE ET CHEF DE LA DIRECTION, ALIA CONSEIL

Qu’il s’agisse de sa santé physique, psychologique ou spirituelle, le leader doit rester à l’affût des situations et des moments qui ont un impact négatif sur lui, afin d’élaborer un plan qui l’aidera à retrouver son énergie et à maintenir son baromètre positif. Concernant l’énergie physique, plusieurs tendances démontrent qu’il est nécessaire pour le leader – que l’on peut à juste titre comparer à un athlète – de prendre soin de sa santé et d’avoir de saines habitudes de vie. Or, les leaders ont souvent l’habitude de regarder les activités physiques et sportives sous l’angle de la performance plutôt que sous celui du bien-être. À mon avis, cela peut représenter un piège, car l’activité physique, quand elle est considérée comme « nécessaire », contribue au stress et non pas à la santé. En somme, le leader doit trouver des activités qui lui permettent d’évacuer son stress et qui l’amènent à être ancré dans le moment présent tout en ayant une incidence positive sur sa forme physique.

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Lorsqu’on pense à l’énergie psychologique, on réfère au fait que le leader entretient des relations significatives et positives, qu’il est en mesure de gérer son stress, de faire des choix et d’éviter les conflits qui le conduisent dans des dilemmes sans issue. Le fameux adage « un esprit sain dans un corps sain » représente bien la gestion de l’énergie psychologique. Enfin, l’énergie spirituelle repose sur la cohérence des objectifs et des actions, sur le sens, le sentiment de contribution, le partage et le fait de redonner. Le leader doit cibler des activités qui lui permettront d’être en contact avec des gens hors de son secteur d’activités et qui l’amèneront à réfléchir à sa contribution individuelle, sans égard à son poste ou à son titre.

la gestion de l’information, le leader réussira à contrôler et à maintenir son niveau d’énergie. Il importe donc, à chaque mois, sinon à chaque semaine, de prévoir du temps afin de gérer votre énergie physique à l’aide de différentes activités revitalisantes ; votre énergie psychologique en accordant les moments privilégiés aux relations qui sont importantes pour vous et en abordant les situations importantes de façon authentique ; votre énergie spirituelle en accordant du temps aux autres en dehors de votre sphère professionnelle. Et vous, dans quel état est votre « bombonne d’énergie »?

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DIANE GIARD Première vice-présidente à la direction, Particuliers et Entreprises, Banque nationale

Le test de la réalité consiste maintenant à voir comment, à travers toutes ses activités courantes, les attentes de résultats, les défis liés à

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POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

RESPIRER, MAIS À QUEL PRIX?

L’AQLPA propose une solution à cette problématique, notamment l’inspection des véhicules usagés qui polluent habituellement davantage que les neufs. Cet examen est déjà obligatoire en Ontario. Pour François Reeves, si une telle loi n’existe pas encore au Québec, c’est en raison de son « acceptabilité sociale ». La clé, selon lui, serait de conscientiser le citoyen quant aux risques de la pollution sur sa santé. « Les gens se sentent plus interpellés lorsqu’on leur dit qu’ils ont plus de chance de faire un infarctus à cause de la pollution que lorsqu’on leur rappelle que les glaciers fondent. »

La nicotine, l’obésité et le fast food sont toujours les premiers au banc des accusés des causes de maladies au pays, mais un nouveau coupable fait depuis quelques années son apparition au banc des accusés : la pollution atmosphérique. À un point tel que respirer pourrait être aujourd’hui plus risqué, tant du point de vue de la santé que de l’économie.

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PAR COLIN CÔTÉ-PAULETTE

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nviron 21 000 Canadiens seraient décédés prématurément à la suite d’une exposition chronique à la pollution atmosphérique en 2008, en grande partie de maladies cardiovasculaires, selon une étude de l’Association médicale canadienne (AMC). Un nombre qui pourrait bien augmenter de 83 % d’ici 2031 si les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas réduites davantage. Le mois dernier, une étude du British Medical Journal a même établi des liens entre l’impureté de l’air et l’anxiété.

« En plus d’être néfaste pour la santé, la pollution le serait également pour l’économie. » « Si vous me donnez le taux de pollution, le taux de consommation de produits transformés et le taux d’arborisation d’une ville, je peux estimer l’espérance de vie de ses habitants », indique le cardiologue François Reeves. L’auteur du livre Planète cœur étudie depuis cinq ans la corrélation entre la pollution et la santé. « La situation est évidemment moins dramatique qu’à New Delhi ou à Beijing, mais il reste encore du travail à faire à Montréal », ajoute le médecin. Selon lui, des villes suisses comme Genève et Zermatt seraient des modèles à suivre, en raison de leur politique environnementale stricte. « À Zermatt, on ne peut pas entrer dans la ville avec un véhicule qui nécessite des combustibles

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fossiles pour rouler », précise François Reeves. De son côté, la spécificité de Genève repose sur un excellent plan d’urbanisme. « Il y a beaucoup d’arbres et la ville est tellement belle et bien faite qu’elle donne envie d’aller dehors, donc de faire de l’activité physique. Il faut que les villes soient belles, c’est important! », s’enthousiasme le cardiologue. MILLIARDS GASPILLÉS En plus d’être néfaste pour la santé, la pollution le serait également pour l’économie. En ayant des effets sur la productivité de la main d’œuvre, elle engendre d’énormes pertes financières. « La pollution a un impact direct sur les employés qui sont moins en forme et qui peuvent s’absenter davantage », affirme Paul Lanoie, professeur à HEC Montréal. L’AMC croit que d’ici 2031, le Québec pourrait perdre 18 milliards de dollars, et le Canada 228 milliards rien qu’en perte de productivité. Par celle-ci, on entend le temps passé en traitement et en rétablissement dû à des maladies liées à la pollution atmosphérique. On inclut aussi le temps de travail perdu par les patients et leurs soignants. À ces coûts s’ajoutent ceux provenant des établissements médicaux et des médicaments, qui ont aussi été comptabilisés. Dans une récente étude, Drew T. Shindell, un ancien chercheur de la NASA, maintenant professeur à l’Université Duke en Caroline du Nord, a additionné les coûts engendrés par la pollution atmosphérique au coût des combustibles. Il en est venu à la conclusion que chaque gallon d’essence coûtait 3,80 dollars supplémentaires et que chaque gallon de diesel coûtait 4,80 dollars supplémentaires à la planète. C’est ce qu’il définit comme le « coût social » de la pollution de l’air.

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compte presque huit millions de véhicules immatriculés selon Statistique Canada, un nombre qui croît plus vite que sa population. De plus, 76% des émissions de GES des transports proviennent de véhicules routiers.

Le directeur climat-énergie de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Alain Brunel, dénonce aussi la contamination de l’air : « Polluer, c’est comme épuiser son capital, on a l’impression d’être riche, mais uniquement à court terme. » TAXES PRODUCTIVES La Commission de l’écofiscalité du Canada, croit qu’il faut tirer profit de cette pollution. « Il faut taxer la pollution. On peut utiliser cet argent à des fins bien plus productives », déplore son Comissaire, Paul Lanoie. La Commission, sur laquelle siègent plusieurs économistes et anciens politiciens, dont Jean Charest, Paul Martin et Preston Manning, a pour mission de proposer des mesures fiscales concrètes afin de stimuler le développement durable. D’après elle, toutes les provinces canadiennes devraient s’inspirer de la taxe sur le carbone instaurée en ColombieBritannique, qui a réduit de 16 % la consommation de carburant par personne depuis 2008. La Commission propose aussi la tarification de la congestion routière, de l’utilisation et de la pollution de l’eau, ainsi qu’une tarification du risque de catastrophe. Elle estime même que, si le Canada reporte à 2020 la mise en œuvre de politiques climatiques permettant de réduire les émissions de GES de 65 %, celles-ci pourraient coûter 87 milliards de dollars de plus que si elles étaient instaurées maintenant. En seulement cinq ans!

LE QUÉBEC PARMI LES CHAMPIONS? « Au Québec, nous sommes un des seuls endroits qui respectent les accords du protocole de Kyoto. Nous n’avons pas seulement stabilisé nos émissions de gaz à effet de serre, nous les avons réduites, contrairement à d’autres provinces canadiennes. Nous sommes définitivement parmi les meilleurs en Amérique », affirme Paul Lanoie. Si le professeur estime que la Belle Province fait

bonne figure sur la scène internationale, plusieurs visions s’affrontent. En 2012, le Commissaire au développement durable du Québec, Jean Cinq-Mars, indiquait dans son rapport : « Le gouvernement du Québec s’est fixé comme objectif de diminuer ses émissions de GES de 6 % spécifiquement pour 2012 par rapport à 1990. Il m’apparaît important de préciser que cet objectif n’est pas équivalent à celui du Protocole de Kyoto, qui vise une réduction moyenne calculée sur une période de cinq ans, c’est-à-dire de 2008 à 2012. » Les chiffres encourageants peuvent donc donner lieu à diverses lectures. Plus loin dans le même document on peut aussi lire que « sur une période de cinq ans, les valeurs rapportées dans le plus récent inventaire québécois des émissions de GES ont fluctué en dents de scie. » MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR Pour prévenir les troubles cardiovasculaires liés à la contamination de l’air, François Reeves conseille de faire attention à son alimentation. « Il faut manger frais, local et lire les étiquettes. Éviter les aliments transformés. Sans oublier de bouger! » Le cardiologue rappelle qu’il est aussi important de s’abstenir de consommer de l’énergie provenant des combustibles fossiles et d’opter principalement pour l’hydro-électricité.

«Les gens se sentent plus interpellés lorsqu’on leur dit qu’ils ont plus de chance de faire un infarctus à cause de la pollution que lorsqu’on leur rappelle que les glaciers fondent. » François Reeves

ENTREPRISES FAUTIVES? Il serait facile d’attribuer la pollution de l’air aux grandes multinationales, mais pour François Reeves, force est de constater que ce sont ces entreprises qui ont le plus réduit leurs émissions de GES au Québec depuis quelques années, alors que le tiers des émissions est toujours produit par le secteur des transports. Or, le Québec

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UN COUPLE DE MILLIONNAIRES AU SECOURS DES MIGRANTS

les individus les plus prometteurs qui tentent leur chance ailleurs », précise-t-il. François-Xavier Saluden rappelle enfin que bien que le travail de MOAS soit indispensable en raison des vies qu’elle sauve, l’organisation ne peut garantir le statut de réfugié aux migrants. « La proportion de migrants hautement qualifiés dans les pays de l’OCDE est en forte augmentation. Le nombre de migrants ayant un niveau d’éducation élevé a affiché une hausse sans précédent au cours de la dernière décennie (+ 70 %), atteignant 27,3 millions en 2010-2011 », indique un rapport de l’OCDE.

Le 19 avril dernier, 800 personnes meurent dans le naufrage d’un navire de migrants en mer Méditerranée. Le monde entier réalise alors l’ampleur des tragédies quotidiennes des migrations clandestines. Régina et Chris Catambrone, un couple de philanthropes derrière l’organisme Migrant Offshore Aid Station (MOAS) n’ont pas attendu cette tragédie avant d’agir. Depuis deux ans déjà, leur travail sauve des milliers de vies.

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Lampedusa à cause d’une embarcation illégale surchargée. Suite à cette catastrophe, le Pape François effectue une sortie publique au cours de laquelle il relie l’événement à la « mondialisation de l’indifférence » envers le sort des migrants. Le couple décide alors d’agir. Dans les mois qui suivront, il investira presque huit millions de dollars pour démarrer le projet MOAS.

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remière initiative de sauvetage en mer financée par des fonds privés, MOAS est une ONG fondée par Régina Catambrone et son mari, Christopher. Munie du Phoenix, un navire de 40 mètres, ainsi que de deux drones, l’organisation, stratégiquement basée à Malte, vient en aide à des milliers de migrants traversant la mer Méditerranée. À l’origine, le couple d’Américains s’est installé sur l’île afin de profiter d’une fiscalité avantageuse pour les entrepreneurs et aussi pour se rapprocher de la famille de Régina, située en Italie. En 2013, près de 400 migrants se noient au large de l’île italienne de

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MIGRANTS SANS FRONTIÈRES Lorsque ses drones repèrent une embarcation, MOAS alerte les autorités et se rend sur place pour donner les premiers soins, distribuer des vivres et des gilets de sauvetage, tout dépendant des besoins des passagers. Lors d’une mission de 60 jours, en août dernier, l’organisation estime avoir apporté de l’aide à quelque 3 000 migrants. Le coût d’opérations est estimé à un peu plus d’un demi-million de dollars canadien par mois. Dans un contexte où l’ONU estime qu’il y aurait 53 millions de migrants internationaux de plus qu’en 1990, ce n’est pas rien. On recense aujourd’hui dans le monde environ 282 millions de migrants, selon un rapport de l’OCDE. De ce nombre, une

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bonne part tentera de s’établir à l’étranger en traversant la mer Méditerranée sur une embarcation de fortune, n’ayant pas d’autre option. Ils étaient presque 350 000 en 2014 à risquer leur vie de cette manière, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Le gouvernement italien a calculé que près de 24 000 migrants étaient entrés sur son territoire illégalement via la mer depuis janvier. C’est 4 000 individus de plus qu’à pareille date l’an dernier et ce nombre ne cesse d’augmenter. Le conflit syrien et la situation tendue en Lybie seraient les principales causes de cette migration de masse. Certains experts parlent même du plus grand déplacement de population depuis la Seconde Guerre mondiale. NOUVEAU DÉPART Si tant de migrants traversent la mer au péril de leur vie, c’est pour obtenir le statut de réfugié, selon le juriste spécialisé en droit international de l’eau, François-Xavier Saluden. « Tout migrant est potentiellement un réfugié. Avant de les refouler, l’État doit vérifier si les arrivants peuvent obtenir ce statut. » Lorsqu’un arrivant obtient le statut de

réfugié, l’État hôte ne peut le renvoyer. La Convention de Genève relative au statut des réfugiés interdit le renvoi d’un réfugié vers un territoire où sa vie et son intégrité serait menacée en raison de son origine ethnique, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. C’est la raison pour laquelle certains États, comme par exemple l’Australie, font tout pour empêcher que les migrants n’arrivent sur leur territoire, puisqu’ils seraient obligés d’étudier leur cas un à un, souligne celui qui enseigne le droit international à l’Université du Québec à Montréal. François-Xavier Saluden croit aussi que certains tabous doivent être brisés à propos de ces migrants. « Contrairement à ce que l’on pense, les migrants sont souvent éduqués et fortunés. Ce sont généralement

RESSOURCES HUMAINES GASPILLÉES Pour la professeure à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, Michèle Laaroussi, « la migration est bonne pour le développement durable, mais encore faut-il trouver une place et une occupation à ces migrants ». Plusieurs études de l’ONU confirment que la migration est un catalyseur pour le développement économique du pays hôte ainsi que pour celui d’origine. Pourtant, l’Union européenne ne semble pas encline à accueillir de nouveaux arrivants si on analyse ses politiques en matière d’immigration, et notamment ses programmes de surveillance en mer. « Le programme italien Mare Nostrum était un programme d’assistance, alors que le programme Triton en est un de contrôle et de surveillance de la marée territoriale », explique François-Xavier Saluden. ET LES MIGRANTES? « Quand on parle de réfugiés et de gens qui demandent asile, les femmes présentent certaines vulnérabilités. Elles sont souvent victimes des hommes et des passeurs », indique Michèle Laaroussi. Selon l’experte en questions d’immigration, le statut de réfugié est souvent obtenu par un seul membre de la famille arrivante, à savoir l’homme dans la plupart des cas, la conjointe devenant alors une simple « accompagnatrice ».

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Cette dernière dépend donc de son mari pour tout ce qui concerne les questions légales de la terre d’accueil. Le droit d’asile, qui s’obtient avec le statut de réfugié, est effectivement un droit individuel. De plus, « il est très rare que les migrants migrent en famille. Ils sont souvent séparés, comme le montre bien le film Monsieur Lazar par exemple », conclut FrançoisXavier Saluden. La situation est encore plus complexe pour les travailleuses domestiques, croit Michèle Laaroussi. Celles-ci ont généralement un contrat de travail, pendant lequel elles vivent et travaillent chez leurs employeurs, souvent pour deux ans. « Durant toute la durée de leur contrat, elles dépendent énormément de leur employeur, ce qui peut créer des situations d’inégalité. Beaucoup de femmes venant des Philippines font ce genre de travail », explique la professeure. Certaines situations de parrainage de nouveaux arrivants peuvent ainsi conduire à une perte d’autonomie et d’indépendance Les femmes représentent d’ailleurs une grande proportion des migrants. Dans un rapport de l’OCDE, on peut lire à ce sujet : « En 2013, la part des femmes parmi les migrants allait de 52 % au Nord à 43 % au Sud. » POUR UNE MEILLEURE MIGRATION FÉMININE « Il est important de sensibiliser les populations des pays d’accueil. Ces femmes sont des victimes, elles ont une vie à reconstruire », déplore Michèle VatzLaaroussi. La professeure croit enfin qu’il faut être d’autant plus attentif aux femmes migrantes qu’elles sont souvent laissées à elles-mêmes. Puisqu’elles ont quitté leur terre par obligation, elles se retrouvent la plupart du temps dans une situation de traumatisme. « Les organisations féministes du pays d’accueil se doivent d’inclure davantage les femmes d’ailleurs. »

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Créatrice

D’ICI MARIE-JOSÉE RICHER

PRANA, COLLATIONS SAVOUREUSEMENT ÉTHIQUES

sur un distributeur qui marquera leur vie. Marc Périard d’Aux mille et une saisons leur fait vite comprendre qu’ils doivent refaire leur devoir. Avec franchise, il leur explique que leurs étiquettes ne conviennent pas du tout et que le prêt-à manger (salade, gâteau cru) les confine à un marché très local. Message entendu. Prana accepte de faire le virage et obtient une subvention du Service d’aide aux jeunes entrepreneurs (SAJE) et de la Fondation Montréal Inc.

Vedette montante dans le monde de l’alimentation naturelle au Québec, l’entreprise Prana ne cesse de faire parler d’elle grâce à ses collations à base de noix, fruits séchés et autres aliments biologiques, végétaliens et sans gluten, qui séduisent de plus en plus les fins palais d’ici. Voici l’histoire d’une jeune entreprise de plus de cinquante employés flirtant avec un taux de croissance annuel de près de 70 % ces dernières années.

PRANA PARTOUT Aujourd’hui, Prana compte 55 employés et la croissance moyenne de l’entreprise est de plus de 70 % depuis les six dernières années. Marie-Josée s’occupe du marketing et de la comptabilité, tandis que son partenaire dans la vie comme dans les affaires gère les finances et la production. « Les défis de croissance sont toujours nombreux. Pour nous, c’est comme une pyramide : investir pour créer des ventes et ensuite investir dans la production pour garder la même qualité… sans parler des innovations nécessaires, des ressources humaines, de la comptabilité et du service à la clientèle », explique-t-elle. Sobeys, Metro,

PAR FRANCIS HALIN

Rien ne prédestinait Marie-Josée Richer à devenir entrepreneure. Après des études brillantes en biochimie et en physiothérapie, elle se met au yoga et accorde de plus en plus de place à la spiritualité dans sa vie. Elle part ensuite à l’aventure autour du monde pendant cinq ans. C’est lors de son séjour en terre indienne que sa vie bascule. VIE INDIENNE Marie-Josée Richer a 22 ans quand elle ouvre un restaurant végétalien à Goa, au sud de Bombay en Inde. Le succès est immédiat. Une centaine de clients répondent à l’appel chaque jour. « En Inde, il était peu commun d’avoir accès à des produits frais comme de la salade dans des restaurants. Là-bas, les produits sont souvent offerts avec une sauce… J’ai donc simplement voulu proposer des aliments frais, et ça a vraiment décollé! », raconte-t-elle, encore surprise de son succès. Pourtant la jeune femme d’affaires décide de fermer son commerce, parce qu’elle trouve qu’il fait trop d’ombre aux cassecroûtes du village. Marie-Josée Richer admet avoir eu beaucoup de difficulté à côtoyer l’extrême pauvreté et la misère des habitants du quartier. « Quand mon restaurant a commencé à devenir populaire, je me suis sentie mal parce

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que j’avais littéralement l’impression de voler le travail des gens… », dit-elle avec une pointe de regret. RETOUR AU BERCAIL Survient alors le coup de foudre. MarieJosée Richer tombe amoureuse d’un jeune Israélien qui partage la même passion qu’elle pour le bio. Le couple quitte l’Inde et revient au Québec avec l’espoir d’ouvrir son propre restaurant. « Nous voulions avoir un restaurant avec pignon sur rue… par contre, vu le prix des loyers, ce n’était absolument pas envisageable! Nous avons donc décidé de fabriquer nos produits et de les vendre dans différents établissements. Au début, nous devions travailler tous les jours, sept jours par semaine, pas question de prendre de congés! », se rappelle-t-elle. Dans la cuisine de sa mère, ils préparent humus, tzatziki végétalien à base de tofu soyeux, tartinade de noisette au caroube, noix à l’érable et au kombucha, etc. Pendant plus de cinq ans, le couple de jeunes entrepreneurs vit chez la mère de Marie-Josée, où ils ne payent que 200 dollars de loyer par mois, afin de mettre toutes leurs économies dans le démarrage de l’entreprise. « Nous avons ouvert Prana avec une somme de 10 000$, ce qui n’est pratiquement rien », souligne-t-elle. Ce n’est qu’après sept

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ans qu’une institution financière consent enfin à leur prêter de l’argent… VÉGÉTALIEN MAISON Prana décide alors de s’attaquer au marché des collations faites au Québec, secteur quasi inexistant à l’époque et pour lequel les perspectives de développement étaient tout à fait intéressantes. « Il fallait trouver la niche. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de collations faites au Québec. Tout venait des États-Unis! Pourtant, ça ne prend pas la tête à Papineau pour faire de bonnes collations santé! », se plaît à souligner Marie-Josée Richer, qui rappelle aussi que les produits dits « naturels » ne sont souvent composés que de maïs, de soya et de sucre... « Au début, c’était fou! Non seulement je faisais toutes les recettes chez ma mère, mais je confectionnais moi-même à la main les étiquettes de nos produits et je les reproduisais grâce à mon imprimante personnelle », expliquet-elle. Puis, un pâtissier vietnamien leur loue une partie de sa cuisine, ce qui les aide énormément. « Je me suis ensuite mise à faire ma tournée des magasins d’aliments naturels au volant d’un affreux camion! De plus en plus de magasins voulaient avoir nos produits sur leurs tablettes », se souvient-elle. Les fondateurs de Prana tombent par la suite

Jean Coutu, Winners, Costco vendent maintenant leurs produits. Sans oublier les nombreux magasins d’aliments santé et leur boutique en ligne. En 2015, Prana veut conquérir le marché américain et international. RESPECTER LE MONDE Dans dix ans, Prana rêve même de faire de l’intégration verticale, c’est-à-dire, être présent du début jusqu’à la fin du processus manufacturier. Marie-Josée s’inspire de la philosophie appelée Bean to Bar, qui signifie littéralement « de la fève à la barre ». « Nous voulons nous promener un peu partout dans le monde et faire des projets d’agriculture au Pérou ou encore à Madagascar », explique-t-elle, pleine d’enthousiasme. « Le problème avec le cacao, comme avec tant de produits en alimentation, c’est que la valeur ajoutée est dans la transformation. Or, nous voulons mettre sur pied des coopératives pour que les agriculteurs transforment euxmêmes leurs récoltes et donc qu’ils s’enrichissent », résume la cofondatrice de Prana. « Dans tous les cas, quand tu donnes, tu reçois », résume-t-elle. On ne saurait mieux dire.

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« Il fallait trouver la niche. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de collations faites au Québec. Tout venait des États-Unis! Pourtant, ça ne prend pas la tête à Papineau pour faire de bonnes collations santé! »

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MÉLISSA MONGIAT ET MOUNA ANDROAS -

Crédit photo à Geoffrey Boulangé

L’ART COMME CONNEXION À L’AUTRE

Crédit photo à Nicolas Fonseca

Vous souvenez-vous des balançoires musicales du Quartier des spectacle ou encore de Bloc Jam, une partition musicale colorée et mouvante, produite par des passants à partir de leur téléphone portable et présentée sur la façade d’un pavillon de l’UQÀM? Les œuvres de Mouna Andraos, cofondatrice de Daily tous les jours, ne passent pas inaperçues. Rencontre avec une artiste en pleine ascension. PAR MARIÈVE K. DESJARDINS

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u studio Daily tous les jours où m’accueille Mouna, l’ambiance semble décontractée, mais la dizaine d’employés qui s’y trouvent, tous dans la vingtaine ou la trentaine, sont loin d’être oisifs. Pour m’accorder cet entretien, Mouna prend d’ailleurs une rare pause dans son horaire chargé. Car, dans ce véritable quartier général de la création situé dans le Mile-End à Montréal, pas moins de cinq à sept projets artistiques d’envergure, destinés à être présentés ici ou à l’étranger, sont toujours simultanément en cours de conception ou de réalisation. C’est que le nom Daily tous les jours circule beaucoup dans les milieux de l’art et de la culture depuis que Mouna et l’autre cofondatrice du studio, Mélissa Mongiat, ont lancé leur projet 21 balançoires dans le Quartier des spectacles, il y a quatre ans. Forte de sa popularité, l’installation artistique, qui convie les passants à utiliser des balançoires générant des notes de musique par leurs mouvements – et même à créer une pièce musicale

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en s’ajustant au rythme d’autres participants – revient depuis à chaque printemps. Comment expliquer le succès de cet instrument de musique collaboratif en plein air, devenu un incontournable de la Promenade des artistes et la marque de commerce des deux jeunes créatrices? Mouna croit que leur œuvre a profité d’un « momentum pour tout ce qui est interactif dans l’environnement ». En vérité, cette libano-québécoise de 36 ans, tête d’affiche de l’art des nouveaux médias, a toujours été à l’affût des plus récents développements dans son domaine. Après avoir complété un baccalauréat en communication à l’Université Concordia, elle fut parmi les premiers étudiants à s’inscrire à un laboratoire d’art numérique qui venait tout juste d’ouvrir ses portes dans le même département. « Il y avait encore tout à définir et à inventer », raconte Mouna. Puis, au tournant des années 2000, alors qu’Internet n’en était qu’à ses débuts, elle était de la première vague de concepteurs Web, notamment pour le compte de Bluesponge, agence

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interactive réputée. SORTIR DE L’ÉCRAN Lasse de passer ses journées devant un ordinateur, Mouna amorce ensuite une réflexion sur la manière de créer des expériences interactives hors écran dans le cadre d’une maîtrise en télécommunications interactives à l’Université de New York et d’une résidence au Eyebeam Art and Technology Center de Brooklyn. Ce désir de transposer son univers créatif dans le monde physique se concrétisera à travers des projets artistiques personnels, réalisés sous le nom de Electronic Crafts, et pour lesquels elle s’amusera à trafiquer de petits objets électroniques anodins. Mais il prendra réellement forme à la suite de sa fructueuse collaboration avec Mélissa, qui est de son côté titulaire d’un diplôme de maîtrise en environnements narratifs du Central Saint Martins College of Art and Design de Londres. Dès leur première rencontre, organisée par des amis communs ayant flairé une possible compatibilité professionnelle, Mouna, plus ferrée en technologies,

et Mélissa, davantage calée en design, constatent qu’elles partagent cette même envie de « transformer le quotidien des gens, de faire une différence dans leur vie » par le biais, notamment, d’interventions artistiques participatives se déployant dans l’espace public. Depuis qu’elles ont uni leurs forces créatrices à temps plein en 2010 – elles adoptent officiellement le nom Daily tous les jours deux ans plus tard –, les projets se sont enchaînés à un rythme fou pour les deux jeunes femmes. DES PROJETS PARTICIPATIFS Par exemple, à la gare Union Depot de St-Paul, au Minnesota, elles ont mis sur pied AIR (Amateur Intelligence Radio), une station de radio animée par l’édifice lui-même (!) et qui offre un contenu mis à jour en temps réel et pouvant être alimenté par le public sur place ou par son audience connectée sur Internet. Dans le cadre de leur création Rewrite the Year, elles ont permis à des passants de Surrey (C.-B.) d’altérer en direct et à leur guise, à l’aide de la messagerie texte de leur téléphone, 365 grands titres issus de journaux de l’année 2011 qui étaient alors diffusés sur un immeuble. À Montréal, leur œuvre permanente Chorégraphies pour des humains et des étoiles invite chaque soir les visiteurs du Planétarium Rio Tinto Alcan à se mouvoir devant la façade pour interagir avec les animations d’étoiles et d’autres corps célestes qui y sont projetées. Lors de mon passage au studio, les créatrices mettaient la touche finale à un projet pour lequel des signaux routiers et feux de circulation ont été transformés afin de

susciter la communication entre piétons se trouvant de chaque côté de la rue Market Street, à San Francisco, dans le cadre d’un festival prévu en avril. Bien que les nouvelles technologies occupent une place significative dans leurs œuvres, le duo fait preuve d’un souci constant de placer l’humain au premier plan. Chacun des projets artistiques de Daily tous les jours, souvent présenté en contexte urbain, constitue ainsi une occasion pour ses participants d’aller à la rencontre de l’Autre, dans le cadre d’expériences interactives et collectives qui se veulent ludiques. « Ce qui nous intéresse, c’est d’essayer de créer des opportunités de connexions, voire de conversations entre les gens, même si on n’est pas de la même génération ou du même milieu », explique Mouna. Et pour tester certaines de leurs créations, cette dernière croit que « Montréal est un super laboratoire, car on y trouve une culture du festival et de l’animation de rue. Le public d’ici a aussi une ouverture, il est disponible pour ce genre de choses ». UN TALENT MULTIDISCIPLINAIRE Pour parvenir à mener à terme leurs projets aussi ambitieux que novateurs, qui leur ont d’ailleurs valu le 2014 UNESCO Creative Cities Design Award for Young Talents, les cofondatrices de Daily tous les jours ont dès le départ compris la nécessité de s’entourer d’une équipe. Depuis l’origine, celle-ci n’a pas cessé de croître, et ses collaborateurs permanents et pigistes sont d’abord recrutés pour leur polyvalence plutôt que

PREMIÈRES EN AFFAIRES

sur la base d’une seule expertise. « C’est un domaine qui est intrinsèquement multidisciplinaire. Ici, on est tous des généralistes avec cette culture de pouvoir résoudre n’importe quel problème. Donc tout le monde est un peu designer, un peu technologue et un peu programmeur, même si tous ont des forces particulières », ajoute-t-elle. Mouna et Mélissa, qui enseignent aussi leur savoir-faire à l’École de Design de l’UQÀM, se retrouvent aujourd’hui à la tête d’une entreprise désormais reconnue et sollicitée à l’échelle internationale. Sont-elles à l’aise de s’afficher également en tant que femmes d’affaires? La première rit spontanément lorsque j’évoque ce titre, qu’elle n’assume apparemment pas encore tout à fait. « Quand tu gères une compagnie, à un certain moment, tu vas davantage être à la recherche de contrats et tu ne toucheras plus à la création. Mais ce n’est pas du tout notre cas », intervient aussitôt Mélissa, qui s’est jointe à nous pour la fin de l’entretien. Les jeunes femmes tiennent toujours à mettre la main à la pâte lors du processus créatif et demeurer impliquées dans les décisions techniques. « C’est beaucoup plus de travail, mais on aime ça! », conclut Mouna, en offrant un sourire complice à sa collègue.

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Arts & Culture

UN LIVRE, UN LEADER

LE CHOIX DE LISE TREMBLAY Directrice générale du Barreau du Québec

PAR MARINE THOMAS

À propos de l’auteur : Sheryl Sandberg fait partie des femmes les plus influentes au monde. Directrice de l’exploitation de Facebook, elle a été auparavant viceprésidente des opérations et des ventes en ligne chez Google et chef de cabinet du Département du Trésor des ÉtatsUnis. À propos du livre : En avant toutes (Lean in, en anglais) a fait beaucoup parler de lui dès sa sortie en mars 2013. Dans cet ouvrage, la numéro deux du réseau social s’inquiète de l’avancement des femmes dans le monde des affaires. Entre anecdotes personnelles et données factuelles, sa prise de parole cherche à mobiliser les femmes et à les inciter à avoir davantage confiance en leurs capacités. Elle fournit des conseils pratiques pour que celles-ci réussissent leur carrière, tout en s’épanouissant sur le plan personnel. Elle invite également les hommes à reconnaître les inégalités pour les faire disparaître. Pourquoi avoir choisi ce livre? J’ai adoré ce livre parce qu’il représente exactement les situations auxquelles les femmes sont confrontées chaque jour.

CE QUE J’EN AI RETENU : CONCILIATION ET CULPABILITÉ Ce qui m’a le plus frappé en lisant ce livre, c’est que la possibilité de tout avoir est un mythe. Au lieu de se poser la question « Peut-on tout avoir? », il faudrait plutôt se demander « Puis-je tout faire? » Et la réponse est négative. J’accepte donc maintenant de ne pas être tout le temps parfaite à la maison ou encore que mon travail puisse subir un léger retard. Et surtout, j’essaie de ne plus me sentir coupable. On doit avant tout viser un épanouissement durable et cela passe par une remise en question de ce qui compte le plus pour soi. Dans notre cas, le Barreau du Québec est essentiellement féminin. Au sein de l’ordre professionnel, il y a énormément d’employées féminines et il y a un bel esprit d’équipe. Nous avons un programme qui touche notamment à la conciliation travail-famille. Ce qui est sûr, c’est que l’égalité est un sujet souvent discuté, autant via les programmes d’équité qu’au travers des mesures mises en place pour permettre aux femmes de progresser dans l’entreprise. MENTORAT Personnellement, j’ai bénéficié d’un mentorat important de la part des deux directeurs généraux qui m’ont précédée et qui m’ont identifiée en tout début d’emploi comme étant une relève possible. Ils m’ont donné des conseils que j’applique encore. Je me rappelle que l’un d’eux était de toujours me demander si le “petit singe” (la tâche) que tu mets sur ton épaule est vraiment le

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tien ou celui de quelqu’un d’autre. Est-ce que c’est à moi de m’en occuper? Est-ce qu’il a raison d’être sur mon épaule ou doit-il être ailleurs? Souvent, cela permet à quelqu’un d’autre de grandir ou d’avoir une expérience différente. C’est une façon de voir la délégation et la confiance. APPRENDRE À NÉGOCIER Dans le livre, Sheryl Sandberg évoque une anecdote datant de l’époque où elle était enceinte. Elle travaillait alors chez Google. Son stationnement était très loin, mais elle ne voulait pas en demander un plus proche. Finalement, le jour où elle l’a demandé, elle l’a reçu. Les femmes souffrent souvent du syndrome de l’imposteur. Elles ne négocient pas leur salaire ou leurs conditions de travail de la même façon que les hommes, en pensant qu’elles valent ce qu’on leur offre. Les femmes ont peur de demander car elles ont peur d’être mal vues si elles insistent trop. Alors que chez l’homme, au contraire, il s’agit d’un comportement apprécié. LEADERSHIP AU FÉMININ J’ai été touchée par la partie où Sheryl Sandberg nous invite à être vraie et à dire ce que l’on pense. Selon elle, le meilleur moyen de communiquer consiste à associer à la fois courtoisie et sincérité. Enfin, il faut toujours garder à l’esprit que l’on défend son point de vue, mais que la personne en face de nous a également le sien, et qu’il faut le respecter. En tant que gestionnaire, cela permet d’ouvrir une discussion et de prendre en compte plusieurs éléments qui pourraient nous échapper autrement.



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