Zut Haut-Rhin 02

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Depuis 1850, la famille de Jean-Marc Kieny a investi ce qui n’était qu’un relais de diligence à Riedisheim : La Poste. Issu de la sixième génération, le chef a continué et magnifié l’œuvre de son père qui avait pris un virage plus gastronomique que ses ancêtres, avec une étoile Michelin obtenue en 1987.

Jean-Marc et Mariella Kieny ont le sourire. Depuis quelques années, ils ont entrepris à leur façon la mue de leur établissement La Poste. D’abord, ils ont totalement refondu la cuisine et l’ont dotée de nouveaux équipements. Ensuite, c’est la façade qui s’est retrouvée plus accueillante à la faveur d’un solide lifting. Enfin, à la faveur de l’été, l’intérieur de l’établissement a été métamorphosé : « Enfin, tout est en adéquation avec l’esprit de notre maison, celui que nous instaurons dans la salle mais aussi dans les assiettes avec la cuisine de JeanMarc », se réjouit Mariella Kieny. Et comme d’habitude, le changement est subtil : on n’aime pas bousculer, chez les Kieny. Hors de question de désorienter les clients, ni l’équipe. Pourtant, dans cette honorable maison, qui « a toujours été une référence dans la région » selon Jean-Marc Kieny, se cache un ancien « petit fou furieux ». Enfant de la balle, le chef ne s’est jamais posé de question sur son avenir. Il était tout tracé, et dans une cuisine. D’autant plus que la famille vit depuis toujours, et encore aujourd’hui, au-dessus du restaurant. « J’ai retrouvé un cahier de mon frère (le pâtissier Laurent Kieny est son cadet de quatre ans et sa boutique est juste en face du restaurant, ndlr). Il y avait une petite rédaction de quelques lignes et un dessin. Il fallait dire ce qu’on voulait faire quand on serait grand. Mon frère a répondu qu’il sera pâtissier et moi cuisinier, en nous dessinant en tenue professionnelle. Parce que ça va bien ensemble. Étonnant, non ? » Quand il raconte l’histoire de sa famille, il décrit une vie de labeur, surtout concernant ses parents « qui ont tout donné ». Lui avait sa veste de chef avant ses dix ans et servait beaucoup. Mais à l’adolescence, il donna moins de coups de main et, à l’instar de beaucoup de chefs alsaciens, après le lycée hôtelier, il partit se former dans les grandes maisons, notamment chez Lameloise à Chagny ou au Crocodile d’Emile Jung à Strasbourg. Il faillit même partir à Singapour mais, finalement, l’af-

faire ne s’est pas faite. En 1987, il était de retour dans la maison familiale et lança sa révolution de velours : « J’étais devenu un chasseur d’étoiles. On m’a laissé faire, modifier tous ces petits détails qui font d’une bonne maison un restaurant digne d’être remarqué. Je m’étais donné cinq ans pour décrocher cette étoile Michelin, nous l’avons fait en trois ans. Et nous avons tous pleuré quand nous l’avons appris, mes collaborateurs et moi. » Nous sommes en 1990. Déjà en 1987, Gilles Pudlowski, qui a fait de Jean-Marc Kieny le meilleur chef d’Alsace en 2013, avait titré : Attention, Kieny arrive. De fait, pendant son tour de France, Jean-Marc Kieny avait appris le métier, mais aussi la vie. Il se souvient de grands messieurs, de chefs-patrons exceptionnels autant dans le talent que dans l’humilité. Il regrette juste de ne pas avoir travaillé à Paris, frustré de ne pas avoir vécu l’expérience de la capitale. Mais il a pourtant choisi le retour au bercail. Etoile et soleil L’obtention de l’étoile Michelin fut un argument de poids pour que le « petit fou furieux » se fixe mais un autre astre l’avait déjà ébloui. Une jeune femme qui travaillait au restaurant pour payer ses études d’anglais. Elle était à l’office mais un jour, elle n’est plus venue. Et le jeune chef a insisté auprès de sa mère pour qu’elle la rappelle, parce que le restaurant avait besoin d’elle, bien entendu. Après deux mois d’une cour assidue, elle se laissa inviter et ne quitta plus la maison. Mariella Kieny a abandonné ses études, suivi des formations sur le vin, écouté les conseils de sa belle-mère et de celle qui a aidé nombre d’épouses de chefs de restaurants gastronomiques en Alsace : Monique Jung du Crocodile à Strasbourg. « C’était ce qu’on appelle le coup de foudre. Dès que je l’ai vue, il n’y avait plus qu’elle, confie Jean-Marc Kieny. Elle m’a apaisé et depuis, nous menons l’affaire tous les deux. Moi en cuisine, elle en salle : c’est un vrai partage des tâches entre Mariella et moi. »


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