CHRONIQUE //
#02 Toute première fois
PIZZA & STRIP-TEASE
Ou comment on peut, à Strasbourg, se faire livrer une pizza quatre fromages pour cinq accompagnée d’une strip-teaseuse…
Par Fouzi Louahem
//// Je devais, armé de sauce pilipili, vous raconter par le menu ce rendez-vous improbable dans mon salon. Mais voilà ! La rencontre ne s’est pas produite – désistement de dernière minute –, l’entretien est remis à plus tard. Pourtant, j’avais déjà en tête ma chronique : traiter de l’ère du temps, de l’esprit d’entreprise, de la cocasserie de la situation. Une courte critique culinaire mettant en avant la pâte et la garniture faites maison, le tout emballé avec style et humour. Pourtant ce matin-là, à quelques heures du rendez-vous manqué, ma femme me lance entre le nutella et le café : « Tu sais, je n’ai pas arrêté de penser à ta rencontre avec cette strip-teaseuse. Non pas que je sois jalouse, je sais bien que c’est pour le boulot, mais… » Mais quoi ? Que pensait-elle réellement ? Que j’allais lui sauter dessus et l’arroser de sperme comme Fernando Alonso arrosant son public de champagne à la fin d’un grand prix ? Bien sûr, je me serais d’abord présenté : « Bonjour, je m’appelle Fouzi, j’écris pour Zut !, le magazine le plus hype de ce côté des Vosges, vous permettez que je prenne des notes en me masturbant ? Oui, je suis ambidextre, mais ne vous inquiétez pas, l’un devrait prendre moins de temps que l’autre. » Elle dirait oui en se caressant lascivement la rondelle de chorizo habillement transformée en cache-téton pour l’occasion. Alors, dans un moment de sublime extase, je vous donnerais à lire une chronique tellement chaude qui justifierait à elle seule la mise sous blister étanche du magazine le plus hype de ce côté du Sundgau, celui-là même que vous tenez entre vos mains tremblantes, mes bichons.
zut ! 18
Non vraiment, les sujets liés au sexe véhiculent des fantasmes bien loin de la réalité ! Un jour, j’ai dû écrire un papier (pour un autre magazine très hype de ce côté du Rhin) à propos d’une soirée SM dans une péniche amarrée face au Palais des Droits de l’Homme (ça ne s’invente pas…). Rendez-vous est pris avec l’organisateur qui me reçoit sur le pont, dans le plus simple appareil, pour me parler de sa vie et de son œuvre… hé bien, l’image qui me resta de cette soirée, c’est celle de ce quinquagénaire nu en train de décharger des caisses de bière dans la réserve. J’ai depuis une phobie des péniches et des Droits de l’Homme. Alors, imaginez-vous Sandra, strip-teaseuse, un master en littérature moderne et une Clio d’occasion, en train de se déshabiller entre le buffet de grand-mère et le bac à jouets des petits, éclairée par la lumière tamisée de l’allogène du salon devant une quatre fromages qui refroidit, et demandez-vous si le début d’érection que vous cachez maladroitement en vous tortillant sur votre siège n’est pas un peu ridicule ? Parce que, si les boites de strip-tease ou les péniches SM sont si peu éclairées, c’est que dans l’ombre peuvent naître les fantasmes les plus humides. Les miens, ceux de ma femme, les vôtres peut-être, à moins que vous ne préféreriez l’éclat doré des néons tristes qui éclairent les pizzerias.