DÉCO
Dans l’entrée, XM2 est une très rare bibliothèque en verre et acier de Xavier Mategot (1986 – Christian Farjon) avec, à ses côtés, la version argent de la table Mickville Philippe Starck. Au centre, table basse rouge de Dan Friedman (1993 – Néotù) et au premier plan, deux fauteuils à roulettes en résine de polymérisation, 4814 d’Anna Castelli-Ferrieri (1988 – Kartell). La jeune fille travaille sur un tabouret Mr Bliss de 1984, bureau en acier et plateau de formica de Michel Cadestin pour le Centre Georges Pompidou (provenant du bureau d’architecte de Michel Cadestin lui-même, au milieu des années 70). Lampe de bureau, Jean Pierre Vitrac (années 70). À droite Polifemo, un lampadaire de Carlo Forcolini (1983 – Artemide)
C
e vaste loft strasbourgeois de plus de 300 m2 s’inscrit dans un petit groupe d’immeubles citadins. Le type même de lieu dont la découverte vous fait pousser des « oh! » et des « ah! » de surprise. Caché dans l’arrièrecour d’un bâtiment anodin, le jardin apparaît une fois passé le sas en tôle industrielle : environ 150 m2 de sol végétalisé et un terrassement graphique en ardoise brut précèdent une façade intrigante, recouverte de nappes en acier galvanisé et surmontée d’un auvent en filet camouflage. La messe est dite, le ton est donné et la visite s’annonce passionnante… Le maître atout de ce loft est donc son volume, conséquent. À l’origine, un ancien atelier de décolletage encombré de grosses tours à métaux dont l’espace fut libéré et les volumes laissés volontairement ouverts pour faire vivre et dialogue les créations. L’étage est plus intimiste, avec les chambres et la suite parentale qui jouit d’une vaste terrasse à l’abri des regards. Les sols furent uniformisés par un béton lissé d’un beau gris foncé, la toiture en bac acier recouverte d’un complexe goudronné : des matériaux assez courants dans la réhabilitation de lofts industriels. Au final, les murs blancs offrent une toile de fond toute en sobriété au mobilier de designer qui peuple l’espace.
zut ! 138
Chaise pliante en acier laqué noir Mrs Frick de Philippe Starck (1985 – 3 Suisses) —— Chaise B1 à trois pieds de Stefan Wewerka, en bois laqué noir, assise recouverte d’un tissu rayé noir et blanc (1979 – Tecta)
Mais comment en arrive t-on à posséder un aussi vaste ensemble, avec des pièces majeures du XXe siècle ? Un flash back sur leur parcours s’impose. On est d’emblée enchanté de faire la connaissance de ce couple passionné qui consacre son temps libre à la recherche de pièces d’exception et transforme son lieu de vie en une vaste galerie privée où le mobilier des années 80 est omniprésent (pas de névrose eighties chez eux, on y trouve aussi des pièces antérieures). Ici, les meubles vivent et jouent les chaises musicales : ils vont et viennent entre l’appartement et les réserves, se mélangent et se revendent. Les pièces limitées suscitent le plus d’émoi chez ces amateurs éclairés. Trois grandes influences stylistiques ont déjà jalonné la vie de nos hôtes (nés à l’aube des sixties) et le propriétaire a un lourd passé familial lié à la Chine… Soit on rejette cet héritage, soit on s’y abandonne, et très franchement, on a du mal de croire qu’on puisse échapper à des grands-parents et parents sérial-chineurs !