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Une panthère en ville Par Marie Bohner Photos Alexis Delon / Preview
Comment le monde du luxe a-t-il évolué depuis 1996 ? Nous avions un peu plus de monde à l’époque. Je ne dévoile rien en disant qu’avec les crises économiques, l’écart s’est creusé. Les clients sont moins nombreux mais ils achètent des choses plus chères. Mais nous avons toujours des gens qui économisent pour pouvoir venir chez nous un jour. Ce rêve-là perdure, et avec lui la magie. Comment avez-vous fêté l’anniversaire de la boutique ? Nous vivons une époque où il faut savoir être discret. C’est un plaisir personnel, qu’on a pu partager avec les clients qui se souviennent des débuts. Ne pas en rajouter est une forme d’élégance. Quelle différence entre la boutique Cartier de Strasbourg et les autres ? Il y a plus de 300 boutiques dans le monde, toutes uniques. La Maison mère nous donne le tempo, nous sommes la main qui serre celle du client. Nous essayons de le faire bien, en équipe, depuis 20 ans. Ici ce que nous avons su créer, c’est une proximité. C’est ce que j’appelle « l’éducation au produit ». Ce n’est pas parce qu’un objet vaut cher qu’on peut en faire n’importe quoi. On ne prend pas une Formule 1 pour faire un Paris-Dakar.
« L’affectif absolu » et « la part d’histoire » contenus dans chaque objet Cartier ont fait de Dominique Di Matteo d’abord un client, puis le fondateur et directeur de la boutique strasbourgeoise, qui fête ses 20 ans. Et œuvre pour une certaine vision de l’éternité… Conversation avec un « ambassadeur » de la Maison, qui souligne, entre indépendance et humilité, qu’il parle en son nom propre.
Les objets de luxe sont souvent présentés, chez Cartier comme ailleurs, comme des objets intemporels, indissociables de ceux qui les portent. Comme dans L’Odyssée de Cartier où l’aviateur porte une montre bracelet dans un avion ouvert à tous les vents ! Il faut remettre les choses dans leur contexte. Quand on voit Santos Dumont se déplacer dans le ciel avec son avion, La Demoiselle, il porte cette montre Santos – qui fait partie du patrimoine de la Maison Cartier. À l’époque Santos Dumont cherchait à pallier la difficulté de regarder sa montre gousset dans sa poche tout en pilotant son avion… Il a demandé à Louis Cartier de lui concevoir une montre adaptée. Nous sommes dans un cadre d’aventure, mais il s’agit avant tout d’ergonomie.
La panthère vient d’une femme, semble-t-il. [Rires] Louis Cartier avait une muse qui s’appelait Jeanne Toussaint. Cette femme l’a accompagné pendant la majeure partie de sa carrière. La Panthère était son surnom. Sûrement lié à son caractère…
Quelle est la place du parfum chez Cartier ? L’origine du parfum remonte aux années 80, quand Cartier a démocratisé la marque avec les fameux Must de Cartier : maroquinerie, parfums, lunettes, accessoires… Sous l’impulsion d’Alain-Dominique Perrin, le PDG de l’époque. Il était présent à l’inauguration de notre boutique en 1996, avec Estelle Hallyday, marraine de la boutique et l’une des égéries de la Maison Cartier.
Cartier s’appuie aussi sur l’ouverture au monde : l’Inde, la Chine… La Maison Cartier n’a jamais eu peur des voyages, même à l’époque où ils duraient des mois. Cartier a été en Inde, travailler avec des Maharadjas. Il faisait des bijoux pour eux et des parures en diamant pour les éléphants ! À l’époque les gens n’avaient pas peur de montrer leurs richesses.
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La Maison Cartier présente Jeanne Toussaint comme une femme libre et indépendante. C’est une vision de la femme qu’on ne retrouve pas souvent dans le monde du luxe… Au début du siècle dernier, il y avait des femmes très dynamiques avec des caractères bien trempés. Jeanne Toussaint, ou Coco Chanel par exemple. Les histoires des femmes de cette époque sont peut-être encore méconnues, mais font partie du patrimoine français.