Mes amis se moquent gentiment de moi : selon eux je deviens bobo. Alors oui, cela fait un an que mes habitudes alimentaires changent petit à petit, pour me tourner vers une consommation plus responsable : j’essaye de manger bio pour ma santé et local pour favoriser les petits producteurs. Après avoir vu tous ces documentaires alarmistes qui créent le buzz depuis une bonne dizaine d'années et pointent les effets dévastateurs de l'agriculture intensive sur notre santé et sur l'environnement, j’ai appliqué certains principes à mes modestes moyens. Je le confesse, comme tout le monde, je craque facilement pour une pizza surgelée ou un McDo, parce que manger différemment demande un petit effort. Il faut être curieux, se poser les bonnes questions : d'où vient mon produit ? Comment a t-il été cultivé ? A qui va mon argent ? Si on achète en local, on maîtrise tous ces aspects. Voir comment le paysan cultive, c'est un privilège. Mais pour consommer bio et local, il faut accepter certaines contraintes. Tête en l'air, je me vois déjà oublier d'aller chercher mon panier bio chaque semaine. Mais j'ai essayé. Sentir le vrai goût des choses, c'est comme une rééducation, cuisiner et découvrir des produits originaux comme des carottes multicolores, ça a un petit côté fun. À travers ce reportage de presque deux semaines à Strasbourg, de rencontres, d'échanges, je me rends compte que le bio, c’est logique : la nature est bio par définition. Les pesticides, l'agriculture moderne, payer trop cher pour des légumes qui ont traversé la planète, étrangler les agriculteurs avec des prix défiants toute concurrence, c'est ça qui ne rime à rien. On fait tous au même constat. Alors on fait comment ? Les AMAP, kezaco ? À Strasbourg, il existe différents moyens de mieux consommer, à vous de les adapter à votre porte-monnaie et à votre mode de vie. Il y a d’abord les fameuses AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), comme les jardins de la Montagne Verte qui favorisent la réinsertion en faisant travailler des chômeurs dans les potagers, ou encore la Carotte sociale et solidaire qui travaille avec plusieurs producteurs et fournit le quartier Laiterie, la Krutenau et tout récemment le Neudorf. À Strasbourg, il y a l'embarras du choix. Adhérer à une AMAP, c'est soutenir une certaine forme d'agriculture en s’engageant avec un paysan qui produit directement pour ses consommateurs. Chaque AMAP a son système de fonctionnement et ses produits : la base reste le légume, mais on peut aussi trouver des fruits, du pain, des céréales et de la viande comme à la Krutenau. À terme on pourrait tout avoir dans un panier hebdomadaire pour un prix raisonnable. Marie est adhérente à la Carotte sociale et raconte : « Je vais rue de la Broque récupérer mon panier, tous les lundis de 18h15 à 19h30. Ceux qui arrivent les premiers déchargent, ceux qui partent les derniers aident à remballer. Il y a une ardoise avec les poids et tu constitues ton panier. Une fois par an, le jardin d'Agnès, qui fournit le quartier, invite ses adhérents : on visite, on voit comment les choses se font, le maraîcher parle de son projet. Adhérer à une AMAP, c'est adhérer à un principe. » Dans les AMAP, le principe de solidarité prime, on soutient un paysan, on crée des liens avec d'autres habitants. La Krutenau est d’ailleurs avant-gardiste sur ce point : le Cardek, centre socioculturel du quartier, a créé un partenariat fort avec les agriculteurs locaux. Ils organisent conjointement des ateliers où tout le monde peut apprendre à cuisiner des légumes de saison ou certains types de céréales méconnues comme l’épeautre. Leur restaurant associatif sert lui, chaque midi des plats bio et locaux. Quant au prix élevé, c'est dans ce cas une idée reçue. La première semaine de juin, on trouvait
La consomm'actrice bio Marie Levyckyj Directrice artistique en agence de communication Entretient un jardin ouvrier et est adhérente d'une AMAP Parlez-nous de votre jardin ! J’y passe dès que j'ai un moment. J’ai une vie d'enfer mais avec la chaleur j'essaye de venir tous les jours pour arroser. Il y a une certaine rigueur à respecter, mais c'est mon jardin secret. J'aime être seule ici, ne penser à rien d'autre. Ça a un côté apaisant. Je cultive bio, c'est aussi gratifiant : au-delà de manger sain, je trime pour manger ce que je fais pousser. Quel est votre mode de vie ? Je suis urbaine mais n’utilise pas de voiture : je ne roule qu’à vélo. J’adhère également à une AMAP, La carotte sociale et solidaire, donc j’ai aussi mon panier bio chaque semaine qui m’oblige à cuisiner, me permet de manger des légumes de saison aux goûts incomparables à ceux des grandes surfaces. C’est une démarche personnelle, je fais ce que je peux à mon niveau pour améliorer les choses, mais je ne suis pas militante. Avez-vous toujours été sensible aux questions alimentaires ? J’ai été élevée à la campagne, donc j’avais toujours des légumes du potager dans mon assiette. J’ai grandi avec le bon goût des choses et j’ai envie que mon fils ait aussi cette chance. Et puis un jour, avec une amie, je me suis occupée d’un jardin et c’est là que tout a commencé. Tu jardines, tu te poses des questions, tu t’abonnes à une AMAP, tu t’ouvres à chaque fois à de nouvelles choses. Si les gens arrêtaient d'acheter toutes ces cochonneries qui leur coûtent les yeux de la tête pour cuisiner un minimum, la prise de conscience serait plus générale.
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