Entretien avec Arnaud Robinet, vice-président Attractivité, Tourisme et Culture de la Région Grand Est. Par Emmanuel Dosda
« De lâĂšre du fer Ă celle du savoir-faire » LâĂ©vĂ©nement Esch2022, Capitale de la culture marque-t-il un dĂ©part vers une collaboration plus Ă©troite entre la communautĂ© de communes du Pays Haut Val dâAlzette et Esch-surAlzette, la France et le Luxembourg ? Cette collaboration est ancienne, elle est trĂšs importante aujourdâhui sur le plan Ă©conomique. Le territoire compte quelque 100 000 travailleurs transfrontaliers. Ils reprĂ©sentent 70 % de la population de lâintercommunalitĂ©, on a donc une vraie interdĂ©pendance des deux territoires. Esch2022 est le signe dâune volontĂ© forte de donner du sens Ă un destin partagĂ©. Il permet dâen penser la mĂ©moire. Beaucoup de projets sâinspirent du passĂ© industriel : le prĂ©sent â les travailleurs transfrontaliers sont au cĆur de plusieurs projets â et lâavenir â crĂ©er des ponts, des liens, entre artistes, citoyens des deux pays. La compagnie de danse ChorâĂ Corps, implantĂ©e dans la CCPHVA, va par exemple intervenir cĂŽtĂ© luxembourgeois. Cette dynamique rayonne cependant bien au-delĂ de cet EPCI, Ă lâĂ©chelle du Grand Est. Il y existe une grande coopĂ©ration entre les institutions culturelles, comme lâINA avec le Centre national des archives du Luxembourg pour le projet Memories, entre lâENSAD de Nancy et les nouveaux espaces musĂ©ographiques Ă Belval, ou encore entre le TNS et les scĂšnes luxembourgeoises. Comment cette coopĂ©ration pourrait-elle se poursuivre ? Câest tout lâenjeu des Capitales europĂ©ennes de la culture : elles doivent sâinscrire dans la longue durĂ©e, initier un mouvement vertueux et durable, pour Ă©viter lâeffet « one shot ». Cela passe par des bonnes pratiques : on peut solliciter des amateurs des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre ou des partenariats qui sont appelĂ©s Ă sâinscrire dans la durĂ©e. On peut aussi inciter les publics Ă ĂȘtre plus mobiles et Ă franchir la frontiĂšre en mettant en place des moyens de transport le permettant. Câest ce que nous faisons par le bus ou le rĂ©seau de pistes cyclables par exemple. Cette dĂ©marche est dĂ©jĂ Ă
lâĆuvre Ă lâĂ©chelle de la RĂ©gion Ă travers une politique culturelle transfrontaliĂšre et europĂ©enne trĂšs active qui doit se doubler dâautres Ă©lĂ©ments de facilitation : dĂ©veloppement des mobilitĂ©s, apprentissage de la langue du voisin, habitudes du travail en commun.
© Ville de Reims
Comment sâinspirer du voisin luxembourgeois ? Le site de lâancienne usine sidĂ©rurgique de Belval dâEsch-surAlzette â reconverti en lieu culturel, scientifique et patrimonial, avec des visites possibles des hauts fourneaux â peut-il faire figure dâexemple Ă suivre ? Le site de Belval est un exemple absolument Ă©poustouflant de reconversion rĂ©ussie ! La CCPHVA, avec le soutien de lâĂtat et de la RĂ©gion, sâest engagĂ©e dans un processus comparable avec le programme classĂ© OpĂ©ration dâIntĂ©rĂȘt National (OIN) pour reconfigurer le territoire en passant de lâindustrie au numĂ©rique, de lâĂšre du fer Ă celle du savoir-faire. Cette transition vers un territoire innovant a permis la construction de logements, notamment Ă©tudiants, dâun hub de mobilitĂ©s, dâune nouvelle Ă©cole, tout cela sur le site de lâancienne usine de Villerupt oĂč se dresse dĂ©jĂ le complexe culturel de LâArche.
Ce tiers-lieu est-il la premiĂšre pierre Ă un nouvel Ă©difice socio-Ă©conomique de la rĂ©gion ? Oui, LâArche est un projet ambitieux pour la culture, Ă la croisĂ©e de lâart, du numĂ©rique et de la formation. Il sâinscrit dans la tradition dâun territoire tournĂ© vers le cinĂ©ma, avec le Festival du Film italien de Villerupt, et vers le transfrontalier. Et câest aussi la piĂšce maĂźtresse dâun nouveau quartier qui Ă©merge et sâintĂšgre dans un programme plus vaste dâamĂ©nagement qui doit accompagner le dĂ©veloppement dâun territoire en plein essor dĂ©mographique. Ă travers le dĂ©ploiement dâactions innovantes, il sâagit dâoffrir de nouveaux services Ă une population appelĂ©e Ă doubler dans les quinze prochaines annĂ©es (passant de 28 000 Ă plus de 40 000 habitants). Ă lâheure du vieillissement et de la baisse des taux de natalitĂ©, il nous faut tout faire pour attirer des populations et leur donner lâenvie de sâenraciner durablement dans le nord lorrain. De par son histoire, la mixitĂ© est importante sur ce territoire. Câest un vĂ©ritable atout culturel. Peut-on voir cette rĂ©gion comme un « laboratoire europĂ©en » ? Câest certain, le Grand Est a une vocation transfrontaliĂšre unique de par sa gĂ©ographie et son histoire, il est au cĆur de la construction de lâEurope. GĂ©nĂ©ration aprĂšs gĂ©nĂ©ration, des populations sont venues de tout le continent pour travailler dans les industries, notamment celles du charbon et de la sidĂ©rurgie. Elles y ont apportĂ© leur culture, leur mĂ©moire, leurs traditions. Ce multiculturalisme fait partie intĂ©grante de lâidentitĂ© rĂ©gionale. Câest ce qui fait la richesse de notre territoire aujourdâhui. Cette idĂ©e de « laboratoire europĂ©en » a donc une signification toute particuliĂšre dans le cadre dâEsch2022. Les partenariats suscitĂ©s entre artistes français et artistes luxembourgeois, entre amateurs et professionnels, entre administrations et Ă©lus, entre citoyens de lâEurope rĂ©unis par la Culture, ont vocation Ă se pĂ©renniser pour insuffler de la fiertĂ© Ă ceux qui portent cette initiative. FrEsch Touch â ZUT â 23