Il a marqué un but d’anthologie contre l’Allemagne de Franz Beckenbauer en 1977, on l’associe souvent à son ami et co-équipier de l’ASNL, Michel Platini, mais Olivier Rouyer a sa vie à lui : joueur, consultant pour Canal+ et homme de la nuit. On le rencontre chez lui, dans son bar, au Pinocchio à Nancy.
Parfois, on est davantage connu sous son surnom que sous son nom. Qui parle de Margaret Thatcher, Charles Trenet ou encore Gérard Depardieu ? On évoque La Dame de fer, le Fou chantant ou le Gros Gégé, ça oui ! Là, il s’agit de La Rouille, autrement dit Olivier Rouyer. Ex-joueur de football (Nancy, Strasbourg, Lyon), 17 fois international – prends ça Julien Faubert ! –, mais pas seulement ; l’homme se nourrit de tout, partout, tout le temps. Un temps propriétaire d’un bar de nuit (Le carré blanc, à Strasbourg), toujours à la tête d’un bar de jour (le Pinocchio, à Nancy), consultant pour Canal+, un œil sur la vie associative de sa ville (Nancy, donc), La Rouille ne tourne pas en rond et il lui faut plus d’un os à ronger. Le garçon est prévoyant, d’ailleurs tout le monde sait qu’Olivier Rouyer arrivera en retard, c’est prévu. Au comptoir du Pinocchio, son bistrot depuis plus de trente piges, les paris sont ouverts avec un serveur sûr de son fait : « T’as rendez vous à quelle heure ? - 12h. - Il est 12h00 et il est parti il y a 10 min., il revient dans 20 min. je pense. - C’est con j’ai mon train dans moins de 2h. Il va être à l’heure quand même ? - On prend les paris ? - Une tournée ? - 150 balles ? » Oui, à Nancy ils n’ont peut-être pas la nuit, mais ils flambent plus vite qu’un chien enragé. Olivier Rouyer est arrivé à 12h20, ralenti par son chien, pas enragé lui, mais qui a rogné quelques os en trop et que la chaleur du jour n’a pas aidé à retrouver ses pattes de 5 ans. J’ai perdu 150 balles mais je suis payé le triple pour écrire ces lignes, l’argent n’est pas un problème.
On monte « là-haut », propose La Rouille. Ce n’est donc pas aujourd’hui, à Nancy que je croyais pourtant être la ville de tous les possibles, que je défierai la gravité en montant au sous-sol. Là-haut, c’est au-dessus du Pinocchio. Là-haut, c’est son duplex, chic mais pas rococo, simple et vivant, comme le bonhomme. L’intérieur d’un appartement ressemble à son occupant, dixit Valérie D. Celui d’Olivier Rouyer lui ressemble, c’est vrai. D’ailleurs, à quoi peut bien ressembler l’appartement de Manuel Valls ? Mmmm… « J’ai toujours pensé à l’après, depuis le début », dit Olivier Rouyer assez tôt dans l’entretien. Parce qu’à l’époque, et on parle là des années 70-80, être footballeur n’avait finalement pas grand-chose à voir avec être footballeur aujourd’hui. « Je ne savais pas, quand j’avais 12-13 ans, qu’on pouvait gagner sa vie en jouant au football. Mon premier salaire c’était en 1972, j’avais 17 ans. Je touchais 150 francs, ce qui correspondrait aujourd’hui à 300 euros. Mais on s’en foutait, c’était de l’argent pour les frais. Je vivais chez mes parents, c’était du bonus. Ça n’avait rien à voir avec les salaires d’aujourd’hui au même âge. Aujourd’hui c’est simple, un gamin à 16 ans dans un centre de formation peut se retrouver avec 5 ou 10 000 euros par mois. » Il peut y avoir chez Olivier Rouyer un côté « c’était mieux avant », sans basculer dans l’aigreur : « Avant, on avait moins de facilités pour faire n’importe quoi. Aujourd’hui, des joueurs prennent un avion le soir pour aller faire la fête à Paris. C’est une autre ampleur, les mecs louent des avions ! Nous quand on voulait filer, c’était le taxi ! » Mais ce serait minimiser son amour du présent. S’il critique le monde du football d’aujourd’hui – « Je ne comprends pas toujours la facilité de certains présidents de L1 à filer beaucoup
d’argent à des joueurs de qui n’ont pas particulièrement le niveau / Je suis aussi sidéré par le côté tout, tout de suite / J’aimerais que le football français soit plus attractif, qu’on revienne davantage à une notion de spectacle » –, il n’a de cesse de lui renouveler son amour et sa passion : « J’aime toujours autant voir un match, être dans un stade, je ne me suis jamais lassé du football. » Oui, Olivier Rouyer est un passionné. Et déjà sur les terrains, quand il dévalait son couloir avec l’insouciance de ceux qui ne trinquent pas qu’au Fruité, ou qu’il imposait à ses adversaires des crochets courts piqués à Garrincha, Olivier Rouyer faisait de la passion son seul moteur. L’amour du jeu, la volonté de faire du spectacle. Le pont avec son autre grande activité est là ; il y a dans le fait d’ouvrir et de gérer des bars quelque chose de l’amour du jeu et de la volonté de faire du spectacle. En 1979, profitant de sa prime de Coupe du monde, disputée sous le maillot tricolore en 1978 en Argentine, Olivier Rouyer rachète le Pinocchio, un ancien magasin de jouets. Puis, quelques années plus tard, il ouvre le mythique Carré blanc, à Strasbourg. « C’était un truc monstrueux ! On a fait des soirées extraordinaires, on a fait connaître la house music à Strasbourg et il y a eu des moments dingues. Et puis on a fermé parce qu’un contrôle fiscal s’est mal passé. Ça tombait pas si mal que ça s’arrête… Le monde de la nuit c’est dur à tenir et puis il faut toujours être un peu au-dessus de la mêlée sinon tu plonges avec. Heureusement que je jouais encore au foot et que j’entrainais [au FCO Neudorf puis au FCSK06 dans la banlieue de Strasbourg, ndlr] parce que sinon tu peux plonger tranquille. Si t’es pas costaud, tu meurs avec ton bar c’est clair ! »
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