Le lycée "L'Annexe" sis à Sousse, un héritage colonial à repenser - PARTIE 1

Repenser un héritage colonial en marge de deuil

A mes chers parents, mes piliers, qui n’ont jamais cessé de m’encourager et de me soutenir inconditionnellement, ainsi qu’à mon petit frère qui est encore impatient de découvrir le contenu et l’aboutissement de ce mémoire.

A toute ma famille qui m’a appuyé et épaulé durant toutes ces années.

A la mémoire de ma grand-mère (m) et de mon grand-père (p).

A mes meilleurs amis et âme sœur qui se reconnaitront, que je porte tout particulièrement près de mon cœur.

A tous ceux que je considère…

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Repenser un héritage colonial en marge de deuil

REMERCIEMENTS Je tiens en premier lieu à exprimer ma plus sincère gratitude envers ma directrice de mémoire, Mme Wided Arfaoui, pour avoir cru en moi et m’avoir poussé à donner le meilleur de moi-même tout le long de cette année. Je la remercie de grand cœur d’avoir été très patiente et de toujours avoir été disponible, et je lui serais toujours reconnaissante pour ses efforts, ses conseils et ses instructions qui m’ont permis d’alimenter ma réflexion et d’étoffer mon travail, et de faire de mon mieux pour être à la hauteur de ses attentes.

J’adresse également mes remerciements à mes enseignants à l’ENAU pour m’avoir guidé et mené là où je suis aujourd’hui grâce à leurs connaissances, où je salue particulièrement mes enseignantes de première année Mme Alia Bel Haj Hamouda et Mme Narjes Abdelghani qui m’ont fait découvrir et aimer l’architecture et qui ont continué à m’apporter leur soutien le long de mon cursus, ainsi que Mr Karim Chaabane et Mme Alia Sellami pour une quatrième année extrêmement enrichissante. Sans oublier un clin d’œil à Mme Messaouda Taieb et Mme Rahma Noomani.

Merci également à Mme Raoudha Ben Ayed pour avoir encadré mes analyses et enquêtes sociales et d’avoir été très généreuse de son temps et de son expérience.

Je profite aussi par le biais de ce travail à remercier Mr Adel Hidar, pour son temps, sa disponibilité et sa complaisance, pour toujours s’être montré à l’écoute, pour les documents et contacts qu’il m’a fournis, et pour les directions et idées qu’il m’a transmises.

Et à l’occasion, ma consœur Ons Belaid qui a toujours répondu à mes instances et qui m’a fourni plusieurs documents utiles à mes recherches.

Je remercie également Mr Riadh Hadj Saïd, pour m’avoir fourni les documents graphiques nécessaires afin de mener à bien mes analyses et constats.

Enfin, un remerciement spécial à mes amis Arij, Inès, Nafiss, Ranim, Rym, Sarah, sans lesquels ce travail n’aurais pas atteint le stade où il en est aujourd’hui.

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SOMMAIRE

Repenser un héritage colonial en marge de deuil

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INTRODUCTION Depuis des millénaires, la Tunisie a toujours lutté pour la protection de cette terre qui témoigne des évènements les plus glorieux et les infamants des civilisations qui se sont succédés et qui se sont rencontrés à travers le temps et l’espace. D’innombrables édifices étaient édifiés au cours de l’histoire marquant aujourd’hui la trace d’une ère révolue remplissant de diverses fonctions, telle que le logement le commerce et l’instruction. Cette richesse historique associée aux accroissements urbains et économiques qu’expérimentent certaines villes ont fait de la Tunisie, une destination mondiale. Sousse fait partie de ces régions dotées d’une situation avantageuse, qui étaient sous le contrôle de nombreuses personnalités politiques agissantes, qui ont laissés des marques de leurs ères par l’intermédiaire de l’architecture. Ces constructions jadis fonctionnelles, représentent aujourd’hui une identité et une distinction pour la ville et ses habitants.

La ville de Sousse, qui durant la période du protectorat français de 1884 à 1956, a vu advenir bouleversements politiques, sociaux, économiques et spatiaux, mais aussi résistances et permanences, sera ici interrogée et analysée sur le plan des formes urbaines (premiers tracés et lotissements), des techniques mises en œuvre, des modèles urbanistiques et des enjeux spatiaux urbains.

Pour une meilleure mise en scène de l’image de Sousse, les concepteurs de la ville avaient choisi d’installer la plupart des bâtiments publics autour des places de la ville, de les couvrir d’un décor néo-mauresque et de développer les principales avenues et boulevards de la ville européenne, en tant que lieux d’exposition culturelle, de divertissement et de consommation. Bien que Sousse ne présente pas de grands espaces verts, les Français ont choisi, dès le départ, d’aménager des jardins principalement dans la zone de contact de la Médina avec la ville européenne, formant ainsi un moyen de séparation des deux tissus et d’accueil de la nouvelle ville.

Le traitement scénographique de la ville européenne montre l’existence d’une sensibilité paysagère de la puissance colonisatrice, plus clairement exprimée que dans les autres villes européennes contemporaines en Afrique du Nord.

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Ce mémoire représente un essai de revalorisation d’un legs architectural fortement significatif, au sein du quartier franc de Sousse. Cette ville si abondante en richesse patrimoniale, est bien souvent réduite à une destination balnéaire, et reconnue comme un lieu de pure consommation.

Cette attribution prépondérante aujourd’hui, affecte certains aspects urbains, et sociaux qui configurent la ville, et en conséquence met en péril ce patrimoine et son intégrité.

Il est donc question de devancer le concept d’un patrimoine fragile, intouchable et de prolonger l’attache entre le révolu et le naissant, le passé et le présent, la ville et ses usagers.

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PROBLEMATIQUE Etant originaire de cette ville, Sousse m’a toujours été un lieu de vivacité et de béatitude, ravivant de mémorables souvenirs. Néanmoins, il a été porté à mon attention que j’ignorais quand même certains bouts de l’histoire de cette ville ou j’ai vécu la plupart de mes années. C’est pourquoi il m’était évident de travailler sur son héritage comme support de fin d’étude, afin de rendre hommage à ce joyau méditerranéen qui m’est cher.

Sousse est considérée comme la principale et emblématique station balnéaire et destination touristique de la Tunisie, enveloppée d’histoire et de souvenirs. Durant des siècles, elle a subsisté a des multiples civilisations.

Aujourd’hui elle préserve cet héritage religieux, culturel et socio-politique à travers ses monuments, comme sa magnifique Medina, son port, et son quartier européen.

Renommée pour son charme inégalé, sa convivialité, et son cosmopolitisme, elle est toutefois continuellement en changement, ses caractéristiques urbaines et architecturales bouleversées progressivement, à cause de la détérioration de l’état de son patrimoine. On peut l’apercevoir dans les centres anciens, perdant leur lien avec le reste de la ville en constante évolution, comme la zone portuaire, dissociée des autres composantes.

On observe une forme de radicalisation au niveau de cette zone, désignée zone tampon de la Médina, ressentie aujourd’hui comme une plaie urbaine et un espace brutalement isolé de l'effervescence locale malgré sa richesse historique et son importance dans la mémoire collective. L’héritage architectural s’écroule sous le manque d’entretien et le non-respect du règlement urbain, engendrant un cadre bâti rompant la connexion entre la Médina et son front marin. Encore, une des controverses principales que confronte ce tronçon urbain est la vocation des bâtiments non homogénéisée, faussant la lecture de l’image du quartier. L’activité humaine est réduite aux visites des lieux de consommation et de services administratifs avec une rareté d’équipements culturels et instructifs.

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Pour déceler une solution à ces multiples problèmes apparents mentionnés, nous nous focalisons dans le cadre de ce mémoire à élaborer une étude sur l’ancien lycée de Bab Jedid, « L’Annexe », une construction située au beau milieu du quartier portuaire colonial, faisant partie du patrimoine hérité de l’époque du protectorat français.

Cette bâtisse mérite la reconnaissance de sa valeur d’édifice symbolique du quartier, malheureusement abandonné à son sort. Aujourd’hui, le bâtiment risque de s’écrouler. Ainsi, une intervention est fondamentale, nécessaire et urgente pour faire durer et revitaliser ce témoignage significatif de l’histoire caractéristique de la ville.

Pour cela, ce mémoire présentera une proposition qui aspire à raccommoder cette interruption avec la dynamique du quartier, à consolider son attractivité en respectant l’identité et l’intégrité des lieux.

Durant notre étude nous envisageons de répondre aux interrogations suivantes : o De quelle manière intervenir sur un quartier historique dévalorisé afin de restaurer la connexion entre ses composantes les plus significatives à savoir la médina et le port ? o Quelles stratégies et quels dispositifs employer pour améliorer l'imagibilité du quartier à travers une intervention urbaine et architecturale afin de lui restituer sa valeur d’autrefois ? o Comment adapter un héritage à l'évolution urbaine et aux besoins actuels de la ville sans compromettre son intégrité ?

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METHODOLOGIE

Au cours du premier chapitre, nous retracerons en premier lieu le défilé historique de la ville de Sousse depuis sa création, et son évolution et sa mutation urbaine et architecturale, notamment durant son époque coloniale et après l’indépendance.

Ceci nous permettra ensuite de reconnaitre la valeur patrimoniale paysagère urbaine et architecturale de la ville, qui nous mènera à découvrir une zone particulièrement emblématique ET problématique : Le quartier portuaire colonial.

Dans le second chapitre, le quartier portuaire colonial sera davantage analysé et décortiqué, afin d’en relever tous les enjeux. Cela favorisera notre immersion dans le contexte d’étude et notre compréhension de son état actuel.

Nous serons par la suite conduits à découvrir un bâtiment singulièrement caractéristique : Le lycée « L’Annexe », ancienne école industrielle et commerciale datant de l’époque coloniale et bâtiment autrefois iconique du quartier portuaire toujours aussi présent dans la mémoire collective, ayant marqué des générations jusqu’à sa fermeture marquant son oubli. C’est pourquoi ce support sera ici analysé, et un diagnostic pathologique sera effectué pour enfin passer à une étape de prise de décisions.

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Le troisième chapitre sera consacré à l’étude et l’analyse d’un corpus référentiel comprenant trois exemples. Cela nous donnera une idée de la manière dont différents architectes furent intervenus sur un ancien bâtiment patrimonial dans des contextes analogues ou presque, mais aussi de la façon dont ils ont converti ces constructions en espaces de culture, d’art, de commerce, de coworking… des espaces prônant l’échange et le partage.

Le quatrième et dernier chapitre sera relatif à l’émergence d’une idée de projet et d’un aboutissement appuyé sur les analyses et bilans préalablement établis, qui représentera notre tentative de répondre aux problématiques posées par le biais d’un projet architectural intégrant la dimension urbaine.

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Chapitre 1 : Le centre-ville de Sousse, entre emblèmes et problèmes

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En quête d’un patrimoine en péril, la ville de Sousse ne m’est que manifeste. C’est une ville historiquement riche, gardant jusqu’aujourd’hui l’empreinte de son héritage passé. Au travers de son témoignage, se dévoile une ville cosmopolite et mondaine, véhiculant une mixité sociale et une stratification historique. Ce chapitre sera consacré à la redécouverte de la Sousse d’antan et d’aujourd’hui et à la redéfinition de sa richesse urbaine et architecturale, qui malheureusement menace de se dissiper sous l’effet de ses perpétuelles mutations.

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1. LA VILLE DE SOUSSE 1.1. Mise en contexte géographique Sousse est une ville portuaire située dans la région Nord-Est de la Tunisie.

Surnommée « la perle du Sahel », elle a toujours représenté un véritable joyau de la méditerranée tout au long de ses trois mille ans d’histoire.

Capitale du littoral tunisien et chef-lieu de son gouvernorat, elle détient le taux de croissance démographique le plus élevé des grandes villes tunisiennes.1 La ville dispose d’une atmosphère douce et stable, mais se caractérise également par des périodes de chaleur prolongées accompagnées de pics caniculaires, qui s’accentuent suite à l’évolution de l’état du réchauffement climatique.2

Commune de Sousse

Figure 1 : Situation de la commune de Sousse par rapport au gouvernorat de Sousse [Auteur].

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(Lamine, 2012) (Atelier Façila et URBAPLAN, 2020)

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La ville est une importante station balnéaire et une principale destination touristique. Elle subit une alternance entre phases florissantes et de décadentes. Ayant connu sa première apogée sous les romains aux IIe et IIIe siècles et la seconde sous les aghlabides et zirides aux IXe et Xe siècles, la troisième sera à l'ère moderne.

Figure 2 : La commune de Sousse et le centre-ville [Auteur].

La ville de Sousse, de par son architecture et urbanisme, au même titre que par le caractère et le mode de vie de ses habitants, présente un musée à ciel ouvert relatant son histoire et s'enorgueillant de son héritage.

Figure 3 : L'image de la ville de Sousse dans la mémoire collective [Auteur].

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1.2. Histoire de la ville Sousse se prévaut de sa richesse historique et de sa valeur patrimoniale, du fait qu’elle ait attiré une multitude de civilisations au fil des siècles de par sa situation stratégique, mais encore grâce à l’importance et l’influence dont elle s’est accaparée au fil du temps.

Il va de soi qu’afin d’aborder convenablement l’évolution urbaine de la ville de Sousse, il est nécessaire d’étudier préalablement les périodes structurantes de son développement urbain.

Fondation et développement de la ville : Les traces de rassemblement et de cohabitation humaine sur les côtes de l’actuelle ville de Sousse remontent jusqu’au paléolithique.

Au XIe siècle av. J.-C., des phéniciens de la région de Tyr s’étaient installés sur la côte, et avaient créé une nouvelle ville, Hadrim, qui leur aura servi de comptoir d'approvisionnement et d'étape.

La ville est par la suite passée sous la tutelle carthaginoise, audelà du VIe siècle av. J.-C. 3, mais s’en est détachée progressivement et prêta ainsi allégeance à Rome durant la troisième guerre punique, devenant une cité romaine Figure 4 : Les vestiges portuaires selon le plan de A. privilégiée du nom Daux, d’après G. Haanezo, « Observations sur le plan d'Hadrumetum (Hadrumète). 4 d’Hadrumète par Daux », RA 1897, p. 21.

Lorsque les vandales conquirent le pays au Ve siècle, la ville porta le nom d’Hunéricopolis jusqu'à ce que l’empire Byzantin s’en appropria au VIe siècle et la rebaptisa Justinianopolis. 5 Il ne reste actuellement que quelques brèves traces de ces périodes, mais il est important de tenir compte du choix des civilisations fondatrices d’installer la cité sur le site qu’elle occupe jusqu’aujourd’hui, et de l’étendue de son rôle socio-culturel et commercial depuis l’antiquité.

(Gsell, 1925) (Baâziz & Ayachi, 2018) 5 (Attard, 2010) 3

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Période arabo-musulmane : Au cours du VIIe siècle, la ville prendra son dernier nom, Sousse, après avoir été conquise par les arabes.

Elle connait une nouvelle apogée au IXe siècle, en tenant lieu de port de la nouvelle capitale du pays, Kairouan, ainsi que de résidence d'été des princes aghlabides. Elle reprend son état de centre urbain cosmopolite et Figure 5 : Recueil des principaux plans des ports et rades s’agrémente de bon nombre de de la Mer Méditerranée extraits de ma carte en douze monuments somptueux. Tout au feuilles, dédiée à Monsieur le duc de Choiseul, ministre de la guerre et de la Marine, gravée avec privilège du long de cette période, la ville Roy, par son très humble serviteur Joseph Roux consolide son statut de capitale hydrographe du Roy à Marseille, 1764. régionale et offre un cadre de vie diversifié à ses habitants. En effet, elle arbore de l’activité commerciale, halieutique, et arboricole.

Et ce sera durant cette époque que la Médina telle que nous la connaissons de nos jours commencera à se développer.

C’est ainsi que nombreuses constructions et édifices structurant son tissu verront le jour, notamment le Ribat et le chantier naval, la grande Mosquée quelques années plus tard, et ensuite s’achèveront les murailles.

Les troubles et les invasions que connaît le pays jusqu’au XVIe siècle alternent sa situation entre moments de décadence et moments de régénération. Les Fatimides, les Hilaliens, les Almohades, les Normands siciliens et les Espagnols se succédèrent en effet sur ses rives.

L’empire Ottoman permit à la ville de retrouver toute sa vigueur notamment grâce à l’activité portuaire. 6 Durant les dominations s’étant succédées sur son territoire, la ville a quand même su conserver sa valeur identitaire et spécifique à chacune des civilisations lui ayant transmis une partie de son héritage qui y restera ancré à jamais. Une ville englobant diversité et prouesses architecturales et culturelles unique où l’on atteste des traces de chaque ère.

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(Atelier Façila et URBAPLAN, 2020)

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Période coloniale : À la fin du XVIIIe siècle, la ville sera bombardée par les français et les vénitiens.

La Tunisie présentait jusque-là une province de l'Empire Ottoman, et bénéficiait d’une certaine autonomie sous l'autorité du Bey, qui entretenait de nombreuses activités commerciales avec l'Europe au cours du XIXe siècle.

Cependant, durant cette période, l’affaiblissement du gouvernement se voyait inquiétant, d’un système fiscal défaillant à une médiocre économie, engendrant un lourd endettement qui donna lieu à la mise du pays sous tutelle financière par la France.

La Tunisie passera sous le protectorat français après la signature du traité de Bardo en 1881. Les autorités françaises saisiront plusieurs monuments de la ville arabe afin d’y installer leurs équipements.

La ville commencera ensuite à s'étaler en dehors de la Médina, dont les édifices seront tout de même conservés, suite à la décision des colons français de préserver l'habitat traditionnel autochtone et d’y juxtaposer une ville nouvelle conformément aux besoins modernes. 7 La ville européenne se greffe sur le tissu médinois existant tout en conservant ses caractéristiques.

Figure 6 : Sousse en 1924, A la recherche de Sousse d’Antan, 1985, SAS. 7

(Ghannouchi Bouachour, 2017)

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La création d'un nouveau port éventuellement accessible aux navires lourds doublera pratiquement le trafic portuaire et fera naitre une nouvelle activité qui entrainera par la suite le besoin d’une meilleure accessibilité à la vieille ville fortifiée.

De larges ouvertures vont de ce fait être créées au sein des murailles, dont la porte de France, la porte Sud et la porte Ouest en 1892.

Figure 7 : La porte de France, CPA - LL n°8 - Coll. Ch. Attard.

De nouvelles voies ferroviaires furent placées permettant la jonction des quais avec la ligne de chemin de fer existante, ajoutant suite à cela les éclairages, les feux de ports, les grues, les bouches d'alimentation en eau potable, etc.

Figure 8 : Sousse vue générale. CPA MM SOUSSE.

La nouvelle ville européenne de Sousse constitue l’exemple premier d’un mode d’implantation novateur des villes d’outre-mer. Elle se développe en se tenant à un certain intervalle des remparts de la Médina, au bout d’une avenue ou d’une zone tampon. Cette scission permet de préserver l’intégrité de la Médina et art de vivre.

Ce qui se présente notablement intéressant, c’est nommément les transitions vécues par la ville de Sousse au sein de ses quartiers européens, allant de son occupation par les Français jusqu'à nos jours.

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1.3. Evolution urbaine Durant la période coloniale : Sousse était une ville peu peuplée, jusqu’à l’instauration du protectorat. Dès lors, la population européenne s’accrut de jour en jour. Les français durent donc s’étaler sur le territoire extra-muros, étant donné l’étroitesse de la ville existante, ne s’alignant pas avec leurs intérêts à long terme.

Figure 9 : Evolution de la ville coloniale, établie à partir des plans historiques, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.38. [Modifié par l’auteur]

Après l’aménagement d'un camp militaire à l’Ouest, les premières installations se firent au Nord.

Ce premier quartier formé sur les rives de « Bhar Ezzebla » par la convergence de trois avenues vers le port comprenait des équipements d’administration, de commerce et de loisirs.

Figure 10 : Le casino municipal, CPA - LL n°96 - Coll. Ch. Attard.

Figure 11 : L'avenue Krantz, aujourd'hui avenue Habib Bourguiba, Coll. Ch. Attard.

Le long de la première avenue principale de la ville s’élevèrent des espaces de tourisme et d’exposition culturelle, dont le casino municipal, l'hôtel de France, le Magasin général, et des cafés et restaurants. De nouvelles constructions furent progressivement édifiées avec la création de deux grandes avenues autour de la gare. 8 8

(Ghannouchi, 2012)

Figure 12 : La rue Villedon et le Magasin général, CPA - LL n°77 - Coll. Ch. Attard.

Figure 13 : La gare en 1905, CPA - CAD n°12 - Coll. Ch. Attard.

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La place de Bab Bhar, désormais rebaptisée place Pichon, devint le centre de la nouvelle ville. S'ouvrant sur le cours de la Marine, qui aboutit lui-même à la place Gallini, ces vastes espaces publics aménagés en jardins et placettes formèrent le premier noyau vert de la ville et constituèrent un lieu de mise en scène de la nouvelle cité, notamment grâce aux espaces de spectacle et 9 d’animation.

Figure 14 : La place Pichon, CPA - LL n°52 - Coll. Ch. Attard.

Figure 16 : Le Square Docteur Gallini, CPA AK SOUSSE, TUNISIE (712172).

Figure 15 : Le cours de la marine et la Poste, CPA AK SOUSSE, TUNISIE (748329).

Figure 19 : Le Musée et Cours de la Marines, CPA AK SOUSSE.

Figure 18 : Le Palais de Justice, CPA AK SOUSSE.

Figure 17 : Le Marché, CPA AK SOUSSE.

L’installation des français a permis l’émergence de nouveaux styles architecturaux européens, enrichissant le paysage architectural et urbain. L’architecture coloniale, extrêmement distincte de l’architecture traditionnelle de la Médina, a ravivé l’espace public, avec un plan orthogonal, des immeubles à étages, de nouvelles infrastructures, à savoir le port et les lignes ferroviaires.

De même, l'implantation de la ville neuve en retrait par rapport à celle de la Médina et l'aménagement des nouvelles avenues et espaces verts aux abords des remparts valorisent l'image de l'ancienne ville.

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(Ghannouchi, 2012)

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L’étalement ultérieur mettra en exergue l’aspect assez hâtif et arbitraire des premières installations, qui n’atteindra jamais les terrains Ouest occupés par les casernes militaires. La ville neuve s’appuiera sur les nouveaux tracés Est, après avoir été restreinte au triangle Nord jusqu’en 1900.

Figure 20 : Evolution de la ville coloniale, établie à partir des plans historiques, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.39. [Modifié par l’auteur]

Elle évoluera principalement entre les remparts et la mer, ce pourquoi la Médina et ses habitants se verront séparés de la méditerranée. Cela permettra néanmoins de préserver l'intégrité de la Médina et son mode de vie indépendamment de la nouvelle ville européenne. 10 Un quartier établissant une liaison entre la Medina et la mer sera créé. Il présentera une trame orthogonale traçant trois axes reliant la zone Nord et la zone Sud. Il abritera de nombreux équipements administratifs et culturels, comme l'hôtel de ville, le cinéma...

La construction de ce quartier nécessitera de gros travaux de remblai afin de repousser la mer qui effleurait les remparts.

Figure 22 : Le boulevard Armand-Fallières, vue du port, CPA édition Riu. 10

(Hassen)

Figure 21 : Vue générale du port avant les travaux de 1898, CPA n°18 - Coll. Ch. Attard

Figure 23 : L'hôtel de Ville, CPA AK SOUSSE.

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Afin d’assurer la communication de la ville ancienne et de la ville neuve, les autorités françaises décideront de démolir certaines parties des remparts pour « permettre à la ville neuve d’exister pleinement ». 11 Trois portes seront donc ouvertes, Bab Jibli au Nord, Bab Qibli au Sud, Bab al Finga à l’Ouest, et la partie entre Bab Bhar et Bab Jedid sera démolie. La Médina conservera toujours sa structure et ses monuments majeurs. Elle demeure peuplée par de nombreux maltais et juifs et représente un centre vivant de Figure 24 : Evolution de la porosité des remparts de commerce et d’artisanat, alors que la la médina [Auteur]. nouvelle ville est à ce moment au seuil d’une transformation alimentée par les activités du nouveau port et par le raccordement du chemin de fer Sousse-Tunis.

Les extensions ultérieures de la frontière européenne se feront principalement au Nord et au Sud. Deux nouveaux quartiers apparaissent dans les années 1910, « Capaci Grande » au Nord et « Capaci Piccolo » au Sud, qui accueilleront une population de classe moyenne et d’ouvriers, issus essentiellement de l’immigration surtout sicilienne.

Contrairement à la Médina, la ville neuve est spacieuse et étendue, ouverte sur la mer et sur son environnement extérieur.

Figure 25 : Bombardement de la zone portuaire en décembre 1942.

Figure 27 : L'hôtel de Ville reconstruit, Coll. Ch. Attard.

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(Ammar L. , 2016)

Figure 26 : Bombardement de la zone portuaire, Coll. Ch. Attard.

Figure 28 : La nouvelle place Pichon, Coll. Ch. Attard.

Malencontreusement, les bombardements de la IIe guerre mondiale causeront d’amples dégâts. Plusieurs quartiers seront totalement démolis, surtout aux alentours de la gare et du port.

Une bonne partie de la ville n’aura conséquemment plus la même apparence.

Les articulations particulières de la ville ne seront pas altérées par les reconstructions, cependant la place Pichon sera irrémédiablement modifiée et l’architecture ne sera plus aussi travaillée qu’autrefois.

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Après l’indépendance : Après la libération de la Tunisie, la ville coloniale de Sousse fut désertée par ses habitants. Elle perdra graduellement sa valeur depuis. Les zones résidentielles seront par conséquent occupées par les habitants de la Médina, qui accueillera parallèlement les afflux massifs de la population rurale, proportionnels à l’importance des offres d’emploi qu’elle propose. Cela a induit une densification du centre-ville, ainsi qu’une urbanisation continue des zones périphériques.

Le développement précipité et effréné de la ville est pour une large part responsable des enjeux de fragmentation urbaine et sociale qu’elle connaît jusqu’aujourd’hui. Le cœur de la ville, composé de la Médina et de la ville coloniale, sera la partie la plus affectée par les changements provoqués par ce développement, qui porte atteinte à l’identité de Sousse.

On distingue trois phénomènes différents :  Le développement de la zone touristique au Nord s’étirant de Boujaafar jusqu’à la limite de la commune.  Le développement de la zone industrielle au Sud à partir du port commercial.  La tertiairisation du centre-ville. 12 De nouvelles centralités apparaîtront au fur et à mesure, dans le dessin de décongestionner le centre-ville. Elles seront générées d’une manière spontanée sans recul préalable, par extension des micro-centres, par une localité de travail, ou par une planification d’acteurs privés. Ces centralités émergeront en partant du centre-ville, à des intervalles très rapprochés.

D’autres centralités se manifesteront un peu plus loin du littoral, et se développeront indépendamment du centreville, ce qui projettera pour sa part une technopole à l’ouest de la ville.

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(Atelier Façila et URBAPLAN, 2020)

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L’absence de recul et de vision globale causera donc la production de multiples centres déconnectés, qui alimenteront l’abandon progressif du centre-ville, qui sera dépouillé de plusieurs de ses activités attractives. Par ailleurs, le fait d’avoir maintenu certaines activités pernicieuses dans diverses parties du centre a engendré des problèmes de circulation et de stationnement ainsi qu’un dépeuplement stimulant d’autant plus sa dévalorisation.

Ces éléments favoriseront ainsi la détérioration des structures urbaines et la dégradation du bâti colonial.

La désolidarisation des citoyens évoque aussi un aboutissement indirect de cette « pluricentralité », les nouveaux centres étant destinés à une population plus ou moins aisée et le vieux centre à une population relativement pauvre, ce qui forme un obstacle à la modernisation du centre-ville.

Les nouvelles centralités offrent un apport économique excédentaire et distordent l’image originelle de la ville, laissant, au cœur de la ville, nombreux sites négligés et oubliés, qui ne connaitront jamais un pareil essor. 13

L’avenir du centre-ville présente actuellement une problématique omniprésente et inévitable à laquelle il sera impératif de répondre au plus vite.

Car aujourd’hui, les constructions datant de l’époque coloniale montrent des signes de vieillissement inquiétants et de graves soucis de conservation. Une bonne partie des bâtiments publics se délabre et se retrouve menacée de démolition.

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(Hassen)

Figure 29 : Evolution de l'urbanisation de Sousse, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.48.

[Modifié par l’auteur]

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2. LE QUARTIER PORTUAIRE COLONIAL

Figure 30 : Identification des limites du quartier sur base de carte satellite modifiée [Auteur]

Le quartier portuaire représente l’un de ces joyaux gâchés et étouffés du centreville, formant depuis sa création la façade maritime de la ville et symbolisant, théoriquement, la connexion de la médina avec son front marin, notamment avec « le reste du monde ».

Figure 31 : Le Boulevard Président Fallières, CPA – LL – Coll. Ch. Attard.

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2.1. Eléments patrimoniaux identitaires de la zone 2.1.1. La Médina et ses composantes La ville de Sousse est composée d’un système semi-radial, dont la Médina occupe la position centrale, parfaitement intégrée à l’infrastructure du cœur de la ville entre les rues de la ville européenne et près du port.

C’est une citadelle plus que millénaire, qualifiée de musée à ciel ouvert racontant l’histoire glorieuse de ses habitants, relatant leur mode de vie, et exposant ses monuments. Elle représente ainsi une destination incontournable pour les visiteurs de Sousse.

Figure 33 : La Médina de Sousse, Evasion.tv.

Figure 34 : Ruelle dans la Médina [Auteur].

Figure 32 : Percée sur le Ribat [Auteur].

Figure 35 : La Kasbah dominant la Médina, Jean-Pierre Dalbéra.

Un passager du nom de Victor Guérin visita la ville de Sousse en 1862. « Le voyageur décrit la ville comme s'élevant en pente douce de la mer, entourée d'une enceinte crénelée ayant la forme d'un parallélogramme irrégulier d'un pourtour d'environ trois kilomètres. Les grands côtés de ce rectangle regardent vers le rivage, son angle sud-ouest, le point le plus culminant de la ville, est occupé par la Kasbah, citadelle de la cité. Cette Kasbah vit sous le regard d'une tour élevée nommée ElNadhour, l'observatoire. » 14 14

(Attard, 2010)

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Les principaux monuments :

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1 Le Ribat 2 La Grande Mosquée 3 La Médersa El Zaqqaq 4

4 Le Musée El Kobba 5 La Kasbah 6 Le Souk Bab Jedid

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Figure 36 : Plan de la médina, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.31. [Modifié et réinterprété par l’auteur]

La médina naquit en 821 lorsque la cité byzantine fut transformée par les Aghlabides et protégée par un

Ribat, qui représentait dès lors un lieu de sûreté pour

1 Figure 37 : Le ribat [Auteur].

les habitants en cas d’assaut, mais aussi un lieu d’ascèse et de propagation de la foi. Elle se développa progressivement, devenant un vaste centre urbain cosmopolite, et la résidence des princes.

Le Ribat perdit depuis peu à peu sa fonction de défense, gardant cependant une petite mosquée dans sa partie supérieure, et réaffectant ses soubassements à des espaces de stockage de denrées agricoles. La forteresse, construite à partir de la récupération de matériaux des vestiges romains, se compose de deux niveaux donnant sur une cour bordée de portiques à arcades.

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Figure 38 : La Grande Mosquée, Habib M'henni, 2013.

La Grande mosquée, construite vers 850 selon le modèle de la Oqba Ibn Nafaa, avait connu plusieurs agrandissements. Elle est exceptionnellement dotée d’une coupole à son angle nord à la place du minaret, élément architectonique dont elle ne disposait pas, vu la présence de la tour du ribat avoisinante. Présentant un plan rectangulaire, elle est constituée d’une salle de prière s’ouvrant sur une cour à portiques.

Près de la Grande Mosquée se situe la Médersa El

Zaqqaq, datant de l’époque ziride et connaissant son

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apogée sous le règne hafside. Elle abrite sa propre mosquée qui sera surmontée par la suite par un minaret octogonal coloré, de style ottoman. Les élèves étaient logés dans les bâtiments juxtaposés.

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Le Musée El Kobba est un autre monument très particulier de la Médina. C’est un ancien caravansérail connu par sa coupole crénelée en forme de Zig-Zag assurant le repoussement des rayons du soleil et évitant ainsi la surchauffe du bâtiment surmontant l'espace en sous-sol. L’édifice est construit en pierre taillée, réhaussée par des arcs autour d’une coquille frisée, accompagnée d’une série de petites arcades au niveau de la façade.

Figure 39 : La Médersa El Zaqqaq [Auteur].

Figure 40 : Le Musée El Kobba [Auteur].

Dans la partie la plus haute de la Médina se dresse la

Kasbah, datant de 844 et permettant autrefois la

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Figure 41 : La Kasbah, Mietek Ł, 2012.

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Figure 42 : Le Souk Bab Jedid [Auteur].

surveillance du territoire du haut de sa tour à 70 m audessus du niveau de la mer. Elle fut plus tard dotée d’un phare servant encore de nos jours. Depuis le début des années 1950, elle fait office de musée archéologique, qui réouvrira ses portes après les travaux d’extension de 2009, devenant le musée abritant la deuxième plus importante collection de mosaïques - après celle du Musée National du Bardo - allant du IIe siècle au IVe siècle, provenant des fouilles archéologiques effectuées principalement sur les anciennes cités d'Hadrumète, de Thysdrus et Salakta.

Adjacent à la porte Bab Jedid, se trouve actuellement le Souk Bab Jedid, le marché municipal de Sousse, réaménagé en 2017, spécialisé surtout dans la vente de poisson frais. Ce bâtiment récent de style néomauresque est imbriqué à la médina au niveau du tronçon des remparts Est éliminé par les français.

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A cet ensemble de bâtisses exhibant orgueilleusement la multitude de styles et de prouesses architecturales, s’ajoutent les belles demeures et constructions traditionnelles méditerranéennes. Après l’édification des monuments de fortification et de vocation religieuse, militaire et éducative, les habitations furent installées successivement intra-muros, selon des percées qui varient de largeur, et ce de manière groupée, accolée et dense.

Figure 43 : Portes de la Médina [Auteur].

A l’intérieur des murailles s’entreposaient des habitats hiérarchisés, la partie haute exclusive aux musulmans, la partie basse accueillant musulmans, juifs et chrétiens.15 Les maisons traditionnelles appelées maisons à patio, sont caractérisées par cet élément central indispensable à ciel ouvert, distribuant les pièces intérieures. Toutes leurs typologies sont similaires avec une disposition introvertie, apportant l'importance à l'espace intérieur et au confort de l'aération et l'ensoleillement offert par la cour. Ces constructions se caractérisent par leurs murs extérieurs aveugles dépourvus de toute ornementation, souvent peints en blanc, avec des ouvertures hautes pour l'aération et la lumière naturelle. Une architecture épurée et principalement fonctionnelle où la décoration souvent n’est apparente qu’au niveau des portes d'entrée.

Des impasses ont été percées au niveau des ilots commerciaux dans le but de créer un plus grand nombre de boutiques et d’y faciliter l’accès en créant un contact avec les souks et les autres quartiers.

La médina de Sousse a été classée patrimoine mondial de l'UNESCO en 1988, ce qui a incité les autorités locales à veiller sur sa sauvegarde. La cité millénaire a préservé sa structure urbaine - ruelles étroites, impasses et souks - tout en maintenant une activité commerciale et touristique à l'intérieur de l’enceinte.

15

(Ammar L. , 2016)

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Avant le protectorat, les remparts étaient percés par leurs plus anciennes portes :   

Bab El Gharbi à l’Ouest qui permettait l’interrelation avec la campagne, présentant un passage en pente remontant XVIe siècle.

Bab Bhar au Nord-Est qui servait comme accès à l'étang intérieur de l'arsenal au moyen âge.

Bab Jedid à l’Est face à la mer.

Après le protectorat, les remparts seront percés par de nouvelles portes :   

Bab El Jebli au Nord.

Bab El Kebli au Sud. Bab El Finga à l’Ouest.

Afin de rendre la circulation plus fluide et de faciliter le passage et la circulation au sein de la médina, les remparts seront de nouveau percés par de nouvelles portes :    

Bab Ghachem au Nord-Ouest entre Bab Jebli et Bab Finga.

Bab El Zaouia au Sud-Est. Bab El Charki au Sud-Est également.

Bab El Jemaa à l’Est en face de la Grande Mosquée.

Bab El Jebli Bab Ghachem

Bab Bhar

Bab El Jemaa Beb El Finga

Beb El Gharbi

Bab Jedid

Bab El Charki Bab El Kebli

Bab El Zaouia

Figure 44 : Localisation des portes de la Médina [Auteur].

Par le biais de la multiplication et de l’élargissement de ses portes tout au long de l’histoire, la Médina s’ouvre vers l’extérieur et communique avec le reste de la ville, créant de nouvelles relations avec l’urbanité extra-muros qui s’avèreront être problématiques jusqu’à aujourd’hui, vu les rapports médiocres et piètrement définis entre les différentes entités urbaines.

Malheureusement, la médina ne représente aujourd’hui qu’un quartier noyé en plein centre d’une grande agglomération, mais elle demeure toujours le cœur de la ville et le repère de son développement.

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2.1.2. Le port

En dépit de l’importance de son site, lui ayant autrefois affecté un rôle maritime de premier plan, Sousse ne possédait toujours pas de port digne de ce nom à l’arrivée des français.

Le port punique a été le premier à développer une activité portuaire.

Commercial d’origine, il eut un effet considérable sur la valeur de la ville visà-vis de ses occupants et des voyageurs la traversant. Il n’empêche qu’il ne connut une activité commerciale significative que sous les romains.

Avec l'arrivée des byzantins, le port antique – à ce moment hors d’usage en raison de son ensablement continu - fut remis en état à l’an 535.

Puis entre 800 et 909, sous les Aghlabides, Sousse devint une ville de force.

Elle vit son port restitué transformé en un important port de commerce et de militaire de Kairouan, la nouvelle capitale du pays à l’époque.

En 1884, durant la période coloniale, un nouveau port fut installé un peu plus au sud, face à l’enceinte Est de la médina qui, renfermée sur elle-même, commence à avoir une connexion avec la mer grâce à l'élargissement et l'augmentation du nombre des portes menant au port. Ce n’était au départ qu’une rade équipée d’un dérisoire ponton d’accostage, et c’est à partir de cet embryon que le grand port emblématique de la ville se développera au fur et à mesure.

Le port de Sousse, aujourd’hui troisième port du pays, regroupe trois différents secteurs : un port de plaisance, un port de commerce et un port de pêche.

Malgré les efforts fournis par la municipalité concernant son aménagement, cette diversité lui est défavorisante de nos jours, car le port de plaisance est voilé par les deux autres malgré sa proximité de la Médina et des transports publics. Le quai représente plus un lieu de passage qu’un lieu agréable face à la mer. Le déplacement du port de commerce au sud est prévu, ce qui dispensera le port de plaisance du trafic maritime le condamnant, libérant ainsi le quartier du trafic en résultant. Une nouvelle image du port naîtra, donnant elle-même naissance à une nouvelle image du quartier et de la ville qui s’ouvrira davantage sur la mer. 16 16

(Hassen)

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Figure 45 : Evolution du port de Sousse établie à partir des plans historiques, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.52.

Le port de plaisance s'étale sur 250 mètres environ à partir de la place Farhat Hached (Ex Place Pichon) vers le quartier portuaire colonial. Cette branche du port accueille des bateaux d’attractions touristiques et des bateaux de croisières.

Le port de pêche est l'un des plus importants ports de pêche maritime du pays, sous la catégorie des grands ports, abritant des chalutiers, des thoniers, des sardinières et des unités de pêches et des équipements de service liés à cette activité.

Le port de commerce se situe sur les bandes Nord et Sud, présentant la partie du port la plus active, où s'accostent les grands navires commerciaux internationaux, dont une partie abrite des locaux administratifs relatifs aux services.

Figure 46 : Composition du port de Sousse, Leila Hassen, La Perle du Sahel vers une perle méditerranéenne, p.51 [Modifié par l’auteur].

A l’image de toutes cités portuaires, le port de Sousse représente et résume sa ville : sa présence marque son existence. L’ensemble des réseaux routiers convergent directement ou indirectement vers le port, qui constitue un lien entre la ville et son front marin.

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2.1.3. L’héritage colonial Le quartier colonial représentait grâce à sa situation stratégique et son ouverture sur la méditerranée un secteur particulièrement vigoureux et attrayant de la ville. Il accueillait en effet plusieurs bâtiments publics : l’hôtel de ville, l’hôtel des postes ainsi que deux écoles primaires, etc…

Son implantation réfléchie visait à symboliser le pouvoir du régime français et son emprise sur le pays et la ville de Sousse à l'époque. Il tenait comme but d'imposer la priorité de son installation et de marquer son territoire, et ce en créant une nouvelle limite - par remblai de la plage - entre l'ancienne ville et la mer méditerranéenne qui liait directement cette dernière au reste du monde et présentait l’une des principales raisons de sa richesse historique.

Cette limite sera paradoxalement le nouveau lien entre la Médina et la mer.

Le quartier détiendra de ce fait une position importante au sein de la ville, d'un point de vue tant bien urbain que politique, en lui assignant un ensemble de bâtiments publics relatifs à la stratégie d'occupation et de modernisation de la nouvelle ville en émergence, et plusieurs constructions et dispositifs culturels et divertissants dédiés notamment à l’accueil des voyageurs arrivants du port.

« Le Grand Café glacier et le Grand bar du Sahel, installé au début de ces trois belles rues et des nouveaux quartiers qui furent gagnés sur la mer, jouissait d'une position centrale où le spectacle sur le port était unique. Il était l'un de ces très grands cafés qui s'installèrent avec profit à Sousse à la suite de l'arrivée des tirailleurs et presque en même temps que le nouveau port. La vie nocturne de Sousse appelait ce genre d'établissement. Le café Bellevue avait-lui aussi la faveur Figure 47 : Le Grand Café glacier et le Grand bar du Sahel, Coll. d'ouvrir sur le port et la mer Ch. Attard. offrant le confort de ses sièges et l'agrément de la vue à ses nombreux clients. Ce nouveau quartier de la ville grandit très vite, là se construisirent les maisons les plus belles et les plus confortables, s'installèrent les plus beaux magasins. » 17

Cet ensemble de bâtiments de consommation et de commerce, s’ajoutant au cinéma, aux écoles, à l’hôtel de ville, etc…, dont plusieurs n’existent plus de nos jours, généraient un cadre particulièrement mondain exprimant clairement « l’esprit du lieu » et l’image du quartier d’autrefois. 18 17 18

(Attard, 2010) Constatation effectuée selon les termes assimilés du livre L’image de la cité de Kevin Lynch.

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Ce quartier qui manifestait une ambiance conviviale, dynamique et festive, et une richesse en activités de culture et de loisirs tout au long de ses trois avenues principales parallèles, l’une longeant le port, l’autre longeant les remparts de la médina et la dernière longeant le quartier au centre.

Le quartier témoigne expressément jusqu’aujourd’hui d’un patrimoine architectural colonial et postmoderne remarquable. Cela dit, cet héritage ne reçoit pas l’attention requise de la part des autorités et des instances régionales.

Certaines organisations et artistes indépendants, soutenus par la société civile, s’acharnent à légitimiser la valeur de la mémoire collective et le vécu de ce quartier par le biais de la sensibilisation de l’opinion publique à l’importance de la préservation des identités architecturales représentatives des diverses périodes de l’histoire récente. 19 Parmi les styles représentés par leur vocabulaire architectural typique au sein du quartier colonial :   

L’architecture Néo-mauresque.

L’architecture Art-Déco.

L’architecture Moderne.

Figure 48 : La Poste de Sousse [Auteur].

Figure 49 : La Banque de Tunisie [Auteur].

Le quartier colonial ne manifeste regrettablement plus la même valeur qu'il présentait auparavant, depuis son abandon par ses principaux occupants.

Il reste néanmoins toujours l’empreinte d’une période historique clé vécue par la Tunisie, racontant l'histoire d’une ère de prospérité économique, urbaine, culturelle...

19

(Atelier Façila et URBAPLAN, 2020)

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2.2. Genèse et évolution du quartier portuaire colonial

Figure 50 : Vue générale du port vers 1898, Photo collection Bertrand Bouret.

Réquisition de bâtiments et monuments existants à l’intérieur des remparts de la médina de Sousse par les français.

Figure 51 : Carte de la ville de Sousse en 1885 et 1899, cartographie L. Ammar, 2011 [Modifié par l'auteur].

Instauration du nouveau règlement de voirie du 2 octobre 1888 permettant le traçage des premières voies de la ville neuve extramuros.

Figure 52 : Vue générale du port avant les travaux de 1898, CPA ND n°18, Coll. Ch. Attard.

Début des travaux de construction du nouveau port et remblai de la bande côtière pour permettre la construction du nouveau quartier portuaire.

Figure 53 : Vue aérienne de la ville dans les années cinquante, La Tunisie touristique, Coll. Ch. Attard.

Figure 54 : Vue aérienne des navires coulants Sousse, 1943, Le Guay, Laurence Craddock.

Bombardements successifs de la zone portuaire pendant la seconde guerre mondiale et démolition d’une grande partie du quartier portuaire.

Fin des opérations de construction du nouveau port et démarrage des travaux viaires et genèse du nouveau quartier portuaire qui devient un centre dynamique animant la nouvelle ville.

Figure 55 : Zone portuaire de Sousse en ruines, Coll. Ch. Attard.

Figure 56 : Quartier portuaire en 2022 [Auteur].

Délabrement graduel et continu de la zone portuaire après l’indépendance et transformation en quartier populaire.

Réparation et reconstruction des bâtiments endommagés et démolis aux abords du port et de la gare, et réanimation du quartier afin de lui rendre son charme d’avant-guerre.

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La configuration urbaine qui subsiste aujourd’hui au niveau du quartier portuaire colonial reflète toute une démarche suivie et une vision réfléchie relativement au développement de la zone portuaire de la nouvelle ville européenne, sa relation avec la médina et sa liaison entre la partie Nord et la partie Sud de Sousse.

Cette démarche a en effet été élaborée sur deux phases :

Tracé de 1903

Tracé de 1916

Le premier tracé définit une trame urbaine « européenne » caractérisée par deux larges avenues parallèles et une rue principale au centre, liées à un ensemble de rues secondaires leur étant perpendiculaires, suivant une trame orthogonale proportionnelle.

Le second tracé aura des modifications au niveau de l’aire 2 se situant entre les deux portes de la médina. Ce changement est dû à la décision de déplacer l'Hôtel de ville, placé au départ intra-muros par les français à leur arrivée.

1 2

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Figure 57 : Tracé du tramage urbain du quartier portuaire [Modifié par l'auteur].

1 Traçage des trois arêtes principales.

2 Traçage de deux voies perpendiculaires axes précédents en partant des deux portes Est principales de la Médina : Bab El Jemaa et Bab Jedid.

Formation de trois aires entre le port et les remparts.

3 Traçage de quatre voies secondaires perpendiculaires aux trois axes principaux, divisant les trois aires en des parcelles équivalentes.

1

Préservation des trois axes principaux ainsi que les deux voies partant des deux portes de la Médina.

Deux autres voies secondaires perpendiculaires seront également conservées.

2 Indication du positionnement central de la parcelle prévue pour l'hôtel de ville et conservation de la bande donnant sur la médina.

Engendrement d'une voie aboutissant directement à cette parcelle.

La configuration urbaine qu'on observe actuellement au niveau du quartier portuaire colonial de Sousse est le résultat du fusionnement du premier tracé et des modifications apportées au tracé subséquent.

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SYNTHESE

La ville de Sousse nous dévoile un support d'étude intéressant à découvrir, étant donné sa situation stratégique de ville côtière méditerranéenne qui a engendré sa riche histoire écrite par les multiples civilisations florissantes s’étant succédées sur ses terres.

Elle se distingue par la stratification des empreintes et des particularités de chacune de ces ères. La genèse de sa Médina, sa période coloniale sous le protectorat français par la suite, ainsi que son port, ont marqué les vicissitudes de son histoire et façonné son évolution économique, urbaine et architecturale.

Anciennement composée uniquement de sa Médina, enfermée dans ses fortifications touchant la mer, vécu une évolution progressive en se dotant de plusieurs édifices aux spécificités architecturales caractéristiques à chaque dynastie régnante sur le territoire.

L’ancienne ville s'est ajustée à son nouvel environnement avec l'installation de la nouvelle ville européenne implantée à quelques mètres de ses remparts. Son enceinte a été percée pour les faire communiquer, avec une considération pour ses propriétés et sa typologie. La partie coloniale s'est agrandie graduellement selon une approche réfléchie, afin d’amalgamer deux cultures et deux sociétés différentes, et d’enraciner une ville moderne qui répond à leurs nécessités et qui reflète leur pouvoir.

Ville portuaire depuis l’antiquité, son port a connu de légers déplacements et diverses mutations, afin d’atteindre sa forme et sa structure d’aujourd’hui, générée durant la période coloniale.

Le quartier portuaire colonial contient lui-même une multitude de styles architecturaux complémentaires, chacun ajoutant au précédent, faisant de lui sa matière et son point de départ. Ces signalisations architecturales et urbaines sont des témoins de l’histoire, de la politique, et des périodes stylistiques.

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L’architecture est le marqueur principal des évènements passés, leurs facteurs et leurs aboutissements. Elle transcrit les mutations et les évolutions que la société expérimente dans une aire précise.

Il est alors essentiel de faire renaître ce morceau de la ville et de le pourvoir de nouvelles fonctions et activités, de rétablir sa valeur urbaine architecturale et symbolique d’autrefois, et de lui conférer une marque de renouveau, de modernité et de coexistence de styles.

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