6 minute read

Tein-Tein a Kin

de la carte de baptême. En fait, j’étais déjà baptisé quelques semaines après ma naissance. Je ne me souviens pas de ce jour mais c’était en 1984. Aucune trace dans ma mémoire. Les mots, l’atmosphère de la journée, le lieu, les personnes qui me tenaient, je n’ai aucun souvenir de tout ça. Seule ma mère était là et m’en parle souvent. Il paraît que c’était des sœurs religieuses qui m’avaient baptisé. L’étiquette, prénom, de ‘‘Stanislas’’ que je porte résulte de cet acte. Revenons en 1996. Viens alors le jour-j. Il fallait se rendre à l’église très tôt matin, et je n’avais rien mis dans ma bouche. Le premier aliment qui devait atterrir sur ma langue, cette journée, était le corps du Christ, tout blanc en forme de disque. Tous les candidats étaient vêtus en bleu blanc, l’uniforme des écoliers zaïrois. Chemise blanche symbolisant la sainteté peut-être et une culotte bleue symbolisant je ne sais quoi. Chapelet autour du coup et entrée en procession, tout révérencieux et concentrés. Marche lente, attitudes de sainteté ; ça je m’en souviens. On tenait tous une bougie allumée si je ne me trompe pas, soit on disposait nos deux mains en forme de dague sur nos poitrines. Et on avait une attitude des saints, de nouvelles recrues dans le domaine de la sainteté. Lentement et sûrement on s’approchait du père et tendait à tour de rôle les deux mains superposées pour recevoir un disque minuscule, tout blanc. Il s’agit de l’Ostie. Sur nos langues, d’anciens pécheurs, se laissait fondre, comme une glace, ce pain symbolisant le corps du Christ qui est mort pour nous, « Pauvres pécheurs », afin que nous ne périssions pas mais plutôt que nous bénéficiions de la vie éternelle. Après cette prise, chacun de nous passait pour s’asseoir aux lieux nous réservés car on était devenus différents, nos statuts avait changé et on était désormais admis à la prise régulière de ce saint pain que je n’ai pas pris il y a une dizaine d’années. Tein- Tein : A Kinshasa, il s’agit d’un individu moins sérieux, sans personnalité et estime de soi; synonyme d’un dessin animé, manipulable

Ok. Allô mon cher, tu es où ?

Advertisement

1. « Toi tu es un blanc ! » : Expression symptomatique, utilisée jusqu’alors par la grande partie des Congolais, témoignant de leur colonisation mentale suite au conditionnement quasi-séculaire qu’ils ont subi. Elle tire sa source directement de l’époque coloniale (mutindu kaka mundele penza, anu bu mutoke menemene, kama muzungu kabisa ; Expressions qui dénotent le fait d’ être évolué, sérieux, réglo, parfait, immaculé, respectueux, etc. Cfr. « J-M Mutamba Makombo, Du Congo Belge au Congo indépendant 1940-1960, émergence des évolués et genèse du nationalisme, Kinshasa, I.F.E.P., 1998 » ; lire aussi « Mabika Kalanda, La remise en question base de la décolonisation mentale, Remarques africaines, Bruxelles, 1967 »

2. « Les Lauréats, les congolais habitant l’Europe et qui l’ont dominée ainsi que confirmé cette emprise durant le siècle passé (2Oème siècle) et qui vont faire de même durant ce siècle naissant (21siecle).Apprécions-les car ils sont formidables ! Sais-tu que ce jeune homme s’habille bien et qu’il possède une maison ? Qu’il a ses business et qu’il mange sur une table ? Mais comment ! Mais oui ! C’est comme ça… Mais non, les autres-là ignorent ce que c’est l’idéologie ? Je vous avais dit « koramikorakoza », donc de grandes causeries ! …Que nos jeunes puissent capter ça attentivement… Aller en Europe n’est pas synonyme d’aller au Paradis, aller en Europe n’est pas synonyme de devenir un homme blanc…» (Partie de la chanson « Lauréat 2000 » de Tshituka Mpiana Jean-Bedel, dit JB Mpiana ; tirée de l’Album TH). La dernière partie de l’extrait montre combien la problématique des modèles à copier, de surcroit l’homme blanc, tel que l’ont fait les « évolués », persiste jusqu’alors dans le chef des Congolais. Les définitions du concept « Evolué », dans le contexte historique congolais, est à lire dans : J-M Mutamba Makombo, op.cit., pp. 48-51. Visiblement, de l’identité des « évolués » à celle des « Lauréats », il n’y a qu’un pas.

Oh, tu es déjà là ! Oui ! Tiens, je règle ta dette.

Oh! yo oza mundele penza hein ! 1 ne sois pas un tein-tein mon cher, je suis juste reglo

Je suis à la maison.

Viens maintenant, je suis sur ton avenue chez 243.

« Ba laureaaats, bana ya poto basimba mikili ba confirmaaaa, na siècle oyo eleki pe ba ko confirmeeeer, na siècle oyo ya sika to ndima bangoo, baza danzee!... Est-ce que ozo yeba que jeune homme yango alataka vrai, aza na palais naye, na makambu naye, pe adamaka na mesa ? Mais comment ! Mais oui ! eza ndenge wana … Mais non, bazo yeba idéologie te, nayebisaki bino koramikorakoza, oyo eza ba grande causerie ! …Ba petit na biso ya kin bo capter yango na ndenge ya simalobe… Kokende poto ezali synonyme yakokota bokonzi ya lola tee, kokende poto ezali, synonyme yakokoma mondele teo…» 2

DJ arrêtez la musique qu’on suive un peu de gags

Yaya, na lingi nabala na poto, namemi ngambo ; muasi ya poto kombo ezo banda na français ezo suka na tendresse : Shakira de Monaco, Rihana, Jennifer Lopez, Beyonce. Mais muasi ya congo kombo ezo banda na loyenge, ezo suka na intimidation :

Ana Luboloko, Sandra Kunzula, Eyenga Ekobolo, Merveille Maboso ; yokakombo kilo « Boso » ! Oko yoka na poto musicien atangi kombo muasi akangami : Michael Jackson, Nelly, Akon, 5O cents…Mais biso awa,...3a

Na poto oko yoka joueur : Messi, Neymar,Adriano, Ronaldo, Thiery Henry, Zidane. Mais biso awa, joueur na joueur kombo ezo ya na intimidation nango ; mususu lokola lisasi, mususu lokola grenade, okoyoka kaka : Papala, Mputu Mabi, Bolasie, Isama Peko ; Mususu ezo bima lokola Emeneya mutu azo loba ngo : Mbokani ! » 3b

Ye mundele alobi ye mutu asala Dindon, eeee ! Mundele akosi nga que asala dindon ! Po ye alia mukongo, na Ethiopie bala mupende , biso tolia libabe… »

3. a,b. « Mon cher, mes intentions de me marier en Europe me portent préjudice car les femmes de là ont des noms qui commencent en Français et finissent en tendresse : Shakira de Monaco, Rihana, Jennifer Lopez, Beyonce. Mais la femme du Congo a un nom qui commence en pagaille et finit par intimidation: Ana Luboloko, Sandra Kunzula, Eyenga Ekobolo, Merveille Maboso ; quelle lourdeur dans la prononciation : Boso ! Tu vas entendre, en Europe, quand un musicien cite son nom, ça provoque des cris de joie et de l’enthousiasme chez la femme : Michael Jackson, Nelly, Akon, 5Ocents…Mais ici chez nous, D’autres encore c’est comme si c’était Emenaya qui le prononçait : Mbokani ! ». (Extrait d’une vanne de l’humoriste « Kizubanata » qui circule dans des bistrots de la ville de Kinshasa pour prester depuis 2017). M-A. Mupapa Say, op.cit., p.85 4. « L’homme blanc dit que c’est lui le créateur de la Dinde, eeee ! L’homme blanc m’a menti que c’est lui le créateur de la Dinde, pour justifier le fait qu’il en consomme la partie postérieure, et que l’Ethiopie mange les cuisses ; nous on ne se contente que de la malédiction (croupion) ». (Chanson populaire exploitée dans « Style Mombeer » de Kalonji Didier alias Bill Clinton, alors musicien de Ngiama Makanda Noel, alias Werrason, dans l’album A la queue leu leu ). Le « Dindon », en jargon kinois, ce sont des croupions de Dindes ou Dindons, frits ou grillés, qu’on retrouve dans plusieurs coins de la ville de Kinshasa consommés avec de la chikwangue. Il n’est pas rare d’entendre des Congolais se demander « Mboka oyo nani aloka yango ? Qui a maudit ce pays ? » ; autant qu’un grand nombre affirment : « Mundele esi asala nioso ( Pas question de s’époumoner, l’homme blanc a déjà tout inventé) ». Questionnements ou réminiscences, liés sans doute à une prétendue malédiction qui pèserait sur le peuple noir ; théories esclavagistes se basant sur la Bible en Genèse 9 :20-27. Lire M-A. Mupapa Say, op. cit , p. 110 et Jean Kambayi Bwatshia, Essai sur l’histoire et la conscience de l’historien, Mediaspaul, Kinshasa, 2008, p.24-25

This article is from: