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Interview : Lufwa Mawidi
LA VOIX DU CONGOLAIS 14 Interview
Avec le sculpteur André LUFWA MAWIDI
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Artiste sculpteur congolais, Il est né en 1924. Connu pour sa statue du batteur de tam-tam de la Foire Internationale de Kinshasa (FIKIN), Lufwa est diplômé, en sculpture en 1951, a l’école Saint-Luc de Kinshasa aujourd’hui Académie des beaux-arts dont il était le premier élève. Il nous livre, ici, son expérience artistique durant l’époque coloniale.
Al’époque coloniale j’étais bien coté à la société, trop parler peut tuer… J’étais bien coté et je vais vous donner un détail assez important de cette cote ; j’étais professeur assistant à l’époque coloniale en 1951 à l’Actuelle Académie des beaux-arts ; j’étais le premier Congolais à avoir eu un privilège d’être coté comme un de bons artistes dans le bulletin de signalement. J’étais coté de la reconnaissance du coté social. Mon ancien professeur, le frère Marc, qui était en même temps mon Directeur…A l’époque il y avait ce qu’on appelait le bulletin de « Signalement » sur les progrès dans la qualité d’enseignant. Je n’arrive pas à enchaîner mes idées. J’ai des temps en temps une coupure mais j’ai encore quelques souvenirs des mérites sociaux : j’ai été coté élite à l’époque coloniale et c’est mon ancien professeur qui était en même temps mon patron, Marc Walenda.
Il me félicita d’avoir eu quelques résultats au moins très importants, très intéressants. Dans un de bulletins administratifs, le frère Marc qui était de la congrégation des frères des écoles chrétiennes, pour qui la vérité restait la vérité, a dit dans le signalement de bulletin que j’étais le trait d’union entre les Blanc et les Noirs. D’abord c’est une spécialité un peu rare du coté sociale entre Blanc et Noir. C’est parce que je m’étais plaint de l’injustice sociale. Je m’explique : les Belges à l’époque se réservaient les droits de considérer mon effort entant que Congolais,…
L’injustice n’a pas commencé aujourd’hui; l’injustice sociale qui se distinguait pas les qualités et des races : la race blanche et la race noire. Parce que je n’ai pas souffert de complexe entre noir et blanc. Je considérais que le noir avait autant de mérites que les blancs. Et ceci ne froisse pas la race noire et la race blanche ; que le noir n’est pas seulement noir de couleur mais les hommes sont des hommes. Il y en avait qui considéraient, comme il y en avait qui déconsidéraient. Et je crois que je m’étais rangé du coté des noirs. Les preuves étaient là quand je terminais mes études supérieures en 1951 et j’étais diplômé comme « Grand prix » des écoles « Saint Luc de Liège ». J’ai été criblé des questions en matière de l’art. Des questions par exemple, d’abord les épreuves sur l’œuvre que je présentais à l’école de Saint Luc de Belgique; le coté racial était là ; il y en a ceux qui étaient reconnaissants, et ceux qui n’étaient pas reconnaissants. J’ai fait un Congolais, danseur congolais et puis un danseur mukongo. J’étais jeune mais je sais quand même certaines choses qui évoquent mon passé. Malheureusement je n’ai pas une photo. Un danseur qui tapait sur un tam-tam dans une attitude de fête. Vous savez, je ne nie pas qu’il y avait des limites entre les noirs et les blancs. Je n’étais pas inconnu dans les milieux noirs. L’école Saint Luc du Congo était une correspondante de l’école saint Luc de Liège ; c’est la même congrégation des frères en Belgique qui allait donner accès aux noirs pour la formation artistique et j’ai vu de mes yeux, une dame belge qui était contre le frère Marc, le fondateur de l’école Saint Luc du Congo. Elle a fait des remarques au frère marc et a dit qu’elle était contre cette inspiration de donner aux noirs une formation artistique. « Ce n’est pas un métier des noirs, c’est un

Ce n’était pas facile, croyezmoi, cette concurrence sur cette scène ; ce n’était pas un cadeau. Mon diplôme était un mérite.
métier des blancs », disait-elle. Même encore un, plus fort qu’eux, un comparse belge compatriote qu’eux, qui était de la même congrégation, a dit la même chose d’une autre façon : « le métier que vous apprenez n’est pas un métier auquel doivent avoir accès des noirs ». C'est-à-dire qu’il y a une partie jalouse de ce que le frère apprenait aux jeunes noirs. C’est presque dans le même sens que cette jeune dame belge. Vous voyez cette jalousie qui s’exprimait par l’injustice sociale.

La voix du congolais
Contextes : Jean Kamba Photos – Isaac Sahani, Magloire Mpaka, Azgard Itambo, etc. Maquette : Yves Kikongi, Illustration : Jonathan Kaninda
