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O.4 Les entreprises qui utilisent des technologies numériques plus sophistiquées enregistrent une croissance de l’emploi plus rapide
FIGURE O.4
Les entreprises qui utilisent des technologies numériques plus sophistiquées enregistrent une croissance de l’emploi plus rapide
0,20
Changement de l'emploi (%) 0,15
0,10
0,05
0 0,07 0,4
0,07
0,04
–0,05
FGE EXT FGE INT FSS EXT FSS INT
Source : Cirera et al. (2021). Note : Voir figure 3.14. FGE = fonctions générales de l’entreprise, FSS = fonctions spécifiques à un secteur, EXT = marge extensive, INT = marge intensive.
de productivité, de ventes ainsi que d’augmentation des emplois pour les entreprises informelles capables de franchir l’obstacle de la qualité. Alors que 30 % des grandes entreprises (y compris les entreprises informelles) utilisent des smartphones, seulement 18 % des micro-entreprises informelles le font. Moins de 6 % de ces entreprises ont déjà eu un prêt, et environ la même proportion utilise des logiciels de gestion pour enregistrer des données10 au lieu de les écrire sur papier et de ne pas pouvoir prendre en compte leur signification pour les bénéfices et la croissance de leurs entreprises. Les entreprises informelles qui utilisent des technologies numériques plus spécialisées, par rapport à celles qui ne les utilisent pas, ont des niveaux moyens de productivité du travail et de ventes totales plus élevés, et sont plus susceptibles d’exporter. Elles génèrent également un nombre moyen d’emplois plus élevé (ont une plus grande taille d’entreprise) et gagnent des revenus moyens par propriétaire plus élevés. Il est important de noter que l’utilisation d’un logiciel de contrôle des stocks/point de vente comme indicateur de meilleures pratiques de gestion internes à l’entreprise est le seul corrélat conditionnel significatif de la productivité, des ventes et des emplois - en plus de l’électricité et des prêts. Cela suggère que l’adoption des technologies numériques relativement simples pour améliorer les fonctions de gestion de base pourrait être une composante importante d’un programme de croissance de l’emploi plus inclusif.
Les principaux obstacles à l’adoption de meilleures technologies sont le faible accès au financement, les faibles niveaux de capacités des entreprises et l’accès insuffisant aux marchés où la concurrence est forte. Le manque de financement est plus prononcé pour les petites entreprises, et le plus souvent associé à des entreprises n’investissant pas plus intensément dans la mise à niveau de la technologie. Un autre obstacle majeur est le manque de capacités internes liées à l’information (quelles technologies il faut acheter) et à la connaissance (comment utiliser les technologies achetées). Vient ensuite l’incertitude de la demande, notamment en ce qui concerne la possibilité pour les
petites entreprises d’accéder aux marchés des intrants et des extrants, y compris les marchés publics, afin de permettre leur expansion. Elle est également liée aux goulets d’étranglement de la concurrence sur les marchés en amont et en aval, tels que des conditions de concurrence inégales avec un accès privilégié à certaines entreprises. La plupart des entreprises, en particulier les petites entreprises et les entreprises informelles, ne bénéficient pas de conseils de consultants. Les entreprises informelles pensent qu’elles sont meilleures qu’elles ne le sont (elles ne savent pas ce qu’elles ne savent pas). Ces obstacles s’alignent également sur les obstacles rencontrés par les micro-entreprises informelles - le fait d’avoir un prêt est le plus grand corrélat conditionnel significatif de l’adoption d’un smartphone, suivi de la formation professionnelle des propriétaires d’entreprise et de l’accès à l’électricité.
Le gouvernement du Sénégal devrait se concentrer sur l’institutionnalisation des programmes de vulgarisation technologique et de soutien aux capacités des cadres et des travailleurs, et sur l’amélioration continue de ces programmes par l’expérimentation et l’apprentissage. Ces programmes devraient être adaptés pour répondre aux différents besoins des entreprises plus sophistiquées sur le plan technologique qui sont plus proches de la frontière technologique et des entreprises moins sophistiquées sur le plan technologique y compris les petites exploitations agricoles informelles, capables d’apprendre et de franchir l’obstacle de la qualité pour rejoindre l’économie moderne. Un programme plus sophistiqué sur le plan technologique devrait soutenir les entreprises avec des capacités et des besoins plus sophistiqués dans les écosystèmes à plus fort potentiel pour qu’elles puissent bénéficier des économies d’agglomération et de réseau et des retombées spatiales. Les écosystèmes prioritaires comprennent les chaînes de valeur complémentaires dans l’agroindustrie, le commerce de gros et de détail et les services numériques : les ventes moyennes par travailleur dans les écosystèmes à fort potentiel de l’agroindustrie sont cinq fois plus élevées que dans les écosystèmes en phase de maturation. Une partie personnalisée du programme devrait être offert aux entreprises ayant des capacités moins sophistiquées, y compris les micro-entreprises informelles qui, par leurs actions, indiquent une volonté et une capacité à améliorer la productivité et à se formaliser au fil du temps étant donné qu’elles bénéficient de programmes de soutien à la productivité suffisamment attrayants. Par exemple, la participation des exploitations informelles aux coopératives bénéficiant d’une aide publique pour améliorer les normes de qualité pourrait être subordonnée au respect d’exigences minimales de qualité et de productivité et à la démonstration d’une capacité à se développer et à se formaliser à terme. Les entreprises pourraient bénéficier des programmes actuels11, dûment modifiés et ancrés dans des chaînes de valeur, comme les produits horticoles spécifiques, axés sur la résolution des problèmes de coordination et la facilitation du transfert de technologie, de l’apprentissage et de l’accès au marché à travers des plus gros acheteurs formels en aval et des vendeurs en amont ainsi qu’entre les petites entreprises. Ces programmes doivent être soutenus par un plan d’exécution ponctuel et une unité de prestation efficace. La conception et l’utilisation à grande échelle des technologies numériques devraient également être soutenues, non seulement pour les outils d’information, de financement et de gestion spécifiques à la chaîne de valeur, mais aussi pour réduire les coûts d’exécution dans la fourniture de services de conseil et de suivi.
Soutien à la création de start-ups pour davantage d’entreprises
Le Sénégal est à la traîne des comparateurs en ce qui concerne le dynamisme de la création de nouvelles entreprises. Selon la base de données 2018 de la Banque mondiale sur l’entrepreneuriat, la part des nouvelles entreprises enregistrées pour mille habitants en âge de travailler est de 0,5 au Sénégal, contre plus du double au Kenya (1,1) et en Côte d’Ivoire (1,5). L’augmentation du nombre et de la qualité des nouvelles entreprises peut avoir un impact significatif sur la création d’emplois au fil du temps. Le Sénégal est également à la traîne par rapport aux pays de comparaison, tels que la Côte d’Ivoire, le Kenya ou le Maroc, en termes de productivité totale des facteurs, comme le souligne le PAP2/PSE.12 Les principaux obstacles rencontrés par les jeunes entrepreneurs productifs dans les écosystèmes à fort potentiel sont l’accès insuffisant aux marchés, la difficulté dans la distribution et la vente des produits finaux et la lourdeur des réglementations. La faiblesse des capacités est également une contrainte, associée au manque d’accès aux technologies et au faible niveau de capital humain.
Certains cadres juridiques et réglementaires fondamentaux doivent être mis à jour pour stimuler la création d’entreprises plus nombreuses et de meilleure qualité. Pour contribuer à stimuler le dynamisme entrepreneurial, le gouvernement du Sénégal devrait se concentrer sur les réformes qui facilitent l’entrée et la croissance ainsi que la sortie et la réentrée, si les investissements initiaux et les modèles d’entreprise ne réussissent pas. Comme le souligne le Programme de Réforme de l’Environnement des Affaires et de la Compétitivité qui entre maintenant dans sa troisième phase (PREAC3), l’approfondissement de la numérisation des transactions entre gouvernements et entreprises (G2B) est une priorité.13 Ceci est particulièrement vrai pour le paiement des taxes et des redevances. Ce domaine a enregistré des progrès substantiels ces dernières années, mais constitue toujours l’un des principaux obstacles à la croissance et à la formalisation des entreprises. L’amélioration de la facilitation des échanges et de la logistique - aidée par des solutions technologies numériques pour une gestion renforcée des risques, le paiement centralisé des coûts logistiques, le suivi et la traçabilité, et l’extension du système de réservation des véhicules au port de Dakar - pourrait soutenir les importations de produits clés, y compris ceux qui sont essentiels pour la réponse Covid. Elle pourrait également améliorer les moyens de subsistance à plus long terme en facilitant la participation aux chaînes de valeur mondiales, les investissements des entreprises, les performances à l’exportation et la croissance de l’emploi. Enfin, la numérisation des transactions G2B devrait inclure une plateforme de marchés publics transparente et équitable, permettant aux entrepreneurs, en particulier aux petites entreprises, de participer aux appels d’offres. Parmi les autres priorités figurent les réglementations du travail, qui se sont avérées lourdes pour de nombreuses entreprises formelles et ne soutiennent pas efficacement la création d’emplois formels. L’accès à la terre est un autre domaine dans lequel il convient de poursuivre des réformes plus profondes, notamment en rationalisant les procédures d’attribution des titres fonciers et en garantissant un inventaire transparent et fiable des droits fonciers, des délibérations sécurisées sur les droits fonciers et la détermination de la valeur locative des propriétés bâties. Le renforcement du cadre réglementaire de la concurrence au niveau national est une autre priorité, étant donné son manque manifeste d’efficacité auquel s’ajoute la nécessité de clarifier les mandats avec le cadre régional de l’UEMOA.14
Au-delà des réformes à l’échelle de l’économie, l’attention politique devrait viser à lever les principaux obstacles spécifiques aux chaînes de valeur à fort
potentiel des écosystèmes. Ces obstacles comprennent le capital humain dans l’agriculture, et l’accès aux technologies et aux financements pour l’économie numérique. Une quantité importante de ressources a déjà été allouée au soutien des start-ups et des solutions numériques. L’allocation des ressources futures devrait se faire à partir d’une sélection basée sur les priorités des entreprises dans les écosystèmes à fort potentiel. Les solutions doivent être conçues pour résoudre les problèmes dans des chaînes de valeur spécifiques, par exemple la chaîne de valeur de la mangue.15
Soutien au financement pour davantage d’entreprises plus productives
La mise à niveau technologique et la création de nouvelles entreprises doivent être facilitées par des financements. Le Sénégal a un déficit d’un milliard de dollars US en termes d’accès au financement pour les micro, petites et moyennes entreprises (MPME), avec des besoins de financement par emprunt et par fonds propres. Dans l’ensemble de l’UEMOA, les entreprises du Sénégal déclarent être les plus contraintes financièrement. Les principaux obstacles sont le manque de concurrence dans le secteur bancaire, le manque d’infrastructures de crédit, un faible cadre juridique et des interventions publiques insuffisantes. En outre, le Sénégal ne dispose ni d’un système de garantie partielle de crédit ni d’un fonds de capital-risque public-privé pour créer un vivier de jeunes entreprises. Les possibilités de tirer parti des porte-monnaie électroniques sont encore minimes, car seuls 7 % de la population adulte ont reçu un paiement électronique du gouvernement.16 Dans l’ensemble, malgré quelques initiatives fondées sur les technologies numériques dans le domaine de la finance, comme EcobankPay, les solutions de technologies numériques financières ne sont pas très répandues au Sénégal.17
Le soutien du gouvernement du Sénégal pourrait inclure un fonds de subvention de contrepartie et le financement de mécanismes de réduction des risques. Un fonds de contrepartie pourrait être utilisé pour soutenir une série d’initiatives, notamment (i) la numérisation des institutions de micro-finance (IMF) par le biais d’un système bancaire numérique mutualisé ; (ii) l’expansion des réseaux ruraux d’agents monétaires mobiles ; (iii) l’adoption des codes USSD par les fournisseurs de services à valeur ajoutée ; (iv) la numérisation des paiements entre entreprises et gouvernements (B2G) tels que le régime d’aide aux familles rurales ; et (v) un ensemble de mesures soutenant le financement des MPME, y compris l’extension du système de notation des PME par l’ADEPME, la création d’une plateforme de crowdfunding, et l’assurance électronique. Le financement des mécanismes de réduction des risques pourrait inclure un soutien à la capitalisation et à la mise en œuvre d’un fonds de capital-risque public-privé de start-up, et un fonds de garantie durable pour les MPME. Les solutions fintech, telles que les services numériques de notation de crédit, devraient permettre de surmonter les coûts de transaction et les faibles capacités (par exemple, des plans d’affaires moins bien préparés) en permettant aux financiers d’accorder des crédits électroniques sur la base des dossiers de transactions commerciales crédibles des entreprises et d’autres critères basés sur le numérique. Le soutien des pouvoirs publics pourrait également inclure la mise en place de procédures de règlement extrajudiciaire plus rapides pour les entreprises confrontées à des problèmes de solvabilité dans un environnement post-Covid plus imprévisible. Voir le tableau O.1.