Wolvendael magazine n° 615 janvier 2016

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Michel Baquet

Quand travailler est plus une passion qu’un métier, pourquoi arrêter, même après l’âge de la pension? Michel Baquet a mis son talent de maroquinier au service des plus grandes marques. Aujourd’hui, il voudrait transmettre son savoir. Mais à qui?

De l’or dans les mains et personne à qui le

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S’il y avait moyen de pousser les murs de son appartement, il l’aurait fait depuis longtemps. Mais voilà, il est obligé de zigzaguer entre des établis qui prennent toute la place, entre des murs recouverts de dessins de modèles, des photos prises pendant une vie, de tableaux de sa main, de pièces de cuir et de sacs multicolores, de bouts de lanières, de vieilles radios, d’outils mystérieux... Des lampes de travail éclairent juste ce qu’il faut, dans le fouillis des surfaces horizontales qui accueillent des machines bizarres, manifestement anciennes, avec des moteurs électriques et des rhéostats comme on n’en fait plus depuis quarante ans. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits, mais le chat de la maison se faufile partout, comme une ombre rousse. Les bâtis de métal coulé des machines sont carrossés comme autrefois, ils sont de l’époque où les ingénieurs ne dessinaient pas pour la galerie, mais pour concrétiser leur savoir-faire. On reconnaît vaguement des formes de machines à coudre, du genre costaud à percer le buffle. “Celle-là a cent ans”, dit Michel Baquet en montrant une trancheuse à la lame effilée comme un rasoir. Il a des lames et des pièces sans

doute pour cinquante ans encore. C’est son père qui lui a appris à être prévoyant, à stocker les pièces de rechange de machines dont il savait bien qu’elles seraient obsolètes un jour. Et pourquoi les changer, au fond, puisqu’elles étaient faites pour durer plus qu’une vie? Elles sont toujours là, les machines, du moins celles qu’il a pu garder dans son petit appartement ucclois. Et c’est vrai, elles totalisent plus d’années que lui, qui a commencé à aider son père à l’atelier de maroquinerie quand il avait huit ou neuf ans. Il en a 70 aujourd’hui, bon pied bon œil et aucune envie de tirer un trait sur tout ça. “Je ne pourrais pas, j’ai besoin de l’odeur du cuir. C’est ce qui me fait durer, c’est la passion de ce métier - et c’est une maladie

incurable! Ma compagne, qui vit sur une péniche à Malines, me presse toujours de la rejoindre. Elle n’y arrive pas.” L’odeur du cuir, en effet, est partout dans ce petit quatrième étage d’un immeuble des années trente. Elle émane des peaux colorées qui s’entassent et des sacs qui, sur les étagères, témoignent de l’habileté de l’artisan. Des pièces uniques, comme un sac entièrement inspiré par Victor Horta ou un bouclier de cuir sur lequel sont sculptées des scènes de la vie de Jeanne d’Arc. Son père, au lieu de le prendre comme apprenti, l’a envoyé apprendre le métier dans les plus grandes maisons. Il a maîtrisé toutes les techniques de la mode, possède des tours de main et des trucs du métier aujourd’hui oubliés et qu’il rêve de transmettre à des jeunes. Mais à qui? “Depuis 2004, je me bats avec la Ville de Bruxelles pour monter un dossier et pouvoir former des gens sérieux, prêts à bosser dur pour apprendre. J’ai passé 3 mois au Centre de guidance de la Ville, à Dansaert, pour réaliser un projet d’aide à la jeunesse, mais il n’y a pas de machines. Et on se fatigue de ça, pour finir...” Une caresse au poli d’un sac, une caresse au chat. Cet homme a le cuir tendre. S.P.

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Passion: métier


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