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Dossier
« As-tu reçu le plus beau des cadeaux ? » Quand tu étais bébé, tu devais écouter tes parents sans cesse. À l'école, avec les professeurs, te voilà parti pour au minimum 15 ans d'écoute ! Écouter, tu sais ce que c'est ! Les infos du monde entier te parviennent à la vitesse éclair ! Alors c'est un peu rigolo, non, un article sur l'écoute ? Quand on ne fait que ça ? Pffff plutôt barbant ! Heu… écouter… entendre… c'est pareil ?? Mais ne zappe pas !! Ça change la vie d'être conscient de ce qui suit ! Il y a écoute et Écoute ! Et bien modestement nous te livrons quelques-unes de nos réflexions et expériences à son sujet…
Véronique Angenot Charlotte Defgnée Dominique Monjoie et Laura Bigattini
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Écouter, encore ?
L'écoute demande de l'empathie
L’Écoute, c'est une force puissante que nous pensons acquise, à tort. Et nous nous blessons mutuellement bien souvent au fil du temps et inutilement, car nous n'écoutons pas vraiment. Quand je demande à un copain de venir boire un verre et qu'il me répond : « Non merci, je dois me lever tôt ! », je peux me sentir rejeté… Pas marrant !! Et bien là, je n'entends pas ce qui est dit parce qu'un élément dans le message de l'autre déclenche en moi une blessure, de la colère ou de l'impatience ... Et l'on se blesse inutilement.
Écouter c'est plus qu'entendre.
Écouter c'est : • Mettre de côté les distractions et ses propres besoins (mon envie de boire un verre, par exemple). • Ne pas interrompre l'autre si ce n'est pour qu'il en dise davantage. • Quitter sa propre montagne, son propre monde pour rejoindre l'espace d'un instant, l'autre sur sa montagne et ses besoins à lui.
On vit tous sur la même planète mais on a chacun notre propre monde !! Pas besoin d'être d'accord avec lui. Bon ok, l'exemple du verre entre copains est un peu simpliste, mais c'est souvent le cas… Le cas où je ramène à moi, les oreilles tournées vers moi. Derrière les paroles - désirs - sentiments de l'autre, se trouvent des besoins qui lui sont propres. Je peux les reconnaître simplement et ce, par l'écoute : « J’entends bien ton envie de rentrer ce soir, tu es fatigué ! » Lui, ça le soulage de pouvoir exprimer ses pensées et ses sentiments, et d'être entendu. Et moi, mes relations n'en sont que plus belles. La reconnaissance des besoins via l'écoute (avec mes oreilles tournées vers l'autre, ma tête, l'espace d'un instant, sur sa montagne) c'est la plus grande des forces, le plus beau des cadeaux.
Véronique Angenot, responsable d’équipe des volontaires Bulle d’Oxygène
Nous te proposons donc, chaque jour, de t’exercer à confectionner le plus beau des cadeaux pour l’offrir à au moins une personne de ton entourage, proche ou moins proche, qu’importe !
Tiens, toi qui me parles, qu’est-ce que tu viens me raconter ? Quels sont tes besoins, tes émotions, tes attentes, tes valeurs, tes convictions, tes priorités, tes failles, tes vulnérabilités, tes conflits intérieurs, tes expériences de vie, tes affects, tes pensées, tes souvenirs, tes secrets et tout ce qui fait de toi un être singulier ?
Et si comme moi tu es un peu maladroit sur ce coup, écoute bien ce qui suit ! Dominique nous livre quelques clés pour une écoute active, approche centrée sur la personne appartenant au courant humaniste et développée initialement par le psychologue Carl Rogers vers la moitié du xxe siècle.
L'écoute demande une aptitude adaptée
Le travail d'écoute nécessite une attention particulière envers la personne qui est en face de nous. L'essentiel est de ne pas écouter pour répondre de suite, mais écouter
pour progressivement découvrir l‘autre et entrer dans sa « carte du monde ».

Chaque être humain est différent dans sa propre conception du monde. La différence ne se situe pas dans le monde lui-même, mais dans les filtres à travers lesquels nous le percevons : nos valeurs, nos croyances, notre éducation, notre culture… Nous avons donc chacun une représentation subjective de la réalité. La personne écoutée nous raconte SON histoire de vie qui ne sera JAMAIS NOTRE histoire !!! Il est essentiel d'en tenir compte durant tout notre travail d'écoute active
Pratiquement, le mode d'emploi de l’écoute active est le suivant :
1. Accueillir le discours de la personne
écoutée. Il est important d'attendre que la personne ait fini de parler avant de l’interrompre. Elle nous conduira dans un univers qui nous est inconnu, puisque c'est le sien. L'écoute active permet de
© PEXELS/MATHEUS BERTELLI
la rejoindre dans « sa carte du monde » qu'elle accepte de nous dévoiler, soit en partie soit en totalité. 2. Valider ses propos, c'est-à-dire avoir la capacité de reconnaître que ce que la personne écoutée nous a dit a du sens pour nous même si son vécu est différent du nôtre. 3. Reformuler ses dires. Cela sert à activer la bonne écoute et faire une pause dans le discours de l'autre afin qu'il réentende précisément ce qu'il dit en utilisant ses propres mots ou presque. J’ai pourtant parfois l’impression d’écouter alors que la personne en face de moi semble se désintéresser de ce que je lui dis. Parfois aussi elle semble se justifier et devient un peu agressive ou au contraire totalement dépendante, me demandant sans cesse mon avis. Comment est-ce possible ? Nous t’avons concocté le Top 10 des principaux indésirables. Les indésirables, ce
sont ces petits nuisibles qui perturbent l’écoute et finissent pas envahir toute la relation. Si tu veux les chasser, il faut déjà pouvoir les reconnaitre. Regardes-y donc d’un peu plus près…
Les Indésirables :
1. « Moi, je… » : Parler systématique-
ment de son propre vécu, revenir à soi.
2. « Il faut, tu dois, il n’y a qu’à faire ceci ou cela » : Répondre de suite en donnant
des solutions.
3. « Et Pierre, qu’est-ce qu’il en dit ? » : Par-
ler de celui qui est absent.
4. « Ainsi va la vie ! » : Généraliser les
situations.
5. « C’est nul ce que tu as fait », « C’est plutôt bien » : Juger l’autre et ses ac-
tions positivement ou négativement, le moraliser.
6. « Ce n’est pas bien grave tu sais » : Bana-
liser et/ou dédramatiser le vécu de l’écouté.
7. « Si j’étais toi, à ta place, tu devrais faire ça » : Conseiller, comme un expert. 8. « Ce n’est rien, ça va passer » : Nier. 9. « Pourquoi cela ? Quand ? Comment ? » :
Enquêter, poser des questions selon mes propres intérêts.
10. « Je pense/je sais que le problème vient de là » : Diagnostiquer et interpréter
selon mes croyances et valeurs. Une règle d’or que nous partage Véronique pour une écoute active et bienveil-
lante : reformuler le plus fidèlement possible ce que l’autre t’exprime en l’aidant à clarifier ce qu’il te dit et ce qu’il vit. • Lui : « J’ai difficile avec ma mère » • Toi : « Vous avez difficile avec votre mère ? », « Qu’est-ce qui fait que… ? »,
« Vous voulez m’en dire plus ? » • Lui : « Elle est tombée et (…) alors (…) » R « Lui » continue donc de parler, il se sent écouté, entendu, reconnu. Imagine ce qu’il adviendrait de l’échange si tu répondais par : • « Ah bon ? Moi ma mère, elle fait ça (…) et dit ça (…)! • « Pfff… Les mères, elles sont toutes pareilles ! » • « Vous savez, vous devriez être content d’avoir une mère ! »
© PIXABAY/GERD ALTMANN

Ce n’est donc pas juste une question de mots. Comme le suggère Michel Hermier tout au long de son livre « L’Écoute centrée sur la personne », ce sont des attitudes telles que la disponibilité, la patience, la
retenue, l’accueil, la discrétion, l’acceptation, la reconnaissance et la « juste dis-
tance » qui font que l’écoute elle-même, dans cette intention sincère d’ouverture à l’autre, rassure, reconnait, valorise, libère et fait se sentir moins seul.

Mais n’oublie pas, que serait la vie sans ses accrocs ?! Si donc tu ne présentes pas toutes les qualités d’un « bon » écoutant et s’il t’arrive parfois de tomber nez à nez avec l’un ou l’autre indésirable ou d’être impatient, bienvenu(e) dans la VRAIE VIE ☺ Apprendre et désapprendre pour mieux réapprendre… N’hésite pas à rejoindre les formations et/ou les temps d’échanges que nous te proposons tout au long de l’année !
© Pixabay
L'écoute demande une maitrise de soi
Mettre son oreille à disposition de l’autre c’est aussi garder la 2nde pour soi car pen-
dant que je t’écoute, j’ai tout un monde qui se réveille en moi !
Pour mieux comprendre, utilisons la métaphore du bus que Magali Nguyen, psychologue, nous a expliquée lors de la formation à « L’écoute dans la relation ».
Imagine : Tu es comme un bus rempli de « Toi-même ». Tu tiens le volant du bus et te diriges dans l’existence en ayant comme passagers de multiples personnages, facettes de toi-même qui sont montées à bord au fur et à mesure du voyage, celui des expériences de la vie. Certains passagers de ton bus sont assez réservés et silencieux, regardant le paysage et intervenant de temps à autre. D’autres font un chahut d’enfer, ils ont un look à te faire frémir et quand
tu les regardes du coin de l’œil, ton cœur se soulève. Ils ont tous le droit d’être à bord et ton défi est d’apprendre à cohabiter avec eux le temps du voyage sur les sentiers de l’écoute, par exemple, sans pour autant obéir à leurs exigences individuelles.
Ces passagers, ce sont tes pensées, tes émotions, tes sensations et tes représen-
tations les plus sombres parfois. Inutile de les forcer à descendre, de les empêcher de monter ou de tenter de les mettre en rang d’oignon en leur demandant de garder le silence. Les autres passagers sont souvent dépassés, ils ne parviennent pas à contenir les plus indisciplinés et finissent eux-mêmes par sortir de leur réserve. Que faire ? Les inviter à s’asseoir à tes côtés pendant que tu roules ! Tu peux même leur tenir la
main, les observer, les écouter et leur par-
ler pendant qu’ils regardent tout autour d’eux et que vous vous dirigez là où vous avez choisi d’aller ENSEMBLE. Ainsi, tu peux par exemple décider quelle part de toi tu vas mettre au volant quand tu arrives à la maison, à l’école ou à ton lieu de volontariat. Entre les différentes facettes qui t’habitent, il est évident que dans ton volon-
tariat, c’est essentiellement l’état de RÉCEPTIVITÉ et de NEUTRALITÉ qui favo-
risera la rencontre. Chaque jour est l’occasion de te laisser sentir la route la plus « juste » à prendre… Nous arrivons à la fin du voyage même si nous avions dans nos valises encore tant à te partager. Si tu veux nous raconter tes paysages et nous montrer ce que tu ramènes de tes voyages, nous restons tout ouïe ! En attendant, nous te faisons parvenir une carte postale, celle de Charlotte Defgnée, co-
responsable d’équipe au Pays des volontaires de la Maison des familles :
témoignage « Un sourire et un bonjour d’un volontaire dans un couloir, un « Comment allez-vous aujourd’hui ? » d’une technicienne de surface à un patient hospitalisé. Ce sont de petites paroles qui peuvent te paraître insignifiantes et pourtant, elles peuvent embellir la journée de la personne qui les reçoit. L’écoute, tu l’auras compris, c’est se montrer disponible pour la personne et lui donner toute son attention. Parfois, on a le sentiment qu’écouter c’est « ne pas faire grand-chose », ou c’est « ne pas être utile ». Et pourtant, écouter, rejoindre l’autre dans ce qu’il vit, ce qu’il traverse, même très brièvement, c’est déjà beaucoup. C’est un espace, une place que l’on laisse à l’autre, et qui lui montre qu’il est important pour nous. Écouter, c’est déjà agir ! »
Sources
– L’écoute centrée sur la personne, Michel
Hermier, Chronique Sociale, 2013 – L’écoute dans la relation, Magali
Nguyen, Formation Volont’R, 2020 – Guide simplifié mais essentiel du volontaire, Véronique Angenot, 2020 – Synthèse de l’Écoute active, Dominique
Monjoie, 2020