En danseuse

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EN DANSEUSE LE VÉLO DANS LA PEAU

EN DANSEUSE

Le texte qui suit est une retranscription de mémoire d’une discussion à bâtons rompus entre Victor Verbeke et Thierry Verbeke, à propos du cyclisme, de l’art contemporain, de la politique et de la vie, autour d’une bonne bière de la brasserie Tandem de Wambrechies, un samedi de juin 2024.

Avant tout, je dois préciser que Victor n’est plus coureur désormais. Pour réussir à endurer les douleurs musculaires et suivre le reste du peloton, il a tâté du « pot belge », un cocktail détonnant d’amphétamines, d’antalgiques, d’héroïne et de cocaïne, appelé également le dopage du pauvre.

“ Les traces de cocaïne relevées dans mes urines ont mis un coup d’arrêt brutal à ma carrière. Pour éviter de semer le doute sur le reste de l’équipe, j’ai dû faire mon autocritique et demander pardon publiquement d’avoir triché. Aujourd’hui, je suis ce qu’on appelle un repenti. Je n’ai pas honte de cette période de ma vie. Si j’avais eu de meilleurs résultats, mes primes m’auraient permis de prendre de l’EPO comme les leaders des autres équipes et L’A.M.A. (1) n’y aurait vu que du feu.

Pas certain que cela aurait fait de moi un grand champion pour autant. Même sous substance, je n’ai jamais réussi à être dans le peloton de tête et je n’ai que très rarement dépassé la 40e place du classement. ”

En dépit de son détachement apparent, j’ai ressenti chez Victor une forme de rancœur d’avoir servi de fusible pour le reste de l’équipe. Selon ses dires, au moins deux tiers des coureurs des années 2000 étaient dopés.

“ Aujourd’hui encore, il y a plein de substances qui circulent.

Ma préférée c’est la « magic box », une boite en libre-service qu’on fait circuler avant les épreuves. Elle contient de la théophylline (2), de la caféine et du Thiocolchicoside (3) .

Bien qu’autorisées, toutes ces substances prises en cocktail à fortes doses s’apparentent bel et bien à du dopage. Et puis plus récemment, on parle de biohackers qui, par un détournement de la thérapie génique, sont capables d’introduire du matériel génétique dans les cellules. Ça augmente la masse musculaire et l’endurance respiratoire. C’est ça l’avenir du cyclisme… ”

Même si toute cette histoire continue à hanter ses pensées, Victor sait que la course est finie pour lui. Afin de retrouver un moyen de subsistance, il a investi récemment une partie de ses économies dans l’acquisition d’un bar tabac. L’établissement sur lequel Victor a jeté son dévolu n’est pas reluisant. Dans l’espoir de fidéliser une nouvelle clientèle, il s’est lancé dans de nombreux travaux en espérant en faire un endroit agréable. Pour réussir dans son nouveau business, il compte également surfer sur sa petite gloire passée et sur le parfum de scandale qui l’entoure désormais.

“ Dans mon bar, il n’y a rien d’illégal. Les seules substances addictives, qu’on y trouve (le tabac et l’alcool), sont autorisées par l’État qui prélève sa part au passage.

Certains de mes clients trouvent certainement contradictoire qu’un ancien sportif vende aujourd’hui de la bière et du vin. Il faut se rappeler cependant qu’autrefois l’alcool et le cyclisme faisaient bon ménage. Dans les années 60, il n’y avait pas de points de ravitaillement organisés. Les coureurs s’arrêtaient dans les villages, pour faire « la chasse à la canette ». Ils entraient dans les bistrots en bousculant tout le monde et prenaient ce qui leur tombait sous la main. Bière, vin, champagne, tout y passait. Ils ressortaient souvent aussi vite en oubliant de payer les consommations. À cette époque, voir les coureurs boire de l’alcool ça ne choquait personne. ”

Victor oublie cependant de raconter la triste histoire de Tom Simpson, ce coureur britannique décédé sur le Tour de France de 1967 suite à un excès d’alcool. Symboliquement, l’année qui suivit, le tour de France commença par la ville d’Évian et des points de ravitaillement pourvus en eau furent organisés rendant peu à peu anecdotique la consommation d’alcool chez les coureurs.

“ De toute façon, même sans l’alcool, cette discipline est très risquée. Parfois, le sort s’acharne sur vous, sous la forme de crevaisons et de chutes. En 1998, dans la quatorzième étape du tour de France, entre Valréas et Grenoble, je fais une mauvaise chute qui m’empêche de continuer. Je décide alors de suivre

la course en simple touriste. C’est à cette occasion que je fais la rencontre de l’artiste Véronique Ellena. Grâce à une bourse de la Villa Médicis hors-les murs, elle suit les grandes compétitions cyclistes de l’époque. C’est d’abord son équipement qui attire mon attention. Il faut dire que sa grande chambre photographique ne passe pas inaperçue. Sur ses images, on peut voir principalement les spectateurs des courses qui « campent » sur le bord des routes. Leur attente et leur immobilité forment un étrange contraste avec la vitesse des coureurs.

C’est suite à cette rencontre que j’ai pris la décision d’acheter plusieurs de ses photos et plus globalement de devenir collectionneur d’œuvres d’art qui parlent du cyclisme. ”

Même si Victor n’a pas de gros moyens financiers, l’art contemporain est devenu « sa danseuse » (4) en référence à l’expression du XVIIIe siècle mais aussi à cette façon de pédaler debout dans les montées. Sa collection compte désormais des artistes tels que : Brochard et Darras, Véronique Ellena et Philémon Vanorlé. Tous sont présentés dans son nouvel établissement.

“ J’aimerais faire de ce lieu un endroit dans lequel on fera plus que boire un verre. Les gens ont peur de rentrer dans les galeries ou les musées. Un bar tabac, c’est familier, c’est tout sauf intimidant. Je pense que c’est un bon lieu pour présenter de l’art contemporain. Dès la façade, on peut admirer le vélo de course que j’ai acheté à Philémon Vanorlé en place de l’habituelle carotte de bar tabac. Les pneus ont été remplacés par de néons rouges de la même intensité que la précédente enseigne. J’aime beaucoup ce rouge très particulier qui semble irradier des néons. Bien que ce changement rende le vélo inutilisable, je me plais à imaginer ce qu’aurait pu donner ce type d’engin tuné sur les routes du tour de France. ”

Adepte de jeux de mots, il déclare en souriant : c’est du recyclage !

“ Sur le mur du fond, j’ai accroché les portraits de Véronique Ellena. Le choix qu’elle a fait de braquer les projecteurs sur des inconnus qui attendent le passage des coureurs plutôt que sur les stars de la course, me plait énormément. Les spectateurs, je ne les ai jamais vraiment vus. À l’époque où je courais, je regardais toujours droit devant. J’étais concentré sur l’objectif à atteindre, mais je pouvais sentir leur présence sur le bord de la route. Plus d’une fois, leurs cris d’encouragement m’ont aidé à continuer. En présentant cette série de portraits de supporters anonymes, j’ai l’impression de leur rendre un hommage bien mérité. ”

À ce moment, Victor se livre davantage. Il me parle de son père, supporter lui aussi qui l’emmenait chaque année voir passer les coureurs de Paris-Roubaix et de sa fierté quand il est passé professionnel.

“ Le vélo, mon père l’utilisait chaque jour pour aller à l’usine. Moi, je n’ai jamais fait partie du monde ouvrier mais, à ma manière, j’ai vendu ma force de travail. Dans l’équipe, j’étais chargé de frayer un chemin, de protéger du vent et d’apporter le ravitaillement au leader. Les types comme moi, dans le cyclisme, on les surnomme les domestiques. J’ai toujours préféré me considérer comme un prolétaire du vélo. Dans cette discipline, la lutte des classes ça existe aussi. D’ailleurs, pour défendre mes droits, j’ai adhéré très jeune à l’Union Nationale des Cyclistes Professionnels. ”

Victor a connu le temps où les courses s’enchainent et réduisent à peau de chagrin les temps de récupération. À cette époque, les corps sont exploités, les chutes sont également plus nombreuses et d’une certaine façon font partie du spectacle. On peut d’ailleurs toute proportion gardée, voir des ressemblances entre les courses cyclistes et les marathons de danse organisés aux États Unis durant la crise des années 20. Les danseurs y luttent pour ne pas sombrer physiquement et mentalement en restant éveillés pendant des semaines voir des mois avec des temps de repos réduits à l’extrême. Comme dans le cyclisme, il est ici question d’équilibre et d’épuisement des corps contre l’espoir d’une prime versée aux derniers encore debout sur la piste.

Rien d’étonnant donc à ce que notre collectionneur se soit intéressé au travail d’Yves Brochard et de Claude Darras.

“ Dans l’atelier de sérigraphie du vieux Lille d’Alain Buyse, j’ai fait l’acquisition d’une sérigraphie représentant Roger De Vlaeminck et Eddy Merckx lors du trophée Baracchi. Elle est surmontée du slogan « Brochard et Darras unis contre le Capital. Ce duo d’artistes, c’est d’abord une histoire d’amitié mais aussi un travail conséquent sur le cyclisme. En accrochant cette sérigraphie derrière le bar je donne le ton dès l’entrée. Quand les clients passent leur commande, ils ont ce travail juste devant les yeux. Dans le vélo comme dans la vie et même dans mon travail, j’ai toujours fait passer l’amitié avant l’argent. Cette sérigraphie est là pour le rappeler.Il y a aussi cette série de peintures et de petits bustes réalisés par Brochard et Darras qui s’appelle « Les repentis ». J’y ai reconnu de nombreux cyclistes qui comme moi ont avoué avoir utilisé des produits dopants. Alors par défi, et pour assumer cette période de ma vie, j’ai passé commande d’un portrait peint et d’un buste me représentant. Ils ont trouvé leur place derrière le comptoir, séparés de la sérigraphie par un grand miroir. ”

“ Ces œuvres me rappellent qui j’étais et mon reflet dans le miroir qui je suis désormais.  C’est parfois difficile de s’accepter et de tirer un trait sur ses ambitions passées. Dans ma collection, je possède à ce sujet plusieurs vidéos de Pascal Rivet intitulées « Saynettes » dans lesquelles il se fait passer pour Bjarne Riis et Marco Pantani. Il y joue avec humour de l’image que les sportifs construisent pour les médias. Quand on sait que Pascal Rivet a fait du cyclisme de compétition, on imagine que derrière cet humour il y a aussi une part de déception de n’avoir pu égaler ses modèles. Nous avons tous deux un destin commun, lui est un ancien sportif devenu artiste et moi un ancien sportif devenu collectionneur. ”

C’est à ce moment de notre discussion que naît l’idée de monter avec lui une exposition sur le cyclisme. Aux artistes Brochard et Darras, Véronique Ellena, Philémon Vanorlé et Pascal Rivet, je propose à Victor d’adjoindre David Leleu. De David Leleu, je connais un travail récent réalisé à partir d’un livre intitulé « Le cyclisme — comment devenir meilleur ». Ce livre illustré de jolis dessins vintage a l’avantage d’être préfacé par Raymond Poulidor qui, je le sais, fait partie du panthéon de Victor. En découpant à travers les pages, David Leleu fait apparaitre dans son épaisseur des images enfouies. Nul doute que cette œuvre a également la capacité de mettre à jour les souvenirs liés à cette star populaire du cyclisme français qualifiée d’éternel second, toujours victorieux même dans la défaite. À cette évocation, Victor ne peut s’empêcher de lâcher un vigoureux « Vas-y Poupou » et d’évoquer des souvenirs lointains :

“ À cette époque le monde était binaire, on était soit de droite soit de gauche. On soutenait Jacques Anquetil, le flambeur à l’allure aristocratique, ou Raymond Poulidor pour sa simplicité et son courage. Anquetil était le symbole d’une économie de marché, spéculative, entreprenante. Il buvait du whisky, se déplaçait en avion. Dans le Tour comme dans la vie, il incarnait la figure du patron.

Poulidor c’était le symbole nostalgique d’une paysannerie en train de disparaitre. Il était courageux et laborieux, c’est cette image qui le rapprochait du camp des travailleurs. ”

En réaction à cette dualité, je propose à Victor de présenter également le travail « Spider Kebab » (5) de Gauthier Leroy, un vélo géant inspiré du « Black Label Bike Club » de Minéapolis, agrémenté de tissus écossais, de faux clous en fer forgé et d’une tête de cheval réalisée à partir d’un morceau de canalisation. Ce club proche du mouvement Punk, rassemble « des bons à rien » qui ont abandonné depuis longtemps la lutte des classes de leurs parents pour bricoler des vélos appelés tall bike (6). Sur ces vélos surélevés fabriqués à partir de deux cadres soudés entre eux, les membres du club s’affrontent armés de lances en PVC à la manière des chevaliers d’autrefois. Ils se regroupent également pour défiler en ville comme des Hells Angels écolos. Leur déambulation dans la ville produit parfois des situations cocasses, avec d’énormes S.U.V dépassés en taille par de simples vélos bricolés. À cette évocation, Victor, ne peut s’empêcher de sourire, et d’ajouter :

“ C’est un peu comme s’ils disaient alors maintenant qui a la plus grosse ? Banco pour « Spider Kebab ». J’ai hâte de voir comment Gauthier Leroy a transposé cette histoire dans sa pièce et comment les œuvres de l’exposition vont dialoguer entre elles. ”

L’après-midi touche à sa fin, nous terminons notre bière de la brasserie Tandem et je prends rendez-vous avec Victor en janvier pour la suite de notre collaboration.

Durant l’été qui suit, je reçois de nombreux messages de Jean-Philippe Tricot, un ami artiste, qui me fait part « d’AndaLuz ! », une escapade à vélo dont une des premières étapes doit le conduire en Corse pour les vendanges. Pour s’y rendre, il prévoit de pédaler à travers l’Espagne et la Sardaigne mais rien ne se passe comme prévu.

Adepte du camping sauvage, il est dérangé dans son refuge par un taureau puis par des sangliers. La première « double » journée dans le vignoble en plein soleil met son corps K.O.

Le reste du voyage est semé d’embuches et d’aventures.

Comme Ulysse qui arrivé aux enfers doit se nourrir d’une racine d’asphodèle (7), Jean-Philippe suite à un problème de carte bleue, survit grâce à un paquet de polenta déshydratée. Il traverse l’Espagne juste avant les grandes inondations, trouve refuge chez son ami Eddy à Mojàcar un village d’altitude où il est sauvé des eaux.

Pour l’exposition « en danseuse », il propose « Roule-moule», une conférence pneumatique dans laquelle il nous conte et chante des morceaux « d’Anda-Luz ». Il y évoque, la lumière, les substances, ce qui soutient notre corps et notre vie. Sur un socle, il présente un paquet de polenta, sous le titre « Santa Fé Speranza ». Au mur, il montre « Speranza » (8) une série de photographies de sa tente-igloo et de son vélo « Shimana », ponctuée de copies d’écran de sa messagerie qui viennent relier entre elles les étapes-îles de son odyssée cycliste.

À la vue de ces photographies, Victor me fait remarquer que les peintures des cols du tour de France de Brochard et Darras peuvent fonctionner comme des images interstitielles en regard du travail de Jean-Philippe, comme des morceaux de paysages manquants. J’accepte avec plaisir l’idée de les présenter. Toutes les pièces du puzzle sont en place désormais, et attendent les visiteurs de l’exposition « En danseuse ».

1 – Agence Mondiale Antidopage

2 – La théophylline est une base xanthique. Elle exerce une action bronchodilatatrice par relaxation des muscles lisses bronchiques.

3 – Le thiocolchicoside est un dérivé semi-synthétique de la colchicine. Il est utilisé comme médicament myorelaxant.

4 – « Avoir une danseuse » L’expression remonte au XVIIIe siècle. Elle signifie entretenir à grands frais une maitresse, subvenir à ses besoins. En cyclisme, la position dite de la danseuse est utilisée pour augmenter l’intensité de l’effort au moment d’une relance, d’une attaque, d’un sprint, d’une accélération….

5 – Le titre « Spider Kebab » s’inspire de la chanson « Kebab Spider » du groupe anglais Sleaford Mods.

6 – Il s’agit généralement de deux cadres de vélos soudés entre eux pour produire un vélo géant, hérité et détourné de ceux utilisés par les allumeurs de réverbères au 19e siècle.

7 – Plante de disette de dernière extrémité dont la racine tubéreuse est comestible.

8 – « Santa Fé Speranza » en référence au Robinson de Michel Tournier.

Biographie

Victor Verbeke

Passé professionnel à 20 ans en juillet 1990 avec PDM, il obtient quelques bons résultats, mais sans victoires notables. Il est notamment dixième du Liège-Bastogne-Liège de 1990, vingt-deuxième du Paris Roubaix 1991 et quarante deuxième du Amstel Gold Race de 1992. De 1993 à 1994, il intègre l’équipe Novemail-Histor. Par la suite, il sera recruté par la Gewiss-Ballan, qui deviendra la GewissPlaybus en 1996 puis la Batik-Del Monte en 1997. Après une année blanche en 1998 suite à une chute sur le tour de France, il signe un contrat d’un an avec la modeste équipe MobilvettaDesign-Rossin.

Comme il n’obtient pas les résultats escomptés et que ses primes ne sont pas suffisantes, il prend des substances censées améliorer ses performances. Accusé de dopage, il décide en 2000, à l’âge de 30 ans, de quitter le monde du cyclisme pour travailler chez Heineken comme commercial chargé du développement et des nouvelles gammes de produits. En 2024, il reprend la gestion d’un Bar Tabac à Wattrelos dans le nord de la France. Il essaye d’y sensibiliser ses clients à l’art contemporain. La même année, il est approché par Thierry Verbeke, artiste et curateur pour le prêt de sa collection dans le cadre de l’exposition EN DANSEUSE à l’espace Arc-en-ciel de Liévin.

Exposition

EN DANSEUSE

On y trouvera des outsiders, des repentis, des cyclistes qui chutent, un autre sur un vélo d’appartement, un type en fuite, des roues de vélo rouge comme une carotte de bar tabac sans oublier le public en bord de route qui attend tout ce beau monde religieusement.

* En cyclisme, la position dite de la danseuse est utilisée pour augmenter l’intensité de l’effort au moment d’une relance, d’une attaque, d’un sprint, d’une accélération. Cette position peut parfois être contreproductive en réduisant d’un coup les capacités musculaire et d’endurance du coureur à néant.

Artistes :

Brochard et Darras, Véronique Ellena, David Leleu, Gauthier Leroy, Pascal Rivet, Jean-Philippe Tricot, Philémon Vanorlé.

Image de couverture

Le bronzage, Véronique Elena, 1999. Photographie de la série « Les classiques cyclistes ».

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En danseuse by thierry verbeke - Issuu