RAS-LE-SONOTONE ! Ça n’a pas pu vous échapper : depuis un mois qu’on marine en bocal, toutes les chaînes de radio et de télé se font une concurrence effrénée et pour vous aider à faire face aux problèmes existentiels que vous pose cette confinure qui dure (dur-dur !). À longueur d’antenne ou de plateau, tout un monde de professionnels de la profession vous répondent en direct, les yeux dans les oreilles, vous conseillent le cœur sur la main et vous expliquent pourquoi vous n’allez pas bien, et comment vous iriez tellement beaucoup mieux si… Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je commence à en avoir ras-le-sonotone de tous ces stéthoscopes spécialisés, coupeurs de neurones en quatre, experts en conseils pratiques pour quotidien bouleversifié et autres gourous médiatiques du bien-être qui nous déversent sur l’intime confiné des louchées de docte bienveillance. Alors j’ai tourné le bouton en espérant échapper à cette logorrhée consolatrice, eeeet merde ! Je suis tombé comme se doit sur une de ces chaînes d' information continue qui nous coronavide la cervelle 24h sur 24. De colère, j’ai éteindu violemment tous mes appareils qui causent, j’ai jeté toutes les zappettes par la fenêtre, je me suis assis dans mon fauteuil préféré et j’ai commencé sur le champ une cure de Beauté Muette en me plongeant avec délices dans de beaux livres d’art, que j’avais ouverts une fois… avant de les ranger dans ma bibliothèque en me disant que je prendrais le temps, un jour, de les regarder… Ah, quel bonheur de s’immerger en silence dans le plaisir oculaire en compagnie de gens qui vous prêtent, en un instant arrêté, leur coup d’œil exceptionnel pour en faire une vision ! C’est une jouissance qui devient vite addictive ! Les tableaux, c’est comme les chocolats : l’un appelle l’autre. On peut s’y vautrer les yeux sans fin…
Mais ils nous font aussi voir le monde autrement. J’avais lu autrefois le Journal de Delacroix ; il y défendait avec ardeur la suprématie des arts du silence sur ceux de la parole. Et tout d’un coup, dans le contexte où nous nuus débattons, ça m’a frappé : il a foutrement raison, le Delacroix ! La pertinence immédiate de la peinture (et de la caricature) tient à ce qu’elle nous raconte le monde au premier coup d’œil. Alors que les discours… Entre les sermons grandiloques de Mgr Macron, les cours diagrammo-pédagogiques du capitaine Barbe Grise, et les logorrhées radio-télévisuelles susdites, côté pertinence concise, on est gâtés !
Ça m’a donné une idée rigolote.
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Je suis allé chercher chez les grands peintres quelques réponses aux questions qui nous pompent l’anxiogène, divers conseils pratiques pour vivre en bocal sans trop nous mettre la rate au bourre-couillon, et des exemples de bonnes attitudes à adopter pour gérer les dégâts collatéraux de la réclusure dans notre vie quotidienne. J’ai pas mal tâtonné, Au bout d’une semaine, ça a fini par prendre la forme picturale et farfeloufoque d’une…
FOIRE AUX QUESTIONS spéciale Confinure :
LES TÊTES DE L’ART VOUS RÉPONDENT
Une question de Jérôme :
Au secours, je ne les suppooorte pluuus ! Je commence à regarder fixement les couteaux dans la cuisine… je vais faire une bêtise…
Le Caravage vous répond :
Respirez à fond, prenez un crayon et un papier et déchargez-vous émotionnellement en commençant un journal.
Une question de Judith : Il m’a encore mis l’œil gauche au beurre noir… je ne sais plus quoi faire… je me sens si seule, jeune et sans expérience...
Le Caravage vous répond :
Partagez votre fardeau, parlez-en à une vieille amie… elle vous aidera à trancher la question !
Question d’une arlésienne : Quand je me suis levée, j'ai été à la fenêtre… tout était noir et ça a commencé à tourner… je crois que je deviens folle !
Vincent V. G. vous répond :
Pas de panique, retournez à votre table de nuit en faisant le chemin à l’envers et posez-vous la bonne question.
Une question de Sébastien :
Ça fait un mois que je garde les mômes à la maison... je ne sais plus quoi inventer pour les occuper !
Le Pérugin vous répond :
Ne vous inquiétez pas, et faites confiance à leur créativité naturelle pour inventer toujours de nouveaux jeux d’intérieur...
Une question du mari de la concierge :
Je suis gardien de l’immeuble ; les ados du 6ème jouent au foot sur le palier et n’arrêtent pas de me harceler...
Mantegna vous répond :
Tournez la situation à votre avantage et monnayez-la : les parents seront trop heureux de vous donner un pourboire pour ne plus les avoir dans l’appart’...
Une question de Marie, de Nazareth :
Mon mari travaille dans le bâtiment et je reste seule à la maison avec le petit ; c’est un hyperactif… il m’épuise...
Botticelli vous répond :
Profitez de sa précocité et commencez à lui apprendre à lire, il s’occupera tout seul…
Une autre question de Marie, en Égypte :
Quand mon mari rentre du chantier, il reste des heures à nous regarder d’un air songeur, le petit et moi ; il me fait peur...
Andrea del Sarto vous répond :
C’est un taiseux, mais c’est un brave homme ; et puis il va lui apprendre un bon métier… les planches et les clous ça peut devenir une passion...
Une question d’Hendrickje, d’Amsterdam : Les journées passent et se ressemblent... je ne m’habille plus... je commence à patauger dans la flaque de mes habitudes...
Pierre-Paul Rubens vous répond : Retroussez vos manches et consultez votre horoscope du jour… Vierge : un évènement imprévu viendra pimenter votre vie !
Une question de Paul, en Syrie :
Coronaguères, j’étais du genre à cheval sur les principes, alors je me suis confiné dans mon grand appart’ pharisien ; je faisais mon jogging en galopant dans les escaliers de la cave à la chambre de bonne... quand je suis arrivé en vue du tapis de Damas du salon, j’ai eu un grand éclair… depuis, je suis désarçonné… je me demande si je ne devrais pas changer de boulot ?
Le Caravage vous répond :
Cher Paul, par les temps qui courent, ça n’était pas vraiment une bonne idée de passer par Damas… mais vous avez du coffre et vous êtes outillé, vous allez vous reconvertir.
Une question d’un vieil arlésien : Je reste à longueur de journée prostré sur une chaise… je n’arrive plus à communiquer…
Vincent V.G. vous répond : Transformez ce retour passif sur vous-même en énergie positive… recentrez-vous… faites remonter avec bonheur des souvenirs anciens, ils vous aideront à vous reconnecter…
Une question de la jeune Écho, : Sé dur la confinure nure nure… ch’peupus dire à ma mère ke j’sors fair’ un tour ds la natur kejèm (alorkesé pour aller biser mon copain pain pain…) depui 1 moi, on s’envoi des selfies en ptite tenue nue nue, et on pass’ des heur à s’regarder, mais sé pas pareil reil reil…
J. W. Waterhouse vous répond : Chère Écho… essayer de combler l’absence du désirable-désiré par un échange d’images à fort potentiel hormonal est de tout à fait de votre âge… il n’y a pas de mal à se faire du bien. Mais attention, n’en faites pas une habitude : vous êtes un couple à risques ! Dans votre cas, chère Écho, la répétition peut rapidement engendrer un TOC… TOC… TOC… Et Narcisse, en se focalisant sur sa propre image, s’expose à un fort risque pathologique de perte de ses moyens de communication avec autrui…
Une question de Kévin : Elle a raison la p’tite… c’est achement dur la confinure. Le plus nul c’est qu’on peut plus s’faire de matches-de-foot-pizza-bière-canapé avec les potes. Heureusement, avec mon beauf’, on a trouvé la parade : on se fait des Skype apéros avec nos copains. C’est super sympa ! Mais ça a ses limites : je peux pas taper dans le dos à mon beauf’ (ni m’embrasser avec ma belle-sœur en douce pendant que ma femme est à la cuisine)... Bref, c’est pareil que comme disait la gamine qui se répète : c’est pas pareil !
Michel-Ange vous répond : Bravo. S’efforcer de combler l’absence relations amicales de proximité par une web-convivialité à distance est assurément salutaire pour garder ses repères psycho-sociaux. Et cela peut vous permettre en outre de cultiver d’autres formes de sociabilité de proximité… (Par exemple en retrouvant le plaisir d’embrasser votre femme sur le canapé avant d’aller chercher vous-même les chips à la cuisine) Enfin, vous avez raison, l’application Skype a ses limites : elle ne
permet d’ouvrir qu’un nombre limité de fenêtres sur l’écran de votre tablette…
Question d’un instituteur amateur : Bonjour, je suis confiné en télétravail depuis 5 semaines avec mes 3 gamins. C’est l’enfer : il faut que je leur fasse l’école ! Enseignant, c’est vraiment un boulot à la c… (à la prochaine réunion parents-prof, c’est promis : au lieu de la ramener, comme d’habitude, je leur amènerai des chocolats). En attendant, vous n’auriez pas 2 ou 3 tutos ?
Ingres, Bronzino et Ozias Beert vous répondent : • Ingres : Je vous prête un tableau qui pourra vous faire 3 leçons. Une
première leçon d’histoire, en leur racontant l’épopée napoléonienne. Une deuxième d’éducation civique, en leur faisant décrypter tous les insignes de pouvoir que ce foutu mégalo a voulu que j’accumule sur mon tableau pour impressionner le téléspectateur de l’époque (pas inutile d’éveiller les jeunes consciences en ces temps de lois d’exception). Et une troisième de morale politique en leur expliquant qu’être petit, super brillant, beau parleur, charismatique et hyperactif, avoir une idée de réforme à la minute et épuiser une armée de collaborateurs en ne dormant que 4 heures par nuit ne fait pas forcément de vous un mec bien… (mais peut faire 3,5 à 6,5 millions de morts en 12 ans)
• Bronzino : Je vous prête aussi un
tableau qui pourra vous faire 3/4 leçons. Une double leçon de SVT avec un chapitre « anatomie rigolote » et un chapitre « facéties de la génétique ». Une deuxième d’histoire en faisant découvrir à vos jeunes pousses ce que ce « Portrait du nain Morgante en Bacchus » nous apprend de la mythologie, mais surtout du goût discutable des puissants de la Renaissance pour les ménageries privées d’êtres humains. Et une troisième d’éducation civique en les faisant réfléchir sur l’acceptation sociale de la différence en comparant le vedettariat de Morgante et celui de Mimie Mathy dans « Joséphine ange gardien ».
• Ozias Beert : et moi, je vous prête un tableau qui pourra vous faire une leçon à tiroirs multiples : SVT- éducation du goût - diététique – cuisine et gastronomie. Et si vous combinez mon tableau avec les 2 autres, vous pouvez avoir en prime une leçon de mathématiques rigolotes !
Pas deviné ? C’est pourtant simple : sceptre et nain, huîtres !
Et pour finir, une question d’un jeune arlésien sur la déconfinure : Le premier ministre a dit que le 11 mai on pourrait commencer à sortir, mais qu’après, tout ne serait pas comme avant ! Avant, on avait l’habitude d’aller se promener en amoureux la nuit au bord du Rhône. C’est beau, c’est romantique (et puis ça nous donnait souvent des idées…). Est-ce qu’on pourra encore faire ça, après ?
Vincent V.G. vous répond : Oui, mais il vous faudra être inventif, car vous ne pourrez sortir qu’avec un masque… Équipez-vous en conséquence…
Bon, ça commence à être n’importe quoi,
j’arrête là !
Mais avant de fermer ce petit livret… Ne manquez sous aucun prétexte les conseils de confinure du Syndicat National des Guides-conférenciers des musées de France Cliquez ou recopiez dans votre browser : https://www.youtube.com/watch?v=-ZuXINAAP0s À plus tard… JAC